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SIDOINE APOLLINAIRE
SIDOINE
APOLLINAIRE
LETTRES
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
LIVRE I
Étude
sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.
par M. Eugène Baret,...
E. Thorin, 1878.
avant propos
Notice
lettres livre II
l
LETTRE I.
SIDONIUS A SON CHER CONSTANTIUS, SALUT.
Depuis longtemps, mon digne maître, avec cette force
d'autorité persuasive, avec cette rare prudence qui te caractérise,
quand il s'agit de conseil, tu me demandes que s'il m'est échappé,
en différentes occasions, quelques lettres un peu soignées, selon
que le sujet, la personne, la circonstance me les inspirèrent, je
les réunisse toutes en un seul volume, après les avoir revues et
corrigées, pour suivre, dans une allure présomptueuse, le style
arrondi de Q. Symmaque et l'art consommé de C. Pline. Car, pour ce
qui regarde Cicéron, en fait de style épistolaire, il vaut mieux, je
crois, garder le silence, puisque Julius Titianus lui-même, sous les
noms de femmes illustres, n'a pu nous en retracer une digne image.
Aussi, les autres disciples de Fronton, le jalousant comme un rival
de gloire, l'ont-ils appelé le singe des orateurs, parce qu'il
imitait un genre d'écrire suranné.
Je ne saurais t'exprimer combien, dans mon esprit, je
me suis toujours placé au-dessous de ces hommes-là ; j'ai toujours
cru qu'il faut laisser à chacun d'eux la prérogative que lui
assurent son époque et son talent. Toutefois, je t'obéis, et je te
donne ces lettres, non pas à revoir, car ce serait trop peu, mais à
polir et à limer ; sachant que tu es le zélé protecteur, non
seulement des lettres, mais encore de ceux qui les cultivent. Tu me
pousses donc, malgré mon hésitation, sur cette mer de la renommée.
Pourtant, j'aurais mieux fait de laisser dans l'oubli un ouvrage de
ce genre; j'aurais dû me contenter de la gloire que m'ont donnée des
vers publiés avec plus de succès que de talent; j'ai traversé les
écueils, essuyé les cris de la jalousie, et depuis assez longtemps
l'ancre d'une illustration suffisante pour moi, est assise au port
du jugement public. Si ces bagatelles échappent aux dents de
l'envie, tu ne tarderas pas à voir sortir de ma plume de nombreux
volumes sur diverses matières. Adieu.
LETTRE II.
SIDONIUS A SON CHER AGRICOLA, SALUT.
PLUS d'une fois tu m'as prié de te faire connaître
l'extérieur et les habitudes de Théodoric, roi des Goths, dont la
renommée populaire vante la politesse. J'obéis volontiers, jaloux de
satisfaire, autant que le permet l'espace d'une lettre, ta curiosité
si louable et si noble.
C'est un prince bien digne d'être connu de ceux-là
mêmes qui ne sont point admis à son intimité ; car Dieu, souverain
arbitre, et la nature, se sont réunis pour le combler des plus
heureux dons. Ses mœurs sont telles, que l'envie même, qui assiège
les trônes, ne saurait lui refuser des éloges. Quant à sa taille,
elle est bien proportionnée, au-dessous des plus élevées, et
supérieure aux moyennes. Sa tête, arrondie par le haut, présente une
chevelure frisée qui se rejette un peu vers le sommet du front. Des
nerfs saillants ne viennent point déparer son cou. Un arc épais de
sourcils couronne ses deux yeux. Lorsqu'il abaisse les paupières, la
longueur de ses cils atteint presque le milieu de ses joues. Ses
oreilles, suivant la coutume de sa nation, sont couvertes par des
cheveux qui descendent en tresses. Son nez est agréablement arqué.
Ses lèvres, minces et délicates, se proportionnent à sa bouche dont
les angles sont peu dilatés. Si, par hasard, ses dents viennent à se
montrer avec leur gracieux alignement, elles offrent une blancheur
égale à celle de la neige. Chaque jour on lui coupe le poil qui
pousse à l'ouverture des narines. Vers la cavité de ses tempes, se
hérisse une barbe touffue, et tous les jours un barbier lui arrache
avec des pinces celle qui croît depuis le bas du visage jusqu'aux
joues. Son menton, sa gorge, son cou sans obésité, mais d'une
carnation délicate, présentent une peau qui le dispute au lait pour
la blancheur, et qui, vue de près, semble teinte du vermillon de la
jeunesse ; car, la rougeur dont ses joues se colorent souvent, est
plutôt l'effet de la pudeur que de la colère.
Il a les épaules bien arrondies, les bras forts et
vigoureux, les mains larges, le ventre retiré en arrière et la
poitrine avancée. L'abaissement de l'épine, vers les lieux où les
côtes prennent naissance, partage la surface de son dos. Les
saillies de ses muscles donnent à ses côtés beaucoup d'élévation.
Une ceinture environne ses flancs pleins de vigueur. Ses cuisses
présentent le poli de l'ivoire ; ses jarrets sont mâles et nerveux ;
ses genoux sans rides et bien conformés. Ses jambes s'appuient sur
des mollets arrondis, et des membres si vastes reposent sur un très
petit pied.
Me demandes-tu quelles sont ses actions journalières
et publiques? Il se rend avec une suite peu nombreuse aux assemblées
de ses prêtres, qui précèdent l'aube du jour; il prie avec grande
attention, mais, quoiqu'il le fasse à voix basse, l'on peut
remarquer aisément que cette observance extérieure tient plutôt de
l'habitude que de la religion. Les soins qu'exige l'administration
du royaume, occupent le reste de la matinée. Un écuyer de sa suite
se tient debout auprès de son siège ; on introduit la troupe des
gardes revêtus de fourrures, afin qu'ils ne s'éloignent pas ; on les
écarte ensuite, de peur qu'ils ne fassent trop de bruit, et ainsi,
ils parlent à leur aise devant les portes, en dehors des rideaux et
en dedans des barrières. Cependant, on fait entrer les envoyés des
puissances ; le roi écoute beaucoup, répond assez peu. S'agit-il de
discuter quelque affaire; il ne se presse pas. S'agit-il de
l'expédier ; il ne met point de retard. Est-ce la deuxième heure; il
se lève de son siège pour visiter ses trésors ou ses haras. S'il
veut aller à la chasse, après l'avoir toutefois annoncé d'avance, il
regarde comme au-dessous de la majesté royale d'attacher un arc à
son côté: lui montre-t-on alors, ou le hasard lui vient-il offrir
dans la route un oiseau, une bête sauvage à sa portée, il tend la
main en arrière et reçoit de celle d'un page un arc dont la corde
flotte détendue; car, de même qu'il regarde comme puéril de le
porter dans un étui, il croit aussi qu'une femme seule peut
l'accepter déjà tout prêt. Ainsi donc, après l'avoir reçu, tantôt il
le bande en faisant fléchir les deux bouts; tantôt, appuyant contre
son talon l'extrémité où se trouve le nœud, il pousse du doigt la
boucle pendante et mobile ; puis il prend des traits, les ajuste,
les chasse. Il demande auparavant ce que vous désirez qu'il frappe :
vous désignez l'objet, il l'atteint aussitôt. Et si l'un des deux
doit se tromper, le coup de celui qui décoche le trait est moins
souvent en défaut, que la vue de celui qui indique le but.
Dans les festins, car ses repas ordinaires ne
différent point de ceux d'un particulier, on ne voit jamais un
esclave essoufflé placer sur des tables fléchissantes une grande
quantité d'argenterie grossière et jaunâtre. On met alors beaucoup
de réserve dans les paroles; car, ou l'on garde le silence, ou l'on
ne tient que des propos sérieux. Les garnitures des lits de table,
et les autres meubles de la salle, sont tantôt de pourpre, tantôt de
fin lin. Ce qui fait le prix des mets, c'est l'art et non pas la
valeur; la vaisselle se recommande bien plus par la netteté que par
le poids. Les convives ont plutôt à se plaindre du petit nombre de
santés qu'on leur porte, qu'ils ne sont obligés de refuser les
coupes et les patères, pour avoir trop bu. En un mot, on remarque
dans ses repas l'élégance des Grecs, l'abondance des Gaulois, la
célérité des Italiens, la pompe d'une fête publique, l'attention
d'une table privée, l'ordre qui sied à la demeure d'un roi. Mais il
est inutile de te parler plus longtemps de ce luxe d'apparat, qui ne
saurait être ignoré des personnes même les plus éloignées du monde.
Revenons à notre sujet.
Après le repas, Théodoric souvent ne fait point la
sieste, ou ne la fait que très courte. Quand il veut jouer, il
ramasse les dés avec vitesse, les examine avec sollicitude, les
agite avec adresse, les lance avec vivacité, les interpelle en
plaisantant, les attend avec patience. Si les coups sont heureux, il
se tait; s'ils sont malheureux, il rit ; jamais il ne s'emporte,
toujours il se conduit en sage. Il dédaigne également de craindre la
revanche, ou de la prendre; il méprise les chances favorables qu'on
lui offre; sont-elles contraires, il passe outre. On se retire sans
bruit, Théodoric se retire sans tricherie. Vous le croiriez, au
milieu même du jeu, tout occupé de guerre. L'unique objet pour lui,
c'est la victoire.
Dans ces circonstances, il dépose un peu la gravité
royale, exhorte à jouer avec liberté, comme entre des égaux. Pour te
dire mon sentiment, il a peur d'être craint. Il s'amuse de l'émotion
du vaincu, et croit enfin qu'on ne s'est point laissé gagner par
déférence, quand l'humeur d'un antagoniste vient le convaincre de
son triomphe. Ce qui te surprendra, c'est que souvent cette joie,
qui résulte des causes les plus simples, fait valoir le mérite des
affaires les plus importantes. Alors, des grâces qui avaient été
refusées à la protection, sont accordées subitement. Alors,
moi-même, si j'ai quelque chose à demander, je me tiens heureux
d'être vaincu, puisque ma défaite au jeu amène le succès de ma
requête.
Vers la neuvième heure, les soins fatigants du trône
commencent à renaître. Viennent les solliciteurs, viennent ceux qui
les éloignent ; partout frémissent la cabale et l'intrigue. La foule
s'éclaircit à l'approche du souper du roi, puis se disperse chez les
courtisans, et chacun veille auprès de son patron, jusqu'au milieu
de la nuit. Quelquefois, mais rarement, on donne pendant le souper,
un libre cours aux saillies des mimes, de manière toutefois que nul
convive ne devienne le but d'une épigramme sanglante et envenimée.
On n'entend là néanmoins ni orgues hydrauliques, ni concerts savants
et étudiés. Là, point de joueur de lyre, point de joueur de flûte,
point de maître de chœur ; point de femme qui joue du sistre ou de
tout autre instrument ; le roi n'admet que les musiciens dont les
sons ne plaisent pas moins à l’âme, que les chants à l'oreille.
Quand il s'est levé de table, les gardes du trésor commencent leurs
fonctions nocturnes; ils se tiennent armés devant les portes du
palais royal, ou ils doivent veiller pendant les heures du premier
sommeil.
Et quel rapport tout ceci peut-il avoir à mon sujet,
puisque je ne t’ai point promis de te parler au long du
gouvernement, mais de te dire quelques mots sur le prince? Il
convient que je pose ici la plume, car tu as seulement demandé que
je te fisse connaître les goûts et la personne de Théodoric; et moi,
j'ai voulu écrire, non pas une histoire, mais une lettre. Adieu.
LETTRE III.
SIDONIUS A SON CHER PHILIMATIUS, SALUT.
COURAGE donc, chasse-moi du sénat après m'avoir
demandé, suivant les lois contre la brigue, pourquoi je mets tant
d'efforts à obtenir une dignité héréditaire, moi dont le père, le
beau-père, l'aïeul, le bisaïeul ont été préfets de Rome et du
prétoire, maîtres du palais et commandants des armées. Voilà que mon
cher Gaudentius, jusqu'ici simple tribun du prétoire, laisse bien
loin derrière lui nos concitoyens engourdis et inactifs, et s'élève
à la dignité de vicaire. A la vérité, nos jeunes gens murmurent de
voir ainsi leur noblesse abaissée; mais Gaudentius, qui dépasse ses
détracteurs, n'est accessible à nul autre sentiment qu'à celui de la
joie. On respecte donc un homme jusque-là méprisé; on s'émerveille
des soudaines faveurs de la fortune, et celui qu'on dédaignait perdu
dans la foule, on l'admire aujourd'hui siégeant sur le tribunal.
Gaudentius, par la voix rauque du crieur, frappe les oreilles
quelquefois assoupies des envieux; et si vive que soit l'inimitié
qui les excite contre lui, néanmoins ils sont assignés devant les
bancs des avocats. Il te faut donc, par le privilège de conseiller
préfectorial qui t'est offert, et qui t'élève à la participation de
la préfecture elle-même, compenser promptement la perte d'une autre
dignité ; car, si tu viens au conseil sans cette prérogative, il
semblera que ta n'aies exercé que les fonctions de vicaire. Adieu.
LETTRE IV.
SIOONIUS A SON CHER GAUDENTIUS, SALUT.
COURAGE, très noble citoyen; ton mérite t'a donné les
faisceaux, et, pour posséder ces titres, ces hautes dignités, tu
n'as fait valoir ni l'opulence de ta mère, ni les largesses de tes
ancêtres, ni les joyaux de ton épouse, ni les trésors de ton père ;
au contraire, ce qui t'a recommandé dans la maison du prince, c'est
ta franchise, ton application bien éprouvée, et le bon choix de tes
connaissances. O trois et quatre fois heureux, toi, dont l'élévation
réjouit tes amis, afflige tes envieux, illustre tes descendants,
sert d'exemple aux hommes de cœur et d'activité, d'encouragement aux
lâches et aux paresseux ! S’il se trouve des personnes toutefois qui
ambitionnent plus tard de l’imiter, elles se devront peut-être à
elles-mêmes de t'atteindre ; mais elles se devront sans doute de
venir après toi. Il me semble voir, cela soit dit sans offenser les
gens de bien, il me semble voir cette paresse orgueilleuse des
envieux, ce dégoût de combattre si ordinaire aux lâches, lorsque,
dans le désespoir de s'élever, ils philosophent à table, vantent les
loisirs de ceux qui ne sont point dans les honneurs, et cela par un
vice de paresse, plutôt que par un désir de perfection. Les anciens
rejetaient un pareil prétexte, de peur que les enfants ne s'en
autorisassent ; ainsi, comparant à des pièces d'étoffe les essais
d'éloquence des jeunes gens, ils disaient qu'il est plus difficile
d'allonger un discours peu étendu que de le raccourcir.
En voilà bien assez sur ce sujet ; sois persuadé, je
te prie, que j'ai la volonté sincère de correspondre à ton amitié,
si Dieu toutefois, favorisant de louables désirs, me ramène sain et
sauf auprès de toi. Adieu.
LETTRE V.
SIDONIUS A SON CHER HERONIUS, SALUT.
J'ETAIS à Rome, lorsque j'ai reçu la lettre par
laquelle tu me demandes avec empressement si les affaires, objet de
mon voyage, marchent suivant notre commun désir. Tu veux aussi
connaître par quelle route et de quelle manière j'ai voyagé, quels
fleuves illustrés par les chants des poètes, quelles villes
remarquables par leur situation, quelles montagnes fameuses, quelles
plaines célèbres par les combats qui s'y sont livrés, j'ai vus dans
mon chemin: tu trouves, en effet, une sorte de plaisir à connaître,
par le récit fidèle de témoins oculaires, les choses que tu as
apprises dans les livres. Je me réjouis donc du désir que tu
manifestes de connaître ce que je fais ; une telle curiosité ne part
que de ton cœur. Je vais, contre l'ordinaire, te peindre d'abord,
avec l'aide de Dieu, les agréments de mon voyage, quoique nos
ancêtres commençassent par le récit des événements fâcheux.
En sortant des murs de notre Rhodanusia, je me servis de la poste
impériale, comme appelé par l'empereur lui-même; sur ma route,
s'offraient les demeures de mes connaissances et de mes proches; ce
qui me retardait, ce n'était donc pas le manque de voitures, mais la
foule de mes amis; ils me serraient en d'étroits embrassements, et
me souhaitaient à l'envi un heureux voyage, un retour plus heureux
encore. C'est ainsi que j'arrivai aux Alpes; je les franchis
promptement et sans peine, entre les flancs escarpés de montagnes
effrayantes, par un sentier doux que la neige avait creusé sur le
chemin ordinaire. Si quelques fleuves n'étaient point navigables, on
pouvait aisément les passer à gué, ou du moins sur des ponts voûtés
en arcs, élevés par les anciens, et dont le ceintre s'étend depuis
les fondements jusqu'à la chaussée, revêtue de cailloux. Je montai
sur la diligence du Tésin, qui me conduisit bientôt à l'Eridan ; je
ris beaucoup des sœurs de Phaéton, que nous avons souvent chantées à
table, et des larmes d'or qu'elles répandaient avant d'être changées
en arbre. Porté un peu en travers des bouches du bourbeux Lambro, du
bleuâtre Adda, du rapide Adige, du paresseux Mincio, je vis jusque
dans leurs lits ces fleuves qui prennent leurs sources aux monts
Liguriens et Euganées; les rives en sont couvertes de forêts de
chênes et d'érables. On y entend les doux concerts des oiseaux, dont
les nids se balancent cachés tantôt parmi les roseaux creux, tantôt
parmi les joncs acérés, tantôt parmi des broussailles flexibles;
tous ces arbustes, nourris par l'humidité du sol, croissent
pêle-mêle sur les bords de ces rivières. Chemin faisant, j'arrivai à
Crémone, dont le voisinage fut autrefois si déploré par le berger de
Mantoue. Ensuite, pendant que les rameurs vénitiens cédaient la
place à ceux d'Emilie, j'entrai à Brixillum, pour en sortir
aussitôt; puis dirigeant notre course sur la droite, nous parvînmes
à Ravenne: là, vous ne sauriez dire si la voie de César, qui passe
au milieu, joint ou sépare l'ancienne ville et le nouveau port. Le
Pô s'y divise en deux parties, dont l'une traverse les deux villes ,
dont l'autre les baigne. Ce fleuve fut autrefois détourné de son lit
naturel par les digues qu'on lui opposa; maintenant il coule dans
des canaux, et se partage de manière que, en embrassant la ville, il
lui sert de défense, et que, en la traversant, il la rend
commerçante. Tout, dans cet endroit, favorise le négoce : les vivres
y arrivent en abondance; mais, avec cela, l'onde salée de la mer se
précipitant par les portes, d'un autre côté, la boue fétide étant
sans cesse agitée au fond des canaux par les barques qui vont et
viennent, et par les piques des rameurs, nous avions soif au milieu
même des eaux. Du reste, aucun endroit de la ville où l'eau des
aqueducs soit pure, point de citerne qui puisse être clarifiée,
point de source qui ne soit bourbeuse, point de fontaine sans limon.
Sortis de Ravenne, nous arrivâmes au Rubicon , ainsi
nommé à cause de la couleur pourprée de son gravier. Ce fleuve
servait jadis de limite aux Gaulois Cisalpins, et aux anciens
Italiens, lorsque les villes qui bordent la mer Adriatique étaient
partagées entre ces deux peuples. De là, j'arrivai à Rimini et à
Fano, villes également célèbres , l'une par la révolte de Jules
César, l'autre par la mort d'Asdrubal. Près de la première de ces
cités coule le Métaurus; le nom qu'il s'est acquis en un jour, se
perpétue, comme si ses flots décolorés roulaient encore des cadavres
sanglans dans la mer de Dalmatie. Je ne fis plus ensuite
qu'apparaître dans les différentes villes qui bordent la voie
Flaminienne ; je laissai à gauche le Picenum, et à droite l’Umbrie.
Dans ces contrées, l'Atabulus de Calabre, la région pestilentielle
de Toscane, l'air chargé d'exhalaisons empoisonnées, le passage
subit et alternatif du froid au chaud, m'épuisèrent et me firent
tomber malade. Cependant, la fièvre et la soif me dévoraient les
entrailles. Pour les apaiser, je promettais à leur avidité, non
seulement les eaux délicieuses des fontaines ou des sources cachées,
mais encore toutes celles qui étaient voisines, ou qui pourraient
s'offrir à ma vue, c'est-à-dire les eaux limpides du Fucin, celles
du froid Clitumne, du bleu Téveron, du sulfureux Naro, l'onde pure
du Fabaris, et l'eau trouble du Tibre; toutefois c'était en vain.
Cependant Rome s'offrit à mes regard»; il me semblait que j'allais
épuiser et ses aqueducs, et ses naumachies. Avant d'atteindre le
Pomœrium, je me prosternai sur le seuil triomphal des Apôtres, et je
sentis tout à coup se dissiper la langueur qui accablait mes
membres. Après avoir éprouvé, d'une manière aussi miraculeuse,
l'assistance du Ciel, j'entrai dans une hôtellerie dont j'ai loué
une portion, et c'est là que maintenant je t'écris de mon lit; je
prends un peu de repos, avant de me présenter aux portes
tumultueuses du prince et des courtisans. A mon arrivée, on
célébrait les noces du patrice Ricimer, et de la fille de
l'empereur, unis ensemble dans l'intérêt de la tranquillité
publique.
Au milieu de cette joie commune non seulement à tous
les ordres de citoyens, mais encore aux différents partis, j'envie
le repos tranquille dont vous jouissez au-delà des Alpes. Au moment
où je t'écris ces lignes, on affiche des épithalames en vers
fescennins à la porte de tous les théâtres, dans tous les marchés,
au prétoire, dans toutes les places publiques, sur les murs des
temples et des gymnases. Les études sont suspendues, les affaires
laissées de côté, les tribunaux se taisent, les députations sont
différées, toute brigue est interrompue, et, devant les
bouffonneries des histrions, toute occupation sérieuse disparaît.
Déjà la jeune vierge est livrée à Ricimer; déjà il a reçu la
couronne de l'époux, la robe brodée de palmes du consulaire; déjà la
conductrice s'est vêtue de la cyclade; Ricimer a pris la toge du
sénateur; déjà il dépose l'humble manteau, et néanmoins la pompe
nuptiale continue, parce que la nouvelle mariée n'a point encore été
conduite à la maison de son époux. Une fois ces réjouissances
finies, je te ferai part de mes démarches, si pourtant la fin de la
solennité vient mettre un terme à ces loisirs si agités de toute une
ville. Adieu.
LETTRE VI.
SIDONIUS A SON CHER EUTROPIUS, SALUT.
DEPUIS longtemps, sans doute, je désirais t'écrire;
aujourd'hui que, grâces au Christ, je prends le chemin de Rome, je
suis bien plus porté à le faire. L'unique, ou plutôt le vrai motif
qui me presse, c'est l'envie que j'ai de t'arracher à la profondeur
de ton repos domestique, pour l'engager à solliciter les charges du
palais. Je dois ajouter à cela que, par la faveur de Dieu, tu es
dans toute la vigueur de l'âge, du corps, de l'esprit, puis ensuite
que tu es abondamment pourvu de chevaux, d'armes, de vêtements, de
richesses, d'esclaves, et que, si je ne me trompe, tu crains
seulement de commencer. Actif, comme tu l'es, dans ton intérieur,
une sorte d'inertie et je ne sais quel découragement te font reculer
devant un voyage en pays étranger; si toutefois un homme de race
sénatoriale, qui chaque jour a sous les yeux les images de ses
ancêtres vêtus de la trabée, peut dire avec raison qu'il a quitté
son pays, lorsqu'une fois, et dans sa jeunesse, il a vu le domicile
des lois, le gymnase des lettres, le palais des dignités, le faite
du monde, la patrie de la liberté, l'antique cité de l'univers, ou
les Barbares seuls et les esclaves puissent être étrangers. Et
maintenant, ô honte! tu restes parmi des bouviers rustiques et de
vils porchers. Fendre la terre avec une charrue tremblante; butiner
les vertes richesses des prairies, penché sur la faux recourbée;
labourer, incliné sur le hoyau, une vigne chargée de sarments, c'est
là maintenant pour toi le comble de la félicité. Que ne te
réveilles-tu plutôt, afin que ton esprit, abandonnant la mollesse et
la torpeur d'un ignoble loisir, s'élève à de plus grandes choses. Il
n'appartient pas moins à un homme de ton rang, de cultiver sa
personne que sa villa. Et d'ailleurs, ce que tu nommes l'exercice de
ta jeunesse, n'est autre chose que le repos des vétérans, dont les
mains affaiblies échangent le glaive rouillé pour le hoyau tardif.
Soit : des vins abondants écumeront dans tes celliers agrandis; tes
greniers se rompront sous des monceaux de blé; un pâtre robuste
enfermera dans ton immense bergerie un nombreux troupeau, qui
t'offre son lait avec ses mamelles pendantes; que sert-il
d'accroître ainsi ton patrimoine, et de t'y cacher non seulement au
milieu de toutes ces choses, mais, ce qui est plus honteux, pour ces
choses mêmes? Ce ne sera pas à tort que, dans nos assemblées,
derrière des jeunes gens assis au tribunal et ouvrant leur avis, la
sentence d'un pauvre parvenu aux honneurs tombera sur toi, obscur
citoyen des champs, vieillard debout, noble perdu dans la foule,
lorsque tu verras avec douleur que tu as été devancé par des hommes,
pour qui c'eût été déjà trop de suivre nos pas. Qu'ajouter de plus?
Si tu te rends à mes exhortations, je serai le compagnon, l'aide, le
guide de tes efforts; j'y prendrai part. Mais si, retenu dans les
liens enchanteurs du plaisir, tu aimes mieux t’attacher aux dogmes
d’Epicure, qui rejette la vertu et place le souverain bien dans les
voluptés du corps, j'atteste nos ancêtres, j'atteste nos descendants
que je suis étranger à cette conduite.
LETTRE VII.
SIDONIUS A SON CHER VINCENTIUS, SALUT.
LE malheur d'Arvandus m'afflige, et je ne le
dissimule pas. Car, ce qui met le comble à la gloire de l'empereur,
c'est qu'on peut aimer publiquement ceux-mêmes qui sont condamnés à
la peine capitale. J'ai été ami de cet homme, au-delà de ce que
pouvaient souffrir la faiblesse et la légèreté de son caractère. Ce
qui l'atteste, c'est la haine que je me suis attirée depuis peu à
cause de lui, et dont les feux m'ont consumé dans mon imprudence.
Mais, si j'ai persévéré dans son amitié, je le dois à moi-même. Pour
lui, il ne sut jamais être constant, je m'en plains avec franchise,
et non point pour insulter à son malheur ; car, en méprisant les
conseils de ses plus fidèles amis, il a été en tout le jouet de la
fortune ; enfin, si quelque chose peut m'étonner, ce n'est pas qu'il
soit tombé, mais qu'il ait été si longtemps debout.
Oh ! combien de fois ne se vantait-il pas lui-même
d'avoir souvent bravé l'infortune ! et combien de fois n'avons-nous
pas déploré de toute notre âme une imprudence qui devait, tôt ou
tard, l'entraîner à sa ruine ! Nous étions loin de regarder comme
heureux un homme dont le bonheur était plutôt passager que durable.
Tu me demandes quelle a été sa manière de gouverner. Avec tous les
égards que l'on doit à un ami dans le malheur, je t'exposerai la
chose en peu de mots.
Arvandus a géré sa première préfecture au milieu de l'affection
publique, et la suivante au milieu des plus criantes exactions.
Accablé de dettes, et dans la crainte de ses créanciers, il portait
envie aux grands qui devaient lui succéder. Il se moquait de tout,
voulait tout savoir, méprisait les bons offices, concevait des
soupçons contre ceux qui le voyaient rarement, se dégoûtait de ceux
qui le voyaient assidûment, tant qu'à la fin, succombant sous le
poids de la haine publique, et investi de gardes avant même d'être
dépouillé de sa puissance, il fut, pris et envoyé à Rome. Là, il se
vanta fièrement d'avoir côtoyé sans danger les bords orageux de la
mer de Toscane, comme si la conscience ne lui eût rien reproché et
que les éléments eussent été, en quelque sorte, à ses ordres. Il
était gardé au Capitole par son hôte Flavius Asellus, maître des
trésors sacrés, qui respectait encore en lui le dernier éclat d'une
dignité dont il venait d'être dépouillé. Sur ces entrefaites,
arrivèrent les députés de la province des Gaules, Tonantius
Ferréolus, ex-préfet du prétoire et petit-fils du consul Afranius
Syagrius, Thaumastus et Petronius, personnages doués d'une haute
éloquence, d'une rare habileté dans les affaires, et dignes d'être
placés parmi les hommes qui honorent le plus notre patrie; ils
venaient à la suite d'Arvandus, munis des pièces nécessaires,
l'accuser au nom de leur province. Entre autres preuves pour établir
leur accusation, ils portaient une lettre interceptée, que le
secrétaire d'Arvandus, arrêté lui aussi, confessait lui avoir été
dictée par son maître. Cette lettre paraissait être adressée au roi
des Goths, pour le dissuader de faire la paix avec l'empereur grec,
pour lui faire entendre qu'il fallait attaquer les Bretons établis
sur la Loire, pour lui assurer que, selon le droit des gens, les
Gaules devaient être partagées avec les Bourguignons ; elle
contenait plusieurs autres folies à peu près semblables, propres à
allumer la colère d'un roi féroce, et à faire rougir un prince doux
et pacifique. Les jurisconsultes la déclaraient à l'envi un
véritable crime de lèse-majesté.
Auxanius, personnage très distingué, et moi, nous ne pûmes ignorer
tout ce qui se passait; nous regardions comme une chose lâche,
perfide et barbare, d'abandonner dans sa disgrâce Arvandus, notre
ami commun, quoi qu'il en fût d'ailleurs. Nous rapportâmes donc à
cet homme trop présomptueux toutes les machinations qui
s'apprêtaient contre lui, et que des adversaires violents et
passionnés se proposaient de tenir artificieusement cachées jusqu'au
jour du jugement, afin sans doute d'embarrasser, par l'aveu d'une
réponse précipitée, un coupable pris au dépourvu, qui repoussait les
conseils de ses amis, pour ne s'en fier qu'à lui seul. Nous lui
dîmes alors ce qui nous semblait, à nous et à ses amis les plus
intimes, un moyen de sûreté. Nous lui conseillâmes de ne faire aucun
aveu, quand même cet aveu lui paraîtrait sans importance pour ses
ennemis; cette dissimulation les jetterait dans un rude embarras, et
les empêcherait d'établir facilement leurs preuves. Après nous avoir
entendus, il se détourne de nous, et éclate aussitôt en injures. «
Allez, dit-il, hommes dégénérés, et indignes d'avoir eu pour pères
des préfets du prétoire, allez avec cette crainte puérile; puisque
vous n'y entendez rien, laissez-moi le soin de cette affaire.
Arvandus a bien assez de sa conscience ; à peine daignerai-je
souffrir que des avocats me défendent contre l'accusation de
péculat. » Nous nous retirâmes avec tristesse, aussi confus de son
injustice, qu'accablés de chagrin car, où est le médecin qui
pourrait se fâcher, toutes les fois que la rage s'empare d'un
furieux? Cependant notre coupable parcourait, vêtu de blanc, la
place du Capitale; tantôt il se repaissait de trompeuses salutations
; tantôt il écoutait avec plaisir, et comme aux jours de son
élévation, les vaines flatteries de la foule ; tantôt il recherchait
les étoffes de soie, les pierreries et tous les précieux tissus des
marchands, les regardait comme pour les acheter, les prenait, les
dépréciait, les déroulait, et, au milieu de tout cela, invectivait
hautement contre les lois, les temps, le sénat, le prince, et se
plaignait de ce que, loin de punir d'abord ses ennemis, on discutait
sa cause. Quelques jours se passent, tout le sénat se réunit dans la
salle destinée à l'examen des accusés, comme on me l'a rapporté
depuis; car, dans l'intervalle, j'avais quitté la ville. Quelques
instants auparavant, Arvandus s'était rendu au palais, plus propre,
plus paré qu'à l'ordinaire, tandis que ses accusateurs à demi-vêtus
de deuil, et dans un costume négligé, attendaient les messagers des
décemvirs, et que, par ce deuil concerté, ils s'emparaient de la
commisération qui n'était due qu'à l'accusé, jetant sur lui de
l'odieux avec ces vêtements en désordre. Les parties sont appelées
et introduites; elles se tiennent, suivant l'usage, debout et
éloignées. Avant de commencer la plaidoirie, on offre aux prétoriens
la permission de s'asseoir. Arvandus, alors, poussé par une funeste
imprudence, va rapidement se placer presque au milieu des juges.
Ferréolus, ses collègues à ses côtés, s'assied modestement et sans
précipitation sur le bout d'un banc, de manière à faire voir qu'il
ne se ressouvenait pas moins de sa qualité de légat que de son rang
de sénateur, conduite qui, plus tard, lui valut des éloges et de la
gloire. Cependant, les grands personnages qui manquaient étaient
arrivés; les parties se lèvent, et les députés exposent leurs
plaintes. Après le décret de la province, ils présentent la lettre
dont j'ai parlé plus haut; et, pendant qu'on la lisait, Arvandus,
que l'on n'interrogeait pas encore, s'écrie qu'il l'a dictée
lui-même. Les députés ajoutent qu'elle est bien de lui, quoique cela
déjà fût malheureusement trop certain. Mais Arvandus, hors de lui,
et ne connaissant pas toute la gravité de sa position, achève de se
perdre par un aveu répété deux ou trois fois; ses accusateurs
poussent des acclamations, les juges s'écrient qu'il est, de son
propre aveu, convaincu du crime de lèse-majesté. Il y avait aussi
contre lui mille textes de lois pour le condamner.
Alors enfin, il se repentit vainement d'avoir parlé
avec imprudence; il changea de visage, reconnaissant trop tard qu'on
pouvait être déclaré criminel de lèse-majesté, même sans avoir
aspiré à la pourpre. Il se voit dépouillé sur-le-champ des
privilèges de la double préfecture qu'il avait exercée pendant cinq
ans; rendu et non ajouté à la classe plébéienne, il est envoyé dans
la prison publique. Ce qu'il y eut de plus cruel pour lui, comme le
rapportent des témoins oculaires, c'est qu'après s'être présenté
devant les juges, élégamment paré, tandis que ses accusateurs
étaient en habits de deuil, il ne pouvait, dans son malheur,
éveiller aucune pitié, quand on l'entraînait après sa condamnation.
Quel est celui, en effet, qui serait fort touché de la situation
d'un homme, bien paré et bien parfumé, que l'on conduirait aux
carrières ou à la prison des esclaves? Son jugement fut à peine
différé de quinze jours; condamné à mort, il fut jeté dans l’île du
serpent d'Epidaure. Là, défiguré jusqu'à exciter la compassion même
de ses ennemis, et banni du théâtre des choses humaines par le
courroux d'une fortune dédaigneuse, il doit, suivant le
sénatus-consulte de Tibère, traîner un reste de vie pendant trente
jours après la sentence, redoutant à chaque heure les crampons de
fer, les gémonies et la corde hideuse du bourreau.
Pour nous, autant qu'il est en notre pouvoir, absent
comme présent, nous faisons des vœux, nous redoublons de prières et
de supplications, afin que le glaive déjà tiré suspende ses coups,
et que la clémence de l'empereur punisse tout au plus de l'exil,
même après la confiscation de ses biens, un homme à demi-mort. Soit
qu'il attende, le dernier supplice, soit qu'il doive l'endurer, rien
n'égale son infortune, si, malgré tant d'affronts et tant
d'outrages, il craint encore quelque chose de plus que de vivre.
Adieu.
LETTRE VIII.
SIDONIUS A SON CHER CANDIDIANUS, SALUT.
Te me félicites de mon séjour à Rome, mais toutefois
d'un ton facétieux et railleur. Tu te réjouis, dis-tu, de ce que ton
intime ami peut voir enfin le soleil à son aise, lui qui a joui si
rarement de sa vue, tant qu'il n'a bu que les eaux de la Saône. Car,
tu me parles ironiquement du ciel nébuleux de mes Lyonnais, et tu te
plains de ce que la chaleur du midi éclaircit à peine le jour voilé
sous les brouillards du matin. Et c'est toi, habitant de la
fournaise plutôt que de la ville de Césène, c'est toi qui viens nous
dire de pareilles choses ! Certes, en quittant ton pays natal, tu
m'as bien fait connaître ce que tu penses de ses agréments, de ses
avantages, puisque c'est pour toi un bonheur de t'exiler à Ravenne,
où les cousins du Pô vous percent les oreilles, où la troupe
coassante des grenouilles du municipe sautille à tes côtés. Dans ce
marais fétide, où les lois de toutes choses sont éternellement
renversées, les murailles croulent, les eaux restent stagnantes, les
tours flottent, les vaisseaux reposent immobiles, les malades se
promènent, les médecins sont alités, les bains sont glacés, les
maisons brûlantes, les vivants meurent de soif, les morts nagent,
les voleurs veillent, le pouvoir dort, les clercs se font usuriers,
les Syriens chantent l'office, les marchands sont soldats, les
soldats marchands, les vieillards jouent à la paume, les jeunes gens
au dé, les eunuques s'exercent aux armes, les alliés à la
littérature. Vois quel lieu tu prends pour y fixer tes dieux lares !
une cité ou l'on trouve bien plus de territoire que de terre
labourable. Ne t'avise donc plus de critiquer les paisibles
Transalpins qui, satisfaits du sol natal, ne trouveraient pas leur
gloire bien relevée, s'ils ne brillaient que par la comparaison avec
ceux dont le climat ne vaut pas le leur. Adieu.
LETTRE IX.
SIDONIUS A SON CHER HERONIUS, SALUT.
APRES les noces du patrice Ricimer, c'est-à-dire,
après la dissipation des richesses de l'un et de l'autre empire, on
rentra enfin dans le calme public, et les choses reprirent leur
allure accoutumée. Cependant, accueilli sous le toit du prétorien
Paulus, aussi respectable par le savoir que par la vertu, je
recevais tous les bons offices d'une douce et gracieuse hospitalité.
Assurément, dans quelque genre de science que ce puisse être, cet
homme n'a pas de rival. Bon Dieu! quelles propositions captieuses!
quelle éloquence fleurie! quels vers harmonieux! quelle merveilleuse
adresse dans les doigts! Une chose néanmoins surpasse en lui toutes
ces rares qualités, c'est qu'il a une âme bien supérieure à cet
éminent savoir. J'ai donc fait sonder par lui tout le premier, s'il
est quelque moyen d'avoir à la cour un accès favorable ; avec lui,
j'ai examiné quels sont ceux d'entre les grands qui pourraient le
mieux seconder nos espérances. Et certes, nous ne devions pas
hésiter longtemps, car il y en avait peu dont le patronage put
laisser notre choix indécis. Le sénat comptait sans doute parmi ses
membres des hommes d'une grande opulence, d'une haute extraction,
d'un âge vénérable, d'une sagesse reconnue, d'an rang élevé, d'une
égale considération ; mais, sans rien ôter à leur mérite, je dirai
que l'on remarquait spécialement deux consulaires fort distingués,
Gennadius Avienus et Caecina Basilius. Ces illustres sénateurs, si
vous exceptez la prérogative de la milice, étaient, sans contredit,
les premiers de l'état après l'empereur. L'un et l'autre, avec un
naturel merveilleux, offraient pourtant une diversité de caractère ;
et s'ils se ressemblaient, c'était plutôt par le crédit et la
considération, que par les goûts et les manières. Je vais donner en
peu de mots quelques détails à ce sujet.
La fortune seule avait conduit Avienus au consulat,
Basilius y était arrivé par son mérite. Avienus était donc renommé
pour l'heureuse rapidité avec laquelle il avait obtenu les honneurs
; Basilius, pour le nombre de dignités qu'il avait acquises, quoique
assez tard. Venaient-ils à sortir de leurs demeures, une foule
nombreuse de clients se pressait devant eux, derrière eux, à leurs
côtés ; mais, quoiqu'ils fussent égaux, les espérances et les
prétentions de leurs amis étaient fort inégales. Si Avienus avait
quelque pouvoir, il l'employait à l'avancement de ses fils, de ses
gendres, de ses frères ; toujours assiégé de candidats domestiques,
il lui était plus difficile de satisfaire aux sollicitations du
dehors. On préférait donc la famille Décienne à celle de Corvinus,
parce que Basilius, simple particulier, donnait généreusement aux
étrangers ce qu'Avienus, dans les honneurs, n'obtenait que pour les
siens. Avienus ouvrait son âme à tous les solliciteurs, et de prime
abord, mais sans utilité pour eux ; Basilius ne s'ouvrait qu'à peu
de gens, après de longues entrevues, mais avec de féconds résultats.
Ils n'étaient ni l'un ni l'autre d'un accès difficile, embarrassant
; mais si vous les cultiviez tous deux, Avienus vous accordait plus
facilement son amitié, Basilius un bienfait. Toutes choses longtemps
balancées, et après des rapports mutuels, je résolus, tout en
conservant des égards pour le vieux consulaire chez lequel j'allais
assez souvent, de m'attacher de préférence à ceux qui fréquentaient
Basilius. Tandis que, par le moyen de ce personnage remarquable, je
tachais d'obtenir quelque chose au nom des députés de l'Auvergne,
arrivèrent les calendes de janvier, temps où l'empereur allait
commencer un second consulat, et inscrire de nouveau son nom dans
les fastes. « Allons, mon cher Sollius, me dit alors mon patron :
quoique vous soyez accablé sous le poids de l'affaire dont vous êtes
chargé, je veux que vous ranimiez encore votre muse en l'honneur du
nouveau consul, et que vous fassiez, même à la hâte, quelques vers
de souhait et de félicitation. Je pourrai vous introduire chez le
prince, vous faciliter les moyens de les lui débiter, vous obtenir
un succès honorable: Si vous en croyez mon expérience, cette
bagatelle avancera beaucoup vos affaires. » J'obéis à ses ordres ;
il ne retira point ses faveurs à des vers qu'il m'avait demandés; et
garant, en quelque sorte, de mon dévouement, il fit si bien avec le
nouveau consul, que celui-ci me nomma aussitôt préfet du sénat.
Mais, si je ne me trompe, ennuyé de la longueur de ma
lettre, tu auras maintenant plus de plaisir peut-être à lire les
vers de cet opuscule : mon poème te parviendra donc en même temps
que cette missive qui doit causer et s'entretenir avec toi quelques
jours, jusqu'à mon arrivée. Si tu m'accordes ton suffrage, j'en
serai tout aussi flatté que je pourrais l'être aux comices ou bien
aux rostres, en voyant mes paroles accueillies par les nombreux
applaudissements des sénateurs et des tribus. Ne va pas toutefois,
je t'en avertis et je te le déclare, comparer ces bagatelles aux
productions de ta muse. Car, si mes vers osaient se rapprocher des
tiens, ils mériteraient d'être comparés, non point à l'éclat des
chants héroïques, mais aux pleurs des épitaphes. Réjouis-toi
cependant de ce que mon panégyrique a obtenu, si non la renommée, du
moins le résultat d'un bon ouvrage. C'est pourquoi, s'il faut égayer
par des plaisanteries un sujet grave d'ailleurs, je veux, imitateur
du Pyrgopolynice de Plaute, achever ma page en glorieux,
c'est-à-dire à la Thrason. Comme j'ai obtenu, avec l'aide du Christ,
la préfecture à l'occasion de ce poème, fais donc, en considération
de ma dignité nouvelle, que des acclamations unanimes et générales
élèvent jusqu'aux nues mon éloquence, si je te plais ; mon bonheur,
si je te déplais. Il me semble voir déjà comme tu ris, en comparant
mes prétentions avec la jactance de ce présomptueux soldat du poète
comique. Adieu.
LETTRE X.
SIDONIUS A SON CHER CAMPANIUS, SALUT.
J'AI reçu par le préfet des vivres la lettre dans laquelle tu me le
recommandes à moi, nouveau magistrat, comme un de tes anciens amis.
Je te remercie beaucoup, je te rends de grandes actions de grâces,
de ce que tu as assez bien jugé de mon amitié, pour estimer qu'elle
est sûre, pour croire qu'elle est constante. C'est très volontiers,
c'est même avec une sorte d'empressement, que je ferai sa
connaissance, que j'accueille son amitié ; car je sens que cette
condescendance resserrera les nœuds qui nous unissent l'un à
l'autre. Pour toi, recommande-moi à sa vigilance, c'est-à-dire,
recommande-lui ce qui concerne ma réputation. Je crains que les cris
tumultueux du théâtre ne me reprochent la souffrance du peuple
romain, et que l'on ne m'impute la disette publique, à moi
malheureux magistrat. Je vais l'envoyer au port sur le champ, parce
que j'apprends que cinq vaisseaux, partis de Brindes avec du froment
et du miel, ont abordé aux bouches du Tibre. Si le préfet répond à
mon impatience, il se hâtera d'offrir à l'attente du peuple tout ce
que portent ces vaisseaux; il se rendra par là recommandable à
moi-même, il me mettra dans les bonnes grâces du peuple, nous fera
chérir l'un et l'autre de Campanius. Adieu.
LETTRE XI.
SIDONIUS A SON CHER MONTIUS, SALUT.
Tu me demandes, mon savant ami, de t'envoyer, maintenant que tu vas
chez tes Séquanais, certaine satire dont tu me crois l'auteur ; une
pareille demande peut bien m'étonner. Car, c'est mal à toi d'avoir
si tôt mauvaise opinion des mœurs, d'un ami. Quoi ! lorsque j'ai
besoin de repos, à mon, âge, me serais-je occupé d'un pareil sujet ?
dans ma jeunesse, et quand j'étais au service, il y aurait eu de la
présomption à composer de tels vers, du péril à les publier. Quel
est l'homme, pour peu qu'il soit instruit, qui ne connaisse ces vers
du Calabrais :
On pendra tout poète, auteur de vers médians,
En réparation du tort qu'il fait aux gens.
HORACE, Sat. II, I. Trad. de Daru.
Mais afin qu'à l'avenir tu ne croies rien de semblable sur ton ami,
je t'exposerai un peu au long, en remontant à l'origine, ce qu'il en
est de cette satire qu'une rumeur vaine et méchante a voulu
m'attribuer.
Au temps de l'empereur Majorien, il circula dans la cour, mais sans
nom d'auteur, un écrit plein de vers satiriques très mordants, qui
invectivaient contre des noms perfidement dévoilés, et critiquaient
beaucoup les vices, plus encore les personnes. Alors, grande rumeur
dans la ville d'Arles, où la chose se passait ; on cherchait sur
quel poète devait tomber avec justice le poids de l'indignation
publique; et ceux que l'auteur anonyme avait irrités en les
désignant d'une manière notoire, mettaient surtout de l'ardeur à le
découvrir. Le hasard fit que l'illustre Catullinus, qui venait
d'Auvergne, arriva pour lors à Arles ; il avait toujours été mon
ami, et notre union s'était fortifiée encore depuis que nous avions
porté les armes ensemble. Les voyages contribuent puissamment à
resserrer les nœuds de l'amitié. Comme il ne se doutait de rien,
Paeonius et Bigerrus lui tendirent un piège, et lui demandèrent
devant plusieurs personnes, afin de le surprendre, s'il ne
connaissait point le nouveau poème ? Oui, répondit-il. Ils lui
récitèrent quelques passages, comme par simple plaisanterie ;
Catullinus éclata de rire, et se prit à crier bien à contretemps,
que ces vers étaient dignes d'être gravés en lettres d'or et placés
dans la tribune aux harangues, ou même dans le Capitole. Paeonius,
que le satirique avait le plus vivement mordu, transporté de colère,
dit à ceux qui l'environnaient : « J'ai trouvé l'auteur de l'injure
que nous avons reçue. Voyez-vous comme Catullinus se pâme de rire?
Il paraît qu'on lui rappelle des choses connues. Quelle raison le
porte à donner si promptement son avis? en parlant ainsi d'une
partie de l'œuvre, ne fait-il pas voir qu'il a déjà vu le tout?
Sidonius est maintenant en Auvergne; il doit donc être l'auteur de
la satire; Catullinus l'aura entendue de sa bouche. » On s'emporte,
on se déchaîne contre un absent, contre un homme qui ignorait tout,
qui n'était pas coupable ; on n'attend pas de plus amples
informations. Voilà comment un homme adroit à manier le peuple sut
entraîner, où il lui plaisait, une foule inconstante et mobile.
Ce Paeonius était fort bien venu du peuple, et, tribun remuant, il
avait plus d'une fois soufflé le feu des séditions. Veut-on
connaître ensuite son origine, sa famille? Il était simple citoyen
de municipe, et, s'il avait commencé de se faire connaître, c'était
plutôt à la réputation de son beau-père qu'il le devait, qu'à celle
de son père. Quelquefois cependant il cherchait à s'élever par
toutes sortes de moyens, et prodiguait par ambition l'argent qu'il
épargnait par avarice. Car, pour s'allier tout au moins par sa
fille, très honnête du reste, à une famille d'un rang supérieur au
sien, notre Chrémès avait, dit-on, contre sa ténacité habituelle,
promis à son Pamphilus une dot magnifique. Et, lorsque la
conjuration Marcellienne méditait de ravir le diadème, il s'était
mis à la tête de la jeune noblesse pour seconder les factieux ;
homme encore nouveau, même dans sa vieillesse, il put enfin, grâces
aux tentatives de son heureuse audace et à un long interrègne, jeter
quelque éclat sur l'obscurité de sa naissance. Pendant que le trône
était vacant, au milieu des troubles de la république, il fut le
seul qui, osant prendre les faisceaux pour gouverner les Gaules,
sans avoir reçu de mandat, siégeât plusieurs mois en qualité de
préfet sur le tribunal des illustres puissances. Ce ne fut qu'au
bout d'une année, vers la fin de sa gestion, qu'il reçut les
pouvoirs de cette place, suivant la coutume des maîtres de comptes
ou plutôt des avocats, dont les dignités ne commencent que lorsque
leurs fonctions expirent. Ainsi, devenu préfet et sénateur (je ne
veux pas faire un éloge complet de ses mœurs, par égard pour celles
de son gendre), il excita contre moi qui ignorais cela, qui étais
encore son ami, la haine de beaucoup de gens, plutôt que celle des
hommes de bien, comme si j'eusse été le seul de mon siècle à pouvoir
faire des vers. Je me rendis à Arles, ne soupçonnant pas ce qui se
passait ; et comment l'eussé-je connu ? Mes ennemis s'imaginaient
que je n'oserais y paraître ; le lendemain de mon arrivée, après
avoir rendu ma visite au prince, j'allai, suivant ma coutume, me
promener sur la place publique. Dès qu'on me vit, les séditieux,
frappés d'une frayeur subite, ne purent en venir à aucune
détermination courageuse, comme dit le poète. Les uns cependant se
jetaient à mes pieds avec des respects excessifs; les autres, pour
ne pas me saluer, fuyaient derrière les statues, te cachaient
derrière les colonnes ; d'autres enfin, l'air triste et soucieux, se
pressaient à mes côtés. Moi, néanmoins, je cherchais tout étonné ce
que pouvait signifier dans les uns cet orgueil extraordinaire, dans
les autres cette soumission profonde ; je ne témoignais rien de ma
surprise, lorsqu'un d'entre eux, député sans doute par le grand
nombre, s'approcha pour me saluer. Alors, la conversation une fois
engagée : « Vois-tu ces hommes-là ? me dit-il. — Oui, répondis-je ;
leur contenance me surprend, et je suis loin de l'admirer. — C'est,
répondit notre interprète, qu'ils te haïssent ou te craignent comme
écrivain satirique. — Comment donc, de quelle manière, depuis quand
? qui a pu me trouver coupable d'un tel crime, qui a pu m'en
accuser, qui a pu l'établir ? Courage, mon ami, ajoutai-je en
souriant ; demande, je te prie, à ces hommes que mon nom seul
irrite, si le délateur qui a imaginé que j'avais fait une satire, a
pu supposer encore que je l'eusse répandue ; car, s'ils disent que
cela n'est pas, mieux vaut pour eux quitter cet air dédaigneux et
superbe. » Aussitôt que le député leur eut fait part de mes paroles,
je les vis tout à coup s'avancer vers moi, non pas l'un après
l'autre, mais tous ensemble et avec empressement, pour m'embrasser
et me prendre la main. Seul, mon Curion, invectivant contre la
perfidie des transfuges, se fit reconduire chez lui vers le soir et
à la hâte par des porteurs de chaise, plus noirs que ceux qui vont
inhumer les morts.
Le lendemain, l'empereur nous fit dire de nous trouver au repas
qu'il donnait à l'occasion des jeux du cirque. La première place du
côté gauche était occupée par le consul ordinaire Severinus,
personnage qui avait joui d'une faveur toujours égale, malgré les
fréquents changements de princes, et les révolutions survenues dans
la république. Près de lui était Magnus, ancien préfet, qui venait
de quitter le consulat, et digne à tous égards des deux places qu'il
avait occupées ; Camillus, fils de son frère, se trouvait après lui
; il avait aussi passé par ces deux charges, et avait également
honoré le proconsulat de son père et le consulat de son oncle.
Venait ensuite Paeonius, puis Athenius, homme versé dans les procès
et habile à se plier aux variétés des temps. A côté d'Athenius on
voyait Gratianensis, personnage d'une conduite irréprochable, qui,
sans égaler Severinus en dignités, l'avait toutefois devancé en
faveur. Enfin, j'étais le dernier à gauche de l'empereur, qui
occupait le côté droit. Vers la fin du repas, le prince adresse
d'abord la parole au consul assez brièvement ; puis il passe au
consulaire, et après être revenu plusieurs fois à lui, parce qu'on
s'entretenait de littérature, il se met à causer avec l'illustre
personnage Camillus, et va jusqu'à lui dire : « En vérité, mon frère
Camillus, tu as un oncle pour lequel je me félicite d'avoir donné un
consulat à ta famille. » Alors, Camillus qui ambitionnait quelque
chose de semblable, trouvant l'occasion favorable : « Seigneur
Auguste, dit-il, non seulement tu lui en as accordé un, mais c'est
encore le premier. » Cette réponse fut reçue avec de bruyantes
félicitations, et le respect dû au prince ne put nous empêcher
d'applaudir. L'empereur, demandant ensuite quelque chose à Athenius,
laissa Paeonius qui se trouvait placé avant lui ; j'ignore s'il le
fit à dessein ou non. Celui-ci, piqué mal à propos, prévint plus mal
à propos encore Athenius, en répondant pour lui. L'empereur, avec le
joyeux abandon qu'il avait montré pendant le repas, sans rien perdre
de sa dignité, se prit à sourire, et ce fut pour Athenius l'occasion
d'une vengeance non moins signalée que ne l'avait été l'outrage. Le
rusé vieillard ne se déconcerte pas, et, comme il voyait toujours
avec un dépit secret que Paeonius fût placé avant lui : « Je ne
m'étonne pas, dit-il, seigneur Auguste, si Paeonius tâche de
m'enlever ma place à table, puisqu'il ne rougit point de la prendre
encore pour te répondre. — Cette querelle, dit aussitôt l'illustre
Gratianensis, ouvre un beau champ aux satiriques. » L'empereur se
retourne alors vers moi : « J'apprends, comte Sidonius, que tu fais
une satire. — Et moi, seigneur prince, répliquai-je, je l'apprends
aussi. — Il me dit en riant : De grâce, épargne-nous du moins. —
Lorsque je m'abstiens, répondis-je, de faire des choses qui sont
défendues, je m'épargne moi-même. — Et que ferons-nous donc, me dit
l'empereur, à ceux qui t'accusent? — Je répondis : Quelles que
soient ces personnes, seigneur prince, qu'elles m'attaquent
publiquement. Si l'on peut me convaincre, je dois subir la peine que
je mérite ; mais si je parviens à me disculper, je demande à ta
clémence qu'il me soit permis, sans outrager les lois, d'écrire tout
ce que je voudrai contre mon accusateur. — Alors l'empereur,
regardant Paeonius qui avait l'air d'hésiter, lui demanda par un
signe si la condition lui plaisait. Mais comme Paeonius, extrêmement
confus, gardait le silence, le prince ayant pitié de son embarras :
« J'accède à tes désirs, me dit-il, pourvu que sur le champ tu me
fasses la requête en vers. — Soit, » répliquai-je ; et je me
retournai aussitôt, comme si j'eusse demandé de l'eau pour me laver
; puis, après avoir mis autant de temps qu'il en faut à un valet
actif pour faire le tour de la table, je m'appuyai de nouveau sur le
lit. L'empereur me dit alors : Tu m'avais promis de demander en vers
improvisés l'autorisation de composer une satire. — Je répondis :
« Grand prince, ordonne, je t'en prie, que celui qui m'accuse
d'avoir écrit une satire, prouve le fait, ou qu'il tremble. »
On applaudit, c'est peut-être une jactance de le dire, comme pour
Camillus ; et ce qui me valut ces félicitations, ce fut moins le
mérite des vers, que le peu de temps qu'il m'avait fallu. L'empereur
dit alors : « Je prends Dieu et la république à témoin, que jamais
je ne t'empêcherai d'écrire ce que tu voudras, puisque l'on ne peut
en aucune manière établir les accusations dirigées contre toi ; il
serait aussi trop injuste que le prince, laissant vivre des
inimitiés privées, la noblesse innocente et tranquille se trouvât en
butte à des haines certaines, sous prétexte d'un crime qui ne serait
rien moins que prouvé. » Je m'inclinai profondément pour remercier
l'empereur de la sentence qu'il venait de prononcer ; et mon
harangueur, en qui la colère avait déjà fait place à la tristesse,
pâlit tout à coup ; peu s'en fallut même qu'il ne sentît son sang se
glacer dans ses veines, comme s'il eût été condamné à tendre la tête
sous le glaive. Nous nous levâmes presqu'aussitôt après. Nous nous
étions un peu éloignés de l'empereur, et nous prenions nos chlamydes
; le consul se jeta dans mes bras, les préfectoriens me baisèrent
les mains, et mon ami Paeonius lui-même s'humilia jusqu'à provoquer
leur compassion. Je craignis que ses prières n'armassent contre moi
la haine que ses calomnies n'avaient pu exciter. Pressé par les
supplications des convives réunis autour de moi, je lui dis enfin
que je consentais à ne point faire de vers contre lui, pourvu
toutefois que dans la suite il ne s'avisât plus de censurer mes
actions; il devait être assez puni, ajoutai-je, de voir qu'en
m'attribuant cette satire, il avait travaillé à ma gloire et à son
déshonneur.
En somme, très excellent seigneur, je pouvais moins reprocher à
Paeonius d'avoir inventé la calomnie, que de l'avoir sourdement
propagée. Mais, comme la réparation fut si grande, que des hommes
distingués et puissants se jetèrent dans mes bras en demandant grâce
pour le coupable, l'offense, je dois l'avouer, m'a été bien utile,
puisqu'elle a fini par tourner à ma gloire. Adieu.
|
LIBER PRIMUS.
EPISTOLA
PRIMA.
Sidonius
Constantio suo salutem.
Diu
praecipis, domine
major, summa suadendi auctoritate, sicuti es in iis quae
deliberabuntur consiliosissimus, ut, si quae
litterae paulo politiores varia occasione fluxerunt, prout eas
causa, persona, tempus elicuit, omnes,
retractatis exemplaribus enucleatisque, uno
volumine includam, Q.
Symmachi
rotunditatem, C. Plinii disciplinam maturitatemque vestigiis
praesumptiosis insecuturus. Nam
de Marco
Tullio silere me in stylo epistolari melius puto, quem nec
Julius Titianus totum sub nominibus
illustrium feminarum digna similitudine expressit. Propter quod
illum caeteri quique
Frontonianorum,
utpote consectaneum aemulati, cur veternorum
dicendi genus imitaretur, oratorum simiam nuncupaverunt.
Quibus omnibus ego, immane dictu est,
quantum semper, judicio meo,
cesserim, quantumque servandam singulis pronuntiaverim temporum
suorum meritorumque praerogativam. Sed scilicet tibi parui, tuaeque
examinationi, has non recensendas, hoc enim
parvum est, sed defaecandas, ut aiunt, limandasque commisi, sciens
te immodicum esse fautorem non studiorum modo, verum etiam
studiosorum. Quamobrem nos nunc perquam haesitabundos in hoc
deinceps famae pelagus impellis. Porro autem super hujusmodi
opusculo tutius conticueramus, contenti versuum felicius quam
peritius editorum opinione, de qua mihi jampridem in portu judicii
publici, post lividorum latratuum
scyllas enavigatas, sufficientis gloriae anchora sedet. Sed si et
hisce deliramentis genuinum molarem invidia non fixerit, actutum
tibi a nobis volumina numerosiora percopiosis scaturentia
sermocinationibus multiplicabuntur. Vale.
EPISTOLA II.
Sidonius Agricolae suo salutem.
SAEPENUMERO postulavisti ut, quia
Theodorici regis Gothorum commendat populis fama civilitatem,
litteris tibi formae suae quantitas, vitae qualitas significaretur.
Pareo libens, in quantum epistolaris pagina sinit, laudans in te tam
delicatae sollicitudinis ingenuitatem.
Igitur vir est et illis dignus agnosci qui eum minus familiariter
intuentur, ita personam suam Deus arbiter et ratio naturae,
consummatae felicitatis dote sociata, cumulaverunt. Mores autem
hujuscemodi, ut laudibus eorum nihil ne
regni quidem defraudet invidia. Si forma quaeratur : corpore
exacto, longissimis brevior, procerior, eminentiorque mediocribus.
Capitis apex rotundus, in quo paululum a planitie frontis in
verticem caesaries refuga crispatur.
Cervix non sedet nervis. Geminos orbes hispidus superciliorum
coronat arcus. Si vero cilia flectantur, ad malas medias palpebrarum
margo prope pervenit. Aurium legulae, sicut
mos gentis est, crinium superjacentium
flagellis operiuntur. Nasus venustissime incurvus. Labra
subtilia, nec dilatatis oris angulis ampliata. Si casu dentium
series ordinata promineat, niveum protinus repraesentat colorem.
Pilis infra narium antra fruticantibus quotidiana succisio. Barba
concavis hirta temporibus, quam in subdita vultus parte surgentem
stirpitus tonsor assiduus genas ad usque forpicibus evellit. Menti,
gutturis, colli, non obesi, sed succulenti, lactea cutis, quae
propius inspecta juvenili rubore suffunditur. Namque hunc illi
crebro colorem non ira, sed verecundia facit.
Teretes humeri, validi lacerti, dura brachia, patulae manus;
recedente alvo pectus accedens. Aream dorsi humilior inter
excrementa costarum spina discriminat. Tuberosum est utrumque
musculis prominentibus latus. In succinctis regnat vigor ilibus.
Corneum femur, internodia poplitum bene mascula; maximus in minime
rugosis genibus honor. Crura suris fulta turgentibus, et, qui magna
sustentat membra, pes modicus.
Si actionem diurnam, quae est forinsecus exposita, perquiras :
antelucanos sacerdotum suorum coetus
minimo comitatu expetit, grandi sedulitate veneratur: quanquam, si
sermo secretus, possis animadvertere quod servet istam pro
consuetudine potius, quam pro ratione reverentiam.
Reliquum mane regni administrandi cura
sibi deputat. Circumsistit sellam comes
armiger, pellitorum turba satellitum
ne absit, admittitur; ne obstrepat, eliminatur, sicque pro foribus
immurmurat exclusa velis, inclusa cancellis.
Inter haec, intromissis gentium legationibus, audit plurima, pauca
respondet. Si quid tractabitur, differt ; si quid expedietur,
accelerat. Hora est secunda : surgit e solio, aut thesauris
inspiciendis vacaturus, aut stabulis. Si venatione nuntiata
procedit, arcum lateri innectere citra gravitatem regiam judicat:
quem tamen, si cominus avem feramque aut venanti monstres, aut
vianti sors offerat, manui post tergum reflexae puer inserit, nervo
lorove fluitantibus: quem sicut puerile computat gestare thecatum,
ita muliebre accipere iam tensum. Igitur acceptum modo insinuatis e
regione capitibus intendit, modo ad talum pendulum, nodi parte
conversa, languentem chordae laqueum vagantis digito superlabente
prosequitur: et mox spicula capit, implet, expellit; quidve cupias
percuti, prior admonet. Eligis quid faciat, quod elegeris ferit: et,
si ab alterutro errandum est, rarius fallitur figentis ictus, quam
destinantis obtutus.
Si in convivium venitur, quod quidem diebus profestis simile privato
est, non ibi impolitam congeriem liventis argenti mensis cedentibus
suspiriosus minister imponit. Maximum
tunc pondus in verbis est, quippe cum illic aut nulla narrantur, aut
seria. Toreumatum peripetasmatumque modo
conchyliata profertur suppellex, modo byssina. Cibi arte, non
pretio placent: fercula nitore, non pondere. Scyphorum paterarumque
raras oblationes facilius est ut accuset sitis, quam recuset
ebrietas. Quid multis? Videas ibi
elegantiam Graecam, abundantiam
Gallicanam, celeritatem Italam, publicam pompam, privatam
diligentiam, regiam disciplinam. De luxu autem illo
sabbatario narrationi meae
supersedendum est, qui nec latentes potest latere personas. Ad
coepta redeatur.
Dapibus expleto somnus meridianus saepe
nullus, semper exiguus. Quibus horis viro
tabula cordi est, tesseras colligit rapide, inspicit sollicite,
volvit argute, mittit instanter, joculanter compellat, patienter
exspectat. In bonis jactibus tacet, in malis ridet, in neutris
irascitur, in utrisque philosophatur. Secundas fastidit vel timere,
vel facere, quarum opportunitates spernit oblatas, transit
oppositas. Sine motu evaditur, sine colludio evadit. Putes illum et
in calculis arma tractare. Sola est illi cura vincendi.
Cum ludendum est, regiam sequestrat tantisper severitatem, hortatur
ad ludum, libertatem, communionemque. Dicam quod sentio: timet
timeri. Denique oblectatur commotione superati, et tunc demum credit
sibi non cessisse collegam, cum fidem fecerit victoriae suae bilis
aliena. Quodque mirere, saepe illa laetitia, minimis occasionibus
veniens, ingentium negotiorum merita fortunat. Tunc petitionibus diu
ante per patrociniorum naufragia jactatis, absolutionis subitae
portus aperitur. Tunc etiam ego aliquid
obsecraturus feliciter vincor, quando mihi ad hoc tabula petit,
ut causa salvetur.
Circa nonam recrudescit moles illa
regnandi. Redeunt pulsantes, redeunt submoventes, ubique litigiosus
fremit ambitus: qui tractus in vesperam, coena regia interpellante
rarescit, et per aulicos deinceps pro patronorum varietate
dispergitur, usque ad tempus concubiae noctis excubaturus. Sane
intromittuntur, quanquam raro, inter coenandum mimici sales, ita ut
nullus conviva mordacis linguae felle feriatur. Sic tamen quod illic
nec organa hydraulica sonant, nec sub
phonasco
vocalium concentus meditatum acroama simul intonat. Nullus ibi
lyristes, choraules,
mesochorus, tympanistria, psaltria
canit: rege solum illis fidibus delinito, quibus non minus mulcet
virtus animum quam cantus auditum. Cum surrexerit, inchoat nocturnas
aulica gaza custodias, armati regiae domus aditibus assistunt,
quibus horae primi soporis vigilabuntur.
Sed jam quid meas istud ad partes, qui tibi indicanda non multa de
regno, sed pauca de rege promisi? Simul et stylo finem fieri decet:
quia et tu cognoscere viri non amplius quam studia personamque
voluisti, et ego non historiam, sed epistolam efficere curavi. Vale.
EPISTOLA III.
Sidonius Philimatio suo salutem.
I nunc, et legibus me ambitus interrogatum
senatu move, cur adipiscendae dignitati haereditariae curis
pervigilibus incumbam: cui pater, socer, avus, proavus, praefecturis
urbanis praetorianisque, magisteriis
palatinis militaribusque micuerunt. Et ecce Gaudentius meus
hactenus tantum Tribunitius, oscitantem
nostrorum civium desidiam vicariano apice
transcendit. Mussitat quidem juvenum nostrorum calcata generositas:
sed qui transit derogantes, in hoc solum movetur, ut gaudeat. Igitur
venerantur hucusque contemptum, ac subitae stupentes dona fortunae,
quem consessu despiciebant, sede suspiciunt.
Ille obiter stertentum oblatratorum aures
rauci voce praeconis everberat: qui in eum licet stimulis
inimicalibus excitentur, scamnis tamen
amicalibus deputantur. Unde te etiam
par fuerit privilegio gaudentem praefecturae, in quae participanda
deposceris, antiquati honoris perniciter sarcire dispendium: ne si
extra praerogativam consiliarii in concilium veneris, solas
vicariorum vices egisse videare. Vale.
EPISTOLA IV.
Sidonius Gaudentio suo salutem.
MACTE esto, vir amplissime, fascibus partis dote meritorum: quorum
ut titulis apicibusque potiare, non maternos reditus, non avitas
largitiones, non uxorias gemmas, non paternas pecunias numeravisti:
quia tibi econtrario apud principis domum,
inspecta sinceritas, spectata sedulitas, admissa sodalitas laudi
fuere. O terque quaterque beatum te, de cujus culmine datur amicis
laetitia, lividis poena, posteris gloria; tum praeterea vegetis et
alacribus exemplum, desidibus et pigris incitamentum; et tamen si
qui sunt qui te quocunque animo deinceps aemulabuntur, sibi
forsitan, si te consequantur, debeant; tibi debebunt procul dubio,
quod sequuntur. Spectare mihi videor, bonorum pace praefata, illam
in invidis ignaviam superbientem, et illud militandi inertibus
familiare fastidium, cum a desperatione crescendi, inter bibendum
philosophantes, ferias inhonoratorum laudant, vitio desidiae, non
studio perfectionis. Cujus appetitus, ne adhuc pueris usui foret,
majorum judicio rejiciebatur; sic adolescentum declamatiunculas
pannis textilibus comparantes, intelligebant eloquia juvenum
laboriosius brevia produci quam porrecta succidi.
Sed hinc quia ista haec satis, quod subest, quaeso, reminiscaris,
velle me tibi studii hujusce vicissitudinem reponderare, modo me
actionibus justis Deus annuens et sospitem praestet, et reducem.
Vale.
EPISTOLA V.
Sidonius Heronio suo salutem.
LITTERAS tuas Romae positus accepi, quibus an secundum commune
consilium sese peregrinationis meae coepta promoveant sollicitus
inquiris. Viam etiam qualem qualiterque confecerim, quos aut fluvios
viderim poetarum carminibus illustres, aut urbes moenium situ
inclytas, aut montes nominum opinione vulgatos, aut campos
praeliorum replicatione monstrabiles: quia voluptuosum censeas, quae
lectione compereris, eorum qui inspexerint fideliore didicisse
memoratu. Quocirca gaudeo te quid agam cupere cognoscere; namque
hujuscemodi studium ex affectu interiore proficiscitur. Ilicet, et
si secus quaepiam, sub ope tamen Dei ordiar a secundis; quibus
primordiis majores nostri etiam sinisteritatum suarum relationes
evolvere auspicabantur.
Egresso mihi Rhodanusiae nostrae
moenibus publicus cursus usui fuit,
utpote sacris apicibus accito, et
quidem per domicilia sodalium propinquorumque: ubi sane moram vianti
non veredorum paucitas, sed amicorum
multitudo faciebat: quae mihi arcto implicita complexu, itum
reditumque felicem certantibus votis comprecabatur. Sic Alpium jugis
appropinquatum: quarum mihi citus et facilis ascensus, et inter
utrimque terrentis latera praerupti cavatis in callem nivibus
itinera mollita. Fluviorum quoque si qui
non navigabiles, vada commoda, vel certe pervii pontes, quos
antiquitas a fundamentis ad usque aggerem calcabili silice crustatum
crypticis arcubus fornicavit. Ticini
cursoriam, sic navigio nomen, ascendi: qua in Eridanum brevi
delatus, et cantatas saepe comessaliter nobis
Phaethontiadas, et commentitias arborei
metalli lacrymas risi Ulvosum Lambrum,
coerulum Adduam, velocem
Athesim, pigrum
Mincium, qui
Ligusticis Euganeisque montibus
oriebantur, paulum per ostia adversa subvectus, in suis etiam
gurgitibus inspexi: quorum ripae torique passim quernis acernisque
nemoribus vestiebantur. Hic avium resonans dulce concentus, quibus
nunc in concavis arundinibus, nunc quoque in juncis pungentibus,
nunc et in scirpis enodibus, nidorum strues imposita nutabat: quae
cuncta virgulta tumultuatim super amnicos margines soli bibuli succo
fota fruticaverant. Atque obiter Cremonam
pervectus adveni, cujus olim est Tityro Mantuano larium
suspirata proximitas. Brixillum dein
oppidum, dum succedenti Aemiliano nautae
decedit Venetus remex, tantum ut exiremus, intravimus, Ravennam
paulo post cursu dexteriore subcuntes: quo loci
veterem civitatem, novumque portum,
media via Caesaris ambigas utrum
connectat, an separet. Insuper oppidum
duplex pars interluit Padi certa, pars alluit: qui ab alveo
principali molium publicarum discerptus objectu, et per easdem
derivatis tramitibus exhaustus, sic dividua fluenta partitur, ut
praebeant moenibus circumfusa praesidium, infusa commercium. Huc cum
peropportuna cuncta mercatui, tum praecipue quod esui competeret
deferebatur: nisi quod, cum sese hinc salsum portis pelagus
impingeret, hinc cloacali pulte fossarum discursu lintrium
ventilata, et ipse lentati languidus lapsus humoris nauticis
cuspidibus foraminato fundi glutino sordidaretur, in medio undarum
sitiebamus: quia nusquam vel aquae ductuum liquor integer, vel
cisterna defaecabilis, vel fons irriguus, vel puteus illimis.
Unde progressis ad Rubiconem ventum,
qui originem nomini de glarearum puniceo colore mutuatur: quique
olim Gallis Cisalpinis, Italisque veteribus terminus erat, cum
populis utriusque Adriatici maris oppida divisui fuere. Hinc
Ariminum,
Fanumque perveni, illud Juliana rebellione memorabile, hoc
Asdruballano funere infectum. Siquidem illic
Metaurus, cujus ita in longum felicitas
uno die parta porrigitur, ac si etiam nunc Dalmatico salo cadavera
sanguinolenta decoloratis gurgitibus
inferret. Hinc caetera Flaminiae
oppida, statim ut ingrediebar, egressus, laevo Picentes, dextro
Umbros latere transmisi. Ubi mihi seu Calaber
Atabulus, seu
pestilens regio Tuscorum, spiritu aeris venenatis flatibus
inebriato, et modo calores alternante, modo frigora, vaporatum
corpus infecit. Interea febris, sitisque penitissimum cordis
medullarumque secretum depopulabantur. Quarum aviditati non solum
amoena fontium, aut abstrusa puteorum, quanquam haec quoque, sed
tota illa vel vicina vel obvia fluenta, id est vitrea
Fucini, gelida
Clitumni, Anienis coerula,
Naris sulphurea, pura
Fabaris, turbida Tyberis, metu tamen
desiderium fallente, pollicebamur.
Inter haec patuit et Roma conspectui: cujus mihi non solum
formas, verum etiam
naumachias videbar epotaturus. Ubi
priusquam vel pomoeria contingerem,
triumphalibus apostolorum liminibus affusus, omnem protinus sensi
membris male fortibus explosum esse langorem. Post quae coelestis
experimenta patrocinii, conducti diversorii parte susceptus, atque
etiam nunc ista haec inter jacendum scriptitans, quieti pauxillulum
operam impendo. Neque adhuc principis, aulicorumque tumultuosis
foribus obversor. Interveni etenim nuptiis
patricii Ricimeris, cui filia perennis Augusti
in spem publicae securitatis
copulabatur.
Igitur nunc in ista non modo personarum, sed etiam ordinum
partiumque laetitia, Transalpino tuo latere conducibilius visum:
quippe cum hoc ipso tempore quo haec mihi exarabantur, vix per omnia
theatra, macena, praetoria, fora, templa, gymnasia,
talassio fescenninus explicaretur.
Atque etiamnum econtrario studia sileant, negotia quiescant, judicia
conticescant, differantur legationes, vacet ambitus, et inter
scurrilitates histrionum totus actionum seriarum status
peregrinetur. Jam quidem virgo tradita est,
jam corona sponsus, jam
palmata consularis, jam
cyclade pronuba, jam toga senator
honoratur, jam penulam deponit
inglorius: et nondum tamen cuncta thalamorum pompa defremuit, quia
necdum ad mariti domum nova nupia migravit. Qua festivitate decursa,
caetera tibi laborum meorum molimina reserabuntur, si tamen vel
consummata solemnitas aliquando terminaverit istam totius civitatis
occupatissimam vacationem. Vale.
EPISTOLA VI.
Sidonius Eutropio suo salutem.
OLIM quidem scribere tibi concupiscebam, sed nunc vel maxime
impellor, id est, cum mihi ducens in Urbem, Christo propitiante, via
carpitur. Scribendi causa vel sola, vel maxima, qua te scilicet a
profundo domestica quietis extractum ad capessenda
militiae palatinae munia vocem. His
additur, quod munere Dei tibi congruit aevi, corporis, animi vigor
integer; dein quod equis, armis, veste, sumptu, famulitio
instructus, solum, nisi fallimur, incipere formidas: et cum sis
alacer domi, in aggredienda peregrinatione trepidum te iners
desperatio facit: si tamen senatorii seminis homo,
qui quotidie trabeatis proavorum imaginibus
ingeritur, juste dicere potest semet peregrinatum, si semel et
in juventa viderit domicilium legum,
gymnasium litterarum,
curiam dignitatum, verticem mundi,
patriam libertatis, in qua unica totius
mundi civitate soli barbari et servi peregrinantur. Et nunc,
proh pudor ! si relinquare inter bussequas rusticanos, subulcosque
ronchantes. Quippe si et campum stiva tremente proscindas, aut prati
floreas opes panda curvus falce populeris, aut vineam palmite gravem
cernuus rastris fossor invertas; tunc est tibi summa votorum
beatitudo. Quin potius expergiscere, et ad majora se pingui otio
morcidus, et innervis animus attollat. Non minus est tuorum natalium
viro, personam suam excolere, quam villam. Ad extremum quod tu tibi
juventutis exercitium appellas, hoc est
otium veteranorum, in quorum manibus effetis enses rubiginosi
sero ligone mutantur. Esto, multiplicatis tibi spumabunt musta
vinetis, innumeros quoque cumulos frugibus
rupta congestis horrea dabunt, densum pecus gravidis uberibus in
mulctram per antra olida caularum pinguis tibi pastor includet: quo
spectat tam faeculento patrimonium promovisse compendio; et non
solum inter ista, sed, quod est turpius, propter ista latuisse? Non
nequiter te concilii tempore, post sedentes censentesque juvenes,
inglorium rusticum, senem stantem, nobilem latitabundum pauperis
honorati sententia premet, cum eos quos esset indignum si vestigia
nostra sequerentur, videris dolens antecessisse. Sed quid plura? Si
pateris hortantem conatuum tuorum
socius adjutor, praevius particeps ero. Sin autem illecebrosis
deliciarum cassibus involutus, mavis, ut aiunt, Epicuri dogmatibus
copulari, qui jactura virtutis admissa, summum bonum sola corporis
voluptate determinat, testor ecce majores, testor posteros nostros,
huic me noxae non esse confinem.
EPISTOLA VII.
Sidonius Vincentio suo salutem.
ANGIT me casus
Arvandi, nec dissimulo quin angat.
Namque hic quoque cumulus accedit laudibus imperatoris, quod amare
palam licet et capite damnatos. Amicus homini fui, supra quam morum
ejus facilitas varietasque patiebantur. Testatur hoc, propter ipsum
mihi nuper invidia conflata, cujus me paulo incautiorem flamma
detorruit. Sed quod in amicitia steti, mihi debui. Porro autem in
natura ille non habuit diligentiam perseverandi: libere queror, non
insultatorie: quia fidelium consilia despiciens, fortunae ludibrium
per omnia fuit: denique non eum aliquando cecidisse, sed tam diu
stetisse plus miror.
O quotiens saepe ipse se adversa perpessum gloriabatur! cum tamen
nos ab affectu profundiore ruituram ejus quandoque temeritatem
miseraremur, definientes non esse felicem, qui hoc frequenter potius
esse, quam semper judicaretur. Sed gubernationis suae ordinem
exposcis. Salva fidei reverentia quae amico etiam afflicto debetur,
rem breviter exponam.
Praefecturam primam gubernavit cum magna popularitate,
consequentemque cum maxima populatione. Pariter onere depressus
aeris alieni, metu creditorum successuros sibi optimates
aemulabatur. Omnium colloquia ridere, consilia rimari, officia
contemnere, pati de occurrentum raritate suspicionem, de assiduitate
fastidium: donec odii publici mole vallatus, et prius cinctus
custodia quam potestate discinctus, captus,
destinatusque pervenit Romam: illico
tumens, quod prospero cursu procellosum Tusciae littus enavigasset,
tanquam sibi bene conscio ipsa quodammodo elementa famularentur. In
Capitolio custodiebatur ab hospite Flavio
Asello, comite sacrarum largitionum,
qui adhuc in eo semifumantem praefecturae nuper extortae dignitatem
venerabatur. Interea legati provinciae Galliae Tonantius Ferreolus
praefectorius, Afranii Syagrii consulis e filia nepos, Thaumastus
quoque et Petronius, maxima rerum verborumque scientia praediti, et
inter principalia patriae nostrae decora ponendi, praevium Arvandum
publico nomine accusaturi cum gestis
decretalibus insequuntur. Qui inter caetera quae sibi
provinciales agenda mandaverant, interceptas litteras deferebant,
quas Arvandi scriba correptus dominum dictasse profitebatur. Haec ad
regem Gothorum charta videbatur
emitti, pacem cum Graeco imperatore
dissuadens, Britannos super Ligerim sitos
impugnari oportere demonstrans, cum Burgundionibus jure gentium
Gallias dividi debere confirmans, et in hunc ferme modum plurima
insana, quae iram regi feroci, placido verecundiam inferrent. Hanc
epistolam laesae majestatis crimine ardenter juris consulti
interpretabantur.
Me et Auxanium, praestantissimum virum, tractatus iste non latuit,
qui Arvandi amicitias, quoquo genere incursas, inter ipsius adversa
vitare, perfidum, barbarum, ignavum computabamus. Deferimus igitur
nihil tale metuenti totam perimachiam,
quam summo artificio acres et flammei
viri occulere in tempus judicii meditabantur: scilicet ut
adversarium incautum, et consiliis sodalium repudiatis sibi soli
temere fidentem professione responsi praecipitis involverent.
Dicimus ergo, quid nobis, quid amicis secretioribus tutum putaretur.
Suademus nil quasi leve fatendum, si quid ab inimicis etiam pro
levissimo flagitaretur: ipsam illam dissimulationem
tribulosissimam fore, quo facilius
persuasionis securitatem inferrent. Quibus agnitis, proripit sese;
atque in convicia subita prorumpens: Abite degeneres, inquit, et
praefectoriis patribus indigni, cum hac superforanea trepidatione:
mihi, quia nihil intelligitis, hanc negotii partem sinite curandam.
Satis Arvando conscientia sua sufficit: vix illud dignabor
admittere, ut advocati mihi in actionibus repetundarum
patrocinentur. Discedimus tristes, et non magis injuria quam moerore
confusi: quis enim medicorum jure moveatur, quoties desperatum furor
arripiat? Inter haec reus noster aream Capitolinam
percurrere albatus: modo subdolis
salutationibus pasci, modo crepantes adulationum bullas ut
recognoscens libenter audire, modo serica, et gemmas, et pretiosa
quaeque trapezitarum involucra
rimari, et quasi mercaturus inspicere, prensare, depretiare,
devolvere, et inter agendum multum de legibus, de temporibus, de
senatu, de principe queri, quod se non priusquam discuterent,
ulciscerentur. Pauci medii dies; it in
tractatorium frequens senatus; sic post comperi: nam inter ista
discesseram. Procedit noster ad curiam
paulo ante detonsus pumicatusque, cum accusatores semipullati
atque concreti, nuntios a decemviris
operirentur, et ab industria squalidi praeripuissent reo debitam
miserationem sub invidia sordidatorum.
Citati intromittuntur; partes, ut
moris est, e regione consistunt. Offertur praefectoriis, ante
propositionis exordium, jus sedendi. Arvandus jam tunc infelici
impudentia concito gressu mediis prope judicum sinibus ingenitur.
Ferreolus, circumsistentibus latera collegis, verecunde ac leniter
in imo subselliorum capite consedit, ita ut non minus legatum se
quam senatorem reminisceretur: plus ob hoc postea laudatus
honoratusque. Dum haec, et qui procerum defuerant, adfuerunt,
consurgunt partes, legatique proponunt. Epistola, post provinciale
mandatum cujus supra mentio facta est, profertur; atque cum sensim
recitaretur, Arvandus necdum interrogatus se dictasse proclamat.
Respondere legati, quanquam valde nequiter constaret quod ipse
dictasset. At ubi se furens ille, quantumque caderet ignarus, bis
torque repetita confessione transfodit, acclamatur ab accusatoribus,
conclamatur a judicibus, reum laesae majestatis confitentem teneri.
Ad hoc, et millibus formularum juris id sancientum jugulabatur.
Tum demum laboriosus tarda poenitudine loquacitatis impalluisse
perhibetur, sero cognosceus posse reum majestatis pronuntiari etiam
eum qui non affectasset habitum purpuratorum. Confestim privilegiis
geminae praefecturae, quam per quinquennium repetitis fascibus
rexerat, exauguratus, et plebeiae familiae non ut additus, sed ut
redditus, publico carceri adjudicatus est. Illud sane
aerumnosissimum, sicut narravere qui viderant, quod quia se sub
atratis accusatoribus exornatum ille, politumque judicibus
intulerat, paulo post cum duceretur addictus,
miser, nec miserabilis erat. Quis
enim super statu ejus nimis inflecteretur, quem videret accuratum
delibutumque latomiis aut ergastulo
inferri? Sed et judicio vix per hebdomadem duplicem comperendinato,
capite multatus, in insulam conjectus est
serpentis Epidaurii: ubi usque ad inimicorum dolorem
devenustatus, et a rebus humanis veluti vomitu fortunae nauseantis
exsputus, nunc ex vetere senatusconsulto
Tiberiano triginta dierum vitam post sententiam trahit, uncum et
gemonias, et laqueum per horas
turbulenti carnificis horrescens.
Nos quidem, prout valemus, absentes praesentesque vota facimus,
preces supplicationesque geminamus, ut suspenso ictu jam jamque
mucronis exserti, pietas Augusta seminecem, quanquam publicatis
bonis, vel exsilio muneretur. Illo tamen, seu exspectat extrema
quaeque, seu sustinet, infelicius nihil est, si post tot notas
inustas contumeliasque, aliquid nunc amplius quam vivere timet.
Vale.
EPISTOLA VIII.
Sidonius Candidiano suo salutem.
MORARI me Romae congratularis: id tamen quasi facete, et
fatigationum salibus admixtis. Ais
enim gaudere te, quod aliquando necessarius tuus videam solem, quem
utique raro bibitor Araricus
inspexerim. Nebulas enim mihi meorum
Lugdunensium exprobras, et diem quereris nobis matutina caligine
obstructum vix meridiano fervore reserari. Et tu mihi haec ista
Caesenatis furni potius quam oppidi
verna deblateras? De cujus natalis
tibi soli, vel jocunditate vel commodo; quid etiam ipse sentires,
dum migras, indicasti: ita tamen quod te Ravennae felicius
exsulantem, auribus Padano culice
perfossis, municipalium ranarum
loquax turba circumsilit. In qua palude indesinenter rerum omnium
lege perversa, muri cadunt, aquae stant, turres fluunt, naves
sedent, aegri deambulant, medici jacent, algent balnea, domicilia
conflagrant, sitiunt vivi, natant sepulti, vigilant fures, dormiunt
potestates, fenerantur clerici, Syri
psallunt, negotiatores militant,
milites negotiantur, student pilae senes, aleae juvenes,
armis eunuchi, litteris foederati. Tu
vide qualis sit civitas, ubi tibi lar familiaris incolitur, quae
facilius territorium potuit habere quam terram. Quocirca memento
innoxiis Transalpinis esse parcendum,
quibus coeli sui dote contentis, non
grandis gloria datur, si deteriorum collatione clarescant. Vale.
EPISTOLA IX.
Sidonius Heronio suo salutem.
POST nuptias patricii Ricimeris, id est, post imperii utriusque opes
eventilatas, tandem reditum est in publicam serietatem, quae rebus
actitandis januam campumque patefecit. Interea nos Pauli
praefectorii tam doctrina quam sanctitate venerandis laribus
excepti, comiter blandae hospitalitatis officiis excolebamur. Porro
non isto quisquam viro est in omni artium genere praestantior. Deus
bone, quae ille propositionibus aenigmata, sententiis schemata,
versibus commata, digitis mechanemata facit? Illud tamen in eodem
studiorum omnium culmen antevenit, quod habet huic eminenti
scientiae conscientiam superiorem. Igitur per hunc primum, si quis
quoquo modo aulam gratiae aditus, exploro: cum hoc confero, quinam
potissimum procerum spebus valeret nostris opitulari. Nec sane multa
cunctatio, quia pauci, de quorum eligendo patrocinio dubitaretur.
Erant quidem in senatu plerique opibus culti, genere sublimes,
aetate graves, consilio utiles, dignitate elati, dignatione
communes: sed servata pace reliquorum, duo fastigatissimi
consulares, Gennadius Avienus, et Caecina Basilius prae caeteris
conspiciebantur. Hi in amplissimo ordine, seposita
praerogativa partis armatae, facile
post purpuratum principem principes erant. Sed inter hos quoque,
quanquam stupendi, tamen varii mores, et
genii potius quam ingenii similitudo. Fabor namque super his
aliqua succinctius.
Avienus ad consulatum felicitate, Basilius virtute pervenerat.
Itaque dignitatum in Avieno jocunda velocitas, in Basilio sera
numerositas praedicabatur. Utrumque quidem, si fors laribus
egrediebantur, arctabat clientium praevia, pedissequa, circumfusa
populositas: sed longe in paribus dispares sodalium spes et spiritus
erant. Avienus si quid poterat, in filiis, generis, fratribus
provehendis moliebatur; cumque semper domesticis candidatis
destringeretur, erga expediendas forinsecus ambientium necessitates
minus valenter efficax erat: et in hoc Corvinorum familiae Deciana
praeferebatur, quod qualia impetrabat
cinctus Avienus suis, talia conferebat Basilius discinctus
alienis. Avieni animus totis, et cito, sed infructuosius; Basilii
paucis, et sero, sed commodius aperiebatur. Neuter aditu difficili,
neuter sumptuoso: sed si utrumque coluisses, facilius ab Avieno
familiaritatem, a Basilio beneficium consequebare. Quibus diu
utrinque libratis, id tractatus mutuus temperavit, ut reservata
senioris consularis reverentia, in domum cujus nec nimis raro
ventitabamus, Basilianis potius frequentatoribus applicaremur.
Ilicet dum per hunc amplissimum virum aliquid de legationis Arvernae
petitionibus elaboramus, ecce calendae Januariae, quae Augusti
consulis mox futuri repetendum fastis nomen opperiebantur. Tunc
patronus, Eia, inquit, Solli meus, quanquam suscepti officii onere
pressaris, exseras volo in obsequium novi consulis veterem musam,
votivum quippiam vel tumultuariis fidibus carminantem. Praebebo
admittendo aditum, recitaturoque solatium, recitantique suffragium.
Si quid experto credis, multa tibi seria hoc ludo promovebuntur.
Parui ergo praeceptis: favorem ille non subtraxit injunctis: et
impositae devotionis astipulator invictus, egit cum consule meo, ut
me praefectum faceret senatui suo.
Sed tu, ni fallor, epistolae perosus prolixitatem, voluptuosius nunc
opusculi ipsius relegendis versibus
immorabere, scio; atque ob hoc carmen ipsum loquax in consequentibus
charta deportat, quae pro me interim dum venio diebus tibi pauculis
sermocinetur. Cui si examinis tui quoque
puncta tribuantur, aeque gratum mihi, ac si me in comitio vel
inter rostra concionante, ad sophos meum, non modo
laticlavi, sed tribulium quoque
fragor concitaretur. Sane moneo, praeque
denuntio, quisquilias ipsas Clius tuae hexametris minime
exaeques. Merito enim collata vestris mea carmina, non
heroicorum phaleris, sed
epitaphistarum naeniis comparabuntur.
At tamen gaude, quod hic ipse panegyricus, et si non judicium, certe
eventum boni operis accepit. Quapropter, si tamen tetrica sunt
amoenanda jocularibus, volo paginam glorioso, id est, quasi
Thrasoniano fine concludere, Plautini
Pyrgopolynicis imitator. Igitur cum
ad praefecturam, sub ope Christi, styli occasione pervenerim, jubeas
ilicet pro potestate cinctuti, undique
omnium laudum convasatis acclamationibus, ad astra portare, si
placeo, eloquentiam; si displiceo, felicitatem. Videre mihi videor
ut rideas, quia perspicis nostram cum milite Comico ferocissimo
jactantiam. Vale.
EPISTOLA X.
Sidonius Campaniano suo salutem.
ACCEPI per praefectum annonae
litteras tuas, quibus eum tibi sodalem veterem mihi insinuas judici
novo. Gratias ago magnas illi, maximas tibi, quod statuistis de
amicitia mea, vel praesumere tuta, vel illaesa credere. Ego vero
notitiam viri familiaritatemque non solum volens, sed et avidus
amplector: quippe qui noverim nostram quoque gratiam hoc obsequio
meo fore copulatiorem. Sed et tu vigilantiae suae me, id est, famae
meae statum causamque commenda. Vereor autem ne famem populi Romani
theatralis caveae fragor insonet, et
infortunio meo publica deputetur esuries. Sane hunc ipsum e vestigio
ad portum mittere paro, quia comperi naves quinque Brundusio
profectas cum speciebus tritici ac mellis,
ostia Tiberina tetigisse. Quarum
onera exspectationi plebis, si quid strenue gerit, raptim faciet
offerri, commendaturus se mihi, me populo, utrumque tibi. Vale.
EPISTOLA XI.
Sidonius Montio suo salutem.
PETIS tibi, vir disertissime, Sequanos tuos expetituro satyram
nescio quam, si sit a nobis perscripta, transmitti: quod equidem te
postulasse demiror. Non enim sanctum est, ut de moribus amici cito
perperam sentias. Huic eram themati scilicet incubaturus, id jam
agens otii, idque habens aevi, quod juvenem militantemque dictasse
praesumptiosum fuisset, publicasse autem
periculosum. Cui namque grammaticum vel salutanti Calaber ille
non dixit:
Si mala condiderit in quem quis carmina, jus est,
Judiciumque?
Sed ne quid ultra tu de sodali simile credas, quid fuerit illud,
quod me sinistrae rumor ac fumus opinionis afflavit, longius paulo,
sed ab origine exponam. Temporibus Augusti Majoriani, venit in
medium charta comitatum, sed carens indice, versuum plena
satyricorum mordacium: sane qui satis invectivaliter abusi nominum
nuditate, carpebant plurimum vitia, plus homines. Inter haec fremere
Arelatenses, quo loci res agebatur, et quaerere quem poetarum
publici furoris merito pondus urgeret, iis maxime auctoribus quos
notis certis auctor incertus exacerbaverat. Accidit casu, ut
Catullinus illustris tunc ab Arvernis illo veniret, cum semper mihi,
tum praecipue commilitio recenti familiaris. Saepe enim cives magis
amicos peregrinatio facit. Igitur insidias nescienti, tam Paeonius,
quam Bigerus has tetenderunt, ut plurimis coram tanquam ab incauto
sciscitarentur, hoc novum carmen an recognosceret. Et ille: Si,
inquit, dixeritis. Cumque frustra diversa, quasi per jocum
effunderent, solvitur Catullinus in risum, intempestivoque suffragio
clamare coepit, dignum poema, quod apicibus perennandum auratis
juste tabula rostralis acciperet, aut etiam
Capitolina. Paeonius exarsit, cui
satyricus ille morsum dentis igniti avidius impresserat: atque ad
astantes circulatores, Injuriae communis, inquit, jam reum inveni.
Videtis ut Catullinus deperit risu? Apparet ei nota memorari. Nam
quae causa compulit festinam praecipitare sententiam, nisi quod jam
tenet totum, qui de parte sic judicat? Itaque Sidonius nunc in
Arverno est: unde colligitur auctore illo, isto auditore, rem
textam. Itur in furias, inque convicia absentis, nescientis,
innocentisque conscientiae; fidei quaestioni nil reservatur. Sic
levis turbae facilitatem, qua voluit, contraxit persona popularis.
Erat enim ipse Paeonius populi totus, qui tribunitiis flatibus
crebro seditionum pelagus impelleret. Caeterum si requisisses,
qui genus, unde domo; non eminentius
quam municipaliter natus: quemquem inter initia cognosci, claritas
vitrici magis quam patris fecerit. Identidem tamen per fas nefasque
crescere affectans; pecuniaeque per avaritiam parcus, per ambitum
prodigus. Namque ut familiae superiori per filiam saltim quanquam
honestissimam jungeretur, contra rigorem civici moris, splendidam,
ut ferunt, dotem Chremes noster
Pamphilo suo dixerat. Cumque de capessendo diademate conjuratio
Marcelliana coqueretur, nobilium juventuti signiferum sese in
factione praebuerat: homo adhuc novus in senectute, donec aliquando
propter experimenta felicis audaciae, natalium ejus obscuritati
dedit hiantis interregni rima fulgorem. Nam vacante aula, turbataque
republica, solus inventus est, qui ad Gallias administrandas,
fascibus prius quam codicillis ausus accingi, mensibus multis
tribunal illustrium potestatum spectabilis praefectus ascenderet:
anno peracto militiae extremae terminum circa vix honoratus,
numerariorum more, seu potius
advocatorum, quorum cum finiuntur
actiones, tunc incipiunt dignitates. Igitur iste
sic praefectorius, sic senator, cujus
moribus, quod praeconia competentia non ex asse persolvo, generi sui
moribus debeo, multorum plus quam bonorum odia commovit adhuc
ignoranti mihi, adhuc amico, tanquam saeculo meo canere solus versu
valerem. Venio Arelatem, nihil adhuc suspicans: unde enim? quanquam
putarer ab inimicis non adfuturus; ac principe post diem viso, in
forum ex more descendo; quod ubi visum est illico expavit, ut ait
ille:
.........................................Nil fortiter ausa
Seditio.
Alii tamen mihi plus quam deceret ad genua provolvi; alii ne
salutarent, fugere post statuas, occuli
post columnas; alii tristes, vultuosique junctis mihi lateribus
incedere. Hic ego, quid sibi haec vellet in illis superbiae nimiae,
in istis humilitatis forma, mirari, nec ultro tamen causas
interrogare, cum subornatus unus e turba factiosorum dat sese mihi
consalutandum. Tunc procedente sermone, Cernis hoc? inquit. Et ego,
Video, inquam, gestusque eorum miror equidem, nec admiror. Ad haec
noster interpres: Ut satyrographum te, inquit, aut exsecrantur, aut
reformidant. Unde? quando? respondi: quis crimen agnovit? quis
detulit? quis probavit? Moxque subridens: Perge, inquam, amice, nisi
molestum est, et tumescentes nomine meo consulere dignare, utrumnam
ille delator aut index, qui satyram me scripsisse confinxit, et
perscripsisse confinxerit: unde forte sit tutius si retractabunt, ut
superbire desistant. Quod ubi nuntius retulit, protinus cuncti non
modeste, neque singuli, sed propere et catervatim oscula ac dexteras
mihi dederunt. Solus Curio meus, in
transfugarum perfidiam invectus, cum advesperasceret, per
cathedrarios servos vespillonibus
tetriores domum raptus ac reportatus est.
Postridie jussit Augustus ut epulo suo circensibus ludis
interessemus. Primus jacebat cornu
sinistro consul ordinarius
Severinus, vir inter ingentes principum motus atque inaequalem
reipublicae statum gratiae semper aequalis. Juxta eum Magnus, olim
ex praefecto, nuper ex consule, par honoribus persona geminatis:
recumbente post se Camillo filio fratris, qui duabus dignitatibus et
ipse decursis, pariter ornaverat proconsulatum patris, patrui
consulatum. Paeonius hinc propter, atque hinc Athenius, homo litium
temporumque varietatibus exercitatus. Hunc sequebatur Gratianensis
omni ab infamia vir sequestrandus, qui Severinum sicut honore post
ibat, ita favore praecesserat. Ultimus ego jacebam, qua purpurati
laevum latus in dextro margine porrigebatur. Edulium multa parte
finita, Caesaris ad consulem sermo dirigitur, isque succinctus: inde
devolvitur ad consularem, cum quo saepe repetitus, quia de litteris
factus, ad virum illustrem Camillum ex occasione transfertur, in
tantum ut diceret princeps, Vere habes patruum,
frater Camille, propter quem me
familiae tuae consulatum unum gratuler contulisse. Tunc ille, qui
simile aliquid optaret, tempore invento, Non unum, inquit, Domine
Auguste, sed primum. Summo fragore, ut nec Augusti reverentia
obsisteret, excepta sententia est. Inde nescio quid Athenium
interrogans superjectum Paeonium compellatio Augusta praeteriit,
casu an industria, ignoro. Quod cum turpiter Paeonius aegre
tulisset, quod fuit turpius compellato tacente respondit. Subrisit
Augustus, ut erat auctoritate servata, cum se communioni dedisset,
joci plenus: per quem cachinnum non
minus obtigit Athenio vindictae, quam contigisset injuriae. Colligit
itaque sese trebacissimus senex, et
ut semper intrinsecus aestu pudoris excoquebatur, cur sibi Paeonius
anteferretur, Non miror, inquit, Auguste, si mihi standi locum
praeripere conetur, qui tibi invadere non erubescit loquendi. Et vir
illustris Gratianensis, Multus, inquit, satyricis hoc jurgio campus
aperitur. Hic imperator, ad me cervice
conversa, Audio, ait, comes Sidoni,
quod satyram scribas. Et ego, inquam, hoc audio, domine princeps.
Tunc ille, sed ridens, parce vel nobis. At ego, inquam, quod ab
illicitis tempero, mihi parco. Post quae ille: Et quid faciemus his,
inquit, qui te lacessunt? Et ego: Quisquis est iste, domine
imperator, publice accuset. Si redarguimur, debita luamus supplicia
convicti: caeterum objecta si non improbabiliter cassaverimus, oro
ut indultu clementiae tuae, praeter juris injuriam, in accusatorem
meum quae volo scribam. Ad hoc ipse Paeonium conspicatus, nutu
coepit consulere nutantem, placeret ne conditio. Sed cum ille
confusus reticuisset, princepsque consuleret erubescenti, ait, Annuo
postulatis, si hoc ipsum e vestigio versibus petas. Fiat, inquam:
retrorsumque conversus, tanquam aquam
poscerem manibus, tantumque remoratus quantum stibadii circulum
celerantia ministeria percurrunt, cubitum toro reddidi. Et
imperator: Spoponderas te licentiam scribendae satyrae versibus
subitis postulaturum. Et ego:
Scribere me satyra qui culpat, maxime princeps,
Hanc rogo decernas, aut probet, aut timeat.
Secutus est fragor, nisi quod dico jactantia est, par Camillano:
quem quidem non tam carminis dignitas, quam temporis brevitas
meruit. Et princeps, Deum testor et statum publicum, me de caetero
nunquam prohibiturum quin quae velis scribas, quippe cum tibi crimen
impactum probari nullo modo possit; simul et perinjurium est
sententiam purpurati tribuere privatis hoc simultatibus, ut innocens
ac secura nobilitas propter odia certa crimine incerto periclitetur.
Ad hanc ipse sententiam cum verecunde, capite demisso, gratias
agerem, concionatoris mei coeperunt ora pallere, in quae paulo ante
post iram tristitia successerat; nec satis defuit quin gelarent,
tanquam ad exsertum praebere cervices jussa mucronem. Vix post haec
alia pauca, surreximus. Paululum ab aspectu imperatoris
processeramus, atque etiamnum chlamydibus induebamur, cum mihi
consul ad pectus, praefectorii ad manus cadere, ipse ille meus
amicus crebro et abjecte miserantibus cunctis humiliari: ita ut
timerem ne mihi invidiam supplicando moveret, quam criminando non
concitaverat. Dixi ad extremum, pressus oratu procerum
conglobatorum, sciret conatibus suis versu nil reponendum, derogare
actibus meis si tamen in posterum pepercisset; etenim sufficere
debere, quod. satyrae objectio famam mihi parasset, sibi infamiam.
In summa pertuli quidem, domine major, non assertorem calumniae
tantum, quantum murmuratorem. Sed cum mihi sic satisfactum est, ut
pectori meo, pro reatu ejus, tot potestatum dignitatumque culmina et
jura submitterentur, fateor exordium contumeliae talis tanti fuisse,
cui finis gloria fuit. Vale.
|
NOTES DU LIVRE I.
LETTRE PREMIÈRE.
Constantius.
Né au Ve siècle, et a Lyon,
suivant l'opinion la plus commune,
Constantius était ami
de Sidonius, qu'il égalait en noblesse, en savoir, en réputation et
en vertu. Il devint un homme d'un excellent conseil, et passa pour
un des plus beaux esprits de son siècle. Il était doué d'une
éloquence si persuasive, que, s'il parlait en public, son avis
prévalait toujours.
Appliqué sans relâche à la méditation des pages sacrées, il ne
négligeait pas les lettres profanes, et chérissait encore tous ceux
qui faisaient profession de les cultiver. Ce fut en partie ce qui
l'unit si intimement avec Sidonius et quelques autres savants, qui
soumettaient volontiers leurs écrits à sa censure. Aussi Constantius
avait-il un jugement fin et délicat, pour n'approuver que les choses
qui méritaient d'être approuvées ; il n'était toutefois ni moins
grave, ni moins solide, et les ouvrages pleins de force lui
plaisaient plus qu'une élégance efféminée.
Ce fut d'après ses instantes sollicitations que
Sidonius recueillit et publia les lettres qu'il avait écrites en
diverses occasions. Il les partagea en sept livres qu'il lui dédia,
le priant de les retoucher et de les polir ; mais il ne parait pas
que Constantius en ait jamais rien fait.
Sidonius chargea encore Constantius de publier le
viie livre,
qu'il avait recueilli à la prière de M. Petronius, célèbre
jurisconsulte de la ville d'Arles.
A ses vertus et à son savoir, Constantius joignait
une rare prudence, se faisait chérir de tout le monde, savait
accommoder ses discours au sujet qu'il traitait et se mettre à la
portée de ses auditeurs. Il était caressant avec l'enfance, aimable
et gai avec la jeunesse, grave et mûr avec les vieillards, sensible
jusqu'aux larmes à la vue de l'infortune, mais ferme, mais habile à
lui tendre la main. Il se servit avec succès de tous ces talents,
pour les affaires des Romains dans les Gaules, pendant les troubles
du ve
siècle, et surtout en faveur de l'Auvergne. La capitale de la
province était désolée par un long siège, par la désertion de
presque tous ses habitons, et par la discorde qui y régnait. Voilà
que Sidonius, évêque de ces contrées, appelle son ami; Constantius
apparaît, malgré son grand âge, et l'ascendant de son mérite calme
aussitôt les esprits, ramène le peuple dans la cité, et répare en
quelque sorte toutes ces vastes ruines accumulées sous les coups des
barbares.
Cette conduite admirable valut au prêtre Constantius
l'affection publique de toute l'Auvergne, et quand il fut de retour
à Lyon, Sidonius lui écrivit au nom de son peuple une lettre de
remerciements, que nous avons encore. On ne peut rien ajouter au
tableau qu'il y fait de la tendresse et de la bonté de Constantius ;
on ne saurait donner une plus haute idée et de son esprit et de son
cœur. Cette lettre fait, à elle seule, une grande et belle page de
notre histoire nationale.
Constantius, qui savait si bien engager les autres à
écrire, n'osait écrire lui-même ; il fallut toute l'autorité de son
évêque pour lui faire composer la Vie de St. Germain d'Auxerre. Je
n'oserais adopter, sans quelque restriction, le magnifique éloge que
le moine Hericus, qui florissait au
ixe siècle,
a fait de cette histoire et de celui qui en est l'auteur. Il en
trouve les pensées choisies, les expressions pures et diversifiées ;
enfin Constantius, qui était, au jugement d'Hericus, lui savant du
premier ordre, a composé cette Vie avec tout l'art, avec toute
l'attention possible.
Cet éloge, qui doit paraître excessif aujourd'hui que
le goût est épuré, ne pouvait sembler tel au
ixe siècle.
Les ouvrages que l'on publiait alors n'étaient ni aussi sensés, ni
aussi latins, ni d'un aussi bon goût que celui de Constantius, et
Tillemont n'a pas eu tort de dire, en parlant de Germain d'Auxerre :
« Il a cet avantage assez particulier, que sa vie a été écrite par
le célèbre prêtre Constance, auteur contemporain, dont la piété, la
science et l'éloquence ont reçu de grands éloges. » Cette Vie est
estimée de tout le monde, et les plus habiles s'y arrêtent comme à
une autorité incontestable, quoiqu'elle n'ait été écrite que quelque
temps après le saint, lorsque la mémoire de ses miracles commençait
déjà à s'effacer, c'est-à-dire, quarante ans au moins après sa mort,
selon Hericus, moine d'Auxerre, ce qui reviendrait à l'an 488.
Ce fut sur la demande réitérée de deux grands évêques
des Gaules, que Constantius publia la Vie de Germain ; ces deux
prélats étaient Patiens, archevêque de Lyon, et son frère Censurius,
évêque d'Auxerre. Patiens, qui venait d'élever Constantius au
sacerdoce, l'engagea, sollicité d'ailleurs par son frère, à écrire
la vie de Germain, qui était en grande vénération à Lyon, où il
avait séjourné quelque temps. On s'y souvenait encore des
prédications qu'il y avait faites, des prodiges qu'il y avait
opérés, lorsqu'il y passa quand il se rendait à Arles pour aller
soumettre ses remontrances au préfet du prétoire, Auxiliaris, sur
les impôts exorbitants dont le peuple d'Auxerre était accablé. En
quittant Lyon pour s'embarquer sur le Rhône, Germain trouva son
passage couvert d'une double haie de malades qui l'attendaient avec
impatience, afin de recevoir de lui leur guérison. Personne, sans
doute, n'était plus capable de rendre à la postérité un compte exact
de ces merveilles que Constantius, qui en avait vu une partie dans
ses premières années, et qui avait pu facilement apprendre le reste
par la voix des témoins oculaires.
Nous avons cette histoire dans Surius
et dans les Bollandistes
qui la divisent en deux livres, d'après tous les manuscrits.
Constantius reconnaît qu'il a omis beaucoup de choses pour que son
ouvrage ne parût pas trop long;
mais, du reste, on s'accorde à louer et l'exactitude et la vérité de
ses récits. Quant à sa manière, elle est nette, pure et facile ; ce
n'est pas seulement l'histoire ecclésiastique, c'est encore
l'histoire profane qui peut demander à ce livre des faits, des
détails précieux et de grands secours pour rétablir le commencement
de nos annales. Dans le Discours
préliminaire
de son Histoire critique de la monarchie française, le savant
abbé Dubos fait une mention spéciale de l'ouvrage de Constantius, et
le parti qu'il sait en tirer lui-même atteste la vérité de ses
éloges. C'est, en effet, dans la Vie de St. Germain qu'il prend un
chapitre d'une haute importance ; nous le placerons ici en
substituant notre version à celle de Dubos.
« A. peine Germain était-il de retour de la
Grande-Bretagne à Auxerre, qu'une députation du pays Armorique vint
demander un nouveau travail au bienheureux prélat. Indigné de la
hauteur et de l'orgueil des habitants de cette contrée, le grand
Aetius, qui gouvernait la chose publique, avait chargé Eochar, roi
des Alains et prince très féroce, de dompter ces présomptueux
rebelles, et de soumettre des contrées que le barbare, avide de
pillage, convoitait déjà.
« A cette nation si belliqueuse, à ce prince
adorateur des idoles, on oppose donc un vieillard seul, qui,
toutefois, appuyé sur le Christ, est plus puissant et plus fort que
ses ennemis. Point de retard ; il se met aussitôt en route, parce
que les Alains approchaient. Ils étaient fort avancés déjà, et leurs
cavaliers bardés de fer couvraient toutes les routes. Notre évêque
pourtant marchait au-devant d'eux, jusqu'à ce qu'il pénétrât vers le
roi qui suivait son armée. Il se présente à ce prince qui se hâtait
d'avancer, et s'oppose à lui au milieu de ses guerriers
innombrables. Par le moyen d'un interprète, il lui adresse d'abord
une humble supplication, jette ensuite des paroles sévères à son
inflexibilité, puis enfin, saisissant les rênes de son cheval, il
arrête là toute l'armée.
« Alors ce prince farouche, dominé par le bras de
Dieu, sent tout à coup sa colère se changer en des pensées
d'admiration ; il s'étonne d'un tel courage, respecte un homme
vénérable, et se voit contraint de céder à une force surnaturelle.
Cet appareil de guerre, ce mouvement de troupes aboutit donc à une
conférence amiable et sans hauteur ; on discute les moyens de mettre
en exécution, non pas les volontés du roi, mais celles de l'évêque.
Eochar ramène ses troupes dans leurs quartiers, et promet une paix
inaltérable, à condition que les Armoriques demanderaient à
l'empereur, ou bien à Aetius la confirmation du pardon qu'il venait
de leur accorder. Cependant les prières et le mérite de Germain
arrêtèrent le prince, firent reculer ses troupes et sauvèrent la
province armorique de la dévastation. Lib. II, 62. »
«
Si le prêtre
Constance, poursuit Dubos, avait prévu la perte des livres qu'on
avait de son temps et qu'on n'a plus aujourd'hui, il aurait été plus
exact dans sa narration. Il nous, aurait dit le temps et le lieu où
l'événement dont il parle était arrivé ; et il nous aurait informés
du contenu des articles qu'Eochar d'un côté, et St. Germain de
l'autre, arrêtèrent alors pour servir de préliminaires au traité de
pacification entre l'empereur et les Armoriques. Mais cet auteur,
qui comptait sur ces livres, a mieux aimé écrire en panégyriste
qu'en historien, et il a évité les détails.
»
Au ixe
siècle, un moine d'Auxerre, Hericus, composa une nouvelle Vie de St.
Germain, après avoir traduit en vers le livre de Constantius : on
trouve ces deux ouvrages dans le recueil des Bollandistes, au 31
juillet. Assurément, ils n'ont pas le mérite littéraire de la
composition du prêtre lyonnais ; mais toutefois on peut affirmer
que, pour le siècle où vivait l'auteur, ils sont assez bien écrits.
La prose de Hericus vaut peut-être moins que ses vers, et présente
un chapitre intéressant pour l'histoire littéraire de notre ville au
ve siècle.
Revenons à Constantius. — Il fallait qu'il eût un
talent bien marqué pour la poésie, puisque le même archevêque qui
lui demanda la Vie de St. Germain, lui demanda aussi une inscription
en vers pour sa nouvelle église des Maccabées. Après avoir décoré ce
temple de tout ce que l'art et la nature avaient de plus précieux,
on voulut encore l'embellir avec ce que la poésie pouvait donner
alors de plus exquis. Sidonius fut chargé de faire l'inscription
pour le frontispice de la basilique. Constantius et Secundinus, qui
partageaient avec lui les honneurs de la poésie, furent aussi
chargés de deux inscriptions que l'on grava aux deux côtés du
maître-autel. Les lettres peuvent regretter que Sidonius, en
envoyant son petit ouvrage à son ami Hesperius, ne lui ait pas
envoyé en même temps ceux de Constantius et de Secundinus.
Ces deux dernières inscriptions qui nous manquent, et
qui étaient historiques comme la première, nous auraient instruits
de quelque intéressante particularité. Mais Sidonius n'osa pas les
envoyer avec la sienne, parce qu'il craignait la comparaison.
Nous ferons de ceci l'objet d'un article spécial, quand nous
parlerons de l'église des Maccabées.
Tillemont
et les Bénédictins
pensent que le prêtre Constantius est encore auteur de la Vie de St.
Just, évêque de Lyon, mort vers l'an 390. Surius nous l'a donnée,
dans son recueil, au 2 septembre après en avoir un peu changé le
style, comme il l'avoue lui-même. Cette Vie n'offre que peu de faits
particuliers ; le style en est grave, majestueux, plein d'élégance,
et bien digne de Constantius ; mais, quand on a pesé les fortes
preuves que les Bollandistes
opposent à Tillemont et aux Bénédictins, il est difficile de croire
qu'elle soit sortie de la plume du prêtre lyonnais.
On ignore l'époque de sa mort : on croit qu'il vécut
au moins jusqu'en 488.
Diu praecipis,
etc. — Ce début présente une imitation visible de Pline le jeune,
Epist. I, i, que
Sidonius parait s'être proposé pour modèle, comme il le dit
ailleurs, Epist. IV, 22 ; — IX, i, et comme le prouvent les
lettres de l'un et de l'autre.
Symmachi.
— Q. Aurelius Symmachus, vers la fin du
ive siècle
après J. C., orateur le plus célèbre de son temps, mais dont les
discours ont été perdus, à l'exception de ce que Angelo Mai en a
retrouvé et publié avec des notes, à Milan,
1815. Ce sont les
fragments de huit discours, dont un est adressé à Valentinien, un au
sénat ; deux sont adressés à Gratien, et les autres à de simples
particuliers. Nous possédons encore de lui un recueil de Lettres
en dix livres, qui furent mis en ordre par son fils. Ces lettres
attestent une connaissance profonde des affaires ; utiles pour
l'intelligence du droit romain et pour l'histoire du temps, elles
sont écrites d'un style facile, agréable, simple, autant que le
siècle le permettait. La plus fameuse de ces lettres est celle qui
traite la question du rétablissement de l'autel de la Victoire. St.
Ambroise et Prudence l'ont réfutée. M. de Chateaubriand, dans ses
Martyrs, a reproduit admirablement cette lutte du paganisme
contre le christianisme. Charpentier, Etudes morales et
historiques sur la littérature romaine, p. 300. Paris, Hachette,
1829, in 8°.
De
M. Tullio silere me.
— Sidonius est loin de désapprouver,
quoi qu'en disent Pétrarque, Epist. Praefat., et Politien,
Epist. I, i, le
style épistolaire de Cicéron ; il veut dire seulement que son
ambition ne se porte pas jusques à marcher sur les traces d'un homme
qui n'a pu avoir un digne imitateur dans Julius Titianus lui-même.
C'est, du reste, avec assez de circonspection, que Pétrarque émet
d'abord son avis, car il avoue ne pas saisir pleinement le sens de
Sidonius. « Nisi forte,
dit-il, temerarius ipse sim, qui temerarium illum dicam, dum sales
ejus, seu tarditatis meae, seu illius styli obice, seu fortassis (nam
unumquodque possibile est) scripturae vitio non satis intelligo.
» Mais ensuite sa bile s'enflamme, et il tombe de plus belle sur
Sidonius, et fait une longue apologie de Cicéron. — Voy. les
Allocutiones Gymnasticae
de Vincent Guinisius, jésuite, p. 50 ;
Anvers, 1638, in-12.
J.
Titianus.
— Nous ne savons ni en quelle année, ni
en quel lieu naquit cet orateur. Sa grande réputation le fit choisir
par l'empereur Maximin I pour enseigner l'éloquence latine au prince
Maximin son fils. Ce fut, selon toute apparence, en 235, lorsque
Maximin parvint à l'empire, que Titianus commença à exercer les
fonctions de rhéteur auprès du jeune prince, qui pouvait être alors
dans la dix-septième année de son âge. Il ne put les continuer
longtemps, le père et le fils ayant été tués, dès l'an 238, devant
Aquilée, qu'ils assiégeaient.
Il ne laissa pas néanmoins de retirer de ces fonctions l'honneur du
consulat, auquel les princes, avant leur mort, l'avaient élevé par
reconnaissance. Mais souvent dès lors cette haute dignité était plus
de nom que d'effet, comme le dit Ausone en parlant de Titianus même.
On ne trouve pas son nom dans les fastes consulaires ; il est donc à
présumer qu'il ne fut que consul subrogé.
Il s'acquit plus de gloire à gouverner les écoles de
Lyon et de Besançon, auxquelles il présidait alternativement. «
Sed gloriosus ille, dit
Ausone, municipalem scholam apud Vesuntionem Lugdunumque variando,
non aetate quidem, sed vilitate consenuit.
» Il finit ses jours dans l'exercice de cet emploi, qui, du reste,
était bien au-dessous du mérite d'un aussi grand homme, qui s'était
vu précepteur d'un César, et consul. Voila pourquoi Ausone se sert
de ces expressions : «
Vilitate consenuit.
»
Les services que Titianus rendit à la république des
lettres ne se bornèrent pas seulement à instruire un César, et à
prendre soin des écoles de deux villes tout à la fois ; il enrichit
encore la littérature de divers ouvrages fort estimés, et travailla
avec tant de zèle à faire fleurir l'éloquence, qu'il a mérité de
partager les éloges accordés aux plus célèbres orateurs de
l'antiquité, sous le même rapport. « La rhétorique, dit St. Isidore,
de Séville, ayant été inventée par les Grecs, fut établie chez les
Latins par les soins de Cicéron, de Quintilien et de Titianus.
» Ausone rend aussi témoignage au talent que Titianus avait pour
l'éloquence.
Voici la liste des ouvrages que l'on sait être sortis
de la plume de notre orateur, Mais il ne nous en reste plus rien
aujourd'hui :
I. Une Chorographie, ou description des provinces de
l'empire. Servius, au IVe livre de l'Enéide, cite
cet ouvrage.
II. Des Lettres, sous le nom de Femmes
illustres, où il tachait d'imiter le style de Cicéron ; mais il ne
réussit pas, s'il faut en croire notre auteur. Servius
nous assure qu'il avait tiré de Virgile tous les titres des sujets
qu'il traitait. Il n'y a pas lieu de douter qu'il n'eût pris pour
modèle Ovide, qui avait écrit de semblables lettres sous le nom des
Héroïnes.
Ce fut cette manie de tout imiter qui fit surnommer Titianus le
Singe de son temps, selon Capitolin, ou le Singe des
orateurs, selon Sidonius.
III. Un ouvrage sur l'Agriculture.
IV. Nous apprenons d'Ausone que Titianus avait
traduit en prose latine des fables écrites dans le genre d'Esope,
mais en vers iambiques. En les envoyant à Probus ainsi traduites,
avec quelques-uns de ses vers, le poète parle de la sorte, Epist.
XVI, p. 483 :
Aesopiam trimetriam
Quam vertit exili stylo,
Pedestre concinnans opus,
Fandi Titianus artifex.
A la fin de cette lettre, Ausone dit encore :
Sed jam ut loquatur Julius,
Fandi modum invita accipe
Volucripes diametria.
Voyez pour de plus amples détails, l’Hist. litt.
de la France, tom. I, p. 401-404.
Frontonianorum.
— M. Cornélius Fronto, célèbre orateur romain, fut un des maîtres de
Marc-Aurèle. Ce prince philosophe lui donna le consulat, et lui fit
élever, en l'année 161, une statue dans le sénat ; mais il lui a
lui-même élevé, dans ses Commentaires, I, § 2, un monument
plus durable. « C'est à Fronto, dit-il, que je dois d'avoir su
remarquer tout ce que la royauté enferme de jalousie, d'astuces,
d'hypocrisie, et combien, en général, il y a peu d'affection dans le
cœur de ces hommes qu'ici l’on appelle Nobles. » Eumenius, dans son
Panégyrique de l'empereur Constance, chap. XIV, a loué Fronto
en des termes qui paraissent fort hyperboliques ; il fait de lui un
autre Cicéron. Il ne lui donne pas la seconde place ; à ses yeux ils
sont tous deux sur la même ligne, et se partagent l'empire de
l'éloquence latine : «
Fronto
romanae eloquentiae non secundum, sed alterum lumen.
» Au reste, ce rival de Cicéron avait, au jugement de Macrobe,
Saturnal., V, i,
un caractère de style tout opposé à celui du défenseur de Milon et
de Marcellus. Cicéron est riche et abondant ; Fronto était sec
; et, par sec, on ne peut pas entendre qu'il était concis
; car, Macrobe distingue la brièveté, la concision de
Salluste, de la sécheresse de Fronto. Aulu-Gelle parle plus
d'une fois de Fronto, dont il était contemporain, en la société
duquel il avait quelque temps vécu. « Dans ma jeunesse, dit-il, XIX,
8, quand les maîtres et les cours publics me laissaient du loisir,
j'allais rendre visite à Cornélius Fronto, pour jouir de son langage
si pur, de sa conversation nourrie de toutes les bonnes doctrines.
Jamais il ne m'est arrivé de le voir et de l'entendre, sans revenir
chez moi et plus poli et plus avant. »
L'édition princeps des fragments de son traité
De differentiis verborum,
fut donnée par les soins de J. Parrhasius, dans sa collection des
Grammairiens anciens, en 1504. L'ouvrage a été reproduit dans les
réimpressions de cette collection et dans les recueils de G.
Fabricius, 1569, in-8; de Putschius, 1605, in 4°. Voyez Boissonade,
Biogr. univ. Voyez encore l'Hist. litt. de la France,
tom. I, p. 282-286.
Angelo Mai, d'après les découvertes récentes, a
publié divers ouvrages de Fronto, à Milan, 1815, et d'autres encore
à Rome, 18s3. En voici les titres :
I. Epistolarum ad Antoninum Pium
liber unicus.
II. Epistolarum ad Marcum Caesarem
libri I et II.
III. Epistolœ ad L. Verum.
IV. Epistolarum ad amicos libri I
et II.
V.
De feriis
Alsiensibus.
Correspondance entre Marc-Aurèle et Fronto, sur le
séjour de ce dernier auprès d'Alsium, en Etrurie.
VI. De Nepote amisso.
VII. Epistola de Oratiomibus ad M.
Antoninum Augustum.
VIII.
Epistola ad Cœsarem de Eloquentia.
— Ces deux derniers ouvrages ont été
retrouvés, avec des augmentations, dans le manuscrit découvert par
Angelo Mai, au Vatican.
IX. Epistola ad Annicum Verum.
X. Epistola ad M. Antoninum
Augustum, libri I et II.
Parmi les fragments on cite :
Fragm. de bello Parthico ad M.
Antoninum.
Lettre de consolation, à ce que l'on croit, sur le revers de la
guerre des Partîtes.
Ad M. Antoninum principia
historiae.
Fragments d'un ouvrage où Fronto met en parallèle les campagnes de
Trajan et celles de Verus.
Laudes fumi et pulveris ; Laudes
negligentiœ.
Fragments de lettres plaisantes à Marc-Aurèle.
Nous avons perdu, ou, du moins, nous ne connaissons
pas encore de Fronto :
Panegyricus I Antonino Pio dictus,
sur la guerre que cet empereur fit contre
les Bretons.
Panegyricus II.
Il remercie Antonin-le-Pieux de ce qu'il
l'a élevé au consulat.
Oratio pro Demonstrato Petiliano.
— Oratio
Bithyna. — Invectiva in Pelopem.
M. Armand Cassan a publié une bonne et savante
traduction des Lettres inédites de Marc-Aurèle et de Fronton.
Paris, Levavasseur, 2 vol. in-8°. 1830.
« Les ouvrages de Fronto, perdus pendant longtemps,
dit M. Charpentier, viennent de se retrouver, mutilés, il est vrai,
et incomplets ; la pensée, brisée et obscurcie, n'offre plus que des
formes vagues et altérées ; un reste de chaleur est encore au fond
de ces membres dispersés, mais la vie s'en est retirée : aussi, tel
que nous le possédons, avons-nous peine a trouver cet écrivain égal
à sa réputation, que nous croyons sans la comprendre. » Etudes
morales et historiques, sur la littérature romaine, p. 348-349.
Post lividorum.
— Sidonius parle plusieurs fois de ses détracteurs, Epist.
III, 14; —IV, 22; — VIII, 1; — IX, 16. Il se loue de ce qu'il ne
leur ressemble pas ; IX, 9.
LETTRE II.
Agricola.
— Son nom ne serait point parvenu
jusqu'à nous, si deux lettres
ne lui eussent été adressées par Sidonius Apollinaris qui avait
épousé sa sœur, Papianilla. Il paraît certain qu'Agricola était fils
de l'arverne Avitus, qui, après avoir été trois fois préfet du
prétoire dans les Gaules, se fit proclamer empereur à Toulouse, en
455; Pernetti, toujours si prodigue d'éloges, nous dit, sans
néanmoins produire aucune preuve, qu'Agricola ne dégénéra pas des
grandes qualités qui semblaient être attachées à toute la famille de
Sidonius. Peut-être même Pernetti se trompe-t-il, quand il fait
d'Agricola un lyonnais.
Théodoric II,
roi des Goths., monta sur le trône en 453, par l'assassinat de
Thorismund, son frère. Pour justifier ce crime, il accusa son
prédécesseur d'avoir formé le dessein de rompre l'alliance avec les
Romains. Thorismund avait puisé dans les conversations d'Avitus,
avec le goût des lettres, le désir d'améliorer le sort des peuples
qu'il devait gouverner. Théodoric, à son tour, contribua beaucoup,
après la mort de Maxime, à faire élire empereur Avitus, et il
garantit au nouveau César l'appui des Goths contre ses ennemis.
Riciarius, roi des Suèves, voulut profiter des troubles de l'empire
pour étendre sa domination sur l'Espagne. Théodoric avertit son
beau-frère que les Romains et les Goths étant alliés, il ne pouvait
attaquer les uns sans mécontenter les autres. Le présomptueux
Riciarius répondit : « Si tu murmures, si tu te plains de ce que
j'approche trop près de toi, j'irai à Toulouse, siège de ton empire
; là, si tu peux, résiste-moi.
» Théodoric aussitôt passa les Pyrénées, remporta une victoire
complète sur le roi suève, près de la rivière Urbicus (l'Obrego)
qui prend sa source dans les Asturies ; il se rendit ensuite
dans le royaume de Léon.
En peu de temps il achève la conquête des états de son beau-frère,
et pour s'en assurer la possession, il fait trancher la tête à
Riciarius, arrêté dans sa fuite. La nouvelle de la déposition et de
la mort d'Avitus oblige Théodoric à revenir promptement dans son
royaume. Agiulfe,
qu'il avait laissé son lieutenant en Espagne, veut s'y rendre
indépendant. Le roi des Goths envoie une armée contre lui ; il le
bat et le met a mort ; mais le pays était tellement dévasté, que les
Goths ne purent s'y maintenir. Leur départ est le signal d'une
nouvelle révolte des Suèves. Sans renoncer au projet de les
asservir, Théodoric s'allie à Gizeric, roi des Vandales, pour faire
la guerre à Majorien, que Ricimer avait fait élire empereur à la
place d'Avitus. Battu par Majorien devant Arles, dont il avait
entrepris le siège, il renonce à l'alliance de Gizeric, et l'oblige
à servir Majorien contre les Vandales. Sévère, successeur de
Majorien, ou plutôt Ricimer, qui régnait sous le nom de ce fantôme
d'empereur, s'attache Théodoric
en lui livrant Narbonne, dont la conservation avait coûté tant de
sang aux Romains. L'armée qu'il envoie contre Aegidius
est défaite devant Orléans, mais il n'en accroît pas moins ses états
de plusieurs villes ; et il méditait de nouvelles conquêtes, quand
il fut assassiné par son frère Euric, an mois d'août 466. Il était
alors environ dans la 40e année de son âge, et avait
régné treize ans accomplis. Ainsi, Théodoric perdit le trône par un
crime semblable à celui qui l'en avait rendu maître.
Dans la 2e lettre de son 1er livre,
Apollinaris Sidonius nous a laissé un magnifique éloge de la
puissance et de la politique de ce prince. « On pourrait soupçonner
avec quelque fondement l'auteur de cette lettre, trop travaillée
pour avoir été écrite dans le dessein qu'elle ne fût lue que par une
seule personne, de n'avoir dépeint avec tant de soin la sagesse et
l'application du roi des Visigoths, qu'afin d'attirer plus de monde
dans quelque parti qui se formait alors parmi les habitants des
provinces obéissantes des Gaules, pour secouer le joug des officiers
envoyés par la cour de Ravenne, et pour se mettre sons la protection
des Visigoths. Qu'il y eut alors dans ces provinces plusieurs
citoyens, fatigués, désespérés de l'état déplorable où leur patrie
était réduite par les querelles qui s'excitaient de temps en temps
entre les Barbares, qui en tenaient une partie, et l'empereur qui en
conservait une autre, qu'il ne pouvait garder sans l'épuiser en même
temps ; et que ces citoyens, persuadés d'un autre côté que
l'empereur ne viendrait jamais a bout de reprendre ce que tenaient
les Barbares, voulussent se donner à certaines conditions à ces
mêmes Barbares, afin de n'avoir plus à faire la guerre
continuellement, on n'en saurait douter. On verra même, dans la
suite, que les Romains de la Gaule, je dis des plus considérables,
ont quelquefois exhorté le Barbare d'achever de se rendre maître de
leur patrie. Ce qui empêcha jusqu'au règne de Clovis que les Romains
des Gaules ne prissent tous de concert, et qu'ils n'exécutassent le
dessein de se jeter entre les bras des Barbares, ce fut que ces
derniers étaient encore ou païens, comme les Francs et les Allemands
; ou ariens, comme les Visigoths et les Bourguignons, et que le gros
de ces Romains ne pouvait pas se résoudre à se donner un maître ou
idolâtre ou hérétique.
« Aussi, c'est peut-être par cette raison-là que
Sidonius Apollinaris a soin de faire mention, dans son épître, du
peu de zèle que Théodoric avait pour sa secte. Cependant Sidonius,
dans les lettres qu'il écrivit lorsque les Visigoths se furent
rendus maîtres de l'Auvergne, ce qui n'arriva que plusieurs années
après la mort de Théodoric, témoigne tant d'affliction de voir sa
patrie sous leur joug, que j'ai peine à croire qu'il ait jamais
souhaité qu'elle fut soumise à leur domination. Peut-être aussi le
changement des circonstances aura fait changer de sentiment à
Sidonius. Il aura souhaité de voir passer l'Auvergne sous le pouvoir
de Théodoric, prince sage, et nullement ennemi des catholiques ;
mais il aura été au désespoir de la voir passer sous la domination
d’Euric, le successeur de Théodoric, parce qu'Euric était un prince
violent et cruel persécuteur de la véritable religion. D'ailleurs,
Sidonius, qui était encore laïque lorsqu'il écrivit la lettre, était
devenu évêque de l'Auvergne lorsqu'Euric fut mis en possession, ce
qui n'arriva qu'en l'année 475.
»
— « La peinture que Sidonius Apollinaris fait de la
manière de vivre, et de la cour de Théodoric II, peut servir à
donner quelque idée de la cour de nos premiers rois. S'il y avait de
la différence, pour parler ainsi, entre la cour de Tournai et celle
de Toulouse, c'est que la première devait être encore moins sauvage
que l'autre. Il y avait déjà pour lors deux cents ans que les
Francs, habitués sur les bords du Rhin, fréquentaient les Romains,
et qu'ils passaient la moitié de leur vie dans les Gaules ; au lieu
qu'il n'y avait pas encore quarante-cinq ans que les Visigoths,
partis des bords du Danube, s'étaient établis dans ce pays-là, et
qu'ils avaient commencé à s'y polir par le commerce des anciens
habitants.
»
Nihil regni defraudet
invidia.
— La même pensée se
trouve dans plusieurs auteurs. Voyez Capitolin, in Antonino
philosopho, XV ; — Sénèque, De Ira, III., il,
édit. de Juste-Lipse ; — Cicéron, pro Flacco.
Caesaries refuga.
— Alcime Avite a dit en
parlant de l'Inde, Poemat. I, 203 :
Caesaries incompta riget, quae crine
supino
Stringitur, ut refugo careat frons
nuda capillo.
Et Lucain, Pharsal., X, 131.
....................................................Para sanguinis
usti
Torta caput, refugosque gerens a
fronte capillos.
C'était autrefois un ornement que de
porter ainsi les cheveux rejetés en arrière ; on peut le voir dans
plusieurs historiens. Julius Capitolinus dit, au sujet de Pertinax :
« Fuit autem senex venerabilis, immissa barba, reflexo capillo. »
XV. — Pescennius Niger, au rapport de Spartien, était d'une haute
stature, d'une belle
forme, « capillo in verticem ad gratiam reflexo. » VI. — « Comae,
dit St. Jérôme, in occipitiumque frontemque tornantur. »
Adversus Jovinian.,II,
p. 314, édit.des Bénédictins.
Sicut moS
Gentis
est.
Les rois goths étaient
vêtus comme leurs sujets ; c'est Isidore de Séville qui nous
l'apprend.
«
Leuvigildus primus inter suos
regali veste opertus, solio resedit ; nam, ante eum, et habitas et
consessus communis ut genti, ita et regibus erat. » Chronic.
p. 401. Paris, 1601, in-fol.
Crinium flagellis.
— Les Goths portaient une longue chevelure dont les tresses
flottaient sur leurs épaules. «
Nonnullae etiam gentes non solum in vestibus, sed et
in corpore aliqua sibi propria, quasi insignia vindicant, ut videmus
cirros Germanorum, granos et cinnabar Gothorum. » Isid. Hispal.
Orig.
XIX, 23. Par le mot
cirros,
le savant P. Sirmond entend des cheveux
noués en tresses,
in nodum
coactos ;
et
par granos,
ces tresses mêmes. Le Synode de Braga, can. 29, emploie ce
dernier mot dans un sens tout à fait identique, à ce qu'il nous
paraît; « Item placuit ut
lectores in Ecclesia, in habita seculari ornati non psallant, neque
granos gentili ritu demitant. »
On lit dans Pétrone : «
Hilarior post hanc pollicitationem mulier facta, basiavit me
spissius, et ex lacrymis in risum mota, descendentes ab aure
capillos meos lenta manu duzit. »
Les Francs, et surtout les princes du sang royal,
portèrent aussi la longue chevelure des peuples du Nord. «
Ut regum istorum mos est,
dit Grégoire de Tours,
crinium
flagellis per terga demissis. » VI, 24
— Una tantum pars capillorum
(Chlodovœi) quae subter fuerat, jam defluxerat ; alia vero
cum ipsis crinium flagellis intacta durabat. » VIII, 10.
Antelucanos sacerdotum
suorum coetus. — Les prêtres ariens
chantaient des antiennes qui favorisaient leur doctrine, et, dès la
pointe du jour, allaient en procession a leurs églises, continuant
le même chant. « Où sont, disaient-ils, ceux qui assurent que les
trois personnes ne font qu'une même puissance ? » Voyez Sozomène,
Hist. eccl., VIII, 7 ; —Socrate, Hist. eccl., VI, 8 ; —
Walafrid Strabon,
De
Officiis divin.,
XXV.
Reliquum mane.
— Dans les âges reculés, c'était le matin que se traitaient les plus
importantes affaires ; on remettait au soir celles qui ne l'étaient
pas autant. « Si diurna
negotia, écrit Symmaque à son ami Ausone, nunquam distingues quiete,
certe antelucano somno nullus indulseris, ut detur aliquod tempus
officiis. » Epist. I, 17, édit.
de Juret. — On lit dans Sénèque : «
In postmeridianas horas aliquid levioris operae
distulerunt.
Majores quoque nostri novam relationem post horam
decimam in senatu fieri vetabant. »
De Tranquillitate animi,
XV.
Circumsistit sellam comes
armiger.
— Sidonius emploie le mot sella,
siège, parce que les rois goths, avant Léovigild, n'avaient pas de
trône. Voyez la Chronique d'Isidore de Séville, p. 401. — Sur
la dignité d'armiger,
ou grand écuyer,
Corripus,
III, 6.
Pellitorum turba satellitum.
— Les satellites, les gardes du corps. Sidonius les nomme
pelliti,
parce qu'ils étaient couverts de peaux, comme les Scythes, dont les
Goths tiraient leur origine. «
Non hodieque, dit Sénèque, magna Scytharum pars
tergis vulpium induitur ac murium, quae factu mollia, et
impenetrabilia ventis sunt ? » Epist. XC.
Ipsa satellitibus pellitis Roma
patebat,
Et captiva, prius quam caperetur,
erat.
Rutilii, Itin. II, 49-50.
Tentavit Geticiu nuper delere
tyrannus
Ilaliam, patrio veniens juratus ab
Istro,
Has arces aequare solo, tecta aurea
flammis
Solvere, mastrucis proceres vestire
togatos.
Prudent.
Contra Symmachum,
II.
Les
mastrucœ,
dont parle ici Prudence, ne sont autre
chose que des vêtements faits avec des peaux de bêtes sauvages.
Voyez Isidore, XIX, 23 ; — Prosper d'Aquitaine,
De Providentia Dei;
— Maxime de Turin, tom. II; —
Jérôme, Epitaph. Nepot.
Exclusa vellis, inclusa cancellis.
— Corripus, décrivant la salle
d'audience de l'empereur Justin le Jeune, place de même les gardes
hors du rideau ; livre III, chap. 6.
Nobilitat medios sedes Augusta
penates,
Quatuor eximiis circumvallata
columnis.
Et un peu plus loin :
Vela tegunt postes ; custodes ardua
servant
Limina, et indignis intrare
volentibus obstant
Condensi pumeris, fastu nutuque
tremendi. »
Un rideau partageait dose tonte la salle d'audience,
qui était fermée par une balustrade,
cancellis inclusa.
Les conseillers du prince étaient admis
dans le consistoire royal, en dedans du rideau ; les gardes
restaient entre ce même rideau et la balustrade. — La même
disposition se retrouvait à peu prés dans les tribunaux des juges.
Cassiodori Variarum,
XI, 6. — Isidori Gloss.
Suspiriosus.
— Qui soupire, tout essoufflé
sous son fardeau, sous l'argenterie qu'il porte. C'est dans le même
sens que le poète Alcime Avite dit, au IIIe livre de ses
poèmes :
Quod pelagus, quod terra tenet, quod
flumina gignunt,
Certatim mensis cedentibus undique
lassus
Portabat pallens auri cum fasce
minuter. (v. 131.)
Toreumatum conchyliata
supellex.
— Au livre IIe
Epist. 13, au IXe
Epist.
13, Sidonius se sert encore du même
mot : Sericato toreumati
imposuit, rutilum toreuma bysso.
Il est manifeste que, dans ces divers endroits,
toreuma
est employé pour
torale,
couverture de lit ; notre auteur lui donne une
acception qui n'est pas la sienne. Les
toreumata
étaient
des vases ciselés, qui n'ont rien de commun avec la pourpre et le
lin. Les toralia
étaient des couvertures que l'on plaçait
sur les lits appelés
triclinia.
Ils étaient pour l'ordinaire faits avec des peaux ; chez les riches,
ils étaient de pourpre et de
soie. « Conchyliatis Cn. Pompeii peristromatis servorum in cellis
lectos stratos videres.
»
Cic.
Philippica, II.
Cubitis trudit hinc et inde convivas,
Effultus ostro, sericisque pulvinis.
»
Martialis, Epigramm. III.
Elegantiam graecam.
— Les Grecs étaient hommes de bonne
chère par-dessus tout. Voy. Athénée, X, 14;—Sidon. Epist. IV,
7.
Abundantiam gallicanam.
— Les Occidentaux, et les Gaulois en
particulier, étaient gros mangeurs. «
Edacitas in Graecis gula est,
dit Sévère Sulpice,
in Gallis
natura. » Dial. I, 4. Ce bon
appétit de nos ancêtres fournit au même écrivain plusieurs
plaisanteries, dans lesquelles il semble se complaire. Voyez
Dial. I, 2 ; — Dial. II, 7 ; — Sidon. Epist. II,
g; — Luitprandi Ticinensis,
I, 6; — Guizot, Cours d'Hist. mod., tom. II, p. 56.
Luxu sabbatario.
— Sidonius parle ici des jours de fêtes
qu'il oppose aux jours ordinaires, et ne fait qu'employer une
locution fort ordinaire à l'Ecriture, qui désigne une solennité
quelconque, par le mot
sabbatum.
Isidore de Peluse témoigne, du reste, de ce que nous disons :
«Σαββατον πᾶσαν ἐόρτην καλοῦσι » Epist. III, 110.
Somnus meridianus.
— Les anciens faisaient la méridienne,
pour se reposer des fatigues matinales. Sidon. Epist. II, g.
— Sueton. in Augusto, 78.
Tabula cordi est.
— De quel jeu s'agit-il dans ce passage
de Sidonius ? Il est difficile de le deviner. Voici comment le P.
Menestrier
traduit ces quelques lignes : — « Après le repas, Théodoric joue
quelquefois au trictrac ; et il est un fort beau joueur, car
il jette les dés lestement, remarque aussitôt les points, place les
tables, donne le cornet, excite les autres à jouer et les attend
patiemment. Il ne dit mot quand il fait quelque bon coup, rit quand
le jeu ne lui en dit pas, et ne se fâche jamais. Il ne demande point
de revanche quand il perd, et ne la prend pas même quand on la lui
présente, etc. »
M. Jal, qui a aussi inséré cette lettre dans son
Résumé de l’Hist. du Lyonnais, s'est servi, en la modifiant, de
la traduction du P. Menestrier ; mais il n'a presque rien changé au
passage qu'on vient de lire, et il y a laissé subsister le
trictrac.
Le dernier traducteur de Sidonius, Billardon de
Sauvigny, fait ainsi parler son auteur :
« — Quand ce prince veut jouer, il ramasse
promptement les dés, les interroge en plaisantant, et attend avec
patience ce que le sort en décidera ; si le coup lui est favorable,
il y prend intérêt, etc. »
Comme on le voit, Sauvigny élude la difficulté ; il
ne traduit point le mot tabula, que Menestrier a rendu par
trictrac ; et, dans tout le reste du passage, il semble
avoir plutôt deviné que traduit.
Le commentateur le plus estimé de Sidonius, le P.
Sirmond, n'a fait aucune annotation sur ce passage ; mais son
devancier, le président Savaron, n'a pas été aussi bref. Suivant
lui, ce serait du jeu des petits soldats, fort usité chez les
Romains, que Sidonius aurait voulu parler. Cette opinion me parait
assez probable, .surtout si je la rapproche de ce qu'on lit sur le
jeu des petits soldats, dans les Antiquités romaines
d'Adam.
« Les Romains, dit cet auteur, que j'abrège, jouaient aussi à un jeu
appelé Duodecim scripta...
sur une table carrée (tabula
vel
alveus),
divisée par douze lignes sur lesquelles on plaçait des fiches de
différentes couleurs (calculi,
latrones,
vel
latrunculi)
; on les plaçait d'après les coups, comme
nous faisons au trictrac. Toutes ces lignes étaient coupées par une
ligne transversale, appelée
linea sacra,
et qu'on ne dépassait pas sans y être contraint. Quand les fiches se
trouvaient à la dernière ligne, on les désignait par les épithètes
inciti,
vel
immoti,
et le joueur, réduit à l'extrémité, ne
pouvait plus se remuer. Le jeu dépendait autant du hasard que de la
combinaison. »
Ce qui rend le sens du passage de Sidonius si
difficile à saisir, c'est qu'il n'y est question que d'un seul jeu,
et que ces mots de
tesserœ,
de
jactus,
de
calculi
que l'on y trouve, peuvent
s'appliquer a plusieurs jeux usités chez les anciens. Je ne
trancherai pas la question, mais je ne pense pas qu'on puisse, comme
le P. Menestrier, traduire tabula par trictrac; il me
semble qu'il faut rendre tout le passage d'une manière littérale, et
qu'en se rapprochant du texte autant qu'il est possible, on ne
s'expose point à faire un contresens, ou bien une conjecture qui
serait très hasardée (Note de M. Péricaud).
Tunc ego etiam aliquid
obsecraturus feliciter vincor.
— « On peut conjecturer, sur ce que dit
Sidonius du bonheur qu'il avait de perdre quelquefois son argent,
qu'il était venu à Toulouse pour affaires. Quoique la cité
d'Auvergne, dont il était sénateur, et où par conséquent il devait
avoir la principale portion de son patrimoine, ne fût point encore
sujette aux Visigoths, il se peut très bien que Sidonius eût affaire
d'eux, parce qu'il avait des terres dans les provinces ou étaient
les quartiers qu'on leur avait accordés, et dont on voit bien, par
sa lettre, qu'ils s'arrogeaient déjà le gouvernement, soit du
consentement de l'empereur, soit malgré lui. » Dubos, Hist. crit.,
etc., tom. I, p. 407.
Circa nonam.
— C'est notre troisième heure de
l'après-midi. Parmi les Romains, on distinguait le jour en civil et
en naturel. Le jour civil (dies
civilis)
avait pour durée l'intervalle de minuit à minuit. — Le jour naturel
(dies naturalis)
était depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher ; on le divisait
en douze heures inégales suivant les diverses saisons.
Adam, Antiq. Rom., tom.
II, p. 91.
Nec organa hydraulica sonant.
On peut consulter sur ces orgues
hydrauliques, Vitruve, IX, 9 ; et X,
i, 13. — Claudien les
décrit ainsi, dans le Panégyrique de
Mallius Theodorus.
« Et qui magna levi detrudens murmura
tactu,
Innumeras voces segetis moderatus
ahenœ
Infonet erranti digito, penitusque
trabali
Veste laborantes in carmina concitet
undat. »
Phonascus.
— Maître de musique, qui enseigne à
bien conduire la voix, à prendre divers tons.
Vocales.
— Les musiciens qui chantent sous la
direction du
Phonascus.
Choraules.
— Joueur de flûte, ou de bambou. coroV,
chœur, et auloV, flûte.
Mesochorus.
—
mesoV,
milieu, et coroV, chœur. Pline le
Jeune se sert de ce mot pour désigner celui qui, dans une assemblée,
donnait le signal des applaudissements lorsqu'un orateur venait de
parler. « Infiniti clamores
commoventur, cum mesochorus dedit signum.
» Epist. II, 14. Le métier de claqueur n'est pas
nouveau!
LETTRE III.
Senatu move.
— La loi Calpurnia interdisait pour
toujours l'entrée du sénat et la possession des charges à ceux qui
étaient convaincus de brigue ; elle ajoutait même une forte amende
pécuniaire. Dion, Hist. rom. XXXVI, 21. — La loi Julia fut
moins sévère, et borna l'interdiction à l'espace de cinq ans. Plus
tard, lorsque les princes élurent eux-mêmes les magistrats, on
établit de nouvelles peines contre ceux qui useraient de brigue
auprès du trône.
Cod. Theod.,
lib. I. — Si donc notre auteur dit à Philimatius que les lois
écartent du sénat les hommes de brigue, il fait allusion, non pas à
ce qui était en vigueur de son temps, mais à ce qui avait eu lieu
par le passé.
Magisteriis palatinis.
— Tous les attributs de cette charge se
trouvent énumérés un à un, dans Cassiodore,
Variarum,
VI, 6. Le maître des offices avait soin du palais, des écoles, des
postes publiques,
Veredorum.
Il introduisait auprès du prince, etc.
Voyez encore l'Itinéraire de Rutilius, I, v. 563.
Tribunitius.
Tribun du prétoire ; le tribun était sous la dépendance du préfet.
Vicariano apice.
— « Les frères de Constantin avaient
déjà quitté les Gaules, lorsque cet empereur, après ses victoires
sur Licinius, étant devenu maître de tout l'empire, en établit le
siège à Byzance, à laquelle il donna le nom de Constantinople. Il
divisa alors l'empire, ou, pour mieux dire, renouvela la division
qui en était déjà faite, selon quelques auteurs, en quatre
préfectures, sous le gouvernement de quatre préfets du prétoire.
Cette charge, qui auparavant était militaire, devint alors purement
civile, et fut bornée à la seule administration de la justice et des
finances. Ces quatre préfets étaient regardés cependant comme les
premiers officiers de l'état, et leur autorité égalait presque celle
des empereurs. On leur donna d'abord, comme aux sénateurs, le titre
de clarissime, et ensuite celui d'illustre. Les quatre
préfectures de l'empire furent, depuis Constantin, l'Orient,
l'Illyrie, l'Italie et les Gaules. Le préfet des Gaules choisit
Trèves pour sa résidence, sans doute parce que cette ville avait été
le siège des empereurs, qui avaient régné dans les mêmes provinces ;
elle le fut aussi de leurs successeurs. Chaque préfet avait sous ses
ordres plusieurs diocèses, et chaque diocèse avait un vicaire
du préfet, et comprenait plusieurs provinces qui étaient gouvernées
par un proconsul, ou par un président dont les appellations étaient
portées en dernier ressort au préfet : on ne pouvait appeler des
jugements de ce dernier.
« Le préfet des Gaules avait sous sa juridiction
quatre diocèses administrés par autant de vicaires, savoir :
l'Espagne, l'île de Bretagne, les Gaules proprement dites, et les
cinq provinces des Gaules. Celles-ci furent augmentées depuis de
deux provinces, qui furent nouvellement érigées par le partage des
anciennes ; ce qui forma ce qu'on appela les Sept Provinces.
On a beaucoup disputé quelles étaient ces cinq provinces qui eurent
un vicaire particulier ; nous ne doutons pas que ce ne fût la
Narbonnaise, la Viennoise, l'Aquitanique, la Novempopulaine et les
Alpes Maritimes. La Viennoise et l'Aquitanique ayant été subdivisées
dans la suite, et sur la fin du
ive siècle,
l'une en Viennoise et en Narbonnaise seconde, et l'autre en
Aquitaine première et seconde, formèrent enfin les sept provinces de
la manière qu'on les trouve sous l'empire d'Honoré. Les auteurs
contemporains font mention de ce vicariat tentôt sous le nom de Cinq
Provinces, tantôt sous celui d'Aquitaine prise en général ; car, on
distinguait alors les Gaules en deux parties, savoir : en Gaules
proprement dites, et en Aquitaine. Le vicaire qui eut
l'administration des Gaules proprement dites sous l'autorité du
préfet, résidait ordinairement à Lyon, et celui des Cinq Provinces à
Vienne, ce qui releva beaucoup cette dernière Métropole. La
province des Alpes Maritimes, qu'on comprenait auparavant dans
l'Italie, et dont l'empereur Galba axait séparé une partie en deçà
de la rivière du Var pour l'unir à la Narbonnaise, commença
seulement alors d'appartenir entièrement aux Gaules, et elle fut du
nombre des cinq provinces qui eurent un vicaire particulier. Pour ce
qui est des Alpes Grecques ou Pennines, il ne paraît pas qu'elles
aient fait partie de la Gaule avant la fin du
ive siècle qu'elles furent comprises dans le
vicariat des Gaules proprement dites : elles dépendaient auparavant
de l'Italie, suivant tous les anciens géographes ; ainsi, elles
n'ont jamais été comprises dans la Narbonnaise.
»
La
Notice de l’Empire,
faite sous l'empire de Valentinien II, ne compte que six vicaires
pour l'Occident, trois sous le préfet d'Italie, et autant sous celui
des Gaules ; elle ne met sous ce dernier qu'un vicaire pour toutes
les Gaules en général, et lui donne le titre de Vicaire des Sept
Provinces. C'est ce qui a fait croire au P. Sirmond, qui n'admet
que trois vicaires sous le préfet des Gaules, que, malgré la
distinction des sept provinces, et leur vicariat marqué dans cette
Notice, un seul et même vicaire a toujours administré les
dix-sept provinces des Gaules. On doit observer que cette Notice
n'est pas tout à fait exacte, et qu'elle paraît défectueuse dans
l'énumération des vicariats de l'Occident ; car elle omet dans cet
endroit celui de l'Illyrie occidentale, quoiqu'elle en fasse mention
ailleurs.
Sede suspiciunt.
— Sur son siège de vicaire. Voyez Symmaque, Epist. X, 36. —
Cassiod.
Variarum, II, 24.
Rauci voce praeconis.
— Sidon. Epist. VII, 13.
— In
Paneg.
Major, et Aviti. — Symma. X, 36. —
Cassiod.
Variarum,
V, 3; II, 3.
Amicalibus.
— Il y a dans cette phrase un assez
mauvais jeu de mots, qu'il n'est pas possible de faire passer en
français. Sidonius veut dire que les détracteurs de
Gaudentius,
excités contre cet homme par des
aiguillons
ennemis, stimulis
inimicalibus, sont forcés toutefois de
comparaître devant les bancs amis,
scamnis amicalibus.
Il désigne par le mot
scamna les sièges des avocats ; il
appelle ces bancs
amicalia,
parce que les avocats plaidaient les causes près des vicaires et
occupaient une place amie, si l'on peut parler ainsi. — Il y
a souvent, dans Sidonius, de ces phrases alambiquées, entortillées,
et que notre langue ne rendra jamais d'une manière équivalente ; on
nous dispensera de les indiquer, la besogne serait par trop forte.
Unde te etiam.
— Sidonius conseille à
Philimatius
d'agréer la place de conseiller de préfecture, et de réparer ainsi
la perte d'une charge qu'il avait peut-être remplie auprès du
vicaire. Les conseillers du préfet, une fois qu'ils étaient restés
en place le temps suffisant, recevaient de grands privilèges, que ne
pouvaient pas obtenir ceux qui avaient assisté seulement un vicaire,
ou un autre officier inférieur. Voila pourquoi Philimatius doit
compenser la perte d'une autre dignité ; car, s'il venait au conseil
sans la prérogative de conseiller préfectorial, il semblerait
n'avoir exercé que les fonctions de vicaire.
LETTRE IV.
Apud principis domum.
— C'est d'Anthemius qu'il s'agit ici ;
les vicaires étaient nommés par les princes, et non pas par les
préfets : « Propria est
jurisdictio, quae datur a principe. » Cassiod.
Variarum,
VI, 15.
LETTRE V.
Cette lettre, les deux précédentes, et celles
qui suivent dans ce premier livre, à part cependant la VIIIe
et la dernière, ont été écrites de Rome à Lyon.
Rhodanusiae nostrae.
— Lyon, que Sidonius appelle
Rhodanusia,
est nommé par quelques auteurs Araria,
à cause du Rhône et de la Saône qui ont leur confluent près de
ses murs. St. Irénée désigne sous le nom de rodanousia tout le pays
qui touche au Rhône. Hoeres, I, 9.
Publicus cursus usui
fuit.
— Les courses publiques des
anciens avaient quelque ressemblance avec ce que nous appelons
vulgairement des postes. Voyez à ce sujet l'Histoire des
grands Chemins de l'empire, par Nicolas Bergier.
Utpote sacris apicibus
accito.
— Un simple particulier ne pouvait se
servir de la poste impériale, à moins qu'il ne fut mandé par le
prince. Voyez Théodoret, II, 11; — Symm. III, 63; — Cassiod., VI, 3.
« Personne n'ignore, dit l'abbé Dubos, que les empereurs avaient sur
toutes les grandes routes des maisons de poste, placées à une
distance convenable les unes des autres, et qu'on y fournissait,
sans payer, des chevaux, des voitures, en un mot tout ce qui est
nécessaire en route à tous ceux qui étaient porteurs d'un ordre du
prince, expédié en forme de brevet, et qui déclarait que ces
personnes voyageaient pour le service de la république. C'était même
une espèce de crime d'état que de prendre des chevaux dans une de
ces maisons, sans avoir l'ordre dont je viens de parler ; l'empereur
Pertinax fut condamné, dans le temps qu'il était déjà chef de
cohorte, à faire à pied une longue traite, pour s'être rendu
coupable d'un pareil délit. Il serait inutile de rapporter ici
toutes les lois qui sont dans le code concernant la poste romaine;
je me contenterai de dire que lorsque les chevaux que le prince
entretenait dans les maisons bâties sur les voies militaires ne
suffisaient point, les habitants qui demeuraient à une certaine
distance de ces maisons-là étaient tenus de fournir les leurs, afin
que le service ne souffrit point de retardement. Hist. crit.,
etc., tom. I, p. 126. — Le Quien de la Neufville, Origine des
postes chez les anciens et chez les modernes, p. 31-33.
Veredorum.
— Parmi les chars qui servaient aux courses publiques, le
plus commun était celui que les Romains appelaient
rheda; les chevaux y étaient plus souvent
attelés qu’à tout autre. De là vient que les chevaux de poste ont
été nommés veredi, a
vehenda rheda; et les postillons,
veredarii, suivant le témoignage de
Festus Pompeius:
Veredos antiqui dixerunt, quoi veherent rhedas, id
est, ducerent. Voyez Nicolas Bergier, Hist. des grands
Chemins de l’Empire, p. 603.
Fluviorum si qui non
navigabiles. — Les anciens avaient
deux sortes de vaisseaux pour naviguer, tant sur les mers que sur
les fleuves navigables. ils appelaient les uns,
onerariae naves , et les employaient à porter toute sorte
de fardeaux et de marchandises; ils nommaient les autres,
fugaces, sive cursoriœ, et
d’un mot tiré du grec, dromones comme
qui dirait des courriers, à cause de la vitesse de
leur course. C’est de ces derniers vaisseaux que parle Sidonius,
quand il dit: Ticini
cursoriam (sic navigio nomen) ascendi, qua in Eridanum brevi
delatus sum. On les nommait autrement
celoces et holcadas,
quibus excursum per alveum Padi faciebant.
Voilà pour ce qui regarde les fleuves navigables.
Dans ceux qui ne l’étaient pas, on pratiquait des
gués aux endroits où les grands chemins venaient aboutir; ou bien,
on faisait des ponts, dont les rampants étaient joints aux levées,
c’est-à-dire aux bouts opposites des grandes routes, pour y passer
sans interruption. Voyez, sur cette matière, le savant ouvrage de
Nicolas Bergier.
Ticini.
— Fleuve d’Italie, dam la Gaule Cisalpine. Strabon dit qu’il sort du
lac Verbanus,
aujourd’hui Lago Maggiore, et qu’après avoir arrosé la ville
qui porte le même nom, il va se perdre dans le Pô. C’est aujourd’hui
le Tésin ou Tesino.
Phaetontiadas.
— Les trois sœurs de Phaéton, Phoebé, Lampetie et Eglé; elles
moururent de regret sur le Pô, où elles étaient allées pleurer le
malheur de leur frère. Leur métamorphose n’est qu’une fiction
poétique, aussi bien que ce que l’on dit de leurs larmes qui furent
changées en ambre, parce qu’il dégoutte des peupliers une espèce de
gomme qui ressemble assez à l’ambre jaune. Cette fable a été fort
bien décrite par Ovide, au IIe livre des
Métamorphoses. Voyez l’abbé Banier, la Mythologie et les
Fables expliquées par l’histoire, tom. II, p. 210-217.
Lambrum.
— Fleuve de la Gaule Cisalpine, qui se jette dans le Pô. Plinii
Nat. Hist. III, édit. de Lemaire.
Addua.
— Rivière d’Italie, qui prenait sa source cette partie des Alpes
qu’on appelait le mont Adula. Après avoir formé dans son cours le
lac Larium,
sur lequel était située la ville de Côme, elle allait se rendre dans
le Pô. L’Addua
s’appelait encore Adda chez les anciens; c’est aussi son nom
moderne. Sabbathier, Dictionnaire pour
l’intelligence des auteurs classiques, etc.
Athesim.
— Rivière d’Italie, qui naissait aux Alpes. Ou dit qu’elle avait un
grand nombre de sources, et que la principale était celle qu’on
appelait Fons Athesis,
la source de l’Athésis. Elle était située
au midi du lac Glacé. L’Adige arrose aujourd’hui les provinces qu’on
nomme le Trentin, le Tyrol et l’état de Venise. Cette rivière se
rend dans le golfe de Venise, après avoir reçu plusieurs autres
rivières. Sabbathier, Dict.
Mincium.
— Fleuve d’Italie, dont plusieurs auteurs mettent la source dans le
lac Bénacus. Après avoir arrosé les murs de Mantoue, il allait se
rendre dans le Pô. Ce fleuve conserve encore son ancien nom,
puisqu’on l’appelle
Mencio,
ou Mincio. Virgile l’a illustré, en disant:
Hic viridis tenera praetexit arundine
ripas
Mincius.
Claudien désigne les trois fleuves, l'Adda, l'Adige
et le Mincio, par les mêmes épithètes que Sidonius.
............................
Frondentibus humida ripis
Colla levat, pulcher Ticinus, et
Addua visu
Caerulus, et velox Athesis, tardusque
meatu
Miocius. »
Ligusticis.
— Les monts de Ligurie. — La Ligurie comprenait le marquisat de
Saluées, partie du Piémont, la plus grande partie du Mont-Ferrat,
toute la côte de Gênes, etc.
Euganeis.
— Les monts Euganéens. — Tite-Live
assigne aux peuples de ce nom une demeure différente de celle qu'ils
curent dans la suite. « Il est assez généralement reconnu, dit-il,
qu'après diverses aventures, réuni à une troupe nombreuse d'Hénètes
qui cherchaient un chef et une retraite, depuis qu'une sédition les
avait chassés de la Paphlagonie, et que leur roi Pylémène avait été
tué sous les murs de Troie, Anténor avait pénétré au fond du golfe
Adriatique ; qu'après avoir chassé les Euganéens, qui habitent entre
les Alpes et la mer, les Troyens et les Hénètes avaient occupé leur
territoire. En effet, le premier lieu où ils débarquèrent conserve
encore le nom de Troie, ainsi que le canton qui en dépend ; et la
nation entière porte le nom de Vénètes. »
On voit, par ce passage, pourquoi les poètes donnent
au pays des Vénètes en général, le nom des Euganéens ses
prédécesseurs. Silius dit :
Tum
trojana manus, tellure antiquitus orti
Euganea, profugitque sacris Antenoris
oris. »
Et Martial :
Quaeque Antenoreo Dryadum pulcherrima
Fauno,
Nupsit ad Euganeos sola puella lacus.
Et Sidonius Apollinaris :
..………………………..Quidquid in aevum
Mittunt Euganeis Patavina volumina
chartis...
Mais, comme cette migration est fort ancienne, il n'y
a guère que les poètes qui aient entendu par ce nom l'ancienne
demeure de ce peuple qui, l'ayant perdue, se jeta dans les Alpes, et
s'établit entre l'Adige et le lac de Côme.
Cremonam pervectus,
etc. — Sidonius fait allusion à ce vers de la IXe
Églogue de Virgile :
Mantua vae miserae nimium vicina Cremonae !
Aemiliano nautae decedit
venetes remex.
— Les routes militaires des Romains
avaient des mansions (mansiones)
et des stations (stationes)
destinées à recevoir, puis à échanger les voitures et les chevaux.
On voit par ce passage de Sidonius, qu'il y avait aussi comme une
sorte de mansion et de relais, pour les
dromones
des fleuves et rivières.
Brixillum.
—
Brixillum, ville de la
Gaule cisalpine, sur les bords du Pô, vers les frontières du duché
de Mantoue. Ce fut la que périt l'empereur Othon après la bataille
de Bédriac, à laquelle ce prince ne se trouva point. Il s'était
contenté d'en attendre des nouvelles à Brixelle. C'est à présent
Bersello, dans le duché de Modène.
Veterem civitatem Ravennam.
— Ravenne, ville située sur la mer
Adriatique, au pays des Sabins, près du fleuve Bédèse, à cent
cinquante mille pas d'Ancône, selon Pline, et à peu de distance
d'une des embouchures du Pô.
Ravenne ne fut pas une colonie romaine, mais une
ville municipale, à laquelle les Romains accordèrent le droit de se
gouverner selon ses lois, le privilège d'avoir les mêmes charges et
les mêmes dignités que le peuple romain, et l'exemption de toutes
sortes de tributs. On mit à Ravenne le siège du préteur ; les
assemblées de la province s'y tinrent, et on entretenait dans le
port une flotte toujours prête à mettre en mer.
Les empereurs romains affectionnèrent cette ville,
qui, de son côté, leur fut toujours fidèle. Honorius, par exemple,
et Valentinien III, y fixèrent leur séjour et y bâtirent des palais.
Théodoric, roi des Ostrogoths, fit de Ravenne le siège de son
empire, qui dura soixante ans et au-delà, jusqu'à ce que Bélisaire
et Narsès, deux lieutenants de l'empereur Justinien, ayant passé de
Grèce en Italie, y détruisirent l'empire des Goths. Cette ville,
selon Strabon, était située dans des marais ; ses bâtiments étaient
de bois ; on passait les eaux sur des ponts, ou bien on les
traversait sur des bateaux. Malgré cela, l'air y était fort sain, en
sorte que les empereurs romains y faisaient nourrir et exercer les
gladiateurs.
Ravenne a conservé son nom jusqu'à nos jours ; elle
est aujourd'hui dans la Romagne ; mais elle ne se trouve plus située
qu'à trois milles de la mer, à cause des dessèchements que l'on a
faits dans les vallées de Paduse.
MidiA via caesaris.
— Ravenne présentait trois parties : la
première, Ravenne, proprement dite ; la seconde, qui est cette
Via Caesaris
de Sidonius ; et la troisième,
Classis,
ainsi appelée de la flotte,
classis,
que l'empereur Auguste avait établie au port de Ravenne.
Oppidum duplex pars
inteFluit padi certa...
— Leonardi Aretini
De Bello Ital.
I. —
Procopii
De Bello
Gothorum,
I.
Ad rubiconem ventum.
— Le Rubicon, ruisseau sur les confins
de la Gaule Cisalpine, qu'il séparait de l'Italie, ainsi que nous
l'apprenons de Cicéron,
de Lucain
et de Plutarque. Ce ruisseau, qui est aujourd'hui le Luso selon les
uns, et le Pisatello selon les autres, est fort petit, mais très
fameux dans l'histoire. Il n'était pas permis aux soldats, et moins
encore à leurs chefs, de retour d'une expédition militaire, de
passer le Rubicon avec leurs armes, sans le consentement du sénat et
du peuple romain ; autrement ils étaient tenus pour ennemis de la
république, comme le porte l'inscription qui était à la tête du pont
de ce ruisseau, sur le bord duquel on l'a retrouvée entière.
Auguste ajouta la Gaule Cisalpine à l'empire, et les
Alpes servirent alors de limites à l'Italie. Strabon, l. V.
Ariminum.
— Ariminum, ville du pays des
Semnones,
qui fut fondée par une colonie d'Ombriens sur les bords de la mer
Adriatique; entre deux fleuves,
l'Ariminum et
l'Aprusa.
Ariminum
fut la première ville dont César s'empara, quand il revenait des
Gaules avec son armée victorieuse. C'est aujourd'hui Rimini, dans la
Romagne.
Fanum.
Fanum
Fortunae, c'est-à-dire,
le temple de la Fortune. Cette ville était située sur le bord de la
mer Adriatique, entre l'embouchure du Pisaure et celle du Mélaure.
Elle était appelée Fanum Fortunae, à cause du temple que les
Romains y avaient élevé à la Fortune, en mémoire de la célèbre
bataille qu'ils gagnèrent l'an 547 de la fondation de leur ville, et
307 avant J. C., près du Métaure. Ils y tuèrent Asdrubal, frère
d'Annibal, avec cinquante mille hommes.
Cette ville conserve son ancien nom dans celui
qu'elle porte aujourd'hui ; c'est Fano.
Metaurus.
— Fleuve de l'Ombrie. Il avait, suivant
les cartes de d'Anville, sa source dans les montagnes, et allait se
jeter dans la mer Adriatique, entre Ancône et Ariminum. Il est
devenu célèbre par la défaite cruelle que les Carthaginois y
essuyèrent, l'an 207 avant J. C., et par les vers d'Horace,
Odarum, IV, 4. C’est aujourd'hui le Métaro, ou Metro, dans le
duché d'Urbin.
Decoloratis.
— Horace a dit,
Odarum,
II :
….....Quod mare Dauniae
Non decoloravere caedes
?
Flaminiae.
— La voie
Flaminia, l'une des
principales voies romaines d'Italie. Elle fut ainsi nommée de C.
Flaminius,
qui la fit construire après avoir vaincu les Liguriens. Cette voie,
qui commençait à Rome, traversait le pays des Véiens, celui des
Capénates, celui des Falisques, celui des Ombres, et côtoyait
ensuite la mer Adriatique jusqu'à
Ariminum. On continua
depuis cette voie jusqu'à Bononie, et de là jusqu'à Aquilée, au pied
des Alpes.
Atabulus.
— Sorte de vent d'Apulie, dont parle
Horace dans ses Satires, I, 5. C'était un vent très froid. Le
mot Atabulus
vient du grec ath,
damnum,
dommage, et ballw,
jacio,
infero,
je jette, je cause.
Pestilens regio Tuscorum.
— «
Est sane gravis et pestilens ora Tuscorum, quae per
littus extenditur. » Plin. Epist.
V, 6.
Fucini.
— Il y avait au pays des Marses, peuple
du Latium, un lac de ce nom. Pline fait mention d'une rivière qui
traversait ce lac, et qui, en sortant, n'était ni plus grande, ni
moindre que quand elle y était entrée. Il ne nomme point cette
rivière.
Clitumni.
— Fleuve de l'Ombrie. Il a sa source à
trois lieues de Spolète. Après avoir mêlé ses eaux avec celles du
Topine, il va se jeter dans le Tibre. Ce fleuve conserve encore son
nom, puisqu'on l'appelle aujourd'hui Clitumno.
Anienis.
— Fleuve qui prend sa source à la
montagne des Trébains. Il coule dans une plaine, et se rend dans le
Tibre au-dessus de Rome. C'est aujourd'hui le Teverone.
Naris.
— Fleuve de l'Ombrie. Strabon nous dit
que le Nar traverse la ville de Narnia ; qu'il se rend dans le Tibre
un peu au-dessus d'Ocriculum. C'est aujourd'hui la Negra, ou la
Nera.
Fabaris.
— Fleuve du territoire des Sabins.
Virgile en fait mention, Aeneidos, VII, v. 715.
Formas.—Des
aqueducs. Voyez Cassiodore, Variarum, XII, 6. Formula
Comitivœ Formarum Urbis.
Il fait un bel éloge des aqueducs romains.
Naumachias.—Naumachia,
Naumacia, de nauV,
navis,
vaisseau, et mach,
pugna,
combat. La Naumachie, comme le désigne le
nom même, était un combat naval, ou un combat donné sur l'eau, en un
lieu destiné pour cela, et où les birèmes, les trirèmes, les
quadrirèmes, les flottes égyptiennes et tyriennes se battaient.
Les Naumachies ont été les plus superbes spectacles
de l'antiquité. Le lieu où se donnaient ces sortes de combats était
un cirque entouré de sièges et de portiques, dont l'enfoncement, qui
tenait lieu d'arène, était rempli d'eau par le moyen de vastes
canaux; et c'était dans ce cirque qu'on donnait le spectacle d'un
combat naval et sanglant. Sabbathier, Dict., au mot
Naumachie.
Priusquam Pomoeria
contingerem.
— La Basilique de St-Pierre ne fut
comprise dans le Pomœrium, que du temps de Léon IV. Ce
pontife habile et zélé protégea vaillamment sa patrie contre les
incursions des Sarrasins ; il fit bâtir une ville, enfermer de murs
le bourg de St-Pierre, d'après les projets de Léon III, et ce
quartier de Rome porte encore le nom de Cité Léonine. Biogr.
univ. art. Léon iv.
On appelait Pomœrium, dit Tite-Live, I, 44,
l'intervalle que les Etruriens laissaient autrefois autour du mur,
tant en dedans qu'en dehors de la ville qu'ils fondaient ;
intervalle qu'ils consacraient, de sorte qu'il n'était permis ni de
pousser les maisons, ni de labourer ou de semer, jusqu'au pied de la
muraille, quoiqu'aujourd’hui, ajoute Tite-Live, on fasse l'un et
l'autre sans scrupule.
Nuptiis Patricii Ricimeris.
— Sidonius parle encore ailleurs des
noces de Ricimer, Epist. I, 9. On ignore le nom de la fille
d'Anthemius. Sirm.
Notœ
in Sidon.
In spem publicae
securitatis.
— Le meilleur commentaire de ce passage
se trouve dans Ennodius, de Pavie ; c'est Anthemius qui parle : «
Quamvis inexplicabilis mihi
adversus Ricimerem causa doloris sit, et nihil profuerit maximis eum
a nobis donatum fuisse beneficiis; quem etiam (quod non sine pudore
et regni et sanguinis nostri dicendum est) in familiae stemmata
copulavimus, dum indulsimus amori reipublicae quod videretur ad
nostrorum odium pertinere. Quis hoc namque veterum retro principum
fecit unquam ut, inter munera, quac pellito Getae dare necesse erat,
pro quiete communi filia poneretur? Nescivimus parcere sanguini
nostro, dum servamus alienum, etc. » In vita B. Epiphanii,
apud Sirm. p. 1662.
Thalassio fescenninus.
— « L'épithalame latin eut à peu près la même origine que l’épithalame
grec ; comme celui-ci commença par l'acclamation d'Hyménée,
l’épithalame latin commença par l'acclamation de
Thalassius : on en sait l'occasion et l'origine.
« Parmi les Sabines qu'enlevèrent les Romains, il y
en eut une qui se faisait remarquer par sa jeunesse et par sa beauté
; ses ravisseurs craignant avec raison, dans un tel désordre, qu'on
ne leur arrachât un butin si précieux, s'avisèrent de crier qu'ils
la conduisaient à Thalassius, jeune homme beau, bien fait, vaillant,
considéré de tout le monde, et dont le nom seul imprima tant de
respect, que, loin de songer à la moindre violence, le peuple
accompagna par honneur ses ravisseurs, en faisant sans cesse
retentir ce même nom de Thalassius. Un mariage que le hasard
avait si bien assorti, ne pouvait manquer d'être heureux ; il le
fut, et les Romains employèrent depuis dans leur acclamation
nuptiale le mot Thalassius, comme pour souhaiter aux nouveaux
époux une semblable destinée.
« A cette acclamation, qui était encore en usage du
temps de Pompée, et dont on voit des vestiges au siècle même de
Sidonius, se
joignirent dans la suite des vers fescennins. » Encyclopédie,
au mot Epithalame.
Les vers fescennins étaient rudes, sans aucune
mesure juste, et tenaient plus de la prose cadencée que des vers,
comme étant nés sur le champ et faits pour un peuple encore sauvage,
qui ne connaissait d'autres maîtres que la joie et les vapeurs du
vin. Ces vers étaient souvent remplis de railleries grossières, et
accompagnés de postures libres et de danses déshonnêtes. Les vers
libres et obscènes prirent le nom de Fescennins, parce qu'ils
furent inventés par les habitants de Fescennie, ville de Toscane.
Les peuples de Fescennie accompagnaient leurs fêtes et leurs
réjouissances publiques de représentations champêtres, où des
baladins déclamaient des espèces de vers fort grossiers, et
faisaient mille bouffonneries dans le même genre. Ils gardaient
encore moins de mesure dans la célébration des noces, où ils ne
rougissaient point de salir leurs poèmes par la licence des
expressions ; c'est de là que les latins ont dit
Fescennina licentia,
et Fescennina locutio,
pour marquer principalement les vers sales
et déshonnêtes que l'on chantait aux noces.
« Ces sortes de vers parurent sur le théâtre, et
tinrent lieu aux Romains de drame régulier pendant près de six
vingts ans. La satire mordante à laquelle on les employa les
décrédita encore plus que leur grossièreté primitive, et pour lors
ils devinrent vraiment redoutables...
« Catulle voyant que les vers fescennins,
employés pour la satire, étaient proscrits par l'autorité publique,
et que leur grossièreté dans les épithalames n'était plus du goût de
son siècle, les perfectionna et les châtia en apparence du côté de
l'expression ; mais, s'il les rendit plus chastes par le style, en
proscrivant les termes grossiers, ils ne furent pas moins obscènes
pour le sens, et bien plus dangereux pour les mœurs... »
Encyclopédie, au mot
Fescennins.
Virgo tradita est.
— Le père de la fiancée, ou bien ses
proches, la livraient à l'époux. «
Vis scire quid sint nuptiae ? aspice illam virginem,
quam pater tradidit, euntem die celebri, comitante populo.
» Quintil.
Declamat.
306.
Jam corona sponsus.
— Dans la cérémonie des noces, l'époux
portait une couronne ; l'épouse en avait deux, l'une de fleurs
naturelles, lorsqu'on la conduisait dans la maison de l'époux, et
l'autre de fleurs artificielles représentées en or et enrichies de
diamants.
Les premiers chrétiens n'avaient point de couronnes
dans leurs noces ; comme ces couronnes étaient toutes sous la
protection de quelque divinité, il eût semblé peut-être qu'ils
participaient à un culte profane. «
Coronant et nuptiae sponsos, dit Tertullien ; et ideo
non nubamus Ethnicis, ne nos ad idololatriam usque deducant, a qua
apud illos nuptiae incipiunt. »
De Corona,
XIII, édit. de
Rigault.
Palmata.
— « Toga palmata
dicebatur, quam merebantur ii qui reportabant de hostibus palmas.
Ipsa vocabatur et toga picta, eo quod victorias cum palmis intextas
haberet. » Isid. Orig. XIX, 24.
Cyclade pronuba.
— La cyclade, habillement de femme,
arrondi par le bas, et bordé d'un galon de pourpre. C'était aussi
l'étoffe de la robe ; on y brodait quelquefois des fleurs en or. Les
femmes la portaient sous le pallium, et des hommes l'empruntaient
pour se travestir en bouffons. Encyclopédie. — Isid. Orig.
XIX, 24.
Penulam.
— Espèce de manteau des Romains, long,
étroit, et qui n'était ouvert que par le haut. Ou le vêtait en
passant la tête par cette ouverture, et on ne le prenait que pour se
garantir de la pluie et du froid. C'était proprement un manteau de
campagne, quoiqu'on le portât aussi en ville dans les grands froids.
LETTRE VI.
Cette
lettre et la 8e du livre VIII
traitent à peu près la même question ; l'une et l'autre sont écrites
contre ceux qui aiment mieux vivre retirés aux champs et dans leurs
villas, que de rechercher les honneurs et les dignités.
Militiae palatinae.
— Ce n'est point d'une milice, d'un service réel, qu'il s'agit ici ;
mais seulement d'une place, d'une charge quelconque au palais. En ce
sens, ou se servait aussi du mot militare. On peut voir, à ce
sujet, les divers Codes anciens.
Qui quotidie trabeatis Proavorum imaginibus
ingeritur. Les Romains conservaient
avec beaucoup de soin les images de leurs ancêtres, et les
faisaient porter dans leurs pompes funèbres et dans leurs triomphes.
Elles étaient pour l'ordinaire de cire et de bois, quoiqu'il y en
eût quelquefois de marbre ou d'airain. Ils les plaçaient dans les
vestibules de leurs maisons, et leur présence devenait un puissant
encouragement à la vertu. On connaît ces vers de la VIIIe
satire de Juvénal :
...............................Stemmata quid fariunt ?...
Tola licet veteres exornent undique
cerae
Utria, nobilitas sola est atque unica
virtus.
Voyez le Jupiter Olympien, ou l'Art de la
sculpture antique et polychrome considéré par M. Quatremère de
Quincy : Paris, 1815, p. 14 et 36. — De Théis, Voyage de
Polyclète à Rome, tom. II.
Trabeatis.
— Trabée, robe des rois de Rome,
ensuite des consuls et des augures. Il y avait trois sortes de robes
qu'on nommait trabées. La première était toute de pourpre, et
n'était employée que dans les sacrifices qu'on offrait aux Dieux. La
seconde était mêlée de pourpre et de blanc. Elle fut d'un grand
usage chez les Romains, car non seulement les rois la portèrent les
premiers, mais les consuls en étaient revêtus lorsqu'ils allaient à
la guerre ; elle devint même un habit militaire, avec lequel
paraissaient les cavaliers aux jours de fêtes et de cérémonies. La
troisième espèce de robe trabée était composée de pourpre et
d'écarlate ; et c'était le vêtement propre des augures. — Voyez
Isid. Orig. XIX, 24, et l’Encyclopédie.
Domicilium legum.
— C'était à Rome que l'on allait alors
se fortifier dans l'étude des lois. Voici ce que St. Jérôme écrivait
à Rusticus : « Audio
religiosani te habere matrem, multorum annorum viduam, quae erudivit
infantem, ac post studia Galliarum, quae vel florentissima sunt,
misit Romam, non parcens sumptibus, et absentiam filii spe sustinens
futurum ut ubertatem gallici nitoremque sermonis gravitas romana
condiret, nec calcaribus in te, sed frenis uteretur, quod et in
disertissimis viris Graeciae legimus, qui asianum tumorem attico
siccabant sale, et luxuriantes flagellis vineas falcibus
reprimebant, ut eloquentia torcularia non verborum pampinis, sed
sensuum quasi uvarum expressionibus redundarent.
»
Le prêtre Constantius, dans sa Vie de St. Germain
d'Auxerre, appuie le témoignage de Jérôme : «
Ut in eum (Germanum) perfectio
litterarum plena conflueret, post auditoria gallicana, intra urbera
Romam juris scientiam plenitudini perfectionis adjecit.
» I, i. — Voyez les Lettres de Symmaque, VIII, 68. et l'Itinéraire
de Rutilius, v. 209-211.
Gymnasium litterarum.
— Voyez Cassiod.
Var. V, 22; — I, 39;— X, 7;—VIII, 12.
Curiam dignitatum.
— Cassiod. Var.
II, 1 ; — I, 32.
Totius mundi ciVitate.
— Antonin donna le droit de cité à tous
les citoyens de l'empire ; voilà pourquoi Sidonius Apollinaris dit à
Eutrope qu'il n'y a d'étrangers dans Rome que les esclaves,
qui ne pouvaient recevoir le droit de cité, ou les barbares,
qui n'obéissaient pas à la ville éternelle.
Hoc est otium veteranorum.
— On appelait vétéran un soldat qui avait fini son temps de
service ; ce temps, marqué par les lois romaines, était depuis 17
ans jusqu'à 46. Les récompenses des vétérans étaient peu de chose
dans les premiers âges de la république romaine ; ce n'était que
quelques arpents de terre dans un pays étranger, qui, sous le nom de
colonie, éloignaient un homme pour toujours de la vue de sa
patrie, de sa famille et de ses amis. Enfin, les récompenses des
vétérans devinrent plus fortes ; Tibérius Gracchus leur fit
distribuer les trésors d'Attale qui avait nommé le peuple romain son
héritier ; Auguste, voulant se les concilier, fit un règlement pour
assurer leur fortune par des récompenses pécuniaires, et que tous
ses successeurs augmentèrent leurs privilèges.
Horrea rupta.
— Il y avait chez les Romains deux
sortes de greniers : ceux qui étaient souterrains,
horrea subterranea
; ceux qui étaient élevés en haut,
sublimia, sublimata, pensilia.
C'est des derniers que parle Sidonius ;
comme ils étaient faits en planches, tabulata, ils pouvaient
facilement ployer sous le poids et se rompre. — Voy. Pline, Hist.
nat., XVIII, 73, édit. de Lemaire; — Columelle, I, 6;— Vitruve,
VI, 9 ; — Varron, I, 57.
Conatuum tuorum.
— Imité de Pline : « Ego precum tuarum minister, adjutor, particeps
ero. » Epist.
VI, 9.
LETTRE VII.
Arvandus.
— Le procès et la condamnation de ce
préfet sont un des derniers actes d'autorité que le sénat romain ait
exercé sur la Gaule. Quoique, sous des règnes si faibles, les
concussions et les trahisons demeurassent souvent impunies,
quelquefois cependant la justice reprenait ses droits, et rien ne
contribuait tant à faire succomber les coupables, que leur audace et
l'assurance qu'ils avaient de l'impunité. Arvandus en est un exemple
bien terrible: Sidonius, qui se glorifiait de vivre sous un règne où
il était permis de plaindre et de consoler un criminel d'état, avoue
avec franchise les fautes de son inconsidéré et malheureux ami. La
lettre où il nous retrace toute cette funeste aventure, fait autant
d'honneur à son cœur qu'à son esprit : c'est la remarque de Gibbon.
Le jugement d'Arvandus offrit une vive image des
formes de l'ancienne république : l'accusé fut reconnu coupable ;
mais Sidonius et ses autres amis, car les grands criminels en
trouvent toujours, se donna tant de mouvements, que l'empereur
Anthemius s'adoucit ; le préfet de la Gaule en fut quitte pour la
confiscation et l'exil. Dans le même temps que Sidonius intercédait
pour lui, il ne pouvait s'empêcher de dire qu'Arvandus était bien
lâche et bien malheureux, s'il craignait rien plus que de survivre à
tant d'ignominie.
Tout ceci
se passait en 469. — Gibbon's History of the fall and the decline
of roman empire, chap.
XXXV. — Le
Beau, Hist. du Bas-Empire, liv. XXXV, 17. —Dubos, Hist.
crit., etc., tom. I, p. 527. — Baronius, Annales
eccl., ad ann. 468.
Angit me cAsus
Arvandi.
— Ce début a quelque chose de
pathétique ; il est familier aux bons auteurs épistolaires latins. «
Angit me nimis damnum seculi
mei. » Sidon. Epist.
IV, 11. — « Angit me Fanniae valetudo. » Plin. Epist.
VII,19. — « Angit me super ista casus ipsius. » Id. V, 5. «
Angit me, et satis angit
vestrae causa tristitiae, quod bonae
memoriae
germana vestra
transiit Albofledis. » Remigii Remensis Epist. consolatoria ad
Chlodovœum regem.
Destinatus.
Envoyé. Sidonius prend ce mot dans le
même sens, Epist. VI, g. Les écrivains de son siècle lui
donnent aussi une pareille acception. Voyez Aurelius Victor, in
Geta et in
Aureliano.
Custodiebatur ab hospite
Flavio Asello.
— Les accusés de distinction étaient
confiés à la vigilance de gens honorables, comme nous le voyons par
le témoignage de plusieurs auteurs. St. Jérôme fait allusion à cette
coutume, quand il dit en parlant des Saints : «
Senatoriae videlicet dignitates sunt,
ut non inter homicidas teterrimo carcere, sed in libera honestaque
custodia in Fortunatorum insulis, et in campis Elysiis recludantur.
» Adversus Vigilantium.
—
« Statui, ut Felix vadibus, qui
Fulgentio non essent cogniti, traderetur. » Symm. Epist. X,
36. — Voyez Grégoire de Tours, Miracul., I, 45.
ComitE sacrarum largitionum.
— Le mot comte est tiré du latin
comes, comme qui dirait compagnon du prince, ou plutôt
courtisan ; la cour du prince étant appelée en latin
comitatus,
parce que les empereurs, contraints de faire plusieurs voyages pour
maintenir la grande étendue de leur empire, appelaient comités
leurs courtisans, et
comitatus leur cour. Il y eut
plusieurs sortes de comtes dans l'empire : ceux qui étaient attachés
au service du prince et obligés de se tenir à la cour, se nommaient
comites palatini.
Tous les comtes étaient distingués par le
nom de leurs charges ; ainsi :
comes palatil,
contas stabuli,
d'où vient le mot de Comte d'étable,
depuis changé en Connétable ;
comes sacrarum largitionum,
Intendant des finances, et autres semblables.
Quels furent les attributs du
comes sacrarum largitionum
? Aussi étendus que variés, ils changèrent
quelque peu, suivant les temps, et finirent par embrasser, avec
l'intendant des trésors impériaux, tout ce qui regardait les
vêtements, la nourriture, etc. du prince On peut consulter à ce
sujet les lettres de Cassiodore, et surtout la 7e du
livre VI ; — Symmaque, Epist. X, 33 ; — Rutilius,
Itin. :
— Stace, Sylv.
III,
Carm. 3.
Cum gestis decretalibus.
— Provinciale decretum,
dans la même lettre ;
pagina decretalis,
VII, 9. — Les ambassadeurs d'une province
ou d'une cité ne devaient pas être entendus, s'ils n'étaient munis
des décrets de la ville, de la province au nom de laquelle ils
venaient réclamer.
Cad.
Theod.,
de legatis.
Regem Gothorum.
— Euric, roi des Visigoths de Toulouse,
il fut le successeur de Théodoric II, dont il a été parlé dans la 2e
lettre de ce livre.
Graeco imperatore.
— Anthemius, envoyé de la Grèce à Rome,
par l'empereur Léon ; cela explique le sobriquet d'Arvandus et celui
de Ricimer qui appelle le même empereur
Galata, Grœculus.
— Voyez Ennodius, in
vita Epiphanii,
p. 1659-1660 du tom. I des Œuvres du P. Sirmond.
Britannos
sUper ligerim sitos.
— Voyez au livre III, lettre 9.
Perimachiam.
— Tous les ressorts secrets des
accusateurs. Ce mot est formé de deux mots grecs,
peri, autour, et
maci, combat.
Les
députés des Gaules avaient contre Arvandus un double chef
d'accusation : le crime de péculat, et celui de lèse-majesté. Ils ne
manifestaient d'abord que le premier, réservant le second pour
accabler ensuite Arvandus.
Flammei.
— Des hommes ardents, enflammés.
Sidonius emploie le même mot dans une autre lettre : « Ut
est natura vir Flammeus.
» V, 17.
Tribulosissimam.
— Epist. IV, 3.
Percurrere albatus.
— Les accusés ne devaient pas se
montrer en public vêtus de blanc. Valère Maxime dit, au sujet de
Rutilius : « Nec obsoletam
vestem induit, nec insignia senatoris deposuit, nec supplices ad
genua judicum manus tetendit, nec dixit quidquam splendore
praeteritorum annorum humilius. » VI,
4. —Voyez Plin. Epist. IV, 9 ; — Sueton.
in Nerone,
XLVII.
Trapezitae.
—Quand le Capitole cessa d'être un
temple, on en fit la demeure des magistrats civils. On permettait
aux bijoutiers, etc. d'étaler leurs marchandises sous les portiques.
Vitruvii
de Archit.,
V, 1. — Les libraires y apportaient aussi leurs livres.
Tractatorium.
— Le sénat, le lieu ou se débattaient,
où se jugeaient les causes. «
Concilii nomen tractum est romano more ; tempore enim quo causae
agebantur, conveniebant omnes in unum, communique intentione
tractabant. » Isid. Orig.
VI, 16. — Ce mot
tractare,
est souvent employé en matière de droit
dans les auteurs latins. — Voyez Pline, Epist. VIII,
14;—Lampride,
in Alexandro
Severo, XVI;
—Cassiodore, Var. VIII, 12.
De tractare,
est venu
tractatorium.
Faute peut-être de bien comprendre le sens de ce
mot, Baronius, dans ses Annales ecclésiastiques, ad ann. 468,
écrit praatorium,
et rejette en marge le mot de Sidonius.
Paulo ante detonsus.
— Contre l'usage des accusés, qui se
laissaient croître les cheveux et la barbe. «
Cum complures menses barba immissa,
intonso capillo, lugubri vestitu vicatim flens una cum liberis
circumiret. » Sisennae
Hist.
III.
A decemviris.
— C'est la version commune ; quelques
savants ont pensé qu'il faut lire
a quinqueviris.
Quand un sénateur était accusé, on le faisait juger par le préfet de
Rome, assisté de cinq membres du sénat, tirés au sort. — Voyez le
Code Théodosien, XIII,
de accusat.
Cet usage était en vigueur du temps de Sidonius, comme on peut le
voir dans Cassiodore, Var.
IV, 22.
Sub invidia sordidatorum.
— Senecae Controvers. X, i. — Quintil.
Declam.
CCLXXXIII. — Plin. Epist. II, 11.
Citati intromittuntur.
— Symm. Epist.
X, 36.
Miser, nec misErabilis erat.
— On lit dans Ovide, Ibis., v. 117:
« Sisque miser semper, nec sis
miserabilis ulli. »
Dans Alcime Avite, Poemat.
III, v. 95 :
«
Jamque miser factus, nondum
miserabilis ille est. »
Latomiis.
—
Latomiae,
terme que les Latins avaient emprunté des Grecs, pour
signifier un lieu où l'on coupait des pierres. Ce nom devint ensuite
commun à toutes les grandes carrières d'où l'on en tirait. Ainsi, il
n'est pas étonnant que les anciens aient donné le nom de Latomies à
divers endroits de l'Italie, de la Sicile, de l'Afrique, etc. Les
Latomies de Sicile étaient très fameuses.
Ce lieu, appelé aujourd'hui le Tagliate, est une
caverne ou carrière, que Denys, tyran de Syracuse, fit creuser dans
un rocher près de cette ville, pour servir de prison aux criminels.
Elle a environ un stade de longueur, et deux cents pieds de largeur.
Ce tyran y retenait fort longtemps les prisonniers.
Dans les âges de persécution, les Latomies furent
souvent pleines de chrétiens, que l'on y envoyait pour leur faire
souffrir de longs travaux, quand on eut éprouvé que la mort, loin de
les épouvanter, faisait l'objet de leurs espérances.
Insulam serpentis Epidauri.
— L'île du Tibre. Tant de fables ont
été débitées sur Esculape, qu'on a élevé des doutes sur son
existence ; quoi qu'il en soit, ce personnage, regardé par les
anciens comme le Dieu de la médecine, avait un temple à Epidaure ;
les Romains lui en élevèrent un dans l'île du Tibre.
«
Aesculapius, inquitis, Epidauro bonis Deus
valetudinibus praesidens, et Tiberina in insula constitutus. »
Arnob. Advers.
Gentes, VIT.
Serpentis.
— Le serpent est un symbole ordinaire
du soleil ; il était aussi celui de la médecine et des Dieux qui
présidaient à cette science, tels qu’Apollon, Esculape.
Ex senatusconsulto
Tiberiano. — Cette loi de Tibère
n'admettait que dix jours entre la sentence et l'exécution ; ce fut
Théodose qui ajouta les vingt autres. Tacit. Annal. III. —
Dion. Hist. LVII.
Gemonias.
— Les Gémonies étaient chez les Romains
à peu près ce que les fourches patibulaires ont été jadis en
France. Elles furent ainsi nommées, ou de celui qui les construisit,
ou de celui qui y fut exposé le premier, ou du verbe
gemo,
je gémis.
Quelques auteurs disent
scalae gemoniœ,
ou
gradus gemonii.
C'était, selon Publius Victor, ou Sextus Rufus, un
lieu élevé de plusieurs degrés, d'où l'on précipitait les criminels.
D'autres écrivains les représentent comme un lieu où l'on exécutait
et où l'on exposait les malfaiteurs. Les Gémonies étaient dans la
dixième région de la ville, près du temple de Junon. C'est Camille
qui, l'an de Rome 358, destina ce lieu à exposer les corps des
criminels sous les yeux du peuple: ils étaient gardés par des
soldats, de peur qu'on ne vint les enlever pour les inhumer ;
lorsqu'ils tombaient en pourriture, on les traînait de là avec un
croc dans le Tibre. On peut voir, à ce sujet, l’Hist. nat. de
Pline. Il raconte qu'un chien n'abandonna jamais le corps de son
maître pendu aux Gémonies. Tacite et Suétone parlent aussi en
plusieurs endroits des Gémonies, qu'ils appellent
scalae gemoniœ,
ou
gradus gemonii.
Pline
dit
gradus gemitorii.
LETTRE VIII.
Fatigationum.
— Ce mot est familier à Sidonius. Voyez
Epist. III, 13 ; — IV, 10; — V, 17. D'autres auteurs l'ont
employé dans le même sens, Sévère Sulpice, par exemple, Dial.
I, 2 ; et Cassien,
Collat.
V, 31.
Bibitor araricus.
— Horace a dit : «
Rhodani polor.
» Od. II, 20.
Nebulas meorum
Lugdunensium. — Ce tableau de Lyon
est encore aujourd'hui d'une vérité parfaite. « Nos maisons
resserrées, agglomérées, et surtout excessivement hautes, empêchent
la libre circulation de l'air, et forcent par conséquent les vapeurs
plus ou moins épaisses de l'atmosphère, à séjourner dans les rues.
» Quelquefois, en été, Lyon présente un singulier coup d'œil ;
depuis cette belle colline de Fourvières qui s'assied en reine sur
la ville, vous apercevez la circonférence de la cité et la cité tout
entière couverte de brouillards, tandis que, au dehors, l'horizon
pur et dégagé se colore de l'azur le plus vif et le plus brillant
que l'on puisse voir.
Les brouillards du Rhône sont devenus, à Lyon,
une chose proverbiale ; c'est là que le peuple aime à placer ses
hypothèques ! L'histoire dépose néanmoins que les grands personnages
de la ville de Rome préféraient nos frais bosquets au climat de
l'Italie; il n'est point de coteau où l'on ne retrouve les mosaïques
de leurs maisons de plaisance.
CAesenatis.
— Césène, ville de la Gaule Cispadane,
c'est-à-dire en deçà du Pô par rapport aux Romains. Elle conserve
encore son nom.
Verna.
— Sidon. Epist. IX, 15 et 16.
Auribus padano cuLICe
perfossis. — Sidon. Epist. I, 5; VII, 17.
Martial nous apprend la même chose, Epigramm.
III, 51.
Meliusque ranae garriant Ravennates,
Et Adrialicus dulcius culex cantet.
Municipalium ranarum.
— L'épithète est aussi juste que plaisante; Ravenne était une ville
municipale.
Foenerantur clerici,
SYRI
psallunt.
— Les lois ecclésiastiques défendaient
aux clercs le commerce et l'usure ; les Syriens étaient renommés
pour leur avarice et leur ambition, «
Syri avarissimi mortalium. » Hieron. Epist. —
« Usque hodie autem permanet in Syris ingenitus negotiationis ardor,
qui per totum mundum lucri cupiditate discurrunt, et tantam habent
mercandi vesaniam, ut occupato nunc orbe romano, inter gladios et
miserorum neces quaerant divitias, et paupertatem periculis fugiant.
» Hieron., in Ezech. 27 ; — Salviani de
Gubernatione Dei, IV.
Negotiatores militant,
milites negotiantur. — D'après le
code, les commerçants ne pouvaient se mêler d'aucune milice, les
soldats d'aucun négoce. «
Etenim si is qui imperatori militat a susceptionibus litium, actu
negotiorum forensium, venditione mercium probibetur humanis legibus,
quanto magis qui fidei exercet militiam ab omni usu negotiationis
abstinere debet ! » Ambros. de Officiis, I.
Armis eunuchi,
litteris foederati.
— Une loi défendait aux eunuques de porter les armes : les fédérés
dont parle Sidonius sont les barbares que l'on incorporait dans les
années de l'empire ; peut-être s'agit-il ici des Goths spécialement.
Innoxiis transalpinis.
— Ennodius de Pavie dit à un Vénète,
qui avait mal parlé des peuples de la Gaule:
Despicis insontes, maculatae vernula
terrae,
Sed natos Rhodani nix probitatis
habet.
Carm.
XXXV.
Non grandis gloria datur, si deteriorum
collatione clarescant.
— La même pensée se trouve dans
Sénèque, Epist. 79, 85 ; — dans Salvien ; — et dans Arnobe,
Adversus Gentes, II.
LETTRE IX.
Cette
lettre est la continuation de la cinquième;
Sidonius achève le récit de ce qu'il fit à Rome.
Praerogativa partis
armatae. — Les anciens avaient en
haute considération les dignités militaires. «
Nullus ei (praef. praet.) miles de
fori sui auctoritate praescribit, excepto officiali magistri militum
: credo ut vel illis aliquid antiquitas cederet, qui videbantur pro
republica bella tractare. » Cass.
Var.
V, 3. Les divisions que Sidonius établit
ici, se retrouvent encore dans son panégyrique de Majorien :
«
Qui cum
civilis dispenset partis habenas,
Sustinet armatae curas. » v. 565.
Dans Végèce : « Plures militiam
sequebantur armatam : necdum enim civilis pars florentiorem
adduxerat juventutem. » De re milit. I, 5. — Dans Paulin de Périgueux :
...
Adduntur
lecti proerres, quos regia juxta
Culmina vicini splendor connectit
honoris.
Insignes trabeis, legum armorumque
tenentes
Arbitrium, vel jura fori, vel
classica belli.
De Vita B. Martini .
III.
Genii potius quam ingenii
similitudo.
— Genium
correspond pour le sens à ces autres mots latins, vigor,
potentia, opinio, honor, ou
ordinatio.
Basilius et Aviénus étaient égaux
par l'assemblage de ces diverses qualités ; mais ils ne l'étaient
point par leurs goûts, leurs penchants,
ingenii dissimilitudo.
Sidonius a dit ailleurs, Carm. X,
v. 20 : « Qui non ingenio,
fors placuit genio. »
Cinctus,
discinctus.
—Sidon.
Epist.
I, 8; — V, 7;
— Gregorii Turon.,
1, 27 ; — Cassiod., Var. I, 4 ; — VI, 2 ; Psalm. 29 :
« Cingulum significat
quod ad judicis pertinet dignitatem, nam cincta potestas in ipso
vocabulo noscitur constituta. Sic enim cinctum dicimus judicem,
quando ejus fasces honoresque declaramus.
»
Opusculi.
— Le panégyrique d'Anthémius que
l'auteur envoyait à son ami avec une lettre.
Puncta.
— Suffrages. Sidonius emploie souvent
ce mot dans le même sens, Epist. III, 14 ; — VIII, 6 ; — IX,
11 et 16 ; —
Paneg.
Anthem. ; —
Paneg.
Aviti.
Laticlavi.
— Le laticlave,
latus clavus, tunica laticlava,
était une tunique à large bordure de
pourpre par-devant ; comme les sénateurs avaient le droit de porter
le laticlave, on les appela d'un seul nom
laticlavii.
— Voyez l'Encyclopédie, au mot
laticlave.
Sane moneo praeque
denuntio.
— Claudii Mamerti De
statu animœ, II, 10 : « Moneo praeque denuntio, etc.. »
Heroicorum phaleras.
— « Nam si mihi
tribuitis Martini esse discipulum, illud etiam concedite, ut exempta
illius mihi liceat sermonum phaleras et verborum ornamenta
contemnere. » Severi Sulp. Dial. I ; —Ambros. in
Lucam.
EpiStaphitarum
naenus,— Dans ses Notes sur les Lettres
inédites de Marc-Aurèle et de Fronton, M. Cassan rapporte deux
de ces Nénies, qui se chantaient aux funérailles. Tom. II, p.
356-358.
Thrasoniano fine
concludere.
— Thraso est un soldat fanfaron, qui
joue un rôle dans l'Eunuque de Térence. Plusieurs auteurs ont
fait allusion à la fatuité de ce personnage, entre autres Paulin de
Nota. Epist. VII. « Ego, dit-il,
flatum Thrasonis ructantis effugio.
» Et Jean de Sarisbéry,
Policrat.,
VI, 3; — VIII, 1, 3, 15.
PYrgopolynicis.
C'est le principal personnage du
Miles gloriosus
de Dante ; ce nom, si heureusement forgé par le poète comique, vient
de ces deux mots grecs porgoV, tour;
pelu,
beaucoup;
nika, victoire.
Omnium laudum convasatis
acclamationibus.
— Sidon. Epist. VII, 2. Vasa,
dans Sénèque,
De
Beneficiis,
I, 1, signifie biens, bagages ;
vasa colligere, convasare,
exprime donc l'action de rassembler ses
bagages, comme fait le soldat qui bat en retraite, ou qui change de
place. On voit aisément l'origine de la figure qu'emploie Sidonius.
LETTRE X.
Praefectum Annonae.
— On peut voir dans Cassiodore quels étaient les attributs du
préfet des vivres, Var. X, 18. —Symm. Epist. X, 48.
Famem theatralis fragor
insonet.
— Dès que le malheur des temps ou
l'imprévoyance du préfet des vivres laissait manquer le blé a Rome,
il s'élevait de grands tumultes parmi le peuple. Symm. Epist.
II, 6; — IV, 18 et 54; — VI, 19. — Cassiod. VI, 18. C'était surtout
au cirque et au théâtre que les séditions éclataient. «
Gravitate annonae juxta seditionem
ventum, multaque et plures per dies in theatro licentius
efflagitata. » Taciti
Annal.,
VI, 12, édit. de Lemaire. On pourrait citer un
grand nombre de pareils exemples ; la majesté impériale n'était pas
plus respectée, dans ces circonstances, que l'autorité des préfets.
Symm.
Epist.
X, 11
et 31. — Sueton. in Claudio imp. 18. —
Oros.
VII,
6. —
Marcell. comes, in Chron. —
Annn. Marcell.
XXVI.
— Zosimi
V.
Ostia Tiberina tetigisse.
— Symm. Epist.
IV, 59. — Prudent. Adversus Symmachum, II.
Respice num libyci desistat ruris
arator
Frumentis onerare rateis, et ad ostia
Tibria
Mittere triticeos in pastum plebis
acervos ?
LETTRE XI.
PublicassE
periculosum. — La loi des Douze Tables punissait
de mort quiconque blessait dans ses vers la réputation d'autrui. La
Cité de Dieu de St. Augustin présente là-dessus deux beaux
chapitres, le IXe et le XIIe du livre II : «
Nostrae duodecim tabula:,
est-il écrit dans le premier, non perpaucas res capite sanxissent,
in his hanc quoque sanciendam putaverunt, si quis cruentavisset,
sive carmen condidisset, quod infamiam faceret flagitiumve alteri. »
— Et au second : « Romani probris et injuriis poetarum subjectam
vitam (amamque habere noluerunt, capite etiam plectendum sancientes,
tale carmen condere si quis auderet. » — Voyez aussi Arnobe, liv. IV
:
.....................................................Quin etiam lex
Poenaque lata, malo quae nollet
carmine quemquam
Describi ; vertere modum, formidine
fustis
Ad bene dicendum delectandumque
redacti.
Horat., Epist. II.
Ces vers d'Horace et d'autres témoignages des anciens
nous apprennent que la peine du fouet attendait encore les auteurs
satiriques.
Capitolina.
— « Recitavit et carmina in
theatro, tanto universorum laetitia, ut supplicatio decreta sit,
atque part carminum aureis litteris Jovi Capitolino dicata. »
Sueton. in Nerone,
10.
Qui
genus,
unde domo ? — Cet hémistiche est emprunté
à Virgile, Eneid., lib. V. — On le retrouve dans Paulin de
Nola, Natali S. Felicis
V ; dans Alcime Avite,
Poemat.
IV, v. 90.
ChrEmes.
— Chrémès était le nom d'un des
vieillards que la comédie représentait fort avare. Dans le Trésor
de Ménandre, il y avait un Chrémès ; on en trouve un dans l’Andrienne
de Térence. — Voyez Horace, Epod. I.
Numerariorum.
— Les numéraires étaient des
officiers, des juges et des magistrats ; c'étaient les numéraires
qui avaient soin de porter dans le trésor l'argent qu'on tirait
des levées faites sur le peuple.
Advocatorum,
etc. —Lorsque les avocats, du moins les avocats de mérite, avaient
passé dans l'exercice de leur charge le temps prescrit par la loi,
ils parvenaient aux plus hautes dignités de l'état. De la vient que,
dans une Novelle de Théodose (XXXIV), la charge d'avocat est
appelée seminarium
dignitatum.
C'est peut-être aussi ce qui a fait dire à Ennodius de Pavie : «
Non est bonis partubus
infecunda Liguria ; nutrit foro germina quae libenter amplectatur et
curia. Nota proximitate sociantur causidicus et senator ; his qui
bene toga usi fuerint, reseratis susceptura sinibus palmata
blanditur. Epist.
V, 1.
Sic praefectorius, sic senator.
— Les préfets du prétoire étaient aussi
sénateurs. « Praefectis
praetorio, dit Lampride, senatoriam addidit dignitatem, ut viri
clarissimi et essent et dicerentur : quod antea vel raro fuerat, vel
omnino non fuerat. » In Alexandro Severo y vide
Hist. Auq. script.,
tom. I, p. 911. Voyez encore Cassiodore,
Var. VI, 12, 15 et 16 ; — Sidon. I, 7.
Fugere post statuas,
occuli post columnas.
— Il y avait des colonnes et des
statues dans les forum des différentes cités. — Voyez
Vitruve, De Archit., V, 1 ; — Apulée,
Asini aurei,
III, 1. «
Plerique columnis implexi, alii statuis dependuli,
nonnulli per lacunaria et fenestras semiconspicui, miro tamen omnes
studio vi-sendi, pericula salutit negligebant.
» St. Basile fait allusion à cette manière de
se cacher derrière les colonnes, quand il parle des créanciers dont
les débiteurs évitent l'aspect,
in Psalmum
XIV. —
St. Ambroise a dit, d'après ce Père : «
Ille gressus delatoris siagnlos numerat, aucupatur
deflexus ; iste continuo post columnas caput obumbrat.
» Lib. de Tobia, VII.
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