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SIDOINE APOLLINAIRE
SIDOINE
APOLLINAIRE
POÉSIE 2
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Étude
sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.
avant-propos
Notice sur Sidoine Apollinaire
lettres
livre I
lettres livre II
lettres livre III
lettres livre IV
lettres livre V
lettres livre VI
lettres livre VII
lettres VIII
poésies 1
poésies3
l
Vers
N° |
CARMEN II.
PANEGYRICUS QUEM ROMÆ
SIDONIUS DIXIT
ANTHEMIO AUGUSTO
BIS CONSULI.
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II.
PANÉGYRIQUE D’ANTHÉMIUS AUGUSTE
DEUX FOIS CONSULS PRONONCÉ A ROME PAR SIDONIUS.
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Auspicio et
numero fasces, Auguste, secundos
Erige, et effulgens trabealis mole metalli
Annum pande novum, consul vetus, ac sine fastu
Scribere bis fastis: quanquam diademate crinem
Fastigatus eas, humerosque ex more priorum
Includat
Sarrana chlamys, te
picta togarum
Purpura plus capiat: quia res est semper ab ævo
Rara, frequens consul. |
Sous d’heureux auspices et pour la
seconde fois, noble Empereur, élève tes faisceaux; tout rayonnant de
l’éclat de la trabée, ancien consul, ouvre le nouvel an, et que sans
orgueil ton nom s’inscrive de nouveau dans les fastes. Si tu marches
le front couronné du diadème; si, comme tes prédécesseurs, tu portes
sur les épaules la chlamyde tyrienne, que la toge pourprée te flatte
encore plus, car ce fut toujours une chose rare de voir un homme
souvent consul. |
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Tuque,
o cui laurea Jane
Annua debetur; religa torpore soluto
Quavis fronde comas, subita nec luce pavescas
Principis, aut rerum credas elementa moveri.
Nil natura novat: sol hic quoque venit ab ortu.
Hic est, o proceres, petiit quem Romula virtus,
Et quem vester amor: cui se ceu victa procellis,
Atque carens rectore ratis, respublica fractam
Intulit, ut digno melius flectenda magistro,
Ne tempestates,
ne te, pirata, timeret.
Te prece ruricola expetiit, te fœdere junctus
Assensu, te castra tubis, te curia plausu,
Te punctis scripsere tribus, collegaque misit
Te nobis, regnumque tibi; suffragia tot sunt,
Quanta legit mundus: fateor, trepidavimus omnes,
Ne vellet collega pius permittere voto
Publica vota tuo; credet ventura propago,
In nos ut possint, princeps, sic cuncta licere,
De te non totum licuit tibi. Facta priorum
Exsuperas, Auguste Leo; nam regna superstat
Qui regnare jubet; melius respublica vestra
Nunc erit una magis, quæ sic est facta duorum. |
Et toi, ô Janus, à qui l’on doit
chaque année une couronne de laurier, entrelace gaîment dans tes
cheveux des feuillages de toute espèce; ne va point te troubler à
l’aspect soudain de la lumière qui entoure le prince; ne crois point
que l’ordre des éléments soit interverti ; rien n’est changé dans la
nature, cet astre vient aussi de l’orient. Le voilà, sénateurs,
celui que la vertu romaine a demandé, celui que réclamait votre
amour. Comme un vaisseau battu par les orages et manquant de pilote,
la République brisée se porte vers lui, pour marcher plus sûrement
sous un maître habile, et pour n’avoir plus à redouter ni les
tempêtes ni le pirate. C’est toi que l’habitant des campagnes
demandait par ses prières, toi qu’ont adopté les alliés par leur
consentement, les soldats par les sons des trompettes, le sénat par
ses applaudissements, les tribus par leurs voix réunies ; ton
collègue, en t’envoyant vers nous, te donna la royauté; tu reçois
les suffrages de l’univers entier. Je l’avoue, nous avons tous
redouté que ton pieux collègue ne voulût laisser à ton arbitre
l’accomplissement des vœux publics. Les générations à venir le
croiront elles P tu peux toutes choses pour nous, ô Prince; tu n’as
presque rien pu pour toi-même. Tu surpasses les hauts faits de tes
prédécesseurs, Auguste Léon; car il s’élève au-dessus des trônes,
celui qui fait régner; votre République n’en sera que plus
rapprochée de l’unité, ainsi partagée entre deux maîtres. |
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Salve sceptrorum columen,
regina Orientis,
Orbis Roma tui, rerum mihi principe misso,
Jam non
Eoo solum veneranda quiriti
Imperii sedes; sed plus pretiosa, quod exstas
Imperii genitrix.
Rhodopem quæ portat et Hemum,
Thracum terra tua est, heroum fertilis ora.
Excipit hic natos glacies, et matris ab alvo
Artus infantum molles nix civica durat.
Pectore vix alitur quisquam, sed ab ubere tractus,
Plus potat per vulnus equum: sic lacte relicto,
Virtutem gens tota bibit; crevere parumper,
Mox pugnam ludunt jaculis; hos suggerit illis
Nutrix plaga jocos; pueri venatibus apti,
Lustra feris vacuant; rapto ditata juventus
Jura colit gladii; consummatamque senectam
Non ferro finire pudet: tali ordine vitæ
Cives Martis agunt. |
Salut, appui des trônes, reine de
l’Orient, Rome de l’autre univers; en me donnant un empereur, si tu
es déjà bien vénérable aux citoyens de l’Orient comme siège de leur
empire, tu deviens plus précieuse à leurs yeux, comme dispensatrice
des couronnes. Ta terre qui porte le Rhodope et l’Hémus, la terre
des Thraces, fertile en héros, relève de ta puissance. Ici, la glace
reçoit les nouveau-nés, et la neige de ces froides contrées endurcit
leurs membres délicats, au sortir du sein maternel. A peine si les
enfants sont nourris à la mamelle; il faut la quitter pour le sang
du cheval; et c’est ainsi qu’abandonnant le lait, toute la nation
suce le courage. Commencent-ils à marcher? ils préludent aux combats
avec le javelot; tels sont les jeux que leur inspire le sol natal;
une fois propres à la chasse, ils vont dépeupler les bois de leurs
féroces habitants; enrichie du butin ennemi, la jeunesse ne respecte
que les droits du glaive; et, avant d’arriver à une vieillesse
décrépite, ce n’est pas une honte de finir ses jours par le fer.
Voilà la vie que mènent ces citoyens de Mars. |
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At tu circumflua ponto
Europæ atque Asiæ, commissam carpis utrinque
Temperiem; nam
Bistonios Aquilonis hiatus
Proxima
Cachidici sensim tuba temperat Euri.
Interea te
Susa tremunt, ac supplice cultu
Flectit Achæmenius lunatum Persa tiaram.
Indus odorifero crinem madefactus amomo,
In tua lucra feris exarmat guttur alumnis,
Ut pandum dependat ebur: sic trunca reportat
Bosphoreis elephas inglorius ora tributis.
Porrigis ingentem spatiosis mœnibus urbem,
Quam tamen angustam populus facit:
itur in æquor
Molibus, et veteres tellus nova contrahit undas.
Namque Dicarcheæ translatus pulvis arenæ
Intratis solidatur aquis, durataque massa
Sustinet advectos peregrino in gurgite campos.
Sic te dispositam, spectantemque undique portus,
Vallatam pelago, terrarum commoda cingunt.
Fortunata satis, Romæ partita triumphos.
Et jam non querimur, valeat divisio regni:
Concordant lancis partes, dum pondera nostra
Suscipis, æquasti. |
Mais toi qui es baignée par les mers
de l’Europe et de l’Asie, tu participes à la température de l’une et
de l’autre région. L’Eurus traverse la Chalcédoine située près de
toi, et vient adoucir les vents glacés de la Thrace. Suse te
redoute; le Perse, descendant d’Achémène, dépose à tes pieds, dans
une humble attitude, le croissant de sa tiare. L’indien, la
chevelure parfumée d’essences aromatiques, désarme pour toi la
gueule de ses fiers animaux, afin de t’apporter le précieux ivoire;
c’est ainsi que l’éléphant déshonoré livre en tribut aux contrées
bosphoriques ses dents mutilées. Tu étends au loin la spacieuse
enceinte de tes murailles, trop étroites cependant pour tes nombreux
citoyens; on envahit la mer avec des digues, et une terre nouvelle
fait reculer les vieilles ondes. Le sable de Dicarchœa vient entrer
dans tes eaux, y former une masse solide et compacte, qui supporte
en un gouffre étranger des champs arrivés de loin. Ainsi disposée,
regardant partout des ports, défendus par le rempart de la mer, tu
recueilles toutes les richesses du monde. Tu es assez heureuse, car
tu partages les triomphes de Rome ; et nous ne nous plaignons pas de
cela: qu’elle subsiste cette séparation d’empire; la balance est
égale, et tu nous la donnes, cette égalité, en recevant une portion
de notre fardeau. |
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Tali tu civis ab urbe
Procopio genitore micas: cui prisca propago
Augustis venit a proavis,
quem dicere digno
Non datur eloquio, nec si modo surgat Averno
Qui cantu flexit scopulos, digitisque canoris
Compulit auritas ad plectrum currere silvas,
Cum starent Hebri latices, cursuque ligato
Fluminis attoniti carmen magis unda sitiret. |
Telle est, ô Anthémius, cette ville où
Procope te donna le jour, Procope dont la race antique et célèbre a
produit tant de grands hommes; Procope qui ne pourrait être assez
dignement chanté, alors même que reviendrait de l’Averne ce poète
qui sut rendre les rochers sensibles à ses accents; qui, de ses
doigts mélodieux, contraignit les forêts attentives d’accourir aux
sons de sa lyre, tandis que l’Ebre suspendait ses flots, et que ses
ondes, enchaînées de surprise, avaient toujours plus soif
d’harmonie. |
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Huic quondam juveni reparatio credita pacis
Assyriæ: stupuit primis se Parthus in annis
Consilium non ferre senis: conterritus hæsit
Quisque sedet sub rege
Satraps; ita vinxerat omnes
Legati genius; tremuerunt Medica rura,
Quæque
draconigenæ portas non clauserat hosti,
Tum demum Babylon nimis est sibi visa patere.
Partibus at postquam statuit nova formula fœdus,
Procopio dictante
Magis; juratur ab illis
Ignis et unda deus; nec non rata pacta futura,
Hic divos testatur avos. Chaldæus in extis
Pontificum de more senex arcana peregit
Murmura; gemmantem pateram rex ipse retentans,
Fudit thuricremis
carchesia cernuus aris. |
Procope, tout jeune encore, fut chargé
de conclure la paix avec l’Assyrie; le Parthe s’étonna de trouver
dans un âge aussi tendre toute la maturité d’un vieillard. Les
satrapes qui environnent le roi se prirent d’admiration, tant le
génie de l’envoyé les tenait sous le charme! Les campagnes des Mèdes
tremblèrent; Babylone, qui n’avait pas fermé ses portes à l’aspect
d’Alexandre, les crut enfin trop ouvertes. Dès que la paix eut été
conclue, dès que Procope en eut dicté les clauses, les Mages en
jurèrent l’observation par le feu et par l’eau, leurs divinités
révérées; lui, il prit à témoin les mânes de ses ancêtres. Les
vieillards Chaldéens, suivant l’usage de leurs pontifes, murmurèrent
des paroles mystérieuses en interrogeant les entrailles des victimes
; leur roi, tenant dans ses mains une coupe éclatante de pierreries
répandit sur les autels des libations parfumées. |
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Suscipit hinc reducem duplicati culmen honoris,
Patricius, nec non peditumque equitumque magister,
Præficitur castris, ubi
Tauri claustra cœrcens,
Æthiopasque vagos belli terrore relegans,
Gurgite pacato famulum spectaret
Orontem.
Huic socer Anthemius præfectus, consul et idem,
Judiciis populos atque annum nomine rexit.
Purpureos fortuna viros cum murice semper
Prosequitur, solum hoc tantum mutatur in illis,
Ut regnet qui consul erat; sed omittimus omnes. |
Après cette ambassade, Procope reçut
un double honneur, la dignité de patrice et le commandement général
des armées ; dominant alors les gorges du Taurus, contenant par la
terreur de ses armes les Ethiopiens vagabonds, il protégeait les
camps établis sur l’Oronte soumis et pacifique. Il eut pour
beau-père Anthémius, préfet et consul, qui rendit la justice au
peuple et don son nom à l’née. La fortune a toujours favorisé les
Anthémius qui se sont élevés à la pourpre ce qu’il y a de changé,
c’est que celui qui de nos jours en fut revêtu comme consul, la
porte maintenant comme empereur; mais je les omets tous. |
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Jam tu ad plectra veni,
tritus cui casside crinis
Ad diadema venit; rutilum cui Cæsaris ostrum
Deposito thorace datur, sceptroque replenda
Mucrone est vacuata manus; cunabula vestra
Imperii fulsere notis, et præscia tellus
Aurea converso promisit sæcula fetu.
Te nascente, ferunt, exorto flumina melle
Dulcatis cunctata vadis, oleique liquores
Isse per attonitas bacca pendente trapetas.
Protulit undantem segetem sine semine campus:
Et sine se natis invidit pampinus uvis.
Hibernæ rubuere rosæ, spretoque rigore
Lilia permixtis insultavere pruinis.
Tale puerperium quotiens Lucina resolvit,
Mos elementorum cedit, regnique futuri
Fit rerum novitate fides; venisse beatos
Sic loquitur natura deos;
cunctantis Iuli
Lambebant teneros incendia blanda capillos.
Astyages Cyro pellendus forte nepoti,
Inguinis expavit diffusum vite racemum.
Præbuit intrepido mammas lupa feta Quirino.
Julius in lucem venit,
dum laurea flagrat.
Magnus Alexander, nec non Augustus, habentur
Concepti serpente deo;
Phœbumque, Jovemque
Divisere sibi: namque horum quæsiit unus
Cinyphia sub Syrte patrem:
maculis genitricis
Alter Phœbigenam sese gaudebat haberi,
Pæonii jactans Epidauria signa draconis.
Multos cinxerunt aquilæ, subitumque per orbem
Lusit venturas famulatrix penna coronas. |
Sois donc l’objet de mes chants, toi
qui as quitté le casque pour le diadème, qui as déposé la cuirasse
pour la pourpre resplendissante des Césars, la lance pour le
sceptre; ton berceau fut entouré de l’éclat du trône, et la terre
prévoyante, changeant la marche de son cours, promit un siècle d’or.
Au moment de ta naissance, il se forma, dit-on, des ruisseaux de
miel qui se mêlèrent aux fleuves et communiquèrent à leurs ondes
ralenties une saveur délicieuse; les pressoirs étonnés virent couler
en flots abondants la liqueur des oliviers qui pliaient sous le
poids de leurs fruits. Les campagnes, sans attendre la main du
laboureur, d’elles-mêmes se couvrirent de moissons ondoyantes; le
pampre fut jaloux des grappes qui naquirent sans lui. Au sein de
l’hiver, les rosiers s’embellirent d’un tendre incarnat et méprisant
la rigueur du froid, les lis insultèrent aux frimas qui les
entouraient. Toutes les fois que Lucine préside à de semblables
naissances, les éléments cèdent à la force des destinées, et cette
étrangeté de choses devient un présage certain du règne qui doit
suivre. C’est ainsi que la nature annonce l’arrivée des dieux
auteurs de la félicité publique. Ainsi de brillants météores
caressaient la tendre chevelure d’Iule, lent à grandir. Astyage, qui
devait être un jour détrôné par Cyrus son petit-fils, vit avec
effroi une vigne s’élever du sein de sa fille et se répandre
partout. Une louve pleine présenta ses mamelles à l’intrépide
Quirinus. A la naissance de Julius, un laurier fut dévoré par les
flammes. On dit que le grand Alexandre et Auguste furent conçus d’un
dieu caché sous la forme d’un serpent: l’un se crut fils d’Apollon,
l’autre de Jupiter; celui-là chercha son père dans le pays des
Syrtes cinyphiennes; celui-ci, fier des taches de sa mère, se
glorifiait de descendre de Phébus, se vantait des signes du serpent
d’Epidaure, du dragon Pœonien. Combien d’autres ont vu des aigles
entourer leur berceau, et de leur vol officieux présager au monde
des règnes à venir |
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Ast hunc, egregii proceres,
ad sceptra vocari
Jam tum nosse datum est, laribus cum forte paternis
Protulit excisus jam non sua germina palmes.
Imperii ver illud erat; sub imagine frondis,
Dextra per arentem florebant omnia virgam.
At postquam primos infans exegerat annos,
Reptabat super arma patris: quanquam arcta terebat
Lamina cervicem, gemina complexus ab ulna,
Livida laxatis intrabat ad oscula cristis.
Ludus erat puero raptas ex hoste sagittas
Festina tractare manu, captosque per arcus
Flexa reluctantes in cornua trudere nervos.
Nunc tremulum tenero jaculum torquere lacerto,
Inque frementis equi dorsum cum pondere conti
Indutas chalybum saltu transferre catenas,
Inventas agitare feras et fronde latentes
Quærere, deprensas modo claudere cassibus arctis,
Nunc torto penetrare veru; tum sæpe fragore
Laudari comitum, frendens cum bellua ferrum
Ferret, et intratos exirent arma per armos.
Conde
Pelethronios, alacer puer et venator
Æacida, titulos: quanquam subjecta magistri
Terga premens, et ob hoc securus lustra pererrans
Tu potius regereris equo; non principe nostro
Spicula direxit melius Pythona
superstans
Pæan, cum vacua turbatus pene pharetra,
Figeret innumeris numerosa volumina telis. |
Il fut aisé de connaître, Pères
conscrits, qu’Anthémius était né pour le trône, lorsque, dans le
palais de son père, une branche de palmier détachée du tronc poussa
d’elle-même des feuilles d’une autre espèce. C’était là comme le
printemps de l’empire; sous ce riant feuillage qui embellissait un
rameau desséché, se montraient d’heureux pronostics. A peine
avait-il passé les premières années de l’enfance, qu’il jouait avec
les armes de son père; quelquefois, de ses mains il soulevait un
casque et le posait sur sa tête; elle s’y cachait tout entière, et
ses joues délicates en étaient meurtries. C’était un jeu pour lui de
saisir d’une main hâtive un arc et des flèches, dépouilles d’un
ennemi vaincu, et de tendre l’arc en surmontant la résistance des
cordes. Tantôt, d’un bras enfantin il lançait un javelot tremblant,
et, revêtu d’une cotte de mailles, se jetait sur un fier coursier,
avec le poids d’une lance ; puis il poursuivait les bêtes sauvages
qui s’offraient à lui, les cherchait à travers les feuillages épais,
et, après les y avoir surprises, les environnait de ses étroits
filets, ou les perçait de ses javelots recourbés. Venaient les
applaudissements tumultueux de ses compagnons, lorsque l’animal
blessé tramait le dard en frémissant, et que le fer sortait de ses
flancs ensanglantés. Tu éclipsais la gloire du petit-fils d’Eaque,
ce jeune et agile chasseur; pressant ton rapide coursier, et
parcourant sans crainte les repaires de bêtes fauves, tu
t’abandonnais à son instinct. Apollon, vainqueur du serpent Python,
ne lança pas ses traits d’une manière plus sûre, lorsque, troublé de
voir son carquois presque vide, il perçait de ses coups une
multitude innombrable d’animaux féroces. |
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Nec minus hæc inter veteres audire sophistas.
Mileto quod crete Thales vadimonia culpas,
Lindie quod Cleobule canis, modus optimus esto,
Ex Ephyra totum meditaris quod Periander,
Attice quodve Solon finem bene respicis ævi,
Priennæe Bia, quod pius tibi turba malorum est,
Noscere quod tempus, Lesbo sate Pittace, suades,
Quod se nosse omnes vis ex Lacedæmone Chilon.
Præterea didicit varias nova dogmata sectas,
Quidquid laudavit Scythicis Anacharsis in arvis,
Quidquid legifero profecit Sparta Lycurgo,
Quidquid Erichtheis Cynicorum turba volutat
Gymnasiis, imitata tuos Epicure sodales:
Quidquid nil verum statuens Academia duplex
Personat, arroso quidquid sapit ungue Cleanthes,
Quidquid Pythagoras, Democritus, Heraclitusque
Deflevit, risit, tacuit; quodcunque Platonis
Ingenium, quod in arce fuit, docet ordine terno.
Quæ vel Aristoteles partitus membra loquendi,
Argumentosis dat retia syllogismis.
Quidquid Anaximenes, Euclides, Archita, Zenon,
Arcesilas, Chrysippus, Anaxagorasque dederunt,
Socraticusque animus post fatum in Phædone vivus
Despiciens vastas tenuato in crure catenas,
Cum tremeret mors ipsa reum, ferretque venenum
Pallida securo lictoris dextra magistro.
Præterea quidquid Latiaribus indere libris
Prisca ætas studuit, totum percurrere suetus:
Mantua quas acies, pelagique pericula lusit,
Smyrnæas imitata tubas: quamcunque loquendi
Arpinas dat consul opem; sine fine locutus
Fabro progenitus, spreto cui patre polita
Eloquiis plus lingua fuit; vel quidquid in ævum
Mittunt
Euganeis Patavina volumina chartis:
Qua Crispus brevitate placet, quo pondere Varro,
Quo genio Plautus, quo fulmine Quintilianus,
Qua pompa Tacitus, nunquam sine laude loquendus. |
Néanmoins, Anthémius se faisait le
disciple des anciens philosophes: de Thalès le Milésien, qui blâme
les cautionnements; de Cléobulus de Lindos, qui veut de la mesure en
toutes choses; de Périandre d’Ephyre, qui médite sur l’universalité
des êtres; de Solon d’Athènes, qui regarde si bien le but de ta vie
de Iia de Priernie, qui gémit sur le grand nombre des méchants; de
Pittacus de Lesbos, qui conseille de connaître l’usage du temps; de
Chilon le lacédémonien, qui veut que tous les hommes se connaissent
eux-mêmes. Il apprenait encore les nouveaux dogmes des sectes
diverses, tout ce qu’Anacharsis loua dans les contrées de la
Scythie, tout ce que le législateur Lycurgue enseigna de salutaire à
Sparte; tout ce e la foule d cyniques, imitant les sectateurs d’Epicure,
professa dans les gymnases d’Athènes; tout ce que débita la double
Académie, disant qu’il n’est rien de vrai; tout ce qu’annonce le
sage Cléanthe aux ongles rongés; tout ce que nous ont transmis le
silencieux Pythagore, le larmoyant Héraclite, et Démocrite le rieur;
tout ce que le haut génie de Platon a trouvé sur l’ordre ternaire;
tout ce qu’Aristote, fractionnant la parole, apprend de syllogismes
subtils et captieux; tout ce que nous ont légué Anaximène, Euclide,
Architas, Zénon, Arcésilas, Chrysippe, Anaxagoras, et l’âme de
Socrate, vivant même après sa mort dans le Phœdon; de Socrate, qui
méprisait des chaînes trop vastes pour ses ambes amaigries, alors
que le trépas lui-même tremblait en face du noble accusé, et que la
pâle main du licteur présentait le poison au sage plein de calme et
de fermeté. Il étudiait encore tout ce que les âges anciens se
plurent à consigner dans les livres du Latium: les grands combats et
les dangers des mers célébrés par le poète de Mantoue, rival des
chantres de Smyrne; toutes les richesses d’éloquence que déroule le
consul d’Arpinuna, ou cet orateur infatigable issu d’un forgeron, et
qui, dédaignant l’art de son père, aima mieux s’exercer à polir le
langage; tons les volumes enfin dont l’écrivain de Padoue a gratifié
la postérité. Il méditait la brièveté de Salluste, le grave savoir
de Varron, le génie de Plaute, l’éloquence foudroyante de
Quintilien, la pompe de ce Tacite dont on ne doit jamais parler
qu’avec éloge. |
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His hunc formatum studiis,
natalibus ortum;
Moribus imbutum,
princeps, cui mundus ab Euro
Ad Zephirum tunc sceptra dabat, cui nubilis atque
Unica purpureos debebat nata nepotes,
Elegit generum; sed non ut deside luxu
Fortuna soceri contentus, et otia captans
Nil sibi deberet: comitis sed jure recepto
Danubii ripas, et tractum limitis ampli
Circuit, hortatur, disponit, discutit, armat.
Sic sub patre
Pius moderatus castra parentis,
Sic
Marcus vivente Pio, post jura daturi,
Innumerabilibus legionibus imperabant. |
Telle était l’extraction, telles
étaient les mœurs et les connaissances d’Anthémius, lorsqu’il devint
le gendre du prince dont le sceptre gouvernait l’univers depuis
l’Orient jusques à l’Occident, et dont la fille unique et déjà
nubile lui devait des enfants destinés à la pourpre. Toutefois,
Anthémius, dédaignant l’oisiveté du luxe, peu touché de la fortune
de son beau-père, et fuyant le repos, ne crut pas qu’il ne se devait
rien à lui-même Il venait d’être créé Comte ; aussitôt il parcourt
les rives du Danube, les vastes frontières de l’empire, ranime
l’ardeur des soldats, dispose toutes choses, met tout en état de
défense. C’est ainsi que, du vivant de son père, Antonin-le-Pieux
dirigeait les armées; c’est ainsi que, du vivant d’Antonin, agissait
Marc-Aurèle, et que, destinée tous deux à donner des lois au monde,
ils commandaient à des légions innombrables. |
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Hinc reduci datur omnis
honor, et
utrique magister
Militiæ, consulque micat: conjuncta potestas
Patricii, celerique gradu privata cucurrit
Culmina conscenditque senum puer ipse curulem,
Sedit et emerito juvenis veteranus in auro. |
A son retour il est comblé d’honneurs,
obtient le commandement de l’une et de l’autre milice et les charges
du consulat; il arrive à la dignité patricienne, passe rapidement
par les plus hauts grades, s’assied, enfant encore, sur la chaise
curule des vieillards, et brille, jeune vétéran, d’une distinction
glorieuse. |
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Jamque parens divos; sed vobis nulla cupido
Imperii: longam diademata passa repulsam.
Insignem legere virum, quem deinde legemem
Spernere non posses; soli tibi contulit uni
Hoc fortuna decus, quanquam te posceret ordo,
Ut lectus princeps mage, quam videare relictus.
Post socerum Augustum regnas; sed non tibi venit
Purpura per thalamos, et conjunx regia regno
Laus potius quam causa fuit; nam juris habenis
Non generum legit respublica, sed generosum.
Fallor, bis gemino nisi cardine rem probat orbis.
Ambit te Zephyrus, rectorem destinat Eurus,
Ad Boream pugnas, et formidaris ad Austrum. |
Marcien était au rang des dieux; tu
n’avais aucun désir de régner; le diadème, longtemps refusé par toi,
échut à un homme illustre, à la voix duquel tu ne pusses résister,
lorsque plus tard il t’appellerait à l’empire. Tu ne dus qu’à
toi-même, et non point à l’ordre de succession, l’honneur de
paraître un prince élu plutôt qu’un prince héréditaire. Tu règnes
après l’empereur ton beau-père; mais la pourpre ne t’est pas venue
par l’hymen, et ta royale épouse est bien plus l’ornement que la
cause de ton règne. La République, en te donnant le sceptre, n’a
point choisi un gendre, mais un prince remarquable. Ou je me trompe,
ou les applaudissements de la terre entière sont réunis en ta
faveur. L’Occident te réclame, l’Orient te destine pour maître; tu
combats au septentrion, l’on te redoute au midi. |
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Ante tamen quam te socium
collega crearet,
Perstrinxisse libet, quos Illyris ora triumphos
Viderit, excisam quæ se
Valameris ab armis
Forte ducis nostri vitio deserta gemebat.
Haud aliter, cæsus quondam cum
Cæpio robur
Dedidit Ausonium, subita cogente ruina.
Electura ducem
post guttura fracta Jugurthæ,
Ultum
Arpinatem Calpurnia fœdera lixam
Opposuit rabido
respublica territa
Cimbro. |
Avant toutefois que Léon te créât son
collègue, les contrées Illyriennes, je ne veux pas l’omettre,
avaient connu tes triomphes, elles qui, détachées de l’empire par
les armes de Valamer, gémissaient d’être abandonnées par la faute
peut-être de notre général. Ainsi, lorsque la défaite de Cœpio eut
autrefois couvert de honte la puissance ausonienne, en face de ce
revers soudain, la République, jalouse de choisir un chef après le
meurtre de Jugurtha, opposa, dans sa frayeur, à la rage du Cimbre,
le soldat arpinate qui avait réparé la honte des traités de
Calpurnius. |
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Hic primum ut vestras
aquilas provincia vidit,
Desiit hostiles confestim horrere
dracones.
Ilicet edomiti bello, prædaque carentes,
Mox ipsi tua præda jacent: sed omittimus istos
Ut populatores:
belli magis acta revolvo.
Quod bellum non parva manus, nec carcere fracto
Ad gradiaturam tu
Spartace vincte parasti:
Sed
Scythicæ vaga turba plagæ, feritatis abundans,
Dira, rapax, vehemens, ipsis quoque gentibus illic
Barbara barbaricis, cujus dux Hormidac atque
Civis erat, queis tale solum est, murique, genusque. |
Aussitôt que la province vit tes
aigles, elle cessa de trembler devant les dragons ennemis; les
barbares, terrassés et n’ayant plus où exercer leur pillage, ne
tardèrent pas à devenir ta proie : mais laissons de côté ces
dévastateurs, et parlons plutôt des hauts faits de cette guerre. Là,
tu n’eus point à combattre une faible poignée de gens, ni de vils
gladiateurs échappés de leurs chaînes, tels que ceux qu’arma jadis
Spartacus, mais des hordes vagabondes venues des régions de la
Scythie, une foule innombrable de guerriers cruels, farouches,
avides de sang et de pillage, et plus barbares que les barbares
habitants de leurs contrées; leur chef Hormisdas avait la même
patrie et la même origine. |
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Albus
Hyperboreis
Tanais qua vallibus actus,
Riphæa de caute cadit, jacet axe sub ursæ
Gens animis membrisque minax: ita vultibus ipsis
Infantum suus horror inest; consurgit in arctum
Massa rotunda caput; geminis sub fronte cavernis
Visus adest oculis absentibus; acta cerebri
In cameram vix ad refugos lux pervenit orbes,
Non tamen et clausos: nam fornice non spatioso,
Magna vident spatia, et majoris luminis usum
Perspicua in puteis compensant puncta profundis.
Tum ne per malas excrescat fistula duplex,
Obtundit teneras circumdata fascia nares,
Ut galeis cedant. Sic propter prælia natos
Maternus deformat amor, quia tensa genarum
Non interjecto fit latior area naso.
Cætera pars est pulchra viris; stant pectora vasta,
Insignes humeri, succincta subilibus alvus.
Forma quidem pediti media est, procera sed exstat,
Si cernas equites, sic longi sæpe putantur,
Si sedeant. Vix matre carens ut constitit infans,
Mox præbet dorsum sonipes; cognata reare
Membra viris, ita semper equo ceu fixus adhæret
Rector. Cornipedum tergo gens altera fertur,
Hæc habitat; teretes arcus, et spicula cordi;
Terribiles certæque manus, jaculisque ferendæ
Mortis fixa fides, et non peccante sub ictu,
Edoctus peccare furor. |
Aux
lieux où le blanc Tanaïs tombe des monts Riphéens, et coule dans les
vallées hyperboréennes, sous le pôle de l’ourse, habite une nation
dont le courage et la stature inspirent l’effroi; on remarque même
je ne sais quoi de terrible sur le visage des enfants. Leurs têtes
étroites ne présentent qu’une masse ronde; au-dessous du front leurs
yeux vont se perdre en deux profondes cavités; là, la lumière, jetée
dans les enfoncements du cerveau, parvient à peine vers leurs
orbites fugitifs, qui toutefois ne sont pas fermés au jour; car, à
travers une étroite issue, ils aperçoivent de vastes espaces, et ce
qui les dédommage de cette difformité, c’est qu’ils distinguent même
un objet au fond d’un puits. Dès qu’ils sont nés, un bandeau qui
environne leur tête écrase et aplatit leurs narines, pour qu’un jour
le casque ne trouve pas d’obstacle. C’est ainsi que ces enfants
destinés aux combats, la tendresse maternelle ne craint pas de les
rendre difformes, car les joues présentent une plus e surface dès
que le nez est effacé. Le reste de leur corps est beau; ils ont une
vaste poitrine, de larges épaules et une taille svelte. S’ils sont à
pied, on les croirait d’une médiocre stature; s’ils sont à cheval ou
assis, ils paraissent très grands. L’enfant quitte à peine le sein
de sa nourrice, que le coursier lui présente son noble dos vous
croiriez qu’ils ne font qu’un, si bien le cavalier reste comme cloué
au cheval. Les autres nations se font porter souvent par les
coursiers ; celle-ci habite sur eux; elle aime les arcs et les
javelots; les mains de ses guerriers sont terribles et sûres, leurs
traits donnent infailliblement la mort, et leur fureur fut instruite
à ne porter jamais des coups incertains. |
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Gens ista repente
Erumpens, solidumque rotis transvecta per
Istrum
Venerat, et sectas inciderat orbita lymphas.
Hanc tu directus per
Dacica rura vagantem
Contrahis, aggrederis, superas, includis; et ut te
Metato spatio castrorum Serdica vidit,
Obsidione premis; quæ te sic tempore multo
In vallo positum stupuit, quod miles in agros
Nec licitis, nec furtivis excursibus ibat.
Cui deesset cum sæpe Ceres, semperque Lyæus,
Disciplina tamen non defuit; inde propinquo
Hoste magis timuere ducem; sic denique factum est,
Ut socius tum forte tuus, mox proditor, illis
Frustra terga daret, commissæ tempore pugnæ:
Qui jam cum fugeret, flexo pede cornua nudans,
Tu stabas acie solus, te sparsa fugaci
Expetiit ductore manus, te Marte pedestri
Sudantem repetebat eques; tua signa secutus
Non se desertum sensit certamine miles. |
Voilà quelle nation soudainement
apparue, après avoir franchi sur ses chars les glaces de Pister, et
lui avoir imprimé les traces de ses roues, vint dévaster les
campagnes des Daces. Tu marches contre les Barbares, tu les
attaques, tu triomphes d’eux, tu les investis, et dès que Serdica a
vu ton armée devant ses murs, tu les tiens étroitement assiégés. On
s’étonne de ce que tu restes si longtemps retranché dans tes
circonvallations, sans que tes soldats se répandent, avec ou malgré
tes ordres, dans les campagnes voisines; le pain, le vin, tout leur
manquait, ils ne manquèrent pas à la discipline, et, rapproches de
l’ennemi, ils craignirent bien plus leur général. Mais enfin il
arriva que ton collègue, changé tout-à-coup en traître, se livra,
dans le fort de la bataille, à une fuite honteuse et inutile;
pendant que sa désertion laissait ainsi à découvert les ailes de
l’armée, seul tu soutenais le choc : c’est toi que demandaient les
bataillons épars et sans chef; c’est à toi que se réunissait la
cavalerie, lorsque, plein de sueur, tu combattais à pied; le soldat,
marchant sous tes drapeaux, ne s’aperçut pas qu’il avait été
abandonné dans la bataille. |
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I nunc, et
veteris profer præconia Tulli
Ætas cana patrum, quod pulchro hortamine mendax
Occuluit refugi nutantia fœdera Metti.
Nil simile est, fallique tuum tibi non placet hostem.
Tunc vicit miles, dum se putat esse juvandum:
Hic vicit, postquam se comperit esse relictum.
Dux fugit, insequeris: renovat certamina, vincis;
Clauditur, expugnas; elabitur, obruis; atque
Sarmaticæ paci pretium sua funera ponis.
Paretur, jussum subiit jam transfuga lethum,
Atque peregrino cecidit tua victima ferro.
Ecce iterum, si forte placet, conflige vetustas
Hannibal ille ferox ad pœnam forte petitus,
Et si non habuit jus vitæ, fine supremo
Certe habuit mortis; quem cæcus carcer et uncus,
Et quem spectabat fracturus guttura lictor,
Hausit
Bebrycio constantior hospite virus.
Nam te qui fugit, mandata morte peremptus,
Non tam victoris periit quam judicis ore. |
Va maintenant, âge ancien de nos
pères, et vante-nous les hauts faits du vieux Tullus, qui, par une
noble dissimulation, sut animer ses soldats et leur cacher la
défection du traître Mettius. Ici rien de semblable; tu ne veux pas
que ton ennemi soit trompé. Alors le soldat triompha, parce qu’il
croyait qu’on allait le secourir; cette fois il fut vainqueur,
lorsqu’il s’aperçut qu’on l’avait abandonné. Le chef avait pris la
fuite, tu le poursuis; il engage un nouveau combat, tu es vainqueur;
il se retranche, tu l’assièges; il s’échappe, tu l’écrases: tu mets
la mort de ce traître pour condition à la paix sarmatique. On obéit,
le transfuge, a subi le trépas que tu as ordonné, et il est tombé ta
victime sous un fer étranger. Encore une fois, oppose-nous, si tu le
veux, tes exemples, ô antiquité. Ce fier Hannibal, que l’on
réclamait peut-être pour le supplice, s’il n’eut pas le droit de
vivre, fut maître du moins de sa mort, à son heure dernière. Celui
qu’attendaient une prison ténébreuse, le croc et le dur licteur prêt
à l’égorger, se montra, en avalant le poison, plus ferme que son
hôte Bébrycien. Mais le traître qui avait fui devant toi, et dont tu
ordonnas le supplice, mourut bien moins par les ordres d’un
vainqueur que par les arrêts d’un juge. |
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Nunc ades, o Pæan, lauro cui gryphas obuncos
Docta lupata ligant, quoties per frondea lora
Flectis penniferos hederis bicoloribus armos;
Huc converte chelyn; non est modo dicere tempus
Pythona exstinctum, nec bis
septena sonare
Vulnera Tantalidum, quorum tibi funera servat
Cantus, et æterno vivunt in carmine mortes.
Vos quoque, Castalides, paucis quo numine nobis
Venerit Anthemius, gemini cum fœdere regni,
Pandite: pax rerum misit, qui bella gubernet. |
Viens maintenant, ô Apollon, toi dont
les griffons au bec recourbé portent de doctes freins qu’embellit le
laurier, quand les rênes verdoyantes dirigent leurs flancs ailés
avec des lierres à deux couleurs. Apporte ici ta lyre; ce n’est pas
le temps aujourd’hui de redire la mort de Python ni les quatorze
blessures des Tantalides; le chant te conserve le récit de ces
trépas, qui vivent en des vers éternels. Et vous, ô Castalides,
dites-nous en peu de mots à quelle divinité bienfaisante nous devons
Anthémius et cet heureux accord entre les deux empires. C’est la
paix qui nous envoie un prince pour être notre appui dans la guerre. |
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Auxerat Augustus
naturæ lege Severus
Divorum numerum; quem mox Œnotria casum
Vidit ut ærei de rupibus Apennini,
Pergit cærulei vitreas ad Tibridis ædes,
Non galea conclusa genas, nec sutilis illi
Circulus impactis loricam texuit hamis,
Sed nudata caput; pro crine racemifer exit
Plurima per frontem constringens oppida palmes,
Perque humeros teretes, rutilantes perque lacertos
Pendula gemmiferæ mordebant suppara bullæ.
Segnior incedit genio, venerandaque membra
Viticomam retinens baculi vice flectit ad ulmum:
Sed tamen ubertas sequitur; quacunque propinquat,
Incessu fecundat iter, comitataque gressum
Læta per impressas rorat vindemia plantas. |
Sévère Auguste avait payé le tribut à
la nature, et venait d’augmenter le nombre des dieux; Œnotria, au
bruit de cet évènement, descendit des hauteurs aériennes de
l’Apennin, et dirigea sa marche vers les demeures transparentes du
Tibre azuré. Un casque ne couvre point le visage de la déesse; elle
ne porte point une cuirasse tissue de mailles entrelacées; sa tête
est nue; son front, dépouillé de sa chevelure, se cache sous des
pampres couronnés de grappes et qui ceignent plusieurs villes. Sur
ses épaules délicates, sur ses bras resplendissants des agrafes
chargées de pierreries rattachent les plis onduleux d’un manteau.
Accablée de vieillesse, elle marche à pas lents, et son corps
vénérable s’appuie sur une branche d’ormeau entrelacée de feuilles
de vigne. L’abondance la suit et féconde tous les lieux où elle
passe; la vendange, s’attachant à ses traces, épanche de joyeux
trésors. |
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Ilicet ingreditur Tiberini
gurgitis antrum.
Currebat fluvius residens, et arundinis altæ
Concolor in viridi fluitabat silva capillo.
Dat sonitum mento unda cadens, licet hispida setis
Suppositis multum sedaret barba fragorem.
Pectore ructabat latices, lapsuque citato,
Sulcabat madidam jam torrens alveus alvum,
Terretur veniente dea, manibusque remissis
Remus et urna cadunt: veniæ tum verba paranti
Illa prior: Venio viduatam præsule nostro
Per te si placeat lacrymis inflectere Romam,
Expetat auroræ partes, fastuque remoto
Hoc unum præstet, jam plus dignetur amari.
Instrue quas quærat vires, orbique jacenti
Quo poscat dic orbe caput: quemcunque creavit
Axe meo natum, confestim fregit in illo,
Imperii fortuna rotas:
hinc Vandalus hostis
Urget, et in nostrum numerosa classe quotannis
Militat excidium; conversoque ordine fati
Torrida Caucaseos infert mihi
Byrsa furores.
Præterea invictus Ricimer, quem publica fata
Respiciunt, proprio solus vix Marte repellit
Piratam per rura vagum, qui prælia vitans,
Victorem fugitivus agit: quis sufferat hostem
Qui pacem pugnamque negat? nam fœdera nulla
Cum Ricimere jacit: quem cur nimis oderit, audi.
Incertum crepat ille patrem, cum serva sit illi
Certa parens: nunc ut regis sit filius, effert
Matris adulterium; tum livet quod Ricimerem
In regnum duo regna vocant: nam patre Suevus,
A genitrice Gethes; simul et reminiscitur illud,
Quod
Tartessiacis avus hujus Vallia terris
Vandalicas turmas, et juncti Martis Alanos
Stravit, et occiduam texere cadavera
Calpen.
Quid veteres narrare fugas, quid damna priorum?
Agrigentini recolit dispendia campi.
Inde furit, quod se docuit satis iste nepotem
Illius esse viri, quo viso Vandale semper
Terga dabas: nam non Siculi illustrior arvis
Tu
Marcelle redis, per quem tellure marique
Nostra Syracusios presserunt arma penates:
Nec tu cui currum
Curti superare,
Metelle,
Contigit, ostentans nobis elephanta frequentem,
Grex niger albentes tegeret cum mole jugales,
Auctoremque suum celaret pompa triumphi.
Noricus Ostrogothum quod continet, iste timetur:
Gallia quod Rheni Martem ligat, iste pavori est.
Quod consanguineo me Vandalus hostis Alano
Diripuit radente, suis hic ultus ab armis.
Sed tamen unus homo est, nec tanta pericula solus
Tollere, sed differre potest: modo principe nobis
Est opus armato, veterum qui more parentum,
Non mandet, sed bella gerat; quem signa moventem
Terra vel unda tremant, ut tandem jure recepto,
Romula desuetas moderentur classica classes. |
La déesse pénètre enfin dans la grotte
du Tibre; le fleuve reposait, et de son urne laissait tomber des
flots rapides; une forêt de roseaux verdoyants se balançait sur sa
tête. Les ondes s’échappaient avec fracas de son menton, et sa barbe
touffue en rendait la chute moins bruyante. De sa poitrine il jetait
des flots bouillonnants, et leur impétuosité sillonnait son corps
toujours humide. L’approche de la déesse épouvante le dieu, qui
laisse tomber et son urne et la statue de Rémus. Il cherche des
paroles d’excuse; la déesse le prévient et lui dit: « Rome est veuve
de son chef; je viens t’en supplier, daigne recourir aux larmes,
s’il le faut, pour la déterminer à gagner les régions de l’Aurore, à
renoncer au faste, à se rendre toujours plus digne d’être aimée.
Apprends-lui quelles forces elle doit chercher, et de quelle partie
du monde elle doit réclamer un chef pour l’empire affaissé. Les
princes qu’elle a chéris sous notre ciel ont vu bientôt le char de
l’état brisé sous les coups de la fortune. Le Vandale, cet opiniâtre
ennemi, nous harcelle et nous presse, et chaque année, sur une
flotte nombreuse, combat pour nove ruine. Etrange renversement du
destin! la brûlante Byrsa m’envoie les fureurs du Caucase. De plus,
l’invincible Ricimer, sur qui reposent les destinées publiques, peut
à peine suffire à repousser de ses seuls efforts les pirates errants
jusque dans nos campagnes; ils évitent les combats, et, quoique
fugitifs, ils triomphent. Que faire avec un ennemi qui refuse
également et la paix et la guerre? Il ne conclut avec Ricimer aucun
traité, et lui porte une haine mortelle, dont voici la cause. Il se
vante d’un père que l’on ne connaît pas, tandis que l’on sait qu’une
esclave fut sa mère. Pour être fils de roi, il proclame l’adultère
maternel. Il voit d’un œil jaloux Ricimer doublement appelé au
trône, issu qu’il est d’un père suève et d’une mère gète. Le sombre
Genséric se ressouvient aussi que l’aïeul de Ricimer, Vallia, défit
aux champs de Tartessa les bataillons Vandales et les Alains réunis,
dont les cadavres couvrirent l’occidentale Calpé. Qu’est-il besoin
de rappeler ces anciennes fuites, ces antiques désastres ? Genséric
n’a pas oublié les malheurs des plaines d’Agrigente; ce qui le rend
furieux, c’est que Ricimer lui a bien assez prouvé qu’il est le
petit-fils du héros dont le terrible aspect faisait fuir les
Vandales. Vaillant Marcellus, tu ne revins pas plus glorieux des
plaines siciliennes, lorsque, assiégeant par terre et par mer la
ville de Syracuse, tu la soumis à nos armes: ni toi non plus,
Métellus, toi dont les hauts faits éclipsèrent ceux de Curius, quand
tu nous montras de nombreux éléphants, quand ces noirs troupeaux
cachaient de leur masse tes blancs coursiers, et que la pompe du
triomphe laissait à peine distinguer le triomphateur. En opposant la
Norique à l’Ostrogoth, il se rend formidable; eu opposant la Gaule
aux féroces guerriers du Rhin, il se fait redouter. Les dévastations
que j’ai subies de la part du Vandale et de l’Alain, son allié,
Ricimer les a vengées avec ses armes. Et toutefois il est seul, et
peut bien retarder, mais non pas dissiper de si grands périls. Nous
avons besoin maintenant d’un prince belliqueux, et qui sache, comme
les anciens pères de la patrie, non pas seulement donner des ordres
pour la guerre, mais la diriger en personne; d’un prince dont les
aigles fassent trembler la terre et l’onde, qui rende à la
République ses anciens droits, et rétablisse dans les flottes
romaines un ordre qu’elles ne connaissent plus. » |
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Audiit illa pater, simul
annuit; itur in Urbem
Continuo; videt ipse deam, summissus adorat,
Pectus et exertam tetigerunt cornua mammam.
Mandatas fert inde preces, quas diva secuta
Apparat ire viam: laxatos torva capillos
Stringit, et inclusæ latuerunt casside turres.
Infula laurus erat: bullis hostilibus asper
Applicat a læva surgentem balteus ensem.
Inseritur clypeo victrix manus; illius orbem
Martigenæ, lupa, Tibris, amor, Mars, Ilia, complent.
Fibula mordaci refugas a pectore vestes
Dente capit; micat hasta minax, quercusque tropæis
Curva tremit, placidoque deam sub fasce fatigat.
Perpetuo stat planta solo, sed fascia primos
Sistitur ad digitos, retinacula bina cothurnis
Mittit in adversum vincto de fornice pollex,
Quæ stringant crepidas, et concurrentibus ansis
Vinclorum, pandas texant per crura catenas.
Ergo sicut erat liquidam transvecta per æthram,
Nascentis petiit tepidos
Hyperionis ortus. |
Le dieu écouta ces paroles et
applaudit; aussitôt il dirige sa marche vers Rome, il voit la
déesse, il se prosterne pour l’adorer; ses cornes touchent le sein
et les mamelles découvertes de la déesse. Il lui adresse ensuite les
vœux d’Œnotria; Home les approuve et se dispose à marcher vers
l’orient. D’un œil fier, elle retire sa chevelure éparse, et couvre
d’un casque sa tête chargée de tours; un laurier lui sert de
panache; garni de clous d’or, dépouilles de l’ennemi, un baudrier
suspend à sa gauche une épée redoutable: son bras est armé d’un
bouclier, sur lequel Mars et ses fils, la louve, le Tibre, l’Amour
et Ilia sont représentés; ses vêtements, retenus par une agrafe,
laissent apercevoir son sein; elle brandit sa lance menaçante; un
chêne, courbé sous les trophées, tremble, et fatigue la déesse de
son poids glorieux; sa chaussure est une sandale arrêtée par des
cordons; sur les premiers doigts du pied, deux courroies attachées
vers les pouces resserrent la chaussure et la joignent au-dessus du
talon, d’où elles forment une espèce de chaîne, en s’entrelaçant
autour de ses jambes. La déesse traverse ainsi les airs, et gagne
les tièdes contrées où naît l’Aurore. |
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Est locus oceani, longinquis
proximus Indis,
Axe sub Eoo, Nabathæum tensus in Eurum,
Ver ubi continuum est, interpellata nec ullis
Frigoribus pallescit humus; sed flore perenni
Picta peregrinos ignorant arva rigores.
Halant rura rosis, indescriptosque per agros
Fragrat odor: violam,
cytisum,
serpylla,
ligustrum,
Lilia, narcissos,
casiam,
colocasia, calthas,
Costum,
malobathrum, myrrhas, opobalsama, thura,
Parturiunt campi, nec non pulsante senecta,
Hinc rediviva petit vicinus cinnama phœnix.
Hic domus Auroræ rutilo crustante metallo,
Baccarum præfert læves asprata lapillos.
Diripiunt diversa oculos, et ab arte magistra,
Hoc vincit quodcunque vides; sed conditur omnis
Sub domina præsente decor, nimioque rubore
Gemmarum varios perdit, quia possidet, ignes.
Fundebat coma pexa crocos, flexoque lacerto
Lutea depressus comebat tempora pecten.
Fundebant oculi radios, color igneus illis,
Non tamen ardor erat: quamvis de nocte recussa
Excepti soleant sudorem fingere rores.
Pectora bis cingunt zonæ, parvisque papillis
Invidiam facit ipse sinus: pars extima pepli
Perfert puniceas ad crura rubentia rugas.
Sic regina sedet solio; sceptri vice
dextram
Lampadis hasta replet: nox adstat proxima divæ,
Jam refugos conversa pedes, ac pone tribunal
Promit lux summum vix intellecta cacumen.
Hinc Romam liquido venientem tramite cernens,
Exsiluit propere, et blandis prior orsa loquelis. |
Au sein de l’Océan, tout près des
Indes lointaines, sous le ciel oriental, il est une contrée qui
s’étend vers le pays de Nabath; là, règne un printemps éternel;
jamais la terre n’y pâlit sous les aspérités du froid, et les
campagnes, toujours émaillées de fleurs, n’y connaissent point les
frimas des autres régions. Les plaines y exhalent le parfum des
roses, et de suaves odeurs embaument les champs incultes; la
violette, le cytise, le serpolet, le troène, le lis, le narcisse, la
cannelle, la fève d’Egypte, le souci, le costum, le malobathrum, la
myrrhe, le baume, l’encens y confondent leurs délicieux parfums;
c’est là que le phénix, accablé par la vieillesse pesante, vient des
contrées voisines recueillir le cinnamome qui lui rendra la vie.
C’est là que le palais de l’Aurore, tout-incrusté d’un métal
resplendissant, éblouit par l’éclat des perles et des pierres
précieuses dont il est revêtu. Mille objets divers captivent les
yeux; et, par un effet de l’art, une chose que vous regardez est
éclipsée par une autre. Mais toutes ces merveilles disparaissent à
l’aspect de la déesse, et les feux qui l’environnent effacent toutes
les splendeurs du palais. Le safran distille de ses tempes, et son
bras recourbé arrange sur sa tête sa blonde chevelure; des rayons de
feu, sans avoir l’ardeur de la flamme, jaillissent de ses yeux
étincelants; on prendrait pour une émanation de la déesse les
gouttes de rosée qu’enfante la fraicheur de la nuit. Une double
ceinture environne sa poitrine; les pus jaloux de sa robe dérobent
aux regards la modeste enflure de son sein; le bas de sa robe replié
sur ses jambes dessine une draperie plus éclatante que la pourpre.
C’est ainsi que la reine du jour siège sur son trône; en guise de
sceptre, sa main porte un flambeau; près d’elle se trouve la nuit
qui déjà commence à reculer, et derrière le tribunal de la déesse la
lumière naissante blanchit la voûte des cieux. L’Aurore voit Rome
s’approcher en effleurant la surface des eaux; elle s’élance, et la
prévient par ces douces paroles: |
|
Quid, caput o mundi, dixit,
mea regna revisis:
Quidve jubes?
Paulum illa silens, atque aspera miscens
Mitibus, hæc cœpit: |
« Reine du monde, pourquoi viens-tu visiter mon empire ?
Qu’exiges-tu? »
Rome
se tait quelques instants, puis elle adresse à l’Aurore ce discours,
flatteur tout ensemble et mêlé de reproches: |
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Venio (desiste moveri,
Nec multum trepida) non ut mihi pressus
Araxes
Imposito sub ponte fluat, nec ut ordine prisco
Indicus Ausonia potetur casside Ganges;
Aut ut tigriferi pharetrata per arva
Niphatis
Depopuletur ovans
Artaxata Caspia consul.
Non Pori modo regna precor, nec ut hisce lacertis
Frangat Hydaspeas aries impactus Erythras.
Non in
Bactra feror, nec committentia pugnas
Nostra
Semiramiæ strident ad classica portæ
Arsacios non quæro domos, nec
tessera castris
In
Ctesiphonta datur: totum hunc tibi cessimus axem,
Et nec sic mereor nostram ut tueare senectam?
Omne quod Euphratem Tigrimque interjacet, olim
Sola tenes: res empta mihi est
de sanguine Crassi:
Ad Carras pretium scripsi, nec inulta remansi,
Aut periit sic emptus ager; si fallo, probasti
Ventidio mactante Sapor; nec sufficit istud:
Armenias Pontumque dedi, quo Marte petitum,
Dicat Sylla tibi; forsan non creditur uni:
Consule Lucullum. Taceo jam Cycladas omnes.
Acquisita meo servit tibi Creta Metello.
Transcripsi Cilicas: hos Magnus fuderat olim.
Adjeci Syriæ, quos nunc moderaris, Isauros:
Hos quoque sub nostris domuit
Servilius armis.
Concessi Ætolos veteres,
Acheloiaque arva,
Transfudi
Attalicum male credula testamentum.
Epirum retines; tu scis qui debeat illam
Pyrrhus; in Illyricum specto te mittere jura,
Ac Macetum terras: et habes tu, Paule, nepotes.
Ægypti frumenta dedi; mihi vicerat olim
Leucadiis Agrippa fretis. Judæa tenetur
Sub ditione tua, tanquam tu miseris illuc
Insignem cum patre Titum. Tibi Cypria merces
Fertur: pugnaces ego pauper laudo Catones,
Dorica te tellus, et Achaica jura tremiscunt,
Tendis et in
bimarem felicia regna Corinthum:
Dic: Byzantinus quis rem tibi Mummius egit? |
« Cesse de t’émouvoir et bannis toute
crainte. Je ne viens pas te demander que l’Araxe soumis à ma
puissance coule sous un pont outrageux; ni que les eaux du Gange
indien puissent abreuver un guerrier d’Ausonie; ni que les consuls
triomphants dévastent les plaines belliqueuses du Niphate où le
Tigre prend sa source, et les bords de la mer Caspienne. Je ne
demande pas les états de Porus; je ne demande point que le bélier,
poussé par ce bras, abatte les murs d’Erythra, sur l’Hydaspe; je ne
veux pas envahir la Bactriane, ni forcer les portes de Babylone à
s’ouvrir aux accents de mes clairons belliqueux; je ne prétends pas
conquérir le royaume d’Arsace, ni donner le mot d’ordre contre
Ctésiphon. Je t’ai cédé toutes ces régions: eh! ne mérité-je point
par-là que tu protèges ma vieillesse? Depuis longtemps les peuples
qu’enferment l’Euphrate et le Tigre obéissent à tes ordres seuls;
c’est une chose qui me fut achetée du sang de Crassus, j’en payai le
prix à Carres, mais je ne restai pas sans vengeance, et des plaines
achetées si cher ne furent pas perdues pour moi. Si je ne me trompe,
c’est ce que tu as appris de la main de Ventidius, ô Sapor ! Bien
plus, je t’ai donné l’Arménie et le Pont; Sylla te dira quels bras
les avaient conquis, et si tu ne l’en crois pas, consulte aussi
Lucullus. Je ne parle point des Cyclades; la Crète, acquise par mon
Métellus, obéit à tes lois. Je t’ai cédé la Cilicie; jadis le grand
Pompée la subjugua. J’ai ajouté à la Syrie les Isauriens, que tu
gouvernes aujourd’hui; ce fut avec mes armées que Servilius les
dompta. Je t’ai accordé l’ancienne Etolie et les champs de
l’Achelois; dans mon aveugle confiance, je t’ai transmis le
testament d’Attale. Tu règnes sur l’Epire, tu sais à qui Pyrrhus la
doit. Je te vois dictant des ordres à l’Illyrie et aux terres de la
Macédoine; néanmoins, ô Paulus, tu as des descendants! Je t’ai donné
les blés d’Egypte; autrefois Agrippa me soumit ce royaume, au
promontoire de Leucade. Tu tiens la Judée sous ta domination, comme
si tu y avais envoyé jadis le grand Titus avec son père. On
t’apporte les richesses de Chypre; moi, dans ma pauvreté, je loue
des guerriers Catons. La terre Dorique et l’Achaïe tremblent sous
ton pouvoir, et ton heureux empire s’étend jusques à Corinthe,
qu’environnent deux mers. Dis-moi, quel Mummius byzantin a travaillé
pour toi? |
480
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490
495
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515
|
Sed si forte placet veteres
sopire querelas,
Anthemium concede mihi; sit partibus istis
Augustus, longumque Leo; mea jura gubernet
Quem petii; patrio vestiri murice natam
Gaudeat Euphemiam sidus divale parentis.
Adjice præterea privatum ad publica fœdus.
Sit socer Augustus genero Ricimere beatus;
Nobilitate micant: est vobis regia virgo,
Regius ille mihi; si concors annuis istud,
Mox Libyam sperare dabis: circumspice tædas
Antiquas, par nulla tibi sic copula præsto est.
Proferat hic veterum thalamos discrimine partos
Græcia, ni pudor est: reparatis Pisa quadrigis
Suscitet
Œnomaum, natæ quem fraude cadentem
Cerea destituit resolutis axibus obex.
Procedat
Colchis prius agnita virgo marito
Crimine, quam sexu; spectet de carcere circi
Pallentes
Atalanta procos, et poma decori
Hippomenis jam non pro solo colligat auro.
Dejanira tuas Acheloiis gymnade pinguis
Illustret tædas, et ab Hercule pressus anhelo
Lassatum foveat rivis rivalibus hostem.
Quantumvis repetam veteris connubia sæcli,
Transcendunt hic heroas, heroidas illa.
Hos thalamos, Ricimer, virtus tibi pronuba poscit,
Atque
Dionæam dat Martia laurea myrtum.
Ergo age: trade virum non otia pigra foventem,
Deliciisque gravem; sed quem
modo nauticus urit
Æstus, Abydenique sinus, et Sestias ora
Hellespontiacis circumclamata procellis:
Quas pelagi fauces non sic tenuisse vel illum
Crediderim,
cui ruptus Athos, cui remige Medo
Turgida silvosam currebant vela per Alpem.
Nec Lucullanis si hæc freta cincta carinis,
Segnis ad insignem sedit cum
Cyzicon hostis;
Qui cogente lame, cognata cadavera mandens,
Vixit morte sua. Sed quid mea vota retardo?
Trade magis. |
« Et, si nous voulons assoupir nos
anciennes querelles, accorde-moi Anthémius; que Léon règne sur ces
vastes contrées, et qu’il règne longtemps, mais que je reçoive des
lois de celui que j’ai demandé, et que les mânes de Marcien se
réjouissent de voir sa fille Euphémie décorée de la pourpre dont
lui-même fut revêtu. Ajoute encore aux liens publics un lien
particulier; qu’Anthémius devienne l’heureux père de Ricimer; ils
brillent tous deux par l’éclat de leur noblesse; vous avez une
royale vierge, moi j’ai un prince royal. Si tu consens à m’accorder
cela, j’aurai l’espoir encore de reconquérir l’Afrique. Rappelle-toi
les plus anciennes alliances, il n’en est pas de plus avantageuse.
Que la Grèce vante, si elle ose le faire, les mariages fameux
achetés jadis au prix des dangers; que Pise ramène ses quadriges, et
ressuscite Œnomaüs, lui qui tomba de son char, quand sa fille
dénaturée eut remplacé par des clavettes de cire celles qui
retenaient les essieux. Qu’elle ose se montrer, la vierge de
Colchide, moins connue de son époux futur par son sexe que par ses
crimes. Qu’on nous peigne Atalante qui considère, des barrières du
cirque, ses pâles soupirants, et qui recueille, non plus seulement
pour l’or, les pommes du bel Hippomène. Que l’Acheloüs, ce fier
jouteur, orne ton hymen, Déjanire, et que, serré par Hercule, il
soulage de ses eaux rivales son ennemi fatigué et haletant. De si
loin que l’on reprenne les anciens hyménées, Ricimer efface tous les
héros, la fille d’Anthémius toutes les héroïnes. Oui Ricimer, tes
vertus méritent une telle épouse; les lauriers de Mars doivent en ce
jour être joints sur ta tête aux myrtes de Vénus. Sus donc! accorde
à mes vœux ce guerrier ennemi du repos, et que les délices n’ont
point amolli, il s’est distingué naguère dans le commandement de la
flotte hellespontique; il a parcouru en vainqueur le golfe d’Abydos
et les côtes tempétueuses de Sestos. Non, jamais il ne domina d’une
manière si glorieuse dans ces mêmes parages, celui qui s’ouvrit une
route au travers de l’Athos, et qui, avec ses rameurs de Médie, fit
voguer ses voiles enflées dans le sein de ces autres Alpes
couronnées de forêts. Lucullus non plus n’entoura pas d’une manière
aussi glorieuse avec ses flottes ce même détroit, lorsqu’un lâche
ennemi vint asseoir son camp devant la fameuse Cyzique, et que,
réduit par la faim à se nourrir des cadavres de ses propres soldats,
il trouva la vie dans ses morts. Mais pourquoi retardé-je
l’accomplissement de mes vœux? Accorde-moi le héros. » |
520
|
Tum pauca
refert
Tithonia conjunx:
Duc, age, sancta parens, quanquam mihi maximus usus
Invicti summique ducis, dum mitior exstes,
Et non disjunctas melius moderemur habenas.
Nam si forte placet veterum meminisse laborum,
Et qui pro patria vestri pugnaret Iuli,
Ut nil plus dicam, prior hinc ego
Memnona misi. |
L’épouse de Tithon répondit en peu de
mots: « Eh bien! je le veux, pieuse mère, quoique le bras de ce
grand et invincible guerrier me soit d’un puissant secours,
emmène-le; deviens plus traitable à l’avenir, et guidons avec
unanimité les rênes de nos empires. Si tu n’as point perdu le
souvenir de tes anciens exploits, et de celui qui combattit pour la
patrie de ton Iule, rappelle-toi, je ne dis rien de plus, que
j’envoyai d’abord Memnon à ton secours. » |
525
530
535
|
Finierant: geminas junxit
concordia partes,
Electo tandem potitur quod principe Roma.
Nunc aliquos voto simili vel amore, vetustas
Te legisse crepa, nunquam non invidia summis
Emeritisque viris. Brenni contra arma, Camillum
Profer ab exsilio: Cincinnatoque secures
Expulso Cæsone refer, flentemque parentem
A rastris ad rostra roga, miseroque tumultu
Pelle prius quos victa petas; si ruperit Alpes
Pœnus, ad afflictos condemnatosque recurre.
Improbus ut rubeat
Barchina clade Metaurus,
Multatus tibi consul agat: qui millia fundens
Hasdrubalis, rutilum sibi cum fabricaverit ensem,
Concretum gerat ipse caput; longe altera nostri
Gratia judicii est: scit se non læsus amari. |
Les déesses avaient cessé de parler.
La concorde réunit les deux empires, dès que Rome a reçu le prince,
objet de ses vœux. Maintenant, va te vanter, antiquité, d’avoir élu
jamais des princes aussi ardemment désirés, aussi tendrement chéris,
toi qui fus toujours jalouse des personnages d’un rare mérite.
Rappelle Camillus de son exil, pour l’opposer aux armes de Brennus;
reporte les haches à Cincinnatus, après avoir banni Cæso, et va
prendre à la charrue ce père désolé, pour le conduire ensuite aux
rostres; dans tes troubles calamiteux, chasse d’abord les hommes
que, vaincue, tu redemanderas plus tard. Si le Carthaginois brise la
barrière des Alpes, va recourir à des hommes proscrits et condamnés.
Que le fatal Métaurus voie ses ondes ensanglantées du carnage de
Barca, et que tu le doives à un consul par toi puni; à un consul qui
aura mis en déroute les nombreux bataillons d’Hasdrubal, qui se sera
fabriqué lui-même une épée resplendissante, et qui aura coupé la
tête du chef ennemi. Pour nous, notre choix est bien autre; nous
n’avons point offensé Anthémius, il sait combien nous l’aimons. |
|
At mea jam nimii propellunt
carbasa flatus.
Siste, Camœna, modos tenues, portumque petenti
Jam placido sedeat mihi carminis anchora fundo. |
Mais un souffle trop puissant emporte
mes voiles; muse, suspens tes faibles accents, regagne le port, et
restes-y calme et tranquille. |
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545
|
At tamen, o Princeps,
quæ nunc tibi classis et arma
Tractentur, quam magna geras, quam tempore parvo,
Si mea vota Deus produxerit, ordine recto,
Aut genero bis mox, aut te ter consule dicam.
Nam modo nos jam festa vocant, et ad
Ulpia poscunt
Te fora, donabis quos libertate Quirites,
Quorum gaudentes
exceptant verbera malæ,
Perge, pater patriæ felix, atque omine fausto
Captivos vincture novos, absolve vetustos. |
Mais cependant, Prince, les flottés et
les armées que tu dirigeras, les hauts faits, que tu vas accomplir
en peu de temps, je viendrai, si le Ciel exauce mes vœux, célébrer
tout cela, lorsque ton gendre aura été deux fois consul, ou que
toi-même tu le seras pour la troisième fois. Voici que les
solennités nous appellent, et que le forum Ulpien te réclame.
Combien d’esclaves te devront leur liberté ! comme ils recevront
avec joie sur la joue le soufflet de l’affranchissement ! Poursuis,
heureux père de la patrie; et, près d’enchaîner, sous de favorables
auspices, tant de captifs nouveaux, brise les fers des anciens
esclaves. |
NOTES SUR LES PŒSIES D’APOLLINARIS
SIDONIUS.
CARMEN II.
1. —
Auspicio secundos. Un second augure, confirmatif du
premier, était, de la part des Dieux, une faveur signalée.
L’adjectif secundus veut dire
favorable, heureux, et en même temps il signifie second,
deuxième. Sidonius mi donne ici cette double acception, car il
souhaite un avènement favorable à l’empereur qui prenait les
faisceaux pour la seconde fois. Notre auteur est content,
lorsqu’il peut faire de pareils jeux de mots!
6. —
Sarrana chlamys. — Sarra ou
Tsor est l’ancien nom de Tyr. Voyez, à ce sujet, la Géographie
de Bochart, p. 815. Cadomi, 1646, in fol.
La chlamyde était un manteau court,
que les soldats grecs mettaient sur la tunique, ce qui les faisait
appeler chlamydati. On croit que la
chlamyde fut inventée dans la Macédoine, d’où elle passa dans la
Grèce et en Italie; elle était faite d’une laine épaisse et
grossière pour les soldats, et d’une laine plus fine pour les chefs;
les empereurs romains portaient la chlamyde de soie, couleur de
pourpre. Celle de Caligula, quand il marchait en triomphe, de Baïes
jusqu’à Pouzzoles, était ornée d’or et de pierreries; on l’attachait
avec une agrafe sur l’épaule droite, afin que le mouvement du bras
fût libre. Virgile la donne à Didon, et Tacite à Agrippine,
assistant avec Claude à la représentation d’une naumachie: «
Ipse insigni paludamento neque procul Agrippina,
curata chlamyde. » Montfaucon, l’Antiquité expliquée,
tom. III, p. 7 et suiv.; tom. IV, p. 6.
6. —
Picta togarum. —
Sidon. Epist. VIII, 7.
Ausone a dit de même, Edyll. IV, v.
Ut trabeam, pictamque togam,
mea præmia, consul
Induerer.
Et ailleurs: «
Palmatam, inquis,
tibi misi, in qua divus
Constantius parens noster intextus est. Me beatum! cujus
insignibus talis cura præstetur. Hæc plane est picta, ut dicitur,
vestis, non magis auro suo quam tuis verbis. » Gratiarum act.,
p. 543.
On voit, par ces passages, que la toge
consulaire était, aussi bien que la toge triomphale, couverte de
divers emblèmes, de diverses figures. Ausone de Souchay, p.
684.
8. —
Tuque, o cui laurea, Jane, annua debetur. — Lorsqu’un
nouveau consul ouvrait l’année, il devait mettre un nouveau laurier
sur la statue de Janus, et ôter l’ancien. Ausonii
Cœsarum III, v. 11; —
Sidon. Carm. VII, v. 11.
17. —
Nec te, pirata, timeret. —
Sidonius veut parler de Genséric, roi des Vandales.
32. —
Eoo ... Quiriti. — Puisque
l’auteur appelle Constantinople la Rome du monde oriental, il est
rationnel aussi de donner à ses habitants le nom de
Quirites.
34. —
Rhodopem ... et Hemum. — Rodope ou Rhodopen, montagne de
Thrace, toujours couverte de neige. Elle commence pris du fleuve
Nestus, et s’étend bien au-delà de l’Hébrus; elle traversait la
province de Rhodope, et lui donnait sou nom. Elle est presque
parallèle à l’Hémus. Le Rhodope porte actuellement les noms barbares
de Czarnanivertia et
Curiorovissa.
L’Hémus est aussi une montagne très
élevée de la Thrace, sur laquelle les poètes placent souvent le dieu
Mars examinant en quel endroit de la terre il portera ses fureurs.
Hémus, roi de Thrace, fils du
fleuve Strymon, et Rhodope sa femme, ayant voulu, dans leur orgueil
extrême, se faire adorer, l’un sous le nom de Jupiter, l’autre sous
celui de Junon, le souverain des Dieux, Irrité de leur insolence,
les changea chacun en la montagne qui porte leur nom. L’Hémus et le
Rhodope sont les deux plus hautes montagnes de la Thrace.
C’est sur l’Hémus qu’Orphée fut
déchiré par les Ménades. Ce mont prit, à cette époque, le nom d’œagrius,
parce qu’Orphée était fils d’œagrus.
36. —
Excipit hic natos glacies.
— Virgile a dit, en parlant des anciens peuples d’Italie, Eneide,
IX, v. 6o3:
Durum ab stirpe genus, natos
ad flumina primum
Deferimus, sævoque gelu
duramus et undis.
39. —
Plus potat per vulnus equum.
— Sidon. Epist. IV, 1; Carm. VII, v. 83.
41. —
Mox pugnam ludunt jaculis.
— Voyez, dans Virgile, la suite de l’admirable tableau dont nous
avons cité deux vers; il a plus d’un rapport avec celui de Sidonius.
48. —
Bistonios Aquilonis hiatus.
— Biston, fils de Mars et de Callirhoé, bâtit une ville de son nom
dans la Thrace. On dit que c’est de lui que les peuples de cette
province ont été nommés Bistons ou Bistoniens. L’épithète de
Bistonien a été donnée par les poètes au vent glacial,
qui souffle du côté de la Thrace.
49. —
Chalcidici Euri. — C’est du côté de Chalcédoine que
l’Eurus souffle sur Constantinople; l’auteur a mis
Calchidicis pour
Calchedoniis, comme St. Paulin, dans les vers suivants,
Natali,
XI:
Et quæ Calchidicis Euphemia
martyr in oris,
Signat virgineo sacratum
sanguine littus.
Il ne faut pas confondre le mot
Calchidicus dérivé de
Calchis ou Calchedo, ville de Bithynie, avec
Calchidicus dérivé de Chalchis, ville de l’Eubée.
50. —Susa.
—Suze, ou Suse, ville de Perse en Asie, et capitale de la Susiane;
elle fut le séjour des rois de Perse, qui y passaient le printemps.
Aujourd’hui cette ville est ruinée; à peine sait-on en quel
lieu elle a été bâtie.
51. —
Flectit Achæmenius lunatum Persa tiaram. — Achéménès ou
Achœmènes était père de Cambyse, et grand-père de Cyrus; ce qui ne
doit pas cependant s’entendre du Cambyse, père de Cyrus, fondateur
de l’empire de Perse. Toutefois, ceux-ci, de même que les autres
rois des Perses, descendaient d’Achéménès, dont la naissance,
suivant Fréret, peut remonter jusques vers l’an 800, ou 809 avant J.
C. Achéménès est gardé comme le chef et la souche d’une illustre
famille, connue sous le nom d’Achéménides, qui a joué dans l’Orient
un rôle important, à plusieurs reprises, et pendant plusieurs
siècles Dans la branche aînée de cette famille, on affectait de
porter alternativement les noms de Cambyse et de Cyrus. On en trouve
cinq exemples dans Hérodote. Il est aisé maintenant de voir pourquoi
Sidonius a dit:
Achœmenius Persa.
La tiare était une espèce de
bonnet rond, droit ou en pointe recourbée, et fort en usage parmi
les Orientaux. Il y avait des tiares de différentes sortes, comme on
le remarque sur diverses médailles. Montfaucon, l’Antiquité
expliquée, tom. III p. 75 et suiv.
55. —
Bosphoreis. — On appelle
Bosphore un détroit de mer qu’un bœuf peut passer à la
nage. Nous connaissons deux Bosphores : le Bosphore Cimmérien ou
détroit de Caffa, qui fait la communication du Pont-Euxin, ou mer
Noire, avec le Pales Méotide; et le Bosphore de Thrace, ou détroit
de Constantinople, et canal de la mer Noire.
57. —
Itur in æquor molibus. — On
trouve dans Zosime, livre II, la description de Constantinople, et
de tous les travaux qui furent faits pour l’embellissement de cette
merveilleuse cité.
59. —
Namque Dicarcheæ translatus pulvis arenæ.
— Cette poudre, dont parle
Sidonius, est la pozzolane; elle se trouve au pays de Baïes, dit
Vitruve, II, 6, et dans les terres qui sont autour du mont Vésuve.
Mêlée avec la chaux, cette poudre joint si fermement les pierres,
que non seulement dans les édifices ordinaires, mais encore au fond
de la mer, elle fait corps et s’endurcit merveilleusement. — Le même
auteur nous apprend la manière dont on bâtissait un môle dans l’eau.
V, 12.
La ville de
Dicœarchia, Dicéarchie, appelée par les poètes
Dicarchia, Dicarchis, est la même que
Putéoles. Du temps de la guerre d’Hannibal, les Romains envoyèrent
une colonie à Dicæarchia, et lui
donnèrent le nom de Pateoli, à
cause des puits, putei, qui étaient
dans la ville ou dans le pays.
68. —
Procopio genitore. — Après
avoir fait l’éloge de la patrie d’Anthémius, l’auteur passe
maintenant aux ancêtres de ce prince.
Le Procope dont il est ici question
descendait d’un autre Procope de Cilicie, parent de l’empereur
Julien, et qui disputa la pourpre à Valens. Voyez Ammien-Marcellin,
XXVI, 6-10. — Suivant la Chronique d’Idace, Anthémius serait
frère et non pas fils de Procope: « De
Constantinopoli Leone Augusto Anthemius frater Procopii cum
Marcellino aliisque comitibus viris electis, et cum ingenti
multitudine exercitus copiosi ad Italiam, Deo ordinante, directes
ascendit. »
69.
—
Quem dicere digno. — Ennodius, in
Natali S. Epiphanii,
reproduit ces vers, avec de légers changements:
Crispinum petit inde libens,
quem dicere digno
Non datur eloquio, nec si
modo surgat Averno,
Qui potuit rigidas de
rupibus Apennini,
Flumina cum starent, ad
plectrumn ducere silvas.
75. —
Huic quondam juveni. — Dans
la dernière année du règne de Jezdegerd, un évêque qui aspirait à la
couronne du martyre (Abdas) détruisit à Suse un des temples du Feu.
La vengeance s’étendit sur tous les chrétiens; les Mages irrités
excitèrent une persécution violente, et Varones ou Bahram, qui
succéda au trône de Jezdegerd, hérita aussi de son ressentiment.
Quelques chrétiens fugitifs s’étaient réfugiés sur les frontières
des Romains; ils furent redemandés avec hauteur, et généreusement
refusés. Ce refus et des disputes de commerce firent bientôt éclater
la guerre entre les deux empires; leurs armées couvrirent les
montagnes de l’Arménie et les plaines de la Mésopotamie. Mais les
opérations des deux campagnes ne produisirent que quelques combats
douteux et quelques sièges sans succès. Enfin, la guerre fut
assoupie au moyen de plusieurs légations. Les historiens ne sont pas
d’un parfait accord sur cette matière. Nous avons suivi Gibbon.
Voyez l’Histoire de la décadence de l’Empire romain, ch.
XXXII. A. D. 422.
C’est probablement de la paix qui fut
conduite la suite de cette guerre que veut parler Sidonius. La
manière dont il décrit le traité présente de grands rapports avec un
tableau du même genre, tracé par Claudien. En 384, Stilicon fut
député vers le roi de Perse Sapor III, fils et successeur
d’Artaxerce. Sa dextérité dans les négociations, et surtout la
souplesse de son caractère, lui assurèrent un plein succès. Or,
voici comment Claudien raconte la conclusion d’un traité qui fut
fait avec les Perses:
Vix primævus erat, pacis cum
mitteris auctor
Assyria: tanta fœdus cum
gente ferire
Commissum juveni! Tigrin
transgressus, et altum
Euphraten, Babylona petis;
stupuere severi
Parthorum proceres, et plebs
pharetrata videndi
Flagravit studio, defixæque
hospite pulchro
Persides arcanum suspiravere
calorem.
Thuris odoratæ cumulis et
messe Sabæa
Pacem conciliant aræ;
penetralibus ignem
Sacratum rapuere adytis,
rituque juvencos
Chaldæo stravere Magi; rex
ipse micantem
Inclinat dextra pateram,
secretaque Beli,
Et vaga testatur volventem
sidera Mithrem.
De laudibus Stilich.
I, v. 51-63.
78. —
Satraps. — Ce mot est
originairement persan; il signifie à la lettre amiral ou
chef d’une armée navale, mais on l’a appliqué par la suite à
tous les gouverneurs de provinces indifféremment.
80. —
Draconigenæ. — Voyez
Sidonius, Carm. II, v. 121-122.
83. —
Magis. — On n’est pas d’accord sur le sens de ce mot.
Voyez Jansenius, in Matthœum, cap.
i; et Cornelius a Lapide, in Evangelia.
Ces Mages étaient les sages, les savants et les philosophes de
la Perse, comme les Gymnosophistes l’étaient chez les Indiens, et
les Druides chez les Gaulois.
84. —
Ignis et unda Deus. — Les Perses honoraient
particulièrement le feu, l’invoquaient toujours le premier dans les
sacrifices, le portaient par respect devant le prince lorsqu’il
était en marche, et ne confiaient qu’aux Mages la garde de ce feu
sacré. Ils honoraient aussi l’eau, la terre, les vents, comme autant
de divinités. Hérodote, lib. III. — Quinte-Curce, IV. — Socrate,
Hist. Eccl., VIII, 8. — Strabon, lib. XV. —
Théodoret, V, 39. — Nicéphore, XIV, 19. —
Marius Victor, lib. III, in Genesim.
88. —
Carchesia. — La coupe désignée sous le nom de
carchesium n’était en usage que chez les
Grecs; Phérécyde en parle dans son Histoire, et dit que
Jupiter donna à Alcmène, pour prix des faveurs qu’il avait
reçues d’elle, une coupe d’or qu’il appelle
carchesiwn. Plaute, qui ne veut pas d’une locution
inusitée, dit, dans sa pièce d’Amphitryon, que Jupiter lui
donna une patère. La forme de ces deux coupes est pourtant
bien différente. La patère est, comme le mot lui-même
l’indique, une coupe large et basse; le
carchesium est élevé étroit par le milieu, peu évasé, et
il a deux anses qui prennent de l’une à l’autre extrémité.
Asclépiade, auteur grec savant et exact, pense que ce mot
carchesium a été emprunté au langage de
la navigation, il dit que la partie basse d’une voile de vaisseau
s’appelle πτερνα, pied; que le milieu
se nomme cou; que le haut se nomme τραχηλος,
hune; et que ce qu’on appelle cornes descend le long
des deux côtés de la voile. Asclépiade n’est pas le seul qui parle
de cette sorte de coupe; il en est aussi question dans d’autres
poètes. Sappho, par exemple, dit:
« — Ils avaient presque tous des
coupes, et ils en vidèrent plusieurs en l’honneur du gendre. —
« Cratinus, dans son
Bacchus-Alexandre:
« — Il avait une tunique de la même
couleur, un thyrse, et une coupe, καρχησιον,
ciselée et teinte en safran. —
« Sophocle, dans sa pièce intitulée
Tyro:
« — Il se place au milieu de la
table, parmi les mets et les Coupes. —
« Voilà ce que j’avais à dire des
coupes appelées carchesia, que les
Latins ne connaissaient pas, et que les Grecs seuls ont chantées. »
Macrobe, Saturnales, II, 21, trad. de
Ch. de Rosoy. — Montfaucon, tom. IV, p. 266.
89. —
Suscipit hinc reducem. — Procope, après
le traité qu’il fit avec les Perses, fut élevé au patriciat et à la
dignité de chef des deux milices par Théodose, comme il est rapporté
dans le code de cet empereur, loi XXXVI. — Constantin, ou plutôt
Dioclétien, avait établi dans l’empire deux maîtres de la milice,
l’un pour la cavalerie, l’autre pour l’infanterie, avec pouvoir de
régler tout ce qui regardait les soldats, et de les punir quand ils
auraient fait des fautes. Ces deux charges, par la suite, se
réunirent dans la même personne, comme on le voit sous Constant,
l’an de J. C. 349. Mais, en augmentant le pouvoir des maîtres de la
milice, ou augmenta aussi leur nombre, et, l’on en fit un pour la
Cour, appelé Prœsentalis, un pour la
Thrace, un pour l’Orient, un pour l’Illyrie et un pour les Gaules.
On trouve ces cinq maîtres de la milice dès le temps de Constance,
et l’on prétend que Théodose I en fit même plus de cinq.
Le diocèse d’Orient avait pour
capitale Antioche, ville située sur l’Oronte; il s’étendait, comme
nous l’apprend Ammien. Marcellin, livre XV, depuis le Taurus et
l’Euphrate jusqu’au Nil, et atteignait ainsi les frontières de
l’Ethiopie. Sidonius désigne donc avec beaucoup de justesse et de
précision toute l’étendue de pays qui était sous la dépendance du
maître de la milice de l’Orient.
91. —
Tauri. — Le Taurus,
montagne d’Asie qui passe pour la plus grande et la plus haute que
nous connaissions.
93. —
Orontem. — L’Oronte.
D’Anville fait naître ce fleuve dans les montagnes de Célésyrie.
105. —
Te nascente ferunt. — Imitation de Claudien,
in Laude Serenœ, v. 70:
Te nascente, ferunt per
pinguia culta tumentem
Divitiis undasse Tagum, etc.
Voyez aussi De III.
Cons. Honorii, v. 18, 19.
114. —
Cunctantis Iuli. — Sidonius
avait en vue ces vers du IVe livre de l’Enéide :
Ecce levis summo de vertice
visus Iuli
Fundere lumen apex, tactuque
innoxia molli
Lambere flamma cornas, et
circula tempora pasci.
Claudien, De IV.
Cons. Honorii, v. 592, imite le passage de Virgile:
Apparet quid signa ferant ;
ventura potestas
Claruit Ascanio, subita cum
luce comarum
Innocuus fiagraret apex,
Phrygioque volutus
Vertice, fatalis redimiret
tempora candor.
116. —
Astyages. — Medorum regnator, quod filiæ Mandanæ adhuc virginis
vesicam in diluvionem Asiæ fluxisse somnio vident, Herodotus refert.
Item anno post nuptias ejus ex iisdem locis vitem exortam toti Asiæ
incubasse. Hoc etiam Charon Lampsacenus Herodoto prior tradit. Qui
filium ejus tanto operi interpretati sunt, non fefellerunt, siquidem
Asiam Cyrus et mersit et pressit. » Tertull. De Anima,
XLVI. — Hérodote, livre I.
120. —
Dum laurea flagrat. —
Sidonius est le seul auteur dans lequel on trouve cette
particularité. Voyez Sirmond.
121. —
Magnus Alexander, etc. — Q.
Curt. I, 1, édit. Var. — Just. XI, 11. — Suet. in August.
94.
122. —
Phœbumque Jovemque divisere sibi. — Auguste se disait
fils d’Apollon, et Alexandre, de Jupiter. Aulu-Gelle dit, en parlant
d’Alexandre : « Opinionem ille ingentibus victoriis,
et adulantium blandimentis, et rebus supra fidem prosperis imbiberat
genitum esse se de Jove. » XIII, 4.
124. —
Cinyphia sub Syrte patrem.
— Alexandre alla consulter l’oracle de Jupiter Hammon. Voyez
Quinte-Curce, IV, 7; — Justin, XI, 11. — Le Cinyphe
est un fleuve de Libye, qui arrose l’Afrique tripolitaine.
124. —
Maculis genitricis. — Ces mots, quoi qu’en dise Savaron,
doivent être séparés du vers précédent, et se rattacher à celui qui
suit, pour désigner Auguste et non point Alexandre. La chose est
évidente, quand on a lu ce passage de Suétone In
Asclepiadis Mendetis θεολογωμενων
libris lego, Atiam, cum ad solemme Apollinis sacrum media nocte
venisset, posita in templo lectica, dum cæteræ matronæ dormirent,
obdormisse; draconem repente irrepsisse ad eam, pauloque post
egressum; illamque expergefactam quasi a concubitu mariti
purificasse se, et statim in corpore ejus extitisse maculam, velut
depicti draconis, nec potuisse unquam exigi, adeo ut mox publicis
balneis perpetuo abstinuerit; Augustum natum mense decimo, et ob hoc
Apollinis filium existimatum. In Augusto,
cap. XCIV. Voyez les Notes du P. Sirmond et le
Suétone de Burmann, tom. I, p. 452.
126. —Pæoni
jactans Epidauria signa draconis. — Ce vers est
passablement niais et entortillé; voici de quelle manière nous le
comprenons. Il signifie mot-à-mot qu’Auguste se vantait des
signes Epidauriens du serpent Péonique. Or,
Epidauria veut dire qu’Atia avait été connue par Apollon
quand elle vint à la fête de ce dieu, et que de cette union naquit
Auguste, fils de Phébus, Lequel avait aussi pour fils le serpent
d’Epidaure. A présent, que veulent dire ces mots
Pœonii draconis ? On sait que le serpent était le symbole
de la médecine et des Dieux qui présidaient, comme Apollon, à cette
science; d’un autre côté, quelques savants prétendent que Péon est
un nom commun à tous les médecins, et que, dans sa signification
grecque, il signifie guérir. Comme le poète s’est mis
l’esprit à l’alambic, pour dire tout simplement que la mère
d’Auguste portait sur son corps les signes du serpent d’Epidaure
138.
Ludus erat. — Voyez Stace, Theb. IX, fig. —
Claudien a dit, De III. Cons. Honorii,
v. 22, 23:
Reptasti per scuta, puer,
regumque recentes
Exuviæ tibi ludus erant,
etc. —
C’est un présage de valeur guerrière,
dans un enfant, que cet amour précoce des armes; aussi les
panégyristes ont-ils grand soin de dire toujours cette même chose
des hommes qu’ils célèbrent.
149. —
Pelethronios titulos. — Pyrrhus, fils d’Æacidas, était
habile dans les chasses et dans tous les exercices semblables; voilà
pourquoi l’auteur a dit Pelethronios titulos,
sans doute, en faisant allusion à Péléthronius qui, suivant
Hygin, « frenos et stratum equis invertit. »
Fabul. CCLXXIV.
153. —
Superstans. — C’est-à-dire, superans;
l’auteur s’est déjà servi de ce mot dans la même acception, v.
28:
...................................Nam regna superstat
Qui regnare jubet.
154. —
Pæan. — C’est le nom que l’on donnait à des hymnes qui se
chantaient jadis en l’honneur d’Apollon et de Diane, et qui
renouvelaient le souvenir de la victoire remportée sur Python par ce
dieu était aussi un de ses surnoms, emprunté de la force de ses
rayons, ou de ses traits, exprimée par le verbe
παιειν, percutere, frapper.
156. —
Nec minus hæc inter veteres audire sophistas. — Cette
énumération des philosophes se retrouve dans le Carmen XV, v.
44-55, de Sidonius, et en des termes qui se rapprochent assez de
ceux-ci. Voyez encore le Carmen,
XXIII, v. 100-110.
Dans les Fables d’Hygin, on
trouve sur les sept Sages un chapitre, le 221e,
que l’annotateur Scheffer ne regarde pas comme appartenant à Hygin;
quoi qu’il en puisse être, voici le chapitre:
Pittacus Mitylenæus,
Periander Corinthius, Thales Milesius, Solon Atheniensis, Chilon
Lacedæmonius, Cleobulus Lindius, Bias Prieneus ; sententim eorum
sunt:
Optimus est, Cleobulus ait,
modus, incola Lindi
Ex Ephyra, Periandre, doces
cuncta et meditanda;
Tempus nosce, inquit
Mitylenis Pittacus ortus;
Plures esse malos Bisa
autumat ille Prieneus,
Milesiusque Thales sponsori
damna minatur.
Nosce, inquit, tete, Chilon
Lacedæmone cretus;
Cecropiusque Solon, ne quid
nimis, induperabit. »
184. —
Mantua. — C’est-à-dire
Virgile.
185. —
Smyrnæas imitata tubas. —
C’est-à-dire Homère; Smyrne est une des villes qui réclamaient
l’honneur d’avoir donné le jour au chantre d’Achille.
186. —
Arpinas dat consul opem. — Opem
est ici pour opulentium. Voyez
Sidon. Epist. V, 5; — Apuleii
Apolog. p. 551. On sait que Cicéron
naquit à Arpinum.
187. —
Fabro progenitus. — C’est Démosthène, dont le père
possédait une fabrique d’armes et d’épées. Sidon.
Carm. XXIII, v. 135-143. — Juvénal,
Sat. X, v. 126-132; — Valér. — Max. III, 4, ext. 2. Mais
pourquoi l’auteur, voulant dire qu’Anthémius s’instruisit des choses
renfermées dans les anciens écrits du Latium,
latiaribus libris, va-t-il placer Démosthène au milieu
des Romains? Billardon de Sauvigny s’y est laissé prendre, et a cru
bonnement qu’il s’agit du consul d’Arpinum; il était aisé de savoir
que le père de Cicéron, vivant à la campagne sans autre occupation
que l’étude des lettres, était uni avec les premiers citoyens de la
République.
189. —
Euganeis. — Voyez une note
sur ce mot, Epist. I, 5.
194. —
Princeps cui mundus ab Euro.
— Marcien, empereur d’Orient, et successeur de Théodose le Jeune.
Marcien mourut en 457; il avait perdu Pulchérie en 453, et ne laissa
qu’une fille, née de sa première femme, mariée à Anthémius. Evagre,
Hist. Eccl. II, 16.
202. —
Pius. — Titus
Aurélius Fulvius Antoninus Pius,
connu sous le nom d’Antonin.
203. —
Marcus. — Marc-Aurèle,
adopté par Antonin.
204. —
Innumerabilibus, etc. —
Horace dit, Sat. I, vi,
4:
Olim qui magnis legionibus
imperitarent.
205.
Utrique magister militiæ. — Utrique
pour ultriusque, c’est un
archaïsme. Les anciens terminaient volontiers en i un génitif
qui finissait en ius. Voyez Sirmond.
210. —
Jamque parens divos. — C’est la version que donnent les
meilleurs manuscrits, dit le P. Sirmond; aucun doute que Sidonius
n’ait écrit ainsi. Marcien, après sa mort, est appelé
Divos parens, comme Trajan est nommé
aussi Divos, dans une vieille
inscription que rapporte le savant jésuite.
216. —
Post socerum Augustum. —
Marcien.
225. —
Valameris. — Valamer, roi des
Ostrogoths, soudoyé par Marcien, qui lui avait cédé la Pannonie,
cessa de l’être par Léon; pour se venger, Valamer, que Jornandès
appelle Walemir, ravagea les provinces illyriennes. Voyez Jornandès
De Rebus Geticis, cap. 52.
227. —
Cepio. — Quintus Servilius
Cépion était consul l’an de Rome 646. Envoyé dans les Gaules contre
les Cimbres, il signala le commencement de ses expéditions par le
pillage de l’immense quantité d’or que renfermait la ville de
Toulouse dont il s’était emparé, et s’appropria la plus grande
partie de ce riche butin. Après l’expiration de son consulat, il
resta chargé du commandement. Le nouveau consul, Manilius, homme
sans naissance et sans mérite, fut envoyé pour le seconder dam la
guerre des Cimbres. La discorde se mit entre ces deux généraux; ils
se séparèrent, et furent complètement battus.
On peut lire dans Paul Orose,
Hist., V, 6, le récit de l’horrible boucherie qui suivit la
défaite. — Voyez aussi Florus, III, 3.
229. —
Post guttura fracta Jugurthæ.
— Vaincu par Marius, Jugurtha fut étranglé dans sa prison. Orose, V,
15.
230. —
Arpinatem luxam. — Marius,
né à Cerretinum, sur le territoire d’Arpinum.
230. —
Ultum Calpurnia fœdera. — Il s’agit ici du traité
que le consul Calpurnius Bestia, cédant à son avarice, avait conclu
avec Jugurtha.
231. —
Respublica territa. — Voyez Salluste, in
Jugurtha, cap. CXXII.
231. —
Cimbro. — Les Cimbres étaient des peuples qui sortaient
des bords de l’Océan septentrional, c’est-à-dire, du voisinage de la
mer Baltique. On a fait, à leur sujet, des fables infinies. — Festus
dit que les voleurs étaient appelés Cimbres dans la langue des
Gaulois: « Cimbri lingua gallica latrones dicuntur.
» Ailleurs, il explique le mot latrones
d’un homme qui s’engage dans une guerre étrangère pour
une solde, qui conducti militant.
Cette explication est conforme à ce qui nous reste de monuments des
plus anciennes langues du Nord.
Le
mot Kember
et Kemper s’y trouve employé pour
désigner celui qui s’engage dans le service militaire pour une
solde, ou par l’espoir du pillage; voilà pourquoi Sidonius les
appelle populatores: le mot
Kember, dans son origine, signifiait
proprement un homme robuste, un lutteur. Sabbathier, Dict.
art. Cimbres.
233. —
Hostiles dracones. — « Le dragon était un signe militaire
des Parthes ; il l’était aussi des Daces et de quelques autres
nations du Septentrion. Nous voyons ce dragon représenté dans les
colonnes et sur les trophées. Les Romains qui adoptaient souvent les
usages des peuples, ou conquis ou vaincus, prirent dans la suite ces
dragons dans leurs enseignes militaires. Je ne saurais dire ni en
quel temps les Romains ont pris le dragon pour enseigne, ni si c’est
à l’imitation de quelque autre nation qu’ils l’ont pris. Ceux qui
les portaient s’appelaient Draconarii,
Dragonaires. Montfaucon, tom. IV, p. 94.
A l’appui de ces lignes, nous pouvons
citer le poète Prudence; en parlant des soldats qui embrassaient le
christianisme, il s’exprime ainsi, Peri Stephanon,
I, v. 34-36
Cæsaris vexilla linquunt,
eligunt signum crucis,
Proque ventosis draconum,
quos gerebant, palliis,
Proferunt insigne lignum
quod draconem subdidit
Sidonius ne dit-il pas dans le
Panégyrique de Majorien v. 402?
……………………Jam
textilis anguis
Discurrit per utramque
aciem?
C’est-à-dire, l’armée romaine et
l’armée vandale. — Voyez encore Thémistius, Orat. VI. « Dans
les plus anciens temps de la République romaine, où la simplicité
régnait, on portait pour signe militaire un faisceau de foin ou
d’herbes attaché à une perche. Depuis, on prit l’aigle, le loup, le
minotaure, le cheval et le sanglier. Peu avant C. Marius, on avait
commencé à porter l’aigle seule au combat, et à laisser dans le camp
les autres signes; mais ce consul, dit Pline, réduisit ce quatre
animaux à l’aigle seule qu’il donna aux légions pour signe militaire
propre... — Le premier signe de toute la légion, dit Végèce, II, 13,
est l’aigle que l’enseigne porte. L’enseigne du dragon est aussi
portée dans chaque cohorte par le dragonaire, quand on en vient aux
mains. Les anciens savaient par expérience que, dans le feu du
combat, les rangs se mettaient en désordre, et que les soldats se
mêlaient aisément; pour obvier à cet inconvénient, ils divisèrent
les cohortes en centuries, et donnèrent à chaque centurie une
enseigne ou étaient écrits le nom de la cohorte et le nombre de la
centurie : par ce moyen, les soldats, quoique la confusion et le
désordre fussent grands, pouvaient facilement se tenir rangés avec
leurs camarades de la même cohorte. Les centurions, qui s’appellent
aujourd’hui centeniers, portaient leurs aigrettes d’une certaine
manière, afin qu’ils pussent être reconnus des centuries dont ils
avaient le commandement; moyennant ces deux marques de l’enseigne et
de l’aigrette du centenier, il était aisé à chacun de se tenir dans
son rang.
« Outre l’aigle légionnaire, qui est
le signe que l’on voit le plus fréquemment sur les marbres et sur
les bronzes, chaque cohorte, du moins dans les bas temps de
l’empire, avait son enseigne particulière. Ces signes avaient sur
des ronds comme des médailles, ou sur des ovales comme des
boucliers, des images de dieux, d’empereurs, ou d’autres personnes
du premier rang. » Montfaucon, lieu cité, p. 89.
236. —
Belli magis alta revolvo. —
Sidonius est le seul auteur qui parle de cette guerre; il y avait eu
(en 466, suivant Tillemont) quelques démêlés entre Léon Ier
et les enfants d’Attila. La paix fut rompue, et les Huns
recommencèrent leurs courses sur l’empire. On rapporte à cette
guerre la défaite d’Hormisdas, chef d’une troupe de ces peuples qui
avaient passé le Danube sur les glaces. Anthémius, avec une partie
de l’armée romaine, marcha contre eux, les battit et les obligea de
se retirer dans Sardique, où il les tint longtemps assiégés. Il se
donna ensuite un autre combat; dans lequel le général qui commandait
avec Anthémius passa du côté des Huns; mais, comme il ne fut point
suivi par les troupes, l’armée romaine resta entière et se trouva en
état d’obliger les Huns à capituler. Ces barbares furent contraints
de promettre qu’ils mettraient à mort le général qui avait trahi, et
ils tinrent parole. De Guignes, Hist. gén. des Huns, livre
IV, p. 318. — Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. VI, p.
390.
238. —
Spartace. — On sait que
Spartacus, chef de la guerre des Esclaves, soutint une guerre
formidable contre la puissance romaine. Delille a dit:
Un esclave, autrefois, fit trembler
les Romains,
Et, de ses fers rompus se forgeant une
épée,
Souleva l’Italie, et balança Pompée. —
La Pitié,
Chant I.
239. —
Scythicæ vaga turba plagæ.
Les auteurs du Ve siècle et du VIe désignent
souvent un des peuples scythiques par le nom général de Scythes, par
celui de Massagètes, ou par quelque autre nom, que les écrivains
plus anciens qu’eux avaient donné à quelque peuple particulier, du
nombre de ceux qui étaient compris sous le nom général de Scythes.
On ne sera point étonné, par exemple, de trouver les Alains, à
qui Aétius donna des établissements dans le centre des Gaules
vers l’année 440, désignés dans des auteurs différents, et
quelquefois dans le même auteur, tantôt par le nom de Hues, tantôt
par le nom d’Alains, et quelquefois par celui de Scythes.
« Tout ce que les écrivains du moyen
âge rapportent de la nation scythique, nous la représente
entièrement semblable à ceux des Tartares qui habitent aujourd’hui
son ancienne patrie. Ces écrivains donnent à la nation
scythique les mœurs et les usages qui distinguent les Tartares des
autres peuples, parce qu’ils leur sont particuliers. Enfin, la
différence spéciale que nos écrivains mettent entre les Huns, les
Alains et les Teïfales, est celle qui se trouve encore entre les
Tartares de la Crimée, les Tartares Calmucs, et les autres hordes ou
tribus de cette nation.
« Quand Jornandès fait le portrait
d’Attila, c’est un Tartare qu’il peint. — Ce prince, dit-il, avait
le visage court, la poitrine large, la tête grosse, les yeux très
petits, le nez écrasé, le teint plombé. Il n’avait que quelques
cheveux sur la tête, et peu de barbe. En un mot, toute sa personne
faisait deviner d’abord de quelle nation il était. »
De Rebus Geticis.
« Sidonius Apollinaris ayant occasion,
dans le Panégyrique d’Anthémius, de parler de nos Scythes, il
en fait un portrait semblable à celui qu’on vient de voir. — « Leur
crâne, dit-il, se termine en pointe. On aperçoit à peine leurs yeux,
tant ils sont enfoncés dans la tête. Au reste, ces hommes sont bien
proportionnés. Ils n’ont presque point de ventre, et ils ont, au
contraire, les épaules carrées et la poitrine large. »
« Nous lisons encore dans
Ammien-Marcellin, et dans quelques autres écrivains du Ve
siècle et du VIe, quelques détails concernant le pays et
la manière de vivre des Scythes de ce temps-là, et ces détails
montrent que les mœurs et les usages de nos Scythes étaient
semblables à ceux de la plupart des Tartares… » Dubos, tom. I, p.
185. — Ammien-Marcel., liv. XXX.
243. —
Hyperboreis. — Ce terme
signifie ceux qui habitent au-delà de Borée, ou du vent du nord, et
tellement au-delà qu’il ne souffle jamais dans leur pays, où règne
en conséquence un printemps éternel. On a fait, d’après cette
singulière interprétation donnée par les auteurs grecs et latins,
une foule de conjectures bizarres et contradictoires. Nous dirons
simplement que le mot Hyperboréen et celui de Scythe étaient
synonymes, comme on peut le voir dans tous les auteurs, et surtout
dans les poètes, qui confondent souvent l’un avec l’antre.
243. —
Tanais. — C’est aujourd’hui
le Don.
244. — Riphæa
de caute. — Cellarius pense
que l’on doit placer les monts Riphéens dans la Moscovie.
245. —
Gens animis, etc. — Voyez
dans l’Histoire du Bas-Empire de Le Beau, XIX, 41, le
portrait des Huns habilement tracé d’après notre auteur et les
autres écrivains du temps.
270. —
Istrum. — Nom donné par les
anciens à une partie du Danube.
272. —
Dacica rura. — La Dacie est
une contrée d’Europe, à laquelle Ptolémée, III, 8, donne pour bornes
au septentrion une partie de la Sarmatie européenne, et le mont
Carpath; à l’occident, les Jazyges Métanastes; au midi et à
l’orient, le fleuve du Danube.
288. —
Veteris præconia Tulli. —
Métius Suffétius, dictateur d’Albe, voulant regagner la confiance
qu’il avait perdue par la défaite des Curiaces, traita secrètement
avec les ennemis de Rome; ce fut à son instigation que les Véiens et
les Fidénates se mirent en campagne. Il les avait avertis qu’au fort
de la mêlée, il tournerait ses armes contre Rome; et en effet, dès
le commencement de la première action qu’ils étirent à soutenir
contre Tullus, le dictateur d’Albe, qui avait été appelé au secours
des Romains, en exécution des traités, quitta le poste qu’il
occupait, pour donner aux ennemis la facilité d’envelopper les
Romains. Puis, il demeura neutre, ne voulant se déclarer que pour le
parti victorieux. Les Romains les plus proches voient avec surprise
le mouvement de leurs alliés, qui laissaient leurs flancs dégarnis.
Ils dépêchent un cavalier, qui vient à toute bride en porter la
nouvelle au roi. Celui-ci réprimande le cavalier, de manière que
l’ennemi pût entendre, et lui dit fort durement de retourner à son
poste; qu’on avait tort de s’inquiéter; que les Albains exécutaient
ses ordres; qu’ils tournaient les Fidénates, pour les envelopper par
derrière. Rome obtint une victoire complète.
Persuadé que Métius était un traître,
Tullus crut devoir s’assurer de sa personne; mais, pour exécuter
plus sûrement son projet, il ne manifesta d’abord aucun
mécontentement; ce ne fut que le lendemain, qu’il réunit les deux
armées des Romains et des Albains. Il accusa hautement devant elles
la perfidie du chef des Albains, ordonna aux licteurs de se saisir
de sa personne, et le fit à l’instant même écarteler, en l’attachant
à deux chars qui furent tirés en sens contraire. Voyez Tite-Live, I,
27, 28.
304. —
Hausit virus. — Hannibal
fut attiré en Bithynie par le roi Prusias, ennemi non encore déclaré
des Romains. Exilé de sa patrie, sans appui, sans ressource,
Hannibal, toujours tourmenté de sa haine contre Rome, accepta les
offres d’un prince qui ne respirait que guerre et vengeance. Il fut
l’âme d’une ligue puissante, formée entre Prusias et divers autres
princes voisins, contre Eumène, roi de Pergame, l’allié de Rome. A
la fois le moteur et le généralissime de cette ligue, Hannibal
remporta plusieurs victoires sur terre et sur mer. Malgré ces
avantages, l’Asie tremblait au seul nom de Rome: et Prusias ayant
reçu du sénat des ambassadeurs qui venaient demander qu’il leur
livrât Hannibal, ou qu’il le fit périr, n’hésita pas à exécuter cet
ordre cruel; mais l’illustre proscrit eut recours au poison qu’il
portait toujours dans sa bague. Il mourut ainsi âgé de 64 ans,
l’année 183 avant J. C.
304. —
Bebrycio. — La Bithynie
s’appela d’abord Bébrycie.
307. —
Nunc Ades, o Pæan. — Nous
voici à la seconde partie du Panégyrique; l’auteur aborde le
règne d’Anthémius.
312. —
Septena vultena Tantalidum. — On donne le nom de
Tantalides à la nombreuse postérité de Tantale; Niobé
surtout s’appelle souvent Tantalis.
Les auteurs varient sur le nombre de ses enfants; la double heptade
est, de tous les systèmes, le plus suivi. La légende nous montre
Niobé, orgueilleuse et de ses charmes et de ses enfants, opposant à
Latone sa fécondité, et prétendant se substituer au Latoïde dans
l’adoration des peuples. Latone se plaint à Phébé, à Phébus, et
soudain le couple irascible descend sur la terre, et tue à coups de
flèches la famille entière. Les fils tombent sous les coups
d’Apollon, les filles sous ceux de Diane.
317. —Naturæ
lege Severus. —Sévère (Libius Severus)
était né dans la Lucanie. Le général Ricimer, qui ne voulait pour
maîtres que des princes sous le nom desquels il pût gouverner, après
avoir fait périr Majorien, désigna Sévère pour lui succéder.
L’incapacité de celui-ci fut donc son seul titre au trône du monde.
Les légions d’Illyrie le proclamèrent Auguste à Ravenne, le 9
novembre 461 ; et ce choix fut confirmé par le sénat, qui aurait pu
d’ailleurs y refuser son approbation. Le règne de Sévère ne tient
une place dans l’histoire que par les ravages des Barbares, qui
préludaient au partage de l’empire romain. Tandis que Genséric, à la
tête des Vandales, pillait la Sicile et l’Italie, et se rendait
maître de la Sardaigne, les Visigoths dévastaient les provinces
méridionales des Gaules, les Saxons fondaient des colonies dans
l’Armorique, et les Germains s’assuraient la possession de
l’Helvétie. Indifférent au sort de l’empire, dont un prince plus
habile n’aurait pu retarder la chute, Sévère acheva sa vie sans
gloire, dans le palais où l’avait relégué Ricimer, à Rome, le 5 août
465. Ce général fut soupçonné de s’être débarrassé, par le poison,
de ce fantôme de prince, auquel il dédaigna de donner un successeur.
Biog. univ.
348. —
Hinc Vandalus hostis. — «
Le faiseur et le défaiseur de rois (à cette époque de révolutions,
cela ne supposait ni talents supérieurs, ni grands périls) remit le
diadème à Libius Sévère : il prit garde cette fois que le prince ne
fût pas un homme, et il y réussit. On ne connaît guère que le titre
impérial de ce Libius Sévère: l’excès de l’obscurité, pour les rois,
a le même résultat que l’excès de la gloire; il ne laisse vivre
qu’un nom.
Deux hommes fidèles à la mémoire de
Majorien refusèrent de reconnaître la créature de Ricimer;
Marcellin, sous le titre de patrice de l’Occident, resta libre dans
la Dalmatie; Ægidius, maître général de la Gaule, conserva une
puissance indépendante; ce fut lui que les Bretons implorèrent, et
que les Francs nommèrent un moment leur chef, quand ils chassèrent
Childéric.
L’Italie continua d’être livrée aux
courses des Vandales: chaque année, au printemps, le vieux Genséric
y rapportait la flamme. Par un renversement de l’ordre du destin,
dit Sidoine, la brillante Afrique versait sur Rome les
fureurs du Caucase. » Châteaubriand,
Études historiques.
Genséric était maître de Carthage ;
c’est pourquoi Sidonius emploie ces termes,
converso ordine fati, car il n’était pas dans l’ordre
naturel que les Scythes, c’est-à-dire les Vandales et les Alains,
qu’il appelle ailleurs Caucasigenæ,
vinssent de l’Afrique porter le ravage en Italie. Au Carmen
XXIII, v. 256, il se sert d’une antithèse semblable pour désigner
Genséric:
………………….Africanæ
Telluris Tanaiticum
rebellem. »
351.
—
Byrsa. — Nom de la citadelle de Carthage; il désigne
quelque fois Carthage elle-même, comme dans cet endroit de Sidonius.
363. —Tarteciassis.
—Tartesse, ville de la Bétique, près des Colonnes d’Hercule.
365. —
Calpen. — C’est la montagne
que nous appelons aujourd’hui Gibraltar. Sabbathier,
Dict.
371. —
Marcelle. — Le siège de
Syracuse par ce grand capitaine est un fait trop connu pour que nous
en parlions. Virgile a placé l’éloge de Marcellus dans la bouche
d’Anchise, au VIe livre de
l’Enéide.
Curii. —Curius
Dentatus, ayant vaincu Pyrrhus, roi d’Epire, l’an de Rome 478
lui prit quatre éléphants qui servirent d’ornement à son triomphe.
373. —
Metelle. —LuciusCcilius
Métellus, consul et capitaine romain, défit entièrement Hasdrubal,
général des Carthaginois, près de Palerme en Sicile, l’an 583; il
lui tua i6 éléphants, et en prit so4, d’autres disent 120, que l’on
mena à Rome avec treize chefs des ennemis.
377. —
Noricus Ostrogothum, etc. —
Ricimer empêcha les Ostrogoths de passer en Italie, en leur opposant
les Noriques ; il contint de même les Francs et les autres
peuples de la Germanie, et les empêcha de traverser le Rhin pour
faire des incursions dans les Gaules.
400. —
Perpetuo stat planta solo.
— Solo est ici pour solea ; la solea avait, en
effet, des semelles qui couvraient la plante des pieds, attachées
avec des cordons ou des bandes de cuir. « Personne n’a mieux décrit
le cothurne que Sidonius Apollinaris, qui dit que le cothurne avait
une ligature attachée à la semelle, qui passait entre les premiers
orteils du pied, et se divisait ensuite en deux bandes qui serraient
l’escarpin. » Montfaucon, tom. III, p. 64. — Voyez encore Sidonius,
Epist., VIII, 11.
406. —
Hyperionis. — Hypérion,
père du soleil, ou, selon d’autres, le soleil même, ainsi surnommé
parce qu’il se promène par-dessus la terre.
413. —
Cytisum. — Il faudrait,
pour prononcer sur cette plante, des données plus fixes et plus
étendues que celles que nous avons. Il est, en général, fort
difficile de déterminer le nom moderne d’une plante mentionnée par
un poète; car, à défaut de description, c’est souvent sur une
épithète qu’on est forcé d’asseoir son jugement. Virgile notas
apprend seulement que le cytise plaisait aux chèvres, qu’il leur
donnait du lait, et que les abeilles en étaient friandes.
Bucolic. X, 30.
413. —
Serpylla. — Les anciens mentionnent deux espèces de
serpolet, l’un sauvage, l’autre qui croit dans les jardins. Le nom
grec du serpolet, ερπυλλον, ερπυλλος, copié
par les Latins, vient de l’idée de ramper, à cause de la procombence
de ses tiges.
413. —
Ligustrum. — Le troène a
des fleurs blanches et des fruits noirs, ce qui lui a valu tantôt
l’épithète d’album, et tantôt celle de nigrum. Son nom
latin vient du nom de la Ligurie, dont il est originaire.
414. —
Casia. — La cannelle est la
seconde écorce d’un arbre qu’on dit croître dans l’île de Ceylan.
414. —
Colocasia. — La colocase
a été appelée par les Arabes : gingembre
de l’Egypte.
415. —
Malobathrum. — Le malobathrum,
arbrisseau qui croissait dans les marais de l’Inde, et dont les
feuilles servaient à composer un parfum excellent. Horace en parle
Od. II, v. 8.
433. —
Dextram lampadis hasta replet. — Si, au lieu d’un
sceptre, le poète donne un flambeau à l’Aurore, c’est qu’on
la représentait ainsi. On l’appelait, pour la même raison,
λαμ παδοφορος. Ovide, au Ve livre
des Fastes, a dit
Postera cum roseam, pulsis
Hyperionis astris.
In matutinis lampada tollet
equis.
Et Sidonius, Carm. IX, v. 17,
en parlant des Indiens
Auroræ face civica perustos.
440. —
Venio. — Rapprochez ce discours d’un morceau pareil de
Claudien, de Bello Gildonico, v.
17-127.
441. —
Araxes. — Fleuve d’Asie. Le
sers de Sidonius rappelle cet hémistiche de Virgile, Enéide,
VIII, 728:
.................... Pontem
indignatus Araxes;
imité aussi par Racine qui a dit, au
IVe livre de son poème de la
Religion:
L’Araxe mugissant sous un pont qui
l’outrage.
444. —
Niphatis. — Le Niphace est
une montagne de l’Arménie. Virgile en fait mention dans les
Géorgiques, III, v. 3o:
Addam urbes Asiæ domitas,
pulsumque Niphatem.
Il donne ainsi au peuple le nom de la
montagne. Horace dit, Carm., II,
ix, 19:
Cantemus Augusti tropæa
Cæsaris et rigidum Niphaten.
Dans le dernier passage, les
commentateurs entendent par rigidum Niphaten
un fleuve, et non pas une montagne. C’est aussi d’un
fleuve qu’il s’agit dans notre auteur, et enfin dans ce vers de
Lucain, Pharsal. III, 245:
Armeniusque tenens volventem
saxa Niphatem.
445. —
Artaxata. —Artaxata, ville d’Arménie; le poète lui donne
l’épithète de Caspia, à cause
du voisinage de la mer Caspienne.
446. —
Non pori regna. — Les états de Porus étaient au-delà de
l’Hydaspe; sur les rives de ce fleuve, le monarque fut défait par
Alexandre qu’il voulait arrêter. Quinte-Curce, VIII. — Sidonius a
fait d’Erythras un nom de ville; c’est une erreur. Voyez le P.
Sirmond, Not. ad
Sidonium.
448. —
Bactra. — Capitale de la
Bactriane.
449. —
Semiramiæ portæ. — Les
portes de Babylone, ville bâtie par Sémiramis.
450. —
Arsacios domos. — C’est-à-dire Suse,
Susidis oræ, comme dit l’auteur lui-même, Epist.
VII, 1. Suse était la capitale des rois parthes, appelés
Arsacides, du nom du fondateur de la monarchie.
450. —
Tessera. — Le signe de la marche se faisait par
une marque gravée sur du cuivre, ou sur de l’argent, ou sur de
l’ivoire, quand on voulait surprendre l’ennemi; nous avons encore de
ces marques appelées tesserœ.
Montfaucon, tom. IV, p. g6.
La tassera tenait lieu de notre
mot du guet. « Chaque soir, avant de placer les sentinelles, le mot
d’ordre ou le signe particulier pour reconnaître les citoyens des
ennemis (Dion, XLIII, 34), se donnait dans l’armée par le moyen
d’une tablette carrée de bois, en forme de dé, appelée tessera,
de ses quatre angles (τεσσαρες,
quatuor), sur laquelle on écrivait le mot ou les mots d’ordre,
donnés par le général. » Adam, Antiquités rom., tom. II, p.
157.
451. —
Ctesiphonta. — Ville
d’Assyrie, sur les bords du Tigre.
454. —
De sanguine Crassi. — Cette
pensée est énergique et vraie. La ville de Carres, qui se trouve
dans le vers suivant, est célèbre par la déroute de Crassus, vers
l’an 53 avant J. C. Au rapport de Strabon, c’est à Sirmace que
Suréna, général des Parthes, fit mourir Crassus, après l’avoir psis
par ruse.
457. —
Ventidio mactante Sapor. — Le nom du prince parthe qui
périt en combattant contre Ventidius n’est point Sapor, mais
Pacorus. L’auteur a pu très bien se servir du nom de Sapor, pour
désigner un roi parthe quelconque. Si l’on s’en rapporte au
témoignage d’Eutrope, Pacorus fut tué le jour même où Crassus avait
été vaincu à Carres, quinze ans auparavant. « Sic,
disait Florus, Crassianam cladem Pacori cæde pensavimus. » IV, 9.
464. —
Servilius. — Il avait été
envoyé en Cilicie, avec le titre de proconsul, pour combattre les
pirates qui infestaient les mers de la Grèce. Il prit d’assaut
plusieurs forteresses ou villes importantes, força les passages du
Taurus, soumit les Oryndiens et les Solymes, puis vint assiéger
Isaure, défendue par Nicon, le plus vaillant chef des pirates.
Servilius ne put se rendre maître de la place qu’en détournant la
rivière de Lurda, qui fournissait de l’eau aux assiégés. Les pirates
se rendirent; ils furent chargés de fers ou passés au fil de l’épée,
et les fortifications furent rasées. Servilius obtint les honneurs
du triomphe; mais le fruit de toutes ses conquêtes éloignées se
réduisit au surnom d’Isaurique, dont le proconsul fut honoré,
et aux richesses qu’il rapporta dans le trésor public.
465. —
Acheloia. — Achelous est
ici le fleuve de ce nom personnifié; il sépare l’Etolie de
l’Acarnanie, petite région de l’Achaïe.
466. —
Attalicum testamentum. —
Attale fil, roi de Pergame, petit royaume de la Troade, institua, en
mourant, le peuple romain son héritier.
476. —
Bimarem Corinthem. —
Corinthe était placée au milieu de l’isthme qui portait ce nom, et à
distance égale des deux mers. Dans la guerre d’Achaïe, te consul
Mummius se rendit maître de cette ville.
491. —
Œnomaum. — Œnomaus, roi de Pise.
Hippodamie, sa fille, était célèbre dans toute la Grèce par sa
beauté. Averti par l’oracle que son gendre le tuerait, il publia
qu’il ne la donnerait qu’à celui qui le surpasserait à la course des
chars. L’amant courait en avant, et le roi le poursuivait l’épée à
la main. On nomme quinze prétendants à qui leur audace coûta la vie.
Enfin Pélops apparaît, séduit Myrtile, cocher du roi, et le
détermine à ne pas arrêter le moyeu de la roue, et il arrive au but,
tandis qu’Œnomaus tombe dès le commencement de la course, et se
fracasse la tête. Pélops devient alors possesseur d’Hippodamie, et
du royaume de Pise.
492. —
Cerea obex. — Nous avons déjà dit qu’obex
est tantôt masculin, tantôt féminin dans les poètes.
Hygin qui rapporte, dans la 84e de ses Fables,
l’aventure d’Œnomaus, ne parle pas de la particularité que renferme
ce vers. Voici ce qu’on trouve dans le Polycraticus, V,
17, de Jean de Sarisbéry: « Quis
nescit Hippodamiam prævolasse ad palmam, dum concertantium procorum
cursum, projecto auro, potuit retardare? Mansit itaque virgo
invicta, donec veutum est ad pecuniæ contemptorem, qui in contemptu
auri virginem superavit, aurum obtinuit, et ex eo, ut fingitur,
certatricis puellæ æreos axes fecit, dum incorruptionis amor pecuniæ
amorem absorbuit. »
493. —
Colchis. — Médée.
495. —
Atalanta. — Atalante, l’arcadienne.
Sa beauté la rendit célèbre dans toute
la Grèce, et une foule de princes aspirèrent à sa main. Atalante
déclara qu’elle se marierait à celui qui la devancerait à la course;
de leur côté, les amants qui osaient entrer en lice consentaient,
dans le cas où ils se laisseraient devancer par la jeune fille, à
être percés de son javelot. Beaucoup de héros furent ainsi tués par
Atalante. Enfin, Hippomène se présenta dans la lice, avec trois
pommes d’or que lui avait données Vénus; il en laissait tomber une à
mesure qu’Atalante gagnait sur lui un espace considérable, et toucha
le but le premier. Atalante, qui s’était à chaque fois baissée pour
ramasser les pommes, devint ainsi le prix de l’adresse. Biogr.
univ., partie mythologique, au mot
Atalante.
497. —
Dejanira. — Déjanire, femme d’Hercule. Fiancée d’abord au
dieu-fleuve Achélous, elle ne fut unie à Hercule qu’après un combat
entre le héros et le fleuve. Biogr. univ., partie
mythologique, au mot DéJANTaS.
503. —
Dionæam myrtum. — Dioné, au fond, veut dire la Déesse,
Devî, Dea, Dia; de Dia à Dioné, le passage
est facile. Dioné est donc la Déesse par excellence; laquelle?
n’importe c’est la Déesse. Vénus est souvent nommée Dioné (Stace,
Sylv. I, 84); dans ce passage de Sidonius, il est évidemment
question de Vénus; le myrte lui était consacré.
505. —
Modo nauticus urit æstus. —
Le poète veut dire qu’Anthémius, lorsqu’il fut appelé au trône,
commandait la flotte hellespontique; l’empire avait d’autres flottes
sur quelques parages éloignés de Constantinople.
509. —
Cui ruptus Athos. — Xerxès,
qui perça l’isthme du mont Athos.
512. —
Cyzicon. — Mithridate avait
abandonné le siège de Chalcédoine pour faire celui de Cyzique, dont
la prise devait lui procurer des vivres; mais Lucullus, attentif à
tous ses mouvements, se mit à sa poursuite, et intercepta un convoi
qui arrivait de la Bithynie.
515. —
Tithonia conjunx. —
L’Aurore, épouse de Tithon.
521. —
Memnona. — Memnon, fils de
l’Aurore, vint au secours de Priam, attaqué par les Grecs.
524. —
Nunc aliquos voto simili. —
Le poète oppose ainsi, et préfère à plusieurs anciens capitaines de
Rome, Anthémius, parce qu’il n’a point été, lui, appelé au pouvoir,
après avoir été, comme les autres, victime de quelque injustice.
Affligé de l’exil de son fils Céson, Lucius Cincinnatus cultivait un
modeste champ, lorsqu’on lui offrit le consulat, en le chargeant de
la guerre contre les Volsques et les Eques. — Camille vivait en exil
à Ardée depuis deux ans, lorsqu’il fut créé dictateur, pour être
opposé à Brennus. — M. Livius Salinator, celui-là même qui défit
Hasdrubal sur le fleuve Métaure, avait été, après un premier
consulat, déclaré coupable par un jugement public, et condamné.
532. —
Barchina clade. — La
défaite d’Hasdrubal; ce guerrier portait, comme Hamilcar, le surnom
de Barca.
540. —
Quæ nunc tibi classis. —
Cette flotte était destinée à soutenir Basiliscus, envoyé en Afrique
par Léon, avec une flotte considérable, et contre Genséric. Voyez
Procope et Idace.
543. —
Aut genero bis. — L’auteur
souhaite un deuxième consulat à Ricimer, et un troisième à
Anthémius, qui entrait alors dans le deuxième.
544. —
Ulpia fora. — Le forum de Trajan; Ulpius est un des noms
de cet empereur. Claudien a dit de même, De VI.
Cons. Honorii, v. 645:
.................................Desuetaque cingit
Regius auratis fora facibus
Ulpia lictor.
546. —
Exceptant verbera malæ. —
Un des plus nobles privilèges du consul entrant en fonctions,
c’était de rendre la liberté à des esclaves; cela se faisait en leur
donnant sur le visage avec le revers de la main.
Il reste quelque chose de cette
coutume dans nos rites du sacrement de Confirmation.
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