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SIDOINE APOLLINAIRE
SIDOINE
APOLLINAIRE
POÉSIE 23
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Étude
sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.
avant-propos
Notice sur Sidoine Apollinaire
lettres
livre I
lettres livre II
lettres livre III
lettres livre IV
lettres livre V
lettres livre VI
lettres livre VII
lettres VIII
poésies 1
poésies2
poésies 3 et 4
poésies 5
poésies 6
poésies 7
poésies 8 -
poésies 9
poésies 10-14
poésies 15
poésies 16
poésies 17-21
poésies 22
poésies 24
l
CARMEN XXIII.
NARBO.
AD CONSENTIUM V. C., CIVEM
NARBONENSEM.
|
XXIII.
NARBONNE
A CONSENTIUS, HOMME
CONSULAIRE ET CITOYEN DE LA VILLE DE NARBONNE
|
Cum
jam pro meritis tuis pararem
Consenti, columen decusque morum,
Vestræ laudibus hospitalitatis
Cantum impendere pauperis cicutæ;
Ultro in carmina tu tubam recludens,
Converso ordine, versibus citasti
Suetum ludere sic magis sodalem.
Paret musa tibi, sed impudentem
Multo cautius hinc stylum movebit;
Nam cum carmina postules diserte,
Suades scribere, sed facis tacere.
Nuper quadrupendante cum citato
Ires,
Phocida,
Sextiasque Baias
Illustres titulisque præliisque
15 Urbes, per duo consulum tropæa
(Nam Martem tulit ista
Julianum,
Et Bruto duce nauticum furorem,
Ast hæc Teutonicas cruenta pugnas,
Erectum et Marium cadente Cimbro);
Misisti mihi multiplex pœma,
Doctum, nobile, forte, delicatum.
Ibant hexametri superbientes,
Et vestigia juncta, sed minora,
Per quinos eligi pedes ferebant.
Misisti et triplicis metrum trochæi,
Spondœo comitante, dactyloque,
Dulces hendecasyllabos, tuumque
Blando fenore Sollium ligasti.
Usuram petimurque, reddimusque.
Nam quod carmine pro tuo rependo,
Hoc centesima laudum tuarum est.
Quid primum veneror, colamque pro te?
Ni fallor, patriam, patremque juxta.
Qui quanquam sibi vindicare summum
Possit jure locum, tamen necesse est
Illam vincere, quæ parit parentes. |
Lorsque
je m’apprêtais, ô Consentius, toi qui es le soutien et la gloire des
mœurs, à célébrer avec ma faible voix le gracieux accueil que tu m’as
fait, tes accents sont venus exciter ma muse, plus accoutumée que la
tienne aux jeux de la poésie. Je t’obéis; mes chants toutefois seront
modestes, car le talent que tu mets à demander des vers engage à écrire,
mais rend la lyre muette. Naguère, monté sur un coursier rapide, tu
visitais Marseille la Phocéenne, et Baïa de Sextius, villes à jamais
illustres par les trophées qu’y remportèrent deux consuls; celle-là
s’est courbée sous le glaive de César, et n’a pu résister à la flotte
que Brutus commandait; celle-ci a vu les sanglants combats livrés aux
Teutons, elle a vu Marius s’élevant sur les ruines du Cimbre. Tu
m’envoyas alors un poème où se trouvent réunis le savoir, la noblesse,
l’énergie et l’élégance. Les hexamètres marchaient fièrement, et les
vers élégiaques venaient ensuite, d’une marche moins longue, se hâtant
sur leurs cinq pieds. Tu m’envoyas aussi des vers composés d’un triple
trochée, d’un spondée et d’un dactyle, agréables hendécasyllabes; et,
par ce double présent, tu as rendu Sollius ton heureux débiteur. Tu me
demandes des intérêts, je te les donne, car ce que je te paie en retour
de tes vers n’est que la centième partie des éloges qui te sont dus. Que
me faut-il chanter et vénérer d’abord, par considération pour toi? c’est
ta patrie, si je ne me trompe, et puis ton père. Celui-ci pourrait à bon
droit réclamer la préférence, mais il est nécessaire de l’accorder à la
patrie, elle de qui nous tenons nos parents. |
|
Salve, Narbo,
potens salubritate,
Urbe et rure simul bonus videri,
Muris, civibus, ambitu, tabernis,
Portis, proticibus, foro, theatro,
Delubris, capitoliis, monetis,
Thermis, arcubus, horreis, macellis,
Pratis, fontibus, insulis, salinis,
Stagnis, flumine, merce, ponte, ponto.
45 Unus qui venerere jure divos,
Lenæum, Cererem, Palem, Minervam
Spicis, palmite, pascuis, trapetis.
Solis fise viris, nec expetito
Naturæ auxilio, procul relictis
Promens montibus altius cacumen,
Non te fossa patens, nec hispidarum
Objectu sudium coronat agger.
Non tu marmora, bracteam, vitrumque,
Non testudinis Indicæ nitorem,
Non si quas eboris trabes refractis
Rostris Marmarici dedere barri,
Figis mœnibus, aureasque portas
Exornas asaroticis lapillis.
Sed per semirutas superbus arces,
Ostendens veteris decus duelli,
Quassatos geris ictibus molares,
Laudandis pretiosior ruinis.
Sint urbes aliæ situ minaces,
Quas vires humiles per alta condunt,
Et per præcipites locata cristas
Nunquam mœnia cæsa glorientur.
Tu pulsate places, fidemque fortem
Oppugnatio passa publicavit. |
Salut, ô Narbonne, à la douce température,
toi dont l’aspect flatte agréablement la vue, cité recommandable par les
campagnes qui t’environnent, par tes murailles, par tes citoyens, par
ton enceinte, par tes édifices, par tes portes et tes portiques, par ton
forum, ton amphithéâtre, tes temples, ton capitole, tes monnaies, tes
thermes, tes arcs de triomphe, tes greniers publics, tes marchés, tes
prairies, tes fontaines, tes îles, tes salines, tes étangs, ta rivière,
ton commerce, ton pont, et enfin par la mer qui t’avoisine. Toi seule
peux vénérer à bon droit et Bacchus, et Cérès, et Palès et Minerve,
grâce à tes moissons, à tes vignes, à tes pâturages, à tes oliviers.
Sûre de la valeur de tes habitants, tu dédaignes les secours de la
nature, et tu élèves ta tête au-dessus des plus hautes montagnes. Tu
n’es entourée ni d’un large fossé, ni de remparts hérissés de piques. On
ne voit sur tes murs ni marbre, ni lames d’or, ni verres transparents,
ni l’écaille éclatante de la tortue des Indes, ni les plaques d’ivoire
que donnent les éléphants de la Libye ; tes portes ne sont point
embellies de pierres taillées en mosaïque; mais fière au milieu
de ta citadelle à demi-ruinée, étalant encore les traces honorables
d’anciennes guerres, tu montres tes remparts ébranlés sous les coups du
bélier; ces ruines font ta gloire et ton ornement. Que d’autres villes
se trouvent dans une position menaçante, et se cachent sur les hauteurs
avec des forces médiocres; que d’autres murailles, assises sur des
crêtes entourées de précipices, se glorifient de n’avoir jamais essuyé
de revers; pour toi, tu plais malgré tes malheurs, et des attaqués si
courageusement soutenues ont prouvé ta force et ta fidélité. |
|
Hinc te
Martius ille rector, atque
Magno patre prior decus Getarum,
Romanæ columen salusque gentis,
Theodoricus amat, sibique fidum
Adversos probat ante per tumultus.
Sed non hinc videare forte turpis,
75 Quod te machina crebra
perforavit.
Namque in corpore fortium virorum
Laus est amplior amplior, cicatrix.
In castris Marathoniis merentem
Vulnus non habuisse, grande probrum est.
Inter Publicolas manu feroces,
Trunco
Mutius eminet lacerto.
Vallum Cæsaris opprimente Magno,
Inter tot facies ab hoste tutas,
Luscus Scæva fuit magis decorus.
Laus est ardua dura sustinere.
Ignavis, timidis, et improbatis
Multum ringitur otiosa virtus. |
De là vient que ce prince belliqueux, plus
grand encore que son magnanime père, ce prince, la gloire des Gètes, la
sauvegarde et l’appui de l’empire romain Théodoric te chérit, et voit un
gage de ta fidélité dans les désastres que tu as supportés jusqu’à
présent. Ne va pas regarder comme un déshonneur les coups nombreux dont
tes murs portent l’empreinte; la plus belle gloire d’un guerrier
généreux, c’est d’offrir sur son corps de larges cicatrices. C’était une
grande ignominie d’avoir été à Marathon, sans en rapporter de blessure.
Parmi les fiers défenseurs du peuple brillait Mutius, avec son bras
mutilé. Lorsque le grand Pompée surprit les retranchements de César, au
milieu de tant de visages respectés par l’ennemi, celui du borgne Scæva
fut le plus beau. Il est glorieux de soutenir avec courage une
entreprise difficile; ce genre d’illustration est inconnu aux âmes
faibles, lâches et timides, qui restent dans une honteuse inertie. |
|
Quid quod
Cæsaribus ferax creandis,
Felix prole virum, simul dedisti
Natos cum genitore principantes?
Nam quis Persidis expeditionem,
Aut victricia castra præteribit
Cari principis, et perambulatum
Romanis legionibus Niphatem:
Tum, cum fulmine captus imperator,
Vitam fulminibus parem peregit? |
Dirai-je que, féconde en Césars, en
guerriers généreux, tu as donné à l’empire des princes qui partagèrent
avec leurs fils le souverain pouvoir? Jamais on n’oubliera l’expédition
contre les Perses, ni les triomphes de l’empereur Carus, ni les
phalanges romaines franchissant le Niphate, alors que ce prince, frappé
de la foudre, termina sa vie, qui eut la rapidité de l’éclair. |
|
His tu civibus,
urbe, rure pollens,
Consenti, mihi gignis alme patrem,
Illum, cui nitidi sales, rigorque
Romanus fuit Attico in lepore.
Hunc Milesius et Thales stupere
Auditum potuit, simulque Lindi est
Notus qui Cleobulus inter arces,
Et tu, qui Periandre, de Corintho es,
105 Et tu quem dederat Bias Priene,
Et tu Pittace Lesbius sophistes,
Et tu, qui tetricis potens Athenis
Vincis Socraticas Solon palæstras,
Et tu Tyndareis satus Therapnis
Chilon, legifero prior Lycurgo.
Non hic si voluit, vacante cura,
Quis sit sideribus notare cursus,
Diversas Arato vias cucurrit.
Non hunc cum geometricas ad artes
Mentem composuit, sequi valebat
Euclides spatium sciens olympi.
Non hunc, si voluit rotare rhythmos,
Quidquam proposito virum morari
Chrysippus potuisset ex acervo. |
Riche de tels citoyens, de ton intérieur
et de tes campagnes, tu as produit le père de Consentius, cet homme dont
l’esprit fin et enjoué savait unir l’énergie romaine à la délicatesse
attique. Thalès de Milet, Cléobule si renommé dans les murs de Lindus,
Périandre de Corinthe, Bias qui reçut le jour à Prienne, Pittacus le
sophiste de Lesbos; Solon qui, dans la spirituelle Athènes, l’emporta
sur Socrate, et le citoyen de Thérapné, Chion, qui surpassa le
législateur Lycurgue, tous ces grands hommes eussent été saisis
d’étonnement, s’ils eussent entendu Consentius. Quand il voulait, dans
ses moments de loisir, observer le cours des astres, il poussait ses
découvertes aussi loin qu’Aratus. Et lorsqu’il appliquait son esprit à
la géométrie, Euclide, qui connaissait la vaste étendue des cieux,
n’aurait pu le suivre; s’il essayait de faire des vers, il n’y avait
rien qui pût être un obstacle à sa facilité, pas même le monceau de
Chrysippe. |
|
Hic cum
Amphioniæ studebat arti,
Plectro, pollice, voce, tibiaque,
Thrax vates, deus Arcas, atque Phœbus,
Omni carmine post erant, et ipsas
Musas non ita musicas putares.
Hic si syrmate cultus et cothurno,
Intrasset semel Atticum theatrum,
Cessissent Sophocles et Euripides.
Et si pulpita personare socco
Comœdus voluisset, huic levato
Palmam tu digito dares, Menander.
Hic cum senipedem stylum polibat,
Smyrnææ vice doctus officinæ,
Aut cum se historiæ dabat severæ,
Primos vix poterant locos tueri
135 Torrens Herodotus, tonans
Homerus.
Non isto potior fuisset olim,
Qui Pandioniam movebat arte
Orator caveam tumultuosus,
Seu luscum raperetur in Philippum,
Causam seu Ctesiphontis actitaret,
Vir semper popularitate crescens,
Et juste residens in arce fandi,
Qui fabro genitore procreatus,
Oris maluit expolire limam. |
Lorsqu’if s’appliquait à l’art d’Amphion,
qu’il prenait la lyre, qu’il jouait de la flûte, qu’il maniait l’archet
ou qu’il chantait, ni le poète de Thrace, ni le dieu d’Arcadie, ni
Phébus lui-même n’auraient pu l’égaler, et les Muses elles-mêmes
n’auraient pas trouvé des accords aussi harmonieux. Si, paré du cothurne
et de la robe traînante, il se fût montré sur le théâtre d’Athènes, il
eût éclipsé Euripide et Sophocle. Si, chaussant le brodequin, il se fût
exercé dans le genre comique, Ménandre lui eût cédé la palme. Lorsqu’il
polissait des vers de six pieds, à l’imitation du poète de Smyrne, ou
lorsqu’il se livrait au style grave de l’histoire, il effaçait presque
le sublime Homère et le rapide Hérodote. Il eût égalé jadis cet orateur
impétueux dont la parole entrainait le peuple de Pandion, soit qu’il
tonnât contre Philippe privé d’un œil, soit qu’il défendît la cause de
Ctésiphon; cet orateur, dis-je, dont la popularité allait toujours
croissant, et placé à bon droit sur le trône de l’éloquence; cet
orateur, fils d’un artisan, et qui aima bien mieux façonner sa langue
que manier la lime. |
|
Quid vos
eloquii canam Latini
Arpinas, Patavine, Mantuane?
Et te, comica qui doces, Terenti?
Et te, tempore qui satus severo,
Graios Plaute sales lepore transis?
Et te multimoda satis verendum
Scriptorum numerositate, Varro?
Et te qui brevitate Crispe polles?
Et qui pro ingenio fluente nulli
Corneli Tacite es tacendus ori?
Et te Massiliensium per hortos
Sacri stipitis, Arbiter, colonum
Hellespontiaco parem Priapo?
Et te carmina per libidinosa
Notum Naso tener. Tomosque missum;
Quondam Casareæ nimis puellæ
Ficto nomine subditum
Corinnæ. |
Dirai-je ces auteurs qui portèrent
l’éloquence latine au plus haut degré? le citoyen d’Arpinum, l’historien
de Padoue, le poète mantouan; et Térence, modèle du genre comique; et
Plaute qui, malgré une destinée malheureuse, surpassa, par sa gaîté, la
finesse des Grecs; et Varron, si recommandable par le nombre de ses
divers écrits; et Crispus, qui plaît par sa concision; et Cornélius
Tacite, dont jamais on ne doit taire le nom; et Pétrone qui, dans les
jardins des Marseillais, cultivant un tronc sacré, se montre égal au
dieu de Lampsaque; et le tendre Naso, si connu par ses vers amoureux,
par son exil à Tomes, et pi sa funeste passion pour la fille d’Auguste,
voilée, dans ses vers, sous le nom de Corinna? |
|
Quid celsos
Senecas loquar, vel illum
163 Quem dat
Bilbilis alta Martialem,
Terrarum indigenas Hibericarum?
Quid quos duplicibus jugata tædis
Argentaria Polla dat pœtas?
Quid multos varii styli retexam,
Arguti, teneri, graves, dicaces?
Si Consentius adfuit, latebant. |
Dirai-je les grands Sénèque, et Martial,
fils de la haute Bilbilis, venus tous trois du pays des Ibères ?
Dirai-je les deux poètes qu’épousa l’un après l’autre Argentaria Polla ?
Dirai-je tous ces auteurs célèbres par le sel, la tendresse, la
noblesse, ou l’enjouement qui règnent dans leurs livres? Si Consentius
eût écrit de leur temps, il les eût tous éclipsés. |
|
Huic summi
ingenii viro, simulque
Summæ nobilitatis atque formæ,
Juncta est femina, quæ domum ad mariti
Prisci insignia transferens
Jovini,
Implevit trabeis larem sophistæ.
Sic intra proprios tibi penates,
Consenti, patriæ decus superbum,
Fastis vivit avus, paterque libris. |
Cet homme, d’un rare savoir, d’une
naissance distinguée et d’une figure noble, avait une femme qui porta
dans la maison de son mari les honneurs attachés à la famille du vieux
Jovinus, et jeta l’éclat des trabées sur la gloire du sophiste. C’est
ainsi que dans tes propres pénates, ô Consentius, l’honneur et l’orgueil
de la patrie, tu as un aïeul qui est inscrit aux fastes, et un père qui
est immortalisé dans ses ouvrages. |
|
Hæc per
stemmata te satis potentem,
Morum culmine sed potentiorem,
Non possim merita sonare laude:
Nec si me Odrysio canens in antro,
Qua late trepidantibus fluentis
Cautes per Ciconum resultat Hebrus,
Princeps instituisset ille vatum,
Cum dulces animata saxa chordæ
Ferrent per Rhodopen trahente cantu,
Et versa vice fontibus ligatis,
Terras currere cogerent anhelas.
Nec non Ismara solibus paterent,
Aurita chelyn expetente silva,
Et nulli resolubiles calori
192 Curvata ruerent nives ab Ossa,
Stantem aut Strymona Bistones viderent,
Cum carmen rapidus latex sitiret.
Nec si Peliaco datus bimembri
Ad Centaurica plectra constitissem,
Hinnitum duplicis timens magistri.
Nec si me docuisset ille fari,
Jussus pascere qui gregem est clientis,
Amphrysi ad fluvium, deus bubulcus,
Quod ferrugineos Cyclopas arcu
Stravit sub Liparensibus caminis,
Vibrans plus grave fulmen in sagitta. |
Recommandable que tu es par ces titres,
plus recommandable encore par tes vertus, je ne pourrais te célébrer
dignement, quand bien même j’aurais eu pour maître ce roi des poètes qui
chantait dans son antre de Thrace, aux lieux où les flots bouillonnants
de l’Ebre se précipitent à travers les monts des Cicones, et dont la
lyre harmonieuse entraînait près du Rhodope les rochers émerveillés,
suspendait le cours des fleuves, et forçait les terres à se presser
haletantes; lorsque l’Ismare se trouvait exposé aux ardeurs du soleil,
abandonné qu’il était par ses forêts qui venaient, attentives, écouter
les accents de la lyre; lorsque les neiges, que nulle chaleur n’eût pu
faire fondre, descendaient du sommet de l’Ossa incliné ; lorsque les
Bistones voyaient le Strymon s’arrêter, et que les ondes rapides de ce
fleuve avaient soif d’harmonie ; quand bien même, placé sous la garde du
Centaure qui instruisit le fils de Pélée j’aurais écouté les accords de
Chiron, au hasard d’entendre les hennissements de ce maître à double
forme; quand bien même je serais inspiré par ce dieu pasteur qui fut
condamné à faire paître, aux bords de l’Amphryse, les troupeaux d’un roi
son client; pour avoir, sous les antres de Lipare, percé les noirs
Cyclopes de ses flèches plus dangereuses que la foudre. |
|
Jam primo
tenero calentem ab ortu,
Excepere sinu novem sorores,
Et te de genitrice vagientem.
Texerunt vitreæ vado Hippocrenes.
Tunc hac mersus aqua loquacis undæ,
Pro fluctu mage litteras bibisti.
Tunc tu jam puer aptior magistro,
Quidquid rhetoricæ institutionis,
Quidquid grammaticalis aut palestræ est,
Sicut jam tener hauseras, vorasti.
Et jam te aula tulit,
piusque princeps
Inter conspicuos statim locavit,
Consistoria quos habent, tribunos:
Namque et purpureus in arce regni
Præesse officiis tuis solebat,
Mores nobilitate quod merebant.
Tantum culminis et decus stupendum
Scripti annalibus indicant honores. |
A ta naissance, les neuf Sœurs te reçurent
dans leurs bras, et te plongèrent vagissant dans les eaux limpides de
l’Hippocrène. C’est ainsi que, baigné par les flots de cette onde
éloquente, tu t’abreuvas de savoir. Une fois remis à la discipline des
maîtres, tu t’enivras des enseignements de la rhétorique, des préceptes
de là grammaire, comme tu t’en étais abreuvé déjà dans ta première
enfance. Bientôt tu parus à la cour, et le prince te plaça généreusement
au nombre des tribuns de son conseil; souvent même il présidait à tes
délibérations, et certes la noblesse de ton caractère méritait bien un
pareil honneur. Les annales conservent la mémoire d’une faveur si
étonnante. |
|
222
Hinc tu militiam secutus amplam,
Castrensem licet ampliare censum
Per suffragia justa debuisses.
Solemnis tamen abstinens lucelli,
Fama plus locuples domum redisti,
Solum quod dederas tuum putando.
Tum si forte fuit quod imperator
Eoas
soceri venire in aures
Fido interprete vellet et perito,
Te commercia duplicis loquelæ
Doctum solvere protinus legebat.
O, sodes, quoties tibi loquenti
Byzantina sophos dedere regna?
Et te seu latialiter sonantem,
Tanquam Romulea satum suburra,
Seu linguæ Argolicæ rotunditate
Undantem, Marathone ceu creatum:
Plaudentes stupuere Bosphorani,
Mirati minus Atticos alumnos. |
Plus tard, dans tes nobles exploits, tu
aurais pu acquérir des richesses considérables et par les moyens les
plus légitimes; mais renonçant à un gain si facile, tu revins chez toi
moins chargé de biens que de renommée, et regardant comme tien seulement
ce que tu avais donné. S’il était quelque chose que le prince voulût
faire savoir à son gendre, en Orient, par un interprète savant et
discret, il te choisissait aussitôt à cause de ton habileté dans les
deux langues. Combien de fois, ô Consentius, les citoyens de Byzance
n’ont-ils pas applaudi tes éloquents discours, en te voyant parler la
langue latine avec autant de grâce que si tu fusses né dans le quartier
de Suburra, et déployer toutes les richesses de la langue grecque avec
autant de facilité que si tu eusses vu le jour à Marathon! Combien de
fois ne t’ont pas loué les habitants des rives du Bosphore, moins
émerveillés des orateurs de l’Attique! |
|
Hinc si fœdera
solverentur orbis,
Pacem te medio darent feroces
Chunus, Sauromates, Getes, Gelonus.
Tu Tuncrum, et Vachalim, Visurgin, Albin,
Francorum et penitissimas paludes
Intrares, venerantibus Sicambris,
Solis moribus inter arma tutus.
Tu Mœotida, Caspiasque portas,
Tu fluxis equitata Bactra Parthis
Constans intrepidusque sic adires,
Ut fastu posito tumentis aulæ,
252 Qui supra satrapas sedet
tyrannus,
Ructans semideum propinquitates,
Lunatum tibi flecteret tiaram.
Tu si publica fata non vetarent
Ut Byrsam peteres, vel Africanæ
Telluris Tanaiticum rebellem:
Confestim posito furore Martis,
Post piratica damna destinaret
Plenas mercibus institor carinas;
Et per te bene pace restituta,
Non ultra mihi bella navigarent. |
Si la discorde allumait le flambeau de la
guerre, ce serait par ton entremise que le Chun, le Sauromate, le Gète,
le Gélon, toutes ces nations barbares, en viendraient à la paix. Tu
visiterais les régions qu’arrosent le Tungre, le Wahal, le Weser et
l’Elbe ; tu pénétrerais vers les marais les plus reculés des Francs, tu
serais respecté des Sicambres, et tes vertus seules feraient ta défense
au milieu des armes. Tu irais, ferme et intrépide, vers les
Palus-Méotides, vers les Portes Caspiennes, chez les Parthes, ces
cavaliers légers à la course, et le tyran qui règne sur les satrapes,
qui se glorifie de descendre des demi-dieux, déposerait son faste et son
orgueil pour abaisser devant toi sa tiare armée d’un croissante Si les
destins publics ne t’empêchaient point de te rendre à Byrsa, vers ce
rebelle Africain, né sur les bords du Tanaïs, la fureur martiale du
Barbare se calmerait devant toi, et, de pirate devenu marchand, il nous
enverrait des vaisseaux chargés de richesses. Grâce à toi, la paix
serait bientôt consolidée, et nous ne craindrions plus les flottes de
l’ennemi. |
|
Jam si seria
forte terminantem
Te spectacula ceperant theatri,
Pallebat chorus omnis histrionum,
Tanquam si Arcitenens, novemque Musæ
Propter pulpita judices sederent.
Coram te
Caramallus, aut Phabaton
Clausis faucibus, et loquente gestu,
Nutu, crure, genu, manu, rotatu,
Toto in schemate vel semel latebit.
Sive Æetias, et suus Jason
Inducuntur ibi, ferusque Phasis,
Quis jactos super arva Colcha dentes
Expavit, fruticante cum duello
Spicis spicula mixta fluctuarent.
Sive prandia quis refert Thyestæ
Seu vestros
Philomela torva planctus,
Discerptum aut puerum, cibumque factum
Jamjam conjugis innocentioris.
Seu raptus Tyrios, Jovemque taurum
282 Spreto fulmine fronte plus
timendum.
Seu turris Danæ refertur illic,
Cum multum pluvio rigata censu est,
Dans plus aurea furta quam metalla.
Seu Ledam quis agit, Phrygemque ephebum
Aptans ad cyathos, facit tonanti
Succo nectaris esse dulciorem.
Seu Martem simulat modo in catenas
Missum Lemniacas, modo aut repulso
Formam imponit apri, caputque setis.
Et tergum asperat, hispidisque malis
Læve incurvat ebur, vel ille fingit
Hirtam dorsa feram, repanda tela
At ritu assiduo cacuminantem.
Seu Perseia virgo vindicata
Illic luditur harpe conjugali,
Seu quod carminis atque fabularum
Clausa ad Pergama dat bilustre bellum. |
Si, après avoir traité des affaires
sérieuses, tu vas aux représentations théâtrales, les comédiens
interdits pâlissent devant toi, comme si Phébus et les neuf Muses
étaient assis auprès d’eux pour les juger. En ta présence Caramallus et
Phabaton, avec leur bouche muette, leurs gestes parlants, leurs signes,
leurs mouvements des jambes, des genoux, des mains, de tout le corps,
mouvements si expressifs, trembleront une fois au moins dans leur
pantomime, soit qu’ils fassent paraître sur la scène la fille d’Æètes et
Jason son amant, ou le Phase effrayé de voir les dents du dragon jetées
aux champs de Colchos, alors que les épis mêlés aux épis se livraient
une sorte de guerre; soit qu’on retrace les festins de Thyeste, ou les
pleurs de la farouche Phiomèle, ou cet enfant déchiré en lambeaux et
servant de nourriture à un époux moins coupable; ou l’enlèvement
d’Europe, ou Jupiter transformé en taureau et plus redoutable avec son
front qu’avec sa foudre qu’il avait dédaignée; ou la tour de Danaé,
couverte d’une pluie d’or et offrant plus de larcins amoureux que de
richesses; soit qu’on représente Léda et le jeune échanson phrygien,
plus chéri du maître du tonnerre que le nectar lui-même; soit que l’on
montre le dieu Mars enfermé dans des chaînes forgées à Lemnos, ou qu’on
lui donne après sa défaite la forme d’un sanglier, ou que l’on revête sa
tête et son dos de soies hérissées, ou que l’on arme ses mâchoires
velues d’un ivoire poli et recourbé, ou qu’on le représente aiguisant
ses défenses par un frottement perpétuel; soit que l’on offre sur la
scène la jeune vierge délivrée par Persée et devenant son épouse, ou
bien les événements que fournit à la poésie et à la fable, Pergame
assiégée durant deux lustres. |
|
Quid dicam
citharistrias, choraules,
Mimos, schœnobatas, gelasianos,
Cannas, plectra, jocos, palem, rudentem,
Coram te trepidanter explicare?
Nam Circensibus ipse quanta ludis
Victor gesseris intonante Roma,
Lætam par fuit exarare musam. |
Dirai-je que les joueurs de cithare et de
flûte, les mimes, les funambules, les farceurs n’osent devant toi
déployer qu’en tremblant leur souplesse et leur art? il est juste que ma
muse joyeuse célèbre les triomphes que tu as obtenus dans les jeux du
cirque, aux grands applaudissements de Rome. |
|
Janus forte
suas bifrons calendas,
Anni tempora circinante Phœbo,
Sumendas referebat ad curules.
Mos est Cæsaris hic die bis uno
311 Privatos vocitant, parare
ludos.
Tunc cœtus juvenum, sed aulicorum,
Elei simulacra torva campi
Exercet spatiantibus quadrigis.
Et
jam te urna petit, cietque raucæ
Acclamatio sibilans coronæ.
Tum qua est janua, consulumque sedes,
Ambit quam paries utrinque senis.
Cryptis, carceribusque fornicatus,
Uno e quattuor axe forte lecto,
Curvas ingrederis premens habenas.
Id collega tuus, simulque vobis
Pars adversa facit: micant colores,
Albus, vel Venetus, virens, rubensque:
Vestræ insignia, continent ministri
Ora, et lora manus, jubasque tortas
Cogunt flexilibus latere nodis,
Hortanturque obiter, juvantque blandis
Ultro plausibus, et voluptuosum
Dictant quadrupedantibus furorem,
Illi ad claustra fremunt, repagulisque
Incumbunt simul, ac per obseratas
Transfumant tabulas, et ante cursum
Campus flatibus occupatur absens.
Impellunt, trepidant, trahunt, repugnant,
Ardescunt, saliunt, timent, timentur,
Nec gressum cohibent, sed inquieto
Duratum pede stipitem flagellant. |
Janus, au double front, ramenait les
Calendes, époque à laquelle Phébus achève de parcourir le cercle des
saisons, et où de nouveaux consuls viennent siéger sur les chaises
curules. C’est la coutume de César de faire célébrer alors, deux fois en
un jour, les jeux qu’on appelle privés. Alors aussi une foule de jeunes
courtisans, sur de rapides quadriges, imitent les courses des champs d’Elide.
L’urne a déjà proclamé ton nom, et les acclamations bruyantes de
l’assemblée et enflamment d’un noble courage. Vers la porte du cirque et
les sièges consulaires qu’environne un mur percé de six cryptes à chaque
côté, tu choisis un des quatre chars, et tu parais tenant en main les
rênes flottantes. Ton collègue t’imite, et vos adversaires font comme
vous. Alors brillent les diverses couleurs, le blanc ou le bleu, le vert
ou le rouge. Des valets, portant vos marques distinctives, tiennent la
bride de vos coursiers, et forcent leurs crinières tressées à se cacher
sous des nœuds flexibles; ils les animent doucement, les flattent par
leurs caresses, et leur inspirent une voluptueuse fureur. Les coursiers
frémissent devant les barrières, et tous à la fois se pressent contre
elles; la fumée qui s’exhale de leurs corps se répand dans le cirque, et
leur souffle impatient va remplir, avant l’heure, la carrière qu’ils ne
touchent point encore. Ils s’agitent; trépignent, avancent, reculent,
frissonnent, bondissent, craignent, et inspirent la crainte; ils ne
peuvent maîtriser leur ardeur, et, d’un pied inquiet, frappent le poteau
qui les retient. |
|
Tandem murmure
buccinæ strepentis,
340 Suspensas tubicen vocans
quadrigas,
Effundit celeres in arva currus.
Non sic fulminis impetus trisulci,
Non pulsa Scythico sagitta nervo,
Non sulcus rapide cadentis astri,
Non fundis Balearibus rotata
Unquam sic liquidos poli meatus
Rupit plumbea glandium procella
Cedit terra rotis, et orb tarum
Moto pulvere sordidatur ær.
Instant verberibus simul regentes,
Jamque et pectora prona de covinno
Extensi rapiuntur, et jugales
Trans armos feriunt, vacante tergo:
Nec cernas cito, cernuos magistros
Temones mage sufferant, an axes. |
Enfin le son de la trompette retentissante
appelle les quadriges impatients, et déjà les chars roulent dans
l’arène. La foudre impétueuse, la flèche lancée par le Scythe, le sillon
que forme un astre en sa chute, la balle agitée dans une fronde par un
archer des îles Baléares, ne traversent point les plaines de l’air avec
autant de rapidité. Les roues sillonnent le cirque, la poussière s’élève
et obscurcit les cieux. Tous à la fois les conducteurs des chars, la
poitrine penchée en avant, et jetés, pour ainsi dire, hors de leurs
sièges, pressent à coups redoublés leurs coursiers et les frappent
au-delà des flancs; on ne peut distinguer bientôt s’ils sont portés par
les timons ou par les chars. |
|
Jam vox ex
oculis velut volantes,
Consumpto spatio patentiore,
Campus clauserat arctus arte factus:
Per quem longam, humilem, duplamque muro
Euripus sibi machinam retendit.
Ut meta ulterior remisit omnes,
Fit collega tuus prior duobus,
Qui te transierant; ita ipse quartus
Gyri conditione tum fuisti.
Curæ est id mediis, ut ille primus
Pressus dexteriore concitatu,
Partem si patefecerit sinistram,
Totas ad podium ferens habenas,
Curru prætereatur intus acto.
370 Tu conamine duplicatus ipso
Stringis quadrijugos, et arte summa
In gyrum bene septimum reservas.
Instabant alii manu atque voce,
Passim et deciduis in arva guttis
Rectorum, alipedumque sudor ibat.
Raucus corda ferit fragor faventum,
Atque ipsis pariter viris equisque
Fit cursu calor, et timore frigus.
Itur sic semel, itur et secundo,
Est sic tertius, atque quartus orbis.
Quinto circite, non valens sequentum
Pondus ferre prior, retorquet axem,
Quod velocibus imperans quadrigis,
Exhaustos sibi senserat jugales.
Jam sexto reditu perexplicato
Jamque et præmia flagitante vulgo,
Pars contraria nil timens tuam vim
Securas prior orbitas terebat;
Tensis cum subito sinu lupatis,
Tensis pectoribus, pede ante fixo,
Quantum auriga suos solebat ille
Raptans Œnomaum tremente Pisa,
Tantum tu rapidos teris jugales. |
Déjà, vous dérobant en quelque sorte aux
regards, vous aviez franchi la partie du cirque la plus large; déjà vous
aviez atteint l’endroit où l’art en a rétréci l’espace, qui est divisé
en deux portions par un mur, et entouré d’un euripe. Dès que tous les
concurrents ont passé la dernière borne, ton collègue devance tes deux
rivaux, qui eux-mêmes t’avaient devancé, et tu te trouves ainsi le
quatrième. Ceux qui sont au milieu mettent tous leurs soins à ce que le
premier, en se jetant vers la droite, et en laissant un passage à
gauche, tandis qu’il se porte du côté des spectateurs, soit dépassé par
un char dirigé entre la borne et lui. A la vue des efforts qu’ils font,
tu redoubles d’espérance, et, retenant tes coursiers, tu as l’art de te
ménager pour le septième tour. Tes rivaux s’épuisent en mouvements et en
cris; guides et coursiers arrosent la terre de leur sueur, le bruit
confus des applaudissements va remuer toutes les âmes; on est brûlant
sous l’ardeur de la course, et l’on frissonne sous les impressions de la
crainte. C’est ainsi que s’achèvent le premier, le second, le troisième,
le quatrième tour; au cinquième, celui qui jusque-là était près
d’obtenir la palme, ne pouvant plus supporter le poids de ceux qui le
suivent, laisse un peu détourner les roues de son char, parce qu’il sent
ses coursiers épuisés pour avoir été d’abord trop hâtés. Le sixième tour
est achevé déjà; déjà le peuple décerne le prix; ton adversaire, voyant
l’avantage qu’il a sur toi, commence à ne plus craindre tes efforts et
poursuit sa course sans inquiétude; mais une ardeur nouvelle te saisit
tout à coup, et, les rênes appuyées contre ton sein, la poitrine tendue,
le pied fixé en avant, tu presses tes coursiers rapides avec autant de
vélocité que ce conducteur de chars, qui, dans Pise tremblante,
conduisait Œnomaüs. |
|
Hic
compendia flexuosa metæ
Unus dum premit, incitatus a te
Elatas semel impetu quadrigas
Juncto non valuit plicare gyro.
Quem tu, quod sine lege præteriret,
Transisti remanens, ab arte restans,
400 Alter dum popularitate gaudet,
Dexter sub cuneis nimis cucurrit.
Hunc, dum obliquat iter, diuque lentus
Sero cornipedes citat flagello,
Tortum tramite transis ipse recto.
Hic te incautius assecutus hostis,
Sperans anticipasse jam priorem,
Transversum venit impudens in axem.
Incurvantur equi, proterva crurum
Intrat turba rotas, quaterque terni
Arctantur radii, repleta donec
Intervalla crepent, volubilisque
Frangat margo pedes: ibi ipse quintus
Curru præcipitatus obruente,
Montem multiplici facit ruina,
Turpans prociduam cruore frontem.
Miscet cuncta fragor resuscitatus,
Quantum non cyparissifer Lycæus,
Quantum non nemorosa tollit Ossa,
Crebras irrequieta per procellas:
Quantum nec reboant volutæ ab austro
Doris, Trinacris, aut voraginoso
Quæ vallat sale Bosphorum Propontis.
Hic mox præcipit æquus imperator,
Palmis serica, torquibus coronas
Conjungi, et meritum remunerari,
Victis ire jubens, satis pudendis,
Villis versicoloribus tapetas. |
Un de tes concurrents serre de près la
borne pour abréger sa course, tu parviens à le pousser adroitement, et
son char, une fois emporté, ne peut se replier au bout de la carrière,
il t’avait devancé sans art, et c’est en restant habilement en arrière
que tu le dépassas. Un autre, ébloui par les applaudissements, se laisse
emporter trop vite hors de la voie; il prend une direction oblique, et
s’amuse trop tard à exciter l’ardeur de ses coursiers; pendant qu’il se
rejette ainsi de côté, tu le devances, en ne t’éloignant pas. Un
troisième rival, par lequel tu es atteint et qui.se promet de te
dépasser, heurte imprudemment ton char; les coursiers s’abattent, leurs
jambes s’embarrassent dans les roues, les douze rayons se resserrent, se
remplissent, et le char, en fuyant, brise les pieds des chevaux;
lui-même, renversé, tombe de son siège, et, le visage tout couvert de
sang, il vient accroître ces malheureux débris. Alors s’élèvent de
nouveaux applaudissements : jamais le Lycée fertile en cyprès, jamais
l’Ossa couronné de bois sombres, ne firent entendre un pareil fracas au
milieu même des orages qui les ébranlent; jamais aux bords de la Doride,
de la Sicile, ou de la Propontide agitée qui environne le Bosphore, ne
retentit un aussi grand bruit, lorsque les vents du midi roulent sur
leurs rivages les flots tumultueux de la mer en courroux. L’empereur,
dans sa justice, ordonne aussitôt que l’on joigne des bandelettes de
soie aux palmes, des couronnes aux colliers, et que l’on récompense le
vainqueur; il fait ensuite distribuer aux vaincus des tapis de poil de
différentes couleurs. |
|
Jam vero
juvenalibus peractis
Quem te præbueris sequente in ævo,
430 Intra aulam soceri mei
expetitus
Curam cum moderatus es palati,
Chartis posterioribus loquemur,
Si plus temporibus vacat futuris.
Nunc quam diximus hospitalitatem,
Paucis personet obsequens Thalia. |
Voilà quelles furent tes jeunes années.
Ces vertus qui brillèrent en toi, lorsque, appelé à la cour de mon
beau-père, tu devins comte du palais, je me propose de les célébrer plus
tard, si mes loisirs me le permettent. Maintenant, ma muse complaisante
va chanter en peu de mots les plaisirs que j’ai goûtés près de toi. |
|
O dulcis domus, o pii penates!
Quos res difficilis sibique discors,
Libertas simul excolit pudorque.
O convivia, fabulæ, libelli,
Risus, serietas, dicacitates,
Occursus, comitatus unus idem!
Seu delubra Dei colenda nobis,
Sive ad pontificem gradus ferendi,
Sive ad culmina Marcii Myronis,
Tecta illustria seu videnda Livi:
Sive ad doctiloqui Leonis ædes,
Quo bis sex tabulas docente juris,
Ultro Claudius Appius taceret,
Claro obscurior in decemviratu.
At si dicat epos, metrumque rhythmis.
Flectat commaticis, tonante plectro,
Mordacem faciat silere Flaccum;
Quamvis post satiras lyramque tendat
Ille ad Pindaricum volare cycnum.
Seu nos, Magne, tuus favor tenebat,
Multis prædite dotibus virorum,
Forma, nobilitate, mente, censu.
Cujus si varios eam per actus:
Centum et ferrea lasset ora laude.
460 Constans, ingeniosus,
efficaxque,
Prudens arbiter, optimus propinquus,
Nil fraudans genii sibi vel ulli,
Personas, loca tempus intuendo.
Seu nos atria vestra continebant,
Marcelline meus, perite legum;
Qui verax nimis, et nimis severus,
Asper crederis esse nescienti;
At si te bene quispiam probavit,
Noscit quid velit ipse judicare.
Nam nunquam metuis loqui quod æquum est,
Si te Sylla premat, ferusque Carbo;
Si tristes Marii, trucesque Cinnæ,
Et si forte tuum caput latusque
Circumstent gladii triumvirales.
Seu nos Limpidii lares habebant,
Civis magnifici, virique summi,
Fraternam bene regulam sequentis;
Seu nos eximii simul tenebat
Nectens officiositas Marini,
Cujus sedulitas sodalitasque
Æterna mihi laude sunt colendæ;
Seu quoscunque alios videre fratres
Cordi utrique fuit, quibus vacasse
Laudandam reor occupationem.
Horum nomina cum referre versu
Affectus cupiat, metrum recusat. |
O riante demeure, ô pénates religieux !
c’est dans votre sein qu’habitent la pudeur et la liberté, si rarement
réunies. Délicieux festins, entretiens pleins d’esprit, livres savants,
gaîté franche, austère gravité, fines plaisanteries, douce affabilité,
prévenance aimable et toujours la même, soit qu’il fallût aller dans les
temples adorer Dieu, soit qu’il fallût visiter le pontife, ou la demeure
de Marcius Myron, ou voir l’illustre maison de Livius, ou se rendre
auprès de l’éloquent Léon qui, en expliquant la loi des douze tables,
aurait sans peine éclipsé et réduit au silence Appius Claudius, malgré
son fameux décemvirat, et qui, en récitant ses vers sentencieux, ses
poèmes sublimes, ferait taire le mordant Flaccus, malgré ses efforts
pour atteindre à la hauteur de Pindare; — soit que ta bonté nous
accueillît, ô Magnus, toi qui réunis les qualités les plus précieuses,
la beauté, la noblesse le savoir, l’opulence, et dont les diverses
actions, si tu voulais les raconter, demanderaient cent bouches
d’airain; toi qui montres toujours un esprit rare, et qui sais venir à
bout de toutes tes entreprises; juge plein de sagesse, parent plein de
bonté, sachant avoir égard aux personnes, aux lieux et aux temps; — soit
que nous trouvassions un asile dans ta demeure, cher Marcellinus, habile
jurisconsulte, dont la franchise et la rigidité passent aux yeux du
vulgaire pour de la rudesse, mais qui, mieux connu, fais porter de toi
un tout autre jugement; car tu ne redouterais pas de dire la vérité,
quand bien même tu serais en butte aux menaces de Sylla et du farouche
Garbo, du sévère Marius et du cruel Cinna, quand bien même les glaives
des triumvirs seraient suspendus sur ta tête et dirigés contre ton cœur;
— soit que nous fussions arrêtés auprès de Limpidius, ce citoyen
magnifique, ce personnage distingué qui sait si bien remplir ses devoirs
envers ses frères; — soit que nous cédassions à l’officieuse prévenance
de l’excellent Marinus, dont l’empressement et l’amitié méritent de ma
part une éternelle reconnaissance; — soit que nous aimassions à visiter
d’autres amis, dont les rapports me semblent une occupation louable. Mon
cœur voudrait bien mentionner ici leurs noms, mais le vers s’y refuse. |
|
Hinc nos ad propriam domum
vocabas,
Cum mane exierat novum, et calescens
Horam sol dabat alteram secundam.
490 Hic promens teretes pilas
trochosque,
Hic talos crepitantibus fritillis,
Nos ad verbera tractuum struentes,
Tanquam
Naupliades repertor artis,
Gaudebas hilarem ciere rixam.
Hinc ad balnea non Neroniana,
Nec quæ Agrippa dedit, vel ille cujus
Bustum Dalmaticæ vident Salonæ:
Ad thermas tamen ire sed libebat,
Privato bene præbitas pudori.
Post quas nos tua pocula, et tuarum
Musarum medius chorus tenebat:
Quales nec statuas imaginesque,
Ære, aut marmoribus, coloribusque
Mentor, Praxiteles, Scopas dederunt:
Quantas nec Polycletus ipse finxit,
Nec fit Phidiaco figura cœlo. |
Tu nous rappelais ensuite à ta maison,
lorsque venait le matin et que le soleil brûlant ramenait la quatrième
heure; tu nous apportais alors la balle légère, les toupies, les dés qui
résonnent dans les cornets, puis, comme le fils de Nauplius, inventeur
de ces jeux, tu prenais plaisir à être témoin de nos joyeux débats. Nous
passions aux bains, non pas à ceux de Néron, ni à ceux qui furent bâtis
par Agrippa, ou par cet empereur dont le tombeau s’élève à Salone en
Dalmatie, mais à tes thermes qui offrent à la pudeur un asile agréable.
Après le bain, nous prenions place à ta table, sur des lits posés entre
les statues des Muses; jamais Mentor, Praxitèle ou Scopas ne
reproduisirent avec tant d’art sur l’airain, sur le marbre ou sur la
toile des figures aussi belles; jamais Polyclète ni Phidias n’en
créèrent d’aussi parfaites. |
|
Sed jam te
veniam loquacitati
Quingenti hendecasyllabi precantur.
Tantum, et si placeat, pœma longum est.
Jam jam sufficit, ipse et impediris,
Multum in carmine perlegens amicum,
Dormitantibus otiosiorem. |
Cinq cents hendécasyllabes te demandent
grâce pour mon babil; quelque plaisir que puisse te faire ce poème, il
doit néanmoins te sembler un peu long. Mais c’en est assez, et toi-même
tu perds patience à lire les vers soporifiques d’un ami. |
|
|
NOTES DU CARMEN XXIII.
Sidonius, lors de son voyage à Narbonne, y fut
très bien reçu par Consentius; il se préparait à lui témoigner, en vers, sa
reconnaissance, lorsqu’il reçut de lui un poème qui n’est point parvenu jusqu’à
nous. — Il paraît, d’après la lettre 15 du livre IX, et la lettre 4 du VIII, que
Sidonius connut deux Consentius, le père et le fils. Voyez, dans l’Hist.
litt. de la France, tom. II, p. 249, 431 et 653, les articles
Consentius.
13. —
Phocida. — Le poète appelle Marseille
Phocida, parce que cette ville fut bâtie par une
colonie de Phocée, ville de Carie, sur la mer de l’Archipel.
13. —
Sextias Baïas. — C’est-à-dire, Bains de
Sextius. A Baies, dans la Campanie, on voyait les plus fameux bains
de tout l’empire romain; il y en avait aussi à Aix, qui prirent le nom d’Aquœ
Sextiæ, parce que Sextius Calvinus fit, le premier, entourer
la ville de murs.
16. —
Julianum. — Voyez César,
de Bello civili, lib. II.
69. —
Martius ille —Théodoric le Jeune, fils
de ce Théodoric dont parle la lettre du livre I de Sidonius.
81. —
Mutius. — Mutius Scævola.
Voyez une note sur le v. 76 du Carm. V.
84. —
Luscus Scæva.
— Cassius Scæva, centurion, connu pour sa belle conduite au combat de Dyrrachium,
où César fut défait par Pompée. Scæva, ayant perdu un œil, blessé à la
cuisse et à l’épaule, son bouclier percé en plus de cent endroits, ne quitta
point la porte du fort que César lui avait confiée. Cette action se trouve
rappelée et célébrée dans presque tous les historiens romains, Tite-Live,
Florus, Suétone, etc. Voyez aussi Lucain, VI, 144 et suiv. (Note de C. Breghot
du Lut.)
90. —Natos
cum genitore. —Carinus et Numérianus,
fils de Carus.
119. —
Chrysippus potuisset ex acervo. — Le
monceau ou sorite de Chrysippe, célèbre dialecticien de la secte de
Zénon, était un argument qu’on présentait ainsi. On demandait si trois grains de
blé formaient un monceau. On ne manquait pas de répondre négativement. On
augmentait ce nombre toujours un à un, jusqu’à ce qu’on fut forcé de convenir
que le monceau était formé. On disait alors: Un seul grain de plus forme donc un
monceau. Chrysippe regardait cet argument comme insoluble. Ce n’était qu’un
sophisme. Le nom de sorite se prend en meilleure part, lorsque par
extension on l’applique à une espèce d’argument progressif composé d’une
suite de propositions enchainées les unes aux autres par une déduction logique.
(Note de C. Breghot du Lut.)
146. —
Arpinas. — Sidonius, eu cet endroit et
ailleurs, désigne ainsi Cicéron. Quant à l’épithète de
varicosus, que nous avons déjà vue, elle rappelait une
incommodité à laquelle l’orateur romain était sujet, et qui l’exposa à des
plaisanteries assez mordantes de la part de ses ennemis. Breghot du Lut et
Pericaud, Cicéroniana, ou Recueil des bons mots et apophtegmes de
Cicéron, etc. Lyon, 1812, in-8, p. 155, 156.
155-157. —
Et te Massiliensium, etc. — Il n’est
personne qui ignore combien les savants sont peu d’accord sur ce qui concerne
Pétrone, auteur du roman latin intitulé Satyricon, dont nous
possédons des extraits assez considérables. Ils ne s’entendent ni sur sa patrie,
ni sur l’époque où il vécut, ni sur le but et l’esprit de son ouvrage. Mais dans
ce procès difficile auquel ont pris part tant d’hommes distingués, le témoignage
de Sidonius en cet endroit a toujours été allégué et a toujours paru d’un grand
poids : or, il semble indiquer la ville de Marseille ou ses environs comme ayant
été le berceau de Pétronius Arbiter, ou du moins le lieu de sa résidence
habituelle, il ne faudrait donc pas confondre ce romancier avec le consul Caius
Pétronius Turpillianus dont parle Tacite, Annal. XVI, &4 et 18, ni
regarder le Satyricon comme le testament que ce consul écrivit, après
s’être ouvert les veines, pour échapper à la cruauté de Néron, et dans lequel
étaient retracées l’histoire secrète et les débauches de cet empereur. Les
auteurs de l’Histoire littér. de France, tom. I, p. 186 et
suiv., ont cependant cru pouvoir concilier Tacite et Sidonius, et n’ont fait
qu’un personnage du consul et de l’écrivain. Cette opinion, presque généralement
adoptée, paraissait insoutenable à Voltaire qui l’a réfutée avec force dans
plusieurs endroits de ses œuvres, et notamment dans son Dictionnaire
philosophique; elle a été également combattue par J.-N.-M. de Guerle,
qui a fort bien résumé toute cette discussion dans la première partie de ses
Questions sur Pétrone, imprimées à la suite de sa traduction du poème
de la Guerre civile du même, Paris, an VII, in-8 et reproduites tout
récemment à la tête du Pétrone de Panckoucke. Nous renvoyons le lecteur à cette
excellente dissertation: seulement nous ajouterons ici que l’autorité de
Sidonius, en ce qu’elle fixe la naissante ou la demeure de Pétrone dans
l’ancienne Provence ou Gaule narbonnaise, semble appuyée par une inscription
trouvée en 1560, à Peyruis, dans le diocèse de Sisteron et près des bords de la
Durance, où l’on voit que Pétrone aurait donné son nom à ce village, puisqu’il y
est dit en parlant d’un préfet du prétoire assassiné à Peyruis:
A sicariis nefandwn facinus in vico Petronii,
ad ripam Druentiœ : inscription dont toutefois l’historien de
Provence, Bouche, a peut-être poussé la conséquence trop loin, en attribuant
positivement au vicus dont il s’agit l’honneur
d’avoir été la patrie de Pétrone. (Note de C. Breghot du Lut.)
156. —
Sacri, stipitis, arbiter, colonum. — Henri
de Valois, qui se servait de ce passage de Sidonius pour prouver que Pétrone
était gaulois, et qu’il avait habité in provincia Viennensi
finibusque Massiliensium Grœcorum, voulait qu’au lieu de
Sacri stipitis, on lût Graii, ou
plutôt GraI cespitis. Il faut voir ses
raisons dans la curieuse dissertation qu’Adrien de Valois son frère a donnée
de Cœna Trimalchionis et de Ætate patriaque Petronii,
insérée au tom. II du Pétrone de Burmann. Les deux savants frères pensaient
que l’auteur du Satyrique était bien postérieur au principat de Néron, et qu’il
avait vécu sous les Antonins. On sait que cette opinion a été soutenue depuis
par l’abbé Ignarra, de Palæstra Neapolit.
Commentar., p. 182 et suiv., et par notre savant La
Porte du Theil. (Note de C. Breghot du Lut.)
157. —
Hellespontiaco.
— Priape était adoré à Lampsaque, ville de Mésie, sur les bords de l’Hellespont.
161. —
Corinnæ.
— Ovide nous apprend lui-même que le nom de Corinne, sous lequel il célébra une
de ses maîtresses, était un nom supposé
Moverat ingenium totam cantata per urbem
Nomine non vero dicta Corinna mihi.
Trist.
IV, x, 59.
Et multi, qua sit nostra Corinna,
rogant.
De Arte,
III, 538.
Grâce à Sidonius, nous savons que cette Corinne
était de la famille de César, cœsarea puella:
or, ce ne pouvait être que la première Julie, fille d’Auguste et de
Scribonie. On a abusé de cette indication pour en conclure que l’amour d’Ovide
pour Julie avait été la cause de son exil; mais cette princesse était elle-même
exilée depuis dix ans, lorsqu’Ovide fut relégué à Tomes. C’est ce qui explique
le mot quondam employé ici par Sidonius. Suivant
M. Villenave, dont la conjecture paraît devoir être adoptée comme la plus
probable de toutes celles qu’on a mises en avant jusqu’à ce jour, ce qui
occasionna la disgrâce du poète fut une indiscrétion dont il se rendit coupable,
en révélant un secret d’état. Voyez la Vie d’Ovide, par M.
Villenave, ou l’art. Ovide par le
même auteur, dans la Biogr. univ. (Note de C. Breghot du
Lut.)
152. —
Bilbilis alta. — Bilbilis, ville de
l’ancienne Celtibérie, sur les bords du Xalon ou Salon. Elle ne subsiste plus.
On croit qu’elle était située sur une montagne appelée aujourd’hui
Baubala, près de Calatayud, dans le royaume
d’Aragon. C’était la patrie de Martial, comme ce poète nous l’apprend, et comme
Sidonius le dit ici. Martial lui donne aussi l’épithète alta:
Videbis altam, Liciniane, Bilbilim,
Aquis et armis nobilem.
I.
l, 3,4.
Altam Bilbilin et tuum Salonem
Quinto forsitan essedo videbis.
X,
civ, 6, 7.
L’épigramme précédente commence par ces deux vers:
Municipes, Augusta mihi quos Bilbilis
acri
Monte creat, rapidis quem Salo cingit
aquis,
où quelques-uns lisent alto au lieu d’acri.
Savaron cite comme d’Ausone les mots suivants, qui
s’appliqueraient aussi à Bilbilis
...........................................Et altis
Pendentem scopulis;
mais il cite de mémoire et sa mémoire le trompe;
car ces mots ne se trouvent pas dans Ausone. Savaron se rappelait sans doute
confusément le v. 57 de l’Epît. XXV de ce poète :
Bilbilis, aut hærens scopulis Calagorris
habebit,
où hœrens scopulis
ne se réfère point à Bilbilis, mais à
Calagorris. (Note de C. Breghot du Lut.)
166. —
Argentaria Polla. — Polla
Argentaria, dame romaine, illustre par sa naissance, sa vertu, son esprit
et sa beauté. Elle fut l’épouse de Lucain. Sidonius, Epist. II,
10, la compte au nombre des femmes célèbres dont le goût et les conseils ont été
fort utiles à leurs maris pour la composition de leurs ouvrages. Dans son
veuvage, elle obtint les éloges de Martial, VII, 21, 22 et 23, et ceux de Stace.
Celui-ci aurait même été son second époux, s’il fallait s’en rapporter à Savaron
et à Sirmond, suivis en cela par Sauvigny. Ces commentateurs ont, en effet,
pensé que Lucain et Stace étaient les deux poètes dont Sidonius dit, en cet
endroit, que Polla Argentaria fut la femme,
duplicibus jugata tædis; mais ils ont avancé
là une chose fort douteuse. Stace, Sylv. II, Prœfat.,
donne, il est vrai, à Polla Argentaria l’épithète de
carissima ou clarissima uxorum;
mais c’est immédiatement après avoir dit qu’il avait composé, à la prière de
cette dame, ses vers sur le jour anniversaire de la naissance de Lucain; de
telle sorte qu’il est évident que l’épithète dont il s’agit fait uniquement
allusion à la gloire que Polla s’était acquise par
son union avec l’auteur de la Pharsale, ou au tendre intérêt qu’elle portait à
sa mémoire. Markland croit que le second mari de Polla
fut Pollius Félix, riche patricien, originaire de
Pouzzoles, que le même Stace célèbre à plusieurs reprises, Sylv.
II, 2, III, Prœfat. et I, et qui parait avoir aimé les lettres et
cultivé la poésie; mais M. Delatour réfute l’opinion de Markland; il s’efforce
d’établir que la Polla de Pollius
Félix ne saurait être confondue avec la veuve de Lucain ses arguments s’appuient
principalement sur la chronologie. Voyez les notes qu’il a mises à la suite de
sa traduction des Sylves de Stace, p. 474, 475. (Note de C.
Breghot du Lut.)
173. —
Jovini.
— Flavius Valens. Jovinus était consul avec Lupicinus sous l’empire de
Valentinien Ier.
214. —
Pius princeps.
—Plac. Valentinien, qui créa Consentius tribun, puis notaire du consistoire.
229. —
Soceri.
— Valentinien III avait épousé Eudoxie, fille de Théodose le Jeune, empereur
d’Orient.
236. —
Tanquam Romulea satum Suburra. —
Martial, XII, 21, dit de même de Marcella, dame espagnole que quelques auteurs
ont cru avoir été sa femme, que par son langage et par ses manières elle
l’emportait sur une, née dans la rue de Suburra, ou sur le mont Capitolin:
Nulla nec in media certabit nata
Suburra,
Nec Capitolini colis alumna tibi.
La rue de Suburra était dans le second quartier de
Rome; elle commençait à la grande place et allait se rendre au grand chemin de
Tivoli, le long des Esquilies. C’était l’endroit le plus fréquenté de la ville,
et où demeuraient la plupart des grands de Rome. C’était aussi là qu’habitaient
de préférence les courtisanes. Voyez les Dictionnaires d’Antiquités.
(Note de C. Breghot du Lut.)
268. —
Caramallus aut Phabaton —
Caramallus et Phabaton, pantomimes qui paraissent
avoir été célèbres dans le Bas-Empire, comme Bathylle et Pylade l’avaient
été sous le règne d’Auguste. Aristénète, I, 26, nomme Caramallus
comme un modèle dans son art. Josias Mercier cite à ce sujet une épigramme
grecque de Léontius le Scholastique (Anthol. Planud. IV,
xxv, 1), où le même nom est donné
à une danseuse; mais les éditeurs modernes de l’Anthologie ont, d’après le
manuscrit du Vatican, substitué dans cette épigramme
Rhodocleia à Caramalle.
La pantomime théâtrale des anciens est un sujet
sur lequel se sont exercés nombre d’auteurs, et ces auteurs n’ont pas manqué de
se servir du passage de Sidonius, qui n’est pas le moins curieux de ceux qu’ils
rapportent. — Aux citations de Savaron en cet endroit, on peut joindre la pièce
suivante d’un inconnu (Anthol. lat. Burmann. III; 178):
Mascula femineo derivans pectora flexu,
Atque aptans lentum sexum ad utrumque
latus,
Ingressus acenam populum saltator adorat,
Solerti pendet prodere verba manu;
Nam cum grata chorus diffundit cantica
dulcis,
Quæ resonat cantor, motibus ipse probat:
Pugnat, ludit, anal, bacchatur, vertitur,
adstat,
Inlustrat verum, cuncta decore replet.
Tot linguæ, quot membra viro.
Mirabilis ars est,
Quæ facit articulos, ove silente,
loqui.
Et ces vers de Manilius (Astronom.
V. 473-82):
Et, si tanta operum vires commenta
negarint,
Externis tamen aptus erit nunc
voce pœtis,
Nunc saturo gestu, referetque
affatibus ora,
Et sua dicendo faciet, solusque per
omnes
Ibit persenas, et turbam reddet in
uno;
Aut magnos heroas aget scenisque
togatas;
Omnes fortunæ veltus per membra
reducet,
Æquabitque choros gestu, cogetque
videre
Præsentem Trojam Priamumque ante
ora cadentem,.
Quodque aget id credes stupefætus
imagine veri.
Sirmond observe avec raison qu’il n’était aucune
fable des anciens que les pantomimes ne représentassent. Sidonius passe ici en
revue plusieurs des sujets qu’ils jouaient ordinairement:
Lucien en indique encore un plus grand nombre dans
son traité de la Danse. (Note de
C. Breghot du Lut.)
278. —
Philomela.
— C’est à sa sœur Progné que la fable attribue cette cruauté; Sidonius contredit
les mythologistes.
315. —
Jam te urna petit. — On tirait au sort
dans le cirque, et les carcères et les quadriges. Voyez, à
ce sujet, les Lettres de Symmaque, X, 22.
C’est la coutume de tirer au sort les carcères
et les quadriges qui a fait dire à Virgile:
« Tum loca sorte legunt, »
En.
V, 132.
On conçoit bien aisément que, de la première
porte, il y avait un espace moins long à décrire, que de la seconde voilà
pourquoi aussi un côté était préférable à l’autre.
La figure d’un cirque, dit le P. Sirmond, était la
même que celle d’un obélisque; plus large au commencement, il décroissait peu à
peu; sa langueur était divisée en deux côtés égaux par un mur, et le cirque
entouré d’un fossé rempli d’eau; le côté droit était le moins favorable, parce
que la borne autour de laquelle il fallait tourner était sur la gauche. Les
courses s’achevaient au septième tour, et alors on proclamait vainqueur celui
qui devançait les autres.
394. —
Compendia flexuosa metæ. — Le grand
art, c’était de savoir tourner autour de la borne; voilà pourquoi Horace a dit,
Metaque fervidis evitata roua.
Les poètes latins empruntent souvent le même
langage; ainsi Ov*dc
Me miserum ! metam spatioso circuit
orbe;
Quid facis? admoto proximus axe subit.
Amor.
III, 69, 70.
Ainsi encore Silius Italicus:
Non unquam effusum sinuabat devius axem,
Sed lævo interior stringebat tramite
metam. »
XVI, 394, 395.
Ainsi encore Sénèque, De
tranquillitate animi, XI : « …. Non in cursu
tantum circique certamine, sed in spatiis vitæ interius flectendum est.
» Cette pensée est fort belle.
493. —
Naupliades.
— Palamède, fils de Nauplius, roi d’Eubée. On lui attribue l’invention des dés
et celle des échecs ou du jeu de dames. Delille, dans l’Homme de champs,
désigne les échecs par ces mots, le jeu rêveur qu’inventa Palamède.
(Note de C. Breghot. du Lut.)
501. —
Musarum medius chorus tenebat.
— Nic. Heinsius, Advers. p. 476, pensait que dans ce vers il
fallait lire melicus (au lieu de medius) chorus: conjecture
qu’il appuyait de plusieurs citations des anciens, dans lesquels on trouve
musœa mele (Lucrèce, II), cycnea mele, melici sonorei,
Pegaseium melos (Perse, Prolog.), Simonides melicus (Pline,
Hist. nat. passim, et Minutius Félix, Octav.).
Du reste, Heinsius, qui hasarde cette correction en passant, se sert des
vers qui précèdent celui dont il s’agit dans notre auteur, pour confirmer une
autre correction qu’il propose sur un texte de Martial, et pour établir que,
dans les usages de l’antiquité, on jouait à la paume et au jeu appelé
trochus, avant de se mettre au bain, et qu’en
sortant du bain, on se mettait à table. (Note de C. Breghot du Lut.)
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