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SIDOINE APOLLINAIRE POÉSIES 9 Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle. Notice sur Sidoine Apollinaire
lettres livre V lettres livre VI lettres livre VII lettres VIII poésies 1 poésies2 poésies 3 et 4 poésies 5 poésies 6 poésies 7
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NOTES DU CARMEN IX.
MAGNUS FÉLIX a un article dans l’Hist. litt. de la France, tom. II, p. 658-662. 3. — Conjuge. — Elle s’appelait Attica; on ne doute point que ce ne soit la même qui fit construire un autel ou une chapelle dans l’église de St. Laurent, à Rome, comme l’indique cette épigramme Quisquis plena Deo mysteria mente requiris, Huc accede, domus religiosa patet. Hæc sunt tecta pio semper devota timori, Auditumque Deus commodat hic precibus. Ergo lethiferos propera compescere sensus, Jam propera sacras lætus adire fores, Ut transacta queas deponere crimina vitæ, Et quidquid scelerum noxius error babet: Attica Felicis Magni clarissima conjunx Sumptibus hoc propriis ædificavit opus. 34. — Orbatæ Tomyris. — Hérodote et Justin racontent que Cyrus entreprit de soumettre les Massagètes, peuple scythe qui habitait les pays situés au-delà de l’Araxe. Il remporta plusieurs avantages sur eux, puis il tomba dans une embuscade où il périt avec toute son armée. Tomyris, reine des Massagètes, qui avait perdu son fils dans une des batailles précédentes, fit chercher le corps de Cyrus; l’ayant trouvé, elle lui coupa la tête, et la mit dans une outre remplie de sang, en disant: « Rassasie-toi de ce sang que tu as tant aimé. » Xénophon dit, au contraire, que Cyrus mourut à Pasargade, regretté de ses sujets; et cette opinion paraît la mieux fondée. 62. — Minyas. — Le peuple des Minyes, issu de Minyas, se trouvait répandu, vers le XVIe siècle avant J. C., dans la Thessalie à Iolcos, dans la Béotie à Orchomène, dans les îles à Théos et à Lemnos. Aux Minyes appartient le rôle majeur dans l’expédition des Argonautes; aussi voit-on souvent le nom de Minyes donné en commun à tous les héros de l’expédition. 91. — Herculis labores. — Sidonius parle encore ailleurs, Carm. XIII et XV, des travaux d’Hercule; il en compte ici vingt-trois — Sus, le sanglier d’Erymanthe, en Arcadie ; — Cerva, la biche aux cornes d’or et aux pieds d’airain, qui avait été donnée ou dédiée à Diane par la nymphe Taygète, et que l’on appelle tantôt la biche du Ménale, tantôt la biche Cérynitide; — Leo, le lion de Némée; — Gigas, Alcyonée, voyez la Biogr. univ., partie mythologique; — Hospes, Busiris, voyez le même ouvrage ; — Œta, le mont Œta, en Thessalie — Taurus, le taureau crétois qui désolait le pays et qui, dit-on, avait été l’amant heureux de Pasiphaé. Minos aida le fils d’Alcmène à le dompter; Eurysthée, à qui Hercule alla remettre le farouche animal entre les mains, le laissa échapper, et la Grèce continentale éprouva les ravages dont l’île de Crète venait d’être délivrée. Le taureau devint célèbre une seconde fois, sous le nom de taureau de Marathon; — Aves, les oiseaux stymphaliens ; voyez, dans l’ouvrage cité, le mot Stymphale; — Fur, Cacus; — Libs, Antée; — Juga, la montagne qui unissait l’Espagne à l’Afrique, séparée en deux fragments, sous les noms de Calpé et Abyla; — Virgo, Hésione; — Serpens, l’hydre de Lerne. 118. — Œbalias terras. — La Laconie. Amycle est une ‘ville du Péloponnèse; elle fut bâtie par Amyclée, fils de Lacédémon. 128. — Dulichii Thessalique. — Ulysse et Achille. Dulichium est l’une des îles Echinades à l’embouchure du fleuve Achéloüs, dans la mer Ionienne; elle faisait partie des états d’Ulysse. 130. — Peliaco. — Le Pélion, montagne de la Thessalie, était couvert d’une forêt de pins et de chênes; et c’est là qu’habitait le centaure Chiron. 137. — Scyriadum. — Nous avons un poème intitulé: Achille à Scyros, par Luce de Lancival. Voyez les Mélodies poétiques de la Jeunesse par F.-Z. Collombet; les jugements des principaux critiques se trouvent résumés dans cet ouvrage, à l’article Luce de Lancival. 165-177. — Non divos, etc. — Chaque divinité du paganisme avait un lieu ou elle était plus spécialement adorée et dont elle était, pour ainsi dire, la patronne et la protectrice. Minutius Félix, Octav., c. 6, appelle ces divinités locales des dieux municipaux, municipes deos. Tertullien, Apologet., c. 24, Lactance, I, et Prudence, in Symmach. II, en donnent des listes. L’énumération qu’en fait à son tour Sidonius, semble être une imitation ou une contre-épreuve d’une épigramme qui figure dans le recueil infâme des Priapeia, sous le n° 77: Dodona est tibi, Jupiter, sacrata, etc. L’auteur, dans chacun de ces vers, indique un dieu et le lieu qui lui est particulièrement consacré. Sidonius est encore plus bref: Il en indique deux dans chaque vers. Le passage de notre auteur, depuis le v. 165 jusqu’au v. 177, a été imprimé comme formant une pièce séparée et anonyme, parmi d’autres épigrammes, à la suite du Pindare de Laurent Abstémius, Fano, 1515 (Note de C. Breghot du Lut). 178. — Eleusin. — Cérès elle-même. Sidonius imite Claudien, qui a dit, De raptu Proserpinœ, I, ii: .................... Sanctasque faces attollit Eleusin. 187. — Sortes Lycias. — Oracle de Patare, en Lycie. Pomponius Mêla, I, 15. Virgile en parle aussi, Eneid. IV 377. — Cæritum, oracle de Cære, ville de Toscane. 190. — Bidental. — On appelait ainsi un endroit qui avait été frappé de la foudre, parce qu’on l’expiait et qu’on le dédiait, en y immolant des victimes, appelées en latin bidentes, comme si Jupiter se fat consacré cet endroit en le frappant de la foudre. C’est pourquoi on l’environnait ou d’un mur, ou d’une haie de pieux, qu’il n’était pas permis d’arracher. On ne pouvait même, sans crime, franchir cette espèce de barrière. Quant au mot latin bidentes, c’est le nom que l’on donnait aux brebis qui avaient deux grosses dents, c’est-à-dire deux ans, époque où elles commençaient à être propres aux sacrifices. Sabbathier, Dict. 192. — Colle Antenoreo. — Padoue, ville fondée par Anténor, suivant d’anciens auteurs. L’augure dont il est ici question s’appelait C. Cornélius. Lucain a dit, VII, 192-196: Euganeo, si vera fides memorantibus, augur Colle sedens, Aponus terris ubi fumifer exit, Atque Antenorei dispergitur unda Timavi: Venit summa dies, geritur res maxima, dixit; Impia concurrent Pompeli et Cæsaris arma. 194. — Amphiaraus, etc. — Amphiaraüs et Mélampus, deux devins célèbres. Voyez la Biogr. univ., part. mythol. 195. — Ex ipsis, etc. — C’est-à-dire, je ne rappellerai pas Métellus, qui, etc.... « Is Metellus orbam luminibus exegit senectam, amissis incendio, cum Palladium raperet ex æde Vestæ, memorabili causa, sed eventu misero. » Plin. VII. — Juven. III, 139. 200. — Hecatombion — Il faudrait dire hecatombœum, du grec ἑκατόμβοιον; mais, au siècle de Sidonius, on élidait souvent la première lettre de la diphtongue oi, comme dans le Carmen XV, 66, au mot Miras, pour mœras, μοῖρας. 208. — Ascræ. — Ascra ville de Sicile, patrie d’Hésiode ; Virgile a dit, Georg II, 176: Ascræumque cano romana per oppida carmen. 212. — Archilochi. — Lycambe avait promis sa fille à Archiloque, et la donna, malgré sa promesse, à Néobule, concurrent plus riche que le poète. La fureur avec laquelle celui-ci éclata contre Néobule fut si forte, que ce bon homme, furieux de se voir déchiré dans des vers que tout le monde chantait, se pendit de désespoir, et son exemple fut suivi par ses trois filles. On connaît le vers d’Horace, Epist. ad Pisones, 79: Archilochum proprio rabies armavit iambo.. 213. — Puella Lesbi. — Sappho, dont M. Breghot du Lut adonné une excellente version, avec le texte en regard et des imitations en vers latins, français, italiens, espagnols, anglais et allemands, à la suite du bel Anacréon Polyglotte de M. Monfalcon; Lyon, 1835, grand in 8. 223. — Papinius. — Le poète Publius Papinius Statius, auteur de la Thébaïde. 226. — Silvularum. — Statius a laissé différentes poésies, sous le nom de Silves ; il est impossible de rendre ici les jeux de mots de notre auteur. Puisque nous parlons de Silves, nous aimons à signaler de belles pages concernant ce genre de vers, dans les Etudes de M. Nisard. 227. — Corduba. — Martial a dit, I, 62 : Duosque Senecas, unicumque Lucanum, Facunda loquitur Corduba . . . « Sidonius Apollinaris, énumérant les grands hommes de Cordoue, comme avant lui Martial, distingue trois Sénèques, tous trois auteurs de différent renom, l’un qui cultive Platon, et fait en vain la leçon à Néron ; l’autre qui agite l’orchestre d’Euripide, tantôt imitateur d’Eschyle barbouillé de lie, tantôt de Thespis monté sur des tréteaux . . . ; le troisième (Lucain), qui a chanté la guerre de César et de Pompée. — « . . . Sidonius Apollinaris, le poète qui a chanté les Barbares, qui consolait Rome foulée aux pieds par les Francs, en décrivant avec une minutie précieuse leurs cheveux oints de beurre rance; Sidonius Apollinaris, l’évêque de Clermont vers la fin du Ve siècle, n’est pas une autorité bien concluante sur des faits littéraires du Ier siècle, principalement sur des faits de critique. La manière fort ridicule dont le prélat des Arvernes caractérise le grand poète Eschyle par une épithète qui conviendrait tout au plus à Thespis, prouve qu’il faut faire peu de fonds de ses classifications littéraires. Nisard, Etudes sur les poètes latins de la Décadence, tom. I, p. 63. Sidonius pourrait bien répondre à M. Nisard: « Si je ne mets point Eschyle à sa place, vous, monsieur, vous me faites dire qu’il y eut trois Sénèques à Cordoue, et néanmoins je ne parle que des enfants célèbres de cette ville. » 240. — Cremeræ. — Fleuve de l’Etrurie. Tite-Live, II, 4, raconte que les Fabiens, étant sortis par la porte Carmentale, sous des auspices malheureux, se rendirent sur les bords du Créméra, qu’ils trouvèrent ce poste avantageux et qu’ils s’y retranchèrent. Florus, I, 2, assure qu’ils y furent tués au nombre de trois cents. 256. — Gætulicus ou Getulicus. — Sidonius parle de ce poète latin ailleurs, dans une de ses Epîtres (la 10e du liv. V), où il nous apprend qu’une maîtresse nommée Césennia aidait Gétulicus dans la composition de ses vers. Martial, Prœf L. 1, le cite comme un épigrammatiste graveleux, et un passage de Pline le Jeune, Epist. V, 3, tend à nous donner de lui la même idée: il y est nommé parmi d’autres personnages graves qui se sont livrés à la poésie badine. On croit que ce Gétulicus est le Cn. Lentulus Getulicus, consul l’an de R. 779 (26 de J. C.), qui, pour s’être allié à Séjan, faillit perdre la faveur de Tibère, Tacit. Annal. VI, 30, mais qui fut plus tard une des nombreuses victimes de la cruauté de Caligula, jaloux de l’influence qu’il s’était acquise pendant les dix années qu’il avait commandé les armées romaines dans la Haute Germanie. Dion, LIX, 22. Suétone, in Calig. 8, invoque son témoignage sur un fait historique: ce qui a été cause que Vossius, de Hist. lat., I, 25, l’a compté au nombre des historiens latins. Le même Vossius, loc. cit., Juste-Lipse, ad Tacit. Annal. IV, 44, et, d’après eux, quelques autres critiques pensent aussi que ce personnage est le même dont il nous reste, sous le nom de Γαιτουλλίος ou Γαιτουλίκος, quelques épigrammes grecques qui font partie de l’Anthologie. Jacobs, Catal. pœt. epigr., III, ii, 896, semble mettre en doute cette identité qui avait paru certaine à Brunck, puisqu’il a inséré les pièces dont il s’agit, dans ses Analect. II, 166-8, sous le nom de Cn. Lentulus Gætulicus. Il est vrai que ces pièces sont toutes très chastes, et que les passages de Pline et de Martial cités plus haut nous représentent Gétulicus comme ayant peu ménagé la pudeur dans ses poésies; mais, comme l’observe M. Schœll, Hist. abr. de la litt. rom. II, 354, cela « ne prouve pas absolument qu’elles ne sont pas de Lentulus. » Il ne nous reste des poésies latines de Gétulicus qu’un fragment de trois vers hexamètres cités par Probus, ad Virgil. Georg. I, 227, et inséré par H. Estienne dans ses Fragm. vet. pœt. let., p. 414. (Note de C. Breghot du Lut.) 257. — Pedo. — C. Pedo Albinovanus, poète latin qui vivait sous Auguste et sous Tibère, composa divers ouvrages. C’est vraisemblablement comme épigrammatiste que Sidonius le nomme en cet endroit. Martial le mentionne au même titre, Præf. L. I, oit il s’autorise de son exemple, aussi bien que de celui de Marsus et de Gétulicus, pour excuser l’obscénité de ses vers. Quintilien, Instit. orat. X, 1, le compte au nombre des poètes épiques, et parle de lui en ces termes qui, quoique honorables, semblent ne le placer que dans le second ordre des poètes de cette classe: Rabirius ac Pedo non indigni cognitione, si vacet. Thésée était, à ce qu’il parait par un passage d’Ovide, de Ponto, IV, 10, le héros qu’Albinovanus avait choisi. Il avait également publié un autre poème, dont le sujet était le voyage fait par Germanicus dans l’Océan septentrional, et raconté depuis par Tacite, Annal. II, 23 et 24. Sénèque, qui mettait ce poème au-dessus de tout ce que d’autres auteurs avaient écrit sur la même expédition, nous en a conservé un fragment de 22 vers, où l’on peut remarquer de l’exagération dans le récit et de l’enflure dans le style. Joseph Scaliger, suivi en cela par une foule de critiquai, attribue à Albinovanus trois élégies qui sont venues jusqu’à nous : la première, adressée à Livie, sur la mort de son fils Drusus; la seconde, intitulée: Sur la mort de Mécène; la troisième, Les dernières paroles de Mécène; mais M. Wernsdorf qui a inséré la seconde et la troisième dans ses Pœt. let. min., t. III, p. 155-182, doute fort qu’elles soient d’Albinovanus, et fait voir, ibid., p. 125 et suiv., que Scaliger s’est appuyé, pour les lui donner, sur de bien faibles conjectures. La première de ces pièces, très supérieure aux deux autres, et à laquelle on ne peut reprocher qu’un peu de longueur, est un des restes les plus purs et les plus précieux de l’antiquité: c’est un des quatre morceaux que le célèbre Walckenær recommandait à Koppiers (voyez ses Observat., c. 12) d’apprendre, de préférence à tous les autres poèmes latins, comme des chefs d’œuvre où brillait, suivant lui, toute la majesté romaine. M. Wernsdorf appelle cette élégie, qu’on imprime souvent dans les œuvres d’Ovide, pœma elegantissimum et Augusteo œvo plane dignum. Albinovanus Pedo était un des meilleurs amis d’Ovide, et lui resta fidèle dans la disgrâce. L’élégie d’Ovide que nous avons citée plus haut, lui est adressée. Le même poète le nomme dans un autre endroit du même livre, eleg. 16, v. 6, où il lui donne l’épithète de sidereus, qui a fait soupçonner que la muse de Pedo s’était exercée sur quelque sujet tiré de l’astronomie. Jean Le Clerc, sous le pseudonyme de Theodorus Gorallus, a publié, en 1703, à Amsterdam, in 8°, un recueil de tout ce qui nous reste des poésies d’Albinovanus. Les trois élégies qu’on lui attribue, y figurent, ainsi que le fragment du Voyage de Germanicus: le tout est accompagné des commentaires de l’éditeur et de plusieurs autres savants. Nous avons vu que deux de ces élégies ont été reproduites dans le tom. III des Pœt. lat. min. de Wernsdorf: le fragment l’a été également dans le même recueil, tom. IV, p. 229-235. Ces trois pièces se trouvent aussi dans l’Anthol. lat. de Burmann, tom. I, p. 251-291. Burmann a intitulé les douze premières : Incerti auctoris. (Note de C. Breghot du Lut.) 257. — Marsus. — Domitius Marsus, un des poètes du siècle d’Auguste, qui florissaient sous la protection de Mécène. Ovide est le seul de ses contemporains qui fasse mention de lui : il le nomme de Ponto, IV, 16, dans une assez longue énumération des poètes célèbres qu’il avait vus à Rome avant sa disgrâce. Martial, qui vivait dans le siècle suivant, place Marsus sur la même ligne que Candie, annonce qu’il les prend l’un et l’autre pour modèles, II, 71, V, 5, et VII, 99, et s’appuie de leur exemple, Præfat. I, pour excuser le ton licencieux de ses vers. Nous voyons encore dans le même auteur, VII, 29, que Marsus avait chanté une maîtresse sous le nom, sans doute supposé, de Melœnis, et, II, 77, que quelques-unes de ses épigrammes occupaient jusqu’à deux pages, et n’étaient cependant pas longues, parce qu’elles ne contenaient rien de trop. Mais si Martial parle avec estime du talent de Marsus pour les épigrammes, il s’en faut beaucoup qu’il juge aussi favorablement celui qu’avait montré ce poète dans un ouvrage d’un genre bien opposé, dans un poème épique intitulé Amazonis, l’Amazonide, dont le sujet était probablement l’expédition d’Hercule contre les Amazones. Sæpius in libro memoratur Persius uno, Quam levis in tota Marsus Amazonide. .. Quelques critiques ont pensé que l’auteur de cette épopée et l’épigrammatiste Marsus étaient deux personnages différents; mais l’opinion la plus suivie n’en fait q’un seul. Il ne nous reste de Marsus que quelques fragments d’un vers chacun (H. Stephani Fragm. pœt. Lat., p. 416), une élégante épitaphe de Tibulle, et une épigramme dont la fin est mutilée (Burmann, Anthol. Lat. I, 416 et 436). Cette dernière pièce qui nous a été conservée par Philargyrius, ancien scholiaste de Virgile, ad Eclog. III, 90, est dirigée contre ce Bavius dont le nom a passé en proverbe pour désigner un méchant poète, et elle faisait partie, à ce qu’il paraît, d’un livre d’épigrammes, intitulé Cicuta, la Ciguë ou la Flûte; elle a servi depuis de fondement à une conjecture, très hasardée, de François Guyet, qui voulait que les Priapées fussent l’ouvrage de Marsus, et non une collection de pièces de divers auteurs, comme on le croit communément. Il paraît que Marsus avait composé aussi un long recueil de Fables, Fabella, dont le grammairien Charisius cite le IXe livre. Enfin Quintilien allègue dans ses Instit. orat. deux ou trois passages d’un traité de l’Urbanité par un Domitius Marsus, qu’il dit avoir écrit avec beacoup de soin, diligentissime, et auquel il donne l’épithète d’homme très instruit, hominis eruditissimi, mais il ne nous apprend pas si l’auteur de ce traité aujourd’hui perdu est le poète qui portait le même nom. (Note de C. Breghot de Lut.) 258-259. — Sulpiciæ.... Caleno. Sulpicia, dame romaine, qui cultivait les Muses, et dont il nous reste une satire contre Domitien, à l’occasion de l’édit par lequel il bannit de Rome les philosophes. Le style de cette satire, inspirée par une vertueuse indignation, manque pourtant un peu d’énergie, mais offre de l’élévation et de la noblesse. Elle consiste en 70 vers. Attribuée d’abord à Ausone, à la suite duquel elle parut pour la première fois en 1500, où l’a depuis annexée à plusieurs éditions de Pétrone, de Juvénal et de Perse, quelquefois imprimée séparément. Les savants s’en sont beaucoup occupés. Burmann et Wernsdorf l’ont insérée dans leurs Pœt. lat. min., avec de doctes commentaires. Elle a été traduite en prose par l’abbé de Marolles (1658), et en vers par E. Billardon de Sauvignv (1773), par M. Ch. Monnard (1816), et par M. A. F. Théry (1827). Mais Sulpicia avait composé d’autres ouvrages que le temps nous a enviés ; il ne nous en est parvenu que deux fragments de deux vers chacun, si toutefois ces fragments sont d’elle. Celui de ces ouvrages que Sidonius avait en vue dans le passage qui fait le sujet de cette note, parait être le recueil de vers où elle célébrait son amour pour Calénus son mari, dont elle fit le bonheur pendant de longues années par les charmes de son esprit et par une vive et fidèle tendresse. Martial, ami de ces époux, leur adressa, à une époque où leur union avait eu déjà quinze ans de durée, de très jolis hendécasyllabes, X, 35 et 38, que nous transcrirons ici pour l’éclaircissement de Sidonius, et pour le plaisir des lecteurs: De Sulpicia.
Omnes Sulpiciam legant puellæ, Uni quæ cupiunt viro placere. Omnes Sulpidam legant atmariti, Uni qui cupiunt placere nuptæ. Non hæc Colchidos asserit furorem, Diri prandia nec refert Thyestœ; Scyllam, Byblida nec fuisse credit: Sed castos docet, et pios amores, Lusus, delicias, facetiasque. Cujus carmina qui bene æstimarit; Nullam dixerit esse nequiorem, Nullam dixerit esse sanctiorem. Tales Ægeriæ jecos fuisse Udo crediderim Numas sub antro. Hac condiscipula, vel hac magistra Esses doctior et pudica, Sappho. Sed tecum pariter simulque visam Durus Sulpiciam Phaon amaret Frustra: namque ea nec Tonantis uxor, Nec Bacchi, nec Apollinis puella Erepto sibi viveret Caleno.
Ad Calenum.
« O molles tibi quindecim, Calene, Quos cum Sulpicia tua jugales Indulsit Deus et peregit annos; O nox omnis et hora, quæ notata est Caris litoris indici lapillis ! O quæ prælia, quas utrinque pugnas Felix lectulus, et lucerna vidit Nimbis ebria Nicerotianis! Vixisti tribus, o Calene, lustris. Ætas hæc tibi tota computatur, Et solos numeras dies mariti. Ex illis tibi si diu rogatam Lucem redderet Atropos vel unam, Malles, quam Pyliam quater senectam. » On a attribué à l’épouse de Calénus quelques poésies érotiques qui se trouvent dans le IVe livre de Tibulle, sous le nom de Sulpicia, fille de Servius; mais d’habiles critiques, tels que Heyne et Wernsdorf, regardent ces poésies et quelques autres qui les accompagnent, comme des productions du siècle d’Auguste, sans croire toutefois qu’elles soient de Tibulle. Le second de ces savants pense que ce sont des billets de galanterie que s’écrivaient les amis et les amies du poète, qui les a insérés dans le recueil de ses Elégies. (Note de C. Breghot du Lut.) 261. — Terentianus. — Térentianus Maurus, poète grammairien, omis par les auteurs de la Biographie universelle, soit à la lettre T, soit à la lettre M. Il est l’auteur d’un poème bien connu et, en quelque sorte, classique, De litteris, syllabis, pedibus et metris, reproduit dans un assez grand nombre d’éditions dont la première est de Milan, Ulrich Scinzenzeler, 1497, in fol., et dont la meilleure, commencée par L. Van Santen, a été achevée par D. J. Van Lennep, Leipzig, Weigel, 1825, in 4°. C’est dans ce poème que se trouve le fameux vers, si souvent attribué à Horace, à Ovide, à Martial: Pro captu lectoris habent sua fata libelli.. Les préceptes y sont accompagnés d’exemptes. Tous les auteurs qui ont écrit sur la versification et la métrique des anciens, ont d’immenses obligations à Térentianus Maurus. On ne peut fixer au juste l’époque à laquelle il vivait: les uns veulent que ce soit dans le premier siècle de notre ère, et conjecturent qu’il est le Terentianus, préfet à Syène en Egypte, dont parle en passant Martial, I, 87; les autres le placent au troisième siècle, et voient en lui le Postumius Terentianus, poète romain, auquel Longin a dédié son traité du Sublime. Le surnom de Maurus semble annoncer qu’il était africain. Il a été l’occasion d’une singulière méprise du cardinal de Richelieu qui, dans sa réponse aux ministres de Charenton, traduisit le nom de Terentianus Maurus par ces mots le Maure de Térence, croyant sans doute que c’était un personnage d’une des comédies de ce poète. L’épithète de centimeter, donne par Sidonius à Térentianus, fait allusion aux cent espèces de mètres décrites dans son poème, à l’imitation auquel Servius, le commentateur de Virgile, a composé, dans le Ve siècle, un traité intitulé Centimetrum, qui figure dans les recueils des Grammairiens latins. (Note de C. Breghot du Lut.) 263. Turnus. — Turnus, poète satirique latin, vivait dans le premier siècle de l’ère chrétienne. Nous apprenons de l’ancien scholiaste de Juvénal, I, 28, qu’il naquit, comme Lucilius, un de ses plus célèbres devanciers, dans une petite ville d’Italie, nommée Aurunca ; qu’il était d’une famille d’affranchis, et qu’il eut l’art de parvenir aux honneurs et de se rendre puissant à la cour de Titus et de Domitien. Martial, XI, 11, lui trouvait une grande âme, un grand génie, ingentia pectora, et pensait qu’il eût pu appliquer son talent à la tragédie avec autant de succès qu’à la satire, si par délicatesse il n’eût craint d’être le concurrent de Scæva Memor son frère, qui avait embrassé Je premier de ces deux genres de composition. Contulit ad satyras ingentia pectosa Turnus: Cur non ad Memoris carmina? frater erat; c’est-à-dire, en paraphrasant un peu: Turnus que l’on a vu, prenant un noble essor, Donner à la satire un ton mâle et sévère, Aurait pu du théâtre agrandir la carrière; Mais il aurait été le rival de Mémor, Et ce Mémor était son frère. Le même Martial, VII, 96, 8, donne aux satires de Turnus l’épithète de nobles, nobiles. Rutilius, Itinerar. 62, louant un poète de son temps, appelé Décius, dit qu’il était l’égal de Turnus et de Juvénal. Sidonius, comme on le voit, le met avec Mémor sur la même ligne que plusieurs grands poètes de l’antiquité, puisqu’il place les noms des deux frères entre ceux de Lucilius et de Lucrèce, et ceux .d’Ennius et de Catulle. Enfin Lydus dont l’ouvrage grec sur les Magistratures romaines été retrouvé et mis au jour en 1812, nomme Turnus, I, 41, comme ayant, ainsi que Juvénal et Pétrone, dépassé dans ses écrits les bornes de la satire. Nous ne possédons de Turnus que deux vers défigurés que nous a conservés le scholiaste, déjà cité, de Juvénal, I, 4, à moins qu’on n’adopte la conjecture de Wernsdorf, Pœt. let. min., tom. III, p. 77, qui s’est imaginé qu’un autre fragment de trente vers publié dans les Entretiens de Balzac, IV, ch. 4, et inséré depuis par Burmann dans son Anthol. lat., tom. II, p. 645, était pareillement de Turnus. Les motifs de Wernsdorf pour lui donner ce fragment, sont que l’on y reconnais les qualités que lui attribue Martial par ces mots ingentia pectora, et que les trente vers paraissent appartenir à une satire contre Néron, sujet sur lequel Turnus s’était exercé, comme l’annoncent les deux vers rapportés par l’ancien commentateur de Juvénal, où il est question de la fameuse Locuste. Mais toutes ces belles raisons ne feraient qu’induire en erreur ceux qui s’y arrêteraient: car il s’agit ici d’une mystification semblable à celle dont Joseph Scaliger fut la dupe, lorsqu’il prit des vers de Muret pour des vers d’Accius et de Trabéa, poètes dramatiques du cinquième et du septième siècle de la république romaine. Balzac, dans ses Entretiens, ouvrage posthume imprimé par les soins de son ami Girard, en 1657, in 4°, p. 57, donne le fragment dont il est question comme tiré « d’un parchemin pourri « en plusieurs endroits et à demi mangé de vieillesse, » et comme composé « sous le règne de Néron; mais déjà, de son vivant, ce même fragment avait paru sous son nom, et sous le titre d’Indignatio in pœtas Neronianorum temporum. Ad nobilissimum Sammauranum, Montoserii marchionem. Majoris operis fragmentum, p. 194 du recueil de ses Poésies latines dont Ménage fut l’éditeur, en 1650. Le morceau, plus ample que dans les Entretiens et offrant quelques différences de leçon, est précédé de quatre autres pièces supposées antiques, et auxquelles semble se référer, aussi bien qu’à lui, ce titre placé au-dessus de la première d’entre, p. 189 : Ficta pro antiquis. Une sorte d’épilogue qui l’accompagne, achève de prouver que Balzac en est le véritable auteur. Il paraît que Burmann et Wernsdorf, et tous ceux qui les ont suivis, tels que M. Boissonade qui a donné avant nous, dans le Journal de l’Empire du 11 janvier 1813, une excellente notice sur Turnus dont, par parenthèse, nous avons fait notre profit et M. Théry qui a mis en vers français le prétendu fragment de l’ancien satirique, p. 44 du Discours préliminaire de sa traduction des Satires de Perse et de Sulpicia, n’ont pas connu le recueil des Poésies latines de Balzac. Autrement ils n’eussent point regardé comme un vénérable reste de l’antiquité des vers qui en offrent bien le ton et la couleur, qui ont même l’éclat et l’énergie du style de Lucain, mais qui, dans la réalité, sont l’ouvrage d’un moderne. Nous partagions nous-même l’erreur commune, et nous l’avions reproduite dans un volume de Mélanges, lorsque M. Rostain, de la Société littéraire de Lyon, nous la signala dans une lettre intéressante qu’il nous écrivit sur ce sujet. C’est à lui qu’est dû entièrement l’honneur de cette découverte. (Note de C. Breghot du Lut.) 260. — Memor. — Sæva Mémor, autre poète latin dont nous avons parlé dans la note qu’on vient de lire sur Turnus son frère, naquit sans doute, comme ce dernier, dans la ville d’Aurunca. On sait peu de chose de lui. Fulgentius Planciades, ancien grammairien, de prisco Sermone, p. 25, cite un vers d’une tragédie d’Hercule par Mémor. Joseph Scaliger, dans une lettre écrite à Saumaise en 1607, attribuait à Mémor la tragédie d’Octavie, qu’on imprime parmi celles qui portent le nom de Sénèque, mais qui vraisemblablement n’est ni de Sénèque le père, ni de Sénèque le philosophe, son fils, puisque celui-ci est un des personnages de la pièce. Martial a consacré à notre poète deux épigrammes (la 10e et la 11e du liv. XI); la première est cette inscription à mettre au bas de son portrait: Clarus fronde Jovis, hoineni fama cothurni, Spirat Apellea redditus arte Memor.
Ceint d’une couronne immortelle, Honneur du cothurne romain, Mémor respire en ce tableau fidèle Qu’un Apelle moderne a tracé de sa main. Les mots clarus fronde Jovis font présumer que Mémor remporta la couronne de chêne, qui était alors un prix de poésie, et le distique entier permet de supposer que son portrait fut placé dans une bibliothèque publique. La seconde pièce, qui est plutôt en l’honneur de Turnus qu’en celui de Mémor, est celle que nous avons citée dans la note précédente, et qui nous apprend, comme nous l’avons vu, que Turnus avait appliqué son génie à la satire, et non à la tragédie, par égard et par amitié pour sou frère auquel il voulait épargner le danger d’une concurrence redoutable. (Note de C. Breghot du Lut.) 264. — Petronius. — Voyez plus bas une note sur les vers 154-156 de la pièce XXIII. 264. — Stella. — L. Arruntius Stella serait aujourd’hui totalement oublié, sans les éloges flatteurs dont il est l’objet dans Stace et dans Martial, et sans la mention que lui accorde ici Apollinaris: car les siècles n’ont pas épargné la moindre parcelle de ses œuvres. Il était né à Padoue, d’une famille patricienne, la même année que Stace, la 61e de J.-C. Il fut successivement quindécemvir, préteur et consul avant l’âge. Dodwell fixe à l’an 94 son consulat, qui, n’étant que subrogé, ne figure pas dans les fastes. L’an 89, il épousa Volantilla, jeune, belle et riche veuve, originaire de Naples, qu’il avait célébrée dans des élégies sous le nom d’Astéris, et que Martial appelle Hianthis, VI, 21, etc. Stace improvisa en deux jours sur ce mariage un assez long épithalame, où sont puisés une grande partie des détails qu’on vient de dire. C’est la seconde pièce du premier livre de ses Sylves, lequel est de plus précédé d’une dédicace à Stella. Deux passages de cette dédicace et de cet épithalame peuvent faire penser que Stella ne s’est pas exercé seulement dans le genre élégiaque. On a conjecturé qu’il a dû chanter la victoire, réelle ou prétendue, de Domitien sur les Sarmates. Il faut sans doute beaucoup rabattre des louanges dont Martial et Stace sont si prodigues envers lui. On sait que leur muse fut souvent intéressée. Celle du premier de ces poètes est surtout suspecte, lorsqu’il va, I, 8, jusqu’à préférer les vers de Stella sur la colombe de Volantilla, à ceux de Catulle sur le moineau de Lesbie. Toutefois, comme les pièces principales du procès ne sont pas toutes deux sous nos yeux, nous ne pouvons prononcer avec certitude ce que probablement Sidonius eût été à même de faire; car il est à présumer que les auteurs dont il nous donne l’énumération, subsistaient tous encore de son temps. — Voyez, outre les écrivains cités, Wernsdorf, Pœt. lat. min., t. III, p. xxvii et xxviii, et S. Delatour, traduction des Sylves de Stace, Notes sur le premier livre, p. 408 et suiv., (Note de C. Breghot du Lut.) 264. — Septimius. — Notre auteur parle encore de ce poète dans la lettre à Polémius, en tête du Carmen XIV. 265. — Martialis. — Marcus Valérius Martialis, en français Martial, né à Bilbilis en Espagne, auteur d’un recueil d’épigrammes en XIV livres, et d’un livre de pièces sur les Spectacles donnés dans l’amphithéâtre par les empereurs Titus et Domitien, est trop connu pour que nous entrions ici dans aucun détail sur sa vie et sur ses ouvrages. On peut, d’ailleurs, consulter l’article que nous lui avons consacré dans le tome XXVII de la Biogr. univ. Sidonius connaissait parfaitement les œuvres de Martial, et a laissé dans ses poésies plus d’une trace de l’étude qu’il en avait faite. (Note de C. Breghot du Lut.) 270. — Histrionis exsul. — Juvénal; c’est Claudien qui est désigné dans les vers suivants, où l’auteur fait allusion au poème de Raptu Proserpinæ. 293. — Tertius ille. — Le P. Sirmond demande s’il n’est point ici question de Mérobaudes: il nous semble qu’il s’agit en effet de ce poète, qui ‘vient d’être jugé avec talent par M. A. Beugnot: — Le hasard, dit-il, a fait retrouver, dans ces dernières années, les lambeaux d’un ouvrage de Mérobaudis, où ce digne émule, sinon d’Eunape et de Zosime, au moins d’Ammien et de Rutilius, revêt des ornements de la poésie les antipathies et les haines païennes. Je vais rendre compte de ces fragments de poème. « Flavius Mérobaudis avait servi avec distinction en Espagne, sous le règne de Placide Valentinien. Nous n’avons pas à nous occuper de ses succès militaires; il en obtint d’autres qui doivent seuls fixer notre attention. Il était poète, et en l’année 435 sa statue fut placée dans le forum de Trajan : honneur très grand, mais que les écrivains païens briguaient seuls. La base de cette statue était ornée d’une longue inscription en forme de panégyrique. On y lit, par exemple: Ideo illi cessit in prœmium non verbema vilis, nec otiosa hedera, honor capitis, Heliconius, sed imago ære formata, quo rari exempli viros seu in castris probatos, seu optimos vatum antiquitas honorabat. Avant que Niebuhr eût publié quelques fragments des poésies de Mérobaudis (Merobaudis carminum orationumque reliquiæ ex mamb. Sangallensibus. Ed. a Nebulario. San-Galli, 1823 in 8°), on était réduit à mentionner cet écrivain dans le catalogue des auteurs du Ve siècle, sans pouvoir porter sur son mérite et sur la nature de ses écrits aucun jugement. On le disait un poète célèbre, parce que ses contemporains l’avaient ainsi qualifié; aujourd’hui, on le connaît d’une manière un peu plus précise. Mérobaude, homme puissant, clarissime, général des troupes romaines en Espagne, gendre de cet Asturius qui fut consul et patrice, Mérobaude était païen, et cet exemple suffit pour prouver que les lois d’exclusion ne recevaient pas plus d’exécution sous ce règne que sous le précédent. Mérobaude semble avoir proclamé hautement ses affections et ses regrets. Il donna publiquement cours à ses larmes, et cette piété païenne qui dicta ses poésies causa sans doute leur perte. Les copistes du moyen âge essayèrent de purifier ses écrits, en plaçant au milieu d’eux quelques poésies chrétiennes; mécontents, sans doute, de l’effet produit par un contraste qui rendait l’altération trop visible, ils passèrent la plume sur tous les écrits du poète païen; l’art moderne a pu seul en faire revivre une très faible partie. Cherchons à donner une idée, non du talent, mais des opinions religieuses de Mérobaude. Dans le Carmen IV, le poète célèbre la naissance du fils d’Aétius: Felix distulit adtulitque pertum Lucinæ mora; præstitit morari Ut spebus timidis diu negatus, Et civis dominæ futurus urbis, Natalem tibi regiam Quirini Et primas Latii domos viders: Proles Martia, Martios penates. ...................................................... Peut-on méconnaître l’influence de l’esprit païen dans ce culte de Rome et dans ces épithètes qui auraient paru impies à un chrétien? Mérobaude semble avoir été pour Aétius ce que Claudien fut pour Stilicon. Il composa un poème en l’honneur de ce second et inutile vainqueur des Barbares, qui périt de la main du prince qu’il avait sauvé, sort réservé à tous ceux qui alors rendaient de trop grands services à leur patrie. Le poème de Mérobaude commence par une magnifique peinture de la paix dont l’empire était censé jouir sous l’administration d’Aétius: Ipse pater Mavors, Latii fatalis origo, Festa ducis socii trucibus non impedit armis. Tela dei currusque silent. Une divinité, sans doute la Discorde, s’indigne, selon l’usage des poèmes épiques, de cette félicité du genre humain; elle va trouver Bellone, la réveille et lui adresse ce discours: Qui. misero., Germana,tibis sopor obruit artus Pace sub immensa? quoniam tua pectora ... Mersit iniqua quies, inopes tua classica.... .......................................................................... Indue mortales habitus, tege casside vultus; Urge truces in bella globos, scythicasque pharetras Egerat ignotis Tanais bacchatus in oris. Æratas prosternea domus, et operta metallis Culmina, quæ toto Latii conqspeximus orbe. Una omnes in tela ruant, gravis ardeat auro Balteus; auratnæ circumdent tela pharetræ, Aurea crispatis insidat lamna lupatis; Includant gemmæ chalybem, ferroque micantes Fulgens auriaatis facihbus lux induat enses. Mœnia nulla tuos valeant arcere furores, Roma, ipsique tremant furialia murmora reges. Tum Superos terris atque hospta Numina pelle Romanos populare Deos, et nullus in aris Veste exoratæ fotus struc palleat ignis. His instructa dolis palatia celsa cubibe; Majorum mores et pectora prusca fugaho Funditus, atque simul, nullo discrimine rerum Spernantur fortes, nec sit reverentia justis. Attica neglecto pereat facundia Phœbo; Indignis contingat hbonos et pondera rerum Non virtus, sed casus agat tristisque cupido; Pectoribus sævi demens furor auri, Omnisque hæc sine mente Jovis, sine Numine summo. « Ici se trouve une lacune de plus de cents vers. Le poète représente ensuite le Romain qui, voyant leurs affaires désespérées, tournent les yeux vers Aétius, comme vers le seul général capable de sauver l’empire. « Voici donc un poète éminent par son talent, par sa gloire et par le rang qu’il occupe dans l’état, qui ne craint pas d’attribuer tous les maux de la patrie à l’abandon du culte des Dieux. Symmaque annonce que la ruine de l’empire suivra de près celle des autels du paganisme; Mérobaude, alors que cette ruine est consommée, regarde la source des malheurs publics comme assez évidente pour pouvoir en faire un thème poétique. Mais le chantre d’Aétius va bien plus loin que le vieux pontife; car, il ne faut pas s’y tromper, cette déesse qui vient réveiller Bellone assoupie n’est autre que le Christianisme; et quand le poète l’appelle crudelis Enyo, il dissimule sous un voile injurieux ce qu’il n’ose pas dire hautement. Si la Discorde ne représente point ici la Religion chrétienne, pourquoi le poète lui fait-il dire: Tum Superos terris atque hospita Numina pelle; ...............................................Palatia celsia subibo. Majorum mores et pectora prisca fugabo Funditus. Les menaces contre le culte de Veste et contre celui d’Apollon ne seraient pas convenablement placées dans la bouche d’une divinité de l’Olympe. « Comment la Discorde proposerait-elle à Bellone d’éteindre le feu de Vesta, et d’abolir ce qu’elle nomme facundia attica? Cette divinité, ennemie du repos des humains, qui attise avec tant de soin la vengeance et la haine, n’est autre, quel que soit le nom que le poète lui ait donné, que le Christianisme. Le païen, détracteur obligé des époques chrétiennes, se révèle tout entier dans les deux vers suivants Indignis contingat honos et pondera rerum Non virtus, sed casus agat tristisque cupido. Quelle cause produira cette corruption générale? Omnisque hæc sine mente Jovis, sine Numine summo. Je ne crois donc pas que l’on puisse douter des sentiments du poète apologiste d’Aétius. Il savait que beaucoup de citoyens nourrissaient des regrets pour le culte des anciens dieux, et regardaient le christianisme comme le principe de tous les maux dont l’empire était accablé; il voulut faire battre encore une fois le cœur de tous les partisans de l’erreur passée, et traduisit en beaux vers leurs vieilles passions et leurs douleurs. Plus courageux que Claudien, parce qu’il vivait dans un temps où les païens n’avaient pas besoin de garder des ménagements, il couvrit la religion qu’il attaquait d’un nuage si léger que personne, dans l’empire, ne dut se méprendre sur ses véritables intentions. L’opinion païenne avait encore alors quelque poids; car Mérobaude vit, comme le chantre de Stilicon, sa statue se dresser dans le forum de Trajan: c’était le seul honneur que le paganisme pouvait promettre aux poètes qui consentaient à défendre sa cause. (Histoire de la destruction du Paganisme en Occident; Paris, Didot, 1835, tom. II, p. 237-243.) 302. — Messalam. — Suivant le P. Sirmond, ce Messala est le même personnage qu’une ancienne inscription de Rome appelle Fl. Valerius Messala, et que Rutilius, Itinerar. I, 267-276, nous dépeint comme un homme non moins distingué par sa naissance et par son caractère que par ses talents en poésie et par son éloquence. Il fut l’ami de Symmaque (voyez ses Epîtres, VII, 8i-), et on le voit figurer à la tête de plusieurs lois du Code Théodosien en qualité de préfet du prétoire, fonctions qu’il exerça l’an 399, sous le consulat de Fl. Manlius Théodorus, et les années suivantes. 330. — Probum. — Epoux d’Eulalia, et à qui est adressée la lettre 1re du livre IV.
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