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SIDOINE APOLLINAIRE

POÉSIE  3-4

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.

avant-propos

Notice sur Sidoine Apollinaire


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III.

DÉDICACE DU PANÉGYRIQUE A PÉTRUS.

CARMEN III.

PANEGYRICI EDITIO AD PETRUM.

Ce qui peut rendre les campagnes riantes, quel est le temps propice aux moissons et aux troupeaux, à la vigne et aux abeilles, Virgile autrefois enseignait tout cela, sous les auspices de Mécène, avant de célébrer le pieux Enée et ses combats. Pétrus deviendra pour moi le Mécène de ce temps; il sera l’étoile qui me guidera sur l’océan de la renommée. S’il approuve un ouvrage, il le produit au grand jour; s’il le condamne, il le tient caché, et ne l’accable pas du poids de sa critique. Va, mon livre; Pétrus, n’en doute pas, encourage notre timidité, et j’aurai même une sorte de satisfaction à ne pas réussir auprès d’un pareil censeur.

Quid faceret lætas segetes, quod tempus amandum
Messibus, et gregibus, vitibus, atque apibus,
Ad Mecœnatis quondam sunt edita nomen:
Hinc, Maro, post audes arma virumque loqui.
At mihi Petrus erit Mecœnas temporis hujus,
Nam famæ pelagus sidere curro suo.
Si probat, emittit; si damnat, carmina celat,
Nec nos ronchisono rhinocerote notat.
I, liber, hic nostrum tutatur, crede, pudorem.
Hoc censore etiam displicuisse placet.

IV.

PRÉFACE DU PANÉGYRIQUE PRONONCÉ EN L’HONNEUR DE MAJORIANUS AUGUSTE.

CARMEN IV.

PRÆFATIO PANEGYRICI DICTI MAJORIANO AUGUSTO.

Lorsque autrefois Tityre, sous l’épais feuillage d’un hêtre, demandait à son chalumeau les sons les plus doux, César lui avait laissé la vie et le champ paternel; la haute colère du prince n’avait pu résister aux supplications de l’humble proscrit. Mais, pendant que le pasteur loue le monarque libéral de lui avoir accordé son champ, la muse rustique donne le ciel en retour de la terre. Le don du poète n’était pas inférieur à celui du monarque; celui-ci avait fait un maître, celui-là fit un dieu.

Tityrus ut quondam patulæ sub tegmine fagi
Volveret inflatos murmura per calamos,
Præstitit afflicto jus vitæ Cæsar et agri,
Nec stetit ad tenuem celsior ira reum:
Sed rus concessum dum largo in principe laudat,
Cœlum pro terris rustica musa dedit.
 Nec fuit inferius Phœbeia dona referre:
Fecerat hic dominum, fecit et ille deum:

Et toi, Flaccus, qui avais suivi les étendards de Brutus et de Cassius, tu trouvas le protecteur de ta muse dans l’auteur de ton pardon. Ainsi, lorsque je succombais naguère sous des drapeaux opposés, tu m’ordonnas, ô vainqueur, de bannir toute crainte. Qu’elle devienne donc ton esclave, la langue du poète que tu as sauvé, et que ton éloge soit le prix de ma vie. Je n’irai pas d’une dent maligne attaquer Virgile, ni ton poète, ô terre des Sabins. Si je n’ai point leur génie, le César que je chante est plus grand que le leur; qu’ils l’emportent par l’éloquence, pourvu que nous l’emportions, nous, par le noble sujet de nos chants.

Et tibi, Flacce, acies Bruti Cassiique secuto,
Carminis est auctor, qui fuit et veniæ.
Sic mihi diverso nuper sub Marte cadenti,
Jussisti placido, victor, ut essem animo,
Serviat ergo tibi servati lingua pœtæ,
Atque meæ vitæ laus tua sit pretium.
Non ego mordaci fodiam modo dente Maronem,
Nec civem carpam, terra Sabella, tuum.
Res minor ingenio nobis, sed Cæsare major;
Vincant eloquio, dummodo nos domino.

 

NOTES SUR LES PŒSIES D’APOLLINARIS SIDONIUS.

 

CARMEN III.

 

Editio ad Petrum. — Pétrus, un des hommes les plus éloquents de son siècle, fut secrétaire d’état sous l’empereur Majorien. Baronius, sans apporter de preuves, le fait romain de naissance, et prétend qu’il fut consul en 516. Il est vrai que le seul consul de cette année-là se nommait Pétrus, mais quelle apparence que ce soit celui dont nous parlons ici? Est-il croyable qu’un homme qui, vers le milieu du Ve siècle, était en la maturité de son âge, ait vécu jusqu’en 516, et qu’il ait été encore en état de soutenir seul le poids du consulat ? A l’égard de sa patrie, Lilio Gregorio Giraldi, qui écrivait assez longtemps avant Baronius, croit qu’il était gaulois Pœt., dial. V, p. 294. C’est ce que fait présumer aussi Sidonius en plaçant ce Pétrus au nombre des plus célèbres poètes gaulois, dont il parle dans son poème, Carm. IX, v. 308. Il est au moins certain qu’il passa un temps considérable dans nos Gaules, qui furent le théâtre sur lequel il parut avec le plus d’éclat. Je ne sais même si l’on ne serait point fondé à dire qu’il était de Lyon; car ce fut à sa prière que Majorien, vers qui il avait été député, déchargea cette ville d’une garnison que ce prince y avait mise. Il y a quelque lieu de croire que l’empereur, ayant reconnu tout le mérite de Pétrus, le choisit pour son secrétaire. En cette qualité, Pétrus rendit de grands services à l’empire, tant par son éloquence, que par son habileté dans les négociations. Majorien se servit utilement de lui, pour contenir dans le devoir des nations barbares qui conspiraient à démembrer l’empire; et, quoiqu’il eût un questeur très habile, à qui il appartenait de dresser les lois et les rescrits, il se servait néanmoins de Pétrus pour faire ces fonctions. C’est ce que notre auteur exprime assez bien dans les vers suivants de ce Panégyrique:

Quid loquar hic illum qui scrinia sacra gubernat

Qui cum civilis, etc. »

— A l’éloquence, Pétrus joignait un talent particulier pour la poésie; Epist. IX, 13 et 15. Sidonius le nommant entre les premiers orateurs et les meilleurs poètes de son temps, dit qu’il les surpassait pour le feu et la régularité du discours. Le style épistolaire, dont il faisait le plus d’usage, n’empêchait pas qu’il ne réussit dans les plus excellents genres d’écrire. Tout ce qui sortait ou de sa bouche, ou de sa plume, était digne d’admiration:

Petrum et cum loquitur nimis stupendum.

Non seulement Pétrus se mêlait de science, mais il se faisait aussi un mérite de protéger les savants. Ce fut sans doute pour l’une et l’autre raison que Sidonius, avant son épiscopat, le choisit pour son Mécène, et voulut n’aspirer à la gloire d’homme savant que sous ses auspices. Après avoir prononcé le Panégyrique de Majorien, il l’envoya à Pétrus, ou pour le publier, ou pour le supprimer, selon le jugement qu’il en porterait. Sidonius regardait l’avantage d’avoir ce Mécène pour censeur comme quelque chose de si honorable, qu’il témoigne que l’on ne pouvait pas même trouver mauvais de n’avoir pas son approbation:

Hoc censore etiam displicuisse placet.

Pétrus paraît avoir vécu jusqu’au-delà de l’an 470. Notre auteur parle de lui, comme vivant encore, dans le poème qu’il adressa à Félix, en forme d’épître dédicatoire, sur le recueil de ses Poésies qu’il publia vers l’an 468. Mais dans sa lettre à Gélase, écrite vers 482 ou 483, il n’en parle que comme d’une personne qui n’était plus au monde; en sorte que l’on peut placer sa mort vers 473 ou 474.

Nous n’avons aujourd’hui aucun des écrits de Pétrus; il est certain cependant qu’il avait composé un ouvrage qui paraît avoir été considérable, et dont Sidonius fait un pompeux éloge, sans nous apprendre de quoi il traitait, il semble dire seulement qu’il était en prose et en vers; Epist. IX, 15. L’ouvrage avait déjà paru dans le public; on l’avait admiré déjà, lorsque Sidonius, Domnulus, Sévérianus et Lampridius, quatre des plus célèbres poètes de ce temps-là, se trouvèrent tous rassemblés en une même ville, où Majorien les avait mandés. On croit que c’était à Arles, où cet empereur et Sidonius étaient effectivement en 461. Un des amis de ces quatre poètes les ayant invités à manger chez lui, ils s’avisèrent de composer aussitôt chacun un poème, et ils prirent pour sujet l’éloge de l’ouvrage dont il est question. De ces quatre poèmes, il ne nous reste que celui de Sidonius; les dix vers suivants peuvent donner quelque idée de l’ouvrage de Pétrus:

Date carminata socco,

Date dicta, etc...

Du reste, on sait que Sidonius est souvent prodigue de louanges. Hist. littér. de France, tom. II, p. 439. — Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. VI, p. 314.

 

CARMEN IV.

Vers n°

9. Flaccus. — Horace; voyez ses Odes, II, 7. — « L’opinion générale attribue à l’intervention immédiate de Mécène, après la bataille de Philippes, le salut du jeune commandant de légion (Horace); mais sur quelles preuves est-elle fondée ? Sur l’insignifiant témoignage de Sidonius Apollinaris. Personne n’en savait plus sur ce fait qu’Horace lui-même, et ce poète a raconté avec trop de détails l’histoire de ses relations avec Mécène, pour que ce point ne soit pas parfaitement éclairci. Il ne fit aucune mention de cette obligation qu’il aurait eue à son illustre ami. Œuvres complètes d’Horace, en six langues, par J.-B. Monfalcon, Vie d’Horace, p. xxxiii, 1re colonne.

10. — Carminis est Auctor. — Mécène. Voyez Horace, Od. I, 1.

11. — Sic mihi diverso. — Voyez la Notice sur Sidonius, tom. I, p. xxii, et le Carmen V, v. 590 et seq.

16. Sabella. — Sabella est la même chose que Sabina.