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SIDOINE APOLLINAIRE

LETTRES

 

LIVRE VII

Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.

avant-propos

Notice sur Sidoine Apollinaire


lettres  livre I  lettres livre II  lettres livre III  lettres livre IV lettre livre V

  lettre VI   lettre VIII

 l

 


 

SIDOINE APOLLINAIRE

LETTRES

 

 

 

LIBER SEPTIMUS

LIVRE VII

EPISTOLA PRIMA

Sidonius domino papæ Mamerto salutem.

LETTRE I.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE MAMERTUS, SALUT.

Rumor est Gothos in Romanum solum castra movisse. Huic semper irruptioni nos miseri Arverni janua sumus. Namque odiis inimicorum hinc peculiaria fomenta subministramus, quia quod necdum terminos suos ab Oceano in Rhodanum Ligeris alveo limitaverunt, solam sub ope Christi moram de nostra tantum obice patiuntur. Circumjectarum vero spatia, tractumque regionum jam pridem regni minacis importuna devoravit impressio. Sed animositati nostræ tam temerariæ, tamque periculosæ, non nos aut ambustam murorum faciem, aut putrem sudium cratem, aut propugnacula vigilum trita pectoribus confidimus opitulatura: solo tamen invectarum te auctore rogationum palpamur auxilio: quibus inchoandis instituendisque populus Arvernus, et si non effectu pari, affectu certe non impari cœpit initiari, et ob hoc circumfusis necdum dat terga terroribus. Non enim latet nostram sciscitationem, primis temporibus harumce supplicationum institutarum, civitas cœlitus tibi credita per cujusmodi prodigiorum terriculamenta vacuabatur. Nam modo scenæ mœnium publicorum crebris terræ motibus concutiebantur; nunc ignes sæpe flammati caducas culminum cristas superjecto favillarum monte tumulabant; nunc stupenda foro cubilia collocabat audacium pavenda mansuetudo cervorum: cum tu inter ista discessu primorum populariumque statu urbis exinanito, ad nova celer veterum Ninivitarum exempla decurristi, ne divinæ admonitioni tua quoque desperatio conviciaretur. Et vere jam de Deo tu minime poteras absque peccato post virtutum experimenta diffidere. Nam cum vice quadam civitas conflagrare cœpisset, fides tua in illo ardore plus caluit: et cum in conspectu pavidæ plebis, objectu solo tui corporis ignis recussus in tergum fugitivis flexibus sinuaretur, miraculo terribili, novo, inusitato, adfuit flammæ cedere per reverentiam, cui sentire defuit per naturam. Primum igitur et iis paucis nostri ordinis viris indicis jejunia, interdicis flagitia, supplicia prædicis, remedia promittis: exponis omnibus, nec pœnam longinquam esse, nec veniam; doces denuntiatæ solitudinis minas orationum frequentia esse amoliendas; mones assiduitatem furentis incendii, aqua potius oculorum quam fluminum posse restingui; mones minacem terræ motuum conflictationem fidei stabilitate firmandam. Cujus confestim sequax humilis turba consilii, majoribus quoque suis fuit incitamento, quos cum non piguisset fugere, redire non puduit. Qua devotione placatus inspector pectorum, Deus, fecit esse obsecrationem vestram vobis saluti, cæteris imitationi, utrisque præsidio. Denique illic deinceps non fuere vel damna calamitati, vel ostenta formidini.

  

 

 

 

Quæ omnia sciens populus iste Viennensibus tuis et accidisse prius, et non accessisse posterius, vestigia tam sacrosanctæ informationis amplectitur, sedulo petens, ut conscientiæ tuæ beatitudo mittat orationum suarum suffragia, quibus exempla transmisit. Et quia tibi soli concessa est, post avorum memoriam, vel confessorem Ambrosium duorum martyrum repertorem, in partibus orbis occidui, martyris Ferreoli solida translatio, adjecto nostri capite Juliani, quod istinc turbulento quondam persecutori manus retulit cruenta carnificis: non injurium est, quod pro compensatione deposcimus, ut nobis inde veniat pars patrocinii, quia vobis hinc rediit pars patroni. Memor nostri esse dignare, domine papa.

On dit que les Goths sont entrés sur le territoire romain: nous autres, malheureux Arvernes, nous sommes toujours exposés les premiers à de telles irruptions. Ce qui nous rend l’objet spécial de leur haine, c’est que, brûlant du désir d’étendre leurs frontières depuis l’Océan jusques au Rhône et à la Loire, ils trouvent en nous le seul obstacle qui, par l’assistance du Christ, retarde encore leurs conquêtes. Voilà déjà longtemps que les attaques importunes d’une royauté menaçante ont dévoré toutes les régions limitrophes. Mais, si quelque chose doit seconder en nous un courage aussi téméraire, aussi dangereux, ce ne sera ni l’aspect de ces murs consumés par les flammes, ni ces palissades ruinées, ni ces remparts toujours couverts de nos sentinelles; notre seule espérance est dans les Rogations que tu as instituées; le peuple Arverne vient de les adopter, sinon avec autant de succès, du moins avec un zèle égal à celui de tes peuples, et c’est ce qui le rassure contre les terreurs dont il est environné. Nous savons, nous avons appris quels effrayants prodiges, dans les premiers temps où furent établies ces prières publiques, dépeuplaient la cité confiée par le ciel à tes soins. Tantôt de fréquents tremblements de terre ébranlaient les édifices publics; tantôt des flammes dévorantes couvraient de monceaux de cendres le faîte des maisons prêtes à crouler; tantôt des troupes effrayées de cerfs, animaux timides mais audacieux alors, cherchaient une retraite dans la ville étonnée de les voir. Au milieu de ces désastres, lorsque les grands et le peuple abandonnaient la cité, tu as suivi avec ardeur l’exemple des Ninivites, de peur que ton désespoir n’insultât aussi aux avertissements du ciel. Et certes, après avoir éprouvé tant de fois la divine puissance, tu ne pouvais sans crime te défier de Dieu. Un jour, les flammes commençaient à dévorer ta cité; dans cet embrasement, ta foi devint plus ardente; lorsque devant une foule éperdue, le feu, chassé en arrière par l’opposition seule de ton corps, se repliait en globes fugitifs, ce fut un miracle étonnant, inouï, extraordinaire de voir la flamme, insensible de sa nature, reculer pleine de respect. D’abord, tu ordonnes des. jeûnes à quelques hommes de notre rang, tu leur défends tout plaisir criminel, tu leur annonces des châtiments, tu leur promets des remèdes; tu leur déclares que la peine est imminente, mais que le pardon n’est pas loin; tu enseignes qu’il faut prévenir par de fréquentes prières la désolation dont on est menacé; tu avertis que les furieux incendies qui renaissent sans cesse peuvent être éteints par des larmes sincères, plutôt que par l’eau des fleuves; tu montres que c’est à la stabilité de la foi qu’il appartient de raffermir la terre ébranlée par des secousses terribles. Aussitôt le peuple, docile à ta voix, donne l’exemple aux grands qui, n’ayant pas rougi de prendre la fuite, ne rougirent pas non plus de revenir. Dieu, qui voit le fond des cœurs, apaisé par ce dévouement, a fait que vos humbles prières sont devenues pour vous une voie de salut, pour les autres un sujet d’imitation, pour tous un secours assuré. Enfin, depuis ce moment, ta ville n’éprouve plus ces terribles calamités, ne voit plus ces effrayants prodiges.

Le peuple Arverne, sachant.que ces désastres, après s’être fait sentir à tes Viennois, n’ont pas reparu dans la suite, se hâte d’embrasser une sainte institution, et demande en grâce que ta béatitude ajoute les prières d’une conscience pure aux exemples que tu lui as donnés. Et parce que, à toi seul, depuis le confesseur Ambrosius, qui trouva, suivant le récit de nos pères, les corps de deux martyrs, il a été accordé, dans le monde occidental, de faire la translation du martyr Ferréolus et de la tête de notre Julianus, cette tête que la main sanglante du bourreau rapporta jadis au féroce persécuteur, nous ne demandons pas sans quelque droit qu’il nous vienne de chez vous un patronage, puisqu’il vous est venu de chez nous un patron. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA II.

Sidonius domino papæ Græco salutem.

LETTRE II.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE Græcus, SALUT.

Oneras, consummatissime pontificum, verecundiam meam multifaria laude cumulando, si quid stylo rusticante peraravero: atque utinam reatu careat, quod apicum primore congressu, quanquam circumscriptus, veritati resultantia tamen et diversa connexui, ignorantiæ siquidem meæ callidus viator imposuit. Nam dum solum mercatoris prætendit officium, litteras meas ad formatæ vicem, scilicet ut lector, elicuit, sed quas aliquam gratiarum actionem continere decuisset. Namque, ut post comperi, plus Massiliensium benignitate profectus est quam status sui, seu per censum, seu per familiam forma pateretur. Quæ tamen ut gesta sunt, si quispiam dignus relator evolveret, fierent jocunda memoratu. Sed quoniam jubetis ipse, ut aliquid vobis a me lætum copiosumque pagina ferat; date veniam, si hanc ipsam tabellarii nostri hospitalitatem comicis salibus comparandam, salva vestrarum aurium severitate perstringamus; ne secundo insinuatum non nunc primum nosse videamur. Simul et si moris est regularum, ut ex materia omni usurpentur principia dicendi, cur hic quoque quodcunque mihi sermocinaturo materia longius quæratur exspectaturque, nisi ut sermoni nostro sit ipse pro causa, cui noster sermo erit pro sarcina?

 

 

Arverni huic patria, parentes natalibus non superbis, sed absolutis, et sicut nihil illustre jactantes, ita nihil servile metuentes; contenti censu modico, sed eodem vel sufficiente, vel libero: militia illis in clericali potius quam in palatino decursa comitatu. Pater isti granditer frugi, et liberis parum liberalis: quique per nimiam parcimoniam juveni filio plus prodesse quam placere maluerit. Quo relicto tunc puer iste vos petiit nimis expeditus; quod erat maximum conatibus primis impedimentum: nihil est enim viatico levi gravius. Attamen primus illi in vestra mœnia satis secundus introitus. Sancti Eustachii qui vobis decessit, actutum dicto factoque gemina benedictio est: hospitium brevi quæsitum, jam Eustachii cura facile inventum, celeriter aditum, civiliter locatum. Jam primum crebro accursu excolere vicinos, identidem ab iis ipse haud aspernanter resalutari. Agere cum singulis, prout ætatis ratio permitteret; grandæ vos obsequiis, æquæ vos officiis obligare; pudicitiam præcæ teris sobrietatemque sectari: quod tam laudandum in juventute quam rarum. Summatibus deinceps, et tunc comiti civitati, non minus opportuni, quam frequentibus excubiis agnosci, innotescere, familiarescere; sicque ejus in dies sedulitas majorum sodalitatibus promoveri: fovere boni quique certatim, votis omnes, plurimi consiliis, privati donis, cuncti beneficiis adjuvare; perque hæc spes opesque istius raptim, saltuatimque cumulari.

  

 

 

Forte accidit ut diversorio cui ipse successerat, quædam femina non minus censu quam moribus idonea vicinaretur: cujus filia infantiæ jam temporibus emensis, necdum tamen nubilibus annis appropinquabat. Huic hic blandus, siquidem ea ætas infantulæ, ut adhuc decenter, nunc quædam frivola, nunc ludo apta virgineo scruta donabat; quibus isti parum grandibus causis plurimum virgunculæ animus copulabatur. Anni obiter thalamo pares: quid moror multis? adolescens solus, tenuis, peregrinus, filius familias, et patria patre non solum non volente, verum etiam ignorante discedens, puellam non inferiorem natalibus, facultatibus superiorem, medio episcopo, quia Lector, solatio comitis, quia cliens, socru non inspiciente substantiam, sponsa non dispiciente personam, uxorem petit, impetrat, ducit. Conscribuntur tabulæ nuptiales: et si qua istic municipioli nostri suburbanitas, matrimonialibus illic inserta documentis, mimica largitate recitatur. Peracta circumscriptione legitima et fraude solemni, levat divitem conjugem pauper adamatus: et diligenter quæ ad socerum pertinuerant rimatis convasatisque, non parvo etiam corollario facilitatem credulitatemque munificentiæ socrualis mungens, receptui in patriam cecinit præstigiator invictus.

 

 

 

 

 Quo profecto mater puellæ pro hyperbolicis instrumentis cœpit actionem repetundarum velle proponere; et tunc demum de mancipiorum sponsalitiæ donationis paucitate mœrere, quando jam de nepotum numerositate gaudebat. Ad hanc placandam noster Hippolytus perrexerat, cum litteras meas prius obtulit.

 

Habetis historiam juvenis eximii: fabulam Milesiæ vel Atticæ parem. Simul et ignoscite præter æquum epistolarem formulam porrigenti: quam ob hoc stylo morante produxi, ut non tanquam ignotum reciperetis, quem civem beneficiis reddidistis. Pariter et natura comparatum est, ut quibus impendimus studium, præstemus affectum. Vos vero Eustachium pontificem tunc ex asse digno hærede decessisse monstrabitis, si ut propinquis testamenti, sic clientibus patrocinii legata solvatis. Ecce parui, et obedientis officium garrulitate complevi, licet negotium indocto qui prolixitatis injungit, ægre ferre non debeat, si non tam eloquentes epistolas recepit quam loquaces. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Tu m’accables, ô le plus consommé des pontifes ! en prodiguant des éloges sans nombre à mes écrits, malgré la rusticité de mon style. Dieu veuille qu’il n’ait que ce défaut; car, dans ma première lettre, toute courte qu’elle était, il se trouvait des faits contraires à la vérité. Notre voyageur a malicieusement abusé de mon ignorance; il ne se donnait que pour marchand, et me surprit, comme lecteur, une lettre formée, qui aurait dû contenir quelques remerciements; car, je l’ai su depuis, la bonté des Marseillais lui a procuré des avantages auxquels il ne pouvait prétendre dans son état, soit à cause de sa fortune, soit à cause de sa famille. Les choses se sont passées de telle manière, que si quelqu’un les racontait avec esprit, le récit en deviendrait amusant. Mais, puisque vous m’ordonnez de vous raconter en détail, dans ma lettre, quelque chose de gai, trouvez bon, je vous prie, que je vous dise, en peu de mots, d’un style facétieux, sans blesser néanmoins vos oreilles sévères, l’accueil plaisant fait à mon protégé; vous verrez par là si je connais d’aujourd’hui l’homme que je vous recommande pour la seconde fois. Quand il est de règle que l’on peut puiser partout une matière d’exorde, pourquoi irais-je, moi qui dois vous entretenir d’une chose quelconque, chercher un texte bien loin? Celui qui vous porte ma lettre en sera aussi le sujet.

L’Auvergne est la patrie d’Amantius; ses parents, sans être d’une origine distinguée, sont d’une condition libre; s’ils ne peuvent étaler des ancêtres illustres, ils ne craignent pas du moins qu’on leur en trouve qui aient passé par quelque servitude; ils savent se contenter d’une fortune modique, mais suffisante et dégagée de toute dette; ils ont eu des charges dans l’Eglise, plutôt que dans l’Etat. Son père, très homme de bien, peu libéral envers ses enfants, aima toujours mieux être utile, par une excessive économie, à un fils encore jeune, que de contenter ses caprices. Amantius, abandonnant son père, se rendit auprès de vous, la bourse trop peu fournie, ce qui devenait un grand obstacle à ses premières tentatives; car il n’est rien de si pesant qu’un léger viatique. Cependant, sa première entrée dans vos murs fut assez heureuse. Le saint Eustachius, votre prédécesseur, lui prodigua sur le champ ses conseils et ses bons offices; on cherche aussitôt un logement, on se le procure sans peine par les soins d’Eustachius, on y entre aussitôt, on le loue dans les formes. Notre homme cultive d’abord, par de fréquentes visites, ses voisins qui ne dédaignent pas de le visiter de temps en temps. Il se comporte envers tout le monde comme le veut l’âge de chacun; respectueux pour les vieillards, il est rempli de prévenances pour les jeunes gens; il se fait remarquer surtout par ses bonnes mœurs et sa sobriété, qualité d’autant plus louable dans un jeune homme qu’elle s’y rencontre plus rarement. Il fait ensuite connaissance avec des grands et même avec le comte de la ville, leur fait la cour souvent et à propos, se lie, se familiarise avec eux; ses assiduités lui valent l’intimité des personnes les plus remarquables; les gens de bien le favorisent à l’envi, tout le monde fait des vœux pour son bonheur, il reçoit de nombreux conseils, les particuliers lui font des présents, chacun le comble de bienfaits; au milieu de. tout cela, ses espérances et sa fortune grandissent incessamment.

Le hasard lui avait procuré pour voisine une femme aussi distinguée par ses richesses que par ses bonnes mœurs, et dont la fille avait passé déjà les premières années de l’enfance, sans être néanmoins, encore nubile. Amantius, avec des manières caressantes, qui ne pouvaient avoir rien que de décent, vu l’âge de la jeune personne, cherchait à lui plaire par de petits présents, par des bagatelles capables de l’amuser. Ces prévenances, si légères du reste, lui gagnaient le cœur de cette enfant. Arrive l’âge de puberté; que ne vais-je au but? ce jeune homme, seul, sans fortune, étranger, membre d’une famille nombreuse, qui avait quitté sa patrie non seulement contre le gré, mais encore à l’insu de son père, voyant que la jeune personne, avec une naissance égale à la sienne, lui était bien supérieure en richesses, aidé de l’évêque en qualité de lecteur, appuyé du comte en qualité de client, comme la mère n’examinait pas s’il avait de la fortune, comme la fille n’avait pas de l’éloignement pour lui, il la demande en mariage, l’obtient et l’épouse. On écrit les articles du contrat; un petit lot de terre, voisin de notre municipe, et que l’on porte sur l’acte matrimonial, Amantius le fait valoir avec une emphase tout à fait comique. La duperie une fois légalement arrangée, la fraude une fois disposée d’une manière solennelle, pauvre, mais aimé, il enlève sa riche épouse; puis, quand il a recherché, recueilli avec soin la succession de son beau-père, à laquelle il joint en guise d’accompagnement ce qu’il sait extorquer à la mère trop facile et trop crédule, cet habile imposteur bat en retraite pour sa patrie.

Après son départ, la belle-mère voulut intenter un procès au gendre, sous prétexte qu’il avait exagéré sa fortune dans le contrat; elle se plaignait du peu de bien qu’Amantius avait apporté en mariage, alors qu’elle avait à se féliciter déjà du grand nombre de ses petits-fils. Pour l’apaiser, notre Hippolyte s’était rendu à Marseille, lorsqu’il vous présenta ma première lettre de recommandation.

Vous avez l’histoire de l’excellent jeune homme, histoire qui ressemble aux fables de Milet, ou celles de l’Attique. Excusez en même temps la longueur démesurée de cette lettre; si je me suis arrêté à de si longs détails, c’est pour obtenir de vous qu’il ne soit point reçu comme un étranger, celui que vos bienfaits ont rendu votre concitoyen. Il est d’ailleurs assez naturel, quand on s’est intéressé pour quelqu’un, de lui conserver son affection. Vous montrerez que vous êtes un digne légataire du pontife Eustachius, si vous payez à ses clients les legs de son patronage, comme vous avez payé à ses proches les legs de son testament. Voilà que j’ai obéi; voilà que par mon babil j’ai rempli vos ordres; du reste, dès que l’on demande à un homme peu exercé une chose qui veut être détaillée, il ne faut point être fâché si l’on reçoit des lettres moins éloquentes que verbeuses. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA III.

Sidonius domino papæ Megethio salutem.

LETTRE III.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE MEGETHIUS, SALUT.

Diu multumque deliberavi, quanquam mihi animo affectus studioque parendi sollicitaretur, an destinarem, sicuti injungis, contestatiunculas quas ipse dictavi. Vicit ad ultimum sententia, quæ tibi obsequendum definiebat: ergo petita transmisi. Et quid modo dicemus? grandis ne hæc obedientia? puto grandis est: grandior impudentia tamen. Hac enim fronte possemus, fluminibus aquas, silvis ligna transmittere: hac enim temeritate Apellem peniculo, cœlo Phidiam, malleo Polycletum muneraremur. Dabis ergo veniam præsumptioni, papa sancte, facunde, venerabilis, quæ doctissimo examini tuo naturali garrulitate deblaterat. Habet consuetudo nostra pro ritu, ut et si pauca edit, multa conscribat: veluti est canibus innatum, ut et si non latrant, tamen hirriant. Memor nostri esse dignare, domine papa.

J’ai longtemps balancé, malgré mon envie extrême de t’obéir, si je devais t’envoyer, comme tu le demandes, les Préfaces que j’ai composées moi-même. A la fin, le sentiment de la condescendance a triomphé dans mon esprit, et je te fais passer ce que tu désires. Et que dirons-nous maintenant? Est-ce là une grande obéissance? elle est grande, ce me semble; mon impudence toutefois est plus grande encore. Nous pourrions avec cette effronterie porter de l’eau dans les fleuves, du bois dans les forêts; avec cette témérité, nous gratifierions Apelles d’un pinceau, Phidias d’un ciseau, Polyclète d’un marteau. Tu me pardonneras donc, Pape saint, éloquent, vénérable, une présomption qui ose s’abandonner à son babil naturel, devant un juge aussi éclairé que toi. C’est notre habitude, pour exprimer peu de choses, d’écrire longuement, comme les chiens qui ont accoutumé de gronder, tout en n’aboyant pas Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA IV.

Sidonius domino papæ Fonteio salutem.

LETTRE IV.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE FONTEIUS, SALUT.

Insinuare quoscumque jam paveo, quia commendatis nos damus verba, vos munera: tanquam non principalitas sit censenda beneficii, quod a me peccatore digressis sanctæ communionis portio patet. Testis horum est Vindicius noster, qui segnius domum pro munificentiæ vestræ fasce remeavit; quoquo loci est constanter affirmans, cum sitis opinione magni, gradu maximi, non tamen esse vos amplius dignitate, quam dignatione laudandos. Prædicat sanctas, melleas et floridas, quæ procedunt de temperata communione, blanditias; nec tamen ex hoc quidquam pontificali deperire personæ ; quod sacerdotii fastigium non frangitis comitate, sed flectitis. Quibus agnitis sic inardesco, ut tum me sim felicissimum judicaturus, cum mihi coram posito sub divina ope contigerit, tam securum de Deo suo pectus, licet præsumptiosis, arctis tamen fovere complexibus. Accipite confitentem: suspicio quidem nimis severos, et imbecillitatis meæ conscius, æquanimiter fero asperos mihi: sed, quod fatendum est, hisce moribus facilius humilitate submittimur, quam familiaritate sociemur. In summa, viderit qua conscientiæ dote turgescat, qui se ambientibus rigidum reddit: ego tamen morum illiusæ mulator esse præelegerim, qui etiam longe positorum incitare in se affectat affectum. Illud quoque mihi inter maxima granditer cordi est, quod apostolatus vestri patrocinium copiosum verissimis dominis animæ meæ, Simplicio et Apollinari, intermina intercessione conferre vos comperi. Si verum est, rogo ut non habeat vestra caritas finem: si falsum est, peto ut non differat habere principium. Præterea commendo gerulum litterarum, cui istic, id est, in Vasionensi oppido, quiddam necessitatis exortum sanari vestræ auctoritatis reverentiæ pondere potest. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Je n’ose plus vous recommander personne, parce que vous donnez des présents à ceux qui ne reçoivent de nous que des paroles, comme si déjà ce n’était pas de votre part un bienfait insigne d’admettre à votre sainte amitié les hommes envoyés par un pécheur comme moi: témoin notre Vindicius, qui est revenu lentement chez lui accablé qu’il était sous le poids de vos faveurs, et qui va proclamant partout que, malgré votre grande renommée, votre élévation, vous êtes moins recommandable encore par votre rang. que par votre bonté. Il vante cet accueil. pieux, doux et flatteur, cette noble affabilité qui vous caractérise, et qui ne compromet toutefois en rien votre dignité épiscopale, parce que ces manières pleines de grâce ne rabaissent point la grandeur du sacerdoce, mais savent l’accommoder à tout le monde. Ces récits m’enflamment tellement, que je me croirai très heureux alors qu’il me sera donné, par la faveur du ciel, de voir et de serrer en des embrassements étroits, quoique présomptueux, ce cœur si riche de son Dieu. Croyez-en mes aveux: je respecte sans doute les âmes d’une excessive sévérité, et, dans la conscience de ma faiblesse, je supporte patiemment les caractères durs et âpres; mais, je dois le confesser, de pareilles manières nous font bien plutôt sentir notre infériorité qu’elles n’attirent notre confiance. En somme, qu’ils examinent de quel mérite ils peuvent s’enorgueillir, les hommes qui se montrent rigides envers ceux dont ils sont environnés; pour moi, j’aimerais mieux imiter les manières de celui qui cherche à se gagner l’affection des personnes même éloignées. Une chose aussi qui me réjouit grandement le cœur, c’est d’apprendre que votre apostolat ne se lasse pas de prodiguer son appui aux vrais maîtres de mon âme, Simplicius et Apollinaris. Si cela est vrai, je vous prie de ne pas mettre fin à votre charité; si cela n’est pas, je désire que vous ne tardiez pas à leur accorder votre amour. Je vous recommande encore le porteur de ma lettre; des affaires épineuses qui l’appellent chez vous, c’est-à-dire dans la ville de Vaison, pourraient s’arranger par votre influence et votre autorité. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA V.

Sidonius domino papæ Agrœcio salutem.

LETTRE V.

SIDONTUS AU SEIGNEUR PAPE AGRœCIUS, SALUT.

Bituricas decreto civium petitus adveni: causa fuit evocationis titubans Ecclesiæ status; quæ nuper summo viduata pontifice, utriusque professionis ordinibus ambiendi sacerdotii quoddam classicum cecinit. Fremit populus per studia divisus: pauci alteros, multi sese non offerunt solum, sed inferunt. Si aliquid pro virili portione secundum Deum consulas veritatemque, omnia incurrunt levia, varia, fucata: et quid dicam? sola est illic simplex impudentia. Et nisi me immerito queri judicaretis, dicere auderem, tam præcipitis animi esse plerosque tamque periculosi, ut sacrosanctam sedem dignitatemque affectare pretio oblato non reformident; et rem jam dudum in nundinam mitti auctionemque potuisse, si quam paratus invenitur emptor, venditor tam desperatus inveniretur. Proinde quæso ut officii mei novitatem, pudorem, necessitatem, spectatissimi adventus tui ornes contubernio, tuteris auxilio. Nec te, quanquam Senoniæ caput es, inter hæc dubia subtraxeris intentionibus medendis Aquitanorum: quia minimum refert quod nobis est in habitatione divisa provincia, quando in religione causa conjungitur. His accedit quod de urbibus Aquitanicæ primæ solum oppidum Arvernum Romanis reliquum partibus bella fecerunt. Quapropter in constituendo præfatæ civitatis antistite, provincialium collegarum deficimur numero, nisi metropolitanorum reficiamur assensu. De cætero, quod ad honoris vestri spectat prærogativam, nullus a me hactenus nominatus, nullus adhibitus, nullus electus est: omnia censuræ tuæ salva, illibata, solida servantur. Tantum hoc mecum duco, vestras invitare personas, exspectare voluntates, laudare sententias: et cum in locum statumque pontificis quisque sufficitur, ut a vobis præceptum, a me procedat obsequium.

 

 

 

Sed si, quod tamen arbitror minime fore, precibus meis apud vos malesuadus obstiterit interpres, poteritis præsentiam vestram potius excusare quam culpam: sicut e diverso, si venitis, ostenditis quia terminus potuerit poni vestræ quidem regioni, sed non potuerit caritati. Memor nostri esse dignare, domine papa.

J’arrive à Bourges, appelé dans cette ville par les citoyens. Le motif de cet appel, c’est le malheureux état de leur église, veuve depuis peu de son vénérable pontife, et qui voit des ambitieux de l’un et l’autre ordre briguer, comme à un signal donné, les honneurs de l’épiscopat Le peuple s’agite et se partage en factions contraires; peu de gens donnent leurs suffrages à d’autres, beaucoup de personnes s’offrent elles-mêmes et se présentent par force. Si vous voulez, autant qu’il est en vous, considérer les choses selon Dieu et la vérité, vous ne remarquerez partout que légèreté, qu’inconstance, que déguisement; en un mot, c’est l’impudence elle seule qui triomphe ici. Et, si je ne craignais que vous ne m’accusassiez d’exagération, j’oserais vous dire qu’on agit d’une manière précipitée, dangereuse, et que la plupart ne rougissent pas d’offrir de l’argent pour obtenir un poste saint, une dignité sacrée; depuis longtemps même on aurait déjà mis à l’enchère le siège épiscopal, s’il se fût trouvé des vendeurs aussi déterminés que le sont les acquéreurs. Par conséquent, je te prie de venir m’honorer de ta présence, et de me soulager dans l’embarras et la nécessité où je me trouve de remplir un devoir nouveau pour moi. Quand bien même tu es le chef de la Sénonaise, ne refuse pas, en ces circonstances difficiles, de calmer les débats des Aquitains; car il n’importe guère que nous habitions des provinces différentes, puisque nous sommes réunis par les liens de la religion. Je dirai de plus, que, de toutes les villes de la première Aquitaine, les guerres n’ont laissé dans le parti des Romains que la seule ville des Arvernes. C’est ce qui fait que nous manquons, en notre province, du nombre suffisant d’évêques pour établir un pontife dans la cité de Bourges; il nous faut un métropolitain pour cette élection. Au reste, vous y paraître avec la prérogative de votre rang; je n’ai encore nommé, désigné, ni choisi personne; nous réservons tout absolument à votre décision. Le. seul privilège que je m’attribue, c’est de vous inviter, d’attendre votre jugement, d’applaudir à votre choix, et de vous montrer, lorsque vous aurez nommé un évêque au siège de Bourges, toute ma déférence pour vos volontés.

Mais si quelqu’un, ce que je ne crois pas, allait vous donner le mauvais conseil de vous refuser à ma prière, vous pourriez plutôt excuser votre absence que votre faute; au contraire, si vous venez, vous me prouverez qu’on peut mettre des bornes à votre pays, mais qu’il est impossible d’en fixer à votre charité. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA VI.

Sidonius domino papæ Basilio salutem

LETTRE VI.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE BASILIUS, SALUT.

Sunt nobis, munere Dei, novo nostrorum temporum exemplo, amicitiarum vetera jura: diuque est quod invicem diligimus ex æquo. Porro autem, quod ad communem conscientiam pertinet, tu patronus: quanquam hoc ipsum præsumptiose arroganterque loquar. Namque iniquitas mea tanta est, ut mederi de lapsuum ejus assiduitate vix etiam tuæ supplicationis efficacia queat. Igitur quia mihi es tam patrocinio quam dilectione bis dominus, pariter et quod memini probe, quo polleas igne sensuum, fonte verborum: qui viderim Modaharium civem Gothum, Arianæ hæreseos jacula vibrantem, quo tu spiritualium testimoniorum mucrone confoderis; servata cæterorum tam reverentia quam pace pontificum; non injuria tibi defleo, qualiter ecclesiasticas caulas istius æris lupus qui peccatis pereuntium saginatur animarum, clandestino morsu necdum intellecti dentis arrodat. Namque hostis antiquus, quo facilius insultet balatibus ovium destitutarum, prius dormitantium incipit cervicibus imminere pastorum. Neque ego ita mei meminens non sum, ut nequaquam me hunc esse reminiscar; quem longis adhuc abluenda fletibus conscientia premat; cujus stercora tamen, sub ope Christi, quandoque mysticis orationum tuarum rastris eruderabuntur. Sed quoniam supereminet privati reatus verecundiam publica salus, non verebor, etsi carpat zelum in me fidei sinister interpres, sub vanitatis invidia causam prodere veritatis.

 

 

 

 

Evarix, rex Gothorum, quod limitem regni sui, rupto dissolutoque fœdere antiquo, vel tutatur armorum jure, vel promovet, nec nobis peccatoribus hic accusare, nec vobis sanctis hic discutere permissum est. Quin potius si requiras, ordinis res est, ut et dives hic purpura byssoque veletur, et Lazarus hic ulceribus et paupertate feriatur. Ordinis res est, ut dum in hac allegorica versamur Ægypto, Pharao incedat cum diademate, Isrælita cum cophino. Ordinis res est, ut dum in hac figuratæ Babylonis fornace decoquimur, nos cum Jéremia spiritualem Jerusalem suspiriosis plangamus ululatibus, et Assur fastu regio tonans sanctorum sancta proculcet. Quibus præsentum ego futurarumque beatitudinum vicissitudinibus inspectis, communia patientius incommoda fero. Primum, quod mihi quæmerear introspicienti, quæcumque adversa provenerint, leviora reputabuntur; dein quod certum scio, maximum esse remedium interioris hominis, si in hac area mundi variis passionum flagellis trituretur exterior. Sed quod fatendum est, præfatum regem Gothorum, quanquam sit ob virium merita terribilis, non tam Romanis mœnibus quam legibus Christianis insidiaturum pavesco; tantum, ut ferunt, ori, tantum pectori suo catholici mentio nominis acet, ut ambigas, ampliusne suæ gentis, an suæ sectæ teneat principatum. Ad hoc, armis potens, acer animis, alacer annis, hunc solum patitur errorem, quod putat sibi tractatuum consiliorumque successum tribui pro religione legitima, quem potius assequitur pro felicitate terrena. Propter quod discite cito catholici status valetudinem occultam, ut apertam festinetis adhibere medicinam. Burdegala, Petrocorii, Ruteni, Lemovices, Gabalitani, Elusani, Vasates, Convenæ, Auscenses, multoque jam major numerus civitatum, summis sacerdotibus ipsorum morte truncatis, nec ullis deinceps episcopis in detunctorum officia suffectis, per quos utique minorum ordinum ministeria subrogabantur, latum spiritualis ruinæ limitem traxit. Quam fere constat sic per singulos dies morientum patrum proficere defectu, ut non solum quoslibet hæreticos præsentum, verum etiam hæresiarchas priorum temporum potuerit inflectere: ita populos excessu pontificum orbatos, tristis intercisæ fidei desperatio premit. Nulla in desolatis cura diœcesibus parochiisque. Videas in Ecclesiis aut putres culminum lapsus, aut valvarum cardinibus avulsis, basilicarum aditus hispidorum veprium fruticibus obstructos. Ipsa, proh dolor! videas armenta, non modo semipatentibus jacere vestibulis, sed etiam herbosa viridantium altarium latera depasci. Sed jam nec per rusticas solum solitudo parochias: ipsa insuper urbanarum ecclesiarum conventicula rarescunt. Quid enim fidelibus solatii superest, quando clericalis non modo disciplina, verum etiam memoria perit? Equidem cum clericus quisque defungitur, si benedictione succidua non accipiat dignitatis hæredem, in illa ecclesia sacerdotium moritur, non sacerdos. Atque ita quid spei restare pronunties, ubi facit terminus hominis finem religionis? Altius inspicite spiritualium damna membrorum; profecto intelligetis quanti subripiuntur episcopi, tantorum vobis populorum fidem periclitaturam. Taceo vestros Crocum Simpliciumque collegas, quos cathedris sibi traditis eliminatos, similis exsilii cruciat pœna dissimilis. Namque unus ipsorum se dolet non videre, quo redeat: alter se dolet videre, quo non redit. Tu sacratissimorum pontificum Leontii, Fausti, Græci, urbe, ordine, caritate medius inveniris: per vos mala fœderum currunt, per vos regni utriusque pacta conditionesque portantur. Agite quatenus hæc sit amicitia, concordia principalis, ut episcopali ordinatione permissa, populos Galliarum quos limes Gothicæ sortis incluserit, teneamus ex fide, etsi non tenemus ex fœdere. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Il existe entre nous, grâce à Dieu, et par un exemple rare de nos jours, de vieux, liens d’amitié; il y a longtemps que nous nous aimons l’un l’autre d’une égale tendresse. Mais, si j’envisage notre position respective, tu es mon patron, quoique, au reste, ce soit là parler d’une manière présomptueuse et arrogante; car, mes iniquités sont si grandes que tu pourrais à peine, par l’efficacité de tes prières, me relever de mes chutes continuelles. Or, comme tu es deux fois mon maître par la protection que tu m’accordes, par l’amitié dont tu m’honores; comme j’apprécie fort bien l’ardeur de ton zèle, la puissance de tes paroles, moi qui t’ai vu percer,
avec le glaive des témoignages spirituels, le Goth Modaharius, jetant partout les traits de l’arianisme, je puis donc bien, sans manquer aux égards que méritent les autres évêques, déplorer auprès de toi la manière dont ce loup cruel s’engraisse avec les péchés des âmes qui périssent, et dévaste en secret, dans sa rage peu connue encore, les bergeries de l’Eglise; car l’antique ennemi, pour insulter plus à son aise aux bêlements des brebis abandonnées, commence par fondre sur les pasteurs qui sommeillent. Cependant, je ne m’oublie point assez pour ne pas me ressouvenir que j’ai besoin de laver en des larmes continuelles les souillures de ma conscience; et j’espère qu’un jour, avec le secours du Christ et par l’influence mystérieuse de tes oraisons, cette conscience pourra se purifier. Mais, comme le salut public l’emporte sur le repentir que j’ai de mes fautes particulières, dût-on même interpréter défavorablement et blâmer mon zèle pour la foi, je me garderai bien de trahir la cause de la vérité, crainte d’être accusé d’orgueil.

Si le roi des Goths, Evarix, après avoir rompu et brisé l’ancienne alliance, protège par le droit des armes, ou recule les frontières de son royaume, il ne nous est pas permis à nous pécheurs de nous en plaindre, ni à vous, saint pontife, d’en parler. De plus, si tu veux le savoir, il est de l’ordre que le riche soit vêtu de pourpre et de fin lin, que Lazare soit frappé d’ulcères et de pauvreté; il est de l’ordre que, dans cette mystérieuse Egypte où nous cheminons, Pharaon marche paré du diadème, l’Israélite chargé de la hotte; il est de l’ordre que dans la fournaise de cette autre Babylone où nous sommes consumés, nous poussions avec Jérémie, vers la Jérusalem spirituelle, des cris et des sanglots entrecoupés, et qu’Assur, tonnant du haut de son faste royal, foule à ses pieds le saint des saints. Pour moi, en comparant. le bonheur fugitif de ce monde avec l’éternelle béatitude de la vie future, je. supporte plus patiemment des calamités communes. D’abord, si je considère ce que je mérite, quelques malheurs qui puissent je dois les trouver trop légers; puis ensuite, je sais bien que c’est un puissant remède pour l’homme intérieur, si l’homme extérieur est battu dans l’aire de ce monde sous les fléaux des calamités diverses. Mais, il faut l’avouer, quoique ce roi des Goths soit terrible à cause de ses forces, je crains moins ses coups pour les murs des Romains que pour les lois chrétiennes. Le seul nom de catholique lui cause une telle horreur, dit-on, que vous le croiriez le chef de sa secte, comme il est celui. de ses peuples. Ajoutez encore la puissance de ses armes, le feu de son courage, la vigueur de sa jeunesse; l’unique travers de ce prince, c’est d’attribuer à la bonté de sa religion le succès de ses entreprises, de ses desseins, tandis qu’il ne le tient que d’une félicité temporelle. Ainsi donc, instruisez-vous promptement des maux secrets de l’état catholique, pour y apporter en toute hâte un remède efficace. Bordeaux, Périgueux, Rodez, Limoges, Gabale, Eause, Bazas, Comminges, Auch, et beaucoup d’autres villes encore dont les pontifes ont été moissonnés par la mort, sans qu’on ait mis de nouveaux évêques pour conférer les ministères des. ordres inférieurs, ont vu s’étendre au loin l’image de ces ruines spirituelles. Le mal augmente évidemment tous, les jours, par le vide que laisse la mort des pontifes; et les hérétiques du siècle comme ceux des âges passés pourraient en être attendris, tant il est triste de voir les peuples privés de leurs. évêques, et désespérés de la perte de la foi. Dans les diocèses, dans les paroisses. tout est négligé; partout l’on voit des églises dont le faîte se dégrade et tombe; leurs portes sont arrachées, leurs gonds enlevés, l’entrée des basiliques est fermée avec des ronces et des épines; les troupeaux eux-mêmes, ô douleur ! viennent se coucher au milieu des vestibules entr’ouverts, et brouter l’herbe qui croît autour des saints autels. La solitude ne règne pas seulement dans les paroisses de la campagne, mais encore dans les églises des villes, où les réunions deviennent si rares. Quelle consolation reste-t-il aux fidèles, quand la discipline ecclésiastique périt, quand le souvenir même s’en efface? Un clerc vient-il à sortir de la vie, si la bénédiction épiscopale ne lui donne pas de successeur, le sacerdoce meurt dans nette église, et non pas le prêtre. Et alors, quel espoir penses-tu qu’il reste, quand la fin d’mi homme amène celle de la religion? Envisagez de plus près les pertes qu’éprouvent les membres: spirituels; vous, le comprendrez sans peine, autant il disparaît d’évêques, autant il est de peuples dont la foi périclite. Je ne dis rien de vos collègues Crocus et Simplicius, arrachés à leurs sièges, et souffrant dans un exil pareil de peines différentes; car, l’un d’eux est triste de ne plus voir des lieux où il voudrait revenir; l’autre, de voir des lieux où il ne revient pas. Tu es au milieu des saints pontifes Léontius, Faustus, Græcus, par ta ville, par ton rang, par ta charité. C’est vous qui êtes chargés de transmettre les désastres des alliances, le traité de paix entre les deux états. Faites que l’union, la concorde règne parmi les princes, qu’il nous soit libre d’ordonner des évêques, et que les peuples des Gaules, qui seront renfermés dans l’empire des. Goths, appartiennent à notre foi, s’ils ne doivent plus appartenir à notre domination. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA VII.

Sidonius domino papæ Græco salutem.

LETTRE VII.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE GRæCUS, SALUT.

Ecce iterum Amantius nugigerulus noster Massiliam suam repetit, aliquid, ut moris est, de manubiis civitatis domum reportaturus, si tamen cataplus arriserit: per quem joculariter plura garrirem, si pariter unus idemque valeret animus exercere læta et tristia sustinere. Siquidem nostri hic nunc est infelicis anguli status; cujus, ut fama confirmat, melior fuit sub bello quam sub pace conditio. Facta est servitus nostra pretium securitatis alienæ. Arvernorum, proh dolor! servitus: qui, si prisca replicarentur, audebant se quondam fratres Latio dicere, et sanguine ab Iliaco populos computare. Si recentia memorabuntur, ii sunt qui viribus propriis hostium publicorum arma remorati sunt: cui sæpe populo Gothus non fuit clauso intra mœnia formidini, cum vicissim ipse fieret oppugnatoribus positis intra castra terrori. Hi sunt qui sibi adversus vicinorum aciem tam duces fuere quam milites. De quorum tamen sorte certaminum, si quid prosperum cessit, vos secunda solata sunt; si quid contrarium, illos adversa fregerunt. Illi amore reipublicæ Seronatum, barbaris provincias propinantem non timuere legibus tradere; quem convictum deinceps respublica vix præsumpsit occidere. Hoccine meruerunt inopia, flamma, ferrum, pestilentia, pingues cædibus gladii, et macri jejuniis præliatores? Propter hujus tamen inclytæ pacis exspectationem, avulsas muralibus rimis herbas in cibum traximus; crebro per ignorantiam venenatis graminibus infecti, quæ indiscretis foliis succisque viridantia, sæpe manus fame concolor legit. Pro iis tot tantisque devotionis experimentis nostri (quantum audio) facta jactura est: pudeat vos, precamur, hujus fœderis nec utilis nec decori. Per vos legationes meant. Vobis primum, quanquam principe absente, non solum tractata reserantur, verum etiam tractanda committuntur. Veniabilis sit, quæ sumus, apud aures vestras veritatis asperitas, cujus convicii invidiam dolor eripit. Parum in commune consulitis: et cum in concilium convenitis, non tam curæ est publicis mederi periculis, quam privatis studere fortunis: quod utique sæpe diuque facientes, jam non primi comprovincialium cœpistis esse, sed ultimi. At quousque istæ poterunt durare præstigiæ ? Non enim diutius ipsi majores nostri hoc nomine gloriabuntur, qui minores incipiunt non habere. Quapropter vel consilio, quo potestis, statum concordiæ tam turpis incidite. Adhuc si necesse est obsideri, adhuc pugnare, adhuc esurire delectat. Si vero tradimur, qui non potuimus viribus obtineri, invenisse vos certum est, quid barbarum suaderetis ignavi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sed cur dolori nimio frena laxamus? Quin potius ignoscite afflictis, nec imputate mœrentibus. Namque alia regio tradita servitium sperat, Arverna supplicium. Sane si medicari nostris ultimis non valetis, saltem hoc efficite prece sedula, ut sanguis vivat quorum est moritura libertas: parate exsulibus terram, capiendis redemptionem, viaticum peregrinaturis. Si murus noster aperitur hostibus, non sit clausus vester hospitibus. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Voici encore Amantius, le porteur de mes badineries, qui retourne dans sa ville de Massilia, pour faire, selon sa coutume, quelque profit sur vos concitoyens, et rapporter chez lui les fruits de son commerce, si toutefois le port lui présente une occasion favorable. Je vous adresserais en cette circonstance quelques plaisantes causeries, si le même esprit pouvait en même temps se livrer à la gaîté, et porter le poids de la tristesse. Tel est aujourd’hui l’état de notre malheureuse province, que la renommée a raison de représenter notre sort comme ayant été meilleur pendant la guerre, qu’il ne l’est depuis la paix. Notre esclavage est devenu le prix de la sécurité de nos voisins. L’esclavage des Arvernes, ô douleur! Si je fouille dans le passé, j’y trouve qu’ils osèrent se dire jadis les frères des antiques habitants du Latium, et reporter leur origine au sang d’Ilium. Si je rappelle des, faits récents, je vois que ce sont eux qui, de leurs propres forces, ont arrêté les armes de l’ennemi commun; qui, plus d’une fois, enfermés dans leurs murs, n’ont pas redouté le Goth, mais l’ont épouvanté dans son camp, lorsqu’il les assiégeait. Ce sont eux qui ont su remplir contre les armées de leurs voisins le rôle de chefs aussi bien que de soldats. Mais si le sort des combats leur a procuré quelque avantage, tout le fruit en a té pour vous; s’il leur est devenu contraire, ils ont porté seuls tout le poids du malheur. Les Arvernes, par amour pour la république, n’ont pas craint de livrer aux lois Séronatus qui était aux Barbares les provinces de l’empire; et ensuite, quand il fut convaincu de son crime, la république hésitait encore à le punir. Voilà donc ce qu’il nous a valu d’avoir bravé la faim, les flammes, le fer, la peste, d’avoir engraissé nos glaives du sang ennemi, de nous être exténués de jeûnes en combattant! Voilà donc la paix si avantageuse que nous attendions, lorsque, pour échapper aux horreurs de la faim, nous arrachions les herbes qui croissaient entre les fentes de nos murs! souvent trompés par la forme et le suc de leurs feuilles, nous cueillîmes d’une main livide des plantes vénéneuses. En récompense de tant d’actes courageux et héroïques si je suis bien informé, on nous sacrifie. Rougissez, nous vous en prions, d’une paix qui n’est ni utile, ni glorieuse. C’est par vos mains que passent les négociations; c’est vous le premier qui, même en l’absence du prince, connaissez les traités déjà faits, et qui êtes chargé des traités à faire. Pardonnez, je vous prie, les paroles sévères que je vous adresse; la douleur ôte à mes reproches toute leur amertume. Vous consultez peu l’intérêt public; dans vos assemblées, vous cherchez moins à remédier aux malheurs communs, qu’à élever des fortunes privées; en agissant toujours ainsi, vous avez commencé d’être non plus le premier, mais le dernier de vos comprovinciaux. Or, jusques à quand pourront durer ces intrigues? Nos ancêtres ne se glorifieront plus désormais de ce titre, puisqu’ils commencent à manquer déjà de descendants. Ainsi donc, par tous les moyens possibles, rompez un traité de paix si honteux. S’il faut encore soutenir un siège, s’il faut combattre encore, endurer encore la faim, nous le ferons avec plaisir; mais si nous sommes livrés, nous que la force n’a pu vaincre, il est certain que vous avez imaginé ces transactions lâches et barbares.

Pourquoi m’abandonner à l’excès de la douleur? Excusez notre affliction; pardonnez au langage du désespoir. Les autres pays qui ont été cédés n’attendent que l’esclavage; les Arvernes attendent le supplice. Si vous ne pouvez nous arracher à notre pénible situation, au moins faites, par l’assiduité de vos prières, qu’elle vive encore la race de ceux dont la liberté doit mourir. Préparez une retraite aux exilés, des rançons pour les esclaves, des vivres pour les pèlerins. Si nos murailles sont ouvertes aux ennemis, que les vôtres ne soient pas fermées à des hôtes. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA VIII.

Sidonius domino papæ Euphronio salutem.

LETTRE VIII.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE EUPHRONIUS, SALUT.

Quandoquidem me clericalis officii vincula ligant, felicissimum mediocritatis meæ statum pronuntiarem, si nobis haberentur quam territoria vicina, tam mœnia. De minimis videlicet rebus coronam tuam maximisque consulerem: fieretque actionum mearum quasi cujuspiam fluvii placidissimus cursus atque inoffensus, si tractatu tuo veluti saluberrimo fonte manaret. Procul dubio tunc ille non esset aut spumosus per jactantiam, aut turbidus per superbiam, aut cœnosus per conscientiam, aut præceps per juventutem. Quin potius in illo squalidum si quid ac putre sorderet, totum id admixta consilii tui vena dilueret. Sed quod hujuscemodi votis spatia sunt longa inter posita præpedimento, sedulo precor, ut consulentem de scrupulo incursæ ambiguitatis expedias: et quia Simplicium spectabilem virum episcopum sibi flagitat populus Biturix ordinari, quid super tanto debeam negotio facere decernas. Hujus es namque vel erga me dignationis, vel erga reliquos auctoritatis, ut si quid fieri voles, voles autem quidquid æquissimum est, non suadere tam debeas, quam jubere. De quo tamen Simplicio scitote narrari plurima bona, atque ea quidem a plurimis bonis. Quæ testimonia mihi prima fronte colloquii non satis grata, quia satis gratiosa, judicabantur. At postquam æmulos ejus nihil vidi amplius quam silere, atque eos maxime qui fidem fovent Arianorum; neque quippiam nominato, licet necdum nostræ professionis, illicitum opponi: animum adverti exactissimum virum posse censeri, de quo civis malus loqui, bonus tacere non posset.  

 

 

Sed cur ego ista hæc ineptus adjeci, tanquam darem consilium qui poposci? Quin potius omnia ex vestro nutu, arbitrio, litterisque disponentur, sacerdotibus, popularibus manifestabuntur. Neque enim ita desipimus in totum, ut evocandum te primum, si venire possibile est; deinde si quid secus, certe consulendum decerneremus, nisi in omnibus obsecuturi. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Puisque je suis engagé dans les liens de l’état ecclésiastique, je me trouverais fort heureux, malgré mon peu de mérite, si nos villes étaient aussi voisines que le sont nos territoires. Alors, je te consulterais sur les moindres choses comme sur les plus importantes ; le cours de me actions pareil à celui d’un fleuve, s’en irait calme et paisible, découlant en quelque sorte de la source bienfaisante de tes entretiens. Alors, sans doute, ce cours ne serait ni enflé par ma présomption, ni troublé par mon orgueil, ni fangeux par ma conscience, ni précipité par ma jeunesse; bien plus, tout ce qu’il pourrait offrir d’impur ou de corrompu, la veine de tes conseils le ferait disparaître en s’y mêlant. Mais, puisque le long espace qui est jeté entre nous s’oppose à la réalisation de mes vœux, je te prie instamment de m’envoyer tes conseils dans un cas embarrassant qui se présente: le peuple de Bourges demande qu’on lui ordonne pour évêque Simplicius, personnage très remarquable; décide quelle conduite je dois tenir en cette importante affaire. Tu as envers moi tant de bontés, tu as sur les autres une telle influence, que si tu veux quelque chose (et tu ne voudras que des choses parfaitement justes), tu dois donner moins des conseils que des ordres. Pour ce qui regarde Simplicius, sache que l’on entend dire de lui beaucoup de bien, et cela, par un grand nombre de personnes vertueuses. Ces témoignages me semblaient suspects de prime-abord, et donnés à la faveur; mais, quand j’ai vu ses rivaux, et surtout les partisans de l’arianisme, réduits au silence et n’ayant rien à lui reprocher, quoiqu’il ne soit point encore engagé dans. notre profession, j’ai fait réflexion qu’il faut regarder comme un personnage accompli celui dont le méchant ne peut parler, et sur lequel un homme de bien.ne peut se taire.

Pourquoi vous dis-je cela mal à propos, comme si je vous donnais des conseils, moi qui vous en demande? Tout sera donc réglé. d’après votre volonté, votre arbitre, vos lettres; tout sera communiqué aux prêtres et au peuple. Et nous ne sommes point assez insensés pour réclamer d’abord ta présence dans le cas où tu pourrais venir, puis ensuite pour demander tes conseils dans le cas contraire, si nous ne voulions nous en rapporter à toi en toutes choses. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA IX.

Sidonius domino papæ Perpetuo salutem.

LETTRE IX.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE PERPETUUS, SALUT.

Desiderio spiritualium lectionum quarum tibi tam per authenticos quam per disputatores bibliotheca fidei catholicæ perfamiliaris est, etiam illa quæ maxime tuarum scilicet aurium minime digna sunt occupare censuram, noscere cupis. Siquidem injungis, ut orationem quam videor ad plebem Biturigis in ecclesia sermocinatus, tibi dirigam: cui non rhetorica partitio, non oratoriæ minæ, non grammaticales figuræ, congruentem decorem, disciplinamque suppeditaverunt. Neque enim illic, ut exacte perorantibus mos est, aut pondera historica, aut pœtica schemata, scintillasve controversalium clausularum libuit aptari. Nam cum me partium seditiones, studia, varietates, in diversa raptarent; sic dictandi mihi materiam suggerebat injuria, quod tempus occupatio subtrahebat. Etenim tanta turba competitorum, ut cathedræ unius numerosissimos candidatos nec duo recipere scamna potuissent. Omnes placebant sibi, omnes omnibus displicebant. Neque enim valuissemus aliquid in commune consulere, nisi judicii sui faciens plebs lenita jacturam, sacerdotali se potius judicio subdidisset: presbyterorum sane paucis angulatim fringultientibus; porro autem palam ne mussitantibus quidem; quia plerique non minus suum quam reliquos ordines pertimescebant. Igitur dum publice totos singuli cavent, factum est ut omnes non aspernanter audirent, quod deinceps ambienter expeterent. Itaque paginam sume subditis voluminibus adjunctam: quam duabus vigiliis unius noctis æstivæ, Christo teste, dictatam, plurimum vereor, ne ipsi amplius lectioni quæ hoc de se probat, quam mihi credas. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Dans ton zèle pour les lectures spirituelles, quoique la bibliothèque de la foi catholique te soit très familière et par les deux testaments, et par les commentateurs, tu vas jusqu’à vouloir connaître des écrits qui sont peu dignes d’occuper tes oreilles, ou d’exercer ton jugement. Tu me commandes en conséquence de t’envoyer le discours que j’ai adressé dans l’église au peuple de Bourges, discours auquel ni les divisions de la rhétorique, ni les mouvements de l’art oratoire, ni les figures grammaticales n’ont prêté l’élégance et la régularité convenables; car, dans cette occasion, je n’ai pu combiner, selon l’usage général des orateurs, soit les graves témoignages de l’histoire, soit les fictions des poètes, soit les étincelles de la controverse. Les séditions, les brigues, la diversité des partis m’entraînaient en tout sens, et si l’occasion me fournissait une ample matière, les affaires ne me laissaient pas le temps de la méditer il y avait, en effet, une telle foule de compétiteurs, que deux bancs ne suffisaient pas pour contenir les nombreux candidats d’un seul siège; tous se plaisaient à eux-mêmes, et tous déplaisaient également à tous. Nous n’eussions même rien pu faire pour le bien commun, si le peuple, plus calme, n’eût renoncé à son propre jugement pour se soumettre à celui des évêques. Quelques prêtres chuchotaient dans quelque coin, mais en public pas un ne soufflait; car, là plupart redoutaient leur ordre non moins que les autres ordres. Ainsi, pendant que chacun se tenait en garde contre les compétiteurs, il arriva que tous écoutèrent sans dédain ce qu’ils devaient désirer ensuite avec avidité. Reçois donc cette feuille avec ma présente lettre; je l’ai dictée, le Christ en est témoin, en deux veillées d’une nuit d’été; mais je crains bien qu’en la lisant, tu n’en croies là-dessus encore plus que e ne te demande. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

CONCIO

DISCOURS.

Refert historia sæcularis, dilectissimi, quemdam philosophorum discipulis advenientibus prius
tacendi patientiam quam loquendi monstrasse doctrinam: et sic incipientes quosque inter disputantium consectaneorum cathedras mutum sustinuisse quinquennium
; ut etiam celeriora quorumpiam ingenia non liceret ante laudari quam deceret agnosci. Ita fiebat, ut eosdem post longam taciturnitatem locutos, quisque audire cœperat, non taceret: quia donec scientiam natura combiberit, non major est gloria dixisse quod noveris, quam siluisse quod nescias. At nunc mediocritatem meam manet longe diversa conditio: cui per suspiriosas voragines et flagitiorum volutabra gradienti, professionis hujusce pondus impactum est. Et priusquam ulli bonorum reddam discentis obsequium, cogor debere cæteris docentis officium. Adjicitur huic impossibilitati pondus pudoris; quod mihi peculiariter paginæ decretalis oblatu, pontificis eligendi mandastis arbitrium, coram sacrosancto et pontificatu maximo dignissimo papa: qui cum sit suæ provinciæ caput, sit etiam mihi institutione, facundia, privilegio, tempore, ætate præstantior: ego deque, coramque metropolitano verba facturus, et provincialis, et junior, pariter fero imperiti verecundiam, procacis invidiam. Sed quoniam vestro sic libitum errori, ut ipse prudentia carens, prudentem vobis, in cujusque personam bona multa concurrant, sub ope Christi episcopum exquiram: noveritis hujusmodi assensu multum me honoris, plus oneris excipere. Primore loco, grandem publicæ opinionis sarcinam penditote, quod injunxistis incipienti consummata judicia: atque ab hoc rectum concilii tramitem postulatis, in quo recolitis adhuc nuper erratum. Igitur quia vobis id fuit cordi, obsecro, ut quales nos fide creditis, tales intercessione faciatis; atque dignemini humilitatem nostram orationibus potius in cœlum ferre quam plausibus. Primum tamen nosse vos par est, in quas me obloquiorum scyllas, et in quos linguarum, sed humanarum latratus quorumdam vos infamare conantum turbo conjecerit. Est enim hæc quædam vis malis moribus, ut innocentiam multitudinis devenustent scelera paucorum: cum tamen diverso bonorum raritas flagitia multorum nequeat excusare virtutibus communicatis.

 

  

 

 

 

 

 

Si quempiam nominavero monachorum, quamvis illum Paulis, Antoniis, Hilarionibus, Macariis conferendum, sectatæ anachoreseos prærogativa comitetur, aures illico meas incondito tumultu circumstrepitas ignobilium pumilionum murmur everberat conquerentium: Hic qui nominatur, inquiunt, non episcopi, sed potius abbatis complet officium; et intercedere magis pro animabus apud cœlestem, quam pro corporibus apud terrenum judicem potest. Sed quis non exacerbescat, cum videat sordidari virtutum sinceritatem criminatione vitiorum? Si eligimus humilem, vocatur abjectus; si proferimus erectum, superbire censetur. Si minus institutum, propter imperitiam creditur irridendus; si aliquatenus doctum, propter scientiam clamatur inflatus. Si severum, tanquam crudelis horretur; si indulgentem, facilitate culpatur. Si simplicem, despicitur ut brutus; si acrem, vitatur ut callidus. Si diligentem, superstitiosus decernitur; si remissum negligens judicatur. Si solertem, cupidus; si quietum, pronuntiatur ignavus. Si abstemium producimus, avarus accipitur; si eum qui prandendo pascat, edacitatis impetitur: si eum qui pascendo jejunet, vanitatis arguitur. Libertatem pro improbitate condemnant; verecundiam pro rusticitate fastidiunt; rigidos ab austeritate non habent caros; blandi apud eos communione vilescunt. Ac si apud eos utrolibet genere vivatur, semper hic tamen bonarum partium mores pungentibus linguis maledicorum veluti bicipitibus hamis inuncabuntur. Inter hæc monasterialibus disciplinis ægre subditur, vel popularium cervicositas, vel licentia clericorum.

 

  

 

 

Si clericum dixero, sequentes æmulantur, derogant antecedentes. Nam ita ex iis pauci, quod reliquorum pace sit dictum, solam clericatus diuturnitatem pro meritis autumant calculandam; ut nos in antistite consecrando, non utilitatem velint eligere, sed ætatem: tanquam diu potius quam bene vivere, debeat accipi ad summum sacerdotium adipiscendum, pro omnium gratiarum privilegio decoramento, lenocinamento. Et ita quispiam in ministrando segnes, in obloquendo celeres, in tractatibus otiosi, in seditionibus occupati, in caritate infirmi, in factione robusti, in æmulationum conservatione stabiles, in sententiarum assertione nutantes, nituntur regere Ecclesiam, quos jam regi necesse est per senectam. Sed nec diutius placet propter paucorum ambitus, multorum notare personas: hoc solum astruo, quod cum nullum proferam nuncupatim, ille confitetur repulsam qui profitetur offensam. Sane id liberius dico de multitudine circumstantium multos episcopales esse, sed totos episcopos esse non posse; et cum singuli diversorum charismatum proprietate potiantur, sufficere omnes sibi, omnibus neminem.

 

 

 

 

 

Si militarem dixero forte personam, protinus in hæc verba consurgitur: Sidonius ad clericatum quia de sæculari professione translatus est, ideo sibi assumere metropolitanum de religiosa congregatione dissimulat: natalibus turget, dignitatum fastigatur insignibus, contemnit pauperes Christi. Quapropter impræsentiarum solvam, quam non tam bonorum charitati quam maledicorum suspicioni debeo fidem. Vivit Spiritus sanctus, omnipotens Deus noster, qui Petri voce damnavit in Simone mago, cur opinaretur gratiam benedictionis pretio sese posse mercari; me in eo quem vobis opportunum censui, nec pecuniæ favere nec gratiæ ; sed statu satis superque trutinato, personæ, temporis, provinciæ, civitatis, virum cujus in consequentibus raptim vita replicabitur, competentissimum credidisse.

  

 

 

Benedictus Simplicius, hactenus vestri, jamque ab hinc nostri, modo per vos Deus annuat, habendus ordinis comes, ita utrique parti vel actu, vel professione respondet, ut et respublica in eo quod admiretur, et Ecclesia possit invenire quod diligat. Si natalibus servanda reverentia est, quia et hos non omittendus evangelista monstravit, nam Lucas laudationem Joannis aggressus, præstantissimum computavit, quod sacerdotali de stirpe veniebat, et nobilitatem vitæ prædicaturus, prius tamen extulit familiæ dignitatem; parentes ipsius, aut cathedris, aut tribunalibus præsederunt. Illustris in utraque conversatione prosapia, aut episcopis floruit, aut præfectis: ita semper hujusce majoribus, aut humanum, aut divinum dictare jus ausus fuit; si vero personam suam tractatu consiliosiore pensemus, invenimus illam tenere istic inter spectabiles principes locum. Sed dicitis viros Eucherium et Pannichium illustres haberi superiores: quod hactenus eos esto putatos: sed præsentem jam modo ad causam illi ex canone non requiruntur, qui ambo ad secundas nuptias transierunt. Si annos ipsius computemus; habet efficaciam de juventute, de senectute consilium. Si litteras vel ingenium conferamus, certat natura doctrinæ. Si humanitas requirenda est, civi, clerico, peregrino, minimo maximoque etiam supra sufficientiam offertur, et suum sæpius panem ille potius qui non erat redditurus agnovit. Si necessitas arripiendæ legationis incubuit, non ille semel pro hac civitate stetit ante pellitos reges, vel ante principes purpuratos. Si ambigitur, quo magistro rudimentis fidei fuerit imbutus, ut proverbialiter loquar, domi habuit unde disceret. Postremo iste est ille, carissimi, cui in tenebris ergastularibus constituto, multipliciter obserata barbarici carceris divinitus claustra patuerunt. Istum, ut audivimus, tam socero quam patre postpositis, ad sacerdotium duci oportere vociferabimini. Quo quidem tempore plurimum laudis domum retulit, quando honorari parentum maluit dignitate quam propria. Pene transieram quod præteriri non oportuerat; sub Moyse quondam, sicut Psalmographus ait, in diebus antiquis, ut tabernaculi fœderis forma consurgeret, totus Isræl in eremo ante Beselehelis pedes, oblatitii symbolum coacervavit impendii. Salomon deinceps, ut templum ædificaret in Solymis, solidas populi vires in opere concussit: quamvis Palæstinorum captivas opes, et circumjectorum regum tributarias functiones, australis reginæ Sabaitis gaza cumulaverit. Hic vobis ecclesiam juvenis, miles, tenuis, solus, adhuc filius familias, et jam pater exstruxit. Nec illum a proposita devotione suspendit vel tenacitas senum, vel intuitus parvulorum: et tamen fuit morum factura quæ taceret. Vir est namque, ni fallor, totius popularitatis alienus: gratiam non captat omnium, sed bonorum; non indiscreta familiaritate vilescens, sed examinata sodalitate pretiosus; et bono viratu æmulis suis magis prodesse cupiens quam placere; severis patribus comparandus, qui juvenum filiorum non tam cogitant vota quam commoda. In adversis constans, in dubiis fidus, in prosperis modestus, in habitu simplex, in sermone comis, in contubernio æqualis, in consilio præcellens. Amicitias probatas enixe expetit, constanter retinet, perenniter servat. Inimicitias indictas honeste exercet, tarde credit, celeriter deponit: maxime ambiendus, quia minime ambitiosus, non studet suscipere sacerdotium, sed mereri.

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

Dicet mihi aliquis: Unde tibi de illo tam cito tanta comperta sunt? Cui respondeo, Prius Bituriges noveram quam Biturigas. Multos in itinere, multos in commilitio, multos in contractu, multos in tractatu, multos in sua, multos in nostra peregrinatione cognoscimus. Plurima notitiæ dantur et ex opinione compendia: quia non tam parvos terminos posuit famæ natura, quam patriæ. Quocirca si urbium status non tam murorum ambitu, quam civium claritate taxandus est; non modo primum qui essetis, sed ubi essetis agnovi.

 

 

 

Uxor illi de Palladiorum stirpe descendit, qui aut litterarum, aut altarium cathedras cum sui ordinis laude tenuerunt. Sane quia persona matronæ verecundam et succinctam sui exigit mentionem, constanter astruxerim, respondere illam feminam sacerdotiis utriusque familiæ, vel ubi educata crevit, vel ubi electa migravit. Filios ambo bene et prudenter instituunt; quibus comparatus pater inde felicior incipit esse, quia vincitur.

 

 

 

Et quia sententiam parvitatis meæ in hac electione valituram esse jurastis (siquidem non est validius dicere sacramenta, quam scribere), In nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti, Simplicius est, quem provinciæ nostræ metropolitanum, civitatis vestræ summum sacerdotem fieri debere pronuntio. Vos autem de viro de quo loquimur, si novam sententiam meam sequimini, secundum vestram veterem consonate.

L’histoire profane rapporte, mes très chers frères, qu’un certain philosophe enseignait à ses disciples la patience de se taire, avant de leur montrer la science de parler, et qu’ainsi tous les commençants observaient pendant cinq ans un silence rigoureux, au milieu des discussions.de leurs condisciples; de sorte que les esprits les plus prompts ne pouvaient être loués avant qu’il se fût écoulé un temps convenable pour qu’on pût les connaître. Il arrivait alors, que ces mêmes disciples venant à parler après un long silence, quiconque les entendait ne pouvait s’empêcher de les louer; car, jusqu’à ce que la nature se soit pénétrée du savoir, il n’y a pas. plus de gloire à dire ce que l’on sait qu’à taire ce que l’on ne sait pas. Quant à moi, ma faiblesse est réservée à une condition bien différente, puisque, au milieu de ces routes pénibles et tortueuses, de ces gouffres. de vices, où je marche, l’on m’a imposé le fardeau d’une profession si pesante, moi qui, même avant d’avoir rempli auprès de quelque homme de bien l’humble fonction de disciple, me vois forcé d’entreprendre avec les autres la tâche de docteur. A ma faiblesse vient s’ajouter encore une extrême confusion; car, en m’offrant la page décrétale, vous me donnez à moi spécialement le soin de choisir un pontife, et cela, en présence d’un saint pape très digne lui-même du pontificat le plus élevé; d’un pape qui, étant le chef de sa province, l’emporte sur moi par son instruction, par son éloquence, par le privilège, par le temps et par l’âge; prêt à parler sur le choix d’un métropolitain, et en face d’un autre métropolitain, moi, évêque provincial, et jeune encore, j’éprouve l’embarras d’un homme peu habile, et j’encours le blâme d’orateur téméraire. Mais enfin, puisqu’il vous a plu, dans votre erreur, de vouloir que moi, dénué de sagesse, je cherchasse pour vous, avec l’aide du Christ, un évêque, rempli de sagesse, et en la personne duquel se réunissent toutes. sortes de vertus, sachez que votre accord en cette volonté, s’il me fait un grand honneur, m’impose aussi un plus grand fardeau. Examinez d’abord combien est redoutable l’opinion publique, vous qui me demandez à mon début un jugement consommé, et qui exigez que je marche dans les droits chemins de la prudence, quand vous n’ignorez pas que naguère encore on s’en est écarté à mon égard. Puisque tels ont été vos désirs, je vous conjure de me faire, par votre intercession, ce que vous croyez que je suis, et de daigner porter au ciel mon humilité, plutôt par vos prières que par vos applaudissements. Et d’abord, il faut que vous sachiez quels torrents d’injures m’attendent, puis à quels aboiements de voix humaines se livrera contre vous aussi la foule des prétendants. Car, telle est la force des mauvaises mœurs, que les crimes du petit nombre flétrissent l’innocence de la multitude, tandis qu’au contraire la rareté des bons ne peut, avec ses vertus, couvrir les crimes de la foule.

Si je viens à nommer quelqu’un parmi les moines, put-il être comparé même aux Paul, aux Antoine, au Hilarion, aux Macaire, tout aussitôt je sens résonner autour de mes oreilles les murmures bruyants d’une tourbe d’ignobles pygmées qui se plaindront, disant: Celui qu’on nomme là remplit les fonctions non d’un « évêque, mais d’un abbé; il est bien plus propre à cc intercéder pour les âmes auprès du juge céleste, que pour les corps auprès des juges de la terre. » Qui ne serait profondément irrité, en voyant les plus sincères vertus représentées comme des vices? Si nous choisissons un homme humble, on l’appellera abject; si nous en proposons un d’un caractère fier, on le traitera d’orgueilleux; si nous prions un homme peu éclairé, son ignorance le fera passer pour ridicule; si, au contraire, c’est un savant, sa science le fera dire bouffi d’orgueil; s’il est austère, on le haïra comme cruel; s’il est indulgent on l’accusera de trop de facilité; s’il est simple, on le dédaignera comme bête; s’il est plein de pénétration, on le rejettera comme rusé; s’il est exact, on le traitera de minutieux; s’il est coulant, on l’appellera négligent; s’il a l’esprit fin, on le déclarera ambitieux; s’il a du calme, on le tiendra pour paresseux; s’il est sobre, on le prendra pour avare; s’il mange pour se nourrir, on l’accusera de gourmandise; si le jeûne est sa nourriture, on le taxera de vanité. La franchise paraît une imprudence condamnable, la timidité passe pour une grossièreté repoussante; on ne saurait aimer l’austérité d’une âme rigide, un homme affable est méprisé pour son abandon même. Ainsi, de quelque manière que l’on vive, toujours la bonne conduite et les bonnes qualités seront livrées aux langues acérées des médisants semblables à des hameçons à deux crochets. Et de plus, le peuple dans son obstination, les clercs dans leur indocilité, ne se soumettent que difficilement à la discipline monastique.

Si je désigne un clerc, ceux qui n’ont été promus qu’après lui, le jalouseront; ceux qui l’ont té avant, le dénigreront; car, parmi eux il y en a quelques-uns, ce qui soit dit sans offenser les autres, qui s’imaginent que la durée du temps de la cléricature est la seule mesure du mérite, et qui voudraient en conséquence que, dans l’élection d’un prélat, nous choisissions non pas suivant le bien commun, mais d’après l’âge; comme si, pour arriver au souverain sacerdoce, vivre longtemps plutôt que vivre bien pouvait remplacer le privilège, l’ornement et le charme de toute espèce de mérite! Alors, paresseux quand il faut administrer, prompts quand il ne s’agit que de censurer, oisifs dans les traités, affairés dans les séditions, faibles dans la charité, forts dans les factions, tenaces pour nourrir les rivalités, irrésolus dès qu’il est besoin de donner leur avis, quelques hommes s’efforcent de régir l’Eglise, quand ils devraient être gouvernés eux-mêmes à cause de leur vieillesse. Mais je ne veux pas, au sujet de quelques ambitions, désigner un grand nombre de personnes; j’affirme seulement que, si je ne désigne aucun nom spécial, celui-là se montre digne d’être repoussé qui se tient pour offensé. Oui, je le dis ouvertement, dans la foule de ceux qui m’entourent, plusieurs pourraient être évêques, mais enfin ils ne sauraient l’être tous; comme chacun d’eux possède un don particulier, chacun d’eux également se suffit à lui-même; nul ne peut suffire à l’universalité.

Si, par hasard, je vous indique un homme qui ait exercé des charges militaires, aussitôt j’entends s’élever ces paroles: « Sidonius, parce qu’il a passé des fonctions du siècle à la cléricature, ne veut pas prendre pour métropolitain un homme de la congrégation religieuse; fier de sa naissance, élevé au premier rang par les insignes de ses dignités, il méprise les pauvres du Christ. » C’est pourquoi je vais à l’instant même rendre le témoignage que je dois, non pas tant à la charité des gens de bien, qu’aux soupçons des méchants. Vive l’Esprit-Saint, notre Dieu tout-puissant, qui, par la voix de Pierre, condamna Simon, le magicien, pour avoir cru que la grâce de la bénédiction pût être achetée à prix d’argent ! Je déclare que, dans le choix de l’homme qui m’a semblé le plus digne, je n’ai été influencé ni par l’argent, ni par la faveur, et qu’après avoir examiné autant et plus même qu’il ne fallait ce qu’étaient sa personne, le temps, la province et cette ville, j’ai jugé que celui qu’il convient le mieux de vous donner est l’homme dont je vais rappeler la vie en peu de mots.

Simplicius, béni de Dieu, et qui jusqu’à ce jour a été de votre ordre, mais qui va désormais appartenir au nôtre, si par vous le ciel veut l’accorder, répond tellement aux vœux des deux ordres et dans sa conduite et dans sa profession, que la république pourra trouver en lui de quoi admirer, l’Eglise de quoi chérir. Si nous devons porter respect à la naissance (et l’Evangéliste nous a prouvé lui-même qu’il ne faut pas négliger cette considération; car Luc, en commençant l’éloge de Jean, estimait très avantageux qu’il descendît d’une race sacerdotale, et avant de célébrer la noblesse de sa vie, il exalta la dignité de. sa famille), les parents de Simplicius ont présidé dans les églises et dans les tribunaux; sa race été illustrée dans la milice séculière comme dans la milice ecclésiastique, par des évêques et des préfets; ainsi, ses ancêtres furent toujours en possession de dicter des lois soit divines, soit humaines. Si nous en revenons à examiner de plus près sa personne, nous verrons qu’il occupe une place parmi ses plus notables concitoyens. Vous dites qu’Euchérius et Pannychius lui sont supérieurs de beaucoup; je veux qu’en effet ils aient passé pour tels jusqu’ici, mais, dans la cause présente, ils ne sauraient être admis d’après les canons, puisqu’ils ont convolé tous deux à de secondes noces. Si nous regardons son âge, il a tout à la fois l’activité de la jeunesse et la prudence de la vieillesse. Si l’on met en comparaison sa littérature et son génie, un heureux naturel chez lui le dispute au savoir. Si l’on veut de la charité, il en a montré avec profusion au citoyen, au clerc, au pèlerin, aux petits comme aux grands; et son pain a été plus souvent et plutôt goûté par celui qui ne devait pas le rendre. S’il a fallu se charger d’une mission, plus d’une fois Simplicius s’est présenté, pour votre ville, devant les rois couverts de fourrures, et devant les princes ornés de la pourpre. Si l’on me demande : sous quel maître il a reçu les premiers principes de la foi, je répondrai par ces paroles proverbiales: Il a eu dans sa maison de quoi se former. Enfin, mes très chers frères, c’est là le même homme qui, jeté dans les ténèbres des cachots, a vu s’ouvrir devant lui, par un prodige du ciel, les portes d’une prison barbare solidement fermées. C’est lui encore, comme nous l’avons appris, que vous appeliez au sacerdoce, de préférence à son beau-père et à son père. En cette circonstance, il s’en retourna couvert de gloire; car il aimait mieux être honoré par la dignité de ses parents, que par la sienne propre. J’allais presque oublier de parler d’une chose qu’il ne faut cependant pas omettre. Jadis, dans ces temps antiques de Moïse, ainsi que le dit le Psalmiste, lorsqu’il fallut élever le tabernacle d’alliance, tout Israël au désert entassa aux pieds de Beseleel le produit de ses offrandes. Dans la suite, Salomon, pour construire le temple de Jérusalem, mit en mouvement toutes les forces du peuple, quoiqu’il eût réuni les dons de la reine de la contrée méridionale de Saba, aux richesses de la Palestine et aux tributs des rois voisins. Simplicius, jeune, soldat, faible, seul, encore fils de famille et déjà père, vous a fait aussi construire une église; il n’a été arrêté, dans son pieux dessein, ni par l’attachement des vieillards à leurs biens, ni par la considération de ses petits enfants; et cependant, sa modestie a été telle qu’il a gardé le silence à ce sujet. Et c’est, en effet, si je ne me trompe, un homme étranger à toute ambition. de popularité; il ne recherche point la faveur de tous, mais celle des gens de bien; il ne s’abaisse pas à une imprudente familiarité, mais il attache un grand prix à des amitiés solides, et, en homme sage, s’efforce plutôt d’être utile à ses rivaux que de leur être agréable, pareil à ces parents sévères qui s’occupent moins des plaisirs que des intérêts de leurs enfants jeunes encore. Constant dans l’adversité, fidèle dans les occasions douteuses, modeste dans la prospérité, simple dans ses habits, affable dans son langage, sans hauteur dans le commerce ordinaire de la vie, excellent dans les conseils, il recherche avec ardeur les amitiés éprouvées, les retient constamment, les garde toujours. Quant aux inimitiés déclarées, il s’y conduit avec honnêteté, y croit assez tard, y renonce promptement, bien digne d’être désiré pour évêque, parce qu’éloigné de toute ambition, il ne travaille point à obtenir le sacerdoce, mais seulement à le mériter.

Quelqu’un me dira peut-être: Mais comment, en si peu de temps, en avez-vous tant appris sur cet homme? Je lui répondrai: Je connaissais les habitants de Bourges avant de connaître la ville. J’en ai connu beaucoup en route, dans le service militaire, dans des rapports d’argent et d’affaires, dans leurs voyages, dans les miens. On apprend aussi beaucoup de choses par l’opinion publique, car la nature n’impose pas à la renommée les bornes étroites de la patrie. C’est pourquoi, s’il faut juger de l’état d’une ville, moins par la circonférence de ses murs que par la renommée de ses citoyens, j’ai dû savoir d’abord non seulement qui vous êtes, mais encore où vous étiez.

La femme de Simplicius descend de la famille des Palladius, qui ont occupé les chaires des lettres et des autels, avec l’approbation de leur ordre; et, comme le caractère d’une matrone ne veut être rappelé qu’avec modestie et succinctement, je me contenterai d’affirmer que cette femme répond dignement au mérite et aux honneurs des deux familles, soit de celle ou elle est née et a grandi, soit de celle où elle a passé par un choix honorable. Tous deux élèvent leurs fils dignement et en toute sagesse; et le père, en les comparant lui, trouve un nouveau sujet de bonheur en ce que déjà ses enfants le surpassent.

Et, puisque vous avez juré de reconnaître et d’accepter la déclaration de mon infirmité au sujet de cette élection, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Simplicius est celui que je déclare devoir être fait métropolitain de notre province et souverain pontife de notre ville. Quant à vous, si vous adoptez ma dernière décision au sujet de l’homme dont je viens de parler, approuvez-la conformément à vos premiers engagements.

EPISTOLA X.

Sidonius papæ Auspicio suo salutem.

LETTRE X.

SIDONIUS AU PAPE AUSPICIUS, SALUT.

Si ratio temporum regionumque pateretur, non per sola officia verborum amicitias semel initas excolere curarem. Sed quoniam fraternæ quietis voto satis obstrepit conflictantium procella regnorum; saltim inter discretos separatosque litterarii consuetudo sermonis jure retinebitur, quæ jam pridem caritatis obtentu merito inducta veteribus annuit exemplis. Superest ut sollicito veneratori culpam ratæ occursionis indulgeas: quæquominus assidue conspectus tui sacrosancta contemplatione potiatur, nunc periculum de vicinis timet, nunc invidiam de patronis. Sed de his ista hæc etiam multa sunt.

 

 

Interim Petrum, tribunitium virum, portitorem nostri sermonis insinuo, qui id ipsum sedulo exposcit; quique quid negotii ferat præsentaneo compendiosius potest intimare memoratu: cui precor, quod in vobis est opis, intuitu paginæ præsentis accedat; manente respectu nihilominus æquitatis, contra quam nec magis familiarium causas commendare consuevi. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Si les temps, si la distance des lieux me le permettaient, ce ne serait point seulement par un doux commerce de paroles que je chercherais à cultiver des amitiés une fois nouées. Mais, puisque l’agitation des royaumes qui s’entrechoquent s’oppose à ce vœu de fraternelle tranquillité, du moins, si nous sommes éloignés et séparés, nous pourrons à bon droit entretenir un échange de lettres, suivant une sage coutume introduite par l’amitié, et dont les temps anciens nous, offrent des exemples. Il faut que tu pardonnes à celui qui te vénère, s’il ne te rend que de rares visites; ce qui l’empêche de jouir plus souvent de ta sainte présence, c’est qu’il aurait trop à craindre de ses voisins, ou qu’il blesserait ses patrons. Mais en voilà déjà bien assez sur ce sujet.

Maintenant, je vous adresse le tribun Pétrus, porteur de ma lettre, et qui m’a demandé avec instance une recommandation auprès de vous; lui-même vous expliquera plus succinctement l’affaire dont il est chargé; je vous prie de lui prêter, en considération de ma lettre, tout l’appui qui dépendra de vous, sauf néanmoins les égards dus à la justice; car autrement, je n’ai pas coutume de recommander les causes mêmes des amis. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA XI.

Sidonius domino papæ Græco salutem.

LETTRE XI.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE GRæCUS, SALUT.

Invideo felicitati consuetudinarii portitoris, a quo contigit sæpius vos videri. Sed quid de Amantio loquar, cum ipsas quoque litteras meas æmuler, quæ sacrosanctis reserabuntur digitis, inspicientur obtutibus? Et ego istic inter semiustas muri fragilis clausus angustias, belli terrore contigui, desiderio de vobis meo nequaquam satisfacere permittor. Atque utinam hæc esset Arvernæ forma vel causa regionis, ut minus excusabiles excusaremur. Sed quod est durius, per injustitiæ nostræ merita conficitur, ut excusatio nobis justa non desit. Quocirca salutatione præfata, sicut mos poscit officii, magnopere deposco, ut interim remittatis occursionis debitum vel verba solventi. Nam si commeandi libertas pace revocetur, illud magis verebor, ne assiduitas præsentiæ meæ sit potius futura fastidio. Memor nostri esse dignare, domine papa.

J’envie la félicité du porteur ordinaire de mes lettres, qui a l’avantage de vous voir souvent. Mais que parlé-je d’Amantius? Je porte même envie à mes lettres, elles qui seront ouvertes par vos doigts sacrés, lues par vos yeux. Pour moi, renfermé dans l’étroite enceinte de murs à demi-brûlés et tombant en ruines, effrayé par une guerre limitrophe, je ne puis satisfaire le désir que j’ai de vous voir. Et plût à Dieu que l’état ou la situation du pays Arverne fût de nature à nous rendre moins excusables! Mais, ce qu’il y a de plus dur, c’est qu’en punition de nos fautes nous avons une trop juste excuse. Ainsi, après vous avoir adressé mes salutations, comme le demandent la coutume et le devoir, je vous supplie avec instance de me dispenser à présent de toute visite, puisque du moins je satisfais à ma dette, en vous écrivant. Car, si la paix nous rend la liberté de voyager, je crains bien que ma trop grande assiduité ne vous devienne alors importune. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA XII.

Sidonius Ferreolo salutem.

LETTRE XII.

SIDONIUS A SON CHER FERREOLUS, SALUT.

Si amicitiæ nostræ potius affinitatisque, quam personæ tuæ tempus, ordinem, statum cogitaremus; jure vobis in hoc opere, quantulumcunque est, primæ titulorum rubricæ, prima sermonum officia dedicarentur. Isset per avitas tibi stylus noster curules; patricias nihilominus infulas enumeraturus; non tacuisset triplices præfecturas, et Syagrio tuo pro toties mutatis præconibus præconia non negasset.

 

Patrem inde patruosque minime silendos percurrisset: et quamlibet posset triumphalibus adoreis familiæ tuæ defatigari; non tamen eatenus explicandis antiquorum stemmatibus exinaniretur, ut ob hoc ad narrandam gloriam tuam fieret obtusior: qui si etiam in scribendis majorum tuorum virtutibus fuisset hebetatus, tuis denuo meritis acuminaretur. Sed salutationem tibi debitam destinaturus, non quid fuisses, sed quid potius nunc esses consideravit. Prætermisit Gallias tibi administratas tunc, cum maxime incolumes erant. Prætermisit Attilam Rheni hostem, Thorismodum Rhodani hospitem, Ætium Ligeris liberatorem sola te dispositionum salubritate tolerasse: propterque prudentiam tantam providentiamque, currum tuum provinciales cum plausuum maximo accentu spontaneis subisse cervicibus; quia sic habenas Galliarum moderare, ut possessor exhaustus tributario jugo relevaretur. Prætermisit regem Gothiæ ferocissimum, inflexum affatu tuo melleo, gravi, arguto, inusitato: et ab Arelatensium portis, quem Ætius non potuisset prælio, te prandio removisse. Hæc omnia prætermisit, sperans congruentius tuum salve pontificum, quam senatorum jam nominibus adjungi: censuitque justius fieri si inter perfectos Christi, quam si inter præfectos Valentiniani constituerere. Neque te sacerdotibus potius admixtum vitio vertat malignus interpres; nam grandis ordinum ignorantia tenet hinc aliquid derogaturos: quia secuti cum epulum festivitas publica facit, prior est in prima mensa conviva, postremus ei qui primus fuerit in secunda: sic absque conflictatione præstantior secundum bonorum sententiam computatur honorato maxime, minus religiosus. Vale. Ora pro nobis.

Si j’eusse considéré ton rang, ton état, plutôt que l’amitié et les rapports qui nous unissent depuis longtemps, j’aurais dû, dans cette lettre, quelque médiocre qu’elle soit d’ailleurs, m’arrêter d’abord à tes titres, et t’écrire le premier. J’aurais compté les chaises curules de tes aïeux, les bandelettes patriciennes; je n’aurais point passé sous silence les trois années de préfecture de ton Syagrius; je ne lui aurais pas refusé les éloges qu’il mérite pour avoir tant de fois changé de hérauts.

J’aurais ensuite rappelé ton père et tes oncles si dignes de mémoire: sans doute, j’aurais eu de la peine à suivre les descendants de ta maison dans le cours de leurs victoires et de leurs triomphes; mais je n’aurais pas tellement perdu haleine à dérouler tous les titres de tes ancêtres, qu’il me fût impossible de raconter ensuite ta gloire; et si ma voix se fût affaiblie en redisant leurs vertus, elle eût retrouvé des forces pour célébrer ton mérite. Je veux simplement te saluer, et, faisant abstraction de ce que tu fus, je considère ce que tu es aujourd’hui. Je n’ai pas dit que tu as gouverné les Gaules, quand elles étaient le plus florissantes; je n’ai pas dit que, par la seule efficacité de tes mesures, tu as repoussé Attila l’ennemi du Rhin, Thorismod l’hôte du Rhône. et soutenu Aétius, le libérateur de la Loire. Ta sagesse, ta prévoyance firent alors accourir les peuples de la province autour de ton char, et les engagèrent à le traîner eux-mêmes au bruit des applaudissements universels; car tu avais gouverné les Gaules de telle manière, que le cultivateur, accablé sous le poids des tributs, pût enfin relever la tête. Je n’ai pas dit que le terrible roi de Gothie fut subjugué par tes paroles pleines de grâce, de gravité, de finesse et de charme exquis; tu l’éloignas ainsi des portes d’Arles, et tu fis avec un dîner ce que n’aurait pu faire Aétius avec une bataille. Je n’ai rien dit de tout cela, persuadé qu’il est plus convenable de joindre ton nom à ceux des pontifes qu’à ceux des sénateurs, plus juste de te placer parmi les parfaits du Christ, que parmi les préfets de Valentinien. Et qu’un malin critique n’aille pas me blâmer de ce que je te mêle de préférence aux pontifes. Il est des personnes d’un haut rang, qui, dans leur ignorance, croiraient se rabaisser en l’imitant; mais comme, en un festin public, le dernier convive de la première table est avant le premier de la seconde, de même aussi le moindre des prêtres du. Seigneur est sans contredit, suivant les gens de bien, au-dessus de l’homme honoré des premières dignités temporelles. Adieu. Prie pour nous.

EPISTOLA XIII.

Sidonius Sulpicio suo salutem.

LETTRE XIII.

SIDONIUS A SON CHER SULPICIUS, SALUT.

Himerius antistes, filius tuus, notus mihi hactenus parum vultu, satis opinione, quæ quidem in bonam partem porrigebatur, Lugdunum nuper a Tricassibus venit: quo loci mihi raptim ac breviter inspectus, sanctum episcopum Lupum, facile principem pontificum Gallicanorum, suætam professionis magistrum quam dignitatis auctorem, morum nobis imitatione restituit. Deus bone! quæ viro censura cum venustate, si quid deliberet forte, vel suadeat? Abundat animi sale cum consulitur, melle cum consulit. Summa homini cura de litteris, sed maxime religiosis, in quibus eum magis occupat medulla sensuum, quam spuma verborum. Tota illi actionum suarum intentio, celeritas, mora, Christus est; quodque mirere vel laudes, nihil otiosum facit, cum nihil faciat non quietum. Jejuniis delectatur, edulibus acquiescit; illis adhæret propter consuetudinem crucis, istis flectitur propter gratiam caritatis. Summo utrumque moderamine: quia comprimit, quoties prandere statuit, gulam; quoties abstinere, jactantiam. Officia multiplicat propria, vitat aliena: cumque ipsi vicissim deceat occurri, gratius habet, si sibi mutuus honor debeatur mage, quam rependatur. In convivio, itinere, consessu, inferioribus cedit; quo fit ut se illi voluptuosius turba postponat superiorum. Sermonem maximo temperamento cum colloquente dispensat; in quo non patitur ullam, aut verecundiam externus, aut familiaris injuriam, aut credulus invidiam, aut curiosus repulsam, aut suspiciosus nequitiam: aut peritus calumniam, aut imperitus infamiam. Simplicitatem columbæ in ecclesia servat, in foro serpentis astutiam; bonis prudens, malis cautus, neutris callidus judicatur. Quid plura? Totum te nobis ille jam reddidit: totam tuam temperantiam, religionem, libertatem, verecundiam, et illam delicatæ mentis pudicissimam teneritudinem jocunda similitudine exscripsit. Quapropter quantum volueris deinceps frui secreto, indulgere secessui, licebit indulgeas: quandoquidem nos in fratre meo Himerio, avum nomine, patrem facie, utrumque prudentia jam tenemus. Vale.

Ton fils, Himérius l’abbé, que je connaissais encore peu de vue, mais beaucoup de réputation, car sa bonne renommée s’étend au loin, est arrivé naguères de Troyes à Lyon; dans le court espace de temps que nous l’avons eu, il m’a rappelé par la sagesse de ses mœurs le saint évêque Lupus, le premier sans contredit des pontifes gallicans, le maître de sa profession, comme l’auteur de sa dignité. Dieu bon! quelle noble grâce cet homme n’apporte-t-il pas à ses délibérations ou à ses conseils! Il se montre plein de sagesse quand on lui demande son avis, plein de douceur quand il consulte lui-même. Il s’applique avec beaucoup de soin aux lettres, mais surtout aux lettres religieuses, et recherche plutôt alors la substance des choses, que l’écorce des mots. Le but de. ses actions, la promptitude ou la lenteur qu’il y met n’ont en vue que le Christ; et, ce qui pourrait vous sembler admirable ou digne d’éloges, c’est qu’il ne fait rien d’oiseux, malgré le calme qu’il apporte dans ses démarches. Il aime les jeûnes, il se prête aux repas; il s’attache aux premiers, parce que la croix le demande; il se plie aux seconds, parce que la charité le conseille. Dans l’un et l’autre cas, il se conduit avec un sage tempérament; toutes les fois qu’il veut dîner, il mortifie l’appétit; toutes les fois qu’il veut jeûner, il réprime l’orgueil. Il multiplie ses bons offices, évitant ceux d’autrui le plus qu’il est possible; lorsqu’on aurait à le prévenir, il aime bien mieux qu’on lui soit redevable de quelques égards, que si l’on s’acquittait. Dans les festins, dans les routes, dans les assemblées, il cède le pas à ses inférieurs, ce qui fait que la foule de ses supérieurs met une sorte de plaisir à se placer au-dessous de lui. Il assaisonne la conversation d’une sagesse admirable; point de honte pour un étranger, point d’outrage pour un ami, point de raillerie pour un homme crédule, point de refus pour un curieux, point de malice pour un homme soupçonneux, point de calomnie pour un homme habile, point d’opprobre pour un homme ignorant. Il conserve dans l’église la simplicité de la colombe, dans le public la ruse du serpent; il semble prudent aux gens de bien, avisé aux méchants; ni les uns ni les autres rie le croient. artificieux. Qu’ajouter encore? il t’a rendu tout entier à nous; ta tempérance, ta religion, ta franchise, ta modestie et cette pudique tendresse d’une âme délicate, il nous a retracé tout cela avec une heureuse ressemblance. Ainsi, tu peux désormais jouir à ton aise d’une vie tranquille et retirée, puisque mon frère Himérius nous rappelle son aïeul par le nom, son père par le visage, l’un et l’autre par la sagesse. Adieu.

EPISTOLA XIV.

Sidonius Philagrio suo salutem.

LETTRE XIV.

STDONIUS A SON CHER PHILAGRIUS, SALUT.

Proxime inter summates viros (erat et frequens ordo) vestri mentio fuit. Omnes de te boni in commune senserunt omnia bona, cum tamen singuli quique varia virtutum genera dixissent. Sane cum sibi quispiam de præsentia tua, quasi te magis nossent, præteræ quum gloriarentur, incandui. Quippe cum dici non æquanimiter admitterem, virum omnium litterarum vicinantibus rusticis, quam institutis fieri remotioribus notiorem, processit in ulteriora contentio: et cum aliqui super hoc errore pervicaciter controversarentur (idiotarum siquidem est, sicut facile convinci, ita difficile compesci), constanter asserui, si eloquentibus amicis nunquam agnitio contemplativa proveniat, esse asperum, utcunque tolerabile tamen: quia prævaleant ingenia sua, coram quibus imperitia civica peregrinatur, ad remotarum desideria provinciarum, stylo adminicutante porrigere: per quem sæpe numero absentum duntaxat institutorum tantus colligitur affectus, quantus nec præsentanea sedulitate conficitur. Igitur si ita est, desistant calumniari communis absentiæ necessitatem, vultuum mage quam morum prædicatores. Equidem si humana substantia rectius mole quam mente censenda est, plurimum ignoro quid secundum corpulentiam, per spatia quamvis porrecta, finalem, in homine miremur, quo nihil æque miserum destitutumque nascendi conditio produxit: quippe cum præbeat tanquam ab adverso, bovi pilus, apro seta, volucri pluma vestitum: quibus insuper, ut vim vel inferant, vel repellant, cornu, dens, unguis, arma genuina sunt: membra vero nostra in hunc mundum sola censeas ejecta, non edita: cumque gignendis artubus animalium cæterorum multifario natura præsidio, quasi quædam sinu patente mater occurrat: humana tantum corpora effudit, quorum imbecillitati quodammodo novercaretur. Nam illud, sicuti ego censeo, qui animum tuum membris duco potiorem, non habet æqualitatem, quod statum nostrum supra pecudes veri falsique nescias, ratiocinatio animæ intellectualis evexit: cujus si tantisper summoveant dignitatem isti, qui amicos ludificabundi non tam judicialiter, quam oculariter intuentur; dicant, velim, in hominis forma quid satis præstans, quid spectabile putent. Proceritatemne? quasi non hæc sæpe congruentius trabibus aptetur; an fortitudinem? quæ valentior in leoninæ cervicis toris regnat; an decorem lineamentorum? quem crebro melius infigit, et argilla simulacris, et cera picturis; an velocitatem? quæ competentius canibus ascribitur; an vigilantiam? cui certat et noctua; an vocem? cui non cesserit asinus claritate; an industriam? cui pro suo modulo comparari nec formica formidat. Sed forsitan præferunt vim videndi: tanquam non sit eminentior visus aquilarum. Præferunt audiendi efficaciam: tanquam sus hispidus non antistet auditu. Præferunt odorandi subtilitatem: tanquam non præcedat vultur olfactu. Præferunt gustandi discretionem: tanquam non plurimum hinc nos cedamus et simio. Quid de tactu loquar, quinto sensu corporis nostri, quem sibi indifferenter tam philosophus quam vermiculus usurpant? Taceo hic de appetitibus illecebrosis, quos in coitu motui belluino carnis humanæ voluptas inclinata communicat. Ecce quam miseriam præferunt excoluntque, qui mihi, quod eis solo sis obtutu notior, turgidi insultant. Ast ego illum semper Philagrium video, cujus si tacentis viderem faciem, Philagrium non viderem. Unde illud simile vulgatum est, quod ait quidam in causa dispari, sententia pari: Filium M. Ciceronis populus Romanus non agnoscebat loquentem. Conclamata sunt namque judicio universali scientiæ dignitas, virtus: prærogativa cujus ad maximum culmen meritorum gradibus ascenditur.

 

  

 

 

 

 

 

 

 

Primum etiam bestiale corpus, si jam forte formatum est, dignitate transcendit materiam informem. Deinde formato præponitur corpus animatum. Tertio præcedit animam pecudis animus humanus; quia sicut inferior est caro vitæ, sic vita rationi: cujus assequendæ substantiam nostram compotem Deus artifex, ferinam vero impotem fecit. Ita tamen, quod in statu mentis humanæ pollet bipartita conditio. Nam sicut animæ, humanitus licet ratiocinantes, hebetes tamen pigrioresque, prudentum acutarumque calcantur ingenio; ita si quæ sunt quæ sola naturali sapientia vigent, hæperitarum se meritis superveniri facile concedunt.

  

Quorum ego graduum differentiam observans, illum Philagrium cordis oculo semper inspicio, cui me animus potentialiter, notum morum similitudine facit. Nam licet bonis omnibus placeas, nemo te plus valuit intrinsecus intueri, quam qui forinsecus affectat imitari. Sane qualiter studiorum tuorum consectaneus fiam, consequa paginæ parte reserabitur. Amas, ut comperi, quietos; ego et ignavos. Barbaros vitas, quia mali putentur; ego etiamsi boni. Lectioni adhibes diligentiam; ego quoque in illa parum mihi patior nocere desidiam. Comples persenam religiosi; ego vel imaginem. Aliena non appetis; ego etiam refero ad quæstum, si propria non perdam. Delectaris contuberniis eruditorum; ego turbam quamlibet magnam litterariæ artis expertem, maximam solitudinem appello. Diceris esse lætissimus; ego quoque lacrymas omnes perire definio, quas quisque profuderit, nisi quoties Deo supplicat. Humanissimus esse narraris; nostram quoque mensulam nullus, ut specum Polyphemi, hospes exhorruit. Summa clementia tibi in famulos esse perhibetur; nec ego torqueor, si mei, quoties peccaverint, non toties torqueantur. Jejunandum alternis putas? non piget sequi: prandendum? non pudet prævenire. De cætero, si vos a me videri Christi munere datur, ita gaudeam, tanquam cui de te nec minora subtracta sint. Porro autem, quæ sint in te majora jam satis novi. Propter quæ fieri facilius potest ut, et si quandoque faciem tuam coram positus inspexero, aliqua de te recens mihi lætitia potius quam sententia accedat. Vale in Christo.

Dernièrement, au milieu de personnages distingués, réunis en grand nombre, la conversation tomba sur vous. Les gens de bien s’accordaient à dire de toi les choses les plus flatteuses; chacun néanmoins distinguait différentes espèces de vertus. Mais comme quelques-uns, se prévalant mal à propos de l’avantage de demeurer avec toi, croyaient devoir te mieux apprécier, je m’échauffai. Il ne me fut pas possible, en effet, de garder mon sang-froid, lorsqu’on vint à dire, qu’un homme célèbre dans les lettres jouit d’une plus grande renommée parmi les gens grossiers de son voisinage, que parmi les gens instruits, mais plus éloignés; la dispute s’anima; et comme certaines personnes soutenaient cette erreur avec obstination, car c’est le propre des sots de se laisser convaincre sans peine, comme de céder difficilement, je ne cessai d’affirmer que si des amis éloquents ne se voient jamais en face, c’est une chose fâcheuse sans doute, mais supportable, après tout; car ces hommes, devant lesquels sont comme étrangers leurs ignorants concitoyens, peuvent aisément, par leur génie et avec le secours de leurs écrits, pénétrer jusqu’aux plus lointaines provinces désireuses de les connaître; les ouvrages d’ailleurs procurent souvent à un écrivain plus d’affection de la part des hommes éloignés, mais instruits, que des rapports intimes et assidus. Donc, s’il en est ainsi, qu’ils cessent de calomnier le malheur d’un éloignement réciproque, ces hommes qui vantent bien plus le visage que le caractère. En effet, si l’on doit juger de la substance humaine plutôt par la matière que par l’intelligence, j’ignore tout à fait, quand on s’arrête à la conformation extérieure qui, du reste, est limitée, quelque vaste que soit l’espace où elle s’étend, ce qu’il faut admirer dans l’homme, lui que la nature enfante, de tous les animaux, le plus misérable, le plus dépourvu. Le bœuf trouve dans son poil, le sanglier dans ses soies, l’oiseau dans ses plumes, une sorte de vêtement; ils ont, soit pour attaquer, soit pour se défendre, des cornes, des dents, des griffes, et comme des armes propres; nos membres seuls, au contraire, vous diriez qu’ils sont jetés, plutôt que produits en ce monde; et, tandis que la nature, pareille à une tendre mère, multiplie ses moyens et ses ressources dans l’enfantement des autres animaux, elle laisse seulement échapper les corps humains, pour se jouer en marâtre de leur faiblesse. Pour moi qui regarde ton esprit comme bien supérieur à ton corps, la grande différence, c’est que la raison d’une âme intelligente nous élève au-dessus des animaux incapables de discerner la vérité d’avec l’erreur. Ecartez quelque peu la dignité de cette raison, vous qui, dans vos pensées dérisoires, contemplez vos amis par les yeux bien autrement que par la raison, et dites-moi, je vous prie, ce que la conformation de l’homme vous offre et de si merveilleux et de si remarquable. Est-ce la hauteur? — mais souvent elle s’applique mieux à des poutres Est-ce la force? — mais elle se montre bien plus dans les muscles d’une tête de lion. Est-ce la beauté des traits? — mais elle respire bien plus dans des simulacres d’argile, dans des peintures de cire. Est-ce la vitesse? — mais elle est plus proprement encore le partage des chiens. Est-ce la vigilance? — mais, en ce point, la chouette le dispute à l’homme. Est-ce la voix? — mais celle de l’âne est assurément très perçante. Est-ce l’industrie? — mais, à cet égard, la fourmi, malgré sa petitesse, ne redoute pas la comparaison. Peut-être préférez-vous la force de la vue? comme si les yeux de l’aigle n’étaient pas plus pénétrants! Préférez-vous la finesse de l’ouïe? comme si le porc velu n’excellait pas en ce point! Préférez-vous la subtilité de l’odorat? comme si le vautour n’excellait pas aussi sous ce rapport! Préférez-vous le discernement du goût? comme si le singe, à.cet égard, ne nous était pas de beaucoup supérieur! Que dire du tact, le cinquième sens de notre corps, dont le vermisseau jouit aussi bien que le philosophe? Je ne parle pas ici des appétits voluptueux, que le plaisir communique à la chair humaine, dans le mouvement bestial du coït. Voilà quelle misère vont choisir et embrasser des hommes qui se vantent insolemment devant moi de te mieux connaître, pour ne t’avoir vu que des yeux. Quant à moi, je vois toujours ce Philagrius, que je ne verrais pas, si je n’en contemplais que l’extérieur silencieux. De là ces paroles connues, que l’on a dites dans un sujet différent, mais toujours dans mon sens: Le peuple romain ne reconnaissait pas, à sa parole, le fils de M. Cicéron. Une chose incontestable, au jugement de tout le monde, c’est la dignité de la science, le mérite de la vertu dont la prérogative sert de marchepied pour s’élever au plus haut point de la perfection.

Le corps animal, s’il est formé, l’emporte sur la matière informe; puis, un corps doué de vie est préférable à un corps qui n’est que formé; enfin, l’esprit de l’homme a la prééminence sur l’âme de la bête: car de même que la chair est inférieure à la vie, de même aussi la vie est inférieure à la raison, faculté dont le Dieu créateur a rendu notre substance capable, et dont il a privé la substance animale. Mais toutefois, dans l’état de l’âme humaine, une double condition se manifeste. En effet, certaines âmes, quoique douées de la raison commune à l’humanité, sont lourdes, paresseuses, et se laissent fouler par des âmes habiles et pénétrantes; d’autres aussi, riches seulement de la sagesse naturelle, se laissent devancer sans peine par celles qui sont plus éclairées.

Attentifs à ces divers degrés, je contemple toujours des yeux du cœur ce Philagrius, auquel me lie si puissamment l’esprit parla conformité de caractère. Car, encore que tu plaises à tous les gens de bien, nul n’a pu mieux percer dans ton intérieur que celui qui s’efforce de copier tes dehors. Le reste de cette lettre va montrer de quelle manière je partage tes goûts. Tu aimes, je le sais, les hommes paisibles; moi, j‘aime les indolents. Tu évites les barbares, parce qu’on les dit méchants; moi, je les évite, quand même on les croirait bons. Tu t’adonnes beaucoup à la lecture; moi, je ne souffre pas que la paresse m’empêche de m’y livrer. Tu retraces la personne d’un religieux; moi, je m’efforce d’en offrir au moins l’image. Tu ne désires pas le bien d’autrui; moi, je regarde comme un profit de ne pas perdre ce qui m’appartient. Tu aimes la société des hommes instruits; moi, quand je me trouve parmi des gens étrangers aux lettres, si nombreux soient-ils, je me crois dans la plus vaste solitude. On te dit très jovial ; moi, je regarde comme perdues toutes les larmes qu’on pourrait verser hors de la prière. On raconte que tu es très humain; nul étranger n’a frémi devant ma table modeste, comme devant l’antre de Polyphème. On parle de ta grande clémence envers tes esclaves; moi, je ne suis pas tourmenté, si les miens ne sont pas punis à chaque faute qu’ils peuvent, commettre. Penses-tu qu’il faille jeûner de deux jours l’un? je ne crains pas de te suivre; je ne rougis pas non plus de te devancer au diner. Du reste, si, par la grâce du Christ, il m’est donné de te voir, je pourrai me réjouir, comme n’ayant rien perdu de toi, pas même les plus petites choses; car, pour ce qui concerne les plus grandes, elles me sont assez connues. Si donc il m’arrive jamais de me trouver en face de toi, il en résultera pour mon cœur plutôt une joie nouvelle, que pour mon esprit une connaissance plus parfaite de ta personne. Adieu dans le Christ.

EPISTOLA XV.

Sidonius Salonio suo salutem.

LETTRE XV.

SIDONIUS A SON CHER SALONIUS, SALUT.

Quoties Viennam venio, emptum maximo velim, ut te fratremque communem colonum civitatis habitatio plus haberet, qui mihi non amore solum, verum etiam professione sociamini. Sed et ille imputationem meam prætextu frequentatæ suburbanitatis eludit: per quam efficitur, ut nobis, nec præsens ipse nec reus sit; et tu habes quo te interim excuses, quia te diu possidet vix recepta possessio.

 

Quidquid illud est, jam venite; hac deinceps conditione discessum impetraturi, ut aut vicissim redeatis, aut serius. Nam quamlibet ruri positi strenuos impleatis agricolas, tunc vere propriam terram fecundabitis, si ecclesiam quamplurimum colitis, plus colatis. Vale.

Toutes les fois que je me rends à Vienne, je donnerais beaucoup pour que vous habitassiez plus souvent la ville, toi et ton frère, qui m’êtes unis non seulement par les liens de l’amitié, mais encore par une même profession. Ton frère se dérobe à mes reproches, en prétextant les nombreuses visites qu’il reçoit dans sa maison située près des faubourgs, ce qui fait qu’il n’est pour moi ni visible, ni coupable; toi, tu trouves de même une excuse dans l’achat tout récent d’une possession qui te retient sans cesse.

Quoi qu’il en soit, hâtez-vous de venir; alors, je vous permettrai de me quitter, à condition que vous reviendrez chacun à votre tour, ou tous deux ensemble. Retirés à la campagne, vous êtes de bons agriculteurs, mais vous féconderez véritablement votre propre terre, dès que vous habiterez plus souvent une église que vous cultivez si bien. Adieu.

EPISTOLA XVI.

Sidonius Chariobaudi abbati salutem.

LETTRE XVI.

SIDONIUS A L’ABBE CHARIOBAUD, SALUT.

Facis, o unice in Christo patrone, rem tui pariter et amoris et moris, quod peregrini curas amici litteris mitigas consolatoriis: atque utinam mei semper sic recorderis, ut sollicitudines ipsas angore succiduo concatenatas, qui exhortator attenuas, intercessor incidas? De cætero, libertos tuos, causis quas injunxeras expeditis, reverti puto; quos ita strenue constat rem peregisse, ut nec eguerint adjuvari; per quos nocturnalem cucullum, quo membra confecta jejuniis, inter orandum cubandumque dignanter tegare, transmisi: quanquam non opportune species villosa mittatur hieme finita, jamque temporibus æstatis appropinquantibus. Vale.

Tu fais, ô mon seul patron dans le Christ, une chose qui est bien de ton amour et de ton caractère, lorsque tu calmes par des lettres consolatoires les chagrins d’un ami absent. Et plaise à Dieu que toujours tu te souviennes assez de moi, pour faire cesser par tes prières, comme tu les adoucis par tes exhortations, des peines enchaînées les unes aux autres et qui ne font que renaître. Du reste, je pense que tes affranchis, après avoir terminé ce dont tu les avais chargés, retournent auprès de toi; ils ont rempli tes ordres avec une telle ardeur, qu’ils n’ont eu besoin du secours de personne. Je t’envoie par eux un capuchon de nuit, afin de mieux couvrir, quand tu prieras ou que tu seras couché, tes membres exténués par les jeûnes, quoique ce ne soit pas la saison d’envoyer une fourrure, à la fin de l’hiver et aux approches de l’été. Adieu.

EPISTOLA XVII.

Sidonius Volusiano fratri salutem.

LETTRE XVII.

SIDONIUS A SON FRERE VOLUSIANUS, SALUT.

Jubes me, domine frater, lege amicitiæ quam nefas lædi, jamdiu desides digitos incudibus officinæ veteris imponere, et sancto Abrahæ die functo næniam sepulcralem luctuosis carminibus inscribere. Celeriter injunctis obsecundabo, cum tua tractus auctoritate, tum principaliter amplissimi viri Victorii comitis devotione præventus; quem jure sæculari patronum, jure ecclesiastico filium, excolo ut cliens, ut pater diligo. Qui satis docuit, quæ sibi aut qualis erga famulos Christi cura ferveret, cum torum circa decumbentis antistitis, non dignitatem minus quam membra curvatus, ac supra vultum propinqua morte pallentem, dolore concolor factus, quid viro vellet lacrymis indicibus ostenderet. Et quia sibi maximas humandi funeris partes ipse præripuit, totum apparatum supercurrentis impendii quod funerando sacerdoti competeret, impartiens; saltem ad obsequium, quæ remanserunt, verba conferimus, nihil aliud exaraturi styli scalpentis impressu, quam testimonium mutuæ dilectionis. Cæterum viri mores, gesta, virtutes, indignissime meorum dictorum ponderabuntur.

 

 

 

 

Abraham sanctis merito sociande patronis,
Quos tibi collegas dicere non trepidem.
Nam sic præcedunt, ut mox tamen ipse sequare:
Dat partem regni portio martyrii,
Natus ad Euphratem, pro Christo ergastula passus,
Et quinquennali vincula laxa fame;
Elapsus regi truculento Susidis oræ,
Occiduum properas solus adusque solum.
Sed confessorem virtutum signa sequuntur:
Spiritibusque malis fers, fugitive, fugam.
Quaque venis, Lemurum se clamat cedere turba:
Dæmonas ire jubes exsul in exsilium.
Expeteris cunctis, nec te capit ambitus ullus:
Est tibi delatus plus onerosus honor.
Romuleos refugis, Byzantinosque fragores,
Atque sagittifero mœnia fracta Tito.
Murus Alexandri te non tenet, Antiochique;
Spernis Elisseæ Byrsica tecta domus.
Rura paludicolæ temnis populosa Ravennæ,
Et quæ lanigero de sue nomen habent.
Angulus iste placet, paupertinusque recessus,
Et casa cui culmo culmina pressa forent.
Ædificas hic ipse Deo venerabile templum,
Ispe Dei templum corpore facte prius.
Finiti cursus istic vitæque viæque,
Sudori superest dupla corona tuo.
Jam te circumstant paradisi millia sacri,
Abraham jam te comperegrinus habet.
Jam patriam ingrederis, sed de qua decidit Adam,
Jam potes ad fontem fluminis ire tui.

 

Ecce, ut injunxeras, quæ restant sepulto justa persolvimus; sed si vicissim caritatis imperiis fratres, amicos, commilitones obsequi decet, ad vicem, quæso tu quoque, quibus emines institutis, discipulos ejus aggredere solari; fluctuantemque regulam fratrum destitutorum, secundum statuta Lirinensium patrum, vel Grinincensium festinus informa: cujus disciplinæ si qui rebelles, ipse castiga; si qui sequaces, ipse collauda. Præpositus illis quidem videtur sanctus Auxanius, qui vir, ut nosti, plusculum justo et corpore infirmus, et verecundus ingenio, eoque parendi quam imperandi promptior, exigit te rogari, ut tuo ipse sub magisterio monasterii magister accedat: et si quis illum de junioribus spreverit tanquam imperitum vel pusillanimem, per te unum sentiat utrumque non impune contemni. Quid multa? vis ut paucis quid velim agnoscas? quæso ut abbas sit fratrer Auxanius supra congregationem, tu vero et supra abbatem. Vale.

Tu m’ordonnes, seigneur frère, par la loi d’amitié, qui ne saurait être violée crime, de prêter à l’enclume de ma vieille forge mes mains depuis longtemps inactives, et de composer en vers lugubres une complainte funéraire sur le saint Abraham qui vient de mourir. Je me rendrai promptement à tes injonctions, entraîné par ton autorité, conduit surtout par les égards qui sont dus à ce illustre personnage, le comte Victorius, mon patron suivant l’ordre civil, mon fils suivant l’ordre ecclésiastique, et que j’honore comme ferait un client, que j’aime comme ferait un père. il a bien montré de quelle sollicitude il brûle pour les serviteurs du Christ, lorsque venant incliner son corps et sa dignité près de la couche d’un abbé moribond, et que, pâle de douleur sur ce visage décoloré par les approches du trépas, il témoignait en des larmes abondantes ce qu’il souhaitait au saint personnage. Or, comme Victorius a voulu prendre pour lui-même la plus grande part des funérailles, en se chargeant de tout l’appareil, de toutes les dépenses que demanderaient les obsèques d’un prêtre, nous, du moins, pour compléter des honneurs légitimes, nous apportons des paroles qui ne sauraient attester autre chose que le souvenir d’une affection mutuelle. Du reste, le caractère, les actions, les vertus du saint homme seront assez mal appréciées dans mes faibles vers.

« Abraham, si digne d’être associé aux célestes patrons, que, je n’hésite pas à nommer tes collègues, car s’ils t’ont devancé, tu les suis noblement; une part au martyre donne aussi une part au royaume. Né sur les rives de l’Euphrate, tu souffris pour le Christ, et les cachots et les fers et la faim la plus cruelle durant cinq ans. Fuyant le terrible monarque de Suse, tu accours seul jusques aux régions occidentales. Mais, des prodiges éclatants suivent le confesseur, et fugitif, tu mets en fuite les malins esprits. Où que tu ailles, la foule des Lémures s’écrie qu’elle recule devant toi; exilé, tu envoies les démons en exil. Chacun te désire, et tu ne ressens aucune ambition ; les honneurs, tu les trouves onéreux.

« Tu te dérobes au fracas de Rome et de Byzance, tu fuis les murs que renversa le belliqueux Titus; Alexandrie ni Antioche ne peuvent te retenir; tu dédaignes la fière cité de Byrsa, les champs populeux de la marécageuse Ravenne, et la ville qui tira son nom d’un pourceau vêtu de laine. Tu choisis ce coin de terre, cette humble retraite et cette cabane couverte de chaume; tu y élèves toi-même à Dieu un temple vénérable, lorsque ton corps est devenu déjà le temple du Seigneur: tu achèves ici le cours de ta vie et de ton voyage; une double couronne est réservée à tes sueurs. Déjà sont autour de toi les saintes phalanges du paradis; déjà te possède Abraham, ton frère en pèlerinage; déjà tu prends possession de ta patrie, de celle d’où fut chassé Adam; déjà tu peux aller à la source de ton fleuve natal. »

 

Voilà que, selon tes ordres, nous avons rendu au mort les derniers devoirs ; maintenant, si des frères, des amis, des compagnons doivent se prêter mutuellement aux ordres de la charité, je te ferai à mon tour une prière: entreprends, avec cette sagesse qui te distingue, de consoler les disciples d’Abraham; hâte-toi de relever, suivant les statuts des Pères de Lérins et de Grigny, la règle chancelante de ces frères abandonnés; ceux qui seraient indociles à cette discipline, châtie-les toi-même; ceux qui seront dociles, loue-les toi-même. Le saint Auxanius paraît bien leur commander; mais c’est un homme, tu le sais, d’une trop faible constitution, d’un caractère sans fermeté, et par-là même plus disposé à obéir qu’à donner des ordres. Je te prie alors de l’établir sous toi chef du monastère, et si quelqu’un des plus jeunes religieux venait à le mépriser comme inhabile ou pusillanime, fais-lui sentir toi seul qu’on ne vous méprise pas impunément vous deux. Qu’ajouter encore? Veux-tu savoir en peu de mots quels sont mes désirs? je demande que le frère Auxanius soit le premier de sa congrégation, et que toi, tu présides au-dessus de l’abbé. Adieu.

EPISTOLA XVIII.

Sidonius Constantio suo salutem.

LETTRE XVIII.

SIDONIUS A SON CHER CONSTANTIUS, SALUT.

A te principium, tibi desinet: nam petitum misimus opus, raptim relectis exemplaribus; quæ ob hoc in manus pauca venerunt, quia mihi nihil de libelli hujusce conscriptione meditanti, hactenus incustodita nequeunt inveniri. Sane ista pauca, quæquidem et levia sunt, celeriter absolvi; quanquam incitatus semel animus necdum scripturire desineret; servans hoc sedulo genus temperamenti, ut epistolarum non produceretur textus, si numerus breviaretur. Pariter et censui librum, quem lector delicatissimus desiderares, et satis habilem, nec parum excusabilem fore; si, quoniam te sensuum structurarumque levitas poterat offendere, membranarum certe fascibus minus onerarere.

 

Commendo igitur varios judicio tuo nostri pectoris motus; minime ignarus, quod ita mens pateat in libro, veluti vultus in speculo. Dictavi enim quæpiam hortando, laudando plurima, aliqua suadendo, mœrendo pauca, jocandoque nonnulla. Et si me uspiam lectitavisti in aliquos concitatiorem, scias, volo, Christi dextera opitulante, me nunquam toleraturum animi servitutem, compertissimum tenens bipartitam super iis moribus hominum esse censuram. Nam ut timidi me temerarium, ita constantes liberum appellant. Inter quæ ipse decerno, satis illius jacere personam, cujus necesse est latere sententiam.

 

 

 

Ad propositum redeo. Interea tu si quid a lectionis sacræ continuatione respiras, his licebit næniis avocere. Nec faciet materia, ut immensa, fastidium: quia cum singulæ causæ singulis ferme epistolis finiantur, cito cognitis in quæ oculum intenderis, ante legere cessabis quam lecturire desistas. Vale.

J’ai commencé par toi, c’est par toi aussi que je finirai. Je t’envoie donc, après les avoir revues à la hâte, les lettres que tu m’as demandées, et s’il ne m’en est venu qu’un petit nombre sous la main, c’est que, ne songeant point à publier ce livre, je ne puis retrouver à présent ce que je n’avais pas conservé. l’ai rapidement achevé ce travail si court et de si peu. d’importance, quoique ma verve une fois éveillée ne pût renoncer à sa démangeaison d’écrire; je me suis, du reste, soigneusement astreint à ne pas allonger le texte de mes lettres, puisque le nombre en est diminué. D’ailleurs, j’ai cru que mon livre, réclamé par un lecteur aussi difficile que toi, serait plus commode et trouverait à tes yeux quelque excuse, si, ayant peut-être quelque chose à reprendre dans les pensées et dans le style, tu n’avais pas à te plaindre de la grosseur du volume.

Je soumets donc à ton jugement les différentes émotions de mon âme, sachant bien que le cœur se peint dans un livre, comme le visage dans un miroir. Quelques-unes de ces lettres renferment, en effet, des exhortations; plusieurs autres, des éloges; d’autres encore, des conseils; quelques-unes, des condoléances; quelques autres enfin sont purement badines. Et s’il t’est parfois arrivé de me trouver un peu trop véhément contre certains hommes, sache bien, je t’en prie, que, grâce à la protection du Christ, je ne laisserai jamais ma pensée dans l’esclavage; je suis loin d’ignorer que l’opinion générale se divise sur cette nuance de mon caractère, car, si les gens timides m’accusent de témérité, les gens de cœur me trouvent plein de franchise et d’indépendance. Pour moi, il me semble que l’on est descendu assez bas, quand on est obligé de déguiser ses sentiments.

 

J’en reviens à mon sujet. Si tu interromps quelque peu tes saintes lectures, tu pourras alors donner un moment à ces bagatelles. La longueur de la matière ne saurait t’ennuyer, car chaque sujet finissant avec chaque lettre, tu achèveras bien vite ce qui te tombera sous les yeux, et tu cesseras de lire avant que l’ennui s’empare de toi. Adieu.

 

NOTES DU LIVRE VII.

LETTRE PREMIERE.

 

Sidonius avait écrit à son parent Avitus, homme de considération dans l’empire, pour l’engager à négocier la paix, ou du moins une trêve entre les Romains et les Visigoths, sans quoi la ruine de l’Auvergne était inévitable. Sidon., Epist. III, i. Il paraît que la négociation d’Avitus eut un heureux succès, puisque les Romains et les Visigoths convinrent d’une trêve (Sidon. Epist. V, 12 ; IX, 5), dès le commencement de l’année 474; mais cette trêve, à laquelle Sidoine eut beaucoup de part (Tillemont, Mém. tom. XVI, art. X et XXIII, sur St. Sidoine), ne fut pas de longue durée. Les habitants de la ville d’Arvernum, informés par le bruit public des nouveaux préparatifs que faisaient les Visigoths pour entrer en campagne au commencement du printemps, se disposèrent de leur côté a soutenir un second siège. C’est alors que Sidonius leur évêque, pour détourner ce fléau de Dieu, dont ils étaient menacés, institua les Rogations dans son diocèse, à l’exemple de Mamertus de Vienne. Et toutefois, malgré ces pieuses précautions, le ciel, soit pour la punition, soit pour l’épreuve des Arvernes, les laissa tomber sous l’empire des Visigoths. Voyez l’Hist. gén. du Languedoc, tom. I, pag. 218.

NECDUM TERMINOS SUOS AB OCEANO AD RHODANUM, LIGERIS ALVEO LIMITAVERUNT. — Il ne faut que jeter les yeux sur une carte des Gaules, pour voir que les Visigoths ne pouvaient pas se mieux fortifier qu’en se couvrant de la Loire du côté du septentrion, lorsqu’ils étaient déjà couverts du côté du midi par la Méditerranée, et du côté du couchant par l’Océan. Ainsi, le dessein d’Evarix était d’envahir toutes les villes situées entre les quartiers qu’il avait déjà, et les mers et les fleuves qui viennent d’être nommés. Il vint à bout d’exécuter, en moins de dix ans, un projet aussi vaste. Voyez Dubos, Hist. crit., etc., tom. I, pag. 523.

DE NOSTRA TANTUM OBICE MORAM PATIUNTUR. — « Oppidum siquidem nostrum quasi quemdam sui limitis obicem, » etc. Sidon. Epist. III, 4. L’auteur prend au masculin et au féminin le mot obex. Voyez Carm. II, v. 493.

SCENÆ MŒNIUM. — La face extérieure; ce mot est employé par Apulée, Métamorphoses, II, pag. 65; IV, pag. 122, etc., édit. ad usum Delphini; — par Tertullien: « Cum totam corporis scenam tempus aboleverit. » De anima, II; — par Grégoire de Tours, Mirac. S. Martini, I, 9.

MŒNIUM PUBLICORUM. — C’est-à-dire, le palais. « Ædes namque publica, quam præcelso civitatis Viennensium vertici sublimitas in immensum fastigiata prætulerat, etc. » Avit. Homil. de Rogat. — Adon. de Vienne, en sa Chronique, pag. 797, dit la même chose, et dans les mêmes termes. — Greg. Tur. II, 34.

STUPENDA FORO CUBILIA COLLOCABAT. — Ce passage prouve que le forum de Vienne existait encore.

AMBROSIUM DUORUM MARTYRUM REPERTOREM — Voyez sur la découverte du corps de St. Gervais et de St. Protais, Ambros. Epist. XXII, et Serm. XCI; August. Confession. IX, De Civitate Dei, XXII, 2; — Paulini Epist. XII; — Greg. Turon. De Gloria Mart. 1,47; —Hermant, Vie de St. Ambroise, IV, 17; Baillet, Vies des Saints, 19 juin; — Acta Sanctorwn, etc.

LETTRE II.

CALLIDUS VIATOR IMPOSUIT. — Amantius. Martial a dit, Epigr. V, 103:

Callidus imposuit nuper mihi caupo Ravennæ.

JOCUNDA MEMORATU. — Grégoire de Tours, Hist. Franc., IV, 46, raconte une histoire à peu près semblable; mais Andarchius n’est pas aussi heureux dans les ruses de guerre que le héros de notre auteur.

MILESIÆ VEL ATTICÆ. — St. Jérôme, entre autres écrivains, fait mention des Fables Milésiennes. « Quasi non cirratorum turba Milesiorum in scholis figmenta decantet. » adversus Rufinwn, lib. I, pag. 369.

LETTRE III.

MEGETHIUS. — Le P. Sirmond (Not. in Sidon. Epist. VII, 3) fait ce Mégéthius évêque de Belley; il pense probablement que c’est le même qui est appelé par Guichenon (Episcop. Bellicensium Chron., Hist. de Bresse et de Bugey), par les auteurs de la Gaule Chrétienne (tom. II, anc. édit.), Migétius. Ce n’est peut-être pas là une grande preuve, comme Tillemont le fait remarquer (Mémoires, tom. XVI, pag. 277). Quoi qu’il en soit, du reste, Mégéthius souscrivit au concile d’Arles en 475. Sirmond, Concil. Gall., tom. I, pag. 150.

CONTESTATIUNCULAS. Le mot contestatio signifiait dans les anciens ce que nous appelons aujourd’hui la Préface de la Messe (Mabillon, de Liturgia Gall. I, 3. — Tillemont, Mémoires, tom. XVI, pag. 277). Ainsi ces contestatiunculæ pourraient bien être la même chose que les messes composées, selon Grégoire de Tours, par Sidonius qui en forma un livre, puis y ajouta une préface. Hist. Franc. II, 22.

SILVIS LIGNA TRANSMITTERE. — Horace a dit, Sat. II, 10, v. 34:

« In silvam non ligna feras insanius. »

Voyez la première lettre de Lupus de Ferrières.

LETTRE IV.

VASIONENSI OPPIDO. — Vaison était autrefois la ville capitale des Voconces, peuple ancien situé entre les Allobroges, les Cavares et les Ségalauniens. Ils habitaient ce quartier de la Gaule Narbonnaise qui fait une partie du diocèse de Vaison, et qui comprenait le Diois, le Tricastin. Pline a donné aux Voconces le nom de peuple confédéré, à cause des alliances qu’ils avaient faites avec leurs voisins pour la défense de leur patrie et de leur liberté; ce qui les rendit si puissants et si redoutables, qu’Annibal voulut s’allier avec eux contre les Romains, et leur promit de les secourir en cas d’attaque. Ptolémée dit que Vaison était allié avec Marseille et avec les Grecs Phocenses. L.-A. Boyer, Hist. de l’Eglise cathédrale de Vaison, pag. I; Avignon, 1731, in 4° — De Valois, Notit. Gall., au mot Vasio Vocotiorum. — Sidon. Epist. V, 6.

LETTRE V.

Tillemont pense que cette lettre pouvait bien être une circulaire, et s’adresser encore à d’autres métropolitains, ou même à tous les évêques que l’on demandait, en y changeant quelques mots. Mém. tom. XVI, pag. 242. Agrœcius est honoré à Sens, le 13 du mois de juin.

AQUITANICÆ PRIMÆ. — Les provinces, unies d’abord, furent ensuite partagées au gré des princes, et de là ces noms de primœ, secundæ, tertiœ. Il y eut donc deux Aquitaines: la première, qui avait pour capitale Bourges; la seconde, qui avait pour capitale Bordeaux. Malgré ces partages, on laissa toujours le titre de première à la province dans laquelle se trouvait, avant le partage, la cité métropole. Ainsi on appela Narbonnaise première, la province où était Narbonne; Lugdunaise première, celle où se trouvait Lugdunum: c’est là que remonte l’origine des primats.

LETTRE VI.

Le P. Sirmond conjecture, d’après la position que l’auteur donne au diocèse de Basilius, que celui-ci était évêque d’Aix en Provence. Dans la nef du Saint-Sacrement de l’église de Saint-Sauveur, à Aix, il est une inscription qui fait mention de Basilius. « Cette inscription est mutilée; elle a été trouvée près de l’ancienne cathédrale, par M. de Saint-Vincent, qui en fit don au chapitre. On ignore l’époque de la mort de Basile. On voit par cette inscription, dit Papon, Hist. de Provence, tom. I, pag. t88, qu’il était évêque depuis vingt-trois ans, sous le consulat de Turcius Ruffus Apronianus Astérius, l’an de J.-C. 494. Mais je crois que cet estimable historien commet ici une erreur; ce fragment ne dit pas que Basile était dans la 23e année de son épiscopat, mais que la personne dont il y est question, et dont c’est certainement l’épitaphe, est morte âgée de 23 ans, 8 mois et 2 jours, le 3 des nones d’octobre, sous le consulat de Turcius Astérius, et Basile étant évêque. Si cette épitaphe était celle du saint évêque, il faudrait qu’il fût mort à 23 ans, d’après la formule, qui est celle des inscriptions tumulaires. » Millin, Voyage dans les départements du Midi; tom. II, pag. 278.

EVARIX. — Grégoire de Tours, Hist Franc., II, 25, parle de la persécution d’Euric. Du temps de Sidonius, dit-il, Euric, roi des Goths, sortant des frontières d’Espagne, fit tomber dans les Gaules une cruelle persécution sur les chrétiens. Il faisait décapiter tous ceux qui ne voulaient pas se soumettre à sa perverse hérésie, et plongeait les prêtres dans des cachots. Quant aux évêques, il envoyait les uns en exil, et faisait périr les autres. Il avait ordonné de barricader les portes des églises avec des épines, afin que l’absence du culte divin fit tomber en oubli la foi. La Gascogne et les deux Aquitaines furent surtout en proie à ces ravages. Il existe encore aujourd’hui, à cc sujet, une lettre du noble Sidonius.

PETROCORII. — La capitale des Petrocorii fut d’abord appelée Vesunna; elle perdit ensuite son nom, pour prendre celui des peuples dont elle était la métropole. C’est ce qui est arrivé à beaucoup de villes, à Paris, entre autres, que l’on appelait en premier lieu Lutetiœ.

RUTENI. — Les.Ruteni étaient alors les peuples du Rouergue d’aujourd’hui; leur ville capitale se nommait Segodunum. Voyez Adrien de Valois, Notit. Gall.

ELUSANI. — Eause; voyez l’ouvrage précité.

CONVENÆ. — Comminges, ville bâtie au pied des Pyrénées, par Pompée qui la peupla des brigands et des pirates qu’il avait subjugués. C’est ce qui fit donner à cette ville le nom de Convenœ, qui signifie des gens assemblés de divers endroits. Les anciens géographes la nomment Lugdunum Convenarum, parce qu’elle est située sur une colline. Lugdunum signifie, dit-on, en celtique, montagne éclairée ou clair-mont. Voyez St. Jérôme, lib. II, adversus Vigilantium et Adrien de Valois.

« Je ne trouve pas d’évêque de Basas, avant Sextilius qui assista, en 506, au concile d’Agde; ni de Comminges, avant Suavis, qui se trouva au même concile; mais on voit, par cette lettre de Sidoine, que ces villes avaient eu des évêques auparavant. » Longueval, Hist. de l’Eglise Gall., tom. II, pag. 150.

CROCUM. — Le P. Sirmond, dans ses Notes sur Sidonius, pense que ce Crocus qui fut chassé de son siège par Evarix, roi des Visigoths, vers l’an 474, occupait le siège épiscopal de Nîmes; mais il ne donne aucune preuve de sa conjecture. Ce Crocus est sans doute le même évêque qui assista au concile d’Arles, sous le pontificat de Léontius, vers l’an 475. Hist. gén. du Languedoc, tom. I, pag. 220 et 616. Néanmoins, la souscription de Crocus à ce concile ne prouverait pas qu’il fût évêque de Nîmes, parce qu’elle ne désigne point le lieu de son siège. Nous avons là-dessus, dit Ménard, des éclaircissements que nous puisons dans un ancien Bréviaire de Nîmes, écrit vers le milieu du XIIe siècle, dans lequel Crocus est mis en ce rang parmi les premiers évêques de Nîmes. Ce monument mérite, du moins pour cet article, une entière foi. Il fut fait dans un temps qui n’était point trop éloigné de celui dont il s’agit ici, où l’on avait par conséquent une connaissance plus assurée des premières années de cette église. Hist. des évêques de Nismes, tom. 1, pag. 33. Nous rapportons ces conjectures, sans y attacher aucune importance; un Bréviaire composé au XIIe siècle n’est pas une grande preuve.

La persécution qu’Evarix avait exercée contre les catholiques, finit avec ce prince; il est à présumer que Crocus retourna dans son siège, supposé qu’il vécut encore, ce qu’on ne peut assurer.

On ignore quel était le siège de Simplicius: ce ne peut pas être Simplicius de Bourges; car l’auteur, s’il parlait de son métropolitain, emploierait d’autres termes que ceux-ci : vestros collegas.

LEONTIUS, évêque d’Arles. — On ne sait rien de sa vie jusqu’à son épiscopat, on ignore même le temps précis auquel il y fut élevé; mais il est certain qu’il occupait le siège d’Arles avant le 25 janvier 462. Nous l’apprenons d’une lettre que le pape Hilarus lui écrivit alors, pour lui donner connaissance de son avènement au pontificat. Epist. Hilari ad Leontium, Concil. Gall., tom. I, pag. 127.

Léontius avait prévenu son ancien ami; voici les lignes qu’il lui adressait:

Domino meritorum fastigio laudatissimo et Apostolicœ sedis dignissimo Papœ domno Hilaro, Leontius episcopus.

« Quod Leonem sanctissimum prdecessorem tuum mors abstulerit contra hæreses invigilantem, et lolium in agro Domini, heu! nimis fruticans eradicantem, dolemus. Quod de tua sanctitate reparaverit, gratulamur. Nam gaudet filius de honore matris, et cum Ecclesia romana sit omnium mater, fuit nobis gaudendum, quod in tanta consternatione rerum, et infirmitate seculorum, super eam te erexenit, ut judices populos in equitate, et gentes in terra dirigas. Unde, cum nobis nuntius ille per Concordium Ecclesiæ nostræ diaconum, qui tum præsens erat cum sanctitas tua ad id honoris fastigatum culmen erecta est, relatus est, gratias Deo nostro reddidimus, et te decrevimus quamprimum hac humilitatis nostræ epistola salutare, ut et sic affectus qui inter tuam sanctitatem et nos jam diu coaluit, in Domino corroboretur, et de cætero augeatur, cum debita reverentia qua decet filios patrem prosequi.

Benedictus itaque qui venit in nomine Domini! Jam fortiter sanctitati tu insudandum et anhelandum est, ut quod sanctissimus Leo papa incœpit, ad terminabilem perducas limitem, et cum exercitu Gedeonis per tubas in ore fortium concrepantes, et per lampadas in robusta manu agitatas et ventilatas, maledictos muros Jericho jam toties anathematizatos et quassatos sanctitas tua faciat prosternere. Cæterum, cum Ecclesia nostra Arelatensis semper ab apostolica sede amplis favoribus et privilegiis fuerit decorata, rogamus sanctitatem tuam, ut per eam nihil urbis decedat, sed potius augeatur, ut et collaborare tecum in vinea Domini Dei Sabaoth valeamus, et invidorum conatus infringere, quos si non esset auctoritas reprimens, certum est de die in diem grassaturos in pejus, quia malitia qui nos oderunt, ascendit semper. Dat. K... Severo, Aug. Coss. » D’Achery, Spicileg., tom. III, p. 302, éd. in fol.

Les évêques d’Arles revenaient souvent, comme Léontius, sur les privilèges de leur église. Le pape Hilarus ayant lu cette lettre, et voyant que Léontius n’y parlait pas de celle qu’il devait avoir reçue, lui en écrivit une seconde. « La tendresse, disait-il, que je ressens pour toutes les églises des Gaules, pour tous les évêques et les prêtres de vos provinces, se fortifie encore en moi par la lettre que le digne Pappolus, notre fils, m’apporte en ton nom. J’en conjecture cependant que tu n’avais pas reçu encore celle que je t’ai envoyée dans les commencements de mon pontificat; tu m’en aurais parlé, sans doute, si le porteur n’avait été retardé par quelque accident………… » Sirmond, Concil. Gall., tom. I, pag. 127. Hilarus ajoute après cela qu’il donnera tous ses soins à maintenir dans l’Eglise gallicane la pureté de sa discipline, pourvu qu’on l’instruise des abus. Il eut occasion bientôt d’exercer son zèle; ce fut au sujet d’Hermes qui occupait le siège de Narbonne.

Rusticus, auquel il aurait succédé, l’avait envoyé à Rome, et il s’y était distingué par sa piété. Il avait été ensuite ordonné évêque de Béziers par le même Rusticus, sous le pontificat de St. Léon; mais le clergé et le peuple de la ville ayant refusé de le reconnaître, pour des motifs que nous ignorons, il ne fit aucune démarche pour les y obliger. Il vécut hors de ce diocèse jusqu’à ce que Rusticus, qui connaissait son mérite, se voyant sur la fin de ses jours, le destina pour remplir après sa mort le siège de Narbonne, et en écrivit, à Léon pour le prier d’autoriser cette destination qui paraissait extraordinaire; mais le saint pape, extrêmement attaché aux règles de la discipline, ne crut pas pouvoir le faire. Hermes fut pourtant reconnu évêque de Narbonne par le clergé et le peuple, après la mort de Rusticus, qui arriva l’an 461, le 28 du mois d’octobre, jour auquel on célèbre sa fête.

L’année suivante, Théodoric roi des Visigoths, s’étant rendu maître de Narbonne, et ayant envoyé Fridéricus, sou frère, pour prendre le gouvernement de cette ville, ce dernier qui était arien (Le P. Longueval, Hist. de l’Egl. Gall., tom. II, p.120, cherche à prouver au contraire, qu’il était zélé catholique), et par conséquent ennemi des évêques catholiques, écouta volontiers les plaintes qu’on lui porta contre l’intronisation d’Hermes, et écrivit lui-même à ce sujet au pape Hilarus, successeur de St Léon, une lettre très forte qu’il lui envoya par le diacre Joannes. Le Pape, prévenu par les plaintes de Fridéricus et par le bruit que cette affaire faisait dans le public, écrivit, le 3 novembre de l’an 462, à Léontius évêque d’Arles, son vicaire dans les Gaules, et lui reprocha sa négligence à l’informer de ce qui s’était passé à Narbonne. Il lui ordonna en même temps de l’instruire de la vérité du fait.

Le pape Hilarus allait tenir un concile qu’il avait indiqué à Rome pour le 19 novembre, jour anniversaire de son ordination. Quelques évêques des Gaules qui s’y trouvèrent, lui ayant rendu compte de ce qui s’était passé au sujet de l’élection d’Hermes, pour le siège épiscopal de Narbonne, le concile prit connaissance de l’affaire de ce pontife, et le confirma dans la possession de son église. Toutefois, afin de le punir de son procédé irrégulier, on le priva du droit de métropolitain. Le Pape fit savoir cette décision aux évêques de la première Lyonnaise, des deux Narbonnaises, de la Viennoise et des Alpes Pennines, par une lettre qu’il leur adressa le 3 décembre 462. Il loue beaucoup la piété d’Hermes, et blâme son intronisation comme contraire aux saints décrets. On croit cependant pouvoir le justifier, de même que Rusticus son prédécesseur. (Tillemont, Mémoires, tom. XVI, pag. 39. — Les lettres d’Hilarus à Léontius ont été rassemblées par le P. Sirmond, dans les Conciles Gallicans, tom. I, pag. 127 et seq. Voyez encore le tome IV des Conciles, pag. 1038, 1044).

Pour obvier à de pareils abus, le Pape ordonna que des conciles fussent assemblés tous les ans, et présidés par Léontius. Pendant un épiscopat de plus de vingt années, cet évêque aurait dû, ce semble, en convoquer un grand nombre; l’histoire néanmoins ne parle que de celui qui eut lieu au sujet de Mamertus de Vienne (464), et d’un autre qui fut réuni dans la ville d’Arles en 475 pour la grande affaire du prêtre Lucidus.

On pense que Léontius mourut vers la fin de l’année 484; il fut vivement regretté de ses contemporains, entre autres, de Ruricius évêque de Limoges. Ruricii Epist. I, 15. Plusieurs grands hommes de l’époque avaient une profonde estime pour son mérite et sa vertu, Sidonius d’abord, puis le patrice Félix (Biblioth. vet. Patr. tom. VIII, pag. 552), puis Faustus de Riez et ce Ruricius qui versa des pleurs si sincères et si abondants à la nouvelle de sa mort. La dignité d’évêque d’Arles, jointe à l’inspection sur quatre autres provinces, dont Léontius était chargé, l’engagea sans doute à écrire un très grand nombre de lettres, et à faire quelques opuscules; cependant il ne nous reste de lui qu’une seule lettre, celle que nous avons rapportée dans cette notice. Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 511. — Tillemont, Mémoires, tom. XVI, pag. 38. —Longueval, Hist. de l’Eglise Gallicane, tom. II, pag. 118. — DD. De Vic et Vaissette, Hist. gén. du Languedoc, tom. I, pag. 203, 209, 230. — Gallia Christ., tom I, pag. 533.

LETTRE VII.

GRÆCUS est connu par les Lettres de Sidonius; celui-ci commença d’occuper le siège épiscopal des Arvernes en 472, et par-là on connaît aussi en partie le temps du pontificat de Græcus, à qui il écrivit plusieurs lettres.

La première (Epist. VI) fut une de celles qu’on appelait formées; il la fit en faveur d’un de ses clercs nommé Amantius, qui venait souvent à Marseille pour y gagner de quoi vivre par le commerce. On voit par cette lettre, que tout négoce n’était pas alors interdit aux clercs inférieurs, et que le commerce allait se soutenant à Marseille, malgré les privilèges de la ville d’Arles, et les ravages des Barbares.

Græcus fit à cette lettre une réponse que nous n’avons pas, mais que Sidonius trouva si polie, que sa modestie en fut blessée. Il le marque lui-même à Græcus dans une autre lettre, où il l’appelle le plus consommé des pontifes, Il s’excuse de ne l’avoir pas remercié dans sa missive précédente de la protection qu’il avait accordée au clerc Amantius, dont il lui raconte l’histoire en peu de mots, et d’une manière extrêmement gaie, extrêmement ingénieuse. Epist. VII, 2. Plusieurs fois encore il écrivit au même évêque, par cet Amantius, qu’il appelle pour cette raison le porteur de ses badineries, nugigerulus. Epist. VII. Il dit qu’il porte envie non seulement à Amantius, qui a le bonheur de voir si souvent Græcus, mais à ses lettres mêmes que touchent les mains sacrées de ce pontife. Cependant Græcus lui témoigna un jour le désir de le voir; mais Sidonius ne put condescendre à ses vœux, parce que la ville des Arvernes tremblait devant les ennemis. Epist. VII, ii.

L’empire, qui avait souvent changé de maître en peu de temps, était gouverné par Julius Népos, que les Barbares ne craignaient pas beaucoup. Evarix, roi des Visigoths, déjà établi dans la Novempopulanie et à Narbonne, crut que l’occasion lui était favorable pour étendre les limites de son empire. Il alla donc assiéger la ville des Arvernes, et de là il menaça la province de Vienne et les autres provinces voisines. Julius Népos, qui n’était pas en état de lui résister, eut recours à la négociation, et en chargea quatre évêques, Léontius d’Arles, Græcus de Marseille, Basilius d’Aix, et Faustus de Riez. Cette négociation alarma Sidonius, parce qu’il prévoyait qu’une des conditions du traité serait la cession de l’Arvernie à Evarix. Il craignit que le changement de maître ne produisît un changement dans la religion, et, certes, ses appréhensions étaient bien fondées, comme on peut le voir par la lettre 6 du VIIe livre.

Redoutant pour sa patrie les malheurs qui désolaient tant d’autres provinces; pour l’église des Arvernes, les désastres qui affligeaient tant d’autres églises, Sidonius se plaint à Basilius d’Aix, des mouvements que lui et les autres évêques se donnent afin de faire conclure la paix entre les deux états.

La négociation ne fut pas heureuse, et Evarix continua de presser vigoureusement les assiégés. Les Arvernes se défendirent avec une constance inébranlable; en proie aux horreurs de la guerre, de la peste et de la faim, ils ne parlaient pas de se rendre, et, l’hiver étant venu, Evarix fut obligé de lever le siège.

Il ne trouva pas la même résistance à Arles et à Marseille. Il se rendit maître de ces deux villes, apparemment par capitulation. On prétend que ce fut alors que Marseille cessa d’être métropole; ce qui arriva probablement parce que son évêque étant sous la domination d’un prince barbare, qui ne permettait pas les assemblées des évêques, et ne pouvant plus par conséquent présider aux conciles de la seconde Narbonnaise, l’évêque d’Aix, dont la ville était déjà métropole civile, fit les fonctions de métropolitain, et s’en attribua les prérogatives; après quoi l’évêque de Marseille aima mieux être de la province d’Arles, que d’avoir le second rang dans celle où il avait toujours présidé.

Sidonius, qui nous apprend que Græcus perdit alors son rang, en impute la cause aux négociations dans lesquelles on était entré avec le roi des Visigoths. Græcus y avait eu beaucoup de part, et il s’était flatté de pouvoir en profiter, pour préserver Marseille de la domination des Barbares. Il se trompa, et il en devint la victime; car si, au lieu d’avoir employé auprès du Barbare la voie de la négociation, on lui eût opposé des forces suffisantes pour l’arrêter, il ne se fût pas rendu maître d’Arles et de Marseille; c’est ce que Sidonius reproche à Græcus d’une manière très vive. Il finit par lui dire: Jam non primi comprovincialium cœpistis esse, sed ultimi.

Le premier des comprovinciaux, c’est le métropolitain. Græcus l’était dans la seconde Narbonnaise; mais en passant dans la province d’Arles, il devint le dernier de ses comprovinciaux, en ce qu’il était le dernier qui eût été admis aux conciles de cette province.

Il faut convenir que cet endroit de Sidonius n’est pas facile à entendre: car il n’y a rien dans toute sa lettre, qui dise que Marseille et Arles fussent déjà soumises l’une et l’autre aux Visigoths. Si elles ne l’étaient pas, comment l’évêque de Marseille perdit-il son rang? C’est peut-être cette difficulté qui a fait conjecturer au savant Denis de Sainte-Marthe, Gall. Christ., tom. I, col. 635, que Græcus avait voulu abuser du crédit qu’il avait auprès d’Evarix, pour usurper le rang de métropolitain. Mais cette conjecture nous paraît tout à fait insoutenable. Car, 1° Evarix n’avait encore aucune autorité sur la seconde Narbonnaise, qui appartenait à l’empire, lorsque Sidonius écrivit cette lettre; comment ce prince aurait-il donc pu forcer les évêques de cette province à reconnaître Græcus pour leur métropolitain? et comment Græcus aurait-il pu se flatter d’une pareille espérance? 2° Evarix n’était pas d’un caractère à vouloir régler les rangs parmi les évêques catholiques ; il ne pensait, au contraire, qu’à détruire l’épiscopat. 3° L’évêque d’Aix était un de ceux que l’empereur avait chargés de traiter la paix en son nom. Aurait-on osé proposer, dans une négociation à laquelle il avait part un article qui l’aurait fait descendre de la première place, s’il l’avait occupée? 4° Si l’on prétend que c’était l’évêque d’Arles qui était métropolitain de la seconde Narbonnaise, et que l’évêque d’Aix devait se soucier fort peu que le droit de métropole ecclésiastique fût attaché à l’église d’Arles plutôt qu’à celle de Marseille, la difficulté est encore la même, parce que Léontius d’Arles était un des évêques chargés de traiter avec le prince visigoth. 5° Quand on supposerait qu’il fut question, dans ces conférences, de donner à Græcus le droit de métropolitain, et que Græcus ne l’avait pas auparavant, comment expliquerait-on ces paroles: Jam non primi comprovincialium cœpistis esse, sed ultimi? Græcus aurait-il été mis à la dernière place, parce qu’il n’aurait pas réussi à obtenir la première?

L’explication que nous avons suivie, et qui a été donnée par Savaron dans son Commentaire sur cette lettre de Sidonius, n’a aucun des inconvénients que nous venons de relever. Græcus était métropolitain de la seconde Narbonnaise; sa ville épiscopale étant tombée au pouvoir des Visigoths, les évêques qui étaient sous la domination de l’empire romain ne voulurent plus être présidés, par un évêque qui était sous une autre domination.

Le P. Quesnel donne un autre sens aux paroles de Sidonius, et il est à propos d’examiner son sentiment. « Sidonius Apollinaris assure, dit-il, que la ville de Marseille qui avait été de son temps la première de la province, avait commencé à être mise au nombre des dernières, et cela en punition de ce que ses citoyens avaient bien plutôt songé leurs intérêts particuliers qu’à ceux du public, en faisant avec le roi des Goths un traité qui ne fut ni utile, ni honorable: Quod utrique facientes, etc. Il fait assez connaître par ces paroles que jusqu’à ces temps-là, c’est-à-dire au moins jusqu’à l’année 471, Marseille avait eu, parmi les villes de la province de Vienne, le premier rang après la métropole, ce qui était véritablement dû à cette ville qui se trouvait si fort au-dessus des autres par son antique noblesse, qu’elle avait même été honorée pour un temps de la dignité de métropole, par un décret du concile de Turin. » Cet auteur ajoute que ce fut du temps de Sidonius que fut faite la Notice des Gaules, qui a été publiée par le P. Sirmond, et dans laquelle les villes d’Arles et de Marseille sont placées les dernières dans la province Viennoise. Dissert. Apologet. pro S. Hilario Arelatensi episc. cap. 10, n° 6, pag. 246.

Il n’est pas difficile de faire voir que le P. Quesnel s’est trompé ici en plusieurs articles. 1° Ces mots Jam non primi, etc., quoique mis au pluriel, ne s’adressent point à tous les citoyens de Marseille, mais à leur évêque seul, suivant l’usage qui alors déjà s’était établi de parler au pluriel, quand même on n’adressait la parole qu’à une seule personne. On en voit plusieurs exemples dans Sidonius. Ce n’étaient pas, en effet, les Marseillais, c’était Græcus qui avait été chargé de traiter de la paix avec les Visigoths.

2° Si Græcus perdit son rang, ce ne fut point en punition des démarches qu’il avait faites pour parvenir à la conclusion d’un traité de paix. Qui est-ce en effet qui l’en aurait puni? Ce n’aurait pas été l’empereur, qui l’avait chargé d’y travailler; ce n’aurait pas été non plus le prince wisigoth; car, à quel propos et pourquoi aurait-il puni un plénipotentiaire qui lui parlait de la part de l’empereur, et dont il écoutait les propositions?

3° Cette expression: Primus comprovincialium, signifie le premier de la province, c’est-à-dire le métropolitain, et non le second. Ainsi, cet endroit de Sidonius ne donne point à Græcus la seconde place dans la province, il lui donne la première, qui est celle de métropolitain.

4° Marseille n’a jamais été regardée comme la dernière ville de la province Viennoise; car, si elle se trouve la dernière dans la Notice dont on vient de parler, comme Arles s’y trouve la pénultième, c’est qu’on a suivi l’ordre de la situation des villes, en commençant par Vienne, et en descendant vers la mer. Mais on ne peut douter que l’une et l’autre de ces deux villes ne fussent pas grandes, et ne tinssent un rang plus distingué que toutes les autres villes de la province Viennoise, si l’on en excepte, tout au plus, Vienne elle-même.

5° La Notice publiée par le P. Sirmond, et dans laquelle Marseille est marquée la dernière de villes de la province Viennoise, n’a pas été faite du temps de Sidonius. Elle est évidemment beaucoup plus ancienne; car, dans le temps de Sidonius, à quoi bon aurait-on fait une division des provinces des Gaules, dont une partie appartenait aux Burgondes, une autre aux Visigoths, et peut-être une autre aux Francs? Si on l’avait faite, aurait-on donné le rang de métropole à Vienne qui appartenait aux Burgondes, et à Narbonne qui appartenait aux Visigoths, plutôt qu’à d’autres villes qui étaient encore du domaine de l’empire romain? N’aurait-on pas distingué, dans ces provinces, ce qui était habité par des Barbares, de ce qui ne l’était pas? On croit avec raison que cette Notice est du temps d’Honorius, et même plus ancienne.

Denis de Sainte-Marthe fait remonter plus haut l’époque de l’établissement de la métropole ecclésiastique d’Aix. « Tout le monde avoue, dit-il, que l’évêque d’Aix fut métropolitain de la seconde Narbonnaise, après la division qui fut faite de la Narbonnaise en deux provinces, avant l’année 412; mais ce fut avec dépendance de l’évêque de la première Narbonnaise, comme de son primat. Lorsque les Goths se furent emparés de la métropole de Narbonne, l’évêque d’Aix, qui n’était pas sous la domination des Goths, secoua le joug du primat. » Si cet auteur avait deviné juste, il serait faux que Græcus eût été métropolitain; mais, 1° la division de la province de Narbonne en deux provinces était déjà faite l’an 401, puisque Proculus prétendit, au concile de Turin, être le métropolitain de la seconde de ces provinces. L’évêque d’Aix n’était pas encore alors métropolitain, puisqu’aucun des évêques qui refusaient de reconnaître Proculus pour le chef de cette province, n’allégua qu’ils avaient déjà un métropolitain.

2° On ne connaît aucun monument qui puisse faire conjecturer que la métropole de la seconde Narbonnaise eût jamais reconnu l’évêque de Narbonne pour son primat. Si donc l’évêque d’Aix profita de la conjoncture des conquêtes des Goths dans les Gaules pour secouer un joug, ce ne fut pas le joug du primat, mais celui du métropolitain, dont il usurpa la place. Il s’y maintint avec peine. Le pape Symmaque l’obligea d’assister aux conciles de la province d’Arles. Il est surprenant que ce pontife ne l’obligeât pas plutôt à se soumettre à l’évêque de Marseille, son ancien métropolitain. Mais les papes étaient alors tout occupés de l’agrandissement et de la gloire de l’église d’Arles, dont les évêques étaient leurs vicaires dans les Gaules. Quoi qu’il en soit, les droits de l’église d’Aix par rapport à la métropole étaient encore si incertains en 781, que le concile de Francfort n’osa prononcer que l’évêque d’Aix fût métropolitain, et en renvoya la décision au Saint-Siège; c’est que cet évêque ne pouvait alléguer ni un titre primordial, ni une possession immémoriale, n’étant devenu métropolitain que par voie de fait.

Le P. Pagi a cru que Marseille n’était pas encore soumise aux Visigoths lorsque Sidonius écrivit à Græcus la lettre dont il est ici question, et qu’elle ne le fut que l’année d’après. Mais, si cela était, il ne serait pas possible de comprendre ce qu’a voulu dire Sidonius, en reprochant à Græcus que l’effet des négociations avait été de le faire devenir le dernier évêque de ses comprovinciaux. D’ailleurs, la paix ayant été faite l’année suivante, entre l’empire et les Visigoths, Evarix n’aurait eu alors aucun prétexte d’attaquer Arles et Marseille. Ce fut donc, au plus tard, en 474 qu’il s’en rendit maître.

La paix qui fut conclue l’année d’après ne fut l’ouvrage ni de Græcus, ni de ses trois collègues. Un seigneur, nommé Licinianus, qui était questeur, c’est-à-dire trésorier, y travailla inutilement aussi; ce qui fait voir combien cette paix était difficile, car ce Licinianus était un homme d’un rare mérite. Ses talents toutefois ne firent aucune impression sur le prince barbare, dont 1’opiniâtreté ne fut vaincue que par l’éloquence de St. Epiphane, évêque de Pavie. Ennodius, qui a écrit la Vie de ce digne pontife, nous a conservé la harangue qu’il fit à Evarix, et qui força ce prince à accepter la paix. Les traits sublimes et frappants dont elle est remplie touchèrent le cœur des Visigoths. Il la finit par ces paroles : « Qu’il vous suffise de voir que celui qui a dû être votre maître, veut bien, ou, du moins, souffre qu’on l’appelle votre ami. »

Evarix accorda au saint pontife tout ce qu’il lui demanda; car on lit, dans sa réponse, ces mots qui le marquent sans ambigüité: « Recevez donc à présent la parole que je vous donne, et promettez- moi, au nom de Népos, une paix et une union inviolables, parce que vos promesses valent des serments. »

L’Arvernie fut cédée à ce prince par le traité de paix. L’abbé Dubos, Hist. crit. de la Monarchie franç., tom. II, pag. 426, prétend que Licinius ne négocia pas la paix, et qu’il ne vint dans les Gaules que pour en faire exécuter les conditions, après qu’elle eut été conclue par l’entremise de St. Epiphane. Cette opinion, qu’il rend très probable par la manière dont il arrange les événements, a bien ses difficultés., lorsqu’on examine les lettres de Sidonius. Il croit aussi que Licinianus ne vint dans les Gaules qu’après que la paix fut conclue entre Népos et Evarix, et qu’il avait un ordre secret de l’empereur de faire remettre entre les mains d’Evarix la ville des Ariennes qui se défendait encore. Le P. Pagi, que nous avons suivi, est d’un sentiment contraire. Critic. in Baron., an. 474.

Une paix traitée par un saint évêque influa beaucoup dans les affaires de la religion. Evarix se radoucit en faveur des catholiques; il souffrit même une assemblée ecclésiastique, qui se tint à Arles en 475. Græcus y assista, et l’hérésie des Prédestinatiens y fut condamnée. L’Antiquité de l’Eglise de Marseille et la succession de ses Evêques, par M. l’Evêque de Marseille (Belsunce), tom. I., pag. 169-185.

FRATRES LATIO. — Lucain a dit, Pharsal. I, 427:

Arvernique ausi Latio se fingere fratres,

Sanguine ab Iliaco populi. »

Les Eduens avaient aussi la prétention de descendre des Grecs. Cicer. Epist. VII, 10. — Tacite, Ann. XI, 25.

LETTRE VIII.

Nous ne savons rien sur la naissance, ni sur l’éducation d’Euphronius. Lorsqu’il n’était encore que prêtre, il donna des marques de son zèle pour la gloire de Dieu, en faisant bâtir à Autun une église en l’honneur et sous l’invocation de St. Symphorien. Greg. Turon. Hist. Franc., II, 15. On peut juger par là qu’Euphronius était d’Autun. Il devint ensuite évêque de cette ville, en l’année 451 au plus tard. Les Lettres de Sidonius nous instruisent de différentes particularités sur son ministère, sur ses goûts et ses occupations. Epist. IV, 25; VII, 8; IX, 2. Vers 470. —Dans un âge fort avancé, Euphronius se rendit à Chalon-sur-Saône avec Patiens, évêque de Lyon, et les autres prélats de la province, pour y ordonner un évêque en la place de Paul, mort depuis peu de temps. En 472, Sidonius lui écrivit pour le prier d’assister encore à l’élection d’un évêque pour l’église de Bourges. Nous ne savons pas si Euphronius put se rendre à l’invitation pressante de son ami.

On ignore en quelle année mourut Euphronius. Il fut inhumé dans l’église qu’il avait fait bâtir. Son nom se trouve dans le Martyrologe Romain, au 3 du mois d’août.

De tous les écrits, de toutes les lettres que St. Euphronius a pu laisser dans le cours d’un long épiscopat, on n’a pu recouvrer jusqu’ici qu’une lettre célèbre, qui lui est commune avec Lupus de Troyes. Elle est adressée à Talasius, évêque d’Angers, en réponse au mémoire qu’il avait envoyé à ces deux évêques, pour leur proposer quelques difficultés sur la discipline ecclésiastique. Cette lettre, qui fut écrite vers la fin de 453, se trouve dans le Recueil général des conciles, dans celui du P. Sirmond, et dans la Gaule chrétienne. Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 465.

LETTRE IX.

Dans l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 619, on trouve une notice sur St. Perpétuus, évêque de Tours.

AUTHENTICOS. — Les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Voyez St. Jérôme, Epist.; Claudianus Mamertus, De Statu Animœ, I, i; II, 20; — Pierre le Vénérable, Epist. I, 2.

FRINGULTIENTIBUS. — Ce mot exprime le cri des passereaux. L’auteur lui-même a dit, Epist. IX, 11: « Fringultientes passerum susurros. »

CONCIO.

QUINQUENNIUM. — Il s’agit de Pythagore. « Ses adeptes devaient subir un silence de deux, trois ou cinq années; silence, au reste, dit M. de Gérando, Biog. univ., au mot Pythagore, qui, d’après quelques auteurs, n’aurait pas été aussi rigoureux, ni aussi absolu qu’on l’a généralement supposé. » Voyez Barthélemy, Voyage du jeune Anacharsis, tom. IV, pag. 177, édit. in 4° de 1788. — Apulée, Florid. XV, célèbre dignement le silence pythagoricien « Primus philosophiæ nuncupator et conditor nihil prius discipulos suos docuit, quam tacere; primaque apud eum meditatio, sapienti futuro, linguam omnem, verbaque quæ volantia pœtæ appellant, ea verba, detractis pinnis, intra murum candentium dentium premere. Prorsus, inquam, hoc erat primum sapientiæ rudimentum, meditari condiscere, loquitari dediscere. Non in ævum totum tamen vocem desuescebant, nec ornnes pari tempore elingues magistrum sectabantur, sed gravioribus vires brevi spatio satis videbatur taciturnitas modificata; loquaciores enimvero ferme in quinquennium velut in exilium vocis puniebantur. »

PAGINÆ DECRETALIS. — Voyez les notes sur la 7e lettre du livre I.

DIGNISSIMO PAPA. — Agrœcius, de Sens, qu’il a invité dans la lettre 5.

BENEDICTUS SIMPLICIUS. — Benedictus n’est ici qu’une épithète, que l’on donnait alors très souvent aux chrétiens. Voyez Paulin, Epist. IX. « Alius libellus ex his est, quos ad benedictum, id est christianum virum, amicum meum Endelechium scripsisse videor. »

Dans la lettre 25e du livre IV, nous avons assisté à une élection inattendue, irrégulière, faite tout-à-coup, au milieu du peuple, par deux pieux évêques. En voilà une autre, encore plus singulière, s’il est possible. Sidonius lui-même en est à la fois le narrateur et l’auteur. Les habitants de Bourges l’ont prié de choisir un évêque, à peu près comme, dans l’enfance des républiques grecques, le peuple, lassé des orages civils et de sa propre impuissance, allait chercher un sage étranger pour qu’il lui donnât des lois.

« Ces exemples, dit M. Guizot, vous ont, j’en suis sûr, très bien expliqué ce qu’était au Ier siècle l’élection des évêques. Sans doute elle n’avait point les caractères d’une institution véritable; dénuée de règles, de formes permanentes et légales, livrée aux hasards des circonstances et des passions, ce n’était pas là une de ces libertés fortes devant lesquelles s’ouvre un long avenir: mais, dans le présent, celle-là était très réelle; elle amenait un grand mouvement dans l’intérieur des cités; c’était une garantie efficace. Cours d’Hist. mod., tom. I, pag. 114-122.

LETTRE X.

Voir sur St. Auspicius évêque, de Toul, l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 478.

VICINIS. — Les Goths. Epist. III, 4.

PATRONIS. — Les Burgondes. Ibid.

LETTRE XI.

Il est manifeste que l’ordre des dates n’a point été observé dans le Recueil des Lettres de Sidonius. Cette dernière doit sûrement précéder celle où notre évêque reproche à Græcus d’être assez lâche pour élever sa fortune aux dépens de la liberté des Arvernes.

LETTRE XII.

TONANTIUS FERREOLUS naquit, suivant l’opinion générale, au château de Trévidon (Sidon. Carm. XXIV, v. 32-43); son père était regardé comme l’appui et le soutien des Gaules, dont il avait été préfet sous l’empereur Honorius. Sa mère, qui se nommait Papianilla, et que l’on nous représente comme la gloire et l’honneur de son sexe, était fille du consul Afranius Syagrius C. Sidon. Carm. XXIV, V. 22-38.; Epist. I, 7). Il est aisé de voir par là combien fut illustre la naissance de Ferréolus, combien son origine fut brillante. On disait communément en son siècle, que les préfectures, les patriciats, les triomphes de sa maison pouvaient se compter par le nombre de ses aïeux. Mais un autre sujet d’éloge bien plus réel, c’est la probité et l’intégrité avec lesquelles ils avaient tous exercé les premières charges de l’empire.

Tonantius Ferréolus ne dégénéra point de la gloire de ses ancêtres; ses talents le firent élever à la préfecture des Gaules, et ses vertus le firent chérir des peuples. Préfet sous Valentinien, au milieu du Ve siècle, il signala son administration par la sagesse de ses vues, par l’ascendant de son génie et par sa bienfaisance. Dans ces moments terribles pour l’empire, où Attila, conduisant une armée grossie d’un déluge de Barbares, précipitait sur les Gaules des forces capables de tout renverser, les dispositions de Ferréolus furent si bien entendues et si efficaces, que, par la jonction des Francs et des Visigoths aux armées romaines, il opposa une digue puissante à ce féroce conquérant, et mit Aétius en état de délivrer les Gaules de cet horrible fléau. Sidon. Epist. VII, 12.

Peu après, Thorismond, ou Thorismodus, comme l’appelle notre auteur, avait mis le siège devant la ville d’Arles; tandis que, trop faible encore, Aétius n’ose se présenter pour le combattre, Ferréolus, par le charme de son caractère, par son éloquence douce et pénétrante, s’insinue si bien dans l’esprit du Barbare, qu’il ne lui en coûte qu’un dîner, suivant le mot de Sidonius, pour le détourner de cette entreprise

Cependant, les provinces étaient épuisées par les ravages et les frais de la guerre; touché de leurs maux, Ferréolus remit les tributs aux peuples, et par ce noble sacrifice il releva autant leurs espérances qu’il ménagea leurs ressources. Aussi, les peuples, charmés de n’éprouver que la protection dans le pouvoir, et la bienfaisance dans l’autorité, accouraient en foule au-devant de lui, le comblaient d’applaudissements et de bénédictions; transportés par leur reconnaissance, ils s’attachaient même à son char, et faisaient de sa marche un triomphe continuel.

Après avoir administré la préfecture avec toute la gloire que comportait le malheur des temps, il fut encore la ressource et l’appui des Gaules contre ses oppresseurs. Sa députation à Rome, pour y porter les plaintes de la province Contre les vexations d’Arvandus, préfet du prétoire, lui fit un honneur infini. Avec toute l’ardeur du zèle, il sut si bien prendre ses mesures pour déconcerter le vice audacieux, il allia si heureusement la dignité et la modestie, qu’il inspira le plus grand intérêt, et parvint à obtenir une justice éclatante.

Grand homme d’état, Ferréolus était encore recommandable par l’étendue de ses connaissances et son goût éclairé. Lorsque les Gaules firent inondées de Barbares, les lettres se réfugièrent autour de lui, et sa maison fut leur asile, dans le coin qui restait à l’empire. Jamais elles n’avaient eu en deçà des monts un plus beau sanctuaire. On croyait voir la riche collection de l’académie d’Adrien. Le choix et l’arrangement des livres faisaient voir le bon goût du seigneur, et son amour pour l’ordre. Elle était partagée en trois classes avec beaucoup d’art : la première se composait de livres de piété, à l’usage des dames; la seconde contenait des livres de littérature, et servait aux hommes; la troisième enfin renfermait les livres communs aux deux sexes. Il ne faut pas s’imaginer que cette bibliothèque fût seulement une vaine parade; les personnes qui se trouvaient dans la maison en faisaient un usage réel et journalier; on employait une partie de la matinée, et l’on s’entretenait pendant le repas de ce qu’on avait lu, en joignant ainsi dans le discours l’érudition et la gaîté de la conversation.

Outre Prusianum, Ferréolus avait une autre maison de campagne appelée Trévidon sur les confins de la Narbonnaise et du Rouergue, ou il allait sans doute, pendant l’été, respirer le frais des montagnes. Quelques auteurs ont pensé que sa situation répondait au village de Trêves, à l’extrémité occidentale du diocèse d’Alais. D. Vaissette et Ménard ne trouvent pas cette application juste, parce que, disent-ils, le Trévidon était situé à la droite du Tarn. Je pense bien que ce lieu ne répond pas aux indications données par Sidonius, mais je ne vois pas ou ils ont trouvé que cette maison de campagne était située à la droite du Tarn. Sidonius la désigne par le voisinage du Rouergue, la vue de la Louzère et du Tarn...

Ibis Trevidon, et calumniosis

Vicinum, heu ! jugum Kutenis;

Hinc te Lefora Caucasum Scytharum

Vincens, aspiciet, citusque Tarnis.

Sidon. Propempticon.

Rien ne saurait mieux répondre à cette indication que le village de Trêves (St-Laurent de) près de Florac, dans la baronnie de Barre, non loin des limites du Rouergue, situé sur le Tarnon qui se jette un peu au-dessous dans le Tarn, à la vue de la Louzère, et sur la route qui conduit du Gévaudan dans le bas Languedoc. Cette situation ne laisse aucun rapport à désirer, en offrant encore dans la hauteur de Barre ou de l’Hespitalet, fameuse par la violence de ses tempêtes, le sommet orageux qu’il fallait traverser pour se rendre de Trévidon à Voroangus:

Hic Zeti et Calais tibi adde pennas,

Nimbosumque jugum fugax caveto,

Namque est assidute ferax procellæ.

Ces deux écrivains, D. Vaissette et Ménard, ont également pensé que Ferréolus, sur la fin de ses jours, s’était retiré à Trévidon, sans doute, ajoute D. Vaissette, pour n’être pas obligé de vivre sous la domination des Visigoths, après que ces peuples eurent réduit sous leur obéissance la Narbonnaise première. (Hist. gén. du Languedoc, tom. I, pag. 194). Papianilla, femme d’une rare vertu, et de la même famille que l’empereur Avitus, suivit son époux dans sa retraite, mais on ignore si leurs enfants s’y retirèrent aussi avec eux.

Ferréolus vivait encore plus de 25 après qu’il eut administré la préfecture dans les Gaules, ce qui nous conduit au-delà de l’an 485. Il pouvait être né vers 490, comme le fait juger l’époque de sa préfecture, marquée en 450 (Laccary, Hist. Galliarwn sub præfectis prœtorio, pag. 147. — Marcel, Hist. de France, tom. I, pag. 312); ainsi, il était plus âgé de quelques années que son ami Sidonius. Hist. littéraire de la France, tom II, pag. 540. — Tillemont, Mémoires, tom. XVI, pag. 198 et suiv.

RUBRICÆ. — Ovide, Trist. I, Eleg. I, a dit:

« Nec titulus nimio, nec cedro charta notetur. »

PONTIFICUM QUAM SENATORUM. — « En achevant de travailler à son VIIe livre, et y ayant mis onze lettres adressées à des évêques, Sidoine en mit une douzième pour Ferréol, croyant lui faire plus d’honneur de le mettre après les évêques, que s’il l’eût mis à la tête des sénateurs. » Tillemont, Mém., tom. XVI, pag. 265.

LETTRE XIII.

ANTISTES. — « St. Sidoine donne à Himère le titre d’antistes, que nous pouvons traduire par celui de prélat, et dit qu’il avait reçu sa dignité de St. Loup: dignitatis autorem. Ces termes marquent assez naturellement un évêque. Ainsi, Himère pouvait être dans la même province que St. Loup, c’est-à-dire dans celle de Sens, et avoir été ordonné par lui, ou, à défaut de l’archevêque de Sens, avec lui. Il est certain qu’il venait de Troyes, quand Sidoine le vit à Lyon. Le P. Sirmond a peine cependant à croire qu’il fût évêque. Il n’en rend pas de raison; mais, effectivement, St. Sidoine semble ne le relever pas assez pour un évêque. Il dit qu’il trouvait à Lyon des supérieurs, aussi bien que des inférieurs; et les évêques n’avaient guère alors de supérieurs. Il pourrait donc avoir été chorévèque, ou même simple prêtre dans le diocèse de Troyes. Car St. Sidoine appelle Claudianus Mamert, antistitem ordine in secundo (Epist. IV, xx), quoiqu’on ne dise point qu’il eût été autre chose que prêtre de Vienne.

Le P. Sirmond croit qu’Himère était abbé, plutôt qu’évêque. Mais la qualité d’abbé passait-elle alors pour une dignité, et les abbés pour des prélats, eux qui souvent n’étaient que laïques? Le P. Sirmond allègue que Sidoine donne le titre d’antistes (Epist. VII, 17) à des abbés, comme à Abraham. Mais cet Abraham était prêtre aussi bien qu’abbé. Aurait-on même dit qu’un évêque était autor dignitatis à un abbé, qui d’ordinaire était élu par ses religieux, et n’avait besoin au plus de l’évêque que pour être confirmé? car je ne sais pas même s’ils en avaient besoin en ce temps-là. Sidoine mêle bien même Himère dans les festins et dans les visites, pour croire qu’il fût moine.

« Il y en a qui veulent que cet Himère soit le même que saint Camélien de Troyes, successeur de saint Loup, en quoi je ne sais pas quel fondement ils peuvent avoir. Et ils n’en ont pas sans doute beaucoup, puisque Camuzat, auteur de cette opinion, l’a depuis abandonnée, pour dire, avec le P. Sirmond, qu’Himère n’a pas été évêque, mais abbé. Il veut qu’il ait été abbé dans un endroit du diocèse de Bâle, qu’on appelle encore aujourd’hui le val Saint Hismer. On ne dit pas néanmoins qu’il est certain que saint Himère, qui a donné le nom à ce canton, n’était qu’abbé et non évêque, ni s’il y a preuve que ce soit celui dont parle Sidoine. » Tillemont, Mém., tom. XVI, pag. 752.

LETTRE XIV.

« Il paraît que Sidoine était déjà évêque, mais n’était pas encore sous les Barbares et les Visigoths lorsqu’il écrivit à Philagre, homme d’esprit et d’érudition. Il ne l’avait jamais vu. C’est pourquoi il s’étend beaucoup, dans cette lettre, à montrer que c’est proprement par l’esprit et par la raison que l’on connaît les hommes, et non pas par les yeux du corps. » Tillemont, Mém., tom. XVI, pag. 230.

FILIUM CICERONIS. — Je ne sais de qui sont ces paroles. — Les anciens nous apprennent que le fils de Cicéron n’hérita point de l’éloquence de son père. Sénèque, Benefic. IV, 30. — Saint Jérôme, Epist.

Il est assez singulier que Sidonius semble mettre dans la classe des animaux les maisons, les statues et les peintures.

LETTRE XV.

Ii est certain, disent les auteurs de l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 435, que le Salonius auquel Sidonius adresse cette lettre est bien différent de Salonius, fils de saint Eucher. Le P. Sirmond est de ce sentiment.

PROFESSIONE. — Je ne sais si l’auteur veut dire: par l’amour de la poésie; il faudrait l’entendre de la profession ecclésiastique, s’il était évêque; mais on ne voit point qu’étant évêque, il pût aller si souvent à Vienne. Nous trouvons seulement qu’il y vint une fois, en 474. Tillemont, Mém., tom. XVI, pag. 207.

LETTRE XVI.

HIEME FINITA. — Ces espèces de capuchons n’étaient pas les mêmes pour l’hiver, que pour l’été. Cucullam in hieme villosam, dit la règle de saint Benoît, cap. 55; in œstate, puram aut vetustam. C’est ce que démontre fort bien cette épigramme de Martial, II, 85:

« Dona quod æstatis misi tibi mense deceinbris

Si quereris, rasam tu mihi mitte togam. »

LETTRE XVII.

VICTORII COMITIS. — L’auteur ne donne à Victorius que le titre de comte; mais Grégoire de Tours, Hist. Franc., II, 20, le nomme duc, et dit qu’il avait le gouvernement de sept villes. Quoique les noms de comte et de duc fussent alors souvent confondus, on appelait communément comte le gouverneur d’une ville, et duc celui d’une province.

Sidonius nous peint le comte ou duc Victorius comme un homme pieux, qui se conduisait suivant la discipline de l’Eglise. On sera peut-être bien aise de savoir aussi de quelle manière il se conduisait dans son gouvernement. « Il resta neuf ans en Auvergne, dit Grégoire de Tours. Il s’éleva des accusations calomnieuses contre le sénateur Euchérius. Après l’avoir fait mettre en prison, il l’en fit tirer de nuit, le fit attacher à une vieille muraille, et ordonna de la faire écrouler sur lui. Comme il était fort débauché, craignant d’être assassiné par les gens de l’Auvergne, il s’enfuit à Rome; mais voulant y mener aussi une vie déréglée, il fut lapidé. »

VINCULA LAXA. — Voyez Sid. Carm. II, XVI, 120. — Isdegerde avait commencé, en 420, une persécution qui fut continuée durant trente ans au moins par Varane et Isdegerde II. Abraham voulut aller en Egypte, soit pour visiter les saints ermites qui peuplaient les solitudes, soit pour se dérober à la persécution. Il fut arrêté et mis en prison. Grégoire de Tours, De Vitis Patr., III, dit qu’un ange le tira de sa prison; mais Sidonius se contente de dire qu’il s’échappa par quelque adresse, elapsus. Comme le patriarche dont il portait le nom, il quitta sa patrie, vint jusque chez les Arvernes, et se fit une petite cabane près de la capitale de la province. Des disciples vinrent se ranger sous sa conduite en assez grand nombre pour former un monastère, ou il bâtit une église en l’honneur de saint Cyr, jeune enfant martyrisé en Cilicie avec sa mère, sainte Juliette. Abraham est honoré le 15 de juin. Voyez Baillet, Vies des Saints. — Grégoire de Tours, Vit. Patr., III.

Auxanius qui lui succéda dans la charge d’abbé, n’avait, à la sainteté près, aucun des talents nécessaires au gouvernement d’une communauté. Toutefois il ne s’aveugla pas jusqu’à ne point voir le mal, auquel il n’avait pas le courage de remédier. Il en écrivit à Sidonius, son évêque. Sidonius pria Volusianus d’avoir inspection sur le monastère, d’assister l’abbé de ses conseils, et d’établir dans le monastère les observances de Lérins ou de Grigny.

Le P. Sirmond dit bien que les Grinicences étaient des moines du diocèse de Vienne; mais il ne nous apprend pas comment s’appelle aujourd’hui le lieu où était le monastère de ces religieux. Je crois que c’est Grigny, village situé sur le Rhône, à trois lieues de Vienne. Voyez Tillemont, Mém., tom. XVI, pag. 259; — Alcime Avite, Epist. LXV.

MŒNIA FRACTA TITO. Jérusalem, assiégée et prise par Titus et Vespasien.

ELISSEÆ. — Carthage. « Elissa enim esse conditrix Carthaginis dicitur. » Tertuil. Apologet, cap. 154. —Sidon. Carm. VII, 445.

LANIGERO, etc. — Milan. « Vocatum Mediolanum ab eo, quod ibi sus in medio lanea perhibetur inventa. » Isid. Orig. XV, i. — Claudien a dit, X, 183:

 Ad mœnia Gallis

Condita, lanigeri suis ostentantia pellem.

Voyez encore Hericus d’Auxerre, Vita Germani, lib. V.

ANGULUS. — Imitation du vers d’Horace, Od. 11,6:

Ille terrarum mihi præter omnes

Angulus ridet.

FLUMINIS. — L’Euphrate. Nous avons vu que saint Abraham était né sur les bords de ce fleuve. Sidonius, voulant parler du ciel, fait allusion au Paradis terrestre, dans lequel se trouvait l’Euphrate.

LETTRE XVIII.

A TE PRINCIPIUM. — Nous renvoyons le lecteur à l’article Constantius, Epist. I, 1.

VELUTI VULTUS IN SPECULO. — « On voit dans les miroirs, disait Démocrite, le caractère de la figure; et dans les conversations, celui de l’âme. » — « Speculum cordis hominum verba sunt. » Cassiod. Var. VI, 9.