Morale à Eudème
MORALE A EUDÈME LIVRE I. DU BONHEUR.
CHAPITRE VI. |
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1 Πειρατέον δὲ περὶ πάντων τούτων ζητεῖν τὴν πίστιν διὰ τῶν λόγων, μαρτυρίοις καὶ παραδείγμασι χρώμενον τοῖς φαινομένοις. Κράτιστον μὲν γὰρ πάντας ἀνθρώπους φαίνεσθαι συνομολογοῦντας τοῖς ῥηθησομένοις, εἰ δὲ μή, τρόπον [30] γέ τινα πάντας, ὅπερ μεταβιβαζόμενοι ποιήσουσιν· ἔχει γὰρ ἕκαστος οἰκεῖόν τι πρὸς τὴν ἀλήθειαν, ἐξ ὧν ἀναγκαῖον δεικνύναι πως περὶ αὐτῶν· ἐκ γὰρ τῶν ἀληθῶς μὲν λεγομένων οὐ σαφῶς δέ, προϊοῦσιν ἔσται καὶ τὸ σαφῶς, μεταλαμβάνουσιν ἀεὶ τὰ γνωριμώτερα τῶν εἰωθότων λέγεσθαι [35] συγκεχυμένως. 2 Διαφέρουσι δ᾽ οἱ λόγοι περὶ ἑκάστην μέθοδον, οἵ τε φιλοσόφως λεγόμενοι καὶ μὴ φιλοσόφως. Διόπερ καὶ τῶν πολιτικῶν οὐ χρὴ νομίζειν περίεργον εἶναι τὴν τοιαύτην θεωρίαν, δι᾽ ἧς οὐ μόνον τὸ τί φανερόν, ἀλλὰ καὶ τὸ διὰ τί. Φιλόσοφον γὰρ τὸ τοιοῦτον περὶ ἑκάστην μέθοδον. [40] Δεῖται μέντοι τοῦτο πολλῆς εὐλαβείας.[1217a] 3 Εἰσὶ γάρ τινες οἳ διὰ τὸ δοκεῖν φιλοσόφου εἶναι τὸ μηθὲν εἰκῇ λέγειν ἀλλὰ μετὰ λόγου, πολλάκις λανθάνουσι λέγοντες ἀλλοτρίους λόγους τῆς πραγματείας καὶ κενούς. 4 Τοῦτο δὲ ποιοῦσιν ὁτὲ μὲν δι᾽ ἄγνοιαν, ὁτὲ δὲ δι᾽ ἀλαζονείαν, ὑφ᾽ ὧν ἁλίσκεσθαι [5] συμβαίνει καὶ τοὺς ἐμπείρους καὶ δυναμένους πράττειν ὑπὸ τούτων τῶν μήτ᾽ ἐχόντων μήτε δυναμένων διάνοιαν ἀρχιτεκτονικὴν ἢ πρακτικήν. 5 Πάσχουσι δὲ τοῦτο δι᾽ ἀπαιδευσίαν· ἀπαιδευσία γάρ ἐστι περὶ ἕκαστον πρᾶγμα τὸ μὴ δύνασθαι κρίνειν τούς τ᾽ οἰκείους λόγους τοῦ πράγματος καὶ τοὺς [10] ἀλλοτρίους. 6 Καλῶς δ᾽ ἔχει καὶ τὸ χωρὶς κρίνειν τὸν τῆς αἰτίας λόγον καὶ τὸ δεικνύμενον, διά τε τὸ ῥηθὲν ἀρτίως, ὅτι προσέχειν οὐ δεῖ πάντα τοῖς διὰ τῶν λόγων, ἀλλὰ πολλάκις μᾶλλον τοῖς φαινομένοις (νῦν δ᾽ ὁπότ᾽ ἂν λύειν μὴ ἔχωσιν, ἀναγκάζονται πιστεύειν τοῖς εἰρημένοις), καὶ διότι πολλάκις [15] τὸ μὲν ὑπὸ τοῦ λόγου δεδεῖχθαι δοκοῦν ἀληθὲς μὲν ἐστίν, οὐ μέντοι διὰ ταύτην τὴν αἰτίαν δι᾽ ἥν φησιν ὁ λόγος. Ἔστι γὰρ διὰ ψεύδους ἀληθὲς δεῖξαι· δῆλον δ᾽ ἐκ τῶν ἀναλυτικῶν. |
1
Nous devons essayer de trouver par la théorie et par le raisonnement
la vérité sur toutes ces questions ; et nous l'appuierons , pour la
démontrer, par le témoignage des faits et par des exemples
incontestables. Le mieux serait sans contredit de donner des
solutions que tout le monde adoptât d'un avis unanime. Mais si nous
ne pouvons obtenir cet assentiment, il faudrait du moins présenter
une opinion [30] à laquelle tous les hommes, avec quelques progrès,
viendraient peu à peu se ranger ; car chacun porte, en soi un
penchant naturel et spécial vers la vérité ; et c'est en partant de
ces principes qu'il faut nécessairement démontrer aux hommes ce
qu'on veut leur apprendre. Il suffit que les choses soient vraies,
bien que d'abord elles ne soient pas claires, pour que la clarté se
produise plus tard à mesure qu'on avance, en tirant toujours les
idées les plus connues de celles qui d'abord avaient été exposées
[35] confusément. 2
Mais en toute matière, les théories ont plus ou moins d'importance,
selon qu'elles sont philosophiques ou ne le sont pas. C'est pour
cela que, même en politique, on ne doit pas regarder comme une étude
inutile de rechercher non pas seulement le fait, mais la cause ; car
cette recherche de la cause est essentiellement philosophique, en
quelque matière que ce soit. [1217a]
3 Il faut du reste en ceci
beaucoup de réserve ; il y a des gens qui, sous prétexte qu'il
appartient au philosophe de ne jamais parler à la légère, mais
toujours avec réflexion, ne s'aperçoivent pas qu'ils sont bien
souvent en dehors de leur sujet, et qu'ils se livrent à des
digressions parfaitement vaines.4
Parfois, c'est simple ignorance ; d'autre fois, c'est présomption ;
et il arrive même [5] qu'à ces piéges des gens habiles et fort
capables d'agir eux-mêmes, sont pris par des ignorants, qui n'ont et
ne peuvent avoir sur le sujet discuté la moindre idée fondamentale
ni pratique. 5 La faute
qu'ils commettent tient à ce qu'ils ne sont pas assez instruits ;
car c'est manquer d'instruction sur un sujet quelconque que de ne
pas savoir distinguer les raisonnements qui s'y rapportent
réellement, et ceux [10] qui y sont étrangers.
6 D'ailleurs, on fait bien
de juger séparément et le raisonnement qui essaie de démontrer la
cause et la chose elle-même qu'on démontre. Un premier motif, c'est
celui que nous venons de dire, à savoir qu'il ne faut pas s'en fier
à la théorie et au raisonnement tout seul ; et que souvent il faut
bien davantage s'en rapporter aux faits. Mais ici c'est parce qu'on
ne peut pas soi-même donner la solution cherchée, qu'on est bien
forcé de s'en tenir à ce que l'on vous dit. En second lieu, il
arrive plus d'une fois [15] que ce qui parait démontré par le simple
raisonnement est vrai, mais ne l'est pas cependant par la cause sur
laquelle ce raisonnement s'appuie ; car on peut démontrer le vrai
par le faux, ainsi qu'on peut le voir dans les Analytiques. |
§ 1. En partant de ces principes. C'est ce que pins tard l'école Écossaise a nommé les principes du sens commun. Il suffit que les choses soient vraies. C'est la méthode habituelle d'Aristote de présenter d'abord une idée générale de la chose qu'il discute, et d'entrer ensuite dans des détails plus précis et plus clairs. § 2. Philosophiques ou ne le sont pas. En d'autres termes, régulières et méthodiques. Cette recherche de la cause. C'est là ce qui fait qu'on a pu définir la philosophie assez justement en disant qu'elle est la science des causes.
§ 3. A des digressions parfaitement
vaines. Je ne sais si cette critique s'adresse à Platon ; elle
serait assez juste. Mais il faut dire aussi que la forme du dialogue
permet et exige même de fréquentes digressions. § 6. Que nous venons de dire. Ce motif n'a pas été exprimé d'une manière très claire ; il n'est qu'implicitement compris dans ce qui précède. Bien davantage s'en rapporter aux faits. C'est bien là en effet la méthode ordinaire d' Aristote. Dans les Analytiques. Premiers Analytiques, livre II, ch. 2, p. 205 et suiv. de ma traduction.
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