Morale à Eudème
MORALE A EUDÈME LIVRE I. DU BONHEUR.
CHAPITRE III. |
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1 Πάσας μὲν οὖν τὰς δόξας ἐπισκοπεῖν, ὅσας ἔχουσί τινες περὶ αὐτῆς, περίεργον (πολλὰ γὰρ φαίνεται καὶ τοῖς [30] παιδαρίοις καὶ τοῖς κάμνουσι καὶ παραφρονοῦσι, περὶ ὧν ἂν οὐθεὶς νοῦν ἔχων διαπορήσειεν· δέονται γὰρ οὐ λόγων, ἀλλ᾽ οἳ μὲν ἡλικίας ἐν ᾗ μεταβαλοῦσιν, οἳ δὲ κολάσεως ἰατρικῆς ἢ πολιτικῆς· κόλασις γὰρ ἡ φαρμακεία τῶν πληγῶν οὐκ ἐλάττων ἐστίν), 2 ὁμοίως δὲ ταύταις οὐδὲ τὰς τῶν πολλῶν <ἐπισκεπτέον> (εἰκῇ γὰρ λέγουσι σχεδὸν περὶ ἁπάντων, [1215] καὶ μάλιστα περὶ [ἐπισκεπτέον] <εὐδαι>μονίας· ἄτοπον γὰρ προσφέρειν λόγον τοῖς λόγου μηθὲν δεομένοις, ἀλλὰ πάθους)· 3 ἐπεὶ δ᾽ εἰσὶν ἀπορίαι περὶ ἑκάστην πραγματείαν οἰκεῖαι, δῆλον ὅτι καὶ περὶ [5] βίου τοῦ κρατίστου καὶ ζωῆς τῆς ἀρίστης εἰσίν. Ταύτας οὖν καλῶς ἔχει τὰς δόξας ἐξετάζειν· οἱ γὰρ τῶν ἀμφισβητούντων ἔλεγχοι τῶν ἐναντιουμένων αὐτοῖς λόγων ἀποδείξεις εἰσίν. 4 Ἔτι δὲ πρὸ ἔργου τὸ τὰ τοιαῦτα μὴ λανθάνειν, μάλιστα πρὸς ἃ δεῖ συντείνειν πᾶσαν σκέψιν, ἐκ τίνων ἐνδέχεται [10] μετασχεῖν τοῦ εὖ καὶ καλῶς ζῆν, εἴ τῳ μακαρίως ἐπιφθονώτερον εἰπεῖν, καὶ πρὸς τὴν ἐλπίδα τὴν περὶ ἕκαστα γενομένην ἂν τῶν ἐπιεικῶν. 5 Εἰ μὲν γὰρ ἐν τοῖς διὰ τύχην γινομένοις ἢ τοῖς διὰ φύσιν τὸ καλῶς ζῆν ἐστίν, ἀνέλπιστον ἂν εἴη πολλοῖς (οὐ γάρ ἐστι δι᾽ ἐπιμελείας ἡ κτῆσις [οὐδὲ] ἐπ᾽ αὐτοῖς [15] οὐδὲ τῆς αὐτῶν πραγματείας)· εἰ δ᾽ ἐν τῷ αὐτὸν ποιόν τινα εἶναι καὶ τὰς κατ᾽ αὐτὸν πράξεις, κοινότερον ἂν εἴη τὸ ἀγαθὸν καὶ θειότερον, κοινότερον μὲν τῷ πλείοσιν ἐνδέχεσθαι μετασχεῖν, θειότερον δὲ τῷ κεῖσθαι τὴν εὐδαιμονίαν τοῖς αὑτοὺς παρασκευάζουσι ποιούς τινας καὶ τὰς πράξεις. |
1 Il serait fort inutile d'examiner une à une toutes les opinions émises à ce sujet. Les idées qui passent par la tête [30] des enfants, des malades ou des hommes pervers, ne méritent pas l'attention d'un esprit sérieux. Il n'est que faire de raisonner avec eux. Mais les uns n'ont besoin que de quelques années de plus qui les changent et les mûrissent ; les autres ont besoin du secours de la médecine, ou de la politique qui les guérit ou les châtie ; car la guérison que procurent les châtiments n'est pas un remède moins efficace que ceux de la médecine. 2 De même non plus, il ne faut pas en ce qui regarde le bonheur considérer les opinions du vulgaire. Le vulgaire parle de tout avec une égaie légèreté, [1215] et particulièrement de... ; il ne- faut tenir compte que de l'opinion des sages. Ce serait un tort que de raisonner avec des gens qui n'entendent pas la raison, et qui n'écoutent que la passion qui les entraîne. 3 Du reste, comme tout sujet d'étude soulève des questions qui lui sont entièrement spéciales, et qu'il y en a aussi de ce genre en ce qui regarde [5] la vie la meilleure que l'homme puisse suivre, et l'existence qu'il peut adopter préférablement à toutes les autres, voilà les opinions qui méritent un sérieux examen ; car les arguments des adversaires, quand on les a réfutés, sont les démonstrations des jugements opposés aux leurs. 4 De plus, il est bon de ne pas oublier le but auquel principalement doit tendre toute cette étude, à savoir de connaître les moyens [10] de s'assurer une existence bonne et belle, si l'on ne veut pas dire parfaitement heureuse, mot qui peut sembler trop ambitieux ; et de satisfaire l'espérance qu'on peut avoir, dans toutes les occasions de la vie, de ne faire que des choses honnêtes. 5 Si l'on ne fait du bonheur que le résultat du hasard ou de la nature, il faut que la plus grande partie des hommes y renoncent ; car alors l'acquisition du bonheur ne dépend plus des soins de l'homme; il ne relève plus de lui ;[15] l'homme n'a plus à s'en occuper lui-même. Si au contraire on admet que les qualités et les actes de l'individu peuvent décider de son bonheur, dès lors, il devient un bien plus commun parmi les hommes ; et même un bien plus divin ; plus commun, parce qu'un plus grand nombre pourront l'obtenir ; plus divin, parce qu'il sera la récompense des efforts que les individus auront faits pour acquérir certaines qualités, et le prix des actions qu'ils auront accomplies dans ce but. |
Ch. Ill. Morale à Nicomaque, livre I, ch. 2; Grande Monde, livre I, ch. 1. § 1. Ou de la politique. C'est-à-dire, la législation pénale, qui prononce les châtiments contre les coupables. Que ceux de la médecine. J'ai ajouté ceci. § 2. Considérer les opinions du vulgaire. Il ne semble pas que, dans la Morale à Nicomaque, Aristote dédaigne autant les sentiments du vulgaire. Il faut toujours les étudier sauf à les juger. Mais il est vrai qu'ici il est question des enfants et des hommes pervers. Le vulgaire ainsi compris mérite peu d'attention. Et particulièrement de... Il y a Ici une lacune dans le texte. On pourrait la remplir en disant :« de cette question »De l'opinion des sages. Cette fin de phrase que justifie le contexte, est tirée d'une glose dans un manuscrit; elle n'appartient pas à l'original. La passion qui la entraîne. Voir la Morale à Nicomaque, livre X, ch. 10, § 4 § 3. La vie la meilleure. C'est-à-dire, le bien suprême. § 4. Les moyens de s'assurer. Ceci confirme ce qui a été dit plus haut sur l'objet tout pratique du présent traité. ch. 1, § 2. Mot qui peut sembler trop ambitieux. Juste sentiment de l'imperfection humaine. Et de satisfaire l'espérance. Pensées très nobles et très naturelles. § 5. Le résultat... de la nature. C'est cependant à peu près l'opinion qui est soutenue plus loin, livre VII, ch. 14. La plus grande partie des hommes y renoncent. En fait, la plupart des hommes sont malheureux ; mais ils ne renoncent pas à l'espoir du bonheur. Du reste, tous les sentiments exprimés dans cette fin de chapitre sont excellents; et dans la Morale à Nicomaque, Aristote n'a rien dit de mieux. C'est une vérité des plus importantes que le bonheur de l'homme dépend en effet en grande partie de sa conduite et de sa volonté. C'est une loi de la providence. |