Morale à Eudème
MORALE A EUDÈME LIVRE II. DE LA VERTU. CHAPITRE IV. Des deux parties de l'âme, et de la division correspondante des vertus, en vertus intellectuelles et vertus morales. — La vie morale tout entière consiste dans les plaisirs et les peines que l'homme éprouve, et dans le choix qu'il sait faire des uns et des autres. |
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1 Εἰλημμένων δὲ τούτων, μετὰ ταῦτα λεκτέον ὅτι ἐπειδὴ δύο μέρη τῆς ψυχῆς, καὶ αἱ ἀρεταὶ κατὰ ταῦτα διῄρηνται, καὶ αἱ μὲν τοῦ λόγον ἔχοντος διανοητικαί, ὧν ἔργον [30] ἀλήθεια, ἢ περὶ τοῦ πῶς ἔχει ἢ περὶ γενέσεως, αἱ δὲ τοῦ ἀλόγου, ἔχοντος δ᾽ ὄρεξιν (οὐ γὰρ ὁτιοῦν μέρος ἔχει τῆς ψυχῆς ὄρεξιν, εἰ μεριστὴ ἐστίν), 2 ἀνάγκη δὴ φαῦλον τὸ ἦθος καὶ σπουδαῖον εἶναι τῷ διώκειν καὶ φεύγειν ἡδονάς τινας καὶ λύπας. Δῆλον δὲ τοῦτο ἐκ τῶν διαιρέσεων τῶν περὶ τὰ [35] πάθη καὶ τὰς δυνάμεις καὶ τὰς ἕξεις. Αἱ μὲν γὰρ δυνάμεις καὶ αἱ ἕξεις τῶν παθημάτων, τὰ δὲ πάθη λύπῃ καὶ ἡδονῇ διώρισται· 3 ὥστε διά τε ταῦτα καὶ διὰ τὰς ἔμπροσθεν θέσεις συμβαίνει πᾶσαν ἠθικὴν ἀρετὴν περὶ ἡδονὰς εἶναι καὶ λύπας. Πᾶσα γὰρ ψυχὴ ὑφ᾽ οἵων πέφυκε γίνεσθαι [40] χείρων καὶ βελτίων, πρὸς ταῦτα καὶ περὶ ταῦτά ἐστιν ἡ ἡδονή. 4 [1222a] Δι᾽ ἡδονὰς δὲ καὶ λύπας φαύλους εἶναι φαμέν, τῷ διώκειν καὶ φεύγειν ἢ ὡς μὴ δεῖ ἢ ἃς μὴ δεῖ. Διὸ καὶ διορίζονται πάντες προχείρως ἀπάθειαν καὶ ἠρεμίαν περὶ ἡδονὰς καὶ λύπας εἶναι τὰς ἀρετάς, τὰς δὲ κακίας ἐκ [5] τῶν ἐναντίων. |
1 Après toutes ces considérations, il faut dire que l'âme ayant deux parties différentes, les vertus aussi se divisent selon qu'elles appartiennent à ces deux parties distinctes. Les vertus de la partie qui possède la raison sont les vertus intellectuelles ; leur objet, [30] c'est la vérité ; et elles s'occupent, soit de la nature des choses, soit de leur production. Les autres vertus sont propres à la partie de l'âme qui est irrationnelle, et qui n'a que l'instinct en partage ; car toutes tes parties de l'âme ne possèdent pas l'instinct, bien que l'âme soit divisée. 2 Nécessairement, on le sait, le caractère moral est mauvais ou bon, selon qu'on recherche ou qu'on fuit certains plaisirs ou certaines peines. Cela même ressort évidemment des divisions que nous avons établies entre les [35] passions, les facultés, et les manières d'être morales. Les facultés et les manières d'être se rapportent aux passions; et les passions elles-mêmes ne sont définies et déterminées que par le plaisir et la douleur, 3 Il résulte de là, et des principes antérieurement posés, que toute vertu morale est relative aux peines et aux plaisirs que l'homme éprouve ; car le plaisir ne peut jamais s'adresser qu'aux choses qui rendent naturellement l'âme humaine [40] pire ou meilleure ; et il ne se trouve qu'en elles. 4 [1222a] Les hommes ne sont appelés vicieux qu'à cause de leurs jouissances et de leurs douleurs, parce qu'ils poursuivent et fuient les unes et les autres autrement qu'il ne faut, ou bien celles qu'il ne faut pas. Aussi, tout le monde convient aisément que les vertus consistent dans une certaine apathie, un certain calme à l'égard des plaisirs et des peines, et que les vices consistent dans [5] des dispositions toutes contraires. |
CH. IV. Morale à Nicomaque, livre I, ch. 11, et livre II, ch. 1 et 3 ; Grande Morale, livre I, ch. 5 et 6. § 1. Soit de la nature des choses. C'est l'observation des faits. — Soit de leur production. C'est ta recherche des actes qui sont à faire, et la règle de la conduite. — Les autres vertus. Les vertus morales, par opposition ans vertus intellectuelles. — Qui n'a que l'instinct en partage. On doit comprendre, d'après les théories bien connues de la Morale à Nicomaque, qu'il s'agit ici d'un instinct rationnel, c'est-à-dire de cette disposition qui permet à cette partie de l'âme d'entendre et de suivre les ordres de la raison, sans la posséder elle-même. § 2. Que nous avons établis. Voir plus haut, ch. 3, § 4. § 3. Toute vertu morale est relative... Déjà plus haut, j'ai fait remarquer que ce principe était un peu étroit, et que par conséquent il était très-contestable. Voir aussi la Morale à Nicomaque, livre II, du 3, § 5. § 4. Les hommes ne sont appelés vicieux. On peut être vicieux sans trouver du plaisir à faire le mal, sans fuir une douleur que le devoir impose. § 5. Une certaine apathie. Ce n'est pu l'insensibilité générale recommandée pins tard par le Stoïcisme; c'est plutôt une certaine modération, qui sait dominer les passions et les amortir. |