MORALE D'ARISTOTE, TRADUITE PAR J. BARTHÉLEMY-SAINT HILAIRE, MEMBRE DE L'INSTITUT (ACADEMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES), TOME III GRANDE MORALE ET MORALE A EUDEME PARIS, A. DURAND, LIBRAIRE, RUE DES GRES, 50, LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE DE LADRANGE, RUE ST-ANDRE-DES-ARTS, 41, 1856.
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MORALE A EUDÈME
LIVRE I.
DU BONHEUR. Du bonheur. Des causes du bonheur ; ces causes sont, ou la nature, ou l'éducation, ou la pratique et l'expérience ; elles peuvent être aussi, ou la faveur spéciale des Dieux, ou le hasard. - Le bonheur se compose surtout de trois éléments, la raison, la vertu, et le plaisir. Des moyens de se procurer le bonheur. Il faut se proposer un but spécial dans la vie, et ordonner toutes ses actions sur ce plan.- Il ne faut pas confondre le bonheur avec ses conditions indispensables. Des théories antérieures. Il ne faut pas tenir compte des opinions du vulgaire ; il ne faut étudier que celles des sages. — Il est plus conforme à la raison et plus digne de Dieu de croire que le bonheur dépend des efforts de l'homme, plutôt que de croire qu'il est le résultat du hasard ou de la nature. Définition du bonheur. Des divers genres de vie où la question du bonheur n'est point impliquée. — il y a trois genres de vie que l'on embrasse quand on est maître de choisir à son gré : la vie politique, la vie philosophique et la vie de plaisir, de jouissances. -- Réponse et opinion d'Anaxagore sur le bonheur. Des misères de la vie humaine ; il vaudrait mieux ne pas vivre. Belle réponse d'Anaxagore. -- Opinions diverses des hommes sur le bonheur; la vertu et la sagesse sont les éléments indispensables du bonheur. --- Erreur de Socrate qui croyait que la vertu est une science ; la vertu consiste essentiellement dans la pratique. De la méthode à suivre dans ces recherches. Utilité de la théorie et du raisonnement; mais il faut les appuyer par des faits et par des exemples. Cette méthode est utile même en politique. — Danger des digressions et des généralités ; il faut tout ensemble critiquer la méthode et les résultats qu'elle donne. --- Citation des Analytiques. Du bonheur. --- On convient que c'est le plus grand des biens accessibles à l'homme. L'homme seul, en dehors de Dieu, peut être heureux. Les ares inférieurs à l'homme ne peuvent jamais être appelés heureux. Du bien suprême. Examen de trois théories principales sur cette question. -- Réfutation de la théorie du bien en soi, et de la théorie générale des Idées. Elles ne peuvent servir en rien à la vie pratique. — Le bien se retrouve dans toutes les catégories ; il y a autant de sciences du bien qu'il y a de sciences de l'être. — Méthode inexacte pour démontrer le bien en soi. — La politique ainsi que la morale étudient et poursuivent un bien qui leur est propre. LIVRE II.
DE LA VERTU.
CHAPITRE PREMIER. Considérations psychologiques; idée générale de la vertu; la vertu est l'œuvre propre de l'âme. Définition dernière du bonheur; justification de cette définition. — Deux parties distinctes dans l'âime : l'une douée de raison, et l'autre pouvant obéir à la raison. — Distinction analogue des vertus, en vertus intellectuelles et vertus morales. — Définition de la vertu. CHAPITRE II. De la vertu morale : c'est un résultat de l'habitude, dont les êtres animés sont seuls capables. — Des passions; des facultés qu'elles supposent, et des manières d'être qu'elles causent. CHAPITRE III. Du rôle des milieux en toutes choses, La vertu morale est un milieu. — Table de quelques vertus et des deux vices extrêmes, Explication de cette table; analyse de quelques caractères. — Il y a des passions et des vices où il n'y a point à distinguer le plus et le moins, et qui sont blâmables par eux seuls. CHAPITRE IV. Des deux parties de l'âme, et de la division correspondante des vertus, en vertus intellectuelles et vertus morales. — La vie morale tout entière consiste dans les plaisirs et les peines que l'homme éprouve, et dans le choix qu'il sait faire des uns et des autres. CHAPITRE V. De la vertu morale. Elle est toujours un milieu, qui est tantôt dans le plaisir, tantôt dans la douleur. Difficulté de bien reconnaître l'excès et le défaut d'après lequel on doit caractériser le vice contraire a la vertu. CHAPITRE VI. De l'homme considéré comme cause. Il est le seul parmi les animaux à jouir de ce privilège. — De la nature diverse des causes : les causes immobiles, les causes motrices; citations des Analytiques. — L'homme est une cause libre; il peut faire ou ne pas faire ce qu'il fait. De la louange et du blâme dont la vertu et le vice sont l'objet; la vertu et le vice sont purement volontaires, et dépendent du libre arbitre de l'homme. CHAPITRE VII. Du volontaire et de l'involontaire. Du libre arbitre comme source de la vertu et du vice. — Tout acte vient de l'appétit, de la réflexion ou de la raison. De l'appétit considéré dans sa première nuance qui est le désir : citation d'Evénus. L'acte qui suit le désir, semble tantôt volontaire et tantôt involontaire : contradictions diverses. — L'acte, qui est suivant le cœur, seconde nuance de l'appétit, offre les mêmes contradictions. Citation d'Heraclite.—La liberté ne se confond pas avec l'appétit. CHAPITRE VIII. Définition de λ'acte volontaire; Il suppose toujours remploi de la raison. Le nécessaire, ou la force.— Différence de l'homme et des autres êtres animés : λ'acte volontaire vient d'une cause intérieure ; λ'acte nécessaire vient d'une cause étrangère. — De la tempérance et de l'intempérance. — Contrainte morale : les enthousiastes, les devins; mot de Philolaus. — C'est encore affirmer la liberté que de la nier. CHAPITRE IX. Du volontaire et de l'involontaire. Définition de ces deux termes. CHAPITRE X. De l'intention ; son rapport à la volonté ; ses différences. L'intention ne peut se confondre ni avec le désir, ni avec le jugement, ni avec la volonté. L'intention ne s'adresse jamais à une fin; mais elle s'adresse seulement aux moyens qui mènent à cette fin. — Rapport de l'intention à la liberté. La délibération ne peut s'appliquer qu'aux choses qui dépendent de nous. — L'intention est un composé du jugement et de la volonté. L'homme seul est doué de oette faculté; il ne l'a pas à tout âge, ni en toute circonstance; sagesse des législateurs. — Citation des Analytiques.—La volonté de l'homme ne s'applique naturellement qu'au bien réel ou apparent. Origine de l'erreur. — Influence du plaisir et de la douleur sur nos jugements et sur la vertu. CHAPITRE XI. De l'influence de la vertu sur l'intention. Elle rend l'action bonne par le but qu'elle se propose. L'acte, à un certain point de vue, a plus d'importance que l'intention ; mais c'est l'intention seule qui fait le mérite ou le démérite. — C'est surtout sur les actes qu'il faut juger le caractère d'un homme. LIVRE III.
ANALYSE DE QUELQUES VERTUS PARTICULIERES.
CHAPITRE PREMIER. Du courage. C'est un milieu entre la lâcheté et la témérité ; portraits du lâche et de l'homme courageux. — A quels objets s'applique le courage? Définition du danger. L'homme de courage peut être effrayé quelquefois; mais il sait toujours se soumettre aux ordres de la raison. — Cinq espèces de courage ; citation de Socrate. — Examen de quelques questions particulières. Les choses vraiment à craindre sont celles qui peuvent amener la mort et une mort prochaine. — Influence de l'organisation sur le courage. Courage aveugle des Celtes, et en général des barbares : citation d'Agathon. Courage des matelots et des soldats : citation de Théognis. Courage par honneur : citation d'Homère. — Résumé de la théorie sur le courage. CHAPITRE II. De l'intempérance et de la débauche ; sens divers de ces mots. De l'insensibilité opposée à l'intempérance. — L'intempérance se rapporte plus particulièrement à deux sens, le goût et le toucher. On pourrait la réduire même au dernier tout seul. — Comparaison de l'homme et des animaux : les animaux ne sont pas intempérants ; sensations diverses qui leur manquent : citation de Stratonicus. — Résumé de la théorie sur la tempérance. CHAPITRE IIΙ. De la douceur. Elle se rapporte à la colère; et elle est un milieu entre la dureté, qui s'emporte sans cesse et pour rien, et l'humilité, qui n'ose jamais s'irriter, même pour les causes les plus légitimes. CHAPITRE IV. De la libéralité. Elle se montre aussi bien dans la perte que dans l'acquisition de la fortune. — La libéralité est le milieu entre l'avarice et la prodigalité. — Nuances diverses de l'avarice. CHAPITRE V. De la grandeur d'âme. Définition du magnanime; il y a une certaine magnanimité dans toutes les vertus. — La grandeur d'âme est le dédain pour bien des choses; elle s'inquiète assez peu de l'opinion vulgaire. Citation d'Antiphon. — Contradiction apparente des sentiments qui font la grandeur d'âme. — Quatre caractères différents qu'il faut distinguer, pour bien comprendre ce que c'est que la grandeur d'ame ; analyse de ces quatre caractères. CHAPITRE VI. De la magnificence. Elle s'applique uniquement à la dépense et à remploi de l'argent — Elle est une juste mesure entre les deux excès de la prodigalité et de la mesquinerie. — Exemple de Thémistocle. — La libéralité convient aux hommes libres. CHAPITRE VIΙ. De différents caractères. L'envieux, le haineux. — Du respect humain; de l'impudence; de l'amabilité et de la bienveillance; de la gravité et du respect de soi; de la sincérité, milieu entre la fausseté et la jactance; du savoir-vivre et de la politesse dans les relations de société, en ce qui concerne la plaisanterie. — Réflexions générales sur ces diverses qualités et sur ces caractères.
LIVRE VIl.
THEORIE DE L'AMITIE.
CHAPITRE PREMIER. De l'amitié. De son importance sociale. — Théories diverses sur l'amitié : l'amitié se forme du semblable au semblable; elle se forme du contraire au contraire. Citation d'Empédocle. Insuffisance de ces théories. — Citation d'Heraclite. — Théories qui fondent l'amitié sur l'intérêt, et qui la révoquent en doute. CHAPITRE II Suite de la théorie de l'amitié. Distinction du plaisir et du bien. Le bien doit toujours s'entendre de ce qui est trouvé tel par une nature bien organisée. — Trois espèces d'amitié : par vertu, par intérêt, par plaisir. La première est la seule vraie ; elle est la seule digne de l'homme; l'amitié par intérêt peut se trouver même dans les animaux. — Grandeur et dignité de la véritable amitié ; rapport de l'amitié et du plaisir; l'amitié par vertu est la seule qui soit vraiment solide; les autres peuvent changer constamment — Le temps est indispensable pour fonder l'amitié en l'éprouvant. Citation de Théognis L'infortune fait connaître les vrais amis. — Explication des liaisons assez fréquentes entre les méchants et les gens de bien. — On se lie toujours par les bons côtés; et il n'y a pas d'homme qui n'en ait quelques-uns. CHAPITRE III. De l'égalité dans l'amitié : il peut y avoir amitié du supérieur à l'inférieur ; mais cette amitié est de part et d'autre fort différente. — Des discordes et des divisions en amitié et en amour. CHAPITRE IV. De l'égalité et de l'inégalité dans l'amitié. Le supérieur dans la plupart des cas peut se laisser aimer, mais il n'est pas tenu d'aimer. — Différence des gens ambitieux en amitié, et des gens vraiment affectueux. On recherche le plus souvent l'amitié de supériorité. — Aimer est plus selon l'amitié qu'être aimé. Citation de l'Andromaque d'Antiphon. — Affection qui survit aux morts. CHAPITRE V. Conciliation des opinions opposées sur la nature de l'amitié. Manières d'entendre ces principes, que le semblable est l'ami du semblable, ou le contraire l'ami du contraire. — C'est dans le vrai milieu uniquement que se trouve la jouissance et le repos. — Les caractères opposés se plaisent en se compensant en quelque sorte mutuellement. CHAPITRE VI. De l'amour de soi. On ne peut pas le confondre avec l'amitié proprement dite. — Rapports et différences de l'amour de soi et de l'amitié. —- Il n'y a que l'homme de bien qui puisse s'aimer lui-même. Le méchant est avec lui-même dans une lutte perpétuelle. CHAPITRE VII De la concorde et de la bienveillance. — Rapports et différences de la bienveillance et de l'amitié. — La bienveillance n'agit pas. — Rapports et différences de la concorde et de l'amitié. — La concorde est le véritable lien des États, en unissant les citoyens entr'eux. CHAPITRE VIII. De l'affection réciproque des bienfaiteurs et des obligés. — Si le bienfaiteur aime plus qu'il n'est aimé, c'est que l'obligé est en quelque sorte son œuvre, et que naturellement on aime toujours ce qu'on a fait, comme le prouve l'affection des parents pour leurs enfants, et même celle des animaux pour leurs petits. CHAPITRE IX. De la justice dans les relations d'amitié et dans les associations de toutes sortes, politiques, commerciales, particulières. — Des diverses formes de gouvernement. — La proportion est, en général, la seule égalité véritable et juste. CHAPITRE X. Des fondements de la société civile et politique. — L'homme est surtout un être capable d'association. — La famille est le principe de l'État, et la justice n'y est pas moins nécessaire. Rapports des divers membres de la famille entr'eux, — Entre le chef et le sujet, la différence ne peut être que la proportion, Le supérieur doit donner plus qu'il ne reçoit, et il est payé en honneurs et en respects. — La société civile se fonde sur l'intérêt De l'association légale comparée à l'association purement morale. — La liaison par intérêt est celle qui est le plus exposée aux querelles et aux récriminations. Erreurs fréquentes que l'on commet de part et d'autre dans les liaisons que l'on contracte. Mécomptes réciproques. Loi remarquable de quelques pays. Citation de Théognis. Différence de la convention civile et formelle, et de la convention purement morale et facultative. Prodicus, le médecin, cité. — La proportionnalité peut toujours compenser les choses, même dans les rapporte les plus délicats et les plus difficiles. CHAPITRE XI. Questions diverses et peu sérieuses : Faut-il faire du bien à un ami utile, plutôt qu'à un ami honnête? — Citation d'Euripide. — Les définitions ordinaires de l'amitié sont fausses, en ce qu'elles sont toujours partielles.— Erreurs en amitié, quand, au fond, on aime les choses plus que les personnes. CHAPITRE XII. De l'isolement et de l'indépendance. Comparaison de l'isolement avec la vie commune. — De l'indépendance divine. — Discussion de ces théories. Éclaircissements sur la véritable idée de la vie, qui consiste à la fois a sentir et à connaître. Arguments en sens contraires. — Charme et douceur de la vie commune. — Il n'y a que Dieu qui n'ait point besoin d'amis. — Sacrifices mutuels que se font les amis. — Ce qu'on désire par dessus tout, c'est le bonheur de son ami; et l'on peut renoncer à la vie commune pourqu'il soit heureux; mais en général on recherche la vie commune, et il se peut qu'on préfère souffrir avec un ami plutôt que d'avoir à souffrir de son absence.
POUR CERTAINS COMMENCE ICI UN LIVRE VIII
CHAPITRE XIII. Digression sur l'usage essentiel et sur l'usage indirect des choses; on peut, jusqu'à certain point, abuser également des facultés de l'âme. — Lacunes et désordre dans le texte. CHAPITRE XIV. Du bonheur qui ne tient qu'au hasard. Examen de cette question, de savoir s'il y a des gens qui sont naturellement heureux et malheureux. On ne peut nier qu'il n'y ait des gens qui réussissent contre toute raison et malgré leur incapacité. Arguments en sens contraire. — On ne doit pas tout attribuer au hasard; mais on ne doit pas non plus lui dénier toute influence. Souvent on fait sans raison, sans habileté, tout ce qu'il faut pour réussir; c'est une heureuse impulsion de la nature qui fait agir. — Il ne faut pas aller jusqu'à rapporter au hasard la volonté et la réflexion dans l'homme; influence de l'élément divin dans l'âme humaine. — Le succès qu'assurent la raison et l'intelligence, est le seul qui puisse être solide et durable. CHAPITRE XV. De la beauté morale, et de la vertu prise dans son ensemble et dans sa perfection. Il faut distinguer moralement entre les choses qui sont simplement bonnes, et celles qui, outre qu'elles sont bonnes, sont belles et dignes de louange. --- Conditions de la beauté morale; limites dans lesquelles le sage doit se renfermer. — Toute la conduite morale de l'homme doit tendre à servir Dieu et à le contempler. — Fin de ce traité. |