Morale à Eudème
MORALE A EUDÈME LIVRE II. DE LA VERTU. CHAPITRE IX. Du volontaire et de l'involontaire. Définition de ces deux termes. |
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1 ἐπεὶ δὲ τοῦτ᾽ ἔχει τέλος, καὶ οὔτε
τῇ ὀρέξει οὔτε τῇ προαιρέσει τὸ ἑκούσιον ὥρισται, λοιπὸν δὴ
ὁρίσασθαι τὸ κατὰ τὴν διάνοιαν. [1225b]
2 δοκεῖ δὴ ἐναντίον εἶναι τὸ
ἑκούσιον τῷ ἀκουσίῳ, καὶ τὸ εἰδότα ἢ ὃν ἢ ᾧ ἢ οὗ ἕνεκα (ἐνίοτε γὰρ
οἶδε μὲν ὅτι πατήρ, ἀλλ᾽ οὐχ ἵνα ἀποκτείνῃ, ἀλλ᾽ ἵνα σώσῃ, ὥσπερ αἱ
Πελιάδες, ἤτοι ὡς τοδὶ μὲν πόμα, ἀλλ᾽ [5] ὡς φίλτρον καὶ οἶνον, τὸ
δ᾽ ἦν κώνειον) τῷ ἀγνοοῦντα καὶ ὃν καὶ ᾧ καὶ ὃ δι᾽ ἄγνοιαν, μὴ κατὰ
συμβεβηκός· τὸ δὲ δι᾽ ἄγνοιαν, καὶ ὃ καὶ ᾧ καὶ ὅν, ἀκούσιον· τὸ
ἐναντίον ἄρ᾽ ἑκούσιον. 3 ὅσα μὲν οὖν ἐφ᾽ ἑαυτῷ ὂν μὴ πράττειν πράττει
μὴ ἀγνοῶν καὶ δι᾽ αὑτόν, ἑκούσια ταῦτ᾽ ἀνάγκη εἶναι, καὶ τὸ [10]
ἑκούσιον τοῦτ᾽ ἐστίν· ὅσα δ᾽ ἀγνοῶν καὶ διὰ τὸ ἀγνοεῖν, ἄκων.
4 ἐπεὶ
δὲ τὸ ἐπίστασθαι καὶ τὸ εἰδέναι διττόν, ἓν μὲν τὸ ἔχειν, ἓν δὲ τὸ
χρῆσθαι τῇ ἐπιστήμη, ὁ ἔχων μὴ χρώμενος δὲ ἔστι μὲν ὡς δικαίως <ἂν>
ἀγνοῶν λέγοιτο, ἔστι δὲ ὡς οὐ δικαίως, οἷον εἰ δι᾽ ἀμέλειαν μὴ
ἐχρῆτο. ὁμοίως δὲ καὶ μὴ ἔχων τις [15] ψέγοιτο ἄν, εἰ ὃ ῥᾴδιον ἢ
ἀναγκαῖον ἦν, μὴ ἔχει δι᾽ ἀμέλειαν ἢ ἡδονὴν ἢ λύπην. ταῦτ᾽ οὖν
προσδιοριστέον.
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1 Après avoir atteint notre but, qui était de prouver que la liberté n'est bien définie ni par l'appétit, ni par la réflexion, il nous reste à spécifier ce qui, dans ce phénomène, regarde la pensée et la raison. 2 [1225b] Un premier point incontestable, c'est que le volontaire paraît l'opposé de l'involontaire ; et qu'agir en sachant à qui l'on s'adresse, comment et pourquoi l'on agit, est tout le contraire d'agir en ignorant à qui l'on s'adresse, comment et pourquoi l'on agit comme l'on fait. J'entends une ignorance réelle et non pas indirecte. Ainsi, vous pouvez avoir dans tel cas qu'il s'agit de votre père, et vous agissez comme vous faites, non pour le tuer mais pour le sauver. Par exemple, les filles de Pélias se trompèrent de cette façon. Ou bien, on se trompe comme se trompent les gens qui donnent un breuvage en croyant que [5] c'est un philtre ou du vin, tandis que c'est du poison. Ce que l'on fait par ignorance des personnes et des choses, et des moyens qu'on emploie, est involontaire; et le contraire est volontaire. 3 Ainsi donc, toutes les choses que l'individu fait, bien qu'il dépende de lui de ne les pas faire, et toutes les choses qu'il fait sans les ignorer et où il agit par lui-même, doivent nécessairement passer pour des choses volontaires; [10] et c'est là ce qu'on entend par la liberté, par le volontaire. Au contraire, tout ce qu'on fait en ignorant ce qu'on fait, et parce que l'on ignore, doit passer pour involontaire. 4 Mais comme savoir ou connaître peut s'entendre en un double sens, et qu'il signifie tantôt posséder la science, et tantôt s'en servir actuellement, celui qui possède la science, mais qui n'en use pas, peut en un sens être justement appelé ignorant, et dans un autre sens, il ne peut pas l'être justement ; par exemple, si c'est par une négligence coupable qu'il ne s'est pas servi de ce qu'il sait. Réciproquement encore, quelqu'un qui ne possède pas la science, qui ne sait pas, [15] peut être parfois blâmé avec toute justice, si c'est par paresse, par abandon au plaisir, ou par crainte de la peine, qu'il a négligé d'acquérir une science qu'il lui était facile ou même nécessaire de posséder. Maintenant que nous avons ajouté ces considérations à toutes les précédentes, nous avons fini ce que nous voulions dire sur le volontaire et l'involontaire. |
CH. IX. Morale è Nicomaque, livre III, ch. 1 et I; Grande Morale, livre I, ch. 14 et 15. § 1. Il nous reste... la pensée et la raison. Il semble que ceci vient d'être fait précisément dans le chapitre qui précède. § 2. Les filles de Pélias. Elles égorgèrent leur père, sur la promesse de Médée, qui devait le ressusciter en le rajeunissant. — Que c'est un philtre. Voir la Grande Morale, livre I, ch. 15, § 2. § 3. Par la liberté, par le volontaire. Ce dernier mot est le seul dans le textes. § 4. Peut s'entendre en un double sens. La distinction est très-réelle; mais l'auteur ne semble pas en tirer toutes les conséquences qu'elle porte. Voir la Morale à Nicomaque, litre VII, ch.3, § 5. |