Aristote : Morale à Eudème

ARISTOTE

 

MORALE A EUDEME

LIVRE II : DE LA VERTU.

CHAPITRE II

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Morale à Eudème

 

 

 

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LIVRE II.

DE LA VERTU.

CHAPITRE II.

De la vertu morale : c'est un résultat de l'habitude, dont les êtres animés sont seuls capables. — Des passions; des facultés qu'elles supposent, et des manières d'être qu'elles causent.

1 τι μὲν τοίνυν ἡ ἠθικὴ ἀρετὴ περὶ ἡδέα καὶ λυπηρά ἐστι, δῆλον· ἐπεὶ δ᾽ ἐστὶ τὸ ἦθος, ὥσπερ καὶ τὸ ὄνομα σημαίνει ὅτι ἀπὸ ἔθους ἔχει τὴν ἐπίδοσιν, [1220b] ἐθίζεται δὲ τὸ ὑπ᾽ ἀγωγῆς μὴ ἐμφύτου τῷ πολλάκις κινεῖσθαι πώς, οὕτως ἤδη τὸ ἐνεργητικόν, ὃ ἐν τοῖς ἀψύχοις οὐχ ὁρῶμεν (οὐδὲ γὰρ ἂν μυριάκις ῥίψῃς ἄνω τὸν λίθον, οὐδέποτε ποιήσει τοῦτο μὴ [5] βίᾳ), 2 διὸ ἔστω <τὸ> ἦθος τοῦτο ψυχῆς κατὰ ἐπιτακτικὸν λόγον <τοῦ ἀλόγου μέν,> δυναμένου δ᾽ ἀκολουθεῖν τῷ λόγῳ ποιότης. 3 Λεκτέον δὴ κατὰ τί τῆς ψυχῆς ποιότης τὰ ἤθη. στι δὲ κατά τε τὰς δυνάμεις τῶν παθημάτων, καθ᾽ ἃς ὡς παθητικοὶ λέγονται, καὶ κατὰ τὰς ἕξεις, καθ᾽ ἃς πρὸς τὰ πάθη ταῦτα λέγονται τῷ [10] πάσχειν πως ἢ ἀπαθεῖς εἶναι. 4 Μετὰ ταῦτα ἡ διαίρεσις ἐν τοῖς ἀπηλλαγμένοις τῶν παθημάτων καὶ τῶν δυνάμεων καὶ τῶν ἕξεων. Λέγω δὲ πάθη μὲν τὰ τοιαῦτα, θυμὸν φόβον αἰδῶ ἐπιθυμίαν, ὅλως οἷς ἕπεται ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἡ αἰσθητικὴ ἡδονὴ ἢ λύπη καθ᾽ αὑτά. 5 Καὶ κατὰ μὲν ταῦτα οὐκ [15] ἔστι ποιότης, ἀλλὰ πάσχει, κατὰ δὲ τὰς δυνάμεις ποιότης. Λέγω δὲ [τὰς] δυνάμεις καθ᾽ ἃς λέγονται κατὰ τὰ πάθη οἱ ἐνεργοῦντες, οἷον ὀργίλος ἀνάλγητος ἐρωτικὸς αἰσχυντηλὸς ἀναίσχυντος. 6 ξεις δέ εἰσιν ὅσαι αἴτιαί εἰσι τοῦ ταῦτα ἢ κατὰ λόγον ὑπάρχειν ἢ ἐναντίως, οἷον ἀνδρεία σωφροσύνη [20] δειλία ἀκολασία.

 

 

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1 Évidemment, la vertu morale se rapporte à tout ce qui peut causer ou plaisir ou douleur. Le moral, ainsi que le mot seul l'indique, vient des mœurs, c'est-à-dire des habitudes ; [1120b] or, l'habitude se forme peu à peu par suite d'un mouvement qui n'est pas naturel et inné, mais qui se répète fréquemment ; et il en est de même pour les actes que pour le caractère. C'est là un phénomène que nous ne voyons point dans les êtres inanimés ; on aurait beau jeter mille fois une pierre en l'air, elle n'y montera jamais sans [5] la force qui la pousse. 2 Ainsi, la moralité, le caractère moral de l'âme, relativement à la raison qui doit toujours commander, sera la qualité spéciale de cette partie qui η est que capable d'obéir à la raison. 3 Disons donc tout de suite à quelle partie de l'âme se rapporte ce qu'on appelle les mœurs, ou les habitudes. Les mœurs se rapporteront à ces facultés de passions d'après lesquelles on dit des hommes qu'ils sont capables de telles ou telles passions, et à ces états de passions qui font qu'on désigne les gens du nom de ces passions même, [10] selon qu'ils les ressentent ou qu'ils restent impassibles. 4 On pourrait pousser la division plus loin encore, et l'appliquer, pour chaque cas spécial, aux passions, aux puissances qu'elles supposent, et aux manières d'être qu'elles déterminent J'appelle passions les sentiments tels que la colère, la peur, la honte, le désir, et toutes ces affections qui ont en général pour conséquences un sentiment de plaisir ou de douleur. 5 Il n'y a pas là de qualité de l'âme, [15] à proprement parler ; et l'âme y est toute passive. La qualité qui caractérise le sujet, se trouve seulement dans les puissances ou facultés qu'il possède. J'entends par puissances celles qui font dénommer les individus selon qu'ils agissent en éprouvant telles ou telles passions, et qui font qu'on les appelle, par exemple, colères, insensibles, amoureux, modestes, impudents. 6 Enfin, j'entends par manières d'être morales toutes les causes qui font que ces passions ou sentiments sont conformes à la raison, on y sont contraires, comme le courage, la sagesse, [20] la poltronnerie, la débauche, etc.

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Ch. II. Morale à Nicomaque, livre II, ch. 1 et 5; Grande Morale, livre I, ch. 6.

§ 1. A tout ce qui peut causer plaisir au douleur. II y a bien des actes moraux et vertueux où le plaisir non plus que la douleur n'entre pour rien. Cette formule générale n'est donc pas tout-à-fait exacte.

C'est-à-dire des habitudes. Paraphrase que j'ai dû mettre, parce que, dans notre langue, le rapport étymologique des deux mots n'est pas aussi évident.

§ 2. La moralité. Les vertus morales n'appartiennent qu'à cette partie inférieure de l'âme qui, sans avoir elle-même la raison, est capable de suivre les conseils que la raison loi donne. Les vertus intellectuelles se trouvent ainsi placées au-dessus des vertus morales. C'est bien là aussi la théorie d'Aristote dans la Morale à Nicomaque.

§ 3. Les mœurs ou les habitudes de l'âme. Paraphrase, comme plus haut.

§ 4.  L'appliquer pour chaque cas spécial. Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi le sens; l'expression employée dans le texte est assez peu correcte, et les manuscrits n'offrent pas de variantes.

§ 5. Il n'y a pas là de qualité de l'âme. Toutes ces distinctions ne sont pas fausses; mais elles peuvent sembler un peu subtiles.

Qui caractérise le sujet. J'ai ajouté ces mots pour rendre la pensée plus claire.

§ 6. J'entends par manière d'être. Ce sont en d'autres termes les habitudes, qui peuvent être ou conformes ou contraires à la raison.

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