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SIDOINE APOLLINAIRE

LETTRES

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

LIVRE I

Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.
par M. Eugène Baret,...  E. Thorin, 1878.

avant propos

Notice

lettres livre II

 l

LETTRE I.

SIDONIUS A SON CHER CONSTANTIUS, SALUT.

Depuis longtemps, mon digne maître, avec cette force d'autorité persuasive, avec cette rare prudence qui te caractérise, quand il s'agit de conseil, tu me demandes que s'il m'est échappé, en différentes occasions, quelques lettres un peu soignées, selon que le sujet, la personne, la circonstance me les inspirèrent, je les réunisse toutes en un seul volume, après les avoir revues et corrigées, pour suivre, dans une allure présomptueuse, le style arrondi de Q. Symmaque et l'art consommé de C. Pline. Car, pour ce qui regarde Cicéron, en fait de style épistolaire, il vaut mieux, je crois, garder le silence, puisque Julius Titianus lui-même, sous les noms de femmes illustres, n'a pu nous en retracer une digne image. Aussi, les autres disciples de Fronton, le jalousant comme un rival de gloire, l'ont-ils appelé le singe des orateurs, parce qu'il imitait un genre d'écrire suranné.

Je ne saurais t'exprimer combien, dans mon esprit, je me suis toujours placé au-dessous de ces hommes-là ; j'ai toujours cru qu'il faut laisser à chacun d'eux la prérogative que lui assurent son époque et son talent. Toutefois, je t'obéis, et je te donne ces lettres, non pas à revoir, car ce serait trop peu, mais à polir et à limer ; sachant que tu es le zélé protecteur, non seulement des lettres, mais encore de ceux qui les cultivent. Tu me pousses donc, malgré mon hésitation, sur cette mer de la renommée. Pourtant, j'aurais mieux fait de laisser dans l'oubli un ouvrage de ce genre; j'aurais dû me contenter de la gloire que m'ont donnée des vers publiés avec plus de succès que de talent; j'ai traversé les écueils, essuyé les cris de la jalousie, et depuis assez longtemps l'ancre d'une illustration suffisante pour moi, est assise au port du jugement public. Si ces bagatelles échappent aux dents de l'envie, tu ne tarderas pas à voir sortir de ma plume de nombreux volumes sur diverses matières. Adieu.

LETTRE II.

SIDONIUS A SON CHER AGRICOLA, SALUT.

PLUS d'une fois tu m'as prié de te faire connaître l'extérieur et les habitudes de Théodoric, roi des Goths, dont la renommée populaire vante la politesse. J'obéis volontiers, jaloux de satisfaire, autant que le permet l'espace d'une lettre, ta curiosité si louable et si noble.

C'est un prince bien digne d'être connu de ceux-là mêmes qui ne sont point admis à son intimité ; car Dieu, souverain arbitre, et la nature, se sont réunis pour le combler des plus heureux dons. Ses mœurs sont telles, que l'envie même, qui assiège les trônes, ne saurait lui refuser des éloges. Quant à sa taille, elle est bien proportionnée, au-dessous des plus élevées, et supérieure aux moyennes. Sa tête, arrondie par le haut, présente une chevelure frisée qui se rejette un peu vers le sommet du front. Des nerfs saillants ne viennent point déparer son cou. Un arc épais de sourcils couronne ses deux yeux. Lorsqu'il abaisse les paupières, la longueur de ses cils atteint presque le milieu de ses joues. Ses oreilles, suivant la coutume de sa nation, sont couvertes par des cheveux qui descendent en tresses. Son nez est agréablement arqué. Ses lèvres, minces et délicates, se proportionnent à sa bouche dont les angles sont peu dilatés. Si, par hasard, ses dents viennent à se montrer avec leur gracieux alignement, elles offrent une blancheur égale à celle de la neige. Chaque jour on lui coupe le poil qui pousse à l'ouverture des narines. Vers la cavité de ses tempes, se hérisse une barbe touffue, et tous les jours un barbier lui arrache avec des pinces celle qui croît depuis le bas du visage jusqu'aux joues. Son menton, sa gorge, son cou sans obésité, mais d'une carnation délicate, présentent une peau qui le dispute au lait pour la blancheur, et qui, vue de près, semble teinte du vermillon de la jeunesse ; car, la rougeur dont ses joues se colorent souvent, est plutôt l'effet de la pudeur que de la colère.

Il a les épaules bien arrondies, les bras forts et vigoureux, les mains larges, le ventre retiré en arrière et la poitrine avancée. L'abaissement de l'épine, vers les lieux où les côtes prennent naissance, partage la surface de son dos. Les saillies de ses muscles donnent à ses côtés beaucoup d'élévation. Une ceinture environne ses flancs pleins de vigueur. Ses cuisses présentent le poli de l'ivoire ; ses jarrets sont mâles et nerveux ; ses genoux sans rides et bien conformés. Ses jambes s'appuient sur des mollets arrondis, et des membres si vastes reposent sur un très petit pied.

Me demandes-tu quelles sont ses actions journalières et publiques? Il se rend avec une suite peu nombreuse aux assemblées de ses prêtres, qui précèdent l'aube du jour; il prie avec grande attention, mais, quoiqu'il le fasse à voix basse, l'on peut remarquer aisément que cette observance extérieure tient plutôt de l'habitude que de la religion. Les soins qu'exige l'administration du royaume, occupent le reste de la matinée. Un écuyer de sa suite se tient debout auprès de son siège ; on introduit la troupe des gardes revêtus de fourrures, afin qu'ils ne s'éloignent pas ; on les écarte ensuite, de peur qu'ils ne fassent trop de bruit, et ainsi, ils parlent à leur aise devant les portes, en dehors des rideaux et en dedans des barrières. Cependant, on fait entrer les envoyés des puissances ; le roi écoute beaucoup, répond assez peu. S'agit-il de discuter quelque affaire; il ne se presse pas. S'agit-il de l'expédier ; il ne met point de retard. Est-ce la deuxième heure; il se lève de son siège pour visiter ses trésors ou ses haras. S'il veut aller à la chasse, après l'avoir toutefois annoncé d'avance, il regarde comme au-dessous de la majesté royale d'attacher un arc à son côté: lui montre-t-on alors, ou le hasard lui vient-il offrir dans la route un oiseau, une bête sauvage à sa portée, il tend la main en arrière et reçoit de celle d'un page un arc dont la corde flotte détendue; car, de même qu'il regarde comme puéril de le porter dans un étui, il croit aussi qu'une femme seule peut l'accepter déjà tout prêt. Ainsi donc, après l'avoir reçu, tantôt il le bande en faisant fléchir les deux bouts; tantôt, appuyant contre son talon l'extrémité où se trouve le nœud, il pousse du doigt la boucle pendante et mobile ; puis il prend des traits, les ajuste, les chasse. Il demande auparavant ce que vous désirez qu'il frappe : vous désignez l'objet, il l'atteint aussitôt. Et si l'un des deux doit se tromper, le coup de celui qui décoche le trait est moins souvent en défaut, que la vue de celui qui indique le but.

Dans les festins, car ses repas ordinaires ne différent point de ceux d'un particulier, on ne voit jamais un esclave essoufflé placer sur des tables fléchissantes une grande quantité d'argenterie grossière et jaunâtre. On met alors beaucoup de réserve dans les paroles; car, ou l'on garde le silence, ou l'on ne tient que des propos sérieux. Les garnitures des lits de table, et les autres meubles de la salle, sont tantôt de pourpre, tantôt de fin lin. Ce qui fait le prix des mets, c'est l'art et non pas la valeur; la vaisselle se recommande bien plus par la netteté que par le poids. Les convives ont plutôt à se plaindre du petit nombre de santés qu'on leur porte, qu'ils ne sont obligés de refuser les coupes et les patères, pour avoir trop bu. En un mot, on remarque dans ses repas l'élégance des Grecs, l'abondance des Gaulois, la célérité des Italiens, la pompe d'une fête publique, l'attention d'une table privée, l'ordre qui sied à la demeure d'un roi. Mais il est inutile de te parler plus longtemps de ce luxe d'apparat, qui ne saurait être ignoré des personnes même les plus éloignées du monde. Revenons à notre sujet.

Après le repas, Théodoric souvent ne fait point la sieste, ou ne la fait que très courte. Quand il veut jouer, il ramasse les dés avec vitesse, les examine avec sollicitude, les agite avec adresse, les lance avec vivacité, les interpelle en plaisantant, les attend avec patience. Si les coups sont heureux, il se tait; s'ils sont malheureux, il rit ; jamais il ne s'emporte, toujours il se conduit en sage. Il dédaigne également de craindre la revanche, ou de la prendre; il méprise les chances favorables qu'on lui offre; sont-elles contraires, il passe outre. On se retire sans bruit, Théodoric se retire sans tricherie. Vous le croiriez, au milieu même du jeu, tout occupé de guerre. L'unique objet pour lui, c'est la victoire.

Dans ces circonstances, il dépose un peu la gravité royale, exhorte à jouer avec liberté, comme entre des égaux. Pour te dire mon sentiment, il a peur d'être craint. Il s'amuse de l'émotion du vaincu, et croit enfin qu'on ne s'est point laissé gagner par déférence, quand l'humeur d'un antagoniste vient le convaincre de son triomphe. Ce qui te surprendra, c'est que souvent cette joie, qui résulte des causes les plus simples, fait valoir le mérite des affaires les plus importantes. Alors, des grâces qui avaient été refusées à la protection, sont accordées subitement. Alors, moi-même, si j'ai quelque chose à demander, je me tiens heureux d'être vaincu, puisque ma défaite au jeu amène le succès de ma requête.

Vers la neuvième heure, les soins fatigants du trône commencent à renaître. Viennent les solliciteurs, viennent ceux qui les éloignent ; partout frémissent la cabale et l'intrigue. La foule s'éclaircit à l'approche du souper du roi, puis se disperse chez les courtisans, et chacun veille auprès de son patron, jusqu'au milieu de la nuit. Quelquefois, mais rarement, on donne pendant le souper, un libre cours aux saillies des mimes, de manière toutefois que nul convive ne devienne le but d'une épigramme sanglante et envenimée. On n'entend là néanmoins ni orgues hydrauliques, ni concerts savants et étudiés. Là, point de joueur de lyre, point de joueur de flûte, point de maître de chœur ; point de femme qui joue du sistre ou de tout autre instrument ; le roi n'admet que les musiciens dont les sons ne plaisent pas moins à l’âme, que les chants à l'oreille. Quand il s'est levé de table, les gardes du trésor commencent leurs fonctions nocturnes; ils se tiennent armés devant les portes du palais royal, ou ils doivent veiller pendant les heures du premier sommeil.

Et quel rapport tout ceci peut-il avoir à mon sujet, puisque je ne t’ai point promis de te parler au long du gouvernement, mais de te dire quelques mots sur le prince? Il convient que je pose ici la plume, car tu as seulement demandé que je te fisse connaître les goûts et la personne de Théodoric; et moi, j'ai voulu écrire, non pas une histoire, mais une lettre. Adieu.

LETTRE III.

SIDONIUS A SON CHER PHILIMATIUS, SALUT.

COURAGE donc, chasse-moi du sénat après m'avoir demandé, suivant les lois contre la brigue, pourquoi je mets tant d'efforts à obtenir une dignité héréditaire, moi dont le père, le beau-père, l'aïeul, le bisaïeul ont été préfets de Rome et du prétoire, maîtres du palais et commandants des armées. Voilà que mon cher Gaudentius, jusqu'ici simple tribun du prétoire, laisse bien loin derrière lui nos concitoyens engourdis et inactifs, et s'élève à la dignité de vicaire. A la vérité, nos jeunes gens murmurent de voir ainsi leur noblesse abaissée; mais Gaudentius, qui dépasse ses détracteurs, n'est accessible à nul autre sentiment qu'à celui de la joie. On respecte donc un homme jusque-là méprisé; on s'émerveille des soudaines faveurs de la fortune, et celui qu'on dédaignait perdu dans la foule, on l'admire aujourd'hui siégeant sur le tribunal. Gaudentius, par la voix rauque du crieur, frappe les oreilles quelquefois assoupies des envieux; et si vive que soit l'inimitié qui les excite contre lui, néanmoins ils sont assignés devant les bancs des avocats. Il te faut donc, par le privilège de conseiller préfectorial qui t'est offert, et qui t'élève à la participation de la préfecture elle-même, compenser promptement la perte d'une autre dignité ; car, si tu viens au conseil sans cette prérogative, il semblera que ta n'aies exercé que les fonctions de vicaire. Adieu.

LETTRE IV.

SIOONIUS A SON CHER GAUDENTIUS, SALUT.

COURAGE, très noble citoyen; ton mérite t'a donné les faisceaux, et, pour posséder ces titres, ces hautes dignités, tu n'as fait valoir ni l'opulence de ta mère, ni les largesses de tes ancêtres, ni les joyaux de ton épouse, ni les trésors de ton père ; au contraire, ce qui t'a recommandé dans la maison du prince, c'est ta franchise, ton application bien éprouvée, et le bon choix de tes connaissances. O trois et quatre fois heureux, toi, dont l'élévation réjouit tes amis, afflige tes envieux, illustre tes descendants, sert d'exemple aux hommes de cœur et d'activité, d'encouragement aux lâches et aux paresseux ! S’il se trouve des personnes toutefois qui ambitionnent plus tard de l’imiter, elles se devront peut-être à elles-mêmes de t'atteindre ; mais elles se devront sans doute de venir après toi. Il me semble voir, cela soit dit sans offenser les gens de bien, il me semble voir cette paresse orgueilleuse des envieux, ce dégoût de combattre si ordinaire aux lâches, lorsque, dans le désespoir de s'élever, ils philosophent à table, vantent les loisirs de ceux qui ne sont point dans les honneurs, et cela par un vice de paresse, plutôt que par un désir de perfection. Les anciens rejetaient un pareil prétexte, de peur que les enfants ne s'en autorisassent ; ainsi, comparant à des pièces d'étoffe les essais d'éloquence des jeunes gens, ils disaient qu'il est plus difficile d'allonger un discours peu étendu que de le raccourcir.

En voilà bien assez sur ce sujet ; sois persuadé, je te prie, que j'ai la volonté sincère de correspondre à ton amitié, si Dieu toutefois, favorisant de louables désirs, me ramène sain et sauf auprès de toi. Adieu.

LETTRE V.

SIDONIUS A SON CHER HERONIUS, SALUT.

J'ETAIS à Rome, lorsque j'ai reçu la lettre par laquelle tu me demandes avec empressement si les affaires, objet de mon voyage, marchent suivant notre commun désir. Tu veux aussi connaître par quelle route et de quelle manière j'ai voyagé, quels fleuves illustrés par les chants des poètes, quelles villes remarquables par leur situation, quelles montagnes fameuses, quelles plaines célèbres par les combats qui s'y sont livrés, j'ai vus dans mon chemin: tu trouves, en effet, une sorte de plaisir à connaître, par le récit fidèle de témoins oculaires, les choses que tu as apprises dans les livres. Je me réjouis donc du désir que tu manifestes de connaître ce que je fais ; une telle curiosité ne part que de ton cœur. Je vais, contre l'ordinaire, te peindre d'abord, avec l'aide de Dieu, les agréments de mon voyage, quoique nos ancêtres commençassent par le récit des événements fâcheux.
En sortant des murs de notre Rhodanusia, je me servis de la poste impériale, comme appelé par l'empereur lui-même; sur ma route, s'offraient les demeures de mes connaissances et de mes proches; ce qui me retardait, ce n'était donc pas le manque de voitures, mais la foule de mes amis; ils me serraient en d'étroits embrassements, et me souhaitaient à l'envi un heureux voyage, un retour plus heureux encore. C'est ainsi que j'arrivai aux Alpes; je les franchis promptement et sans peine, entre les flancs escarpés de montagnes effrayantes, par un sentier doux que la neige avait creusé sur le chemin ordinaire. Si quelques fleuves n'étaient point navigables, on pouvait aisément les passer à gué, ou du moins sur des ponts voûtés en arcs, élevés par les anciens, et dont le ceintre s'étend depuis les fondements jusqu'à la chaussée, revêtue de cailloux. Je montai sur la diligence du Tésin, qui me conduisit bientôt à l'Eridan ; je ris beaucoup des sœurs de Phaéton, que nous avons souvent chantées à table, et des larmes d'or qu'elles répandaient avant d'être changées en arbre. Porté un peu en travers des bouches du bourbeux Lambro, du bleuâtre Adda, du rapide Adige, du paresseux Mincio, je vis jusque dans leurs lits ces fleuves qui prennent leurs sources aux monts Liguriens et Euganées; les rives en sont couvertes de forêts de chênes et d'érables. On y entend les doux concerts des oiseaux, dont les nids se balancent cachés tantôt parmi les roseaux creux, tantôt parmi les joncs acérés, tantôt parmi des broussailles flexibles; tous ces arbustes, nourris par l'humidité du sol, croissent pêle-mêle sur les bords de ces rivières. Chemin faisant, j'arrivai à Crémone, dont le voisinage fut autrefois si déploré par le berger de Mantoue. Ensuite, pendant que les rameurs vénitiens cédaient la place à ceux d'Emilie, j'entrai à Brixillum, pour en sortir aussitôt; puis dirigeant notre course sur la droite, nous parvînmes à Ravenne: là, vous ne sauriez dire si la voie de César, qui passe au milieu, joint ou sépare l'ancienne ville et le nouveau port. Le Pô s'y divise en deux parties, dont l'une traverse les deux villes , dont l'autre les baigne. Ce fleuve fut autrefois détourné de son lit naturel par les digues qu'on lui opposa; maintenant il coule dans des canaux, et se partage de manière que, en embrassant la ville, il lui sert de défense, et que, en la traversant, il la rend commerçante. Tout, dans cet endroit, favorise le négoce : les vivres y arrivent en abondance; mais, avec cela, l'onde salée de la mer se précipitant par les portes, d'un autre côté, la boue fétide étant sans cesse agitée au fond des canaux par les barques qui vont et viennent, et par les piques des rameurs, nous avions soif au milieu même des eaux. Du reste, aucun endroit de la ville où l'eau des aqueducs soit pure, point de citerne qui puisse être clarifiée, point de source qui ne soit bourbeuse, point de fontaine sans limon.

Sortis de Ravenne, nous arrivâmes au Rubicon , ainsi nommé à cause de la couleur pourprée de son gravier. Ce fleuve servait jadis de limite aux Gaulois Cisalpins, et aux anciens Italiens, lorsque les villes qui bordent la mer Adriatique étaient partagées entre ces deux peuples. De là, j'arrivai à Rimini et à Fano, villes également célèbres , l'une par la révolte de Jules César, l'autre par la mort d'Asdrubal. Près de la première de ces cités coule le Métaurus; le nom qu'il s'est acquis en un jour, se perpétue, comme si ses flots décolorés roulaient encore des cadavres sanglans dans la mer de Dalmatie. Je ne fis plus ensuite qu'apparaître dans les différentes villes qui bordent la voie Flaminienne ; je laissai à gauche le Picenum, et à droite l’Umbrie. Dans ces contrées, l'Atabulus de Calabre, la région pestilentielle de Toscane, l'air chargé d'exhalaisons empoisonnées, le passage subit et alternatif du froid au chaud, m'épuisèrent et me firent tomber malade. Cependant, la fièvre et la soif me dévoraient les entrailles. Pour les apaiser, je promettais à leur avidité, non seulement les eaux délicieuses des fontaines ou des sources cachées, mais encore toutes celles qui étaient voisines, ou qui pourraient s'offrir à ma vue, c'est-à-dire les eaux limpides du Fucin, celles du froid Clitumne, du bleu Téveron, du sulfureux Naro, l'onde pure du Fabaris, et l'eau trouble du Tibre; toutefois c'était en vain.
Cependant Rome s'offrit à mes regard»; il me semblait que j'allais épuiser et ses aqueducs, et ses naumachies. Avant d'atteindre le Pomœrium, je me prosternai sur le seuil triomphal des Apôtres, et je sentis tout à coup se dissiper la langueur qui accablait mes membres. Après avoir éprouvé, d'une manière aussi miraculeuse, l'assistance du Ciel, j'entrai dans une hôtellerie dont j'ai loué une portion, et c'est là que maintenant je t'écris de mon lit; je prends un peu de repos, avant de me présenter aux portes tumultueuses du prince et des courtisans. A mon arrivée, on célébrait les noces du patrice Ricimer, et de la fille de l'empereur, unis ensemble dans l'intérêt de la tranquillité publique.

Au milieu de cette joie commune non seulement à tous les ordres de citoyens, mais encore aux différents partis, j'envie le repos tranquille dont vous jouissez au-delà des Alpes. Au moment où je t'écris ces lignes, on affiche des épithalames en vers fescennins à la porte de tous les théâtres, dans tous les marchés, au prétoire, dans toutes les places publiques, sur les murs des temples et des gymnases. Les études sont suspendues, les affaires laissées de côté, les tribunaux se taisent, les députations sont différées, toute brigue est interrompue, et, devant les bouffonneries des histrions, toute occupation sérieuse disparaît. Déjà la jeune vierge est livrée à Ricimer; déjà il a reçu la couronne de l'époux, la robe brodée de palmes du consulaire; déjà la conductrice s'est vêtue de la cyclade; Ricimer a pris la toge du sénateur; déjà il dépose l'humble manteau, et néanmoins la pompe nuptiale continue, parce que la nouvelle mariée n'a point encore été conduite à la maison de son époux. Une fois ces réjouissances finies, je te ferai part de mes démarches, si pourtant la fin de la solennité vient mettre un terme à ces loisirs si agités de toute une ville. Adieu.

LETTRE VI.

SIDONIUS A SON CHER EUTROPIUS, SALUT.

DEPUIS longtemps, sans doute, je désirais t'écrire; aujourd'hui que, grâces au Christ, je prends le chemin de Rome, je suis bien plus porté à le faire. L'unique, ou plutôt le vrai motif qui me presse, c'est l'envie que j'ai de t'arracher à la profondeur de ton repos domestique, pour l'engager à solliciter les charges du palais. Je dois ajouter à cela que, par la faveur de Dieu, tu es dans toute la vigueur de l'âge, du corps, de l'esprit, puis ensuite que tu es abondamment pourvu de chevaux, d'armes, de vêtements, de richesses, d'esclaves, et que, si je ne me trompe, tu crains seulement de commencer. Actif, comme tu l'es, dans ton intérieur, une sorte d'inertie et je ne sais quel découragement te font reculer devant un voyage en pays étranger; si toutefois un homme de race sénatoriale, qui chaque jour a sous les yeux les images de ses ancêtres vêtus de la trabée, peut dire avec raison qu'il a quitté son pays, lorsqu'une fois, et dans sa jeunesse, il a vu le domicile des lois, le gymnase des lettres, le palais des dignités, le faite du monde, la patrie de la liberté, l'antique cité de l'univers, ou les Barbares seuls et les esclaves puissent être étrangers. Et maintenant, ô honte! tu restes parmi des bouviers rustiques et de vils porchers. Fendre la terre avec une charrue tremblante; butiner les vertes richesses des prairies, penché sur la faux recourbée; labourer, incliné sur le hoyau, une vigne chargée de sarments, c'est là maintenant pour toi le comble de la félicité. Que ne te réveilles-tu plutôt, afin que ton esprit, abandonnant la mollesse et la torpeur d'un ignoble loisir, s'élève à de plus grandes choses. Il n'appartient pas moins à un homme de ton rang, de cultiver sa personne que sa villa. Et d'ailleurs, ce que tu nommes l'exercice de ta jeunesse, n'est autre chose que le repos des vétérans, dont les mains affaiblies échangent le glaive rouillé pour le hoyau tardif. Soit : des vins abondants écumeront dans tes celliers agrandis; tes greniers se rompront sous des monceaux de blé; un pâtre robuste enfermera dans ton immense bergerie un nombreux troupeau, qui t'offre son lait avec ses mamelles pendantes; que sert-il d'accroître ainsi ton patrimoine, et de t'y cacher non seulement au milieu de toutes ces choses, mais, ce qui est plus honteux, pour ces choses mêmes? Ce ne sera pas à tort que, dans nos assemblées, derrière des jeunes gens assis au tribunal et ouvrant leur avis, la sentence d'un pauvre parvenu aux honneurs tombera sur toi, obscur citoyen des champs, vieillard debout, noble perdu dans la foule, lorsque tu verras avec douleur que tu as été devancé par des hommes, pour qui c'eût été déjà trop de suivre nos pas. Qu'ajouter de plus? Si tu te rends à mes exhortations, je serai le compagnon, l'aide, le guide de tes efforts; j'y prendrai part. Mais si, retenu dans les liens enchanteurs du plaisir, tu aimes mieux t’attacher aux dogmes d’Epicure, qui rejette la vertu et place le souverain bien dans les voluptés du corps, j'atteste nos ancêtres, j'atteste nos descendants que je suis étranger à cette conduite.

LETTRE VII.

SIDONIUS A SON CHER VINCENTIUS, SALUT.

LE malheur d'Arvandus m'afflige, et je ne le dissimule pas. Car, ce qui met le comble à la gloire de l'empereur, c'est qu'on peut aimer publiquement ceux-mêmes qui sont condamnés à la peine capitale. J'ai été ami de cet homme, au-delà de ce que pouvaient souffrir la faiblesse et la légèreté de son caractère. Ce qui l'atteste, c'est la haine que je me suis attirée depuis peu à cause de lui, et dont les feux m'ont consumé dans mon imprudence. Mais, si j'ai persévéré dans son amitié, je le dois à moi-même. Pour lui, il ne sut jamais être constant, je m'en plains avec franchise, et non point pour insulter à son malheur ; car, en méprisant les conseils de ses plus fidèles amis, il a été en tout le jouet de la fortune ; enfin, si quelque chose peut m'étonner, ce n'est pas qu'il soit tombé, mais qu'il ait été si longtemps debout.

Oh ! combien de fois ne se vantait-il pas lui-même d'avoir souvent bravé l'infortune ! et combien de fois n'avons-nous pas déploré de toute notre âme une imprudence qui devait, tôt ou tard, l'entraîner à sa ruine ! Nous étions loin de regarder comme heureux un homme dont le bonheur était plutôt passager que durable. Tu me demandes quelle a été sa manière de gouverner. Avec tous les égards que l'on doit à un ami dans le malheur, je t'exposerai la chose en peu de mots.
Arvandus a géré sa première préfecture au milieu de l'affection publique, et la suivante au milieu des plus criantes exactions. Accablé de dettes, et dans la crainte de ses créanciers, il portait envie aux grands qui devaient lui succéder. Il se moquait de tout, voulait tout savoir, méprisait les bons offices, concevait des soupçons contre ceux qui le voyaient rarement, se dégoûtait de ceux qui le voyaient assidûment, tant qu'à la fin, succombant sous le poids de la haine publique, et investi de gardes avant même d'être dépouillé de sa puissance, il fut, pris et envoyé à Rome. Là, il se vanta fièrement d'avoir côtoyé sans danger les bords orageux de la mer de Toscane, comme si la conscience ne lui eût rien reproché et que les éléments eussent été, en quelque sorte, à ses ordres. Il était gardé au Capitole par son hôte Flavius Asellus, maître des trésors sacrés, qui respectait encore en lui le dernier éclat d'une dignité dont il venait d'être dépouillé. Sur ces entrefaites, arrivèrent les députés de la province des Gaules, Tonantius Ferréolus, ex-préfet du prétoire et petit-fils du consul Afranius Syagrius, Thaumastus et Petronius, personnages doués d'une haute éloquence, d'une rare habileté dans les affaires, et dignes d'être placés parmi les hommes qui honorent le plus notre patrie; ils venaient à la suite d'Arvandus, munis des pièces nécessaires, l'accuser au nom de leur province. Entre autres preuves pour établir leur accusation, ils portaient une lettre interceptée, que le secrétaire d'Arvandus, arrêté lui aussi, confessait lui avoir été dictée par son maître. Cette lettre paraissait être adressée au roi des Goths, pour le dissuader de faire la paix avec l'empereur grec, pour lui faire entendre qu'il fallait attaquer les Bretons établis sur la Loire, pour lui assurer que, selon le droit des gens, les Gaules devaient être partagées avec les Bourguignons ; elle contenait plusieurs autres folies à peu près semblables, propres à allumer la colère d'un roi féroce, et à faire rougir un prince doux et pacifique. Les jurisconsultes la déclaraient à l'envi un véritable crime de lèse-majesté.
Auxanius, personnage très distingué, et moi, nous ne pûmes ignorer tout ce qui se passait; nous regardions comme une chose lâche, perfide et barbare, d'abandonner dans sa disgrâce Arvandus, notre ami commun, quoi qu'il en fût d'ailleurs. Nous rapportâmes donc à cet homme trop présomptueux toutes les machinations qui s'apprêtaient contre lui, et que des adversaires violents et passionnés se proposaient de tenir artificieusement cachées jusqu'au jour du jugement, afin sans doute d'embarrasser, par l'aveu d'une réponse précipitée, un coupable pris au dépourvu, qui repoussait les conseils de ses amis, pour ne s'en fier qu'à lui seul. Nous lui dîmes alors ce qui nous semblait, à nous et à ses amis les plus intimes, un moyen de sûreté. Nous lui conseillâmes de ne faire aucun aveu, quand même cet aveu lui paraîtrait sans importance pour ses ennemis; cette dissimulation les jetterait dans un rude embarras, et les empêcherait d'établir facilement leurs preuves. Après nous avoir entendus, il se détourne de nous, et éclate aussitôt en injures. « Allez, dit-il, hommes dégénérés, et indignes d'avoir eu pour pères des préfets du prétoire, allez avec cette crainte puérile; puisque vous n'y entendez rien, laissez-moi le soin de cette affaire. Arvandus a bien assez de sa conscience ; à peine daignerai-je souffrir que des avocats me défendent contre l'accusation de péculat. » Nous nous retirâmes avec tristesse, aussi confus de son injustice, qu'accablés de chagrin car, où est le médecin qui pourrait se fâcher, toutes les fois que la rage s'empare d'un furieux? Cependant notre coupable parcourait, vêtu de blanc, la place du Capitale; tantôt il se repaissait de trompeuses salutations ; tantôt il écoutait avec plaisir, et comme aux jours de son élévation, les vaines flatteries de la foule ; tantôt il recherchait les étoffes de soie, les pierreries et tous les précieux tissus des marchands, les regardait comme pour les acheter, les prenait, les dépréciait, les déroulait, et, au milieu de tout cela, invectivait hautement contre les lois, les temps, le sénat, le prince, et se plaignait de ce que, loin de punir d'abord ses ennemis, on discutait sa cause. Quelques jours se passent, tout le sénat se réunit dans la salle destinée à l'examen des accusés, comme on me l'a rapporté depuis; car, dans l'intervalle, j'avais quitté la ville. Quelques instants auparavant, Arvandus s'était rendu au palais, plus propre, plus paré qu'à l'ordinaire, tandis que ses accusateurs à demi-vêtus de deuil, et dans un costume négligé, attendaient les messagers des décemvirs, et que, par ce deuil concerté, ils s'emparaient de la commisération qui n'était due qu'à l'accusé, jetant sur lui de l'odieux avec ces vêtements en désordre. Les parties sont appelées et introduites; elles se tiennent, suivant l'usage, debout et éloignées. Avant de commencer la plaidoirie, on offre aux prétoriens la permission de s'asseoir. Arvandus, alors, poussé par une funeste imprudence, va rapidement se placer presque au milieu des juges. Ferréolus, ses collègues à ses côtés, s'assied modestement et sans précipitation sur le bout d'un banc, de manière à faire voir qu'il ne se ressouvenait pas moins de sa qualité de légat que de son rang de sénateur, conduite qui, plus tard, lui valut des éloges et de la gloire. Cependant, les grands personnages qui manquaient étaient arrivés; les parties se lèvent, et les députés exposent leurs plaintes. Après le décret de la province, ils présentent la lettre dont j'ai parlé plus haut; et, pendant qu'on la lisait, Arvandus, que l'on n'interrogeait pas encore, s'écrie qu'il l'a dictée lui-même. Les députés ajoutent qu'elle est bien de lui, quoique cela déjà fût malheureusement trop certain. Mais Arvandus, hors de lui, et ne connaissant pas toute la gravité de sa position, achève de se perdre par un aveu répété deux ou trois fois; ses accusateurs poussent des acclamations, les juges s'écrient qu'il est, de son propre aveu, convaincu du crime de lèse-majesté. Il y avait aussi contre lui mille textes de lois pour le condamner.

Alors enfin, il se repentit vainement d'avoir parlé avec imprudence; il changea de visage, reconnaissant trop tard qu'on pouvait être déclaré criminel de lèse-majesté, même sans avoir aspiré à la pourpre. Il se voit dépouillé sur-le-champ des privilèges de la double préfecture qu'il avait exercée pendant cinq ans; rendu et non ajouté à la classe plébéienne, il est envoyé dans la prison publique. Ce qu'il y eut de plus cruel pour lui, comme le rapportent des témoins oculaires, c'est qu'après s'être présenté devant les juges, élégamment paré, tandis que ses accusateurs étaient en habits de deuil, il ne pouvait, dans son malheur, éveiller aucune pitié, quand on l'entraînait après sa condamnation. Quel est celui, en effet, qui serait fort touché de la situation d'un homme, bien paré et bien parfumé, que l'on conduirait aux carrières ou à la prison des esclaves? Son jugement fut à peine différé de quinze jours; condamné à mort, il fut jeté dans l’île du serpent d'Epidaure. Là, défiguré jusqu'à exciter la compassion même de ses ennemis, et banni du théâtre des choses humaines par le courroux d'une fortune dédaigneuse, il doit, suivant le sénatus-consulte de Tibère, traîner un reste de vie pendant trente jours après la sentence, redoutant à chaque heure les crampons de fer, les gémonies et la corde hideuse du bourreau.

Pour nous, autant qu'il est en notre pouvoir, absent comme présent, nous faisons des vœux, nous redoublons de prières et de supplications, afin que le glaive déjà tiré suspende ses coups, et que la clémence de l'empereur punisse tout au plus de l'exil, même après la confiscation de ses biens, un homme à demi-mort. Soit qu'il attende, le dernier supplice, soit qu'il doive l'endurer, rien n'égale son infortune, si, malgré tant d'affronts et tant d'outrages, il craint encore quelque chose de plus que de vivre. Adieu.

LETTRE VIII.

SIDONIUS A SON CHER CANDIDIANUS, SALUT.

Te me félicites de mon séjour à Rome, mais toutefois d'un ton facétieux et railleur. Tu te réjouis, dis-tu, de ce que ton intime ami peut voir enfin le soleil à son aise, lui qui a joui si rarement de sa vue, tant qu'il n'a bu que les eaux de la Saône. Car, tu me parles ironiquement du ciel nébuleux de mes Lyonnais, et tu te plains de ce que la chaleur du midi éclaircit à peine le jour voilé sous les brouillards du matin. Et c'est toi, habitant de la fournaise plutôt que de la ville de Césène, c'est toi qui viens nous dire de pareilles choses ! Certes, en quittant ton pays natal, tu m'as bien fait connaître ce que tu penses de ses agréments, de ses avantages, puisque c'est pour toi un bonheur de t'exiler à Ravenne, où les cousins du Pô vous percent les oreilles, où la troupe coassante des grenouilles du municipe sautille à tes côtés. Dans ce marais fétide, où les lois de toutes choses sont éternellement renversées, les murailles croulent, les eaux restent stagnantes, les tours flottent, les vaisseaux reposent immobiles, les malades se promènent, les médecins sont alités, les bains sont glacés, les maisons brûlantes, les vivants meurent de soif, les morts nagent, les voleurs veillent, le pouvoir dort, les clercs se font usuriers, les Syriens chantent l'office, les marchands sont soldats, les soldats marchands, les vieillards jouent à la paume, les jeunes gens au dé, les eunuques s'exercent aux armes, les alliés à la littérature. Vois quel lieu tu prends pour y fixer tes dieux lares ! une cité ou l'on trouve bien plus de territoire que de terre labourable. Ne t'avise donc plus de critiquer les paisibles Transalpins qui, satisfaits du sol natal, ne trouveraient pas leur gloire bien relevée, s'ils ne brillaient que par la comparaison avec ceux dont le climat ne vaut pas le leur. Adieu.

LETTRE IX.

SIDONIUS A SON CHER HERONIUS, SALUT.

APRES les noces du patrice Ricimer, c'est-à-dire, après la dissipation des richesses de l'un et de l'autre empire, on rentra enfin dans le calme public, et les choses reprirent leur allure accoutumée. Cependant, accueilli sous le toit du prétorien Paulus, aussi respectable par le savoir que par la vertu, je recevais tous les bons offices d'une douce et gracieuse hospitalité. Assurément, dans quelque genre de science que ce puisse être, cet homme n'a pas de rival. Bon Dieu! quelles propositions captieuses! quelle éloquence fleurie! quels vers harmonieux! quelle merveilleuse adresse dans les doigts! Une chose néanmoins surpasse en lui toutes ces rares qualités, c'est qu'il a une âme bien supérieure à cet éminent savoir. J'ai donc fait sonder par lui tout le premier, s'il est quelque moyen d'avoir à la cour un accès favorable ; avec lui, j'ai examiné quels sont ceux d'entre les grands qui pourraient le mieux seconder nos espérances. Et certes, nous ne devions pas hésiter longtemps, car il y en avait peu dont le patronage put laisser notre choix indécis. Le sénat comptait sans doute parmi ses membres des hommes d'une grande opulence, d'une haute extraction, d'un âge vénérable, d'une sagesse reconnue, d'an rang élevé, d'une égale considération ; mais, sans rien ôter à leur mérite, je dirai que l'on remarquait spécialement deux consulaires fort distingués, Gennadius Avienus et Caecina Basilius. Ces illustres sénateurs, si vous exceptez la prérogative de la milice, étaient, sans contredit, les premiers de l'état après l'empereur. L'un et l'autre, avec un naturel merveilleux, offraient pourtant une diversité de caractère ; et s'ils se ressemblaient, c'était plutôt par le crédit et la considération, que par les goûts et les manières. Je vais donner en peu de mots quelques détails à ce sujet.

La fortune seule avait conduit Avienus au consulat, Basilius y était arrivé par son mérite. Avienus était donc renommé pour l'heureuse rapidité avec laquelle il avait obtenu les honneurs ; Basilius, pour le nombre de dignités qu'il avait acquises, quoique assez tard. Venaient-ils à sortir de leurs demeures, une foule nombreuse de clients se pressait devant eux, derrière eux, à leurs côtés ; mais, quoiqu'ils fussent égaux, les espérances et les prétentions de leurs amis étaient fort inégales. Si Avienus avait quelque pouvoir, il l'employait à l'avancement de ses fils, de ses gendres, de ses frères ; toujours assiégé de candidats domestiques, il lui était plus difficile de satisfaire aux sollicitations du dehors. On préférait donc la famille Décienne à celle de Corvinus, parce que Basilius, simple particulier, donnait généreusement aux étrangers ce qu'Avienus, dans les honneurs, n'obtenait que pour les siens. Avienus ouvrait son âme à tous les solliciteurs, et de prime abord, mais sans utilité pour eux ; Basilius ne s'ouvrait qu'à peu de gens, après de longues entrevues, mais avec de féconds résultats. Ils n'étaient ni l'un ni l'autre d'un accès difficile, embarrassant ; mais si vous les cultiviez tous deux, Avienus vous accordait plus facilement son amitié, Basilius un bienfait. Toutes choses longtemps balancées, et après des rapports mutuels, je résolus, tout en conservant des égards pour le vieux consulaire chez lequel j'allais assez souvent, de m'attacher de préférence à ceux qui fréquentaient Basilius. Tandis que, par le moyen de ce personnage remarquable, je tachais d'obtenir quelque chose au nom des députés de l'Auvergne, arrivèrent les calendes de janvier, temps où l'empereur allait commencer un second consulat, et inscrire de nouveau son nom dans les fastes. « Allons, mon cher Sollius, me dit alors mon patron : quoique vous soyez accablé sous le poids de l'affaire dont vous êtes chargé, je veux que vous ranimiez encore votre muse en l'honneur du nouveau consul, et que vous fassiez, même à la hâte, quelques vers de souhait et de félicitation. Je pourrai vous introduire chez le prince, vous faciliter les moyens de les lui débiter, vous obtenir un succès honorable: Si vous en croyez mon expérience, cette bagatelle avancera beaucoup vos affaires. » J'obéis à ses ordres ; il ne retira point ses faveurs à des vers qu'il m'avait demandés; et garant, en quelque sorte, de mon dévouement, il fit si bien avec le nouveau consul, que celui-ci me nomma aussitôt préfet du sénat.

Mais, si je ne me trompe, ennuyé de la longueur de ma lettre, tu auras maintenant plus de plaisir peut-être à lire les vers de cet opuscule : mon poème te parviendra donc en même temps que cette missive qui doit causer et s'entretenir avec toi quelques jours, jusqu'à mon arrivée. Si tu m'accordes ton suffrage, j'en serai tout aussi flatté que je pourrais l'être aux comices ou bien aux rostres, en voyant mes paroles accueillies par les nombreux applaudissements des sénateurs et des tribus. Ne va pas toutefois, je t'en avertis et je te le déclare, comparer ces bagatelles aux productions de ta muse. Car, si mes vers osaient se rapprocher des tiens, ils mériteraient d'être comparés, non point à l'éclat des chants héroïques, mais aux pleurs des épitaphes. Réjouis-toi cependant de ce que mon panégyrique a obtenu, si non la renommée, du moins le résultat d'un bon ouvrage. C'est pourquoi, s'il faut égayer par des plaisanteries un sujet grave d'ailleurs, je veux, imitateur du Pyrgopolynice de Plaute, achever ma page en glorieux, c'est-à-dire à la Thrason. Comme j'ai obtenu, avec l'aide du Christ, la préfecture à l'occasion de ce poème, fais donc, en considération de ma dignité nouvelle, que des acclamations unanimes et générales élèvent jusqu'aux nues mon éloquence, si je te plais ; mon bonheur, si je te déplais. Il me semble voir déjà comme tu ris, en comparant mes prétentions avec la jactance de ce présomptueux soldat du poète comique. Adieu.
LETTRE X.
SIDONIUS A SON CHER CAMPANIUS, SALUT.
J'AI reçu par le préfet des vivres la lettre dans laquelle tu me le recommandes à moi, nouveau magistrat, comme un de tes anciens amis. Je te remercie beaucoup, je te rends de grandes actions de grâces, de ce que tu as assez bien jugé de mon amitié, pour estimer qu'elle est sûre, pour croire qu'elle est constante. C'est très volontiers, c'est même avec une sorte d'empressement, que je ferai sa connaissance, que j'accueille son amitié ; car je sens que cette condescendance resserrera les nœuds qui nous unissent l'un à l'autre. Pour toi, recommande-moi à sa vigilance, c'est-à-dire, recommande-lui ce qui concerne ma réputation. Je crains que les cris tumultueux du théâtre ne me reprochent la souffrance du peuple romain, et que l'on ne m'impute la disette publique, à moi malheureux magistrat. Je vais l'envoyer au port sur le champ, parce que j'apprends que cinq vaisseaux, partis de Brindes avec du froment et du miel, ont abordé aux bouches du Tibre. Si le préfet répond à mon impatience, il se hâtera d'offrir à l'attente du peuple tout ce que portent ces vaisseaux; il se rendra par là recommandable à moi-même, il me mettra dans les bonnes grâces du peuple, nous fera chérir l'un et l'autre de Campanius. Adieu.
LETTRE XI.
SIDONIUS A SON CHER MONTIUS, SALUT.
Tu me demandes, mon savant ami, de t'envoyer, maintenant que tu vas chez tes Séquanais, certaine satire dont tu me crois l'auteur ; une pareille demande peut bien m'étonner. Car, c'est mal à toi d'avoir si tôt mauvaise opinion des mœurs, d'un ami. Quoi ! lorsque j'ai besoin de repos, à mon, âge, me serais-je occupé d'un pareil sujet ? dans ma jeunesse, et quand j'étais au service, il y aurait eu de la présomption à composer de tels vers, du péril à les publier. Quel est l'homme, pour peu qu'il soit instruit, qui ne connaisse ces vers du Calabrais :
On pendra tout poète, auteur de vers médians,
En réparation du tort qu'il fait aux gens.
HORACE, Sat. II, I. Trad. de Daru.
Mais afin qu'à l'avenir tu ne croies rien de semblable sur ton ami, je t'exposerai un peu au long, en remontant à l'origine, ce qu'il en est de cette satire qu'une rumeur vaine et méchante a voulu m'attribuer.
Au temps de l'empereur Majorien, il circula dans la cour, mais sans nom d'auteur, un écrit plein de vers satiriques très mordants, qui invectivaient contre des noms perfidement dévoilés, et critiquaient beaucoup les vices, plus encore les personnes. Alors, grande rumeur dans la ville d'Arles, où la chose se passait ; on cherchait sur quel poète devait tomber avec justice le poids de l'indignation publique; et ceux que l'auteur anonyme avait irrités en les désignant d'une manière notoire, mettaient surtout de l'ardeur à le découvrir. Le hasard fit que l'illustre Catullinus, qui venait d'Auvergne, arriva pour lors à Arles ; il avait toujours été mon ami, et notre union s'était fortifiée encore depuis que nous avions porté les armes ensemble. Les voyages contribuent puissamment à resserrer les nœuds de l'amitié. Comme il ne se doutait de rien, Paeonius et Bigerrus lui tendirent un piège, et lui demandèrent devant plusieurs personnes, afin de le surprendre, s'il ne connaissait point le nouveau poème ? Oui, répondit-il. Ils lui récitèrent quelques passages, comme par simple plaisanterie ; Catullinus éclata de rire, et se prit à crier bien à contretemps, que ces vers étaient dignes d'être gravés en lettres d'or et placés dans la tribune aux harangues, ou même dans le Capitole. Paeonius, que le satirique avait le plus vivement mordu, transporté de colère, dit à ceux qui l'environnaient : « J'ai trouvé l'auteur de l'injure que nous avons reçue. Voyez-vous comme Catullinus se pâme de rire? Il paraît qu'on lui rappelle des choses connues. Quelle raison le porte à donner si promptement son avis? en parlant ainsi d'une partie de l'œuvre, ne fait-il pas voir qu'il a déjà vu le tout? Sidonius est maintenant en Auvergne; il doit donc être l'auteur de la satire; Catullinus l'aura entendue de sa bouche. » On s'emporte, on se déchaîne contre un absent, contre un homme qui ignorait tout, qui n'était pas coupable ; on n'attend pas de plus amples informations. Voilà comment un homme adroit à manier le peuple sut entraîner, où il lui plaisait, une foule inconstante et mobile.
Ce Paeonius était fort bien venu du peuple, et, tribun remuant, il avait plus d'une fois soufflé le feu des séditions. Veut-on connaître ensuite son origine, sa famille? Il était simple citoyen de municipe, et, s'il avait commencé de se faire connaître, c'était plutôt à la réputation de son beau-père qu'il le devait, qu'à celle de son père. Quelquefois cependant il cherchait à s'élever par toutes sortes de moyens, et prodiguait par ambition l'argent qu'il épargnait par avarice. Car, pour s'allier tout au moins par sa fille, très honnête du reste, à une famille d'un rang supérieur au sien, notre Chrémès avait, dit-on, contre sa ténacité habituelle, promis à son Pamphilus une dot magnifique. Et, lorsque la conjuration Marcellienne méditait de ravir le diadème, il s'était mis à la tête de la jeune noblesse pour seconder les factieux ; homme encore nouveau, même dans sa vieillesse, il put enfin, grâces aux tentatives de son heureuse audace et à un long interrègne, jeter quelque éclat sur l'obscurité de sa naissance. Pendant que le trône était vacant, au milieu des troubles de la république, il fut le seul qui, osant prendre les faisceaux pour gouverner les Gaules, sans avoir reçu de mandat, siégeât plusieurs mois en qualité de préfet sur le tribunal des illustres puissances. Ce ne fut qu'au bout d'une année, vers la fin de sa gestion, qu'il reçut les pouvoirs de cette place, suivant la coutume des maîtres de comptes ou plutôt des avocats, dont les dignités ne commencent que lorsque leurs fonctions expirent. Ainsi, devenu préfet et sénateur (je ne veux pas faire un éloge complet de ses mœurs, par égard pour celles de son gendre), il excita contre moi qui ignorais cela, qui étais encore son ami, la haine de beaucoup de gens, plutôt que celle des hommes de bien, comme si j'eusse été le seul de mon siècle à pouvoir faire des vers. Je me rendis à Arles, ne soupçonnant pas ce qui se passait ; et comment l'eussé-je connu ? Mes ennemis s'imaginaient que je n'oserais y paraître ; le lendemain de mon arrivée, après avoir rendu ma visite au prince, j'allai, suivant ma coutume, me promener sur la place publique. Dès qu'on me vit, les séditieux, frappés d'une frayeur subite, ne purent en venir à aucune détermination courageuse, comme dit le poète. Les uns cependant se jetaient à mes pieds avec des respects excessifs; les autres, pour ne pas me saluer, fuyaient derrière les statues, te cachaient derrière les colonnes ; d'autres enfin, l'air triste et soucieux, se pressaient à mes côtés. Moi, néanmoins, je cherchais tout étonné ce que pouvait signifier dans les uns cet orgueil extraordinaire, dans les autres cette soumission profonde ; je ne témoignais rien de ma surprise, lorsqu'un d'entre eux, député sans doute par le grand nombre, s'approcha pour me saluer. Alors, la conversation une fois engagée : « Vois-tu ces hommes-là ? me dit-il. — Oui, répondis-je ; leur contenance me surprend, et je suis loin de l'admirer. — C'est, répondit notre interprète, qu'ils te haïssent ou te craignent comme écrivain satirique. — Comment donc, de quelle manière, depuis quand ? qui a pu me trouver coupable d'un tel crime, qui a pu m'en accuser, qui a pu l'établir ? Courage, mon ami, ajoutai-je en souriant ; demande, je te prie, à ces hommes que mon nom seul irrite, si le délateur qui a imaginé que j'avais fait une satire, a pu supposer encore que je l'eusse répandue ; car, s'ils disent que cela n'est pas, mieux vaut pour eux quitter cet air dédaigneux et superbe. » Aussitôt que le député leur eut fait part de mes paroles, je les vis tout à coup s'avancer vers moi, non pas l'un après l'autre, mais tous ensemble et avec empressement, pour m'embrasser et me prendre la main. Seul, mon Curion, invectivant contre la perfidie des transfuges, se fit reconduire chez lui vers le soir et à la hâte par des porteurs de chaise, plus noirs que ceux qui vont inhumer les morts.
Le lendemain, l'empereur nous fit dire de nous trouver au repas qu'il donnait à l'occasion des jeux du cirque. La première place du côté gauche était occupée par le consul ordinaire Severinus, personnage qui avait joui d'une faveur toujours égale, malgré les fréquents changements de princes, et les révolutions survenues dans la république. Près de lui était Magnus, ancien préfet, qui venait de quitter le consulat, et digne à tous égards des deux places qu'il avait occupées ; Camillus, fils de son frère, se trouvait après lui ; il avait aussi passé par ces deux charges, et avait également honoré le proconsulat de son père et le consulat de son oncle. Venait ensuite Paeonius, puis Athenius, homme versé dans les procès et habile à se plier aux variétés des temps. A côté d'Athenius on voyait Gratianensis, personnage d'une conduite irréprochable, qui, sans égaler Severinus en dignités, l'avait toutefois devancé en faveur. Enfin, j'étais le dernier à gauche de l'empereur, qui occupait le côté droit. Vers la fin du repas, le prince adresse d'abord la parole au consul assez brièvement ; puis il passe au consulaire, et après être revenu plusieurs fois à lui, parce qu'on s'entretenait de littérature, il se met à causer avec l'illustre personnage Camillus, et va jusqu'à lui dire : « En vérité, mon frère Camillus, tu as un oncle pour lequel je me félicite d'avoir donné un consulat à ta famille. » Alors, Camillus qui ambitionnait quelque chose de semblable, trouvant l'occasion favorable : « Seigneur Auguste, dit-il, non seulement tu lui en as accordé un, mais c'est encore le premier. » Cette réponse fut reçue avec de bruyantes félicitations, et le respect dû au prince ne put nous empêcher d'applaudir. L'empereur, demandant ensuite quelque chose à Athenius, laissa Paeonius qui se trouvait placé avant lui ; j'ignore s'il le fit à dessein ou non. Celui-ci, piqué mal à propos, prévint plus mal à propos encore Athenius, en répondant pour lui. L'empereur, avec le joyeux abandon qu'il avait montré pendant le repas, sans rien perdre de sa dignité, se prit à sourire, et ce fut pour Athenius l'occasion d'une vengeance non moins signalée que ne l'avait été l'outrage. Le rusé vieillard ne se déconcerte pas, et, comme il voyait toujours avec un dépit secret que Paeonius fût placé avant lui : « Je ne m'étonne pas, dit-il, seigneur Auguste, si Paeonius tâche de m'enlever ma place à table, puisqu'il ne rougit point de la prendre encore pour te répondre. — Cette querelle, dit aussitôt l'illustre Gratianensis, ouvre un beau champ aux satiriques. » L'empereur se retourne alors vers moi : « J'apprends, comte Sidonius, que tu fais une satire. — Et moi, seigneur prince, répliquai-je, je l'apprends aussi. — Il me dit en riant : De grâce, épargne-nous du moins. — Lorsque je m'abstiens, répondis-je, de faire des choses qui sont défendues, je m'épargne moi-même. — Et que ferons-nous donc, me dit l'empereur, à ceux qui t'accusent? — Je répondis : Quelles que soient ces personnes, seigneur prince, qu'elles m'attaquent publiquement. Si l'on peut me convaincre, je dois subir la peine que je mérite ; mais si je parviens à me disculper, je demande à ta clémence qu'il me soit permis, sans outrager les lois, d'écrire tout ce que je voudrai contre mon accusateur. — Alors l'empereur, regardant Paeonius qui avait l'air d'hésiter, lui demanda par un signe si la condition lui plaisait. Mais comme Paeonius, extrêmement confus, gardait le silence, le prince ayant pitié de son embarras : « J'accède à tes désirs, me dit-il, pourvu que sur le champ tu me fasses la requête en vers. — Soit, » répliquai-je ; et je me retournai aussitôt, comme si j'eusse demandé de l'eau pour me laver ; puis, après avoir mis autant de temps qu'il en faut à un valet actif pour faire le tour de la table, je m'appuyai de nouveau sur le lit. L'empereur me dit alors : Tu m'avais promis de demander en vers improvisés l'autorisation de composer une satire. — Je répondis :
« Grand prince, ordonne, je t'en prie, que celui qui m'accuse d'avoir écrit une satire, prouve le fait, ou qu'il tremble. »
On applaudit, c'est peut-être une jactance de le dire, comme pour Camillus ; et ce qui me valut ces félicitations, ce fut moins le mérite des vers, que le peu de temps qu'il m'avait fallu. L'empereur dit alors : « Je prends Dieu et la république à témoin, que jamais je ne t'empêcherai d'écrire ce que tu voudras, puisque l'on ne peut en aucune manière établir les accusations dirigées contre toi ; il serait aussi trop injuste que le prince, laissant vivre des inimitiés privées, la noblesse innocente et tranquille se trouvât en butte à des haines certaines, sous prétexte d'un crime qui ne serait rien moins que prouvé. » Je m'inclinai profondément pour remercier l'empereur de la sentence qu'il venait de prononcer ; et mon harangueur, en qui la colère avait déjà fait place à la tristesse, pâlit tout à coup ; peu s'en fallut même qu'il ne sentît son sang se glacer dans ses veines, comme s'il eût été condamné à tendre la tête sous le glaive. Nous nous levâmes presqu'aussitôt après. Nous nous étions un peu éloignés de l'empereur, et nous prenions nos chlamydes ; le consul se jeta dans mes bras, les préfectoriens me baisèrent les mains, et mon ami Paeonius lui-même s'humilia jusqu'à provoquer leur compassion. Je craignis que ses prières n'armassent contre moi la haine que ses calomnies n'avaient pu exciter. Pressé par les supplications des convives réunis autour de moi, je lui dis enfin que je consentais à ne point faire de vers contre lui, pourvu toutefois que dans la suite il ne s'avisât plus de censurer mes actions; il devait être assez puni, ajoutai-je, de voir qu'en m'attribuant cette satire, il avait travaillé à ma gloire et à son déshonneur.
En somme, très excellent seigneur, je pouvais moins reprocher à Paeonius d'avoir inventé la calomnie, que de l'avoir sourdement propagée. Mais, comme la réparation fut si grande, que des hommes distingués et puissants se jetèrent dans mes bras en demandant grâce pour le coupable, l'offense, je dois l'avouer, m'a été bien utile, puisqu'elle a fini par tourner à ma gloire. Adieu.


 

LIBER PRIMUS.

EPISTOLA PRIMA.

Sidonius Constantio suo salutem.

Diu praecipis, domine major, summa suadendi auctoritate, sicuti es in iis quae deliberabuntur consiliosissimus, ut, si quae litterae paulo politiores varia occasione fluxerunt, prout eas causa, persona, tempus elicuit, omnes, retractatis exemplaribus enucleatisque, uno volumine includam, Q. Symmachi rotunditatem, C. Plinii disciplinam maturitatemque vestigiis praesumptiosis insecuturus. Nam de Marco Tullio silere me in stylo epistolari melius puto, quem nec Julius Titianus totum sub nominibus illustrium feminarum digna similitudine expressit. Propter quod illum caeteri quique Frontonianorum, utpote consectaneum aemulati, cur veternorum dicendi genus imitaretur, oratorum simiam nuncupaverunt.

Quibus omnibus ego, immane dictu est, quantum semper, judicio meo, cesserim, quantumque servandam singulis pronuntiaverim temporum suorum meritorumque praerogativam. Sed scilicet tibi parui, tuaeque examinationi, has non recensendas, hoc enim parvum est, sed defaecandas, ut aiunt, limandasque commisi, sciens te immodicum esse fautorem non studiorum modo, verum etiam studiosorum. Quamobrem nos nunc perquam haesitabundos in hoc deinceps famae pelagus impellis. Porro autem super hujusmodi opusculo tutius conticueramus, contenti versuum felicius quam peritius editorum opinione, de qua mihi jampridem in portu judicii publici, post lividorum latratuum scyllas enavigatas, sufficientis gloriae  anchora sedet. Sed si et hisce deliramentis genuinum molarem invidia non fixerit, actutum tibi a nobis volumina numerosiora percopiosis scaturentia sermocinationibus multiplicabuntur. Vale.

EPISTOLA II.

Sidonius Agricolae suo salutem.

SAEPENUMERO postulavisti ut, quia Theodorici regis Gothorum commendat populis fama civilitatem, litteris tibi formae suae quantitas, vitae qualitas significaretur. Pareo libens, in quantum epistolaris pagina sinit, laudans in te tam delicatae sollicitudinis ingenuitatem.
Igitur vir est et illis dignus agnosci qui eum minus familiariter intuentur, ita personam suam Deus arbiter et ratio naturae, consummatae felicitatis dote sociata, cumulaverunt. Mores autem hujuscemodi, ut laudibus eorum nihil ne regni quidem defraudet invidia. Si forma quaeratur : corpore exacto, longissimis brevior, procerior, eminentiorque mediocribus. Capitis apex rotundus, in quo paululum a planitie frontis in verticem caesaries refuga crispatur. Cervix non sedet nervis. Geminos orbes hispidus superciliorum coronat arcus. Si vero cilia flectantur, ad malas medias palpebrarum margo prope pervenit. Aurium legulae, sicut mos gentis est, crinium superjacentium flagellis operiuntur. Nasus venustissime incurvus. Labra subtilia, nec dilatatis oris angulis ampliata. Si casu dentium series ordinata promineat, niveum protinus repraesentat colorem. Pilis infra narium antra fruticantibus quotidiana succisio. Barba concavis hirta temporibus, quam in subdita vultus parte surgentem stirpitus tonsor assiduus genas ad usque forpicibus evellit. Menti, gutturis, colli, non obesi, sed succulenti, lactea cutis, quae propius inspecta juvenili rubore suffunditur. Namque hunc illi crebro colorem non ira, sed verecundia facit.
Teretes humeri, validi lacerti, dura brachia, patulae manus; recedente alvo pectus accedens. Aream dorsi humilior inter excrementa costarum spina discriminat. Tuberosum est utrumque musculis prominentibus latus. In succinctis regnat vigor ilibus. Corneum femur, internodia poplitum bene mascula; maximus in minime rugosis genibus honor. Crura suris fulta turgentibus, et, qui magna sustentat membra, pes modicus.
Si actionem diurnam, quae est forinsecus exposita, perquiras : antelucanos sacerdotum suorum coetus minimo comitatu expetit, grandi sedulitate veneratur: quanquam, si sermo secretus, possis animadvertere quod servet istam pro consuetudine potius, quam pro ratione reverentiam. Reliquum mane regni administrandi cura sibi deputat. Circumsistit sellam comes armiger, pellitorum turba satellitum ne absit, admittitur; ne obstrepat, eliminatur, sicque pro foribus immurmurat exclusa velis, inclusa cancellis. Inter haec, intromissis gentium legationibus, audit plurima, pauca respondet. Si quid tractabitur, differt ; si quid expedietur, accelerat. Hora est secunda : surgit e solio, aut thesauris inspiciendis vacaturus, aut stabulis. Si venatione nuntiata procedit, arcum lateri innectere citra gravitatem regiam judicat: quem tamen, si cominus avem feramque aut venanti monstres, aut vianti sors offerat, manui post tergum reflexae puer inserit, nervo lorove fluitantibus: quem sicut puerile computat gestare thecatum, ita muliebre accipere iam tensum. Igitur acceptum modo insinuatis e regione capitibus intendit, modo ad talum pendulum, nodi parte conversa, languentem chordae laqueum vagantis digito superlabente prosequitur: et mox spicula capit, implet, expellit; quidve cupias percuti, prior admonet. Eligis quid faciat, quod elegeris ferit: et, si ab alterutro errandum est, rarius fallitur figentis ictus, quam destinantis obtutus.
Si in convivium venitur, quod quidem diebus profestis simile privato est, non ibi impolitam congeriem liventis argenti mensis cedentibus suspiriosus minister imponit. Maximum tunc pondus in verbis est, quippe cum illic aut nulla narrantur, aut seria. Toreumatum peripetasmatumque modo conchyliata profertur suppellex, modo byssina. Cibi arte, non pretio placent: fercula nitore, non pondere. Scyphorum paterarumque raras oblationes facilius est ut accuset sitis, quam recuset ebrietas. Quid multis? Videas ibi elegantiam Graecam, abundantiam Gallicanam, celeritatem Italam, publicam pompam, privatam diligentiam, regiam disciplinam. De luxu autem illo sabbatario narrationi meae supersedendum est, qui nec latentes potest latere personas. Ad coepta redeatur.
Dapibus expleto somnus meridianus saepe nullus, semper exiguus. Quibus horis viro tabula cordi est, tesseras colligit rapide, inspicit sollicite, volvit argute, mittit instanter, joculanter compellat, patienter exspectat. In bonis jactibus tacet, in malis ridet, in neutris irascitur, in utrisque philosophatur. Secundas fastidit vel timere, vel facere, quarum opportunitates spernit oblatas, transit oppositas. Sine motu evaditur, sine colludio evadit. Putes illum et in calculis arma tractare. Sola est illi cura vincendi.
Cum ludendum est, regiam sequestrat tantisper severitatem, hortatur ad ludum, libertatem, communionemque. Dicam quod sentio: timet timeri. Denique oblectatur commotione superati, et tunc demum credit sibi non cessisse collegam, cum fidem fecerit victoriae suae bilis aliena. Quodque mirere, saepe illa laetitia, minimis occasionibus veniens, ingentium negotiorum merita fortunat. Tunc petitionibus diu ante per patrociniorum naufragia jactatis, absolutionis subitae portus aperitur. Tunc etiam ego aliquid obsecraturus feliciter vincor, quando mihi ad hoc tabula petit, ut causa salvetur.
Circa nonam recrudescit moles illa regnandi. Redeunt pulsantes, redeunt submoventes, ubique litigiosus fremit ambitus: qui tractus in vesperam, coena regia interpellante rarescit, et per aulicos deinceps pro patronorum varietate dispergitur, usque ad tempus concubiae noctis excubaturus. Sane intromittuntur, quanquam raro, inter coenandum mimici sales, ita ut nullus conviva mordacis linguae felle feriatur. Sic tamen quod illic nec organa hydraulica sonant, nec sub phonasco vocalium concentus meditatum acroama simul intonat. Nullus ibi lyristes, choraules, mesochorus, tympanistria, psaltria canit: rege solum illis fidibus delinito, quibus non minus mulcet virtus animum quam cantus auditum. Cum surrexerit, inchoat nocturnas aulica gaza custodias, armati regiae domus aditibus assistunt, quibus horae primi soporis vigilabuntur.
Sed jam quid meas istud ad partes, qui tibi indicanda non multa de regno, sed pauca de rege promisi? Simul et stylo finem fieri decet: quia et tu cognoscere viri non amplius quam studia personamque voluisti, et ego non historiam, sed epistolam efficere curavi. Vale.
 

EPISTOLA III.
Sidonius Philimatio suo salutem.
I nunc, et legibus me ambitus interrogatum senatu move, cur adipiscendae dignitati haereditariae curis pervigilibus incumbam: cui pater, socer, avus, proavus, praefecturis urbanis praetorianisque, magisteriis palatinis militaribusque micuerunt. Et ecce Gaudentius meus hactenus tantum Tribunitius, oscitantem nostrorum civium desidiam vicariano apice transcendit. Mussitat quidem juvenum nostrorum calcata generositas: sed qui transit derogantes, in hoc solum movetur, ut gaudeat. Igitur venerantur hucusque contemptum, ac subitae stupentes dona fortunae, quem consessu despiciebant, sede suspiciunt. Ille obiter stertentum oblatratorum aures rauci voce praeconis everberat: qui in eum licet stimulis inimicalibus excitentur, scamnis tamen amicalibus deputantur. Unde te etiam par fuerit privilegio gaudentem praefecturae, in quae participanda deposceris, antiquati honoris perniciter sarcire dispendium: ne si extra praerogativam consiliarii in concilium veneris, solas vicariorum vices egisse videare. Vale.

EPISTOLA IV.
Sidonius Gaudentio suo salutem.
MACTE esto, vir amplissime, fascibus partis dote meritorum: quorum ut titulis apicibusque potiare, non maternos reditus, non avitas largitiones, non uxorias gemmas, non paternas pecunias numeravisti: quia tibi econtrario apud principis domum, inspecta sinceritas, spectata sedulitas, admissa sodalitas laudi fuere. O terque quaterque beatum te, de cujus culmine datur amicis laetitia, lividis poena, posteris gloria; tum praeterea vegetis et alacribus exemplum, desidibus et pigris incitamentum; et tamen si qui sunt qui te quocunque animo deinceps aemulabuntur, sibi forsitan, si te consequantur, debeant; tibi debebunt procul dubio, quod sequuntur. Spectare mihi videor, bonorum pace praefata, illam in invidis ignaviam superbientem, et illud militandi inertibus familiare fastidium, cum a desperatione crescendi, inter bibendum philosophantes, ferias inhonoratorum laudant, vitio desidiae, non studio perfectionis. Cujus appetitus, ne adhuc pueris usui foret, majorum judicio rejiciebatur; sic adolescentum declamatiunculas pannis textilibus comparantes, intelligebant eloquia juvenum laboriosius brevia produci quam porrecta succidi.
Sed hinc quia ista haec satis, quod subest, quaeso, reminiscaris, velle me tibi studii hujusce vicissitudinem reponderare, modo me actionibus justis Deus annuens et sospitem praestet, et reducem. Vale.

EPISTOLA V.
Sidonius Heronio suo salutem.
LITTERAS tuas Romae positus accepi, quibus an secundum commune consilium sese peregrinationis meae coepta promoveant sollicitus inquiris. Viam etiam qualem qualiterque confecerim, quos aut fluvios viderim poetarum carminibus illustres, aut urbes moenium situ inclytas, aut montes nominum opinione vulgatos, aut campos praeliorum replicatione monstrabiles: quia voluptuosum censeas, quae lectione compereris, eorum qui inspexerint fideliore didicisse memoratu. Quocirca gaudeo te quid agam cupere cognoscere; namque hujuscemodi studium ex affectu interiore proficiscitur. Ilicet, et si secus quaepiam, sub ope tamen Dei ordiar a secundis; quibus primordiis majores nostri etiam sinisteritatum suarum relationes evolvere auspicabantur.
Egresso mihi Rhodanusiae nostrae moenibus publicus cursus usui fuit, utpote sacris apicibus accito, et quidem per domicilia sodalium propinquorumque: ubi sane moram vianti non veredorum paucitas, sed amicorum multitudo faciebat: quae mihi arcto implicita complexu, itum reditumque felicem certantibus votis comprecabatur. Sic Alpium jugis appropinquatum: quarum mihi citus et facilis ascensus, et inter utrimque terrentis latera praerupti cavatis in callem nivibus itinera mollita. Fluviorum quoque si qui non navigabiles, vada commoda, vel certe pervii pontes, quos antiquitas a fundamentis ad usque aggerem calcabili silice crustatum crypticis arcubus fornicavit. Ticini cursoriam, sic navigio nomen, ascendi: qua in Eridanum brevi delatus, et cantatas saepe comessaliter nobis Phaethontiadas, et commentitias arborei metalli lacrymas risi Ulvosum Lambrum, coerulum Adduam, velocem Athesim, pigrum Mincium, qui Ligusticis Euganeisque montibus oriebantur, paulum per ostia adversa subvectus, in suis etiam gurgitibus inspexi: quorum ripae torique passim quernis acernisque nemoribus vestiebantur. Hic avium resonans dulce concentus, quibus nunc in concavis arundinibus, nunc quoque in juncis pungentibus, nunc et in scirpis enodibus, nidorum strues imposita nutabat: quae cuncta virgulta tumultuatim super amnicos margines soli bibuli succo fota fruticaverant. Atque obiter Cremonam pervectus adveni, cujus olim est Tityro Mantuano larium suspirata proximitas. Brixillum dein oppidum, dum succedenti Aemiliano nautae decedit Venetus remex, tantum ut exiremus, intravimus, Ravennam paulo post cursu dexteriore subcuntes: quo loci veterem civitatem, novumque portum, media via Caesaris ambigas utrum connectat, an separet. Insuper oppidum duplex pars interluit Padi certa, pars alluit: qui ab alveo principali molium publicarum discerptus objectu, et per easdem derivatis tramitibus exhaustus, sic dividua fluenta partitur, ut praebeant moenibus circumfusa praesidium, infusa commercium. Huc cum peropportuna cuncta mercatui, tum praecipue quod esui competeret deferebatur: nisi quod, cum sese hinc salsum portis pelagus impingeret, hinc cloacali pulte fossarum discursu lintrium ventilata, et ipse lentati languidus lapsus humoris nauticis cuspidibus foraminato fundi glutino sordidaretur, in medio undarum sitiebamus: quia nusquam vel aquae ductuum liquor integer, vel cisterna defaecabilis, vel fons irriguus, vel puteus illimis.
Unde progressis ad Rubiconem ventum, qui originem nomini de glarearum puniceo colore mutuatur: quique olim Gallis Cisalpinis, Italisque veteribus terminus erat, cum populis utriusque Adriatici maris oppida divisui fuere. Hinc Ariminum, Fanumque perveni, illud Juliana rebellione memorabile, hoc Asdruballano funere infectum. Siquidem illic Metaurus, cujus ita in longum felicitas uno die parta porrigitur, ac si etiam nunc Dalmatico salo cadavera sanguinolenta decoloratis gurgitibus inferret. Hinc caetera Flaminiae oppida, statim ut ingrediebar, egressus, laevo Picentes, dextro Umbros latere transmisi. Ubi mihi seu Calaber Atabulus, seu pestilens regio Tuscorum, spiritu aeris venenatis flatibus inebriato, et modo calores alternante, modo frigora, vaporatum corpus infecit. Interea febris, sitisque penitissimum cordis medullarumque secretum depopulabantur. Quarum aviditati non solum amoena fontium, aut abstrusa puteorum, quanquam haec quoque, sed tota illa vel vicina vel obvia fluenta, id est vitrea Fucini, gelida Clitumni, Anienis coerula, Naris sulphurea, pura Fabaris, turbida Tyberis, metu tamen desiderium fallente, pollicebamur.
Inter haec patuit et Roma conspectui: cujus mihi non solum formas, verum etiam naumachias videbar epotaturus. Ubi priusquam vel pomoeria contingerem, triumphalibus apostolorum liminibus affusus, omnem protinus sensi membris male fortibus explosum esse langorem. Post quae coelestis experimenta patrocinii, conducti diversorii parte susceptus, atque etiam nunc ista haec inter jacendum scriptitans, quieti pauxillulum operam impendo. Neque adhuc principis, aulicorumque tumultuosis foribus obversor. Interveni etenim nuptiis patricii Ricimeris, cui filia perennis Augusti in spem publicae securitatis copulabatur.
Igitur nunc in ista non modo personarum, sed etiam ordinum partiumque laetitia, Transalpino tuo latere conducibilius visum: quippe cum hoc ipso tempore quo haec mihi exarabantur, vix per omnia theatra, macena, praetoria, fora, templa, gymnasia, talassio fescenninus explicaretur. Atque etiamnum econtrario studia sileant, negotia quiescant, judicia conticescant, differantur legationes, vacet ambitus, et inter scurrilitates histrionum totus actionum seriarum status peregrinetur. Jam quidem virgo tradita est, jam corona sponsus, jam palmata consularis, jam cyclade pronuba, jam toga senator honoratur, jam penulam deponit inglorius: et nondum tamen cuncta thalamorum pompa defremuit, quia necdum ad mariti domum nova nupia migravit. Qua festivitate decursa, caetera tibi laborum meorum molimina reserabuntur, si tamen vel consummata solemnitas aliquando terminaverit istam totius civitatis occupatissimam vacationem. Vale.

EPISTOLA VI.
Sidonius Eutropio suo salutem.
OLIM quidem scribere tibi concupiscebam, sed nunc vel maxime impellor, id est, cum mihi ducens in Urbem, Christo propitiante, via carpitur. Scribendi causa vel sola, vel maxima, qua te scilicet a profundo domestica quietis extractum ad capessenda militiae palatinae munia vocem. His additur, quod munere Dei tibi congruit aevi, corporis, animi vigor integer; dein quod equis, armis, veste, sumptu, famulitio instructus, solum, nisi fallimur, incipere formidas: et cum sis alacer domi, in aggredienda peregrinatione trepidum te iners desperatio facit: si tamen senatorii seminis homo, qui quotidie trabeatis proavorum imaginibus ingeritur, juste dicere potest semet peregrinatum, si semel et in juventa viderit domicilium legum, gymnasium litterarum, curiam dignitatum, verticem mundi, patriam libertatis, in qua unica totius mundi civitate soli barbari et servi peregrinantur. Et nunc, proh pudor ! si relinquare inter bussequas rusticanos, subulcosque ronchantes. Quippe si et campum stiva tremente proscindas, aut prati floreas opes panda curvus falce populeris, aut vineam palmite gravem cernuus rastris fossor invertas; tunc est tibi summa votorum beatitudo. Quin potius expergiscere, et ad majora se pingui otio morcidus, et innervis animus attollat. Non minus est tuorum natalium viro, personam suam excolere, quam villam. Ad extremum quod tu tibi juventutis exercitium appellas, hoc est otium veteranorum, in quorum manibus effetis enses rubiginosi sero ligone mutantur. Esto, multiplicatis tibi spumabunt musta vinetis, innumeros quoque cumulos frugibus rupta congestis horrea dabunt, densum pecus gravidis uberibus in mulctram per antra olida caularum pinguis tibi pastor includet: quo spectat tam faeculento patrimonium promovisse compendio; et non solum inter ista, sed, quod est turpius, propter ista latuisse? Non nequiter te concilii tempore, post sedentes censentesque juvenes, inglorium rusticum, senem stantem, nobilem latitabundum pauperis honorati sententia premet, cum eos quos esset indignum si vestigia nostra sequerentur, videris dolens antecessisse. Sed quid plura? Si pateris hortantem conatuum tuorum socius adjutor, praevius particeps ero. Sin autem illecebrosis deliciarum cassibus involutus, mavis, ut aiunt, Epicuri dogmatibus copulari, qui jactura virtutis admissa, summum bonum sola corporis voluptate determinat, testor ecce majores, testor posteros nostros, huic me noxae non esse confinem.
 

EPISTOLA VII.
Sidonius Vincentio suo salutem.
ANGIT me casus Arvandi, nec dissimulo quin angat. Namque hic quoque cumulus accedit laudibus imperatoris, quod amare palam licet et capite damnatos. Amicus homini fui, supra quam morum ejus facilitas varietasque patiebantur. Testatur hoc, propter ipsum mihi nuper invidia conflata, cujus me paulo incautiorem flamma detorruit. Sed quod in amicitia steti, mihi debui. Porro autem in natura ille non habuit diligentiam perseverandi: libere queror, non insultatorie: quia fidelium consilia despiciens, fortunae ludibrium per omnia fuit: denique non eum aliquando cecidisse, sed tam diu stetisse plus miror.
O quotiens saepe ipse se adversa perpessum gloriabatur! cum tamen nos ab affectu profundiore ruituram ejus quandoque temeritatem miseraremur, definientes non esse felicem, qui hoc frequenter potius esse, quam semper judicaretur. Sed gubernationis suae ordinem exposcis. Salva fidei reverentia quae amico etiam afflicto debetur, rem breviter exponam.
Praefecturam primam gubernavit cum magna popularitate, consequentemque cum maxima populatione. Pariter onere depressus aeris alieni, metu creditorum successuros sibi optimates aemulabatur. Omnium colloquia ridere, consilia rimari, officia contemnere, pati de occurrentum raritate suspicionem, de assiduitate fastidium: donec odii publici mole vallatus, et prius cinctus custodia quam potestate discinctus, captus, destinatusque pervenit Romam: illico tumens, quod prospero cursu procellosum Tusciae littus enavigasset, tanquam sibi bene conscio ipsa quodammodo elementa famularentur. In Capitolio custodiebatur ab hospite Flavio Asello, comite sacrarum largitionum, qui adhuc in eo semifumantem praefecturae nuper extortae dignitatem venerabatur. Interea legati provinciae Galliae Tonantius Ferreolus praefectorius, Afranii Syagrii consulis e filia nepos, Thaumastus quoque et Petronius, maxima rerum verborumque scientia praediti, et inter principalia patriae nostrae decora ponendi, praevium Arvandum publico nomine accusaturi cum gestis decretalibus insequuntur. Qui inter caetera quae sibi provinciales agenda mandaverant, interceptas litteras deferebant, quas Arvandi scriba correptus dominum dictasse profitebatur. Haec ad regem Gothorum charta videbatur emitti, pacem cum Graeco imperatore dissuadens, Britannos super Ligerim sitos impugnari oportere demonstrans, cum Burgundionibus jure gentium Gallias dividi debere confirmans, et in hunc ferme modum plurima insana, quae iram regi feroci, placido verecundiam inferrent. Hanc epistolam laesae majestatis crimine ardenter juris consulti interpretabantur.
Me et Auxanium, praestantissimum virum, tractatus iste non latuit, qui Arvandi amicitias, quoquo genere incursas, inter ipsius adversa vitare, perfidum, barbarum, ignavum computabamus. Deferimus igitur nihil tale metuenti totam perimachiam, quam summo artificio acres et flammei viri occulere in tempus judicii meditabantur: scilicet ut adversarium incautum, et consiliis sodalium repudiatis sibi soli temere fidentem professione responsi praecipitis involverent. Dicimus ergo, quid nobis, quid amicis secretioribus tutum putaretur. Suademus nil quasi leve fatendum, si quid ab inimicis etiam pro levissimo flagitaretur: ipsam illam dissimulationem tribulosissimam fore, quo facilius persuasionis securitatem inferrent. Quibus agnitis, proripit sese; atque in convicia subita prorumpens: Abite degeneres, inquit, et praefectoriis patribus indigni, cum hac superforanea trepidatione: mihi, quia nihil intelligitis, hanc negotii partem sinite curandam. Satis Arvando conscientia sua sufficit: vix illud dignabor admittere, ut advocati mihi in actionibus repetundarum patrocinentur. Discedimus tristes, et non magis injuria quam moerore confusi: quis enim medicorum jure moveatur, quoties desperatum furor arripiat? Inter haec reus noster aream Capitolinam percurrere albatus: modo subdolis salutationibus pasci, modo crepantes adulationum bullas ut recognoscens libenter audire, modo serica, et gemmas, et pretiosa quaeque trapezitarum involucra rimari, et quasi mercaturus inspicere, prensare, depretiare, devolvere, et inter agendum multum de legibus, de temporibus, de senatu, de principe queri, quod se non priusquam discuterent, ulciscerentur. Pauci medii dies; it in tractatorium frequens senatus; sic post comperi: nam inter ista discesseram. Procedit noster ad curiam paulo ante detonsus pumicatusque, cum accusatores semipullati atque concreti, nuntios a decemviris operirentur, et ab industria squalidi praeripuissent reo debitam miserationem sub invidia sordidatorum. Citati intromittuntur; partes, ut moris est, e regione consistunt. Offertur praefectoriis, ante propositionis exordium, jus sedendi. Arvandus jam tunc infelici impudentia concito gressu mediis prope judicum sinibus ingenitur. Ferreolus, circumsistentibus latera collegis, verecunde ac leniter in imo subselliorum capite consedit, ita ut non minus legatum se quam senatorem reminisceretur: plus ob hoc postea laudatus honoratusque. Dum haec, et qui procerum defuerant, adfuerunt, consurgunt partes, legatique proponunt. Epistola, post provinciale mandatum cujus supra mentio facta est, profertur; atque cum sensim recitaretur, Arvandus necdum interrogatus se dictasse proclamat. Respondere legati, quanquam valde nequiter constaret quod ipse dictasset. At ubi se furens ille, quantumque caderet ignarus, bis torque repetita confessione transfodit, acclamatur ab accusatoribus, conclamatur a judicibus, reum laesae majestatis confitentem teneri. Ad hoc, et millibus formularum juris id sancientum jugulabatur.
Tum demum laboriosus tarda poenitudine loquacitatis impalluisse perhibetur, sero cognosceus posse reum majestatis pronuntiari etiam eum qui non affectasset habitum purpuratorum. Confestim privilegiis geminae praefecturae, quam per quinquennium repetitis fascibus rexerat, exauguratus, et plebeiae familiae non ut additus, sed ut redditus, publico carceri adjudicatus est. Illud sane aerumnosissimum, sicut narravere qui viderant, quod quia se sub atratis accusatoribus exornatum ille, politumque judicibus intulerat, paulo post cum duceretur addictus, miser, nec miserabilis erat. Quis enim super statu ejus nimis inflecteretur, quem videret accuratum delibutumque latomiis aut ergastulo inferri? Sed et judicio vix per hebdomadem duplicem comperendinato, capite multatus, in insulam conjectus est serpentis Epidaurii: ubi usque ad inimicorum dolorem devenustatus, et a rebus humanis veluti vomitu fortunae nauseantis exsputus, nunc ex vetere senatusconsulto Tiberiano triginta dierum vitam post sententiam trahit, uncum et gemonias, et laqueum per horas turbulenti carnificis horrescens.
Nos quidem, prout valemus, absentes praesentesque vota facimus, preces supplicationesque geminamus, ut suspenso ictu jam jamque mucronis exserti, pietas Augusta seminecem, quanquam publicatis bonis, vel exsilio muneretur. Illo tamen, seu exspectat extrema quaeque, seu sustinet, infelicius nihil est, si post tot notas inustas contumeliasque, aliquid nunc amplius quam vivere timet. Vale.
 

EPISTOLA VIII.
Sidonius Candidiano suo salutem.
MORARI me Romae congratularis: id tamen quasi facete, et fatigationum salibus admixtis. Ais enim gaudere te, quod aliquando necessarius tuus videam solem, quem utique raro bibitor Araricus inspexerim. Nebulas enim mihi meorum Lugdunensium exprobras, et diem quereris nobis matutina caligine obstructum vix meridiano fervore reserari. Et tu mihi haec ista Caesenatis furni potius quam oppidi verna deblateras? De cujus natalis tibi soli, vel jocunditate vel commodo; quid etiam ipse sentires, dum migras, indicasti: ita tamen quod te Ravennae felicius exsulantem, auribus Padano culice perfossis, municipalium ranarum loquax turba circumsilit. In qua palude indesinenter rerum omnium lege perversa, muri cadunt, aquae stant, turres fluunt, naves sedent, aegri deambulant, medici jacent, algent balnea, domicilia conflagrant, sitiunt vivi, natant sepulti, vigilant fures, dormiunt potestates, fenerantur clerici, Syri psallunt, negotiatores militant, milites negotiantur, student pilae senes, aleae juvenes, armis eunuchi, litteris foederati. Tu vide qualis sit civitas, ubi tibi lar familiaris incolitur, quae facilius territorium potuit habere quam terram. Quocirca memento innoxiis Transalpinis esse parcendum, quibus coeli sui dote contentis, non grandis gloria datur, si deteriorum collatione clarescant. Vale.
 

EPISTOLA IX.
Sidonius Heronio suo salutem.
POST nuptias patricii Ricimeris, id est, post imperii utriusque opes eventilatas, tandem reditum est in publicam serietatem, quae rebus actitandis januam campumque patefecit. Interea nos Pauli praefectorii tam doctrina quam sanctitate venerandis laribus excepti, comiter blandae hospitalitatis officiis excolebamur. Porro non isto quisquam viro est in omni artium genere praestantior. Deus bone, quae ille propositionibus aenigmata, sententiis schemata, versibus commata, digitis mechanemata facit? Illud tamen in eodem studiorum omnium culmen antevenit, quod habet huic eminenti scientiae conscientiam superiorem. Igitur per hunc primum, si quis quoquo modo aulam gratiae aditus, exploro: cum hoc confero, quinam potissimum procerum spebus valeret nostris opitulari. Nec sane multa cunctatio, quia pauci, de quorum eligendo patrocinio dubitaretur. Erant quidem in senatu plerique opibus culti, genere sublimes, aetate graves, consilio utiles, dignitate elati, dignatione communes: sed servata pace reliquorum, duo fastigatissimi consulares, Gennadius Avienus, et Caecina Basilius prae caeteris conspiciebantur. Hi in amplissimo ordine, seposita praerogativa partis armatae, facile post purpuratum principem principes erant. Sed inter hos quoque, quanquam stupendi, tamen varii mores, et genii potius quam ingenii similitudo. Fabor namque super his aliqua succinctius.
Avienus ad consulatum felicitate, Basilius virtute pervenerat. Itaque dignitatum in Avieno jocunda velocitas, in Basilio sera numerositas praedicabatur. Utrumque quidem, si fors laribus egrediebantur, arctabat clientium praevia, pedissequa, circumfusa populositas: sed longe in paribus dispares sodalium spes et spiritus erant. Avienus si quid poterat, in filiis, generis, fratribus provehendis moliebatur; cumque semper domesticis candidatis destringeretur, erga expediendas forinsecus ambientium necessitates minus valenter efficax erat: et in hoc Corvinorum familiae Deciana praeferebatur, quod qualia impetrabat cinctus Avienus suis, talia conferebat Basilius discinctus alienis. Avieni animus totis, et cito, sed infructuosius; Basilii paucis, et sero, sed commodius aperiebatur. Neuter aditu difficili, neuter sumptuoso: sed si utrumque coluisses, facilius ab Avieno familiaritatem, a Basilio beneficium consequebare. Quibus diu utrinque libratis, id tractatus mutuus temperavit, ut reservata senioris consularis reverentia, in domum cujus nec nimis raro ventitabamus, Basilianis potius frequentatoribus applicaremur. Ilicet dum per hunc amplissimum virum aliquid de legationis Arvernae petitionibus elaboramus, ecce calendae Januariae, quae Augusti consulis mox futuri repetendum fastis nomen opperiebantur. Tunc patronus, Eia, inquit, Solli meus, quanquam suscepti officii onere pressaris, exseras volo in obsequium novi consulis veterem musam, votivum quippiam vel tumultuariis fidibus carminantem. Praebebo admittendo aditum, recitaturoque solatium, recitantique suffragium. Si quid experto credis, multa tibi seria hoc ludo promovebuntur. Parui ergo praeceptis: favorem ille non subtraxit injunctis: et impositae devotionis astipulator invictus, egit cum consule meo, ut me praefectum faceret senatui suo.
Sed tu, ni fallor, epistolae perosus prolixitatem, voluptuosius nunc opusculi ipsius relegendis versibus immorabere, scio; atque ob hoc carmen ipsum loquax in consequentibus charta deportat, quae pro me interim dum venio diebus tibi pauculis sermocinetur. Cui si examinis tui quoque puncta tribuantur, aeque gratum mihi, ac si me in comitio vel inter rostra concionante, ad sophos meum, non modo laticlavi, sed tribulium quoque fragor concitaretur. Sane moneo, praeque denuntio, quisquilias ipsas Clius tuae hexametris minime exaeques. Merito enim collata vestris mea carmina, non heroicorum phaleris, sed epitaphistarum naeniis comparabuntur. At tamen gaude, quod hic ipse panegyricus, et si non judicium, certe eventum boni operis accepit. Quapropter, si tamen tetrica sunt amoenanda jocularibus, volo paginam glorioso, id est, quasi Thrasoniano fine concludere, Plautini Pyrgopolynicis imitator. Igitur cum ad praefecturam, sub ope Christi, styli occasione pervenerim, jubeas ilicet pro potestate cinctuti, undique omnium laudum convasatis acclamationibus, ad astra portare, si placeo, eloquentiam; si displiceo, felicitatem. Videre mihi videor ut rideas, quia perspicis nostram cum milite Comico ferocissimo jactantiam. Vale.
 

EPISTOLA X.
Sidonius Campaniano suo salutem.
ACCEPI per praefectum annonae litteras tuas, quibus eum tibi sodalem veterem mihi insinuas judici novo. Gratias ago magnas illi, maximas tibi, quod statuistis de amicitia mea, vel praesumere tuta, vel illaesa credere. Ego vero notitiam viri familiaritatemque non solum volens, sed et avidus amplector: quippe qui noverim nostram quoque gratiam hoc obsequio meo fore copulatiorem. Sed et tu vigilantiae suae me, id est, famae meae statum causamque commenda. Vereor autem ne famem populi Romani theatralis caveae fragor insonet, et infortunio meo publica deputetur esuries. Sane hunc ipsum e vestigio ad portum mittere paro, quia comperi naves quinque Brundusio profectas cum speciebus tritici ac mellis, ostia Tiberina tetigisse. Quarum onera exspectationi plebis, si quid strenue gerit, raptim faciet offerri, commendaturus se mihi, me populo, utrumque tibi. Vale.
 

EPISTOLA XI.
Sidonius Montio suo salutem.
PETIS tibi, vir disertissime, Sequanos tuos expetituro satyram nescio quam, si sit a nobis perscripta, transmitti: quod equidem te postulasse demiror. Non enim sanctum est, ut de moribus amici cito perperam sentias. Huic eram themati scilicet incubaturus, id jam agens otii, idque habens aevi, quod juvenem militantemque dictasse praesumptiosum fuisset, publicasse autem periculosum. Cui namque grammaticum vel salutanti Calaber ille non dixit:
Si mala condiderit in quem quis carmina, jus est,
Judiciumque?
Sed ne quid ultra tu de sodali simile credas, quid fuerit illud, quod me sinistrae rumor ac fumus opinionis afflavit, longius paulo, sed ab origine exponam. Temporibus Augusti Majoriani, venit in medium charta comitatum, sed carens indice, versuum plena satyricorum mordacium: sane qui satis invectivaliter abusi nominum nuditate, carpebant plurimum vitia, plus homines. Inter haec fremere Arelatenses, quo loci res agebatur, et quaerere quem poetarum publici furoris merito pondus urgeret, iis maxime auctoribus quos notis certis auctor incertus exacerbaverat. Accidit casu, ut Catullinus illustris tunc ab Arvernis illo veniret, cum semper mihi, tum praecipue commilitio recenti familiaris. Saepe enim cives magis amicos peregrinatio facit. Igitur insidias nescienti, tam Paeonius, quam Bigerus has tetenderunt, ut plurimis coram tanquam ab incauto sciscitarentur, hoc novum carmen an recognosceret. Et ille: Si, inquit, dixeritis. Cumque frustra diversa, quasi per jocum effunderent, solvitur Catullinus in risum, intempestivoque suffragio clamare coepit, dignum poema, quod apicibus perennandum auratis juste tabula rostralis acciperet, aut etiam Capitolina. Paeonius exarsit, cui satyricus ille morsum dentis igniti avidius impresserat: atque ad astantes circulatores, Injuriae communis, inquit, jam reum inveni. Videtis ut Catullinus deperit risu? Apparet ei nota memorari. Nam quae causa compulit festinam praecipitare sententiam, nisi quod jam tenet totum, qui de parte sic judicat? Itaque Sidonius nunc in Arverno est: unde colligitur auctore illo, isto auditore, rem textam. Itur in furias, inque convicia absentis, nescientis, innocentisque conscientiae; fidei quaestioni nil reservatur. Sic levis turbae facilitatem, qua voluit, contraxit persona popularis.
Erat enim ipse Paeonius populi totus, qui tribunitiis flatibus crebro seditionum pelagus impelleret. Caeterum si requisisses, qui genus, unde domo; non eminentius quam municipaliter natus: quemquem inter initia cognosci, claritas vitrici magis quam patris fecerit. Identidem tamen per fas nefasque crescere affectans; pecuniaeque per avaritiam parcus, per ambitum prodigus. Namque ut familiae superiori per filiam saltim quanquam honestissimam jungeretur, contra rigorem civici moris, splendidam, ut ferunt, dotem Chremes noster Pamphilo suo dixerat. Cumque de capessendo diademate conjuratio Marcelliana coqueretur, nobilium juventuti signiferum sese in factione praebuerat: homo adhuc novus in senectute, donec aliquando propter experimenta felicis audaciae, natalium ejus obscuritati dedit hiantis interregni rima fulgorem. Nam vacante aula, turbataque republica, solus inventus est, qui ad Gallias administrandas, fascibus prius quam codicillis ausus accingi, mensibus multis tribunal illustrium potestatum spectabilis praefectus ascenderet: anno peracto militiae extremae terminum circa vix honoratus, numerariorum more, seu potius advocatorum, quorum cum finiuntur actiones, tunc incipiunt dignitates. Igitur iste sic praefectorius, sic senator, cujus moribus, quod praeconia competentia non ex asse persolvo, generi sui moribus debeo, multorum plus quam bonorum odia commovit adhuc ignoranti mihi, adhuc amico, tanquam saeculo meo canere solus versu valerem. Venio Arelatem, nihil adhuc suspicans: unde enim? quanquam putarer ab inimicis non adfuturus; ac principe post diem viso, in forum ex more descendo; quod ubi visum est illico expavit, ut ait ille:
.........................................Nil fortiter ausa
Seditio.
Alii tamen mihi plus quam deceret ad genua provolvi; alii ne salutarent, fugere post statuas, occuli post columnas; alii tristes, vultuosique junctis mihi lateribus incedere. Hic ego, quid sibi haec vellet in illis superbiae nimiae, in istis humilitatis forma, mirari, nec ultro tamen causas interrogare, cum subornatus unus e turba factiosorum dat sese mihi consalutandum. Tunc procedente sermone, Cernis hoc? inquit. Et ego, Video, inquam, gestusque eorum miror equidem, nec admiror. Ad haec noster interpres: Ut satyrographum te, inquit, aut exsecrantur, aut reformidant. Unde? quando? respondi: quis crimen agnovit? quis detulit? quis probavit? Moxque subridens: Perge, inquam, amice, nisi molestum est, et tumescentes nomine meo consulere dignare, utrumnam ille delator aut index, qui satyram me scripsisse confinxit, et perscripsisse confinxerit: unde forte sit tutius si retractabunt, ut superbire desistant. Quod ubi nuntius retulit, protinus cuncti non modeste, neque singuli, sed propere et catervatim oscula ac dexteras mihi dederunt. Solus Curio meus, in transfugarum perfidiam invectus, cum advesperasceret, per cathedrarios servos vespillonibus tetriores domum raptus ac reportatus est.
Postridie jussit Augustus ut epulo suo circensibus ludis interessemus. Primus jacebat cornu sinistro consul ordinarius Severinus, vir inter ingentes principum motus atque inaequalem reipublicae statum gratiae semper aequalis. Juxta eum Magnus, olim ex praefecto, nuper ex consule, par honoribus persona geminatis: recumbente post se Camillo filio fratris, qui duabus dignitatibus et ipse decursis, pariter ornaverat proconsulatum patris, patrui consulatum. Paeonius hinc propter, atque hinc Athenius, homo litium temporumque varietatibus exercitatus. Hunc sequebatur Gratianensis omni ab infamia vir sequestrandus, qui Severinum sicut honore post ibat, ita favore praecesserat. Ultimus ego jacebam, qua purpurati laevum latus in dextro margine porrigebatur. Edulium multa parte finita, Caesaris ad consulem sermo dirigitur, isque succinctus: inde devolvitur ad consularem, cum quo saepe repetitus, quia de litteris factus, ad virum illustrem Camillum ex occasione transfertur, in tantum ut diceret princeps, Vere habes patruum, frater Camille, propter quem me familiae tuae consulatum unum gratuler contulisse. Tunc ille, qui simile aliquid optaret, tempore invento, Non unum, inquit, Domine Auguste, sed primum. Summo fragore, ut nec Augusti reverentia obsisteret, excepta sententia est. Inde nescio quid Athenium interrogans superjectum Paeonium compellatio Augusta praeteriit, casu an industria, ignoro. Quod cum turpiter Paeonius aegre tulisset, quod fuit turpius compellato tacente respondit. Subrisit Augustus, ut erat auctoritate servata, cum se communioni dedisset, joci plenus: per quem cachinnum non minus obtigit Athenio vindictae, quam contigisset injuriae. Colligit itaque sese trebacissimus senex, et ut semper intrinsecus aestu pudoris excoquebatur, cur sibi Paeonius anteferretur, Non miror, inquit, Auguste, si mihi standi locum praeripere conetur, qui tibi invadere non erubescit loquendi. Et vir illustris Gratianensis, Multus, inquit, satyricis hoc jurgio campus aperitur. Hic imperator, ad me cervice conversa, Audio, ait, comes Sidoni, quod satyram scribas. Et ego, inquam, hoc audio, domine princeps. Tunc ille, sed ridens, parce vel nobis. At ego, inquam, quod ab illicitis tempero, mihi parco. Post quae ille: Et quid faciemus his, inquit, qui te lacessunt? Et ego: Quisquis est iste, domine imperator, publice accuset. Si redarguimur, debita luamus supplicia convicti: caeterum objecta si non improbabiliter cassaverimus, oro ut indultu clementiae tuae, praeter juris injuriam, in accusatorem meum quae volo scribam. Ad hoc ipse Paeonium conspicatus, nutu coepit consulere nutantem, placeret ne conditio. Sed cum ille confusus reticuisset, princepsque consuleret erubescenti, ait, Annuo postulatis, si hoc ipsum e vestigio versibus petas. Fiat, inquam: retrorsumque conversus, tanquam aquam poscerem manibus, tantumque remoratus quantum stibadii circulum celerantia ministeria percurrunt, cubitum toro reddidi. Et imperator: Spoponderas te licentiam scribendae satyrae versibus subitis postulaturum. Et ego:
Scribere me satyra qui culpat, maxime princeps,
Hanc rogo decernas, aut probet, aut timeat.
Secutus est fragor, nisi quod dico jactantia est, par Camillano: quem quidem non tam carminis dignitas, quam temporis brevitas meruit. Et princeps, Deum testor et statum publicum, me de caetero nunquam prohibiturum quin quae velis scribas, quippe cum tibi crimen impactum probari nullo modo possit; simul et perinjurium est sententiam purpurati tribuere privatis hoc simultatibus, ut innocens ac secura nobilitas propter odia certa crimine incerto periclitetur. Ad hanc ipse sententiam cum verecunde, capite demisso, gratias agerem, concionatoris mei coeperunt ora pallere, in quae paulo ante post iram tristitia successerat; nec satis defuit quin gelarent, tanquam ad exsertum praebere cervices jussa mucronem. Vix post haec alia pauca, surreximus. Paululum ab aspectu imperatoris processeramus, atque etiamnum chlamydibus induebamur, cum mihi consul ad pectus, praefectorii ad manus cadere, ipse ille meus amicus crebro et abjecte miserantibus cunctis humiliari: ita ut timerem ne mihi invidiam supplicando moveret, quam criminando non concitaverat. Dixi ad extremum, pressus oratu procerum conglobatorum, sciret conatibus suis versu nil reponendum, derogare actibus meis si tamen in posterum pepercisset; etenim sufficere debere, quod. satyrae objectio famam mihi parasset, sibi infamiam.
In summa pertuli quidem, domine major, non assertorem calumniae tantum, quantum murmuratorem. Sed cum mihi sic satisfactum est, ut pectori meo, pro reatu ejus, tot potestatum dignitatumque culmina et jura submitterentur, fateor exordium contumeliae talis tanti fuisse, cui finis gloria fuit. Vale.
 

 

 

NOTES DU LIVRE I.

LETTRE PREMIÈRE.

Constantius. Né au Ve siècle, et a Lyon, suivant l'opinion la plus commune, Constantius était ami de Sidonius, qu'il égalait en noblesse, en savoir, en réputation et en vertu. Il devint un homme d'un excellent conseil, et passa pour un des plus beaux esprits de son siècle. Il était doué d'une éloquence si persuasive, que, s'il parlait en public, son avis prévalait toujours.[1] Appliqué sans relâche à la méditation des pages sacrées, il ne négligeait pas les lettres profanes, et chérissait encore tous ceux qui faisaient profession de les cultiver. Ce fut en partie ce qui l'unit si intimement avec Sidonius et quelques autres savants, qui soumettaient volontiers leurs écrits à sa censure. Aussi Constantius avait-il un jugement fin et délicat, pour n'approuver que les choses qui méritaient d'être approuvées ; il n'était toutefois ni moins grave, ni moins solide, et les ouvrages pleins de force lui plaisaient plus qu'une élégance efféminée.[2]

Ce fut d'après ses instantes sollicitations que Sidonius recueillit et publia les lettres qu'il avait écrites en diverses occasions. Il les partagea en sept livres qu'il lui dédia, le priant de les retoucher et de les polir ; mais il ne parait pas que Constantius en ait jamais rien fait.

Sidonius chargea encore Constantius de publier le viie livre, qu'il avait recueilli à la prière de M. Petronius, célèbre jurisconsulte de la ville d'Arles.

A ses vertus et à son savoir, Constantius joignait une rare prudence, se faisait chérir de tout le monde, savait accommoder ses discours au sujet qu'il traitait et se mettre à la portée de ses auditeurs. Il était caressant avec l'enfance, aimable et gai avec la jeunesse, grave et mûr avec les vieillards, sensible jusqu'aux larmes à la vue de l'infortune, mais ferme, mais habile à lui tendre la main. Il se servit avec succès de tous ces talents, pour les affaires des Romains dans les Gaules, pendant les troubles du ve siècle, et surtout en faveur de l'Auvergne. La capitale de la province était désolée par un long siège, par la désertion de presque tous ses habitons, et par la discorde qui y régnait. Voilà que Sidonius, évêque de ces contrées, appelle son ami; Constantius apparaît, malgré son grand âge, et l'ascendant de son mérite calme aussitôt les esprits, ramène le peuple dans la cité, et répare en quelque sorte toutes ces vastes ruines accumulées sous les coups des barbares.

Cette conduite admirable valut au prêtre Constantius l'affection publique de toute l'Auvergne, et quand il fut de retour à Lyon, Sidonius lui écrivit au nom de son peuple une lettre de remerciements, que nous avons encore. On ne peut rien ajouter au tableau qu'il y fait de la tendresse et de la bonté de Constantius ; on ne saurait donner une plus haute idée et de son esprit et de son cœur. Cette lettre fait, à elle seule, une grande et belle page de notre histoire nationale.

Constantius, qui savait si bien engager les autres à écrire, n'osait écrire lui-même ; il fallut toute l'autorité de son évêque pour lui faire composer la Vie de St. Germain d'Auxerre. Je n'oserais adopter, sans quelque restriction, le magnifique éloge que le moine Hericus, qui florissait au ixe siècle, a fait de cette histoire et de celui qui en est l'auteur. Il en trouve les pensées choisies, les expressions pures et diversifiées ; enfin Constantius, qui était, au jugement d'Hericus, lui savant du premier ordre, a composé cette Vie avec tout l'art, avec toute l'attention possible.[3]

Cet éloge, qui doit paraître excessif aujourd'hui que le goût est épuré, ne pouvait sembler tel au ixe siècle. Les ouvrages que l'on publiait alors n'étaient ni aussi sensés, ni aussi latins, ni d'un aussi bon goût que celui de Constantius, et Tillemont n'a pas eu tort de dire, en parlant de Germain d'Auxerre : « Il a cet avantage assez particulier, que sa vie a été écrite par le célèbre prêtre Constance, auteur contemporain, dont la piété, la science et l'éloquence ont reçu de grands éloges. » Cette Vie est estimée de tout le monde, et les plus habiles s'y arrêtent comme à une autorité incontestable, quoiqu'elle n'ait été écrite que quelque temps après le saint, lorsque la mémoire de ses miracles commençait déjà à s'effacer, c'est-à-dire, quarante ans au moins après sa mort, selon Hericus, moine d'Auxerre, ce qui reviendrait à l'an 488.

Ce fut sur la demande réitérée de deux grands évêques des Gaules, que Constantius publia la Vie de Germain ; ces deux prélats étaient Patiens, archevêque de Lyon, et son frère Censurius, évêque d'Auxerre. Patiens, qui venait d'élever Constantius au sacerdoce, l'engagea, sollicité d'ailleurs par son frère, à écrire la vie de Germain, qui était en grande vénération à Lyon, où il avait séjourné quelque temps. On s'y souvenait encore des prédications qu'il y avait faites, des prodiges qu'il y avait opérés, lorsqu'il y passa quand il se rendait à Arles pour aller soumettre ses remontrances au préfet du prétoire, Auxiliaris, sur les impôts exorbitants dont le peuple d'Auxerre était accablé. En quittant Lyon pour s'embarquer sur le Rhône, Germain trouva son passage couvert d'une double haie de malades qui l'attendaient avec impatience, afin de recevoir de lui leur guérison. Personne, sans doute, n'était plus capable de rendre à la postérité un compte exact de ces merveilles que Constantius, qui en avait vu une partie dans ses premières années, et qui avait pu facilement apprendre le reste par la voix des témoins oculaires.

Nous avons cette histoire dans Surius[4] et dans les Bollandistes[5] qui la divisent en deux livres, d'après tous les manuscrits.[6] Constantius reconnaît qu'il a omis beaucoup de choses pour que son ouvrage ne parût pas trop long;[7] mais, du reste, on s'accorde à louer et l'exactitude et la vérité de ses récits. Quant à sa manière, elle est nette, pure et facile ; ce n'est pas seulement l'histoire ecclésiastique, c'est encore l'histoire profane qui peut demander à ce livre des faits, des détails précieux et de grands secours pour rétablir le commencement de nos annales. Dans le Discours préliminaire[8] de son Histoire critique de la monarchie française, le savant abbé Dubos fait une mention spéciale de l'ouvrage de Constantius, et le parti qu'il sait en tirer lui-même atteste la vérité de ses éloges. C'est, en effet, dans la Vie de St. Germain qu'il prend un chapitre d'une haute importance ; nous le placerons ici en substituant notre version à celle de Dubos.

« A. peine Germain était-il de retour de la Grande-Bretagne à Auxerre, qu'une députation du pays Armorique vint demander un nouveau travail au bienheureux prélat. Indigné de la hauteur et de l'orgueil des habitants de cette contrée, le grand Aetius, qui gouvernait la chose publique, avait chargé Eochar, roi des Alains et prince très féroce, de dompter ces présomptueux rebelles, et de soumettre des contrées que le barbare, avide de pillage, convoitait déjà.

« A cette nation si belliqueuse, à ce prince adorateur des idoles, on oppose donc un vieillard seul, qui, toutefois, appuyé sur le Christ, est plus puissant et plus fort que ses ennemis. Point de retard ; il se met aussitôt en route, parce que les Alains approchaient. Ils étaient fort avancés déjà, et leurs cavaliers bardés de fer couvraient toutes les routes. Notre évêque pourtant marchait au-devant d'eux, jusqu'à ce qu'il pénétrât vers le roi qui suivait son armée. Il se présente à ce prince qui se hâtait d'avancer, et s'oppose à lui au milieu de ses guerriers innombrables. Par le moyen d'un interprète, il lui adresse d'abord une humble supplication, jette ensuite des paroles sévères à son inflexibilité, puis enfin, saisissant les rênes de son cheval, il arrête là toute l'armée.

« Alors ce prince farouche, dominé par le bras de Dieu, sent tout à coup sa colère se changer en des pensées d'admiration ; il s'étonne d'un tel courage, respecte un homme vénérable, et se voit contraint de céder à une force surnaturelle. Cet appareil de guerre, ce mouvement de troupes aboutit donc à une conférence amiable et sans hauteur ; on discute les moyens de mettre en exécution, non pas les volontés du roi, mais celles de l'évêque. Eochar ramène ses troupes dans leurs quartiers, et promet une paix inaltérable, à condition que les Armoriques demanderaient à l'empereur, ou bien à Aetius la confirmation du pardon qu'il venait de leur accorder. Cependant les prières et le mérite de Germain arrêtèrent le prince, firent reculer ses troupes et sauvèrent la province armorique de la dévastation. Lib. II, 62. »

« Si le prêtre Constance, poursuit Dubos, avait prévu la perte des livres qu'on avait de son temps et qu'on n'a plus aujourd'hui, il aurait été plus exact dans sa narration. Il nous, aurait dit le temps et le lieu où l'événement dont il parle était arrivé ; et il nous aurait informés du contenu des articles qu'Eochar d'un côté, et St. Germain de l'autre, arrêtèrent alors pour servir de préliminaires au traité de pacification entre l'empereur et les Armoriques. Mais cet auteur, qui comptait sur ces livres, a mieux aimé écrire en panégyriste qu'en historien, et il a évité les détails.[9] »

Au ixe siècle, un moine d'Auxerre, Hericus, composa une nouvelle Vie de St. Germain, après avoir traduit en vers le livre de Constantius : on trouve ces deux ouvrages dans le recueil des Bollandistes, au 31 juillet. Assurément, ils n'ont pas le mérite littéraire de la composition du prêtre lyonnais ; mais toutefois on peut affirmer que, pour le siècle où vivait l'auteur, ils sont assez bien écrits. La prose de Hericus vaut peut-être moins que ses vers, et présente un chapitre intéressant pour l'histoire littéraire de notre ville au ve siècle.

Revenons à Constantius. — Il fallait qu'il eût un talent bien marqué pour la poésie, puisque le même archevêque qui lui demanda la Vie de St. Germain, lui demanda aussi une inscription en vers pour sa nouvelle église des Maccabées. Après avoir décoré ce temple de tout ce que l'art et la nature avaient de plus précieux, on voulut encore l'embellir avec ce que la poésie pouvait donner alors de plus exquis. Sidonius fut chargé de faire l'inscription pour le frontispice de la basilique. Constantius et Secundinus, qui partageaient avec lui les honneurs de la poésie, furent aussi chargés de deux inscriptions que l'on grava aux deux côtés du maître-autel. Les lettres peuvent regretter que Sidonius, en envoyant son petit ouvrage à son ami Hesperius, ne lui ait pas envoyé en même temps ceux de Constantius et de Secundinus.

Ces deux dernières inscriptions qui nous manquent, et qui étaient historiques comme la première, nous auraient instruits de quelque intéressante particularité. Mais Sidonius n'osa pas les envoyer avec la sienne, parce qu'il craignait la comparaison.[10] Nous ferons de ceci l'objet d'un article spécial, quand nous parlerons de l'église des Maccabées.

Tillemont[11] et les Bénédictins[12] pensent que le prêtre Constantius est encore auteur de la Vie de St. Just, évêque de Lyon, mort vers l'an 390. Surius nous l'a donnée, dans son recueil, au 2 septembre après en avoir un peu changé le style, comme il l'avoue lui-même. Cette Vie n'offre que peu de faits particuliers ; le style en est grave, majestueux, plein d'élégance, et bien digne de Constantius ; mais, quand on a pesé les fortes preuves que les Bollandistes[13] opposent à Tillemont et aux Bénédictins, il est difficile de croire qu'elle soit sortie de la plume du prêtre lyonnais.

On ignore l'époque de sa mort : on croit qu'il vécut au moins jusqu'en 488.

Diu praecipis, etc. — Ce début présente une imitation visible de Pline le jeune, Epist. I, i, que Sidonius parait s'être proposé pour modèle, comme il le dit ailleurs, Epist. IV, 22 ; — IX, i, et comme le prouvent les lettres de l'un et de l'autre.

Symmachi. — Q. Aurelius Symmachus, vers la fin du ive siècle après J. C., orateur le plus célèbre de son temps, mais dont les discours ont été perdus, à l'exception de ce que Angelo Mai en a retrouvé et publié avec des notes, à Milan, 1815. Ce sont les fragments de huit discours, dont un est adressé à Valentinien, un au sénat ; deux sont adressés à Gratien, et les autres à de simples particuliers. Nous possédons encore de lui un recueil de Lettres en dix livres, qui furent mis en ordre par son fils. Ces lettres attestent une connaissance profonde des affaires ; utiles pour l'intelligence du droit romain et pour l'histoire du temps, elles sont écrites d'un style facile, agréable, simple, autant que le siècle le permettait. La plus fameuse de ces lettres est celle qui traite la question du rétablissement de l'autel de la Victoire. St. Ambroise et Prudence l'ont réfutée. M. de Chateaubriand, dans ses Martyrs, a reproduit admirablement cette lutte du paganisme contre le christianisme. Charpentier, Etudes morales et historiques sur la littérature romaine, p. 300. Paris, Hachette, 1829, in 8°.

De M. Tullio silere me. — Sidonius est loin de désapprouver, quoi qu'en disent Pétrarque, Epist. Praefat., et Politien, Epist. I, i, le style épistolaire de Cicéron ; il veut dire seulement que son ambition ne se porte pas jusques à marcher sur les traces d'un homme qui n'a pu avoir un digne imitateur dans Julius Titianus lui-même. C'est, du reste, avec assez de circonspection, que Pétrarque émet d'abord son avis, car il avoue ne pas saisir pleinement le sens de Sidonius. « Nisi forte, dit-il, temerarius ipse sim, qui temerarium illum dicam, dum sales ejus, seu tarditatis meae, seu illius styli obice, seu fortassis (nam unumquodque possibile est) scripturae vitio non satis intelligo. » Mais ensuite sa bile s'enflamme, et il tombe de plus belle sur Sidonius, et fait une longue apologie de Cicéron. — Voy. les Allocutiones Gymnasticae de Vincent Guinisius, jésuite, p. 50 ; Anvers, 1638, in-12.

J. Titianus. — Nous ne savons ni en quelle année, ni en quel lieu naquit cet orateur. Sa grande réputation le fit choisir par l'empereur Maximin I pour enseigner l'éloquence latine au prince Maximin son fils. Ce fut, selon toute apparence, en 235, lorsque Maximin parvint à l'empire, que Titianus commença à exercer les fonctions de rhéteur auprès du jeune prince, qui pouvait être alors dans la dix-septième année de son âge. Il ne put les continuer longtemps, le père et le fils ayant été tués, dès l'an 238, devant Aquilée, qu'ils assiégeaient.[14] Il ne laissa pas néanmoins de retirer de ces fonctions l'honneur du consulat, auquel les princes, avant leur mort, l'avaient élevé par reconnaissance. Mais souvent dès lors cette haute dignité était plus de nom que d'effet, comme le dit Ausone en parlant de Titianus même.[15] On ne trouve pas son nom dans les fastes consulaires ; il est donc à présumer qu'il ne fut que consul subrogé.

Il s'acquit plus de gloire à gouverner les écoles de Lyon et de Besançon, auxquelles il présidait alternativement. « Sed gloriosus ille, dit Ausone, municipalem scholam apud Vesuntionem Lugdunumque variando, non aetate quidem, sed vilitate consenuit. » Il finit ses jours dans l'exercice de cet emploi, qui, du reste, était bien au-dessous du mérite d'un aussi grand homme, qui s'était vu précepteur d'un César, et consul. Voila pourquoi Ausone se sert de ces expressions : « Vilitate consenuit.[16] »

Les services que Titianus rendit à la république des lettres ne se bornèrent pas seulement à instruire un César, et à prendre soin des écoles de deux villes tout à la fois ; il enrichit encore la littérature de divers ouvrages fort estimés, et travailla avec tant de zèle à faire fleurir l'éloquence, qu'il a mérité de partager les éloges accordés aux plus célèbres orateurs de l'antiquité, sous le même rapport. « La rhétorique, dit St. Isidore, de Séville, ayant été inventée par les Grecs, fut établie chez les Latins par les soins de Cicéron, de Quintilien et de Titianus.[17] » Ausone rend aussi témoignage au talent que Titianus avait pour l'éloquence.[18]

Voici la liste des ouvrages que l'on sait être sortis de la plume de notre orateur, Mais il ne nous en reste plus rien aujourd'hui :

I. Une Chorographie, ou description des provinces de l'empire. Servius, au IVe livre de l'Enéide, cite cet ouvrage.

II. Des Lettres, sous le nom de Femmes illustres, où il tachait d'imiter le style de Cicéron ; mais il ne réussit pas, s'il faut en croire notre auteur. Servius[19] nous assure qu'il avait tiré de Virgile tous les titres des sujets qu'il traitait. Il n'y a pas lieu de douter qu'il n'eût pris pour modèle Ovide, qui avait écrit de semblables lettres sous le nom des Héroïnes.[20] Ce fut cette manie de tout imiter qui fit surnommer Titianus le Singe de son temps, selon Capitolin, ou le Singe des orateurs, selon Sidonius.

III. Un ouvrage sur l'Agriculture.

IV. Nous apprenons d'Ausone que Titianus avait traduit en prose latine des fables écrites dans le genre d'Esope, mais en vers iambiques. En les envoyant à Probus ainsi traduites, avec quelques-uns de ses vers, le poète parle de la sorte, Epist. XVI, p. 483 :

Aesopiam trimetriam

Quam vertit exili stylo,

Pedestre concinnans opus,

Fandi Titianus artifex.

A la fin de cette lettre, Ausone dit encore :

Sed jam ut loquatur Julius,

Fandi modum invita accipe

Volucripes diametria.

Voyez pour de plus amples détails, l’Hist. litt. de la France, tom. I, p. 401-404.

Frontonianorum. — M. Cornélius Fronto, célèbre orateur romain, fut un des maîtres de Marc-Aurèle. Ce prince philosophe lui donna le consulat, et lui fit élever, en l'année 161, une statue dans le sénat ; mais il lui a lui-même élevé, dans ses Commentaires, I, § 2, un monument plus durable. « C'est à Fronto, dit-il, que je dois d'avoir su remarquer tout ce que la royauté enferme de jalousie, d'astuces, d'hypocrisie, et combien, en général, il y a peu d'affection dans le cœur de ces hommes qu'ici l’on appelle Nobles. » Eumenius, dans son Panégyrique de l'empereur Constance, chap. XIV, a loué Fronto en des termes qui paraissent fort hyperboliques ; il fait de lui un autre Cicéron. Il ne lui donne pas la seconde place ; à ses yeux ils sont tous deux sur la même ligne, et se partagent l'empire de l'éloquence latine : « Fronto romanae eloquentiae non secundum, sed alterum lumen. » Au reste, ce rival de Cicéron avait, au jugement de Macrobe, Saturnal., V, i, un caractère de style tout opposé à celui du défenseur de Milon et de Marcellus. Cicéron est riche et abondant ; Fronto était sec ; et, par sec, on ne peut pas entendre qu'il était concis ; car, Macrobe distingue la brièveté, la concision de Salluste, de la sécheresse de Fronto. Aulu-Gelle parle plus d'une fois de Fronto, dont il était contemporain, en la société duquel il avait quelque temps vécu. « Dans ma jeunesse, dit-il, XIX, 8, quand les maîtres et les cours publics me laissaient du loisir, j'allais rendre visite à Cornélius Fronto, pour jouir de son langage si pur, de sa conversation nourrie de toutes les bonnes doctrines. Jamais il ne m'est arrivé de le voir et de l'entendre, sans revenir chez moi et plus poli et plus avant. »

L'édition princeps des fragments de son traité De differentiis verborum, fut donnée par les soins de J. Parrhasius, dans sa collection des Grammairiens anciens, en 1504. L'ouvrage a été reproduit dans les réimpressions de cette collection et dans les recueils de G. Fabricius, 1569, in-8; de Putschius, 1605, in 4°. Voyez Boissonade, Biogr. univ. Voyez encore l'Hist. litt. de la France, tom. I, p. 282-286.

Angelo Mai, d'après les découvertes récentes, a publié divers ouvrages de Fronto, à Milan, 1815, et d'autres encore à Rome, 18s3. En voici les titres :

I. Epistolarum ad Antoninum Pium liber unicus.

II. Epistolarum ad Marcum Caesarem libri I et II.

III. Epistolœ ad L. Verum.

IV. Epistolarum ad amicos libri I et II.

V. De feriis Alsiensibus. Correspondance entre Marc-Aurèle et Fronto, sur le séjour de ce dernier auprès d'Alsium, en Etrurie.

VI. De Nepote amisso.

VII. Epistola de Oratiomibus ad M. Antoninum Augustum.

VIII. Epistola ad Cœsarem de Eloquentia. — Ces deux derniers ouvrages ont été retrouvés, avec des augmentations, dans le manuscrit découvert par Angelo Mai, au Vatican.

IX. Epistola ad Annicum Verum.

X. Epistola ad M. Antoninum Augustum, libri I et II.

Parmi les fragments on cite : Fragm. de bello Parthico ad M. Antoninum. Lettre de consolation, à ce que l'on croit, sur le revers de la guerre des Partîtes.

Ad M. Antoninum principia historiae. Fragments d'un ouvrage où Fronto met en parallèle les campagnes de Trajan et celles de Verus.

Laudes fumi et pulveris ; Laudes negligentiœ. Fragments de lettres plaisantes à Marc-Aurèle.

Nous avons perdu, ou, du moins, nous ne connaissons pas encore de Fronto :

Panegyricus I Antonino Pio dictus, sur la guerre que cet empereur fit contre les Bretons.

Panegyricus II. Il remercie Antonin-le-Pieux de ce qu'il l'a élevé au consulat.

Oratio pro Demonstrato Petiliano. Oratio Bithyna. Invectiva in Pelopem.

M. Armand Cassan a publié une bonne et savante traduction des Lettres inédites de Marc-Aurèle et de Fronton. Paris, Levavasseur, 2 vol. in-8°. 1830.

« Les ouvrages de Fronto, perdus pendant longtemps, dit M. Charpentier, viennent de se retrouver, mutilés, il est vrai, et incomplets ; la pensée, brisée et obscurcie, n'offre plus que des formes vagues et altérées ; un reste de chaleur est encore au fond de ces membres dispersés, mais la vie s'en est retirée : aussi, tel que nous le possédons, avons-nous peine a trouver cet écrivain égal à sa réputation, que nous croyons sans la comprendre. » Etudes morales et historiques, sur la littérature romaine, p. 348-349.

Post lividorum. — Sidonius parle plusieurs fois de ses détracteurs, Epist. III, 14; —IV, 22; — VIII, 1; — IX, 16. Il se loue de ce qu'il ne leur ressemble pas ; IX, 9.

LETTRE II.

Agricola. — Son nom ne serait point parvenu jusqu'à nous, si deux lettres[21] ne lui eussent été adressées par Sidonius Apollinaris qui avait épousé sa sœur, Papianilla. Il paraît certain qu'Agricola était fils de l'arverne Avitus, qui, après avoir été trois fois préfet du prétoire dans les Gaules, se fit proclamer empereur à Toulouse, en 455; Pernetti, toujours si prodigue d'éloges, nous dit, sans néanmoins produire aucune preuve, qu'Agricola ne dégénéra pas des grandes qualités qui semblaient être attachées à toute la famille de Sidonius. Peut-être même Pernetti se trompe-t-il, quand il fait d'Agricola un lyonnais.

Théodoric II, roi des Goths., monta sur le trône en 453, par l'assassinat de Thorismund, son frère. Pour justifier ce crime, il accusa son prédécesseur d'avoir formé le dessein de rompre l'alliance avec les Romains. Thorismund avait puisé dans les conversations d'Avitus, avec le goût des lettres, le désir d'améliorer le sort des peuples qu'il devait gouverner. Théodoric, à son tour, contribua beaucoup, après la mort de Maxime, à faire élire empereur Avitus, et il garantit au nouveau César l'appui des Goths contre ses ennemis. Riciarius, roi des Suèves, voulut profiter des troubles de l'empire pour étendre sa domination sur l'Espagne. Théodoric avertit son beau-frère que les Romains et les Goths étant alliés, il ne pouvait attaquer les uns sans mécontenter les autres. Le présomptueux Riciarius répondit : « Si tu murmures, si tu te plains de ce que j'approche trop près de toi, j'irai à Toulouse, siège de ton empire ; là, si tu peux, résiste-moi.[22] » Théodoric aussitôt passa les Pyrénées, remporta une victoire complète sur le roi suève, près de la rivière Urbicus (l'Obrego) qui prend sa source dans les Asturies ; il se rendit ensuite dans le royaume de Léon.[23] En peu de temps il achève la conquête des états de son beau-frère, et pour s'en assurer la possession, il fait trancher la tête à Riciarius, arrêté dans sa fuite. La nouvelle de la déposition et de la mort d'Avitus oblige Théodoric à revenir promptement dans son royaume. Agiulfe,[24] qu'il avait laissé son lieutenant en Espagne, veut s'y rendre indépendant. Le roi des Goths envoie une armée contre lui ; il le bat et le met a mort ; mais le pays était tellement dévasté, que les Goths ne purent s'y maintenir. Leur départ est le signal d'une nouvelle révolte des Suèves. Sans renoncer au projet de les asservir, Théodoric s'allie à Gizeric, roi des Vandales, pour faire la guerre à Majorien, que Ricimer avait fait élire empereur à la place d'Avitus. Battu par Majorien devant Arles, dont il avait entrepris le siège, il renonce à l'alliance de Gizeric, et l'oblige à servir Majorien contre les Vandales. Sévère, successeur de Majorien, ou plutôt Ricimer, qui régnait sous le nom de ce fantôme d'empereur, s'attache Théodoric[25] en lui livrant Narbonne, dont la conservation avait coûté tant de sang aux Romains. L'armée qu'il envoie contre Aegidius[26] est défaite devant Orléans, mais il n'en accroît pas moins ses états de plusieurs villes ; et il méditait de nouvelles conquêtes, quand il fut assassiné par son frère Euric, an mois d'août 466. Il était alors environ dans la 40e année de son âge, et avait régné treize ans accomplis. Ainsi, Théodoric perdit le trône par un crime semblable à celui qui l'en avait rendu maître.[27] Dans la 2e lettre de son 1er livre, Apollinaris Sidonius nous a laissé un magnifique éloge de la puissance et de la politique de ce prince. « On pourrait soupçonner avec quelque fondement l'auteur de cette lettre, trop travaillée pour avoir été écrite dans le dessein qu'elle ne fût lue que par une seule personne, de n'avoir dépeint avec tant de soin la sagesse et l'application du roi des Visigoths, qu'afin d'attirer plus de monde dans quelque parti qui se formait alors parmi les habitants des provinces obéissantes des Gaules, pour secouer le joug des officiers envoyés par la cour de Ravenne, et pour se mettre sons la protection des Visigoths. Qu'il y eut alors dans ces provinces plusieurs citoyens, fatigués, désespérés de l'état déplorable où leur patrie était réduite par les querelles qui s'excitaient de temps en temps entre les Barbares, qui en tenaient une partie, et l'empereur qui en conservait une autre, qu'il ne pouvait garder sans l'épuiser en même temps ; et que ces citoyens, persuadés d'un autre côté que l'empereur ne viendrait jamais a bout de reprendre ce que tenaient les Barbares, voulussent se donner à certaines conditions à ces mêmes Barbares, afin de n'avoir plus à faire la guerre continuellement, on n'en saurait douter. On verra même, dans la suite, que les Romains de la Gaule, je dis des plus considérables, ont quelquefois exhorté le Barbare d'achever de se rendre maître de leur patrie. Ce qui empêcha jusqu'au règne de Clovis que les Romains des Gaules ne prissent tous de concert, et qu'ils n'exécutassent le dessein de se jeter entre les bras des Barbares, ce fut que ces derniers étaient encore ou païens, comme les Francs et les Allemands ; ou ariens, comme les Visigoths et les Bourguignons, et que le gros de ces Romains ne pouvait pas se résoudre à se donner un maître ou idolâtre ou hérétique.

« Aussi, c'est peut-être par cette raison-là que Sidonius Apollinaris a soin de faire mention, dans son épître, du peu de zèle que Théodoric avait pour sa secte. Cependant Sidonius, dans les lettres qu'il écrivit lorsque les Visigoths se furent rendus maîtres de l'Auvergne, ce qui n'arriva que plusieurs années après la mort de Théodoric, témoigne tant d'affliction de voir sa patrie sous leur joug, que j'ai peine à croire qu'il ait jamais souhaité qu'elle fut soumise à leur domination. Peut-être aussi le changement des circonstances aura fait changer de sentiment à Sidonius. Il aura souhaité de voir passer l'Auvergne sous le pouvoir de Théodoric, prince sage, et nullement ennemi des catholiques ; mais il aura été au désespoir de la voir passer sous la domination d’Euric, le successeur de Théodoric, parce qu'Euric était un prince violent et cruel persécuteur de la véritable religion. D'ailleurs, Sidonius, qui était encore laïque lorsqu'il écrivit la lettre, était devenu évêque de l'Auvergne lorsqu'Euric fut mis en possession, ce qui n'arriva qu'en l'année 475.[28] »

— « La peinture que Sidonius Apollinaris fait de la manière de vivre, et de la cour de Théodoric II, peut servir à donner quelque idée de la cour de nos premiers rois. S'il y avait de la différence, pour parler ainsi, entre la cour de Tournai et celle de Toulouse, c'est que la première devait être encore moins sauvage que l'autre. Il y avait déjà pour lors deux cents ans que les Francs, habitués sur les bords du Rhin, fréquentaient les Romains, et qu'ils passaient la moitié de leur vie dans les Gaules ; au lieu qu'il n'y avait pas encore quarante-cinq ans que les Visigoths, partis des bords du Danube, s'étaient établis dans ce pays-là, et qu'ils avaient commencé à s'y polir par le commerce des anciens habitants.[29] »

Nihil regni defraudet invidia. — La même pensée se trouve dans plusieurs auteurs. Voyez Capitolin, in Antonino philosopho, XV ; — Sénèque, De Ira, III., il, édit. de Juste-Lipse ; — Cicéron, pro Flacco.

Caesaries refuga. — Alcime Avite a dit en parlant de l'Inde, Poemat. I, 203 :

Caesaries incompta riget, quae crine supino

Stringitur, ut refugo careat frons nuda capillo.

Et Lucain, Pharsal., X, 131.

....................................................Para sanguinis usti

Torta caput, refugosque gerens a fronte capillos.

C'était autrefois un ornement que de porter ainsi les cheveux rejetés en arrière ; on peut le voir dans plusieurs historiens. Julius Capitolinus dit, au sujet de Pertinax : « Fuit autem senex venerabilis, immissa barba, reflexo capillo. » XV. — Pescennius Niger, au rapport de Spartien, était d'une haute stature, d'une belle forme, « capillo in verticem ad gratiam reflexo. » VI. — « Comae, dit St. Jérôme, in occipitiumque frontemque tornantur. » Adversus Jovinian.,II, p. 314, édit.des Bénédictins.

Sicut moS Gentis est. Les rois goths étaient vêtus comme leurs sujets ; c'est Isidore de Séville qui nous l'apprend. « Leuvigildus primus inter suos regali veste opertus, solio resedit ; nam, ante eum, et habitas et consessus communis ut genti, ita et regibus erat. » Chronic. p. 401. Paris, 1601, in-fol.

Crinium flagellis. — Les Goths portaient une longue chevelure dont les tresses flottaient sur leurs épaules. « Nonnullae etiam gentes non solum in vestibus, sed et in corpore aliqua sibi propria, quasi insignia vindicant, ut videmus cirros Germanorum, granos et cinnabar Gothorum. » Isid. Hispal. Orig. XIX, 23. Par le mot cirros, le savant P. Sirmond entend des cheveux noués en tresses, in nodum coactos ; et par granos, ces tresses mêmes. Le Synode de Braga, can. 29, emploie ce dernier mot dans un sens tout à fait identique, à ce qu'il nous paraît; « Item placuit ut lectores in Ecclesia, in habita seculari ornati non psallant, neque granos gentili ritu demitant. » On lit dans Pétrone : « Hilarior post hanc pollicitationem mulier facta, basiavit me spissius, et ex lacrymis in risum mota, descendentes ab aure capillos meos lenta manu duzit. »

Les Francs, et surtout les princes du sang royal, portèrent aussi la longue chevelure des peuples du Nord. « Ut regum istorum mos est, dit Grégoire de Tours, crinium flagellis per terga demissis. » VI, 24 — Una tantum pars capillorum (Chlodovœi) quae subter fuerat, jam defluxerat ; alia vero cum ipsis crinium flagellis intacta durabat. » VIII, 10.

Antelucanos sacerdotum suorum coetus. — Les prêtres ariens chantaient des antiennes qui favorisaient leur doctrine, et, dès la pointe du jour, allaient en procession a leurs églises, continuant le même chant. « Où sont, disaient-ils, ceux qui assurent que les trois personnes ne font qu'une même puissance ? » Voyez Sozomène, Hist. eccl., VIII, 7 ; —Socrate, Hist. eccl., VI, 8 ; — Walafrid Strabon, De Officiis divin., XXV.

Reliquum mane. — Dans les âges reculés, c'était le matin que se traitaient les plus importantes affaires ; on remettait au soir celles qui ne l'étaient pas autant. « Si diurna negotia, écrit Symmaque à son ami Ausone, nunquam distingues quiete, certe antelucano somno nullus indulseris, ut detur aliquod tempus officiis. » Epist. I, 17, édit. de Juret. — On lit dans Sénèque : « In postmeridianas horas aliquid levioris operae distulerunt. Majores quoque nostri novam relationem post horam decimam in senatu fieri vetabant. » De Tranquillitate animi, XV.

Circumsistit sellam comes armiger. — Sidonius emploie le mot sella, siège, parce que les rois goths, avant Léovigild, n'avaient pas de trône. Voyez la Chronique d'Isidore de Séville, p. 401. — Sur la dignité d'armiger, ou grand écuyer, Corripus, III, 6.

Pellitorum turba satellitum. — Les satellites, les gardes du corps. Sidonius les nomme pelliti, parce qu'ils étaient couverts de peaux, comme les Scythes, dont les Goths tiraient leur origine. « Non hodieque, dit Sénèque, magna Scytharum pars tergis vulpium induitur ac murium, quae factu mollia, et impenetrabilia ventis sunt ? » Epist. XC.

Ipsa satellitibus pellitis Roma patebat,

Et captiva, prius quam caperetur, erat.

Rutilii, Itin. II, 49-50.

Tentavit Geticiu nuper delere tyrannus

Ilaliam, patrio veniens juratus ab Istro,

Has arces aequare solo, tecta aurea flammis

Solvere, mastrucis proceres vestire togatos.

Prudent. Contra Symmachum, II.

Les mastrucœ, dont parle ici Prudence, ne sont autre chose que des vêtements faits avec des peaux de bêtes sauvages. Voyez Isidore, XIX, 23 ; — Prosper d'Aquitaine, De Providentia Dei; — Maxime de Turin, tom. II; — Jérôme, Epitaph. Nepot.

Exclusa vellis, inclusa cancellis. — Corripus, décrivant la salle d'audience de l'empereur Justin le Jeune, place de même les gardes hors du rideau ; livre III, chap. 6.

Nobilitat medios sedes Augusta penates,

Quatuor eximiis circumvallata columnis.

Et un peu plus loin :

Vela tegunt postes ; custodes ardua servant

Limina, et indignis intrare volentibus obstant

Condensi pumeris, fastu nutuque tremendi. »

Un rideau partageait dose tonte la salle d'audience, qui était fermée par une balustrade, cancellis inclusa. Les conseillers du prince étaient admis dans le consistoire royal, en dedans du rideau ; les gardes restaient entre ce même rideau et la balustrade. — La même disposition se retrouvait à peu prés dans les tribunaux des juges. Cassiodori Variarum, XI, 6. — Isidori Gloss.

Suspiriosus. — Qui soupire, tout essoufflé sous son fardeau, sous l'argenterie qu'il porte. C'est dans le même sens que le poète Alcime Avite dit, au IIIe livre de ses poèmes :

Quod pelagus, quod terra tenet, quod flumina gignunt,

Certatim mensis cedentibus undique lassus

Portabat pallens auri cum fasce minuter. (v. 131.)

Toreumatum conchyliata supellex. — Au livre IIe Epist. 13, au IXe Epist. 13, Sidonius se sert encore du même mot : Sericato toreumati imposuit, rutilum toreuma bysso. Il est manifeste que, dans ces divers endroits, toreuma est employé pour torale, couverture de lit ; notre auteur lui donne une acception qui n'est pas la sienne. Les toreumata étaient des vases ciselés, qui n'ont rien de commun avec la pourpre et le lin. Les toralia étaient des couvertures que l'on plaçait sur les lits appelés triclinia. Ils étaient pour l'ordinaire faits avec des peaux ; chez les riches, ils étaient de pourpre et de soie. « Conchyliatis Cn. Pompeii peristromatis servorum in cellis lectos stratos videres. » Cic. Philippica, II.

Cubitis trudit hinc et inde convivas,

Effultus ostro, sericisque pulvinis. »

Martialis, Epigramm. III.

Elegantiam graecam. — Les Grecs étaient hommes de bonne chère par-dessus tout. Voy. Athénée, X, 14;—Sidon. Epist. IV, 7.

Abundantiam gallicanam. — Les Occidentaux, et les Gaulois en particulier, étaient gros mangeurs. « Edacitas in Graecis gula est, dit Sévère Sulpice, in Gallis natura. » Dial. I, 4. Ce bon appétit de nos ancêtres fournit au même écrivain plusieurs plaisanteries, dans lesquelles il semble se complaire. Voyez Dial. I, 2 ; — Dial. II, 7 ; — Sidon. Epist. II, g; — Luitprandi Ticinensis, I, 6; — Guizot, Cours d'Hist. mod., tom. II, p. 56.

Luxu sabbatario. — Sidonius parle ici des jours de fêtes qu'il oppose aux jours ordinaires, et ne fait qu'employer une locution fort ordinaire à l'Ecriture, qui désigne une solennité quelconque, par le mot sabbatum. Isidore de Peluse témoigne, du reste, de ce que nous disons : «Σαββατον πᾶσαν ἐόρτην καλοῦσι » Epist. III, 110.

Somnus meridianus. — Les anciens faisaient la méridienne, pour se reposer des fatigues matinales. Sidon. Epist. II, g. — Sueton. in Augusto, 78.

Tabula cordi est. — De quel jeu s'agit-il dans ce passage de Sidonius ? Il est difficile de le deviner. Voici comment le P. Menestrier[30] traduit ces quelques lignes : — « Après le repas, Théodoric joue quelquefois au trictrac ; et il est un fort beau joueur, car il jette les dés lestement, remarque aussitôt les points, place les tables, donne le cornet, excite les autres à jouer et les attend patiemment. Il ne dit mot quand il fait quelque bon coup, rit quand le jeu ne lui en dit pas, et ne se fâche jamais. Il ne demande point de revanche quand il perd, et ne la prend pas même quand on la lui présente, etc. »

M. Jal, qui a aussi inséré cette lettre dans son Résumé de l’Hist. du Lyonnais, s'est servi, en la modifiant, de la traduction du P. Menestrier ; mais il n'a presque rien changé au passage qu'on vient de lire, et il y a laissé subsister le trictrac.

Le dernier traducteur de Sidonius, Billardon de Sauvigny, fait ainsi parler son auteur :

« — Quand ce prince veut jouer, il ramasse promptement les dés, les interroge en plaisantant, et attend avec patience ce que le sort en décidera ; si le coup lui est favorable, il y prend intérêt, etc. »

Comme on le voit, Sauvigny élude la difficulté ; il ne traduit point le mot tabula, que Menestrier a rendu par trictrac ; et, dans tout le reste du passage, il semble avoir plutôt deviné que traduit.

Le commentateur le plus estimé de Sidonius, le P. Sirmond, n'a fait aucune annotation sur ce passage ; mais son devancier, le président Savaron, n'a pas été aussi bref. Suivant lui, ce serait du jeu des petits soldats, fort usité chez les Romains, que Sidonius aurait voulu parler. Cette opinion me parait assez probable, .surtout si je la rapproche de ce qu'on lit sur le jeu des petits soldats, dans les Antiquités romaines d'Adam.[31] « Les Romains, dit cet auteur, que j'abrège, jouaient aussi à un jeu appelé Duodecim scripta... sur une table carrée (tabula vel alveus), divisée par douze lignes sur lesquelles on plaçait des fiches de différentes couleurs (calculi, latrones, vel latrunculi) ; on les plaçait d'après les coups, comme nous faisons au trictrac. Toutes ces lignes étaient coupées par une ligne transversale, appelée linea sacra, et qu'on ne dépassait pas sans y être contraint. Quand les fiches se trouvaient à la dernière ligne, on les désignait par les épithètes inciti, vel immoti, et le joueur, réduit à l'extrémité, ne pouvait plus se remuer. Le jeu dépendait autant du hasard que de la combinaison. »

Ce qui rend le sens du passage de Sidonius si difficile à saisir, c'est qu'il n'y est question que d'un seul jeu, et que ces mots de tesserœ, de jactus, de calculi que l'on y trouve, peuvent s'appliquer a plusieurs jeux usités chez les anciens. Je ne trancherai pas la question, mais je ne pense pas qu'on puisse, comme le P. Menestrier, traduire tabula par trictrac; il me semble qu'il faut rendre tout le passage d'une manière littérale, et qu'en se rapprochant du texte autant qu'il est possible, on ne s'expose point à faire un contresens, ou bien une conjecture qui serait très hasardée (Note de M. Péricaud).

Tunc ego etiam aliquid obsecraturus feliciter vincor. — « On peut conjecturer, sur ce que dit Sidonius du bonheur qu'il avait de perdre quelquefois son argent, qu'il était venu à Toulouse pour affaires. Quoique la cité d'Auvergne, dont il était sénateur, et où par conséquent il devait avoir la principale portion de son patrimoine, ne fût point encore sujette aux Visigoths, il se peut très bien que Sidonius eût affaire d'eux, parce qu'il avait des terres dans les provinces ou étaient les quartiers qu'on leur avait accordés, et dont on voit bien, par sa lettre, qu'ils s'arrogeaient déjà le gouvernement, soit du consentement de l'empereur, soit malgré lui. » Dubos, Hist. crit., etc., tom. I, p. 407.

Circa nonam. — C'est notre troisième heure de l'après-midi. Parmi les Romains, on distinguait le jour en civil et en naturel. Le jour civil (dies civilis) avait pour durée l'intervalle de minuit à minuit. — Le jour naturel (dies naturalis) était depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher ; on le divisait en douze heures inégales suivant les diverses saisons. Adam, Antiq. Rom., tom. II, p. 91.

Nec organa hydraulica sonant. On peut consulter sur ces orgues hydrauliques, Vitruve, IX, 9 ; et X, i, 13. — Claudien les décrit ainsi, dans le Panégyrique de Mallius Theodorus.

« Et qui magna levi detrudens murmura tactu,

Innumeras voces segetis moderatus ahenœ

Infonet erranti digito, penitusque trabali

Veste laborantes in carmina concitet undat. »

Phonascus. — Maître de musique, qui enseigne à bien conduire la voix, à prendre divers tons.

Vocales. — Les musiciens qui chantent sous la direction du Phonascus.

Choraules. — Joueur de flûte, ou de bambou. coroV, chœur, et auloV, flûte.

Mesochorus. mesoV, milieu, et coroV, chœur. Pline le Jeune se sert de ce mot pour désigner celui qui, dans une assemblée, donnait le signal des applaudissements lorsqu'un orateur venait de parler. « Infiniti clamores commoventur, cum mesochorus dedit signum. » Epist. II, 14. Le métier de claqueur n'est pas nouveau!

LETTRE III.

Senatu move. — La loi Calpurnia interdisait pour toujours l'entrée du sénat et la possession des charges à ceux qui étaient convaincus de brigue ; elle ajoutait même une forte amende pécuniaire. Dion, Hist. rom. XXXVI, 21. — La loi Julia fut moins sévère, et borna l'interdiction à l'espace de cinq ans. Plus tard, lorsque les princes élurent eux-mêmes les magistrats, on établit de nouvelles peines contre ceux qui useraient de brigue auprès du trône. Cod. Theod., lib. I. — Si donc notre auteur dit à Philimatius que les lois écartent du sénat les hommes de brigue, il fait allusion, non pas à ce qui était en vigueur de son temps, mais à ce qui avait eu lieu par le passé.

Magisteriis palatinis. — Tous les attributs de cette charge se trouvent énumérés un à un, dans Cassiodore, Variarum, VI, 6. Le maître des offices avait soin du palais, des écoles, des postes publiques, Veredorum. Il introduisait auprès du prince, etc. Voyez encore l'Itinéraire de Rutilius, I, v. 563.

Tribunitius. Tribun du prétoire ; le tribun était sous la dépendance du préfet.

Vicariano apice. — « Les frères de Constantin avaient déjà quitté les Gaules, lorsque cet empereur, après ses victoires sur Licinius, étant devenu maître de tout l'empire, en établit le siège à Byzance, à laquelle il donna le nom de Constantinople. Il divisa alors l'empire, ou, pour mieux dire, renouvela la division qui en était déjà faite, selon quelques auteurs, en quatre préfectures, sous le gouvernement de quatre préfets du prétoire. Cette charge, qui auparavant était militaire, devint alors purement civile, et fut bornée à la seule administration de la justice et des finances. Ces quatre préfets étaient regardés cependant comme les premiers officiers de l'état, et leur autorité égalait presque celle des empereurs. On leur donna d'abord, comme aux sénateurs, le titre de clarissime, et ensuite celui d'illustre. Les quatre préfectures de l'empire furent, depuis Constantin, l'Orient, l'Illyrie, l'Italie et les Gaules. Le préfet des Gaules choisit Trèves pour sa résidence, sans doute parce que cette ville avait été le siège des empereurs, qui avaient régné dans les mêmes provinces ; elle le fut aussi de leurs successeurs. Chaque préfet avait sous ses ordres plusieurs diocèses, et chaque diocèse avait un vicaire du préfet, et comprenait plusieurs provinces qui étaient gouvernées par un proconsul, ou par un président dont les appellations étaient portées en dernier ressort au préfet : on ne pouvait appeler des jugements de ce dernier.

« Le préfet des Gaules avait sous sa juridiction quatre diocèses administrés par autant de vicaires, savoir : l'Espagne, l'île de Bretagne, les Gaules proprement dites, et les cinq provinces des Gaules. Celles-ci furent augmentées depuis de deux provinces, qui furent nouvellement érigées par le partage des anciennes ; ce qui forma ce qu'on appela les Sept Provinces. On a beaucoup disputé quelles étaient ces cinq provinces qui eurent un vicaire particulier ; nous ne doutons pas que ce ne fût la Narbonnaise, la Viennoise, l'Aquitanique, la Novempopulaine et les Alpes Maritimes. La Viennoise et l'Aquitanique ayant été subdivisées dans la suite, et sur la fin du ive siècle, l'une en Viennoise et en Narbonnaise seconde, et l'autre en Aquitaine première et seconde, formèrent enfin les sept provinces de la manière qu'on les trouve sous l'empire d'Honoré. Les auteurs contemporains font mention de ce vicariat tentôt sous le nom de Cinq Provinces, tantôt sous celui d'Aquitaine prise en général ; car, on distinguait alors les Gaules en deux parties, savoir : en Gaules proprement dites, et en Aquitaine. Le vicaire qui eut l'administration des Gaules proprement dites sous l'autorité du préfet, résidait ordinairement à Lyon, et celui des Cinq Provinces à Vienne, ce qui releva beaucoup cette dernière Métropole. La province des Alpes Maritimes, qu'on comprenait auparavant dans l'Italie, et dont l'empereur Galba axait séparé une partie en deçà de la rivière du Var pour l'unir à la Narbonnaise, commença seulement alors d'appartenir entièrement aux Gaules, et elle fut du nombre des cinq provinces qui eurent un vicaire particulier. Pour ce qui est des Alpes Grecques ou Pennines, il ne paraît pas qu'elles aient fait partie de la Gaule avant la fin du ive siècle qu'elles furent comprises dans le vicariat des Gaules proprement dites : elles dépendaient auparavant de l'Italie, suivant tous les anciens géographes ; ainsi, elles n'ont jamais été comprises dans la Narbonnaise.[32] »

La Notice de l’Empire, faite sous l'empire de Valentinien II, ne compte que six vicaires pour l'Occident, trois sous le préfet d'Italie, et autant sous celui des Gaules ; elle ne met sous ce dernier qu'un vicaire pour toutes les Gaules en général, et lui donne le titre de Vicaire des Sept Provinces. C'est ce qui a fait croire au P. Sirmond, qui n'admet que trois vicaires sous le préfet des Gaules, que, malgré la distinction des sept provinces, et leur vicariat marqué dans cette Notice, un seul et même vicaire a toujours administré les dix-sept provinces des Gaules. On doit observer que cette Notice n'est pas tout à fait exacte, et qu'elle paraît défectueuse dans l'énumération des vicariats de l'Occident ; car elle omet dans cet endroit celui de l'Illyrie occidentale, quoiqu'elle en fasse mention ailleurs.

Sede suspiciunt. — Sur son siège de vicaire. Voyez Symmaque, Epist. X, 36. — Cassiod. Variarum, II, 24.

Rauci voce praeconis. — Sidon. Epist. VII, 13. — In Paneg. Major, et Aviti. — Symma. X, 36. — Cassiod. Variarum, V, 3; II, 3.

Amicalibus. — Il y a dans cette phrase un assez mauvais jeu de mots, qu'il n'est pas possible de faire passer en français. Sidonius veut dire que les détracteurs de Gaudentius, excités contre cet homme par des aiguillons ennemis, stimulis inimicalibus, sont forcés toutefois de comparaître devant les bancs amis, scamnis amicalibus. Il désigne par le mot scamna les sièges des avocats ; il appelle ces bancs amicalia, parce que les avocats plaidaient les causes près des vicaires et occupaient une place amie, si l'on peut parler ainsi. — Il y a souvent, dans Sidonius, de ces phrases alambiquées, entortillées, et que notre langue ne rendra jamais d'une manière équivalente ; on nous dispensera de les indiquer, la besogne serait par trop forte.

Unde te etiam. — Sidonius conseille à Philimatius d'agréer la place de conseiller de préfecture, et de réparer ainsi la perte d'une charge qu'il avait peut-être remplie auprès du vicaire. Les conseillers du préfet, une fois qu'ils étaient restés en place le temps suffisant, recevaient de grands privilèges, que ne pouvaient pas obtenir ceux qui avaient assisté seulement un vicaire, ou un autre officier inférieur. Voila pourquoi Philimatius doit compenser la perte d'une autre dignité ; car, s'il venait au conseil sans la prérogative de conseiller préfectorial, il semblerait n'avoir exercé que les fonctions de vicaire.

LETTRE IV.

Apud principis domum. — C'est d'Anthemius qu'il s'agit ici ; les vicaires étaient nommés par les princes, et non pas par les préfets : « Propria est jurisdictio, quae datur a principe. » Cassiod. Variarum, VI, 15.

LETTRE V.

Cette lettre, les deux précédentes, et celles qui suivent dans ce premier livre, à part cependant la VIIIe et la dernière, ont été écrites de Rome à Lyon.

Rhodanusiae nostrae. — Lyon, que Sidonius appelle Rhodanusia, est nommé par quelques auteurs Araria, à cause du Rhône et de la Saône qui ont leur confluent près de ses murs. St. Irénée désigne sous le nom de rodanousia tout le pays qui touche au Rhône. Hoeres, I, 9.

Publicus cursus usui fuit. — Les courses publiques des anciens avaient quelque ressemblance avec ce que nous appelons vulgairement des postes. Voyez à ce sujet l'Histoire des grands Chemins de l'empire, par Nicolas Bergier.

Utpote sacris apicibus accito. — Un simple particulier ne pouvait se servir de la poste impériale, à moins qu'il ne fut mandé par le prince. Voyez Théodoret, II, 11; — Symm. III, 63; — Cassiod., VI, 3. « Personne n'ignore, dit l'abbé Dubos, que les empereurs avaient sur toutes les grandes routes des maisons de poste, placées à une distance convenable les unes des autres, et qu'on y fournissait, sans payer, des chevaux, des voitures, en un mot tout ce qui est nécessaire en route à tous ceux qui étaient porteurs d'un ordre du prince, expédié en forme de brevet, et qui déclarait que ces personnes voyageaient pour le service de la république. C'était même une espèce de crime d'état que de prendre des chevaux dans une de ces maisons, sans avoir l'ordre dont je viens de parler ; l'empereur Pertinax fut condamné, dans le temps qu'il était déjà chef de cohorte, à faire à pied une longue traite, pour s'être rendu coupable d'un pareil délit. Il serait inutile de rapporter ici toutes les lois qui sont dans le code concernant la poste romaine; je me contenterai de dire que lorsque les chevaux que le prince entretenait dans les maisons bâties sur les voies militaires ne suffisaient point, les habitants qui demeuraient à une certaine distance de ces maisons-là étaient tenus de fournir les leurs, afin que le service ne souffrit point de retardement. Hist. crit., etc., tom. I, p. 126. — Le Quien de la Neufville, Origine des postes chez les anciens et chez les modernes, p. 31-33.

Veredorum. — Parmi les chars qui servaient aux courses publiques, le plus commun était celui que les Romains appelaient rheda; les chevaux y étaient plus souvent attelés qu’à tout autre. De là vient que les chevaux de poste ont été nommés veredi, a vehenda rheda; et les postillons, veredarii, suivant le témoignage de Festus Pompeius: Veredos antiqui dixerunt, quoi veherent rhedas, id est, ducerent.[33] Voyez Nicolas Bergier, Hist. des grands Chemins de l’Empire, p. 603.

Fluviorum si qui non navigabiles. — Les anciens avaient deux sortes de vaisseaux pour naviguer, tant sur les mers que sur les fleuves navigables. ils appelaient les uns, onerariae naves , et les employaient à porter toute sorte de fardeaux et de marchandises; ils nommaient les autres, fugaces, sive cursoriœ, et d’un mot tiré du grec, dromones comme qui dirait des courriers, à cause de la vitesse de leur course. C’est de ces derniers vaisseaux que parle Sidonius, quand il dit: Ticini cursoriam (sic navigio nomen) ascendi, qua in Eridanum brevi delatus sum. On les nommait autrement celoces et holcadas, quibus excursum per alveum Padi faciebant.[34] Voilà pour ce qui regarde les fleuves navigables.

Dans ceux qui ne l’étaient pas, on pratiquait des gués aux endroits où les grands chemins venaient aboutir; ou bien, on faisait des ponts, dont les rampants étaient joints aux levées, c’est-à-dire aux bouts opposites des grandes routes, pour y passer sans interruption. Voyez, sur cette matière, le savant ouvrage de Nicolas Bergier.  

Ticini. — Fleuve d’Italie, dam la Gaule Cisalpine. Strabon dit qu’il sort du lac Verbanus, aujourd’hui Lago Maggiore, et qu’après avoir arrosé la ville qui porte le même nom, il va se perdre dans le Pô. C’est aujourd’hui le Tésin ou Tesino.

Phaetontiadas. — Les trois sœurs de Phaéton, Phoebé, Lampetie et Eglé; elles moururent de regret sur le Pô, où elles étaient allées pleurer le malheur de leur frère. Leur métamorphose n’est qu’une fiction poétique, aussi bien que ce que l’on dit de leurs larmes qui furent changées en ambre, parce qu’il dégoutte des peupliers une espèce de gomme qui ressemble assez à l’ambre jaune. Cette fable a été fort bien décrite par Ovide, au IIe livre des Métamorphoses. Voyez l’abbé Banier, la Mythologie et les Fables expliquées par l’histoire, tom. II, p. 210-217.

Lambrum. — Fleuve de la Gaule Cisalpine, qui se jette dans le Pô. Plinii Nat. Hist. III, édit. de Lemaire.

Addua. — Rivière d’Italie, qui prenait sa source cette partie des Alpes qu’on appelait le mont Adula. Après avoir formé dans son cours le lac Larium, sur lequel était située la ville de Côme, elle allait se rendre dans le Pô. L’Addua s’appelait encore Adda chez les anciens; c’est aussi son nom moderne. Sabbathier, Dictionnaire pour l’intelligence des auteurs classiques, etc.

Athesim. — Rivière d’Italie, qui naissait aux Alpes. Ou dit qu’elle avait un grand nombre de sources, et que la principale était celle qu’on appelait Fons Athesis, la source de l’Athésis. Elle était située au midi du lac Glacé. L’Adige arrose aujourd’hui les provinces qu’on nomme le Trentin, le Tyrol et l’état de Venise. Cette rivière se rend dans le golfe de Venise, après avoir reçu plusieurs autres rivières. Sabbathier, Dict.

Mincium. — Fleuve d’Italie, dont plusieurs auteurs mettent la source dans le lac Bénacus. Après avoir arrosé les murs de Mantoue, il allait se rendre dans le Pô. Ce fleuve conserve encore son ancien nom, puisqu’on l’appelle Mencio, ou Mincio. Virgile l’a illustré, en disant:

Hic viridis tenera praetexit arundine ripas

Mincius.[35]

Claudien désigne les trois fleuves, l'Adda, l'Adige et le Mincio, par les mêmes épithètes que Sidonius.

............................ Frondentibus humida ripis

Colla levat, pulcher Ticinus, et Addua visu

Caerulus, et velox Athesis, tardusque meatu

Miocius. »

Ligusticis. — Les monts de Ligurie. — La Ligurie comprenait le marquisat de Saluées, partie du Piémont, la plus grande partie du Mont-Ferrat, toute la côte de Gênes, etc.

Euganeis. — Les monts Euganéens. — Tite-Live assigne aux peuples de ce nom une demeure différente de celle qu'ils curent dans la suite. « Il est assez généralement reconnu, dit-il, qu'après diverses aventures, réuni à une troupe nombreuse d'Hénètes qui cherchaient un chef et une retraite, depuis qu'une sédition les avait chassés de la Paphlagonie, et que leur roi Pylémène avait été tué sous les murs de Troie, Anténor avait pénétré au fond du golfe Adriatique ; qu'après avoir chassé les Euganéens, qui habitent entre les Alpes et la mer, les Troyens et les Hénètes avaient occupé leur territoire. En effet, le premier lieu où ils débarquèrent conserve encore le nom de Troie, ainsi que le canton qui en dépend ; et la nation entière porte le nom de Vénètes. »

On voit, par ce passage, pourquoi les poètes donnent au pays des Vénètes en général, le nom des Euganéens ses prédécesseurs. Silius dit :

Tum trojana manus, tellure antiquitus orti

Euganea, profugitque sacris Antenoris oris. »

Et Martial :

Quaeque Antenoreo Dryadum pulcherrima Fauno,

Nupsit ad Euganeos sola puella lacus.

Et Sidonius Apollinaris :

..………………………..Quidquid in aevum

Mittunt Euganeis Patavina volumina chartis...

Mais, comme cette migration est fort ancienne, il n'y a guère que les poètes qui aient entendu par ce nom l'ancienne demeure de ce peuple qui, l'ayant perdue, se jeta dans les Alpes, et s'établit entre l'Adige et le lac de Côme.

Cremonam pervectus, etc. — Sidonius fait allusion à ce vers de la IXe Églogue de Virgile :

Mantua vae miserae nimium vicina Cremonae !

Aemiliano nautae decedit venetes remex. — Les routes militaires des Romains avaient des mansions (mansiones) et des stations (stationes) destinées à recevoir, puis à échanger les voitures et les chevaux. On voit par ce passage de Sidonius, qu'il y avait aussi comme une sorte de mansion et de relais, pour les dromones des fleuves et rivières.

Brixillum. Brixillum, ville de la Gaule cisalpine, sur les bords du Pô, vers les frontières du duché de Mantoue. Ce fut la que périt l'empereur Othon après la bataille de Bédriac, à laquelle ce prince ne se trouva point. Il s'était contenté d'en attendre des nouvelles à Brixelle. C'est à présent Bersello, dans le duché de Modène.

Veterem civitatem Ravennam. — Ravenne, ville située sur la mer Adriatique, au pays des Sabins, près du fleuve Bédèse, à cent cinquante mille pas d'Ancône, selon Pline, et à peu de distance d'une des embouchures du Pô.

Ravenne ne fut pas une colonie romaine, mais une ville municipale, à laquelle les Romains accordèrent le droit de se gouverner selon ses lois, le privilège d'avoir les mêmes charges et les mêmes dignités que le peuple romain, et l'exemption de toutes sortes de tributs. On mit à Ravenne le siège du préteur ; les assemblées de la province s'y tinrent, et on entretenait dans le port une flotte toujours prête à mettre en mer.

Les empereurs romains affectionnèrent cette ville, qui, de son côté, leur fut toujours fidèle. Honorius, par exemple, et Valentinien III, y fixèrent leur séjour et y bâtirent des palais. Théodoric, roi des Ostrogoths, fit de Ravenne le siège de son empire, qui dura soixante ans et au-delà, jusqu'à ce que Bélisaire et Narsès, deux lieutenants de l'empereur Justinien, ayant passé de Grèce en Italie, y détruisirent l'empire des Goths. Cette ville, selon Strabon, était située dans des marais ; ses bâtiments étaient de bois ; on passait les eaux sur des ponts, ou bien on les traversait sur des bateaux. Malgré cela, l'air y était fort sain, en sorte que les empereurs romains y faisaient nourrir et exercer les gladiateurs.

Ravenne a conservé son nom jusqu'à nos jours ; elle est aujourd'hui dans la Romagne ; mais elle ne se trouve plus située qu'à trois milles de la mer, à cause des dessèchements que l'on a faits dans les vallées de Paduse.

MidiA via caesaris. — Ravenne présentait trois parties : la première, Ravenne, proprement dite ; la seconde, qui est cette Via Caesaris de Sidonius ; et la troisième, Classis, ainsi appelée de la flotte, classis, que l'empereur Auguste avait établie au port de Ravenne.

Oppidum duplex pars inteFluit padi certa... — Leonardi Aretini De Bello Ital. I. — Procopii De Bello Gothorum, I.

Ad rubiconem ventum. — Le Rubicon, ruisseau sur les confins de la Gaule Cisalpine, qu'il séparait de l'Italie, ainsi que nous l'apprenons de Cicéron,[36] de Lucain[37] et de Plutarque. Ce ruisseau, qui est aujourd'hui le Luso selon les uns, et le Pisatello selon les autres, est fort petit, mais très fameux dans l'histoire. Il n'était pas permis aux soldats, et moins encore à leurs chefs, de retour d'une expédition militaire, de passer le Rubicon avec leurs armes, sans le consentement du sénat et du peuple romain ; autrement ils étaient tenus pour ennemis de la république, comme le porte l'inscription qui était à la tête du pont de ce ruisseau, sur le bord duquel on l'a retrouvée entière.

Auguste ajouta la Gaule Cisalpine à l'empire, et les Alpes servirent alors de limites à l'Italie. Strabon, l. V.

Ariminum. — Ariminum, ville du pays des Semnones, qui fut fondée par une colonie d'Ombriens sur les bords de la mer Adriatique; entre deux fleuves, l'Ariminum et l'Aprusa.

Ariminum fut la première ville dont César s'empara, quand il revenait des Gaules avec son armée victorieuse. C'est aujourd'hui Rimini, dans la Romagne.

Fanum. Fanum Fortunae, c'est-à-dire, le temple de la Fortune. Cette ville était située sur le bord de la mer Adriatique, entre l'embouchure du Pisaure et celle du Mélaure. Elle était appelée Fanum Fortunae, à cause du temple que les Romains y avaient élevé à la Fortune, en mémoire de la célèbre bataille qu'ils gagnèrent l'an 547 de la fondation de leur ville, et 307 avant J. C., près du Métaure. Ils y tuèrent Asdrubal, frère d'Annibal, avec cinquante mille hommes.

Cette ville conserve son ancien nom dans celui qu'elle porte aujourd'hui ; c'est Fano.

Metaurus. — Fleuve de l'Ombrie. Il avait, suivant les cartes de d'Anville, sa source dans les montagnes, et allait se jeter dans la mer Adriatique, entre Ancône et Ariminum. Il est devenu célèbre par la défaite cruelle que les Carthaginois y essuyèrent, l'an 207 avant J. C., et par les vers d'Horace, Odarum, IV, 4. C’est aujourd'hui le Métaro, ou Metro, dans le duché d'Urbin.

Decoloratis. — Horace a dit, Odarum, II :

….....Quod mare Dauniae

Non decoloravere caedes ?

Flaminiae. — La voie Flaminia, l'une des principales voies romaines d'Italie. Elle fut ainsi nommée de C. Flaminius, qui la fit construire après avoir vaincu les Liguriens. Cette voie, qui commençait à Rome, traversait le pays des Véiens, celui des Capénates, celui des Falisques, celui des Ombres, et côtoyait ensuite la mer Adriatique jusqu'à Ariminum. On continua depuis cette voie jusqu'à Bononie, et de là jusqu'à Aquilée, au pied des Alpes.

Atabulus. — Sorte de vent d'Apulie, dont parle Horace dans ses Satires, I, 5. C'était un vent très froid. Le mot Atabulus vient du grec ath, damnum, dommage, et ballw, jacio, infero, je jette, je cause.

Pestilens regio Tuscorum. — « Est sane gravis et pestilens ora Tuscorum, quae per littus extenditur. » Plin. Epist. V, 6.

Fucini. — Il y avait au pays des Marses, peuple du Latium, un lac de ce nom. Pline fait mention d'une rivière qui traversait ce lac, et qui, en sortant, n'était ni plus grande, ni moindre que quand elle y était entrée. Il ne nomme point cette rivière.

Clitumni. — Fleuve de l'Ombrie. Il a sa source à trois lieues de Spolète. Après avoir mêlé ses eaux avec celles du Topine, il va se jeter dans le Tibre. Ce fleuve conserve encore son nom, puisqu'on l'appelle aujourd'hui Clitumno.

Anienis. — Fleuve qui prend sa source à la montagne des Trébains. Il coule dans une plaine, et se rend dans le Tibre au-dessus de Rome. C'est aujourd'hui le Teverone.

Naris. — Fleuve de l'Ombrie. Strabon nous dit que le Nar traverse la ville de Narnia ; qu'il se rend dans le Tibre un peu au-dessus d'Ocriculum. C'est aujourd'hui la Negra, ou la Nera.

Fabaris. — Fleuve du territoire des Sabins. Virgile en fait mention, Aeneidos, VII, v. 715.

Formas.—Des aqueducs. Voyez Cassiodore, Variarum, XII, 6. Formula Comitivœ Formarum Urbis. Il fait un bel éloge des aqueducs romains.

Naumachias.Naumachia, Naumacia, de nauV, navis, vaisseau, et mach, pugna, combat. La Naumachie, comme le désigne le nom même, était un combat naval, ou un combat donné sur l'eau, en un lieu destiné pour cela, et où les birèmes, les trirèmes, les quadrirèmes, les flottes égyptiennes et tyriennes se battaient.

Les Naumachies ont été les plus superbes spectacles de l'antiquité. Le lieu où se donnaient ces sortes de combats était un cirque entouré de sièges et de portiques, dont l'enfoncement, qui tenait lieu d'arène, était rempli d'eau par le moyen de vastes canaux; et c'était dans ce cirque qu'on donnait le spectacle d'un combat naval et sanglant. Sabbathier, Dict., au mot Naumachie.

Priusquam Pomoeria contingerem. — La Basilique de St-Pierre ne fut comprise dans le Pomœrium, que du temps de Léon IV. Ce pontife habile et zélé protégea vaillamment sa patrie contre les incursions des Sarrasins ; il fit bâtir une ville, enfermer de murs le bourg de St-Pierre, d'après les projets de Léon III, et ce quartier de Rome porte encore le nom de Cité Léonine. Biogr. univ. art. Léon iv.

On appelait Pomœrium, dit Tite-Live, I, 44, l'intervalle que les Etruriens laissaient autrefois autour du mur, tant en dedans qu'en dehors de la ville qu'ils fondaient ; intervalle qu'ils consacraient, de sorte qu'il n'était permis ni de pousser les maisons, ni de labourer ou de semer, jusqu'au pied de la muraille, quoiqu'aujourd’hui, ajoute Tite-Live, on fasse l'un et l'autre sans scrupule.

Nuptiis Patricii Ricimeris. — Sidonius parle encore ailleurs des noces de Ricimer, Epist. I, 9. On ignore le nom de la fille d'Anthemius. Sirm. Notœ in Sidon.

In spem publicae securitatis. — Le meilleur commentaire de ce passage se trouve dans Ennodius, de Pavie ; c'est Anthemius qui parle : « Quamvis inexplicabilis mihi adversus Ricimerem causa doloris sit, et nihil profuerit maximis eum a nobis donatum fuisse beneficiis; quem etiam (quod non sine pudore et regni et sanguinis nostri dicendum est) in familiae stemmata copulavimus, dum indulsimus amori reipublicae quod videretur ad nostrorum odium pertinere. Quis hoc namque veterum retro principum fecit unquam ut, inter munera, quac pellito Getae dare necesse erat, pro quiete communi filia poneretur? Nescivimus parcere sanguini nostro, dum servamus alienum, etc. » In vita B. Epiphanii, apud Sirm. p. 1662.

Thalassio fescenninus. — « L'épithalame latin eut à peu près la même origine que l’épithalame grec ; comme celui-ci commença par l'acclamation d'Hyménée, l’épithalame latin commença par l'acclamation de Thalassius : on en sait l'occasion et l'origine.

« Parmi les Sabines qu'enlevèrent les Romains, il y en eut une qui se faisait remarquer par sa jeunesse et par sa beauté ; ses ravisseurs craignant avec raison, dans un tel désordre, qu'on ne leur arrachât un butin si précieux, s'avisèrent de crier qu'ils la conduisaient à Thalassius, jeune homme beau, bien fait, vaillant, considéré de tout le monde, et dont le nom seul imprima tant de respect, que, loin de songer à la moindre violence, le peuple accompagna par honneur ses ravisseurs, en faisant sans cesse retentir ce même nom de Thalassius. Un mariage que le hasard avait si bien assorti, ne pouvait manquer d'être heureux ; il le fut, et les Romains employèrent depuis dans leur acclamation nuptiale le mot Thalassius, comme pour souhaiter aux nouveaux époux une semblable destinée.

« A cette acclamation, qui était encore en usage du temps de Pompée, et dont on voit des vestiges au siècle même de Sidonius, se joignirent dans la suite des vers fescennins. » Encyclopédie, au mot Epithalame.

Les vers fescennins étaient rudes, sans aucune mesure juste, et tenaient plus de la prose cadencée que des vers, comme étant nés sur le champ et faits pour un peuple encore sauvage, qui ne connaissait d'autres maîtres que la joie et les vapeurs du vin. Ces vers étaient souvent remplis de railleries grossières, et accompagnés de postures libres et de danses déshonnêtes. Les vers libres et obscènes prirent le nom de Fescennins, parce qu'ils furent inventés par les habitants de Fescennie, ville de Toscane. Les peuples de Fescennie accompagnaient leurs fêtes et leurs réjouissances publiques de représentations champêtres, où des baladins déclamaient des espèces de vers fort grossiers, et faisaient mille bouffonneries dans le même genre. Ils gardaient encore moins de mesure dans la célébration des noces, où ils ne rougissaient point de salir leurs poèmes par la licence des expressions ; c'est de là que les latins ont dit Fescennina licentia, et Fescennina locutio, pour marquer principalement les vers sales et déshonnêtes que l'on chantait aux noces.

« Ces sortes de vers parurent sur le théâtre, et tinrent lieu aux Romains de drame régulier pendant près de six vingts ans. La satire mordante à laquelle on les employa les décrédita encore plus que leur grossièreté primitive, et pour lors ils devinrent vraiment redoutables...

« Catulle voyant que les vers fescennins, employés pour la satire, étaient proscrits par l'autorité publique, et que leur grossièreté dans les épithalames n'était plus du goût de son siècle, les perfectionna et les châtia en apparence du côté de l'expression ; mais, s'il les rendit plus chastes par le style, en proscrivant les termes grossiers, ils ne furent pas moins obscènes pour le sens, et bien plus dangereux pour les mœurs... » Encyclopédie, au mot Fescennins.

Virgo tradita est. — Le père de la fiancée, ou bien ses proches, la livraient à l'époux. « Vis scire quid sint nuptiae ? aspice illam virginem, quam pater tradidit, euntem die celebri, comitante populo. » Quintil. Declamat. 306.

Jam corona sponsus. — Dans la cérémonie des noces, l'époux portait une couronne ; l'épouse en avait deux, l'une de fleurs naturelles, lorsqu'on la conduisait dans la maison de l'époux, et l'autre de fleurs artificielles représentées en or et enrichies de diamants.

Les premiers chrétiens n'avaient point de couronnes dans leurs noces ; comme ces couronnes étaient toutes sous la protection de quelque divinité, il eût semblé peut-être qu'ils participaient à un culte profane. « Coronant et nuptiae sponsos, dit Tertullien ; et ideo non nubamus Ethnicis, ne nos ad idololatriam usque deducant, a qua apud illos nuptiae incipiunt. » De Corona, XIII, édit. de Rigault.

Palmata. — « Toga palmata dicebatur, quam merebantur ii qui reportabant de hostibus palmas. Ipsa vocabatur et toga picta, eo quod victorias cum palmis intextas haberet. » Isid. Orig. XIX, 24.

Cyclade pronuba. — La cyclade, habillement de femme, arrondi par le bas, et bordé d'un galon de pourpre. C'était aussi l'étoffe de la robe ; on y brodait quelquefois des fleurs en or. Les femmes la portaient sous le pallium, et des hommes l'empruntaient pour se travestir en bouffons. Encyclopédie. — Isid. Orig. XIX, 24.

Penulam. — Espèce de manteau des Romains, long, étroit, et qui n'était ouvert que par le haut. Ou le vêtait en passant la tête par cette ouverture, et on ne le prenait que pour se garantir de la pluie et du froid. C'était proprement un manteau de campagne, quoiqu'on le portât aussi en ville dans les grands froids.

LETTRE VI.

Cette lettre et la 8e du livre VIII traitent à peu près la même question ; l'une et l'autre sont écrites contre ceux qui aiment mieux vivre retirés aux champs et dans leurs villas, que de rechercher les honneurs et les dignités.

Militiae palatinae. — Ce n'est point d'une milice, d'un service réel, qu'il s'agit ici ; mais seulement d'une place, d'une charge quelconque au palais. En ce sens, ou se servait aussi du mot militare. On peut voir, à ce sujet, les divers Codes anciens.

Qui quotidie trabeatis Proavorum imaginibus ingeritur. Les Romains conservaient avec beaucoup de soin les images de leurs ancêtres, et les faisaient porter dans leurs pompes funèbres et dans leurs triomphes. Elles étaient pour l'ordinaire de cire et de bois, quoiqu'il y en eût quelquefois de marbre ou d'airain. Ils les plaçaient dans les vestibules de leurs maisons, et leur présence devenait un puissant encouragement à la vertu. On connaît ces vers de la VIIIe satire de Juvénal :

...............................Stemmata quid fariunt ?...

Tola licet veteres exornent undique cerae

Utria, nobilitas sola est atque unica virtus.

Voyez le Jupiter Olympien, ou l'Art de la sculpture antique et polychrome considéré par M. Quatremère de Quincy : Paris, 1815, p. 14 et 36. — De Théis, Voyage de Polyclète à Rome, tom. II.

Trabeatis. — Trabée, robe des rois de Rome, ensuite des consuls et des augures. Il y avait trois sortes de robes qu'on nommait trabées. La première était toute de pourpre, et n'était employée que dans les sacrifices qu'on offrait aux Dieux. La seconde était mêlée de pourpre et de blanc. Elle fut d'un grand usage chez les Romains, car non seulement les rois la portèrent les premiers, mais les consuls en étaient revêtus lorsqu'ils allaient à la guerre ; elle devint même un habit militaire, avec lequel paraissaient les cavaliers aux jours de fêtes et de cérémonies. La troisième espèce de robe trabée était composée de pourpre et d'écarlate ; et c'était le vêtement propre des augures. — Voyez Isid. Orig. XIX, 24, et l’Encyclopédie.

Domicilium legum. — C'était à Rome que l'on allait alors se fortifier dans l'étude des lois. Voici ce que St. Jérôme écrivait à Rusticus : « Audio religiosani te habere matrem, multorum annorum viduam, quae erudivit infantem, ac post studia Galliarum, quae vel florentissima sunt, misit Romam, non parcens sumptibus, et absentiam filii spe sustinens futurum ut ubertatem gallici nitoremque sermonis gravitas romana condiret, nec calcaribus in te, sed frenis uteretur, quod et in disertissimis viris Graeciae legimus, qui asianum tumorem attico siccabant sale, et luxuriantes flagellis vineas falcibus reprimebant, ut eloquentia torcularia non verborum pampinis, sed sensuum quasi uvarum expressionibus redundarent. »

Le prêtre Constantius, dans sa Vie de St. Germain d'Auxerre, appuie le témoignage de Jérôme : « Ut in eum (Germanum) perfectio litterarum plena conflueret, post auditoria gallicana, intra urbera Romam juris scientiam plenitudini perfectionis adjecit. » I, i. — Voyez les Lettres de Symmaque, VIII, 68. et l'Itinéraire de Rutilius, v. 209-211.

Gymnasium litterarum. — Voyez Cassiod. Var. V, 22; — I, 39;— X, 7;—VIII, 12.

Curiam dignitatum. — Cassiod. Var. II, 1 ; — I, 32.

Totius mundi ciVitate. — Antonin donna le droit de cité à tous les citoyens de l'empire ; voilà pourquoi Sidonius Apollinaris dit à Eutrope qu'il n'y a d'étrangers dans Rome que les esclaves, qui ne pouvaient recevoir le droit de cité, ou les barbares, qui n'obéissaient pas à la ville éternelle.

Hoc est otium veteranorum. — On appelait vétéran un soldat qui avait fini son temps de service ; ce temps, marqué par les lois romaines, était depuis 17 ans jusqu'à 46. Les récompenses des vétérans étaient peu de chose dans les premiers âges de la république romaine ; ce n'était que quelques arpents de terre dans un pays étranger, qui, sous le nom de colonie, éloignaient un homme pour toujours de la vue de sa patrie, de sa famille et de ses amis. Enfin, les récompenses des vétérans devinrent plus fortes ; Tibérius Gracchus leur fit distribuer les trésors d'Attale qui avait nommé le peuple romain son héritier ; Auguste, voulant se les concilier, fit un règlement pour assurer leur fortune par des récompenses pécuniaires, et que tous ses successeurs augmentèrent leurs privilèges.

Horrea rupta. — Il y avait chez les Romains deux sortes de greniers : ceux qui étaient souterrains, horrea subterranea ; ceux qui étaient élevés en haut, sublimia, sublimata, pensilia. C'est des derniers que parle Sidonius ; comme ils étaient faits en planches, tabulata, ils pouvaient facilement ployer sous le poids et se rompre. — Voy. Pline, Hist. nat., XVIII, 73, édit. de Lemaire; — Columelle, I, 6;— Vitruve, VI, 9 ; — Varron, I, 57.

Conatuum tuorum. — Imité de Pline : « Ego precum tuarum minister, adjutor, particeps ero. » Epist. VI, 9.

LETTRE VII.

Arvandus. — Le procès et la condamnation de ce préfet sont un des derniers actes d'autorité que le sénat romain ait exercé sur la Gaule. Quoique, sous des règnes si faibles, les concussions et les trahisons demeurassent souvent impunies, quelquefois cependant la justice reprenait ses droits, et rien ne contribuait tant à faire succomber les coupables, que leur audace et l'assurance qu'ils avaient de l'impunité. Arvandus en est un exemple bien terrible: Sidonius, qui se glorifiait de vivre sous un règne où il était permis de plaindre et de consoler un criminel d'état, avoue avec franchise les fautes de son inconsidéré et malheureux ami. La lettre où il nous retrace toute cette funeste aventure, fait autant d'honneur à son cœur qu'à son esprit : c'est la remarque de Gibbon.

Le jugement d'Arvandus offrit une vive image des formes de l'ancienne république : l'accusé fut reconnu coupable ; mais Sidonius et ses autres amis, car les grands criminels en trouvent toujours, se donna tant de mouvements, que l'empereur Anthemius s'adoucit ; le préfet de la Gaule en fut quitte pour la confiscation et l'exil. Dans le même temps que Sidonius intercédait pour lui, il ne pouvait s'empêcher de dire qu'Arvandus était bien lâche et bien malheureux, s'il craignait rien plus que de survivre à tant d'ignominie. Tout ceci se passait en 469. — Gibbon's History of the fall and the decline of roman empire, chap. XXXV. — Le Beau, Hist. du Bas-Empire, liv. XXXV, 17. —Dubos, Hist. crit., etc., tom. I, p. 527. — Baronius, Annales eccl., ad ann. 468.

Angit me cAsus Arvandi. — Ce début a quelque chose de pathétique ; il est familier aux bons auteurs épistolaires latins. « Angit me nimis damnum seculi mei. » Sidon. Epist. IV, 11. — « Angit me Fanniae valetudo. » Plin. Epist. VII,19. — « Angit me super ista casus ipsius. » Id. V, 5. « Angit me, et satis angit vestrae causa tristitiae, quod bonae memoriae germana vestra transiit Albofledis. » Remigii Remensis Epist. consolatoria ad Chlodovœum regem.

Destinatus. Envoyé. Sidonius prend ce mot dans le même sens, Epist. VI, g. Les écrivains de son siècle lui donnent aussi une pareille acception. Voyez Aurelius Victor, in Geta et in Aureliano.

Custodiebatur ab hospite Flavio Asello. — Les accusés de distinction étaient confiés à la vigilance de gens honorables, comme nous le voyons par le témoignage de plusieurs auteurs. St. Jérôme fait allusion à cette coutume, quand il dit en parlant des Saints : « Senatoriae videlicet dignitates sunt, ut non inter homicidas teterrimo carcere, sed in libera honestaque custodia in Fortunatorum insulis, et in campis Elysiis recludantur. » Adversus Vigilantium. « Statui, ut Felix vadibus, qui Fulgentio non essent cogniti, traderetur. » Symm. Epist. X, 36. — Voyez Grégoire de Tours, Miracul., I, 45.

ComitE sacrarum largitionum. — Le mot comte est tiré du latin comes, comme qui dirait compagnon du prince, ou plutôt courtisan ; la cour du prince étant appelée en latin comitatus, parce que les empereurs, contraints de faire plusieurs voyages pour maintenir la grande étendue de leur empire, appelaient comités leurs courtisans, et comitatus leur cour. Il y eut plusieurs sortes de comtes dans l'empire : ceux qui étaient attachés au service du prince et obligés de se tenir à la cour, se nommaient comites palatini. Tous les comtes étaient distingués par le nom de leurs charges ; ainsi : comes palatil, contas stabuli, d'où vient le mot de Comte d'étable, depuis changé en Connétable ; comes sacrarum largitionum, Intendant des finances, et autres semblables.

Quels furent les attributs du comes sacrarum largitionum ? Aussi étendus que variés, ils changèrent quelque peu, suivant les temps, et finirent par embrasser, avec l'intendant des trésors impériaux, tout ce qui regardait les vêtements, la nourriture, etc. du prince On peut consulter à ce sujet les lettres de Cassiodore, et surtout la 7e du livre VI ; — Symmaque, Epist. X, 33 ; — Rutilius, Itin. : — Stace, Sylv. III, Carm. 3.

Cum gestis decretalibus. — Provinciale decretum, dans la même lettre ; pagina decretalis, VII, 9. — Les ambassadeurs d'une province ou d'une cité ne devaient pas être entendus, s'ils n'étaient munis des décrets de la ville, de la province au nom de laquelle ils venaient réclamer. Cad. Theod., de legatis.

Regem Gothorum. — Euric, roi des Visigoths de Toulouse, il fut le successeur de Théodoric II, dont il a été parlé dans la 2e lettre de ce livre.

Graeco imperatore. — Anthemius, envoyé de la Grèce à Rome, par l'empereur Léon ; cela explique le sobriquet d'Arvandus et celui de Ricimer qui appelle le même empereur Galata, Grœculus. — Voyez Ennodius, in vita Epiphanii, p. 1659-1660 du tom. I des Œuvres du P. Sirmond.

Britannos sUper ligerim sitos. — Voyez au livre III, lettre 9.

Perimachiam. — Tous les ressorts secrets des accusateurs. Ce mot est formé de deux mots grecs, peri, autour, et maci, combat. Les députés des Gaules avaient contre Arvandus un double chef d'accusation : le crime de péculat, et celui de lèse-majesté. Ils ne manifestaient d'abord que le premier, réservant le second pour accabler ensuite Arvandus.

Flammei. — Des hommes ardents, enflammés. Sidonius emploie le même mot dans une autre lettre : « Ut est natura vir Flammeus. » V, 17.

Tribulosissimam. Epist. IV, 3.

Percurrere albatus. — Les accusés ne devaient pas se montrer en public vêtus de blanc. Valère Maxime dit, au sujet de Rutilius : « Nec obsoletam vestem induit, nec insignia senatoris deposuit, nec supplices ad genua judicum manus tetendit, nec dixit quidquam splendore praeteritorum annorum humilius. » VI, 4. —Voyez Plin. Epist. IV, 9 ; — Sueton. in Nerone, XLVII.

Trapezitae. —Quand le Capitole cessa d'être un temple, on en fit la demeure des magistrats civils. On permettait aux bijoutiers, etc. d'étaler leurs marchandises sous les portiques. Vitruvii de Archit., V, 1. — Les libraires y apportaient aussi leurs livres.

Tractatorium. — Le sénat, le lieu ou se débattaient, où se jugeaient les causes. « Concilii nomen tractum est romano more ; tempore enim quo causae agebantur, conveniebant omnes in unum, communique intentione tractabant. » Isid. Orig. VI, 16. — Ce mot tractare, est souvent employé en matière de droit dans les auteurs latins. — Voyez Pline, Epist. VIII, 14;—Lampride, in Alexandro Severo, XVI; —Cassiodore, Var. VIII, 12. De tractare, est venu tractatorium. Faute peut-être de bien comprendre le sens de ce mot, Baronius, dans ses Annales ecclésiastiques, ad ann. 468, écrit praatorium, et rejette en marge le mot de Sidonius.

Paulo ante detonsus. — Contre l'usage des accusés, qui se laissaient croître les cheveux et la barbe. « Cum complures menses barba immissa, intonso capillo, lugubri vestitu vicatim flens una cum liberis circumiret. » Sisennae Hist. III.

A decemviris. — C'est la version commune ; quelques savants ont pensé qu'il faut lire a quinqueviris. Quand un sénateur était accusé, on le faisait juger par le préfet de Rome, assisté de cinq membres du sénat, tirés au sort. — Voyez le Code Théodosien, XIII, de accusat. Cet usage était en vigueur du temps de Sidonius, comme on peut le voir dans Cassiodore, Var. IV, 22.

Sub invidia sordidatorum. — Senecae Controvers. X, i. — Quintil. Declam. CCLXXXIII. — Plin. Epist. II, 11.

Citati intromittuntur. — Symm. Epist. X, 36.

Miser, nec misErabilis erat. — On lit dans Ovide, Ibis., v. 117:

« Sisque miser semper, nec sis miserabilis ulli. »

Dans Alcime Avite, Poemat. III, v. 95 : « Jamque miser factus, nondum miserabilis ille est. »

Latomiis. Latomiae, terme que les Latins avaient emprunté des Grecs, pour signifier un lieu où l'on coupait des pierres. Ce nom devint ensuite commun à toutes les grandes carrières d'où l'on en tirait. Ainsi, il n'est pas étonnant que les anciens aient donné le nom de Latomies à divers endroits de l'Italie, de la Sicile, de l'Afrique, etc. Les Latomies de Sicile étaient très fameuses.

Ce lieu, appelé aujourd'hui le Tagliate, est une caverne ou carrière, que Denys, tyran de Syracuse, fit creuser dans un rocher près de cette ville, pour servir de prison aux criminels. Elle a environ un stade de longueur, et deux cents pieds de largeur. Ce tyran y retenait fort longtemps les prisonniers.

Dans les âges de persécution, les Latomies furent souvent pleines de chrétiens, que l'on y envoyait pour leur faire souffrir de longs travaux, quand on eut éprouvé que la mort, loin de les épouvanter, faisait l'objet de leurs espérances.

Insulam serpentis Epidauri. — L'île du Tibre. Tant de fables ont été débitées sur Esculape, qu'on a élevé des doutes sur son existence ; quoi qu'il en soit, ce personnage, regardé par les anciens comme le Dieu de la médecine, avait un temple à Epidaure ; les Romains lui en élevèrent un dans l'île du Tibre. « Aesculapius, inquitis, Epidauro bonis Deus valetudinibus praesidens, et Tiberina in insula constitutus. » Arnob. Advers. Gentes, VIT.

Serpentis. — Le serpent est un symbole ordinaire du soleil ; il était aussi celui de la médecine et des Dieux qui présidaient à cette science, tels qu’Apollon, Esculape.

Ex senatusconsulto Tiberiano. — Cette loi de Tibère n'admettait que dix jours entre la sentence et l'exécution ; ce fut Théodose qui ajouta les vingt autres. Tacit. Annal. III. — Dion. Hist. LVII.

Gemonias. — Les Gémonies étaient chez les Romains à peu près ce que les fourches patibulaires ont été jadis en France. Elles furent ainsi nommées, ou de celui qui les construisit, ou de celui qui y fut exposé le premier, ou du verbe gemo, je gémis.

Quelques auteurs disent scalae gemoniœ, ou gradus gemonii. C'était, selon Publius Victor, ou Sextus Rufus, un lieu élevé de plusieurs degrés, d'où l'on précipitait les criminels. D'autres écrivains les représentent comme un lieu où l'on exécutait et où l'on exposait les malfaiteurs. Les Gémonies étaient dans la dixième région de la ville, près du temple de Junon. C'est Camille qui, l'an de Rome 358, destina ce lieu à exposer les corps des criminels sous les yeux du peuple: ils étaient gardés par des soldats, de peur qu'on ne vint les enlever pour les inhumer ; lorsqu'ils tombaient en pourriture, on les traînait de là avec un croc dans le Tibre. On peut voir, à ce sujet, l’Hist. nat. de Pline. Il raconte qu'un chien n'abandonna jamais le corps de son maître pendu aux Gémonies. Tacite et Suétone parlent aussi en plusieurs endroits des Gémonies, qu'ils appellent scalae gemoniœ, ou gradus gemonii. Pline dit gradus gemitorii.

LETTRE VIII.

Fatigationum. — Ce mot est familier à Sidonius. Voyez Epist. III, 13 ; — IV, 10; — V, 17. D'autres auteurs l'ont employé dans le même sens, Sévère Sulpice, par exemple, Dial. I, 2 ; et Cassien, Collat. V, 31.

Bibitor araricus. — Horace a dit : « Rhodani polor. » Od. II, 20.

Nebulas meorum Lugdunensium. — Ce tableau de Lyon est encore aujourd'hui d'une vérité parfaite. « Nos maisons resserrées, agglomérées, et surtout excessivement hautes, empêchent la libre circulation de l'air, et forcent par conséquent les vapeurs plus ou moins épaisses de l'atmosphère, à séjourner dans les rues.[38] » Quelquefois, en été, Lyon présente un singulier coup d'œil ; depuis cette belle colline de Fourvières qui s'assied en reine sur la ville, vous apercevez la circonférence de la cité et la cité tout entière couverte de brouillards, tandis que, au dehors, l'horizon pur et dégagé se colore de l'azur le plus vif et le plus brillant que l'on puisse voir.

Les brouillards du Rhône sont devenus, à Lyon, une chose proverbiale ; c'est là que le peuple aime à placer ses hypothèques ! L'histoire dépose néanmoins que les grands personnages de la ville de Rome préféraient nos frais bosquets au climat de l'Italie; il n'est point de coteau où l'on ne retrouve les mosaïques de leurs maisons de plaisance.

CAesenatis. — Césène, ville de la Gaule Cispadane, c'est-à-dire en deçà du Pô par rapport aux Romains. Elle conserve encore son nom.

Verna. — Sidon. Epist. IX, 15 et 16.

Auribus padano cuLICe perfossis. — Sidon. Epist. I, 5; VII, 17.

Martial nous apprend la même chose, Epigramm. III, 51.

Meliusque ranae garriant Ravennates,

Et Adrialicus dulcius culex cantet.

Municipalium ranarum. — L'épithète est aussi juste que plaisante; Ravenne était une ville municipale.

Foenerantur clerici, SYRI psallunt. — Les lois ecclésiastiques défendaient aux clercs le commerce et l'usure ; les Syriens étaient renommés pour leur avarice et leur ambition, « Syri avarissimi mortalium. » Hieron. Epist. — « Usque hodie autem permanet in Syris ingenitus negotiationis ardor, qui per totum mundum lucri cupiditate discurrunt, et tantam habent mercandi vesaniam, ut occupato nunc orbe romano, inter gladios et miserorum neces quaerant divitias, et paupertatem periculis fugiant. » Hieron., in Ezech. 27 ; — Salviani de Gubernatione Dei, IV.

Negotiatores militant, milites negotiantur. — D'après le code, les commerçants ne pouvaient se mêler d'aucune milice, les soldats d'aucun négoce. « Etenim si is qui imperatori militat a susceptionibus litium, actu negotiorum forensium, venditione mercium probibetur humanis legibus, quanto magis qui fidei exercet militiam ab omni usu negotiationis abstinere debet ! » Ambros. de Officiis, I.

Armis eunuchi, litteris foederati. — Une loi défendait aux eunuques de porter les armes : les fédérés dont parle Sidonius sont les barbares que l'on incorporait dans les années de l'empire ; peut-être s'agit-il ici des Goths spécialement.

Innoxiis transalpinis. — Ennodius de Pavie dit à un Vénète, qui avait mal parlé des peuples de la Gaule:

Despicis insontes, maculatae vernula terrae,

Sed natos Rhodani nix probitatis habet.

Carm. XXXV.

Non grandis gloria datur, si deteriorum collatione clarescant. — La même pensée se trouve dans Sénèque, Epist. 79, 85 ; — dans Salvien ; — et dans Arnobe, Adversus Gentes, II.

LETTRE IX.

Cette lettre est la continuation de la cinquième; Sidonius achève le récit de ce qu'il fit à Rome.

Praerogativa partis armatae. — Les anciens avaient en haute considération les dignités militaires. « Nullus ei (praef. praet.) miles de fori sui auctoritate praescribit, excepto officiali magistri militum : credo ut vel illis aliquid antiquitas cederet, qui videbantur pro republica bella tractare. » Cass. Var. V, 3. Les divisions que Sidonius établit ici, se retrouvent encore dans son panégyrique de Majorien :

« Qui cum civilis dispenset partis habenas,

Sustinet armatae curas. » v. 565.

Dans Végèce : « Plures militiam sequebantur armatam : necdum enim civilis pars florentiorem adduxerat juventutem. » De re milit. I, 5. — Dans Paulin de Périgueux :

... Adduntur lecti proerres, quos regia juxta

Culmina vicini splendor connectit honoris.

Insignes trabeis, legum armorumque tenentes

Arbitrium, vel jura fori, vel classica belli.

De Vita B. Martini . III.

Genii potius quam ingenii similitudo. Genium correspond pour le sens à ces autres mots latins, vigor, potentia, opinio, honor, ou ordinatio. Basilius et Aviénus étaient égaux par l'assemblage de ces diverses qualités ; mais ils ne l'étaient point par leurs goûts, leurs penchants, ingenii dissimilitudo. Sidonius a dit ailleurs, Carm. X, v. 20 : « Qui non ingenio, fors placuit genio. »

Cinctus, discinctus. —Sidon. Epist. I, 8; — V, 7; — Gregorii Turon., 1, 27 ; — Cassiod., Var. I, 4 ; — VI, 2 ; Psalm. 29 : « Cingulum significat quod ad judicis pertinet dignitatem, nam cincta potestas in ipso vocabulo noscitur constituta. Sic enim cinctum dicimus judicem, quando ejus fasces honoresque declaramus. »

Opusculi. — Le panégyrique d'Anthémius que l'auteur envoyait à son ami avec une lettre.

Puncta. — Suffrages. Sidonius emploie souvent ce mot dans le même sens, Epist. III, 14 ; — VIII, 6 ; — IX, 11 et 16 ; — Paneg. Anthem. ; — Paneg. Aviti.

Laticlavi. — Le laticlave, latus clavus, tunica laticlava, était une tunique à large bordure de pourpre par-devant ; comme les sénateurs avaient le droit de porter le laticlave, on les appela d'un seul nom laticlavii. — Voyez l'Encyclopédie, au mot laticlave.

Sane moneo praeque denuntio. — Claudii Mamerti De statu animœ, II, 10 : « Moneo praeque denuntio, etc.. »

Heroicorum phaleras. — « Nam si mihi tribuitis Martini esse discipulum, illud etiam concedite, ut exempta illius mihi liceat sermonum phaleras et verborum ornamenta contemnere. » Severi Sulp. Dial. I ; —Ambros. in Lucam.

EpiStaphitarum naenus,— Dans ses Notes sur les Lettres inédites de Marc-Aurèle et de Fronton, M. Cassan rapporte deux de ces Nénies, qui se chantaient aux funérailles. Tom. II, p. 356-358.

Thrasoniano fine concludere. — Thraso est un soldat fanfaron, qui joue un rôle dans l'Eunuque de Térence. Plusieurs auteurs ont fait allusion à la fatuité de ce personnage, entre autres Paulin de Nota. Epist. VII. « Ego, dit-il, flatum Thrasonis ructantis effugio. » Et Jean de Sarisbéry, Policrat., VI, 3; — VIII, 1, 3, 15.

PYrgopolynicis. C'est le principal personnage du Miles gloriosus de Dante ; ce nom, si heureusement forgé par le poète comique, vient de ces deux mots grecs porgoV, tour; pelu, beaucoup; nika, victoire.

Omnium laudum convasatis acclamationibus. — Sidon. Epist. VII, 2. Vasa, dans Sénèque, De Beneficiis, I, 1, signifie biens, bagages ; vasa colligere, convasare, exprime donc l'action de rassembler ses bagages, comme fait le soldat qui bat en retraite, ou qui change de place. On voit aisément l'origine de la figure qu'emploie Sidonius.

LETTRE X.

Praefectum Annonae. — On peut voir dans Cassiodore quels étaient les attributs du préfet des vivres, Var. X, 18. —Symm. Epist. X, 48.

Famem theatralis fragor insonet. — Dès que le malheur des temps ou l'imprévoyance du préfet des vivres laissait manquer le blé a Rome, il s'élevait de grands tumultes parmi le peuple. Symm. Epist. II, 6; — IV, 18 et 54; — VI, 19. — Cassiod. VI, 18. C'était surtout au cirque et au théâtre que les séditions éclataient. « Gravitate annonae juxta seditionem ventum, multaque et plures per dies in theatro licentius efflagitata. » Taciti Annal., VI, 12, édit. de Lemaire. On pourrait citer un grand nombre de pareils exemples ; la majesté impériale n'était pas plus respectée, dans ces circonstances, que l'autorité des préfets. Symm. Epist. X, 11 et 31. — Sueton. in Claudio imp. 18. — Oros. VII, 6. — Marcell. comes, in Chron. — Annn. Marcell. XXVI. — Zosimi V.

Ostia Tiberina tetigisse. — Symm. Epist. IV, 59. — Prudent. Adversus Symmachum, II.

Respice num libyci desistat ruris arator

Frumentis onerare rateis, et ad ostia Tibria

Mittere triticeos in pastum plebis acervos ?

LETTRE XI.

PublicassE periculosum. — La loi des Douze Tables punissait de mort quiconque blessait dans ses vers la réputation d'autrui. La Cité de Dieu de St. Augustin présente là-dessus deux beaux chapitres, le IXe et le XIIe du livre II : « Nostrae duodecim tabula:, est-il écrit dans le premier, non perpaucas res capite sanxissent, in his hanc quoque sanciendam putaverunt, si quis cruentavisset, sive carmen condidisset, quod infamiam faceret flagitiumve alteri. » — Et au second : « Romani probris et injuriis poetarum subjectam vitam (amamque habere noluerunt, capite etiam plectendum sancientes, tale carmen condere si quis auderet. » — Voyez aussi Arnobe, liv. IV :

.....................................................Quin etiam lex

Poenaque lata, malo quae nollet carmine quemquam

Describi ; vertere modum, formidine fustis

Ad bene dicendum delectandumque redacti.

Horat., Epist. II.

Ces vers d'Horace et d'autres témoignages des anciens nous apprennent que la peine du fouet attendait encore les auteurs satiriques.

Capitolina. — « Recitavit et carmina in theatro, tanto universorum laetitia, ut supplicatio decreta sit, atque part carminum aureis litteris Jovi Capitolino dicata. » Sueton. in Nerone, 10.

Qui genus, unde domo ? — Cet hémistiche est emprunté à Virgile, Eneid., lib. V. — On le retrouve dans Paulin de Nola, Natali S. Felicis V ; dans Alcime Avite, Poemat. IV, v. 90.

ChrEmes. — Chrémès était le nom d'un des vieillards que la comédie représentait fort avare. Dans le Trésor de Ménandre, il y avait un Chrémès ; on en trouve un dans l’Andrienne de Térence. — Voyez Horace, Epod. I.

Numerariorum. — Les numéraires étaient des officiers, des juges et des magistrats ; c'étaient les numéraires qui avaient soin de porter dans le trésor l'argent qu'on tirait des levées faites sur le peuple.

Advocatorum, etc. —Lorsque les avocats, du moins les avocats de mérite, avaient passé dans l'exercice de leur charge le temps prescrit par la loi, ils parvenaient aux plus hautes dignités de l'état. De la vient que, dans une Novelle de Théodose (XXXIV), la charge d'avocat est appelée seminarium dignitatum. C'est peut-être aussi ce qui a fait dire à Ennodius de Pavie : « Non est bonis partubus infecunda Liguria ; nutrit foro germina quae libenter amplectatur et curia. Nota proximitate sociantur causidicus et senator ; his qui bene toga usi fuerint, reseratis susceptura sinibus palmata blanditur. Epist. V, 1.

Sic praefectorius, sic senator. — Les préfets du prétoire étaient aussi sénateurs. « Praefectis praetorio, dit Lampride, senatoriam addidit dignitatem, ut viri clarissimi et essent et dicerentur : quod antea vel raro fuerat, vel omnino non fuerat. » In Alexandro Severo y vide Hist. Auq. script., tom. I, p. 911. Voyez encore Cassiodore, Var. VI, 12, 15 et 16 ; — Sidon. I, 7.

Fugere post statuas, occuli post columnas. — Il y avait des colonnes et des statues dans les forum des différentes cités. — Voyez Vitruve, De Archit., V, 1 ; — Apulée, Asini aurei, III, 1. « Plerique columnis implexi, alii statuis dependuli, nonnulli per lacunaria et fenestras semiconspicui, miro tamen omnes studio vi-sendi, pericula salutit negligebant. » St. Basile fait allusion à cette manière de se cacher derrière les colonnes, quand il parle des créanciers dont les débiteurs évitent l'aspect, in Psalmum XIV. — St. Ambroise a dit, d'après ce Père : « Ille gressus delatoris siagnlos numerat, aucupatur deflexus ; iste continuo post columnas caput obumbrat. » Lib. de Tobia, VII.

Solus curio meus. — L'auteur donne ici à Paeonius le nom d'un homme populaire et séditieux, qui était le parent et l'ennemi de César tout a la fois ; celui-ci trouva le secret de le gagner en lui faisant de magnifiques promesses. — Voyez Dion, Hist. Rom. XI, 59 et 60 ; — Sidon., Epist. IV, 3 ; — Petronii Satyr. CXXIV.

Vespillonibus. — « Fossarii, qui mortuos sepeliunt. » Isid. Gloss. — Les étymologistes font venir ce nom de vesper, parce que c'est le soir, disent-ils, que se faisaient les convois. — Voyez Festus Pitiscus ; Adam, Antiq. Rom., tom. II, p. 305.

Primus jacebat cornu sinistro. — Les Romains ayant négligé dans leurs tables l'usage de ce qu'ils appelaient triclinium, se servaient d'une table faite comme la lettre C, appelée sigma, de la lettre grecque du même nom, et qui avait la figure d'un fer à cheval, autour duquel était posé un lit plus ou moins grand, fait de même en demi-cercle, selon le diamètre de la table.

Les places les plus honorables étaient celles qui se trouvaient aux deux extrémités du lit, cornua ; c'était par l'intervalle du demi-cercle que l'on servait les mets. Ce lit était fait ordinairement pour six ou sept convives : Septem sigma capit, dit Martial, IX, 48.

Il avait, selon Vossius, la figure d'un arc commun, et non celle de l'arc des Scythes qu'Athénée dit avoir ressemblé à la lettre capitale S. Fulvius Ursinus, dans son Appendix au traité de Ciacconius de Triclinio, nous apprend que les anciens s'asseyaient sur des coussins autour de cette table, et qu'ils étaient dans l'attitude de nos tailleurs. Le P. Montfaucon, voulant nous retracer l'image d'un repas sous le Bas-Empire, se fonde principalement sur la lettre de notre auteur. « Severin, consul ordinaire, occupait, dit-il, la corne gauche du triclinion ou stibadion ; auprès de lui était Magnus, ex-préfet et ex-consul ; le suivant était Camillus, son neveu; le quatrième Paeonius, le cinquième Athénius, le sixième Gratianensis; le septième était Apollinaris Sidonius, qui se trouvait ainsi à la gauche de l'empereur Majorien, lequel occupait la corne droite du lit. » Ainsi, le convive placé le dernier, dans un plein sigma, se trouvait être le plus rapproché du prince ; et celui, au contraire, qui occupait la corne gauche en était le plus éloigné.

On remarque une disposition tout-à-fait semblable dans le festin que l'empereur Maxime donna à St. Martin. A la corne droite du C était couché l'empereur Maxime, à la corne gauche le consul Evodius, et entre eux étaient placés les plus grands de la cour, au milieu desquels se trouvait un prêtre de la compagnie de St. Martin. Toutefois, St. Martin n'était pas couché comme les autres, mais assis à la droite de l'empereur.

Paulin de Périgueux nous fait aussi la description du même festin. De Vita S. Martini, 114 :

Hos inter medius, qua sigma flectitur orbe.

Presbyter accubuit ; dextra laevaque potentum

Ordo ducum, membris super aurea fulcra locatis

Pressit subjectum pretiosi velleris ostrum.

Ad dextram regis sancto venerabilis ore

Cousedit senior. »

Or, St. Martin n'eût pas pu s'asseoir à la droite de Maxime, si ce prince n'eût occupé la corne droite ; c'était donc la place du stibadium la plus distinguée.

C'est ici le lieu de dire quelques mots de la Cène évangélique, célébrée aussi dans un stibadium, dit Chrysostome dans sa XXVIIe Homélie sur la première Epitre aux Corinthiens. Or, le Christ n'était point assis au milieu de ses disciples rangés à gauche et à droite, comme dans les tableaux de nos peintres, mais il occupait la corne droite, la même place que Sévère Sulpice et Sidonius assignaient tout à l'heure aux empereurs Maxime et Majorien. Après cela, on ne sera plus surpris que l'apôtre St. Jean qui était le dernier, à cause peut-être de son âge, se soit reposé sur le sein de Jésus-Christ, et que St. Pierre, qui était plus éloigné du Sauveur ait fait signe à St. Jean d'interroger Jésus-Christ sur l'homme qui devait le trahir. — Voyez les Notes de Sirmond sur Apollinaris Sidonius.

Consul ordinarius. — Les consuls admis au premier jour de janvier donnaient leur nom à l'année, et avaient le titre d'ordinarii, ordinaires. Sous les empereurs et plus tard, quelques personnes obtenaient le titre de consuls, sans exercer aucune des fonctions attachées à cette charge ; ou les appelait consules honorarii. Adam, Ant. Rom., tom. I, p. 175.

FratRes. — C'est un terme d'amitié dont les princes honoraient les personnes de distinction.

Cachinnum. — L'auteur se sert d'un terme impropre, car le prince ne lit que sourire, subrisit, et cachinnus exprime ordinairement un ris excessif, accompagné d'un éclat de voix.

Trebacissimus. — En grec tribakoV du verbe fouler, frayer, exercer, etc. ; homme retors, madré, et, comme disait tout à l'heure l'auteur : « litium temporumque varictatibus exercitatus. » Voyez aussi la Lettre 11 du livre IX.

Cervice conversa. Reflexa. « Nonne tibi videtur Christum cecidisse in collum Joannis, quando erat Joannes in sinu Jesu cervice recumbens reflexa ? » Ambrosius, in Lucam, XV.

Comes Sidoni. — C'est encore un terme d'amitié, comme le Camille frater ; peut-être Sidonius était-il du nombre de ces comtes honoraires établis par Constantin. — Voyez la vie de ce prince par Eusèbe, livre IV.

Retrorsum conversus, tanquam aquam manibus Poscerem. — Les anciens se lavaient les mains non seulement avant de se mettre à table, mais encore dans l'intervalle de chaque service, « Hem ! ait Lernutius, adeo remotus a more prisco, qui non ante mensam modo, sed in convivio meliore per singula fercula et missus lavabant ? » Juste Lipse, Saturnalium, II, 1. — L'auteur que je viens de citer rapporte ensuite ces deux passages d'Athénée : « Ayant ainsi pris assez de nourriture, nous nous lavâmes les mains. » On apporta un autre plat : « Nous en mangeâmes, poursuit Athénée, et donnâmes le reste aux esclaves : nous nous lavâmes les mains, et nous mîmes des couronnes. » Banquet des Savons, IV, i, 2, trad. de Lefebvre de Villebrune. — Juste Lipse cite encore Lampride, in Elagabalo, puis il fait dire à un de ses interlocuteurs : « Hoc quidem molestum more romano. Quomodo enim in lecto? et surgebantne? — Minime, sed advertebant a mensa. Sidonius bene adsignificat, cum apud Caesarem epularetur : Retrorsumque convenus


 

[1] Sidon, Epist. IX, 16.

[2] Pernetti, Les Lyonnais dignes de mémoire, art. Constantius. Colonia, Hist. litt. de Lyon, t. I, p. 184.

[3] Miracula sancti Germani, lib. I, apud Bolland. 31 juillet , p. 255.

[4] De probatis sanctorum vitis, 31 jul., p. 358.

[5] Acta Sanctorum 31 jul., p. 200. — Arnauld d'Andilly nous en a donné une mauvaise traduction ; voy. les Vies de plusieurs Saints illustres, p. 85.

[6] Tillemont et les Bénédictins rejettent cette division comme arbitraire : ils se trompent, ce nous semble. Voy. les Bollandistes, au 31 juill. p. 201.

[7] Lib. I, cap. viii, 33.

[8] P. 22, éd. in 4° de 1742.

[9] Tome II, p. 314.

[10] Colonia, lieu cité.

[11] Mémoires, tom. VIII, p. 546.

[12] Hist. litt. de la France. t. II., p. 547.

[13] Acta Sanctorum, 2 sept., p. 368.

[14] Jul. Capitol., Vita Max. Sen. II, 22, 23.

[15] Gratiarum Act. pro consulatu p. 535. édit. de Paris. 1730, in 4°.

[16] Ibid., p. 536.

[17] Orig. II, 2.

[18] Epist., XVI.

[19] Virgil. I. 10, v. 17

[20] Vols Hist. lat., II, i

[21] I, 2 & II, 22.

[22] « Si hic murmuras, et me venire causaris, Tolotam, ubi sedes, veniam; ibi, si vales resiste. » Jornand, LXXIII, édit. de Génève, 1690.

[23] 456.

[24] 462.

[25] Ibid.

[26] Le comte Gilles.

[27] Biogr. univ., art. Théodoric. — Claude de Vic et Vaissette, Histoire générale du Languedoc, tom. I, p. i8q-65S

[28] Dubos, Hist. critique de la monarchie française, p. 402-418 et 447-515.

[29] Dubos, id., p. 403.

[30] Hist. consul. de la ville de Lyon, p. 172.

[31] Tome II, p. 288.

[32] Claude de Vic et Vaissette, Hist. générale du Languedoc.

[33] De verbarum significat.

[34] Cassiodore, Variarum.

[35] Eglogues, VII, v. 11-13.

[36] Philip. VI. 5.

[37] Perque imas serpit valles et gallica certus

Limes ab Ausoniis disterminat arva colonis.

Lucain donne au Rubicon la même épithète que Sidonius :            Fonte cadit modico, parvisque impellitur undis

Puniceus Rubicon, cum candida fervuit aestas.   Pharsal., V, v. 213

[38] Clerjon, Hist. de Lyon.