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SIDOINE APOLLINAIRE

LETTRES

 

LIVRE IV

Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.

avant-propos

Notice sur Sidoine Apollinaire


lettres  livre I  lettres livre II  lettres livre III lettres livre V

 l

 

 

 

LIVRE QUATRIÈME.

LIBER QUARTUS.

LETTRE I.

EPISTOLA PRIMA.

SIDONIUS A SON CHER PROBUS, SALUT.

Sidonius Probo suo salutem.

Elle est ma sœur, celle qui est ta femme; de là entre nous une grande et intime liaison, et cette fraternité de cousins plutôt que de frères, qui enfante ordinairement une amitié plus pure, plus forte, plus véritable. Les contestations de biens entre les frères étant depuis longtemps apaisées, ceux qui naissent de ces frères n'ont plus rien à démêler; aussi remarque-t-on souvent entre les cousins une affection plus forte, parce que les haines que soulèvent les procès cessent à la fin, et que la voix du sang se fait toujours entendre.

Ce qui resserre encore les nœuds de notre amitié, c'est la conformité de nos études et de nos goûts; car, en fait de littérature, nous pensons de même, nous blâmons, nous louons les mêmes choses; et, quel que soit le style d'un ouvrage, il nous plaît ou nous déplaît également. Au reste, c'est trop de présomption d'assimiler mon jugement au tien. Est-il quelqu'un des jeunes gens et des vieillards, qui ne sache que toi seul as été mon maître, lorsque nous semblions avoir un maître commun? Et si un poète héroïque a fait une œuvre de longue haleine, si un comique a produit quelque pièce pleine de saillies, si un lyrique a composé un poème digne d'être chanté; si un orateur a quelque chose de grave et de sensé, un historien quelque chose de vrai, un satyrique de ressemblant, un grammairien de régulier, un panégyriste de plausible, un sophiste de sérieux, un épigrammatiste de mordant, un commentateur de lucide, un jurisconsulte de profond, n'est-ce pas à toi que chacun d'eux en est redevable, sauf les esprits auxquels a manqué l'aptitude, ou qui se sont manques à eux-mêmes? Bon Dieu! comme déjà nos pères se glorifiaient, en voyant que, sous la protection du Christ, tu pouvais enseigner et que je pouvais apprendre; que non seulement tu faisais ce que tu voulais, mais encore que tu voulais ce que tu faisais, et que l'on te regardait comme un citoyen aussi vertueux qu'habile! Et, en vérité, dans l'école d'Eusèbe, tu étais déjà si mûr, que, façonné par ce philosophe, tantôt tu nous expliquais tous les secrets de la nature et de l'éloquence, aux applaudissements même de celui qui t'avait instruit; tantôt, comme Platon qui surpassait presque son maître Socrate, tu te montrais, sous Eusèbe, au milieu des catégories d'Aristote, dialecticien habile et plein d'atticisme! Eusèbe, à son tour, façonnait notre enfance impressionnable, tendre et inexpérimentée, nous châtiant avec sévérité, nous façonnant par des préceptes salutaires. Mais quels préceptes, bon Dieu! qu'ils étaient précieux! Si quelqu'un, dans un esprit de prosélytisme, .s'avisait de les porter ou chez les Sicambres, enfoncés dans leurs marais, ou chez les Alains, habitants du Caucase, ou chez les Gelons, qui boivent le lait de leurs cavales, à coup sûr ils amolliraient les cœurs endurcis de ces peuples sauvages et barbares, et relâcheraient leurs fibres engourdies; leur stupide et féroce ignorance, qui, dans eux comme dans les bêtes, est inepte, brute et impétueuse, ne serait plus l'objet de nos railleries, de nos mépris et de nos craintes.

Ainsi donc, puisque la parenté et les goûts nous ont unis, je t'en prie, en quelque lieu que tu sois, conserve-moi une amitié inébranlable; si la distance nous sépare, que l'amitié nous rapproche. Pour ce qui me concerne, je garderai toujours, et tant qu'il me restera un souffle de vie, les droits sacrés de l'amitié. Adieu.

Soror mihi quae uxor tibi: hinc inter nos summa et principalis necessitudo, et ea quidem patruelis, non germana fraternitas, quae plerumque se purius fortius, meracius amat. Nam facultatum inter germanos prius lite sopita, jam qui nascuntur ex fratribus, nihil invicem controversantur: et hinc saepe caritas in patruelibus major, quia desistit simultas a divisione, nec cessat affectus a semine.

Secundus nobis animorum nexus accessit de studiorum parilitate, quia idem sentimus, culpamus, laudamus in litteris, et aeque nobis quaelibet dictio placet improbaturque. Quanquam mihi nimis arrogo meum judicium conferens tuo. Quis enim juvenum nesciat seniorumque, te mihi magistrum fuisse proprium, cum videremur habere communem? et si quid heroicus arduum, comicus lepidum, lyricus cantinelosum, orator maturum, historicus verum, satiricus figuratum, grammaticus regulare, panegyrista plausibile, sophista serium, epigrammista lascivum, commentator lucidum, jurisconsultus obscurum, multifariam condiderunt; id te omnifariam singulis, nisi cui ingenium sibique quis defuit tradidisse? Deus bone! quam sibi hinc patres nostri gloriabantur, cum viderent, sub ope Christi, te docere posse, me discere: et non solum te facere quod posses, sed et velle quod faceres: ideoque te bonum non minus quam peritum pronuntiari? Et vere intra Eusebianos lares talium te quaedam moneta susceperat disciplinarum, cujus philosophica incude formatus: nunc varias nobis rerum sermonumque rationes, ipso etiam qui docuerat, probante paudebas: nunc ut Plato discipulus jam prope potior sub Socrate, sic jam tu sub Eusebio nostro, inter Aristotelicas categorias artifex dialecticus atticissabas, cum ille adhuc aetatulam nostram, mobilem, teneram, crudam, modo castigatoria severitate decoqueret, modo mandatorum salubritate condiret. At qualium, Deus bone! quamque pretiosorum, quae si quis deportaret philosophaturus, aut ad paludicolas Sicambros, aut ad Caucasigenas Alanos, aut ad equimulgas Gelonos, bestialium rigidarumque nationum corda cornea, fibraeque glaciales procul dubio emollirentur egelidarenturque: neque illorum feroc am stoliditatemque quae secundum belluas ineptit, brutescit, accenditur, rideremus, contemneremus, pertimesceremus.

Igitur quia nos ut affinitas, ita studia junxerunt, precor, quoquo loci es, amicitiae jura inconcussa custodias: longumque tibi, et si sede absumus, adsimus affectu: cujus intemeratae partes, quantum ad nos spectat, a nobis in aevum, si quid est vitae reliquum, perennabuntur. Vale.

LETTRE II.

EPISTOLA II.

CLAUDIEN AU PAPE SIDONIUS, SALUT.

Claudianus Sidonio papae salutem.

S'il m'était possible de t'aller voir quelquefois, même un seul moment, toi mon maître, je ne rechercherais ni les conseils ni l'amitié des premières personnes venues ; mais je consulterais ce qui pourrait le plus me favoriser dans les égards que je te dois. De nombreux et tristes motifs m'empêchent d'aller te visiter ; quant à l'occasion favorable d'écrire, on elle se présente rarement, ou elle ne se présente jamais. Si tout cela est pardonnable ou non, tu en jugeras toi-même.

Mais que tu favorises de lettres fréquentes des personnes qui ne désirent peut-être ni ne méritent cette grâce plus que moi, il n'est pas facile, je pense, de te justifiera cet égard au tribunal de l'amitié. Je vois avec douleur, si je n'en parle pas, que tu n'aies honoré d'aucune réponse la dédicace de ces livres que tu me laisses publier sous les glorieux auspices de ton nom. Hais peut-être ne peux-tu disposer d'un seul instant en faveur d'une grande amitié ; seras-tu jamais si occupé quelque part, que cela ne tourne à l'avantage d'autrui ? Lorsque tu apaises Dieu par tes prières, ce n'est pas sur des amis seulement, mais encore sur des inconnus que tu attires ses faveurs. Lorsque tu scrutes les mystères des célestes Ecritures, plus tu mets de zèle à te pénétrer de leurs trésors, plus aussi tu répands sur les autres une doctrine abondante ; lorsque tu prodigues tes biens aux pauvres, tu consultes sans doute hautement tes intérêts ; mais par-là même ta n'oublies pas ceux des autres. Ainsi donc, il n'est rien, absolument rien de si stérile dans toutes tes actions, qui ne produise des fruits abondants et pour toi, et pour beaucoup d'autres personnes. Il n'est donc pas d'excuse même fausse que tu puisses alléguer, de ce que moi, ton ami particulier, ton intime, je ne retire aucun avantage d'un ami particulier, lui qui est si utile, même à un grand nombre d'inconnus ; mais, comme je Te pense, suivant l'exemple de cet homme 9e l'Evangile, ce que tu ne donnes pas à un ami qui a faim, tu le donnerais à un solliciteur importun. Or, si tu persistes dans ton refus opiniâtre, je t'en ferai repentir ; car, si tu te rends coupable d'un plus long silence, moi je me vengerai aussitôt en décrivant; et certes, il n'y a pas de doute que tu seras aussi puni de mes lettres, que je le suis, moi, de ton silence. Adieu.

Si possibile factu esset, ut te dominum meum vel aliquoties aliquantulum convenirem, non undeunde quarumpiam personarum aut voluntates aut necessitates inquirerem, sed quae in rem debiti mei usu mihi esse possent. Quippe revisionisis potestas multimodis, ac miseris perinde causis intercluditur. Enimvero scribendi facultas aut raro idonea suppetit, aut nec suppetit. Ista haec eadem remissibilia sint, necne, tute judicaris.

Porro autem quod saepenumero scriptis vestris alii impartiuntur, qui id ipsum nec ambiunt, quam egomet forsan nec merentur amplius; non arbitror amicitiae legibus impune committi. Illud etiam non dolenter faxo tacitum, quod libellos illos quos tuo nomine nobilitari non abnuis, nullo unquam impartivisti rescripto. Sed vacuum forte non suppetit, quod tute modicum magnae admodum impendas amicitiae. Ecquo tam ex occupatu unquam uspiamve implicabere, quin illud in aliorum commoda revergat? Cum precatu Deum placas, eumdem non modo amicis, sed ignotis quoque concilias. Cum Scripturarum coelestium mysteria rimaris, quo te studiosius imbuis, eo doctrinam caeteris copiosius infundis. Cum tuas opes in usus inopum prodigis, tibi quidem maxime, sed aliis quoque consultum facis. Proinde nihil videlicet, profecto nihil est tam infecundum actionum tuarum omnium, quod tibi uni soli tantum, et non aliis quoque multis tecum uberiorem fructum ferat. Nulla ergo cujusquam praepedimenti occasio praetendi vel falso potest, cur egomet specialis atque intimus tuus nihil a speciali meo fructiferam, a quo ignoti quoque multum capiant plurimi. Sed, uti ego autumo, juxta formam evangelici largitoris, quod non das amico esurienti, dabis improbo pulsatori. Porro si etiam nunc solito obdurueris, faxim egomet quod te te poeniteat: quoniam si peccaris ultra reticendo, ego protinus ulciscar scribendo. Porro enim ambiguo caret, tam te puniendum scripto meo, quam punior egomet silentio tuo. Vale.

LETTRE III.

EPISTOLA III.

SIDONIUS A SON CHER CLAUDIEN, SALUT.

Sidonius Claudiano suo salutem.

Tu déclares, mon digne maître, que j'ai violé les droits de l'amitié, parce que, relativement aux salutations qui te sont dues, j'ai bien différé de prendre le style et les tablettes, et encore parce que mon papyrus n'a chargé les mains d'aucun voyageur, pour te porter les vœux d'une amitié bienveillante. Cela n'est pas juste, et tu as tort si tu penses qu'un homme, quelque goût qu'il ait d'ailleurs pour la langue latine, soit sans crainte lorsque ses écrits se présentent au tribunal de ton goût, de ton goût, dis-je, auquel je n'oserais pas, n'était la prérogative qui consacre les âges antérieurs, comparer la gravité de Fronton, l'abondance et la force d'Apulée ; devant lequel les Varrons, Atacinus on Térence; les Plines, l'oncle et Secundus, ne sembleraient avoir aujourd'hui que la langue vulgaire.

Ce qui vient à l'appui de mon jugement, c'est ce volume de la Nature de l’Ame, si riche en pensées et en paroles, que tu as publié. En le commençant par mon nom, tu as fait, merveilleuse faveur ! que ma renommée, qui ne pouvait grandir avec mes livres, se perpétuera grâce aux tiens. Et quel livre, bon Dieu ! quel magnifique ouvrage ! Dans une matière abstraite, un langage lumineux ; dans une proposition obscure, des développements pleins de clarté ; et à travers la sécheresse rebutante des syllogismes, toutes les fleurs d'une douce éloquence. Là, des termes nouveaux, parce qu'ils sont vieux; un style qui triompherait, mis en parallèle avec les écrits mêmes des anciens; et ce qui vaut mieux encore, une diction incisive, cadencée et coulante, riche de choses, pleine de pensées concises, laissant plus à entendre qu'elle ne dit. Autrefois, et à juste titre, on regardait comme le principal mérite dans l'éloquence de renfermer beaucoup de choses en peu de mots, et de chercher à remplir le sujet plutôt que la page.

Mais que dirai-je de ce que, dans tes livres, une gravité continuelle admet néanmoins une certaine grâce, et sème à propos une certaine douceur au milieu des choses sérieuses, pour recueillir soudainement en de voluptueuses retraites, comme dans une sorte de port, l'attention du lecteur fatiguée à travers toutes les richesses de la philosophie déployées avec abondance? O livre d'un mérite si vaste ! ô paroles d'un esprit non point médiocre, mais habile, et qui ne s'enflent point en flots d'exagérations hyperboliques, qui ne descendent pas non plus en figures basses et rampantes ! Ensuite, un savoir unique et rare, qui se révèle dans quelque sujet que ce soit, et qui a coutume de parler de chacun des arts avec chacun des artistes; qui même, au besoin, ne dédaigne pas de manier la lyre avec Orphée, le bâton avec Esculape, la baguette du géomètre avec Archimède, l'horoscope avec Euphrates, le compas avec Perdix, l'aplomb avec Vitruve ; qui ne se lasserait jamais d'interroger les temps avec Thaïes, les astres avec Atlas, les poids avec Zétus, les nombres avec Chrysippe, les mesures avec Euclide. Personne enfin, de nos jours, n'a su établir aussi bien ce qu'il s'est proposé de prouver. Quand il déploie sa science contre celui qu'il combat, il se montre, en fait de mœurs et d'études, égal aux auteurs de l'une et de l'autre langue. Il pense comme Pythagore, il divise comme Socrate, il explique comme Platon, il enveloppe comme Aristote, il flatte comme Eschine, il se passionne comme Démosthène, il est fleuri comme Hortensius, il s'enflamme comme Céthégus, il presse comme Curio, il temporise comme Fabius, il feint comme Crassus, il dissimule comme César, il conseille comme Caton, il dissuade comme, Appius, il persuade comme Tullius ; et pour en venir à une comparaison avec les saints Pères, il instruit comme Jérôme, il détruit comme Lactance, il établit comme Augustin, il s'élève comme Hilaire, il s'abaisse comme Jean, il reprend comme Basile, il console comme Grégoire, il est abondant comme Orose, il est serré comme Rufin, il narre comme Eusèbe, il touche comme Eucher, il presse comme Paulin, il se soutient comme Ambroise.

Maintenant, pour ton hymne, si tu me demandes ce que j'en pense, je la trouve d'un style incisif, abondant, plein de douceur, d'élévation, et, par l'aménité de la poésie, par la vérité historique, surpassant tous les dithyrambes possibles. Ce qu'elle a de particulier, c'est que, tout en conservant les pieds des mètres, les syllabes des pieds, les propriétés des syllabes, un vers pauvre par lui-même renferme dans ses justes limites de riches paroles, et que la brièveté de ce vers n'exclut pas la longueur d'un langage pompeux ; tellement il t'est facile, à toi, avec de petits trochées, avec des pyrrhiques plus petits encore, de dépasser non seulement les ternaires molossiques et anapestiques, mais aussi les quaternaires épitrites et péoniens. La grandeur de ton style s'élance au-delà des bornes étroites assignées par les règles; elle ressemble à une magnifique perle que peut enchâsser à peine un petit anneau d'or, et à l'ardeur d'un coursier généreux qui, s'il est retenu par le frein, quand il vole frémissant à travers des lieux âpres et difficiles, laisse comprendre que c'est l'espace qui lui manque, bien moins que l'élan. Qu'ajouter encore ? A mon avis, dans l'un et dans l'autre genre d'écrire, Athènes me semble moins attique, les Muses me paraissent moins harmonieuses, si toutefois un trop long repos ne m'a pas rendu incapable de porter un jugement. Car, tandis que, me couvrant du prétexte de la profession où l'on m'a jeté, j'aspire insensiblement à une nouvelle manière d'écrire, et que je m'éloigne à grands pas de mes anciennes habitudes littéraires, je n'ai plus rien d'un bon orateur, si ce n'est que j'ai commencé d'être poète pire encore. Ainsi, je te prie de m'excuser, si, me souvenant un peu qui je suis, je mêle plus rarement à ton fleuve mon ruisseau desséché. Le monde entier pourra bien à bon droit montrer de la vénération pour ta lyre ; il est certain que les accents en ont été doublement heureux, puisqu'elle n'a trouvé ni rival, ni concurrent, elle qui depuis longtemps, promenée aussi par moi, charmait les oreilles et les lèvres des peuples. Pour nous, c'est trop de hardiesse d'oser élever la voix auprès des orateurs de municipe et de chaire, ou bien des parleurs de tréteaux, qui même, cela soit dit sans offenser les gens de mérite, lorsqu'ils pérorent, et c'est bien la classe la plus nombreuse, s'occupent de lettres fort illettrées. Hais toi qui, soit que tu veuilles écrire en prose ou en vers, sais rendre des sons divers, tu ne seras imité que par le petit nombre des favoris d'Apollon. Adieu.

Committi, domine major, in necessitudinis jura pronuntias, cur quod ad salve tibi debitum spectat, a stylo et pugillaribus diu temperem, quodque deinceps nullas viantum volas me papyrus oneraverit, quae vos cultu sedulae sospitatis impertiat. Praeter aequum ista conjectas, si reare quemquam mortalium (cui tamen sermocinari latialiter cordi est) non pavere, cum in examen aurium tuarum, quippe scriptus adducitur: tuarum inquam aurium quarum peritiae, si me decursorum ad hoc aevi temporum praerogativa non obruat, nec Frontonianae gravitatis, aut ponderis Apuleiani flumen aequiparem: cui Varrones, vel Atacinus, vel Terentius, Plinii, vel avunculus, vel Secundus, compositi in praesentiarum rusticabuntur.

Astipulatur judicio meo volumen illud quod tute super statu animae rerum verborumque scientia divitissimus propalavisti. In quo dum ad meum nomen prooemiaris, hoc munus potissimum cepi, ut meae fama personae, quam operae pretium non erat, librorum suorum titulis inclarescere, tuorum beneficio perpetuaretur. At quod Deus magne, quantumque opus illud est, materia clausum, declamatione conspicuum, propositione obstructum, disputati one reseratum, et quanquam propter hamata syllogismorum puncta tribulosum, vernantis tamen eloquii flore mellitum. Nova ibi verba quia vetusta: quibusque collatus merito etiam antiquarum litterarum stylus antiquaretur: quodque pretiosius, tota illa dictio sic caesuratim succincta quod profluens: quam rebus amplam strictamque sententiis, sentias plus docere quam dicere. Denique et quondam nec injuria, haec principalis facundia computabatur, cui paucis multa cohibenti, curae fuit causam potius implere quam paginam.

At vero in libris tuis jam illud quale est, quod et teneritudinem quanquam continuata maturitas admittit, interseritque tempestivam censura dulcedinem, ut lectoris intentionem per eventilata disciplinarum philosophiae membra lassatam repente voluptuosis excessibus quasi quibusdam pelagi sui portubus foveat. O liber multifariam pollens! o eloquium non exilis, sed subtilis ingenii! quod nec per scaturigines hyperbolicas intumescit, nec per tapinomata depressa tenuatur! Ad hoc unica singularisque doctrina, et in diversarum rerum assertione monstrabilis, cui moris est de singulis artibus cum singulis artificibus philosophari, quaeque si fors exigit, tenere non abnuit cum Orpheo plectrum, cum Aesculapio baculum, cum Archimede radium, cum Euphrate horoscopium, cum Perdice circinum, cum Vitruvio perpendiculum; quaeque nunquam investigare destiterit, cum Thalete tempora, cum Atlante sidera, cum Zeto pondera, cum Chrysippo numeros, cum Euclide mensuras. Ad extremum nemo saeculo meo quae voluit, affirmare sic valuit. Siquidem dum se adversus eum quem contra loquitur, exsertat, morum ac studiorum linguae utriusque symbolam jure sibi vindicat. Sentit ut Pythagoras, dividit ut Socrates, explicat ut Plato, implicat ut Aristoteles, ut Eschines blanditur, ut Demosthenes irascitur, vernat ut Hortensius, ut Cethegus, incitat ut Curio, moratur ut Fabius, simulat ut Crassus, dissimulat ut Caesar, suadet ut Cato, dissuadet ut Appius, persuadet ut Tullius. Jam si ad sacrosanctos Patres pro comparatione veniatur, instruit ut Hieronymus, destruit ut Lactantius, astruit ut Augustinus, attollitur ut Hilarius, submittitur ut Joannes, ut Basilius corripit, ut Gregorius consolatur, ut Orosius affluit, ut Rufinus stringitur, ut Eusebius narrat, ut Eucherius sollicitat, ut Paulinus provocat, ut Ambrosius perseverat.

Jam vero de Hymno tuo si percunctere quid sentiam, commaticus est, copiosus, dulcis, elatus; et quoslibet lyricos dithyrambos amoenitate poetica et historica veritate supereminet. Idque tuum in illo peculiare, quod servatis metrorum pedibus, pedum syllabis, syllabarumque naturis intra spatii sui terminum, verba ditia versus pauper includit: nec arctati carminis brevitas longitudinem phalerati sermonis eliminat. Ita tibi facile factu est minutis trochaeis, minutioribusque pyrrichiis, non solum molossicas anapaesticasque ternarias, sed epitritorum etiam paeonumque quaternas supervenire juncturas. Excrescit amplitudo proloquii angustias regulares, et tanquam parvo auro grandis gemma vix capitur: emicatque ut equi potentis animositas, cui frementi si inter tesqua vel confraga frenorum lege teneatur, intelligis non tam cursum deesse quam campum. Quid multis? arbitro me in utroque genere dicendi, nec Athenae sic Atticae, nec Musae sic musicae judicabuntur, si modo mihi vel censendi copiam desidia longior non ademit. Nam dum impactae professionis obtentu novum scribendi morem gradatim appeto, et veterem saltuatim dedisco; de bono oratore nil amplius habeo quam quod malus poeta plus esse coepi. Proin, quaeso, delicti hujus mihi gratiam facias, quod aliquantisper mei meminens, arentem venulam rarius flumini tuo misceo. Tuam tubam totus qua patet orbis jure venerabitur: quam constat geminata felicitate cecinisse, quando nec aemulum reperit, nec aequalem, cum pridem aures et ora populorum, me etiam circumferente, pervagaretur. Nobis autem grandis audacia, si vel apud municipales et cathedrarios oratores, aut forenses rabulas garriamus: qui etiam cum perorant (salva pace potiorum), turba numerosior, illitteratissimis litteris vacant. Nam te, cui seu liberum seu ligatum placeat alternare sermonem, intonare ambifariam suppetit, pauci quos aequus amavit Juppiter, imitabuntur. Vale.

LETTRE IV.

EPISTOLA IV.

SIDONIUS A SON CHER SIMPLICIEN ET APOLLINARIS, SALUT.

Sidonius Simplicio et Apollinari suis salutem.

Voila enfin l'accomplissement de ma promesse et l'objet de votre attente, Faustinus, père de famille, d'une maison distinguée, et qui doit être compté parmi les plus grandes gloires d'une patrie commune à lui ainsi qu'à moi. Il est mon frère par l'égalité d'âge, mon ami par la ressemblance de goûts. Souvent avec lui j'ai partagé des occupations sérieuses, souvent nos jeux furent communs. Lorsque nous étions jeunes, jouer à la balle, aux dés, sauter, courir, chasser, nager, c'était là pour nous deux une lutte toujours sainte, parce qu'elle était toujours assaisonnée d'affection. A la vérité, Faustinus était mon aîné, mais jusque-là seulement que c'était moins un devoir pour moi de l'honorer, qu'un plaisir de l'imiter. Lui, de son côté, éprouvait plus de satisfaction à voir que je l'aimais plutôt que je ne le respectais. Mais, avec l'âge, et une fois qu'il fut entré dans la milice cléricale, l'amitié que j'avais eue pour lui jusque-là se changea en vénération. Je vous salue par lui, désirant, avec l'aide du Christ, vous voir au plus tôt, si les affaires publiques ne s'y opposent pas. C'est pourquoi, si ma demande ne vous semble point trop importune, veuillez, au retour de Faustinus, me faire connaître en quel lieu, à quelle époque je pourrai vous voir. J'ai le dessein de m'arracher aux embarras de mes occupations privées, et de donner le plus de temps possible à nos mutuels embrassements, pourvu toutefois, ce que j'appréhende fort aujourd'hui, qu'une force majeure ne vienne pas déranger mes dispositions. C'est une chose sur laquelle, vous aussi, vous ne devez pas dédaigner, suivant que les circonstances le conseilleront, de délibérer en commun avec le frère Faustinus ; parce que je l'aime, je l'ai envoyé comme un ami. S'il répond à mon attente, j'en suis très flatté. Or, comme c'est un homme que tout le monde estime, il doit être bon, pour ne pas dire excellent. Adieu.

Eccum, vel tandem adest promissio mea, exspectatio vestra, Faustinus paterfamilias domi nobilis, et inter maxima patriae, jam mihi sibique communis, ornamenta numerandus. Hic meus frater natalium parilitate, amicus animorum similitudine: saepe cum hoc seria, saepe etiam joca miscui, cumque ab hinc retro juvenes eramus, in pila, in tesseris, in saltibus, cursu, venatu, natatu, sancta semper ambobus, quia manente caritate, contentio. Mihi quidem major hic natu, tantum tamen, ut eum non tam honorari necesse esset, quam delectaret imitari: simul et ipse hinc amplius capiebatur, quod se diligi magis, quam quasi coli intelligebat. Sed provectu aetatis, ex militia clericali, cum esset amabilis prius, coepit modo esse venerabilis. Per hunc salutem dico, videre vos, sub ope Christi, quam maturissime, si per statum publicum liceat, cupiens. Quocirca nisi desiderium meum videtur onerosum, remeante praefato, fiam locorum vestrorum et temporum gnarus. Stat sententia eluctari oppositas privatarum occupationum difficultates; et complectendis pectoribus vestris quamlibet longum officium deputare: si tamen, quod etiam nunc veremur, non vis major disposita confundat: quae vos quoque non perindignum est cum fratre Faustino, prout tempora monent, tractatu communicato deliberare: quem ego quia diligo, tanquam qui me diligat, misi. Si respondet judicio meo, gratias ago. Porro autem, cum vir bonus ab omnibus censeatur, non est homo pejor, si non est optimus. Valete.

LETTRE V.

EPISTOLA V.

SIDONIUS A SON CHER FELIX, SALUT.

Sidonius Felici suo salutem.

C'est par le même messager que je vous adresse de nouvelles salutations. Votre Gozolas (plût à Dieu que je pusse le dire nôtre !) devient une seconde fois porteur de ma lettre. Epargnez-nous donc à tous deux une honte commune; car, si vous voulez encore garder le silence, tout le monde pensera que nous sommes indignes de vos égards, moi à qui vous devez écrire, lui par qui vous devez le Sure. Quant à l'état des affaires, je ne te demande plus, comme par le passé, où elles en sont ; je crains qu'il ne te soit trop pénible de m'annoncer des choses défavorables, vu que les événements ne prennent pas une marche prospère. Comme il ne te convient pas de donner de fausses nouvelles, et que tu n'as rien d'agréable à m'annoncer, j'évite, quel que soit le mal, d'en être informé par les gens de bien. Adieu.

Iterat portitorem salutationis iteratio. Gozolas vester, Deus tribuat ut noster, apicum meorum secundo gerulus efficitur. Igitur verecundiam utrique eximite communem. Nam si etiamnum silere meditemini, omnes et me cui, et illum per quem scribere debeatis, indignum arbitrabuntur. De temporum statu jam nihil, ut prius, consulo, ne sit moribus tuis oneri, si adversa significes, cum prospera non sequantur. Nam cum te non deceat falsa mandare, atque item desint votiva memoratu; fugio quidquid illud mali est, per bonorum indicia cognoscere. Vale.

LETTRE VI.

EPISTOLA VI

SIDONIUS A SON CHER APOLLINARIS, SALUT.

Sidonius Apollinari suo salutem.

Je vous avais informé par l'évêque Faustinus, qui ne m'est pas moins cher à cause de notre ancienne amitié, qu'à raison de son nouveau ministère, des précautions que vous auriez à prendre. Je vois avec plaisir que vous avez écouté mon avis. C'est la coutume des hommes sages d'éviter les dangers ; d'un autre côté, il est absurde, si l'événement contrarie une audacieuse entreprise, de se consumer en plaintes, et de rejeter sur les incertitudes des hasards l'issue fâcheuse d'un dessein malavisé. A quoi tend ceci? direz-vous. Je le confesse, j'ai trop appréhendé que, dans le temps même de la crainte générale, vous ne craignissiez rien ; que l'inébranlable sécurité d'une maison jusqu'ici ferme, n'eût à trembler d'une dévotion intempestive devant les incursions orageuses des ennemis, et qu'une solennité désirée ne commençât, dans le cœur sensible des matrones, à perdre de son prix. Au reste, la plus sincère piété s'est choisi dans leurs âmes une habitation si particulière, que, lors même qu'il fût arrivé quelque accident aux voyageurs, elles se fussent félicitées d'avoir souffert une sorte de martyre en l'honneur du saint Martyr. Mais moi, à qui moins de piété donne plus de défiance, je m'attache volontiers dans ce doute au parti le plus prudent, et je me range sans peine du côté de ceux qui craignent, même quand il n'y a rien à craindre. Par conséquent, il est fort heureux que vous ayez eu la sagesse de différer un voyage critique, et que vous n'ayez pas exposé aux chances d'un si grand hasard le sort d'une si grande famille. Et, quoique d'ailleurs le voyage commencé eût pu s'achever heureusement, je serais loin toutefois d'approuver une résolution dont la témérité ne pourrait être absoute que par un rare bonheur. Dieu donnera sans doute à nos vœux leur accomplissement, et nous pourrons, au milieu des agréments de la paix, nous rappeler encore ces terreurs; mais les circonstances présentes rendent prudents ceux que l'avenir trouvera pleins de sécurité.

Quant au moment, le porteur de ma lettre se plaint de ce que votre Génésius lui a causé quelque dommage. Si tu vois que la réclamation soit fondée, alors, je t'en prie, rends-lui justice, et congédie promptement un pèlerin. Mais s'il s'abandonne à une calomnie punissable, ce sera déjà un châtiment pour lui, accusateur effronté, d'avoir supporté les frais et la fatigue du voyage, les incommodités d'un procès témérairement engagé ; et cela, au plus fort de l'hiver, au milieu des neiges amoncelées et des glaces durcies, dans un temps qui, pour les plaideurs, n'est pas toujours sans doute bien long à l'audience, mais qui produit toujours de longues inimitiés. Adieu.

Per Faustinum antistitem, non minus mihi veteris contubernii sodalitate quam novae professionis communione devinctum, verbo quaepiam cavenda mandaveram: dicto paruisse vos gaudeo. Siquidem prudentibus cordicitus insitum est, vitare fortuita: sicut itidem absurdum est, si coeptis audacibus adversetur eventus, consurgere in querimonias, et inconsultarum dispositionum culpabiles exitus ad informanda casuum incerta convertere. Quorsum ista haec? ais. Fateor me nimis veritum, ne tempore timoris publici non timeretis, et solidae domus ad hoc aevi inconcussa securitas, ad tempestuosos hostium incursus pro intempestiva devotione trepidaret, inchoaretque apud animorum matronalium teneritudinem solemnitas expetita vilescere: quanquam in pectoribus earumdem ita sibi sit genuina sanctitas peculiare metata domicilium, ut si quid secus viantibus accidisset, laetaturae fuerint quoddam se pro martyre tolerasse martyrium. Ast ego cui majorem diffidentiam minor innocentia facit, super hoc ambiguo sententiae cautiori libentius adhaeresco, nec difficulter applicor etiam tuta metuentibus. Proinde factum bene est, quod anceps iter salubriter distulistis, neque intra jactum tantae aleae status tantae familiae fuit. Et licet inchoata via potuerit prosperari, ego tamen hujusmodi consilio album calculum minime apponam, cujus temeritas absolvi nequit, nisi beneficio felicitatis. Dabit quidem talia vota divinitas dignis successibus promoveri: licebitque adhuc horumce terrorum sub pacis amoenitate meminisse; sed praesentia faciunt cautos, quos videbunt futura securos.

Interim ad praesens, apicum oblator damna sibi quaepiam per Genesium vestrum inflicta suspirat. Si perspicis a vero non discrepare querimoniam, tribui quaeso convincenti reformationem, peregrino celeritatem. Si vero calumniam plectibili sufflammat invidia, in eo jam praecessit vindicta pulsati, quod procax petitor sumptu et itinere confectus, temere propositae litis exsudat incommoda: atque hoc in maximo hiemis accentu, summisque cumulis nivium, crustisque glacierum: quod tempus, quantum ad sectatores litium spectat, breve quidem saepe est audientiae, sed diuturnum semper injuriae. Vale.

LETTRE VII.

EPISTOLA VII.

SIDONIUS A SON CHER SIMPLICIUS, SALUT.

Sidonius Simplicio suo salutem.

Vous avertissez un homme qui court, a coutume de répondre celui qui est prié de faire ce qu'il aurait fait, lors même qu'on ne l'en eût pas prié. — Tu vas me demander peut-être à quoi tend ce début. Le porteur de ce billet me demande instamment que je lui donne une lettre pour vous ; lorsque j'ai su qu'il se préparait à partir, je me disposais à lui demander la même chose, ne m'en eût-il pas parlé. C'est l'amitié que j'ai pour vous, plutôt que la considération du porteur, qui m'a déterminé à lui faire ce plaisir. Au reste, cet homme pense avoir mérité un bon office, lui qui en rend un, quoique, du reste, il ait reçu ce qu'il demandait, sans rien savoir toutefois de l'amitié qui nous unit. Aussi, quoique absent, je me figure sans peine quelle sera tout-à-coup sa surprise, lorsque, grâce à moi, étant reçu avec bienveillance, il comprendra qu'il a eu moins de peine à me demander une lettre qu'il n'en a à la livrer. Il me semble déjà voir comment, pour cet homme qui n'est pas plaisant à l'excès, tout sera nouveau, lorsqu'on l'invitera, lui pèlerin, à loger dans la maison ; lui tout timide, à partager la causerie ; lui paysan, à se mêler dans la gaité commune ; lui pauvre, à s'asseoir à la table. Lui, qui a vécu ici parmi des gens gorgés d'ognons, régal souverain pour eux, il se verra traité avec autant de politesse que s'il se fût trouvé toujours au milieu des plus délicats Apicius et des plus habiles écuyers tranchants de Byzance. Quel qu'il soit, du reste, il m'a servi largement pour vous rendre un devoir qui m'est bien cher. Cependant, quoique lès gens de cette espèce aient souvent un extérieur méprisable ; en fait de commerce épistolaire entre amis, on supporterait de grandes privations, si l'on voulait, à cause du peu d'éducation des porteurs, ne pas saisir toutes les occasions favorables pour s'entretenir par lettres. Adieu.

Solet dicere, currentem mones, qui rogatur ut faciat quod facturus fuerat etiam non rogatus. Percunctere forsitan, quo spectet ista praemitti. Bajulus apicum sedulo precatur, ut ad vos a me litteras ferat: cujus a nobis itinere comperto, id ipsum erat utique, si tacuisset, orandus: namque hoc officium vester potius amor, quam geruli respectus elicuit. Caeterum hic ipse beneficium se computat meruisse, qui praestitit; quanquam identidem quod poposcit acceperit; sed quae nobis amicitiarum jura, minime agnoscens. Unde, quanquam absens, facile conjecto, quo repente stupore ferietur, cum intuitu nostri dignanter admissus, intellexerit se paginam meam magis otiose flagitasse quam tradere. Videre mihi videor, ut homini non usque ad invidiam perfaceto, nova erunt omnia, cum invitabitur peregrinus ad domicilium, trepidus ad colloquium, rusticus ad laetitiam, pauper ad mensam. Et cum apud crudos ceparumque crapulis esculentos hic agat vulgus, illic ea comitate tractabitur, ac si inter Apicios epulones et Byzantinos chironomontas hucusque ructaverit. Attamen qualis ipse quantusque est, percopiose me officii votivi compotem fecit.

Sed quanquam hujuscemodi saepe personae despicabiles sunt ferme, in sodalibus tamen per litteras excolendis, dispendii multum caritas sustinet, si ab usu frequentioris alloquii portitorum vilitate revocetur. Vale.

LETTRE VIII.

EPISTOLA VIII.

SIDONIUS A SON CHER EVODIUS, SALUT.

Sidonius Evodio suo salutem.

Lorsque ton courrier, en me remettant ta lettre, apprit à certains amis que, d'après les ordres du roi, tu allais partir pour Toulouse, nous aussi nous quittions la ville pour nous rendra à une campagne fort éloignée. Retardé une partie du matin, c'est il peine si je pus, à l'occasion de ta lettre, m'arracher à la foule empressée de ceux qui m'accompagnaient, et satisfaire à ta demande, en allant soit à pied, soit à cheval. Dès le point du jour, mes domestiques avaient pris les devants et devaient dresser la tente S la distance de dix-huit mille pas, dans un lieu très propre à faire halte. Une source d'eau fraîche y coule du haut d'une colline couverte de bois ; au-dessous est une plaine verdoyante ; devant vous se trouve une rivière remplie de poissons et d'oiseaux ; en outre, sur ses rives on aperçoit une maison neuve qui appartient à un ancien ami, dont l'amabilité, soit qu'on se rende ou non à ses invitations, ne connaît pas de bornes.

C'est là que mes gens nous attendaient ; nous avions suspendu notre départ, afin de renvoyer plus promptement ton domestique, tout au moins au sortir du bourg; la quatrième heure était déjà passée ; le soleil, déjà bien élevé, avait absorbé de ses rayons plus ardents l'humidité de la nuit ; la chaleur et la soif devenaient insupportables, et, sous un ciel parfaitement serein, nous n'avions d'autre abri contre les ardeurs du soleil qu'un nuage de poussière. L'étendue de la route, qui se déroulait à nos yeux à travers la verdoyante surface d'une plaine découverte, nous faisait gémir de ce que nous dînerions plus tard ; toutefois, dans cette traversée, c'était moins la fatigue qui nous brisait, que l'attente qui nous épouvantait. Tout ce préambule, seigneur frère, ne tend qu'à te prouver que je n'ai eu ni beaucoup de liberté de corps et d'esprit, ni beaucoup de loisir, pour satisfaire à ta demande.

Or donc, revenons au contenu de ta lettre. Après m'avoir salué, tu me pries de l'envoyer une épigramme en douze vers, qui puisse être gravée sur un large bassin fait en forme de conque, et qui a six cannelures du côté de chaque anse, depuis la roue du fond jusqu'à l'extrémité de la circonférence. Tu as dessein, je crois, d'inscrire chaque vers dans la cavité, ou mieux encore, si cela convient, sur la bosse de chaque cannelure, et d'offrir ce bassin travaillé avec tant d'art à la reine Ragnahilde, afin de te faire d'elle un secourable appui pour réussir dans tout ce que tu désireras et voudras entreprendre. Je réponds en quelque façon à ta demande, mais non pas comme je l'eusse souhaité. Pardonne le premier ta faute, puisque tu as accordé plus de temps à l'ouvrier qu'au poète, quand tu n'ignorais pas, certes, que dans la forge des hommes de lettres, les vers que produit l'enclume métrique ont besoin d'être polis avec une lime forte et mordante. Mais à quoi bon de telles observations ? Voici mes vers :

« Que la conque sur laquelle Triton porte Cythérée et fend les flots, le cède à celle-ci en la voyant. Nous t'en prions, descends un peu du haut de ta grandeur, et reçois, puissante reine, ce petit présent. Ne dédaigne pas de prendre Evodius sous ton patronage ; son élévation rehaussera ta gloire. Puisses-tu, toi dont le père, le beau-père et l'époux sont assis sur le trône, voir aussi ton fils régner avec son père et après son père ! Ondes heureuses, renfermées dans ce brillant métal, les traits de notre souveraine sont plus brillants que vous ! car, lorsqu'elle daigne se mouiller ici le visage, la blancheur de son teint est réfléchie par l'argent. »

Si tu m'aimes assez pour accueillir cette bagatelle, ne nomme point l'auteur ; tout n'ira que mieux si l'on t'attribue ces vers ; car, dans ce forum, ou dans cet athénée, on admirera moins l'inscription que l'objet sur lequel elle est gravée. Adieu.

Cum tabellarius mihi litteras tuas reddidit, qui te Tolosam, rege mandante, mox profecturus certis amicis confitebatur; nos quoque ex oppido longe remotum rus petebamus. Me quidem mane primo remoratum, vix e tenaci caterva prosecutorum paginae tuae occasio excussit, ut satisfacere mandato saltim viator, saltim eques possem. Caeterum diluculo familia praecesserat, ad duodeviginti millia passuum fixura tentorium, quo quidem loci sarcinulis relaxandis multa succedunt conducibilia: fons gelidus in colle nemoroso, subditus ager herbis abundans, fluvius ante oculos avibus ac pisce multo refertus: praeter haec junctam habens ripae domum novam vetus amicus, cujus immensae humanitati, nec si acquiescas, nec si recuses, modum ponas.

Igitur huc nostris antecedentibus, cum tui causa substitissemus, quo puer ocius vel e capite vici remitteretur, jam duae secundae facile processerant, jam sol adultus roscidae noctis humorem radio crescente sorbuerat, aestus ac sitis invalescebant, atque in profunda serenitate contra calorem sola quae tegeret nebula de pulvere. Tum longinquitas viae, per virens aequor campi patentis exposita visentibus, quippe ob hoc ipsum sero pransuris, ingemebatur: nam viaturos et si nondum terebat labore, jam tamen exspectatione terrebat. Quae cuncta praemissa, domine frater, huc tendunt, ut tibi probem, neque animo vacasse me multum, neque corpore, neque tempore, quo postulatis obtemperavi.

Ilicet ut ad epistolae vestrae tenorem jam revertamur, post verba quae primum salve ferebant, hoc poposcisti, ut epigramma transmitterem duodecim versibus terminatum, quod possit aptari conchae capaci, quae per ansarum latus utrumque in extremum gyri a rota fundi senis cavatur striaturis. Quarum puto destinas vel ventribus pandis singulos versus, vel curvis, meliore consilio, si id magis deceat, capitibus inscribere: istoque cultu expolitam reginae Ragnahildae disponis offerre, votis nimirum tuis pariter atque actibus patrocinium invictum praeparaturus. Famulor injunctis quomodocunque, non ut volebam: sed tuae culpae primus ignosce, qui spatii plus praestitisti argentario quam poetae; cum procul dubio non te lateret, intra officinam litteratorum carminis si quid incus metrica produxerit, non minus forti et asprata lima poliri. Sed ista vel similia quorsum? ecce jam canta.

Pistrigero quae concha vehit Tritone Cytheren,
Hac sibi collata cedere non dubitet.
Poscimus, inclina paulisper culmen herile:
Et munus parvum magna patrona cape.
Evodiumque libens non aspernare clientem,
Quem faciens grandem, tu quoque major eris.
Sic tibi, cui rex est genitor, socer atque maritus
Natus rex quoque sit cum patre, postque patrem,
Felices lymphae, clausae quae luce metalli,
Ora tamen dominae lucidiora fovent.
Nam cum dignatur regina hic tingere vultus,
Candor in argentum mittitur e facie.

Si tantum amore nostro teneris, ut scribere has nugas non erubescas occure auctorem, de tua rectius parte securus. Namque in foro tali, sive Athenaeo, plus charta vestra quam nostra scriptura laudabitur.

LETTRE IX.

EPISTOLA IX.

SIDONIUS A SON CHER INDUSTRIUS, SALUT.

Sidonius Industrio suo salutem.

J'ai visité dernièrement Vectius, illustre personnage, et j'ai observé à fond et comme à loisir ses actions de chaque jour. Puisqu'elles m'ont paru dignes d'être étudiées, je crois aussi qu'elles ne sont pas indignes d'être racontées. Et d'abord, ce que nous louerons avant tout, c'est que sa maison, pareille au maître, se recommande par une conduite irréprochable : les esclaves sont laborieux ; les vassaux, pleins de condescendance, honnêtes, dévoués, obéissants et satisfaits de leur patron. La table est ouverte à l'étranger comme au client ; on trouve là une grande politesse, et une sobriété plus grande encore. Ce qui est moins important, celui dont nous parlons ne le cède à personne pour élever des chevaux, dresser des chiens, porter les faucons. Une grande propreté dans les vêtements, de la recherche dans les ceintures, de l'éclat dans les caparaçons ; de la noblesse dans l'allure, du sérieux dans l'esprit. De ces deux choses, l'une lui attire la considération publique; l'autre lui prête de la dignité dans son intérieur. Une indulgence qui ne gâte pas, des réprimandes qui n'ensanglantent pas; une sévérité ménagée qui n'est point odieuse, mais austère. Et puis encore, la lecture fréquente des volumes sacrés, lecture qui, plus d'une fois, sert pendant ses repas à nourrir son âme. Vectius lit souvent les psaumes, les chante plus souvent encore, et, par une nouvelle manière de vivre, il retrace un moine parfait, non point sous le manteau, mais sous le paludamentum. Il ne mange pas de la chair des bêtes sauvages, et cependant il consent à les poursuivre ; ainsi, cet homme religieux use de la chasse en secret et en amateur, sans manger du gibier. Une fille unique, petite encore à la mort de sa mère, fait la consolation de son veuvage, et il l'élève avec une tendresse d'aïeul, avec des soins de mère, avec une bonté de père. Envers ses domestiques, il n'use point de termes menaçants quand il leur parle, il ne dédaigne point d'adopter leurs conseils, et ne s'obstine point à chercher l'auteur d'une faute. Ses inférieurs, ce n'est pas par l'autorité, mais par la raison qu'il les gouverne; on dirait qu'il est bien moins le maître que l'administrateur de sa propre maison. En voyant la sagesse et la modération de cet homme, j'ai pensé que ce serait chose utile pour l'instruction de tant d'autres, que de donner un aperçu d'une pareille vie. Outre les personnes revêtues d'un habit sous lequel on en impose parfois au siècle présent, tous les hommes de notre profession pourraient être puissamment excités à suivre cet exemple ; car, cela soit dit sans offenser ceux de mon ordre, si chaque individu montrait autant de bonnes qualités que celui-ci, j'admirerais plus un aspirant au sacerdoce qu'un prêtre lui-même. Adieu.

Interveni proxime Vectio, illustri viro, et actiones ejus quotidianas penitissime et veluti ex otio inspexi. Quas quoniam dignas cognitu inveni, non indignas relatu existimavi. Primore loco, quod jure caeteris laudibus anteponemus, servat illaesam domino domus par pudicitiam: servi utiles, rustici morigeri, urbani, amici, obedientes, patronoque contenti; mensa non minus pascens hospitem quam clientem; humanitas grandis, grandiorque sobrietas. Illa leviora, quod ipse quem loquimur, in equis, canibus, accipitribus instituendis, spectandis, circumferendis, nulli secundus. Summus nitor in vestibus, cultus in singulis, splendor in phaleris; pomposus incessus, animus serius; iste publicam fidem, ille privatam asserit dignitatem; remissio non vitians, correptio non cruentans, et severitas ejus temperamenti, quae non sit tetra, sed tetrica. Inter haec sacrorum voluminum lectio frequens; per quam inter edendum saepius sumit animae cibum; psalmos crebro lectitat, crebrius cantat, novoque genere vivendi, monachum complet, non sub palliolo, sed sub paludamento, ferarum carnibus abstinet, cursibus acquiescit: itaque occulte delicateque religiosus venatu utitur, nec utitur venatione. Filiam unicam parvam, post obitum uxoris relictam, solatio caelibatus alit avita teneritudine, materna diligentia, paterna benignitate. Erga familiam suam nec in proferendo alloquio minax, nec in admittendo concilio spernax, nec in reatu investigando persequax, subjectorum statum conditionemque non dominio, sed judicio regit: putes eum domum propriam non possidere, sed potius administrare. Qua industria viri ac temperantia inspecta, ad reliquorum quoque censui pertinere informationem, si vel summo tenus vita caeteris talis publicaretur. Ad quam sequendam, praeter habitum quo interim praesenti saeculo imponitur, omnes nostrae professionis homines utilissime incitarentur. Quia, quod pace ordinis mei dixerim, si tantum bona singula in singulis erunt, plus ego admiror sacerdotalem virum quam sacerdotem. Vale.

LETTRE X.

EPISTOLA X.

SIDONIUS A SON CHER FELIX, SALUT.

Sidonius Felici suo salutem.

Je vous adresse des salutations bien tardives, mon illustre seigneur, moi qui n'en ai pas reçu de vous depuis plusieurs années, et qui n'osais pas écrire aussi souvent que par le passé, depuis que, relégué loin du sol de la patrie, j'ai souffert les malheurs de l'exil. C'est pourquoi vous devez me pardonner, si je rougis ; car il convient que des hommes humiliés prennent une humble contenance, et ne se permettent plus la même familiarité avec ceux pour lesquels il serait mal peut-être d'avoir plus d'affection que de respect. Aussi, voilà bien longtemps que je me tais, et j'ai vu avec plus de résignation que de plaisir que vous avez gardé le silence, vous, quand mon fils Héliodore est venu ici. Hais tu avais coutume de dire, quoique en plaisantant, que tu redoutais mon éloquence : cette excuse, eût-elle été fondée, n'était pas de saison ; car, après avoir achevé un livre un peu élégamment, j'emploie pour les autres lettres le langage usuel, quoique mon langage poli ne vaille guère mieux. Est-ce bien la peine, après tout, de donner tant de soins à des choses qui ne verront pas le jour ? Au reste, si tu veux reprendre encore le cours de nos anciennes causeries avec ton amitié ordinaire, nous aussi nous reviendrons à notre vieille loquacité. De plus, pourvu que le Christ soit mon guide, en quelque lieu que vous vous trouviez, si mon patron, de retour, veut me le permettre, j'y volerai pour que mes actions raniment une amitié qu'un silence trop prolongé avait laissée s'engourdir. Adieu.

Erumpo in salutationem licet seram, domine meus, annis ipse jam multis insalutatus; frequentiam veteris officii servare non audens, post quam me soli patrii finibus eliminatum peregrinationis adversa fregerunt. Quapropter ignoscere vos quoque decet erubescentibus: siquidem convenit humiliatos humilia sectari, neque cum illis parem familiaritatis tenere constantiam, quibus forte sit improbum plus amoris quam reverentiae impendere. Propter hoc denique jam diu taceo, vosque tacuisse, cum filius meus Heliodorus huc venit, magis toleranter quam libenter accepi: sed dicere solebas, quanquam fatigans, quod meam quasi facundiam vererere. Excusatio ista haec, etiam si fuisset vera, transierat: quia post terminatum libellum qui parum cultior est, reliquas denuo litteras usuali, licet accuratus mihi melior non sit, sermone contexo. Non enim tanti est poliri formulas editione carituras. Caeterum si caritatis tuae morem pristino colloquiorum cursui reddis, et nos vetustae loquacitatis orbitas recurremus. Praeter haec avide, praevio Christo, sicubi locorum fueritis, modo redux patronus indulgeat, advolaturi, ut rebus amicitia vegetetur, quae verbis infrequentata torpuerat. Vale.

LETTRE XI.

EPISTOLA XI.

SIDONIUS A SON CHER PETREIUS, SALUT.

Sidonius Petreio suo salutem.

Je suis désolé de la perte que vient de faire notre siècle par la mort toute récente de ton oncle Claudien, enlevé à nos yeux qui ne verront plus désormais, je le crains, aucun homme pareil. Il était, en effet, plein de sagesse et de prudence, docte, éloquent, ingénieux, et le plus spirituel des hommes de son temps, de son pays, de sa nation ; il fut toujours philosophe, sans jamais offenser la religion ; et, quoiqu'il ne s'amusât point à faire croître ses cheveux ni sa barbe, quoiqu'il se moquât du manteau et du bâton des philosophes, quoiqu'il allât même quelquefois jusqu'à les détester, il ne se séparait cependant que par l'extérieur et la foi de ses amis les Platoniciens. Bon Dieu ! quelle fortune toutes les fois que nous nous rendions auprès de lui pour le consulter ! Comme tout-à-coup il se donnait tout entier à tous, sans hésitation et sans dédain, trouvant son plus grand plaisir à ouvrir les trésors de sa science, lorsqu'on venait à rencontrer les difficultés de quelque question insoluble ! Alors, si nous étions assis en grand nombre auprès de lui, il nous imposait à tous le devoir d'écouter, n'accordant qu'à un seul, celui que peut-être nous eussions choisi nous-mêmes, le droit de parler; puis, il nous exposait les richesses de sa doctrine, lentement, successivement, dans une ordre parfait, sans le moindre artifice de geste ni de langage. Dès qu'il avait parlé, nous lui opposions nos objections en syllogismes ; mais il réfutait toutes les propositions hasardées de chacun ; et ainsi, rien n'était admis sans avoir été mûrement examiné et démontré. Mais, ce qui excitait en nous le plus grand respect, c'est que toujours il supportait, sans la moindre humeur, la paresseuse obstination de quelques-uns ; c'était à ses yeux un tort excusable, et nous admirions sa patience sans savoir l'imiter. Qui aurait pu craindre de consulter, sur les questions difficiles, un homme qui ne se refusait à aucune discussion, ne repoussait aucune question, pas même de la part de gens idiots et ignorants?

C'en est assez sur ses études et sa science; mais qui pourrait louer dignement et convenablement les autres vertus de cet homme qui, se souvenant toujours des faiblesses de l'humanité, assistait les clercs de son travail, le peuple de ses discours, les affligés de ses exhortations, les délaissés de ses consolations, les prisonniers de son argent ; ceux qui avaient faim, en leur donnant à manger ; ceux qui étaient nus, en les couvrant de vêtements ? Il serait, je pense, également superflu d'en dire davantage à ce sujet ; car les vertus dont il avait orné et enrichi sa conscience, pauvre qu'il était des biens terrestres, il s'étudiait soigneusement à les cacher, dans l'espoir de la rétribution future. Tout plein d'affectueux égards pour son frère aîné qui était évêque, il le chérissait comme un fils, et le vénérait comme un père. Celui-ci, à son tour, l'environnait de la plus haute considération, trouvant en lui un conseiller dans les jugements, un collaborateur dans ses églises, on procurateur dans ses affaires, un métayer dans ses domaines, un collecteur pour ses tributs, un compagnon dans ses lectures, un interprète dans ses explications, un ami dans ses voyages. C'est ainsi que tous deux, par une admirable rivalité, se rendaient les devoirs d'une confiance, d'une fraternité réciproque. Mais pourquoi, loin de calmer notre douleur, ne fais-je que la nourrir davantage ?

Ainsi donc, et nous avions voulu le dire d'abord, nous avons, en l'honneur de cette cendre ingrate, comme parle Virgile, c'est-à-dire, qui ne saurait nous rendre grâces, composé une triste et lamentable complainte, non sans beaucoup de peine, car n'ayant rien dicté depuis longtemps, nous y avons trouvé plus de difficulté; toutefois, notre esprit naturellement paresseux a été ranimé par une douleur qui avait besoin de se répandre en larmes. Voici donc ces vers:

« La gloire et la douleur de son frère Mamert, l'unique pompe des évêques qui l'admiraient, sous ce gazon repose Claudianus. En ce maître brilla une triple science, celle de Rome, celle d'Athènes et celle du Christ ; et dans la vigueur de son âge, simple moine, il l'avait conquise tout entière et en secret. Orateur, dialecticien, poète, savant docteur dans les livres sacrés, géomètre et musicien, il excellait à délier les nœuds des questions les plus difficiles, et à frapper du glaive de la parole les sectes qui attaquaient la foi catholique. Habile à moduler les psaumes et à chanter, en présence des autels et à la grande reconnaissance de son frère, il enseigna à faire résonner les instruments de musique ; il régla, pour les fêtes solennelles de l'année, ce qui devait être lu en chaque circonstance. Il fut prêtre du second ordre, et soulagea son frère du fardeau de l'épiscopat ; car celui-ci en portait les insignes, et lui tout le travail. Toi donc, ami lecteur, qui t'affliges comme s'il ne restait plus rien d'un tel homme, qui que tu sois, cesse d'arroser de larmes tes joues et ce marbre ; la gloire et le génie ne sauraient être ensevelis dans un tombeau. »

Voilà les vers que j'ai gravés sur les restes de celui qui fut notre frère à tous. Car j'étais absent lors de ses funérailles, et je n'ai pas néanmoins pour cela perdu entièrement l'occasion si désirée de pleurer. En effet, pendant que, l'âme trop pleine, j'étais à méditer, j'ai donné libre cours à mes pleurs, et j'ai fait sur l’épitaphe ce que d'autres ont fait sur le tombeau. Mous t'avons écrit ceci, de peur que tu n'allasses croire, par hasard, que nous cultivons seulement l'amitié des vivants, et que nous ne fussions coupable à ton jugement, si nous ne nous rappelions toujours les amis défunts, comme ceux qui sont pleins de santé. Et certes, de ce que l'on garde à peine un faible souvenir même des vivants, tu pourrais conclure sans témérité qu'il est très peu de gens qui aiment les morts ! Adieu.

Angit me nimis damnum saeculi mei, nuper erepto avunculo tuo Claudiano oculis nostris, ambigo an quempiam deinceps parem conspicaturis. Vir siquidem fuit providus, prudens, doctus, eloquens, acer, et hominum aevi, loci, populi sui ingeniosissimus: quique indesinenter salva religione philosopharetur; et licet crinem barbamque non pasceret, pallium et clavam nunc irrideret, nunc etiam exsecraretur, a collegio tamen complatonicorum solo habitu ac fide dissociabatur. Deus bone! quid erat illud, quotiens ad eum sola consultationis gratia conveniebamus? Quam ille omnibus statim totum non dubitans, non fastidiens aperiebat? voluptuosissimum reputans, si forte oborta quarumpiam quaestionum insolubilitate labyrinthica scientiae suae thesauri eventilarentur. Jam si frequentes consederamus, officium audiendi omnibus, uni solum quem forsitan elegissemus, deputans jus loquendi: viritim, vicissimque, non tumultuatim, nec sine schematis cujuspiam gestu artificioso doctrinae suae opes erogaturus. Dein quaecunque dixisset, protinus reluctantium syllogismorum contrarietatibus excipiebamus. Sed repellebat omnium nostrum temerarias oppositiones. Itaque nihil non perpensum probatumque recipiebatur. Hinc etiam illi apud nos maxima reverentia fuit, quod non satis ferebat aegre pigram in quibuspiam sequacitatem. Haec apud eum culpa veniabilis erat: quo fiebat, esset ut nobis patientia ejusdem sine imitatione laudabilis. Quis enim virum super abditis consuleret invitus, a cujus disputationis communione ne idiotarum quidem imperitorumque sciscitatio repudiaretur?

Haec pauca de studiis. Caeterum caetera quis competenti praeconio extollat? quod conditionis humanae per omnia memor, clericos opere, sermone populares, exhortatione moerentes, destitutos solatio, captivos pretio, jejunos cibo, nudos operimento consolabatur. Pariter et super his plura replicare superforaneum statuo. Nam merita sua, quibus divitem conscientiam censu pauperatus locupletavit, spe futurae retributionis celare plus studuit. Episcopum fratrem majorem natu affectuosissime observans, quem diligebat ut filium, cum tanquam patrem veneraretur. Sed et ille suspiciebat hunc granditer, habens in eo consiliarium in judiciis, vicarium in ecclesiis, procuratorem in negotiis, villicum in praediis, tabularium in tributis, in lectionibus comitem, in expositionibus interpretem, in itineribus contubernalem. Sic utrique ab alterutro, usque ad invidiam exempli, matura fide germanitatis officia restituebantur. Sed quid dolorem nostrum moderaturi causis potius doloris fomenta sufficimus?

Igitur ut dicere institueramus, huic jam, ut est illud Maronianum, cineri ingrato, id est gratiam non relaturo, naeniam condidimus tristem luctuosamque, propemodum laboriose, quia faceret dictandi desuetudo difficultatem: nisi quod animum natura desidiosissimum, dolor fletu gravidus accendit. Ejus hoc carmen est.

Germani decus et dolor Mamerti,
Mirantum unica pompa episcoporum,
Hoc dat cespite membra Claudianus.
Triplex bibliotheca quo magistro
Romana, Attica, Christiana fulsit:
Quam totam monachus virente in aevo
Secreta bibit institutione.
Orator, dialecticus, poeta,

Tractator, geometra, musicusque.

Doctus solvere vincla quaestionum,
Et verbis gladio secare sectas,
Si quae catholicam fidem lacessunt.
Psalmorum hic modulator et phonascus,
Ante altaria, fratre gratulante,
Instructas docuit sonare classes.
Hic solemnibus annuis paravit,
Quae quo tempore lecta convenirent.
 Antistes fuit ordine in secundo,
Fratrem fasce levans episcopan.
Nam de pontificis tenore summi,
Ille insignia sumpsit, hic laborem.
At ut quisque doles, amice lector,
De tanto quasi nil viro supersit,
Udis parce genis rigare marmor;
Mens et gloria non queunt humari.

Ecce quod carmen, cum primum adfui, super unanimi fratris ossa conscripsi. Namque tunc abfui cum funeraretur; nec ob hoc tamen perdidi in totum desideratissimam flendi occasionem. Nam dum forte meditarer, lacrymis habenas anima parturiente laxavi: fecique ad epitaphium, quod alii fecerant ad sepulcrum. Haec ergo scripsimus tibi, ne forte arbitrarere solam nos colere vivorum sodalitatem, reique tuo judicio essemus, nisi amicorum vita carentum semper, aeque ut incolumium, reminisceremur. Namque et ex hoc, quod vix reservatur imaginaria fides vel superstitibus, non praeter aequum opinabere, si perpaucos esse conjicias, qui mortuos ament. Vale.

LETTRE XII.

EPISTOLA XII.

SIDONIUS A SON CHER SIMPLICIUS ET APOLLINARIS, SALUT.

Sidonius Simplicio et Apollinari suis salutem.

Bon Dieu ! combien le mouvement des esprits est semblable à une mer orageuse, puisque des nouvelles affligeantes le bouleversent par sa propre tempête en quelque sorte ! Dernièrement, mon fils et moi, nous analysions les fines railleries de l’Hecyra de Térence. J'étais auprès de mon élève, me souvenant de la nature, et oubliant ma profession : Pour lui faire suivre avec plus de facilité les rythmes comiques, j'avais dans mes mains une fable sur le même sujet, c'est-à-dire, l’Epitreponte de Ménandre. Nous lisions l'un et l'autre, nous admirions, nous plaisantions ; ce qui entre dans nos vœux respectifs, il était charmé de la lecture, et moi je l'étais de lui. Voilà que tout-à-coup un domestique se présente, le visage inquiet. — Nous alors : Qu'est-ce donc ? — Et lui : J'ai vu à la porte le lecteur Constant revenant de chez les seigneurs Simplicius et Apollinaris ; il a, dit-il, donné votre lettre, mais il a perdu celle qu'on lui a remise pour vous. A ces mots, la sérénité de ma joie se troubla aussitôt sous le nuage du chagrin, et la contrariété de cette nouvelle alluma si fort ma bile, que, durant plusieurs jours, je défendis impitoyablement qu'on laissât paraître à mes yeux cette stupide souche, ne pouvant lui pardonner s'il ne me rendait pas toutes les lettres, quelles qu'elles fussent et de quelque part qu'elles vinssent. Je ne parle point des vôtres, puisque, tant que j'aurai quelque ombre de sens, elles me sembleront d'autant plus désirables qu'elles seront moins fréquentes. Mais une fois que ma colère se fut un peu calmée avec le temps, je lui demandai s'il n'avait pas à me donner des détails de vive voix ? Lui, quoique tout agité, tout confus, balbutiant au souvenir de sa faute, et les yeux troublés, il répondit que tous les détails capables de m'instruire ou de me charmer étaient contenus dans la lettre qui s'était perdue.

Ainsi donc, recourez à vos tablettes, déployez vos membranes, écrivez de nouveau ce que vous aviez écrit. Je supporterai avec patience l'incident qui m'a privé de l'objet de mes désirs, jusqu'à ce que ma lettre, parvenue vers vous, puisse vous apprendre que la vôtre ne m'est point parvenue. Adieu.

Deus bone! quantum naufragioso pelago conformis est motus animorum, quippe cum nuntiorum turbinibus adversis quasi propria tempestate confunditur. Nuper ego filiusque communis Terentianae Hecyrae sales ruminabamus: studenti assidebam naturae meminens, et professionis oblitus. Quoque absolutius rhythmos comicos incitata docilitate sequeretur, ipse etiam fabulam similis argumenti, id est, Epitrepontem Menandri in manibus habebam. Legebamus pariter, laudabamus, jocabamurque: et quae vota sunt communia, illum lectio, me ille capiebat; cum repente puer familiaris astitit vultuosus: cui nos, quid ita? et ille lectorem, inquit, Constantem nomine pro foribus vidi a dominis Simplicio et Apollinare redeuntem; dedit, inquit, litteras quas acceperat, sed perdidit quas recepit. Quibus agnitis, serenitas laetitiae meae confestim nubilo superducti moeroris insorduit; tantamque mihi bilem nuntii hujusce contrarietas excitavit; ut per plurimos dies illum ipsum hermam stolidissimum venire ante oculos meos inexoratus arcuerim; laturus aegre, si mihi apices, aut quoscunque, aut quorumcunque non redderet; taceam vestros, qui mihi, dum recti compos animus durat, minime frequentes maxime desiderabiles judicabuntur. At postquam nostra sensim temporis intervallo ira defremuit, percontor num verbo quispiam praeterea detulisset. Respondit ipse, quanquam esset trepidus et sternax, et prae reatu balbutiret ore, caecutiret intuitu, totum quo instrui, quo delectari valerem, paginis quae intercidissent, fuisse mandatum.

Quocirca recurrite ad pugillares, replicate membranas, et scripta rescribite. Tandiu enim aequanimiter admitto, ut desiderio meo sinister eventus officiat, donec ad vos nostro sermone perveniat, ad nos vestrum non pervenisse sermonem, Valete.

LETTRE XIII.

EPISTOLA XIII.

SIDONIUS A SON CHER VECTIUS, SALUT.

Sidonius Vectio suo salutem.

Dernièrement, à la prière de Germanicus, homme recommandable, j'ai visité l'église de Cantèle. Il tient sans contredit le premier rang parmi ses concitoyens, et quoiqu'il ait déjà vu passer derrière lui douze lustres chaque jour néanmoins, par son extérieur et sa mine affectée, non seulement il rajeunit, mais encore il semble en quelque sorte redevenir enfant. Son habit est serré, son cothurne bien tiré ; ses cheveux sont taillés en forme de roue ; sa barbe est coupée jusqu'à la superficie de la peau avec des ciseaux fins enfoncés entre ses rides. De plus, par une faveur d'en haut, les jointures de ses membres sont fermes, sa vue est parfaite, sa démarche est rapide, et ses dents, toujours blanches comme le lait, tiennent à des gencives intactes encore. Son estomac n'éprouve point de nausée, son sang ne s'enflamme point, son cœur n'est sujet à aucune palpitation, ses poumons n'ont point la respiration gênée, ses épaules sont encore souples, son foie ne s'enfle pas, sa main est toujours ferme, son dos n'est point courbé; Germanicus, doué d'une santé de jeune homme, ne tient de la vieillesse que le respect dû à cet âge. A cause de ces faveurs spéciales de Dieu, je te prie et t'avertis, puisque vous êtes liés d'une si étroite amitié, comme voisins, d'obtenir par tes conseils, car ta grande vertu est une invitation puissante à les suivre, qu'il ne compte pas beaucoup sur des choses équivoques, et qu'il n'en croie pas trop à une trop grande vigueur; mais qu'embrassant enfin une vie religieuse, il reprenne plutôt des forces dans une innocence nouvelle; vieux par les ans, qu'il devienne jeune par les vertus ; et, comme il n'est presque personne qui n'ait à se reprocher quelques fautes secrètes, qu'il expie par une satisfaction publique les péchés secrets qu'il peut se souvenir d'avoir commis: car, père d'un prêtre, fils d'un pontife, s'il n'est saint, il ressemble à un buisson qui, né des roses, produisant des roses, et tenant le milieu entre les fleurs qu'il a produites et celles qui l'ont produit, est environné d'épines dont on peut comparer la blessure à celle que fait le péché.

Nuper rogatu Germanici spectabilis viri Cantillensem ecclesiam inspexi. Est ipse loco sitorum facile primus; quique post tergum cum jam duodecim lustra transmittat, quotidie tamen habitu cultuque conspicuo non juvenescit solum, sed quodammodo repuerascit. Enim vero vestis astricta, tensus cothurnus, crinis in rotae specimen accisus, barba intra rugarum latebras mersis ad cutem secta forpicibus; ad hoc et munere superno membrorum solida conjunctio, integer visus, amplus in celeri gressus incessu, incorruptae lactea dentium compage gingivae. Non illi stomachus nauseat, non vena flammatur, non cor incutitur, non pulmo suspirat, non riget lumbus, non jecur turget, non mollescit manus, non spina curvatur; sed praeditus sanitate juvenili, solam sibi vindicat de senectute reverentiam. Propter quae beneficia peculiaria Dei, quoniam vobis jura amicitiae grandia vigent, quippe vicinis; obsecro ac moneo ut consilio tuo, cui sequendo per conscientiam magnam maximam tribuis auctoritatem, non multum fidat ambiguis, nec nimis nimiae credat incolumitati: sed tandem professione religionis arrepta, viribus potius resurgentis innocentiae convalescat, faciat se vetustus annis meritis novum. Et quoniam nemo ferme est qui plectibilibus careat occultis, ipse super his quae clam commissa reminiscitur, palam fusa satisfactione solvatur. Nam sacerdotis pater, filiusque pontificis, nisi sanctus est, rubo similis efficitur; quem de rosis natum, rosasque parientem, et genitis gignentibusque floribus medium, pungentibus comparanda peccatis dumorum vallat asperitas.

LETTRE XIV.

EPISTOLA XIV.

SIDONIUS A SON CHER POLEMIUS, SALUT.

Sidonius Polemio suo salutem.

C. Tacite, l'un de tes ancêtres, consulaire du temps des Ulpiens, rapporte dans son histoire qu'un général germain disait : D'intimes rapports m'unissent depuis longtemps à Vespasien, et quand il était homme privé, on nous appelait amis. Que signifie ce préambule, diras-tu ? —C'est pour te faire souvenir que, dans les temps où tu remplis une charge publique, tu dois te rappeler toujours tes affections d'homme privé. Il y a deux ans bientôt que tu as été nommé préfet du prétoire des Gaules ; nous en sommes joyeux, non point à cause de ta nouvelle dignité, mais à cause de notre ancienne amitié. Nous verrions avec peine ton élévation, si les malheurs de l'empire nous le permettaient, et si chaque particulier, je ne dirai pas chaque province, n'était par toi comblé de bienfaits divers. Nais aujourd'hui que l'on aurait honte de te demander ce que tu ne peux plus accorder, dis-moi, je te prie, quelle humanité tu montrerais dans tes actions, toi qui es si avare de paroles ? Comparé à tes aïeux, non seulement tu peux surpasser Tacite comme orateur, mais encore Ausone comme poète. Si ta nouvelle charge t'a soudainement rendu fier, toi qui jusqu'ici avais été fidèle disciple de la philosophie, sache que nous aussi nous avons eu quelque crédit et quelque gloire.

Mais si l'humilité de notre profession te semble méprisable, parce que nous découvrons au Christ, seul médecin des âmes et des maux d'ici-bas, les plaies hideuses des consciences malades, sache que les hommes de notre ordre, dominés peut-être encore par un peu de négligence, ont déposé néanmoins toute espèce d'orgueil, et qu'il n'en est pas devant le juge du monde, comme devant le président du forum. Celui qui vous avoue ses fautes est condamné, mais celui qui nous en fait l'aveu devant le Seigneur est absous ; il est donc manifeste que vos juges regardent bien à tort comme très coupable celui dont la cause dépend d'un autre tribunal.

Tu ne saurais donc plus rejeter les plaintes pressantes et douloureuses que je f adresse ; car, au sein de la prospérité, soit que tu oublies, soit que tu négliges une ancienne connaissance, cela est également amer. Par conséquent, si tu songes à l'avenir, écris à un clerc; si le présent te charme davantage, réponds à un collègue : c'est une vertu de ne jamais dédaigner ses anciens amis pour des amis nouveaux. Cette vertu est-elle dans ton cœur ? cultive-la ! n'y est-elle pas ? fais-l'y naître ; autrement tu semblerais user de tes amis comme on use des fleurs, qui ne plaisent qu'autant qu'elles sont nouvelles. Adieu.

C. Tacitus e majoribus unus tuis, Ulpianorum temporum consularis, sub verbis cujuspiam Germanici ducis in historia sua retulit dicens: Cum Vespasiano mihi vetus amicitia, et dum privatus esset, amici vocabamur. Quo respicit, ais, ista praefari? ut scilicet memineris, eo tempore quo personam publicam portas, gratiae te privatae memorem semper esse oportere. Biennium prope clauditur, quod te praefectum praetorio Galliarum, non nova vestra dignatione, sed nostro affectu adhuc vetere gaudemus. Qui si Romanarum rerum sineret adversitas, aegre toleraremus, nisi singulae personae, non dicam provinciae, variis per te beneficiis amplificarentur. Et nunc cum id quod possibilitas tua non habet, verecundia non petatur: dicas velim, qualiter fueris futurus humanus in factis, qui perduras avarus in verbis. Nam tuorum peritiae comparatus, non solum Cornelios oratores, sed Ausonios quoque poetas vincere potes. Si te hactenus philosophantem, nova subito ob jurisdictionem gloria capit,

.... Et nos aliquod nomenque decusque
Gessimus.....

At si videtur humilitas nostrae professionis habenda contemptui, quia Christo res humanas vitasque medicaturo putrium conscientiarum cultro squalens ulcus aperimus: quod et in nostri ordinis viris et si adhuc aliquid de negligentia fetet, nihil jam tamen de superbia tumet: noveris volo, non ut est apud praesulem fori, sic esse apud judicem mundi. Namque ut is qui propria vobis non tacuerit flagitia, damnatur; ita nobiscum qui eadem Deo fuerit confessus, absolvitur. Unde liquido patet, incongrue a partibus vestris nimis reum pronuntiari, cujus causa plus spectat tribunal alienum.

Quapropter imminentem querelam nostri doloris nequaquam valebis ulterius effundere; quia succedentibus prosperis, sive obliviscare, sive negligas gratiam antiquam, juxta est acerbum. Proinde si futura magni pensitas, scribe clerico; si praesentia, scribe collegae. Et hanc in te ipse virtutem, si naturalis est, excole; si minus, ut insititiam appone; qua sodales vetustos nunquam pro consequentum novitate fastidias. Porro autem videbere sic amicis uti quasi floribus, tandiu gratis, donec recentibus. Vale.

LETTRE XV.

EPISTOLA XV.

S1DONIUS A SON CHER ELAPHIUS, SALUT.

Sidonius Elaphio suo salutem.

Prépare un grand repas et de vastes lits pour se mettre à table. Par plusieurs chemins, une foule nombreuse doit venir vers toi ; les gens de bien se sont décidés à ce voyage, quand ils ont appris le jour de la dédicace future. Le baptistère que vous faisiez bâtir, vous m'écrivez que l'on peut à présent le consacrer ; nous sommes appelés à cette fête, vous par votre vœu, nous par notre ministère, beaucoup par leur office, tous par leur foi. C'est, en effet, quelque chose d'admirable que vous bâtissiez une nouvelle église, dans un temps où d'autres oseraient à peine réparer les anciennes. Il nous reste à souhaiter que, comme vous accomplissez des vœux, vous fassiez aussi à notre Dieu la promesse d'en accomplir d'autres en des années heureuses; et cela, non point en secret, mais ouvertement et en public. Je souhaite que les temps deviennent meilleurs, et que le Christ exauce mes désirs comme ceux des Ruteni, afin que vous puissiez offrir aussi pour eux des sacrifices, vous qui élevez aujourd'hui pour vous des autels. Au reste, quoique l'automne vers sa 6n abrège déjà les jours; que les feuilles qui tombent dans tous les bois bruissent aux oreilles inquiètes du voyageur ; que le château où vous m'invite» soit d'un accès difficile, entouré qu'il est de rochers semblables aux Alpes, et sous le voisinage des frimas, nous toutefois, Dieu étant notre guide, nous viendrons à travers les flancs escarpés de tes montagnes, et nous ne craindrons ni les rocs placés à nos pieds, ni les neiges amoncelées au-dessus de nous, quand même il nous faudra tourner et retourner par les pentes des montagnes, dans des routes brisées en forme de spirales ; car, n'y eût-il aucune solennité, tu mériterais, comme dit Cicéron, que pour toi seul on allât visiter Thespies. Adieu.

Epulum multiplex, et capacissima lectisternia para; plurimis viis, pluribus turbis ad te venitur; ita bonorum contubernio sedit: quippe postquam omnibus tempus futurae dedicationis inclaruit. Nam baptisterium quod olim fabricabamini, scribitis jam posse consecrari. Ad quae festa vos voti, nos ministerii, officii multos, fidei totos causa sollicitat. Siquidem res est grandis exempli, eo tempore a vobis nova ecclesiarum culmina strui, quo vix auderet alius vetusta sarcire. Quod restat, optamus, ut Deo nostro per uberes annos, sicut vota redditis, ita voveatis reddenda: idque non solum religione celata, sed et conversione manifesta: mitigatoque temporum statu, tam desiderio meo Christus indulgeat, quam Ruthenorum; ut possitis et pro illis offerre sacrificia, qui jam pro vobis offertis altaria. De caetero, quanquam et extremus autumnus jam diem breviat, et viatorum sollicitas aures, foliis toto nemore labentibus, crepulo fragore circumstrepit; inque castellum ad quod invitas, ut pote Alpinis rupibus cinctum, sub vicinitate brumali difficilius ascenditur; nos tamen, Deo praevio, per tuorum montium latera confragosa venientes, nec subjectas cautes, nec superjectas nives expavescemus: quamvis jugorum profunda declivitas aggere cochleatim fracto saepe redeunda sit: quia etsi nulla solemnitas, tu satis dignus es, ut est Tullianum illud, propter quem Thespiae visantur. Vale.

LETTRE XVI.

EPISTOLA XVI.

SIDONIUS A SON CHER RURICIUS, SALUT.

Sidonius Ruricio suo salutem.

J'ai reçu, par Paterninus, votre lettre qui laisse à douter si elle a plus de douceur que de finesse. Du reste, à l'heureuse abondance de style qu'elle présente, ans fleurs dont elle brille, on croit sans peine que ce n'est point seulement par des lectures connues, mais encore par des lectures dérobées, que tu avances, quoique après tout le larcin d'un livre que tu t'excuses d'avoir fait copier, ait moins besoin de pardon, que d'éloges. Eh ! que fais-tu qui ne soit bien, toi dont les fautes mêmes sont louables ? Pour mon compte, j'apprends sans peine la fraude qui a été commise envers moi pendant mon absence, et je la regarde comme un bienfait signalé puisque j'ai essuyé un dommage qui n'en est pas un; car, ce dont tu as fait ton usage, n'a pas cessé d'être pour cela notre propriété, et l'accroissement de ton savoir n'a point eu lieu au détriment du savoir d'autrui. Bien plus, tu ne manqueras pas d'être loué de ceci, et à bon droit, puisque ton esprit a si parfaitement la nature du feu, qui se communique et reste néanmoins, tout entier. Ainsi donc, garde-toi de trembler, et cesse de juger mal du caractère de ton ami ; car, en cette circonstance, il serait bien plus coupable s'il était accessible à la jalousie. Adieu.

Accepi per Paterninum paginam vestram, quae plus mellis an salis habeat incertum est. Caeterum eloquii copiam hanc praefert, hos olet flores, ut bene appareat, non vos manifesta modo, verum etiam furtiva quoque lectione proficere. Quanquam et hoc furtum quod deprecaris, exemplati libelli, non venia tam debeat respicere quam gloria. Quid tu enim facias absque virtute, qui nec ipsa peccata sine laude committis? Ego vero quidquid impositum est fraudis mihi ut pote absenti, libens audio, principalique pro munere amplector, qui quodammodo damnum indemne toleravi. Neque enim quod tuo accessit usui, decessit hoc nostrae proprietati; aut ad incrementa scientiae vestrae per detrimenta venistis alienae. Quin potius ipse jure abhinc uberi praeconio non carebis; qui magis igneo ingenio naturam decenter ignis imitatus es, de quo si quid demere velis, remanet totus qui transfertur. Unde jam parce trepidare, deque moribus amici plusculum recto secus credere. Namque in hoc facto nos magis vulnus polluit culpae, si feriat ictus invidiae. Vale.

LETTRE XVII.

EPISTOLA XVII.

SIDONIUS A SON CHER ARVOGASTE, SALUT.

Sidonius Arvogasti suo salutem.

Eminentius ton ami, ô mon illustre maître, m'a donné une lettre savante que tu as dictée toi-même, et qui brille de l'éclat d'une triple vertu ; la première de ces trois vertus, c'est la charité avec laquelle tu daignes estimer de faibles talents dans un homme étranger comme moi, et jaloux de rester inconnu ; la seconde est cette modestie qui t'élève à juste titre, alors même que tu trembles sans raison; la troisième est cette délicatesse qui te fait dire, en plaisantant, que tu écris des sottises, toi qui, abreuvé aux sources de l'éloquence romaine, parais, sur les rives de la Moselle, n'avoir bu que les eaux du Tibre. Sans cesse au milieu des barbares, tu ignores cependant ce que c'est que barbarisme, égal par ton éloquence et ta valeur à ces anciens capitaines dont la main savait manier le style aussi bien que l'épée.

Si donc on peut trouver quelque part l'élégance du langage romain, depuis longtemps bannie de la Belgique et des contrées rhénanes, elle doit s'être réfugiée auprès de toi ; tant que tu respireras, ou que tu composeras, la langue latine vivra toujours sur les frontières de l'empire, quoique la puissance de Rome y ait expiré. Aussi, en te rendant le salut que tu m'as adressé, je me réjouis beaucoup de ce qu'il est resté dans ton noble cœur, du moins, quelques traces des lettres qui s'en vont chaque jour ; si tu les cultives par des lectures assidues, tu éprouveras de plus en plus qu'autant l'homme est supérieur aux animaux, autant l'homme instruit l'emporte sur l'homme ignorant. Pour les écrits spirituels dont tu veux que je te parle, faible interprète comme je le suis, il serait mieux de t'adresser à ces pontifes qui t'environnent ; pontifes vénérables par leur âge, illustres par leur foi, renommés par leurs œuvres, d'une éloquence toujours prête, d'une mémoire toujours fidèle, et qui l'emportent sur moi par l'éclat du plus rare mérite. Sans parler de l'évêque de votre ville, personnage accompli, que la conscience de ses vertus et sa renommée rendent également heureux, tu pourras avec plus de succès adresser toutes sortes de questions aux illustres pères et protomystes des Gaules ; Lupus et Auspicius ne sont pas fort éloignés de toi; toutes tes demandes ne sauraient épuiser leur immense érudition. Puisque je ne satisfais point aux prières que tu me fais, sois assez bon pour me le pardonner; tu feras de plus un acte de justice, car s'il convient que tu fuies un ignorant, il convient aussi que j'évite de montrer de la présomption. Adieu.

Eminentius amicus tuus, domine major, obtulit mihi, quas ipse dictasti, litteras litteratas, et gratiae trifariam renidentis cultu refertas: quarum utique virtutum caritas prima est, quae te coegit in nobis, vel peregrinis, vel jam latere cupientibus, humilia dignari: tum verecundia, cujus instinctu dum immerito trepidas, merito praedicaris; tertia urbanitas, qua te ineptire facetissime allegas, et Quirinalis impletus fonte facundiae, potor Mosellae Tiberim ructas: sic barbarorum familiaris, quod tamen nescius barbarismorum; par ducibus antiquis lingua, manuque; sed quorum dextera solebat non minus stylum tractare quam gladium.

Quocirca sermonis pompa Romani, si qua adhuc uspiam est, Belgicis olim sive Rhenanis abolita terris, in te resedit: quo vel incolumi, vel perorante, etsi apud limitem ipsum Latina jura ceciderunt, verba non titubant. Quapropter alternum salve rependens, granditer laetor, saltem in illustri pectore tuo vanescentium litterarum remansisse vestigia: quae si frequenti lectione continuas, experiere per dies, quanto antecellunt belluis homines, tanto anteferri rusticis institutos. De paginis sane quod spiritalibus vis ut aliquid interpres improbus garriam, justius haec postulabuntur a sacerdotibus loco propinquis, aetate grandaevis, fide claris, opere vulgatis, ore promptis, memoria tenacibus, omni denique meritorum sublimium dote potioribus. Namque ut antistitem civitatis vestrae relinquam, consummatissimum virum, cunctarumque virtutum conscientia et fama juxta beatum, multo opportunius de quibuscunque quaestionibus tibi interrogantur inclyti Galliarum patres et protomystae, nec satis positus in longinquo Lupus, nec parum in proximo Auspicius: quorum doctrinae abundanti eventilandae, nec consultatio tua sufficit. Proinde quod super hac precum parte non parui, benignus quidem, sed et justus ignosce: quia si vos imperitiam fugere par est, me quoque decet vitare jactantiam. Vale.

LETTRE XVIII.

EPISTOLA XVIII.

SIDONIUS A SON CHER LUCONTIUS, SALUT.

Sidonius Lucontio suo salutem

Tu oublies les demandes que l'on te fait, et, au contraire, si tu ordonnes quelque chose, tu te souviens très bien de l'exiger à la rigueur. Il y a longtemps que toi et les tiens vous nous avez promis à moi et aux miens un prompt retour ; de tout cela, rien n'a été fait. De plus, lorsque vous concertiez votre faite, pour nous faire croire que vous reviendriez à la fête de Pâques, vous n'emportâtes pas de la ville à la campagne un gros bagage, vous n'emmenâtes aucune voiture, aucun chariot pour transporter vos fardeaux. Je ne parle point du tour que nous ont joué les dames qui sont parties avec un léger bagage ; toi et mon frère Volusianus, vous n'étiez accompagnés que d'un petit nombre de clients et d'esclaves ; et ainsi, par l'espoir d'un prompt retour, vous avez trompé tous ceux qui vous accompagnaient. Mon frère Volusianus, qui allait dans des terres du Bessin, avait déjà sans doute formé le projet de parcourir toute la seconde Lyonnaise, et nous en a également imposé par l'apparence d'un très court voyage. Et maintenant, toi qui manques à ta parole, en prolongeant ton séjour à la campagne, tu me pries de t'envoyer les bagatelles que je puis avoir faites en vers depuis ton départ. J'obéis à ta demande, parce que tu es digne de lire de telles productions : la pièce que je t'envoie est si grossière et si peu soignée, que tu croiras qu'au lieu d'aller à la campagne, elle vient de la campagne même.

L'évêque Perpétuus, digne successeur du pontife et confesseur Martin, a fait bâtir en son honneur une basilique beaucoup plus grande que celle qui existait déjà. C'est un ouvrage, dit-on, grand et admirable; un tel homme était bien digne de l'élever en l'honneur d'un tel saint. Perpétuus, dont je vous parle, m'a chargé de composer, pour être gravée sur les murs de la nouvelle église, cette inscription que tu examineras ; je n'ai pu me refuser à sa demande, car le pieux zèle qui l'anime lui donne de rares prérogatives pour obtenir tout ce qu'il désire. Puisse mon offrande, marque de ma soumission, ne point souiller la pompe d'un si grand édifice, ni les présents qui lui seront faits ! Mais je crains bien qu'il n'en soit autrement, à moins, par hasard, que la médiocrité même de cette épigramme ne la fasse remarquer au milieu de toutes les beautés qui l'entourent, comme une tache noire parait sur un corps blanc, où l'on ne la souffre qu'autant qu'elle fait rire. Mais pourquoi toutes ces réflexions? Embouche toi-même le chalumeau, et, parce que mon élégie boite, donne-lui la main.

« Le corps de Martin, honoré par toute la terre, et où la gloire survit au trépas, n'était couvert ici que d'une humble chapelle; mais cet illustre confesseur méritait un autre temple. La gloire immense du personnage et la petitesse du lieu ne cessaient de couvrir de honte les citoyens ; l'évêque Perpétuus, son sixième successeur, a détruit ce long sujet de reproche ; il a fait disparaître cette petite chapelle, élevant à sa place un vaste édifice. Par la faveur du saint patron, le temple a grandi en espace, et le fondateur en mérite. Ce temple peut le disputer à celui de Salomon, qui était la septième merveille du monde ; l'or, l'argent et les pierreries enrichissaient celui-là, mais celui-ci est par la foi au-dessus de tous les métaux. Loin d'ici, envie aux dents envenimées; que nos prédécesseurs soient absous, et que la postérité ne change, n'ajoute rien ici. Et jusqu'à ce que le Christ vienne ressusciter tous les peuples, que le temple de Perpétuas dure perpétuellement. »

Nous t'offrons, comme tu le vois, les vers les plus nouveaux qui soient sortis de notre plume; mais nous ne cesserons pas moins de fatiguer le ciel de nos plaintes, si tu tardes encore; nous ferons même, s'il le faut, usage de la satire, et crois qu'elle n'aura rien de la douceur de cette épigramme. Lorsqu'il s'agit de blâmer ou de critiquer, l'homme le fait naturellement avec plus d'ardeur et de force, que s'il fallait donner des éloges. Adieu.

Oblivisceris quod rogaris, eque contrario, si quid injungas, ex asse meministi repetere. Perlongum est, de cito reditu quae tu, tuique promiseritis mihi, meisque: quorum omnium non sunt vel minima completa. Quin potius, cum fugam a nobis machinaremini, quo reversuros ad sacrum pascha vos putaremus, nullae graves sarcinae ad praedium ex oppido ductae, nulla serraca, nulla esseda subvehendis oneribus attrahebantur. Utque de matronalium partium nil querar fraude, quas cum expeditis tulistis impedimentis, tuque fraterque communis Volusianus, vix singulorum clientum puerorumque comitatu ambiebamini: per quod sollicitudinem prosequentum vana mox recurrendi spe fefellistis; certe frater Volusianus, qui forte pergens in praedia Bajocassina, totamque provinciam Lugdunensem secundam pervagaturus, exspectationem nostram specie brevioris itineris elusit. Et nunc tu ipse sic multis contra fidem diebus otiabundus, ais tibi, si quas postea luserim metro nugas, mitti oportere. Annuo injunctis, quia dignus es ut talia legas. Nam carmen ipsum quod nunc e manibus elabitur, tam rusticanum est tamque impolitum, ut me non illud ad villam, sed potius e villa mittere putes.

Basilicam sancti pontificis confessorisque Martini, Perpetuus episcopus, dignissimus tanto praedecessore sucessor, multum priori, quae fuit hactenus, capaciorem novavit. Magnum est, ut ferunt, opus nominandumque; quod in honorem talis viri factum, talis vir fecisse debuerit. Hujus me parietibus inscribere supradictus sacerdos hoc epigramma compellit, quod recensebis; ut est in his quaecunque deposcit privilegio caritatis imperiosissimus. Atque utinam molis illius pompam, sive donaria, nil hujus obsequii turpet oblatio: quod secus fore plurimum timeo. Nisi forsitan inter omnia venusta sic epigrammatis istius foeditas placeat, ut niger naevus candido in corpore: qui quidem solet sic facere risum, quod accipere suffragium. Sed quid hinc amplius? pone fistulas ipse pastorias, et elegiae nostrae, quia pede claudicat, manum porrige.

Martini corpus, totis venerabile terris,
In quo post vitae tempora vivit honor,
Texerat hic primum plebeio machina cultu,
Quae confessori non erat aequa suo:
Nec desistebat cives onerare pudore
Gloria magna viri, gratia parva loci.
Antistes sed qui numeratur sextus ab ipso,
Longam Perpetuus sustulit invidiam:
Internum removens modici penetrale sacelli,
Amplaque tecta levans exteriore domo.
Creveruntque simul, valido tribuente patrono,
In spatiis aedes, conditor in meritis:
Quae Salomoniaco potis est confligere templo, Septima quae mundo fabrica mira fuit.
Nam gemmis, auro, argento si splenduit illud,
Istud transgreditur cuncta metalla fide.
Livor abi mordax, absolvanturque priores,
Nil novet, aut addat garrula posteritas.
Dumque venit Christus, populos qui suscitet omnes,

Perpetuo durent culmina Perpetui.

Obtulimus, ut cernis, quod cantilenae recentis obviam manui fuit; sed nec hoc minus, si moras nectis, astra quatiemus, versibus quoque satirographis, si res exegerit, usuri: quos huic carmini lenitate adaequandos falso putabis. Namque efficacius, citius, ardentius natura mortalium culpat aliqua, quam laudet. Vale.

LETTRE XIX.

EPISTOLA XIX.

SIDONIUS A SON CHER FLORENTINUS, SALUT.

Sidonius Florentino suo salutem.

Tu accuses notre retard et notre silence; l'un et l'autre sont excusables, car nous venons et nous écrivons. Adieu.

Et moras nostras, et silentium accusas: utrumque purgabile est; namque et venimus et scribimus. Vale.

LETTRE XX.

EPISTOLA XX.

SIDONIUS A SON CHER DOMNITIUS, SALUT.

Sidonius Domitio suo salutem.

Toi qui aimes tant à voir des armes, des troupes et des guerriers, quel plaisir tu aurais goûté si tu avais vu Sigismer, jeune prince du sang royal, paré à la manière de sa nation, comme un nouvel époux ou comme un homme qui va faire la demande d'une femme, se rendre au prétoire de son beau-père ! Il était précédé et suivi de plusieurs chevaux superbement harnachés et tout couverts de pierreries étincelantes ; mais ce qui, dans cette pompe, méritait le plus de fixer l'attention, c'était le jeune prince marchant lui-même à pied au milieu de ceux qui le devançaient ou qui le suivaient ; il était revêtu d'écarlate, éblouissant d'or, couvert de soie d'une éclatante blancheur; le contour de sa chevelure, le vermeil de ses joues, le teint de sa peau, tout répondait à sa riche parure. L'aspect des petits rois et des officiers qui l'accompagnaient inspirait la terreur au sein même de la paix; leurs pieds étaient entièrement enfermés dans des bottines, attachées au-dessus du talon, et revêtues d'un poil rude ; leurs genoux, leurs jambes et leurs mollets étaient découverts. Ces guerriers avaient, en outre, des habits très hauts, serrés et de diverses couleurs, qui descendaient à peine à leurs jarrets saillants ; les manches de leurs habits ne couvraient que le haut du bras ; leurs sayes de couleur verte étaient bordées d'écarlate, et leurs épées suspendues à leurs épaules par des baudriers qui leur serraient les côtés ; ils portaient des robes fourrées, retenues par une agrafe. Ce qui servait à leur parure servait aussi à leur défense ; leur main droite était armée de piques à crochet et de haches qui se lancent ; leur bras gauche était ombrage par des boucliers dont les bords étaient d'argent et la bosse dorée ; la lumière en faisait ressortir la richesse et le travail ; enfin, tout se trouvait disposé de telle sorte que, dans une cérémonie nuptiale, on étalait une pompe non moins digne de Mars que de Vénus. Hais à quoi bon de plus grands détails ? A un tel spectacle, il n'a manqué que ta présence. En voyant que tu étais privé de voir ce qui te charme si fort, j'ai ressenti alors la peine que te causera le regret de n'avoir pas été là. Adieu.

Tu cui frequenter arma et armatum et armatos inspicere jucundum est; quam voluptatem putamus mente conciperes, si Sigismerem regium juvenem, ritu atque cultu gentilitio ornatum, ut pote sponsum, seu petitorem, praetorium soceri expetere vidisses? Illum equus quidem phaleris comptus, imo equi radiantibus gemmis onusti antecedebant, vel etiam subsequebantur: cum tamen hoc magis ibi decorum conspiciebatur, quod praecursoribus suis, sive pedissequis, pedes et ipse medius incessit, flammeus cocco, rutilus auro, lacteus serico, tum cultui tanto, coma, rubore, cute concolor. Regulorum autem, sociorumque comitantum forma et in pace terribilis: quorum pedes primi perone setoso talos adusque vinciebantur; genua, crura, suraeque sine tegmine. Praeter hoc vestis alta, stricta, versicolor, vix appropinquans poplitibus exsertis, manicae sola brachiorum principia velantes, viridantia saga limbis marginata puniceis: penduli ex humero gladii balteis supercurrentibus strinxerant clausa bullatis latera rhenonibus. Eo quo comebantur ornatu, muniebantur: lanceis uncatis, securibusque missibilibus dextrae refertae, clypeis laevam partem adumbrantibus, quorum lux in orbibus nivea, fulva in umbonibus, ita censum prodebat, ut studium. Cuncta prorsus hujusmodi, ut in actione thalamorum non appareret minor Martis pompa quam Veneris. Sed quid haec pluribus? Spectaculo tali sola praesentia tua defuit. Nam cum spectarem quae tibi pulchra sunt non te videre, ipsam eo tempore desiderii tui impatientiam desideravi. Vale.

LETTRE XXI.

EPISTOLA XXI.

SIDONIUS A SON CHER APER, SALUT.

Sidonius Apro suo salutem.

Quand il s'agit de faire connaître notre origine, c'est du père que nous parlons d'abord ; mais toutefois, nous devons beaucoup à nos mères. Il n'est pas moins juste d'honorer celles qui nous ont portés que ceux dont nous avons reçu l'être. Mais je laisse aux physiciens à expliquer la manière dont nous sommes formés : revenons à notre sujet.

Ton père est Eduen, ta mère Arverne. Tu te dois d'abord aux Eduens, mais non point à eux seuls, à en juger d'après ce que dit notre Virgile. Il nous apprend que Pallas, regardé comme Arcadien et comme Samnite, aurait pu, en qualité d'étranger, armer les Etrusques contre Mézence, si, par sa mère, qui était Sabellienne, Pallas n'eût tiré son origine de l'Etrurie. Voilà, dans un auteur imposant, une preuve convaincante que le pays de notre mère doit être pour nous comme une portion de notre patrie, à moins que tu n'ailles penser que les poètes mentent, alors même qu'ils ne s'écartent pas de l'histoire. Si donc les Arvernes revendiquent à bon droit une portion de toi-même, daigne écouter les plaintes de ceux qui te regrettent, et qui, par le ministère d'une seule bouche, la mienne, épanchent les secrets de leurs cœurs à eux tous. Imagine-toi qu'ils disent hautement et devant toi : « Ingrat, quel si grand crime avons-nous commis envers toi, pour que tu fuies, comme un pays ennemi et pendant tant d'années, la terre qui a nourri ton enfance ? Ici, nous avons veillé sur ton berceau ; ici, nous avons entendu les vagissements de ton enfance, nous avons fortifié tes membres délicats ; ici, nos concitoyens te portaient dans leurs bras; ici, ont vu le jour et ton aïeul Fronto, caressant pour toi, sévère pour lui-même, qui aurait pu servir d'exemple à ceux que nous prenons aujourd'hui pour modèles ; et ton aïeule Auspicia qui, lorsque ta mère ne fut plus, te prodiguait à elle seule les soins de deux mères : c'est encore parmi nous que naquirent et ta tante, et cette Frontina plus sainte que les vierges sacrées, que respectait ta mère, que vénérait ton père ; cette fille d'une grande abstinence, d'une extrême austérité, d'une foi rare, et qui avait pour Dieu une telle crainte qu'elle inspirait elle-même de la crainte aux hommes. Ici, un grammairien et on rhéteur se sont disputé la gloire de te former aux arts libéraux ; les progrès que tu y as faits devraient seuls te faire aimer les Arvernes, tout au moins en considération des lettres. »

Je ne dis rien des agréments particuliers de notre territoire, de cette vaste étendue de campagne où les eaux, coulant sans danger au milieu des moissons, conduisent avec elles la fécondité ; plus le cultivateur montre d'industrie pour amener l'eau dans ses terres, moins il éprouve de pertes. Notre patrie est agréable à ceux qui voyagent, rapporte aux laboureurs d'abondantes moissons, plaît aux chasseurs, présente des montagnes couvertes de pâturages, des coteaux chargés de vignes, des plaines embellies de fermes, des châteaux sur les lieux escarpés d'épaisses forêts, des champs cultivés, des vallons arrosés de sources, des précipices entourés de fleuves ; elle est telle, en un mot, que des étrangers, après l'avoir vue une fois, ont souvent oublié leur patrie.

Je ne te parle point de la ville ; tu y fus toujours si fort aimé, que rien ne devrait te paraître préférable à la société des nobles. Chacun se disputait le bonheur de te posséder, et ainsi ta présence était un plaisir à tout le monde, sans causer jamais de satiété. Que dois-je dire au sujet de tes biens, qui supporteraient d'autant plus facilement les dépenses qu'elles seraient plus nombreuses ? Les frais d'un maître qui cultive lui-même sa terre concourent à l'accroissement de ses revenus. C'est au nom de tous les Arvernes, ou au moins des bons citoyens, que je te fais cette demande, que je t'exprime ces vœux. Puisqu'ils te réclament avec tant d'empressement, qu'ils te désirent avec tant d'amour, tu peux penser quelle sera ta joie si tu te rends à leurs supplications. Adieu.

Est quidem princeps in genere monstrando partis paternae praerogativa: sed tamen multum est quod debemus et matribus. Non enim a nobis aliquid exsilius fas est honorari, quod pondera illarum, quam quod istorum semina sumus. Sed originis nostrae definiendae materia vel ratio sit penes physicos: nos unde haec ista praemisimus persequamur.

Heduus pater tibi, mater Arverna est. Primis Heduis deberis: ergo non solis, vel propter illud exemplum nostri Maronis, quo teste Pallas sic habitus Arcas, quod pariter et Samnis, in Mezentium movere potuisset, ut peregrinus, arma Hetruscorum, ni mixtus matre Sabella, partem quoque patriae inde traxisset. Ecce habes magnum maximo auctore documentum, quod patriae pars computanda sit et regio materna: nisi poetas, et cum ab historia non recedunt, mentiri existimabis. Igitur Arverni si portionem tui saltim vicissim jure sibi vindicant, patienter admitte querimoniam desiderantum; qui tibi per unius oris mei officium, non unius pectoris profudere secretum. Quos palam et coram dicere puta: Quid in te mali tantum, ingrate, commisimus, ut per tot annos quondam humum altricem nunc velut hosticum solum fugias? Hic incunabula tua fovimus; hic vagientis infantiae lactentia membra formavimus; hic civicarum bajulabare pondus ulnarum. Hinc avus Fronto blandus tibi, sibi severus, qui exemplo esse potuisset his quos habemus nos in exemplo; hinc avia Auspicia, quae tibi post tuae matris orbata decessum, dependit una curam duarum. Sed et matertera tua hinc, et hinc fuit sanctior sanctis Frontina virginibus, quam verebatur mater, pater venerabatur, summae abstinentiae puella, summi rigoris ac fidei ingentis, sic Deum timens, ut ab hominibus timeretur. Hic te imbuendum liberalibus disciplinis, grammatici, rhetorisque studia florentia monitu certante foverunt: unde tu non tam mediocriter institutus existis, ut tibi liceat Arvernos vel propter litteras non amare.

Taceo territorii peculiarem jocunditatem; taceo illud aequor agrorum, in quo sine periculo quaestuosae fluctuant in segetibus undae: quod industrius quisque quo plus frequentat, hoc minus naufragat: viatoribus molle, fructuosum aratoribus, venatoribus voluptuosum; quod montium cingunt dorsa pascuis, latera vinetis, terrena villis, saxosa castellis, opaca lustris, aperta culturis, concava fontibus, abrupta fluminibus; quod denique hujusmodi est, ut semel visum advenis, multis patriae oblivionem saepe persuadeat.

Taceo civitatem ipsam, tui semper sic amantissimam, ut soli nobilium contubernio praeferre nil debeas; cui tu manu injecta feliciter raptus inserebare: sicque omnes praesentiae vestrae voluptas, quod tamen nullum satias cepit. Jam quid istic de re familiari tua dicam, cujus hic status est, ut tuam expensam hoc sit facilius toleratura, quod crebrius? Nam dominus agricola si larem hic foveat, sic facit sumptum, quod auget et reditum. Haec unus tibi omnium, certe bonorum civium voto, petitu, vice garrio: qui cum tanto honore te poscant, tanto amore desiderent, intelligi datur, gaudii plus te, dum tribuis quod rogaris, assecuturum. Vale.

LETTRE XXII.

EPISTOLA XXII.

SIDONIUS A SON CHER LEO, SALUT.

Sidonius Leoni suo salutem.

Le magnifique Hespérius, la perle des amis et la gloire des lettres, revenu depuis peu de Toulouse, m'a dit que tu m'ordonnes de quitter le style épistolaire lorsque mes livres de lettres seront terminés, pour embrasser le genre de l'histoire. Je reçois avec beaucoup de respect, beaucoup de reconnaissance, un avis aussi noble et aussi flatteur; car tu prononces que je suis capable d'ouvrages plus relevés, puisque tu penses que je dois abandonner des travaux moins importants. Mais, je l'avoue, j'admire plus volontiers ta décision, que je ne me sens disposé à suivre ton conseil. Ce genre, sans doute, est bien digne de l'attention que tu lui donnes, mais il n'est pas moins digne d'être traité par toi. Autrefois C. Cornélius ayant donné un semblable conseil à G. Sécundus, ne tarda pas à faire lui-même ce qu'il avait enjoint à son ami. Tu fais très bien de te servir d'un pareil exemple, car je le cède à Pline et ne suis que son disciple, tandis que tu surpasses certainement Cornélius par ta manière de raconter, qui est celle d'autrefois. S'il pouvait revivre maintenant, et voir ta manière d'écrire, c'est alors qu'il serait plus véritablement Tacite.

Ainsi, tu es bien à la hauteur du sujet que tu me proposes, puisque tu réunis une rare éloquence à un grand savoir. Admis chaque jour dans les conseils d'un prince très puissant, occupé des intérêts de l'univers entier, tu connais parfaitement et les affaires, et les droits, et les alliances, et les guerres, et les états, et les qualités du roi. Qui donc pourrait se mettre à une pareille œuvre, mieux que toi qui as étudié les ressorts qui font agir les nations, les diverses ambassades, les exploits des généraux, les traités des princes, enfin tous les secrets des états; et qui, élevé dans un poste éminent, ne te trouves point dans la nécessité ou de taire la vérité ou d'orner le mensonge ?

Mais ma condition est bien différente; une carrière nouvelle est trop pénible à parcourir, et je ne suis point habitué au style des anciens. La religion doit être mon unique étude; humble et modeste par état, je ne dois plus aspirer à la gloire; je suis moins touché des choses,, présentes, que je n'espère dans les choses à venir. Enfin, ma mauvaise santé est un obstacle à tes désirs ; je commence à aimer le repos, c'est l'apanage de mon âge. La gloire que donnent les lettres, et même celle qui nous survit, n'a plus pour moi d'attrait, et je ne suis point curieux du peu de renommée que je pourrais acquérir en m'appliquant à l'histoire. Car, les hommes engagés dans la cléricature ne peuvent parler sans témérité des choses qui les concernent; sans présomption, de celles qui leur sont étrangères. Ils dévoilent le passé sans aucun fruit, et le présent avec trop de retenue; ils ne disent les choses fausses qu'avec honte, et les choses vraies qu'avec danger. Ce genre d'écrire est tel, que si vous faites mention des gens de bien, vous ne vous attirez que peu de faveurs ; que si vous blâmez les personnes notables, vous vous attirez des ennemis puissants. C'est ainsi qu'aussitôt vient se mêler à votre style cette couleur, cette odeur de satire. Un écrit historique semble peu convenir à notre état, puisqu'il excite l'envie à son début, ne se continue qu'avec des fatigues, et se termine par des haines. Mais ces choses n'arrivent qu'à des clercs qui se font auteurs : toujours en butte à des hommes envieux et jaloux, ils sont traités d'insensés, s'ils écrivent avec simplicité ; de présomptueux, s'ils écrivent avec soin. Mais toi qui peux, dans le chemin de la gloire, devancer les censeurs ou marcher sur leur tête, si tu traites ce sujet, personne encore n'aura écrit l'histoire avec plus de noblesse que toi, et d'une manière qui ressemble autant à celle des anciens, lors même que tu raconteras des faits récents; car, nourri des auteurs de l'antiquité, instruit des affaires présentes, tu ne laisses point de prise aux morsures envenimées de l'envie; et c'est pourquoi la postérité te consultera avec utilité, t'écoutera avec plaisir, et s'autorisera de tes écrits. Adieu.

Vir magnificus Hesperius, gemma amicorum litterarumque, nuper urbe cum rediit e Tolosatium, praecipere te dixit, ut epistolarum curam, jam terminatis libris earum, converteremus ad stylum historiae. Reverentia summa, summo et affectu, talem atque tantam sententiam amplector: idoneum quippe pronuntias ad opera majora, quem mediocria putas deserere debere. Sed quod fatendum est, facilius audeo hujusmodi suspicere judicium, quam suscipere consilium. Res quidem digna quam tu juberes: sed non minus digna quam faceres. Namque et antiquitus, cum C. Cornelius C. Secundo paria suasisset, ipse postmodum quod injunxit arripuit: idque ab exemplo nunc melius aggrederis: quia et ego Plinio ut discipulus assurgo, et tu vetusto genere narrandi jure Cornelium antevenis; qui saeculo nostro si revivisceret, teque qualis in litteris et quantus habeare, conspicaretur, modo verius Tacitus esset.

Itaque tu molem thematis missi recte capessis, cui praeter eloquentiam singularem, scientiae ingentis magna opportunitas. Quotidie namque per potentissimi consilia regis, totius sollicitus orbis, pariter ejus negotia et jura, foedera et bella, loca, spatia, merita cognoscis. Unde quis justius sese ad ista succinxerit, quam ille, quem constat gentium motus, legationum varietates, facta ducum, pacta regnantum, tota denique publicarum rerum secreta didicisse? quique praestanti positus in culmine, non necesse habet, vel supprimere verum, vel concinnare mendacium?

At nostra longe conditio dispar, quibus dolori peregrinatio nova, nec usui lectio vetusta: tum religio professioni est, humilitas appetitui, mediocritas obscuritati; nec in praesentibus rei tantum, quantum in futuris spei locatum. Postremo languor impedimento; jamque vel sero propter hunc ipsum desidia cordi aequaeva. Certe jam super studiis nulla laus curae, sed ne posthuma quidem: praecipue gloriam nobis parvam ab historia petere fixum; quia per homines clericalis officii temerarie nostra, jactanter aliena, praeterita infructuose, praesentia semiplene, turpiter falsa, periculose vera dicuntur. Est enim hujusmodi thema, vel opus, in quo bonorum si facias mentionem, modica gratia paratur; si notabilium, maxima offensa. Sic se ille protinus dictioni color, odorque satyricus admiscet. Ilicet scriptio historica videtur ordine a nostro multum abhorrere, cujus inchoatio invidia, continuatio labor, finis est odium. Sed tunc ista proveniunt, clericis si aliquid dictetur auctoribus, qui colubrinis oblatratorum molaribus fixi, si quid simpliciter edamus, insani; si quid exacte, vocamur praesumptiosi. At si tu ipse, cui datum est saltibus gloriae proterere posse cervices vituperonum, seu supercurrere, materiae istius libens provinciam sortiare: nemo te celsius scripserit, nemo antiquius, etiam si placeat recentia loqui; quandoquidem sermonum copia impletus ante, nunc rerum, non reliquisti cur venenato morsu secere. Atque ideo te in posterum consuli utilitas, audiri voluptas, legi auctoritas erit. Vale.

LETTRE XXIII.

EPISTOLA XXIII.

SIDONIUS A SON CHER PROCULUS, SALUT.

Sidonius Proculo suo salutem

Ton fils, qui est aussi le mien, est venu vers moi, tout affligé de la faute qu'il a commise en te laissant plein de honte et de repentir de son évasion. Après avoir entendu son aveu, je l'ai gourmande de cette fuite, en paroles amères, d'un visage menaçant, et avec ma voix, mais avec le rôle de père, lui disant qu'il était digne d'être déshérité, digne de la croix, digne du culeus et de tous les autres supplices réservés aux parricides. A cette réprimande, il a rougi de confusion, sans chercher à couvrir sa faute d'une excuse impudente; mais touché de mes reproches, il a mêlé à la honte des larmes si vives, si abondantes, qu'elles ont répondu de sa conduite future. Sois donc, jeté prie, plein de clémence pour un enfant sévère contre lui-même; imite le Seigneur, et ne condamne pas à ton tribunal celui qui s'avoue coupable. Si tu vas, inflexible, lui faire subir des peines inouïes, il ne saurait être plus tourmenté par tes châtiments, qu'il ne l'est par sa propre confusion. Affranchis de toute crainte et son désespoir, et ma confiance; cédant à l'amour paternel, si je te juge bien, délivre-toi de la douleur secrète qui te consume, lorsque tu vois ton fils publiquement affligé. Certes, je l'ai traité bien sévèrement, et tu devrais le ménager un peu; j'espère même que tu emploieras la clémence, à moins que tu ne sois plus insensible que les rochers, plus dur que le diamant.

Si donc j'ai droit de mieux augurer de ton caractère et de notre amitié, excuse ton fils et reçois-le avec indulgence; en le remettant dans tes bonnes grâces, je promets qu'il sera toujours soumis à l'avenir; l'absoudre promptement de sa faute, c'est m'obliger par un bienfait ; je te prie donc avec instance de lui pardonner, et, aussitôt qu'il se présentera, de le recevoir non seulement dans ta maison, mais aussi dans ton cœur. Grand Dieu! quel beau jour pour toi, quelle heureuse nouvelle pour moi, quelle joie pour lui, alors que prosterné à tes pieds, de cette bouche sévère, de cette bouche terrible dont il n'attend que des reproches, il recevra un baiser! Adieu.

Filius tuus, imo communis, ad me cucurrit; qui te relicto deliquisse se moeret, obrutus poenitendi pudore transfugii. Igitur audito culpae tenore, corripui latitabundum verbis amaris, vultu minaci, et mea quidem voce, sed vice tua: dignum abdicatione, cruce, culeo clamans, caeterisque suppliciis parricidalibus. Ad haec ille confusus irrubuit, nil impudenti excusatione deprecatus errorem; sed ad cuncta convictum cum redarguerem, verecundiae junxit comites lacrymas, ita profluas ubertimque manantes, ut secuturae correctioni fidem fecerint. Rogo ergo sis clemens in se severo: et dominum sequens, non habeas te judice reum se profitente damnabilem: quem si inaudita genera poenarum jubeas inexoratus excipere, non potest amplius per te dolore, quam per se pudore torqueri. Libera metu desperationem suam, libera confidentiam meam, et pietatis paternae necessitate, si bene interpretor, te quoque absolve, qui conficeris occulto, quod filius publico moerore conficitur: cui fecisse me constat plurimum injuriae; si tu tamen vel parum feceris: quam certe ut spero non facies, nisi scopulis durior duras, aut adamantibus rigidior perseveras insecabilibus.

Ergo si de moribus tuis deque amicitiis juste meliora praesumo, excusato propitius indulge: quem reconcilians fore fidelem constanter in posterum spondeo; quoque velociter culpa soluto, ego beneficio ligor: magnopere deposcens, non ut ignoscas modo, verum ut et protinus, et revertentem non domo solum, sed et pectore admittas. Deus magne! quam laetus orietur tibi dies, mihi nuntius, animus illi, cum paternis pedibus affusus, ex illo ore laeso, ore terribili convicium exspectans, osculum exceperit. Vale.

LETTRE XXIV.

EPISTOLA XXIV.

SIDONIUS A SON CHER TURNUS, SALUT.

Sidonius Turno suo salutem.

Ces paroles du poète de Mantoue conviennent bien à ton nom et à ton affaire : Turnus, ce que pour toi n'eût fait aucun des Dieux, Un bonheur imprévu vient l'offrir a tes vœux. (Enéide, LX, 6, 7. Trad. de Delille.)

Turpion, ton père, homme tribunitien, avait emprunté, si tu te le rappelles, de Maximus, officier du palais, une somme d'argent, et pour nantissement, pour garantie, n'avait déposé aucun objet précieux, n'avait engagé aucune terre; mais, ainsi que le prouve le billet, les intérêts sont d'un centième; puis, accumulés pendant deux lustres, ils ont égalé le capital. Or, comme ton père, voisin de la mort, succombait à la maladie, que l'autorité publique le pressait vivement, malgré son état de souffrance, de payer la dette, et qu'il ne pouvait plus résister aux importunes sollicitations des exécuteurs, au désespoir de cela, il me commanda par lettres, lorsque je partais pour Toulouse, d'obtenir avec mes prières que votre créancier lui accordât du moins quelque délai. Je cédai aussitôt à sa demande, parce que je ne connaissais pas seulement Maximus, mais que j'avais encore avec lui d'anciennes liaisons d'hospitalité. Je me détournai donc volontiers de la route pour aller voir cet ami, quoique sa villa fut éloignée de la voie publique de plusieurs milles.

Quand j'arrivai, il vint lui-même au-devant de moi. Je lui avais vu jusque-là le corps droit, la démarche aisée, la voix libre, le visage ouvert; mais alors sa démarche était bien différente de celle d'autrefois. Son extérieur, son allure, sa modestie, sa candeur, sa parole, tout respirait la religion. Il avait les cheveux courts, la barbe longue, des sièges à trois pieds, des portières d'étoffe de Cilicie ; point de plume à son lit, point de pourpre sur sa table ; il recevait d'une manière honnête mais frugale, et l'on servait à ses repas moins de viandes que de légumes. S'il y avait quelque mets délicat, c'était non pas pour lui, mais pour ses hôtes. Lorsque nous nous levâmes de table, je demandai tout bas aux assistons quel genre de vie des trois ordres il avait embrassé; s'il était moine, clerc ou pénitent? On me répondit qu'il était depuis peu chargé de l'épiscopat, où l'affection de ses concitoyens l'avait élevé malgré lui. Lorsque le soir fut venu, pendant que les esclaves et les clients s'occupaient à prendre les animaux, je lui demandai un entretien secret; il me l'accorda. Je l'embrasse aussitôt, je le félicite d'abord de son élévation ; ensuite, j'en viens aux prières. Je lui expose la demande de notre cher Turpion, je fais valoir ses besoins, je déplore l'extrémité où il est, ajoutant que ce qui semblait le plus dur à ses amis affligés, c'était de le voir mourir avec des dettes. Je le prie de se rappeler sa profession nouvelle, son ancienne amitié, et d'arrêter, en accordant quelque sursis, les barbares poursuites des exécuteurs qui le pressaient à toute outrance ; et, si le malade venait à mourir, de vouloir bien accorder aux héritiers toute l'année du deuil sans les inquiéter ; si Turpion recouvrait la santé, ce que je désirais fort, de lui donner, après une maladie qui avait épuisé ses forces, le temps de se rétablir.

Je suppliais encore, lorsque soudain cet homme de charité se prit à pleurer abondamment, non point sur le délai du paiement de sa dette, mais sur le danger où se trouvait son débiteur. Puis, mettant un frein à ses sanglots : « A Dieu ne plaise, dit-il, qu'étant clerc, j'exige d'un malade ce que j'aurais à peine exigé d'un homme ce sain, lorsque j'étais séculier ! J'aime tellement les enfants de Turpion, que, s'il arrive à cet ami quelque ce chose de fâcheux, je ne leur demanderai que ce qui ce convient au devoir de ma profession Ecris-leur ce donc, à ces enfants inquiets ; puis, afin qu'ils compte lent davantage sur ce que tu leur demanderas, j'écrirai aussi que, quelle que soit l'issue de la maladie, et nous désirons la voir arriver à bonne fin, je leur accorde un an de délai, et leur remets la moitié du total, formée des intérêts, me contentant de la somme prêtée. »

Je rendis à Dieu de très grandes actions de grâces, je fis à mon hôte de grandes félicitations de ce qu'il aimait ainsi et sa renommée et sa conscience, assurant à mon ami qu'il envoyait devant lui au ciel ce qu'il vous remettait, et qu'il achetait le royaume d'en haut en ne vendant point des bienfaits terrestres.

Maintenant donc, fais en sorte de rendre au plus tôt la somme prêtée tout au moins ; n'oublie pas de remercier beaucoup Maximus, même au nom de ceux qui te sont liés par la fraternité, et à qui l'âge ne permet pas encore peut-être de sentir le bienfait qu'ils reçoivent. Il ne faut pas que tu ailles dire : J'ai des consorts ; le partage n'a point encore été fait ; il est constant que j'ai été traité plus défavorablement que mes cohéritiers ; mon frère et ma sœur sont encore en âge de minorité ; on n'a encore trouvé ni mari pour ma sœur, ni curateur pour mon frère, ni caution pour le curateur. De tels prétextes peuvent bien être allégués par des créanciers, mais par de mauvais créanciers. Quand on est lié envers une personne par une dette, dont elle veut bien remettre la moitié alors qu'elle pourrait tout exiger, si l'on tarde trop, ce qu'elle avait accordé par une pieuse compatissance, elle le réclame justement à cause du tort qu'on lui a fait. Adieu.

Bene nomini, bene negotio tuo congruit Mantuani illud:

Turne, quod optanti divum promittere nemo

Auderet, volvenda dies en attulit ultro.

Pecuniam pater tuus Turpio, vir tribunitius, mutuam pridem, si recordaris, a Maximo Palatino postulavit, impetravitque; nil quidem loco fiduciae pignorisque, vel argenti sequestrans, vel obligans praediorum: sed, ut chirographo facto docetur, cauta centesima est feneratori: quae per bilustre producta tempus modum sortis ad duplum adduxit. Sed cum pater tuus morti propinquae morbo incumbente succumberet; atque ob hoc ipsum publica auctoritas male valentem patremfamilias violentius ad reformandum debitum arctaret, nec sustineri valeret improbitas exsecutorum; proficiscenti mihi Tolosam, jam desperatus litteris imperavit, ut me rogante creditor vester modicas saltem largiretur inducias. Precibus orantis citus annui: quia cum Maximo mihi non notitiae solum, verum et hospitii vetera jura. Igitur ad amicum libens ex itinere perrexi, quanquam villa non paucis aggere a publico millibus abesset.

Ut veni, occurrit mihi ipse, quem noveram anterius corpore erectum, gressu expeditum, voce liberum, facie liberalem, multum ab antiquo dissimilis incessu. Habitus viro, gradus, pudor, color, sermo religiosus; tum coma brevis, barba prolixa, tripodes sellae, cilicum vela foribus appensa, lectus nil habens plumae, mensa nil purpurae; humanitas ipsa sic benigna, quod frugi, nec ita carnibus abundans, ut leguminibus. Certe si quid in cibis unctius, non sibi, sed hospitibus indulgens. Cum surgeremus, clam percontor astantes, quod genus vitae de tribus arripuisset ordinibus; monachum ageret, an clericum, poenitentemne? dixerunt, nuper impacto sacerdotio fungi, quo recusantem factiose ligasset civicus amor. Luce revoluta, dum pueri clientesque capiendis animalibus occuparentur, secretae collocutionis peto copiam. Praestat: amplector nil opinantem, gratularique me primum pro sui status apice confirmo, tum consequentes misceo preces. Turpionis nostri rogata profero, allego necessitates, extrema deploro, quae duriora moerentibus amicis hinc viderentur, quod fenore ligatus corpore solveretur: meminisset ergo professionis suae novae, sodalitatis antiquae, exactorumque circumlatrantum barbaram instantiam indultis tantisper induciis moderaretur: et si decessisset aeger, tribueret haeredibus annui luctus tempus immune: si, quod optarem, pristinam Turpio salutem recuperasset, indulgeret exhausto per otium facultatem convalescendi.

Adhuc rogabam, cum repente vir totius caritatis flere granditer coepit non moram debiti, sed periculum debitoris; frenatoque singultu, Absit a me, inquit, ut haec reposcam clericos ab aegro, quae vix petissem miles a sospite. Sed et liberos ejus ita diligo, ut etiamsi quid adversum cesserit amico, nil sim ab his amplius postulaturus quam mei officii ratio permittit. Quapropter scribe sollicitis; quoque credant plus litteris tuis, meas junge, quisquis ille fuerit languoris eventus (quem tamen fratri prosperum optamus) quod et annuum solutioni spatium prorogabo, et superpositam medietatem quae per usurae nomen accrevit, indulgeam, sola simpli restitutione contentus.

Egi ad haec gratias, Deo maximas, hospiti magnas, qui sic amaret tam suam famam quam conscientiam, confirmans amicum praemittere sibi quod dimitteret vobis, atque hinc superna regna mercari, quod beneficia terrena non venderet.

Ergo quod restat, enitere, ut auctore te protinus saltim commodata summa solvatur: sic ut ingentes nihilominus gratias agas etiam nomine illorum qui tibi germanitate conjuncti, fors per aetatem sapere non possunt quid muneris consequantur. Non est cur dicere incipias, Habeo consortes, necdum celebrata divisio est; avarius constat me esse tractatum quam cohaeredes; frater et soror sub annis adhuc tutelaribus agunt; necdum sorori maritus, fratri necdum curator, curatori necdum satisdator inventus est; quod quidem totum creditoribus bene, sed malis dicitur. At cum habet talis persona contractum, quae velit medium relaxare, cum totum possit exigere; si moram patitur quidquid propter misericordiam concesserat pie, juste reposcit propter injuriam. Vale.

LETTRE XXV.

EPISTOLA XXV.

SIDONIUS A SON CHER DOMNULU8, SALUT.

Sidonius Domnulo suo salutem.

Je ne puis tarder plus longtemps à te faire partager notre grande joie, puisque tu désires savoir ce que notre père en Christ, le pontife Patiens, a fait, à Châlons, avec sa religion et sa fermeté accoutumées. Il arriva en cette ville en partie précédé, en partie accompagné des évêques de la province, réunis pour donner un chef à l'église de ce municipe, chancelante dans sa discipline depuis la retraite et la mort du trop jeune évêque Paul. L'assemblée des clercs trouva dans la ville des factions diverses, ces intrigues privées qui se forment toujours au détriment du bien public, et qu'avait excitées un triumvirat de compétiteurs. L'un d'eux, privé d'ailleurs de toute vertu, étalait l'illustration d'une race antique ; un autre, nouvel Apicius, se faisait appuyer par les applaudissements et les clameurs de bruyants parasites gagnés à l'aide de sa cuisine ; un troisième s'était engagé, par un marché secret, s'il parvenait au but de son ambition, à livrer les domaines de l'église au pillage de ses partisans.

Le saint Patiens et le saint Euphronius qui, dédaignant toute haine et toute faveur, étaient les premiers à soutenir fermement et rigidement le plus sage avis, reconnurent bientôt l'état des choses. Ils tinrent d'abord conseil avec les évêques leurs collègues, avant de rien manifester en public ; puis, bravant les cris d'une tourbe de furieux, ils imposèrent tout-à-coup les mains, sans qu'il se doutât de rien et formât aucun vœu pour être élu, à un saint homme nommé Jean, recommandable par son honnêteté, sa charité et sa douceur. Jean a été d'abord lecteur et a servi à l'autel dès son enfance; puis, à la suite de beaucoup d'années et de travail, il est devenu archidiacre. Longtemps retenu dans ce grade ou ce ministère, à cause de son talent, il n'a pu être élevé en dignité, parce qu'on ne voulait pas le décharger du soin des affaires ecclésiastiques. Il était donc prêtre du second ordre, et, au milieu de ces factions si acharnées, personne n'exaltait par ses louanges un homme qui ne demandait rien ; mais personne aussi n'osait accuser un homme qui ne méritait que des éloges. Au grand étonnement des factions, à l'extrême confusion des méchants, aux acclamations des gens de bien, et sans que personne osât ou voulût réclamer, nos évêques l'ont consacré leur collègue.

Maintenant donc, si tu n'es plus retenu dans ces monastères du Jura, que tu visites si volontiers pour y préluder aux joies célestes des habitations d'en haut, réjouis-toi de ce merveilleux accord, de cette rare unanimité qui a régné parmi nos pères et nos protecteurs communs. Applaudis encore au choix que viennent de faire Euphronius et Patiens, l'un par son témoignage, l'autre par l'imposition des mains, tous deux par leur prudence. En cela, Euphronius s'est conduit comme le demandaient son grand âge et le long exercice de sa dignité; Patiens, que Ton ne saurait trop louer, s'est comporté comme devait le faire un personnage qui se trouve, par le sacerdoce, chef de notre ville, et par notre ville, chef de ta province. Adieu.

Nequeo differre, quin grandis communione te gaudii festinus impertiam: nimirum nosse cupientem, quid pater noster in Christo, pariter et pontifex Patiens, Cabillonum profectus, more religionis, more constantiae suae fecerit. Cum venisset in oppidum suprascriptum, provincialium sacerdotum praevio partim, partim comitante collegio, scilicet ut municipio summus aliquis antistes ordinaretur: cujus ecclesiae disciplina nutabat, postquam junior episcopus Paulus discesserat decesseratque: exceperunt pontificale concilium variae voluntates oppidanorum, nec non et illa, quae bonum publicum semper evertunt, studia privata; quae quidam triumviratus accenderat competitorum: quorum hinc antiquam natalium praerogativam reliqua destitutus morum dote ructabat: hic per fragores parasiticos, culinarum suffragio comparatos, Apicianis plausibus ingerebatur; hic apice votivo si potiretur, tacita pactione promiserat ecclesiastica plausoribus suis praedae praedia fore.

Quod ubi viderunt sanctus Patiens et sanctus Euphronius, qui rigorem firmitatemque sententiae sanioris, praeter odium gratiamque, primi tenebant; consilio cum coepiscopis prius clam communicato, quam palam prodito, strepituque despecto turbae furentis, jactis repente manibus arreptum, nihilque tum minus quam quae agebantur optantem suspicantemque, sanctum Joannem, virum honestate, mansuetudine insignem (lector hic primum, sic minister altaris, idque ab infantia; post laborum temporumque processu, archidiaconus; in quo seu gradu, seu ministerio multum retentus propter industriam, diu dignitate non potuit augeri, ne potestate posset absolvi), attamen hunc jam secundi ordinis sacerdotem, dissonas inter partium voces, quae differebant laudare non ambientem, sed nec audebant culpare laudabilem; stupentibus factiosis, erubescentibus malis, acclamantibus bonis, reclamantibus nullis, collegam sibi consecravere.

Nunc ergo Jurensia si te remittunt jam monasteria in quae libenter solitus ascendere, jam coelestibus supernisque praeludis habitaculis, gaudere te par est de communium patrum vel patronorum, seu sic sentiente concordia, seu sic concordante sententia. Illius quoque nomine exsulta, quem creaverunt Euphronius testimonio, Patiens manu, ambo judicio. In quo fecit Euphronius quod conveniret non senectutis modo suae, verum etiam dignitatis longaevitati: fecit et Patiens vir quamlibet magnis par tamen laudibus, quod satis decuit facere personam, quae caput est civitati nostrae per sacerdotium, provinciae vero vestrae per civitatem. Vale.

NOTES.

LETTRE PREMIÈRE.

Probus, homme de lettres d'une érudition peu commune, était d'une famille où la noblesse, la science et les grands biens se trouvaient réunis avec les premières dignités de l'empire. Il avait pour frère Magnus Félix, qui fut préfet du prétoire et patrice. Ils étaient l'un et l'autre fils de Magnus, cet illustre seigneur de la ville de Narbonne, qui, par sa sagesse et son esprit, était devenu comme l'arbitre de tout le pays, et qui fut consul avec Apollonius sous Majorien, l'an 460.

Il semble que Probus fut l'aîné des enfants de Magnus, quoi qu'il ne paraisse pas qu'il ait exercé quelque charge, ou possédé quelque dignité comme son frère.

Avant que Sidonius eût publié le recueil de ses poésies, vers 469, Probus avait épousé Eulalia sa cousine germaine. Sidonii Carm. IX, v. 320-334 ; XXIV, v. 95-98.

Soror. — Le mot sœur est ici pour cousine, comme dans St. Matthieu, chap. XIII. « Et fratrum et sororum filios, dit Pierre de Ravenne, fratres nuncupat divina lex et humana cognatio. » Serm. XLVIII-IX. Voyez Sidonius lui-même, Epist. VII, 3-5.

Eusebianos lares. — « A Lyon, Eusèbe, dont St. Sidoine loue le savoir et la sagesse, enseignait publiquement la philosophie peu d'années avant le milieu de ce siècle, et continua sans doute le même exercice dans la suite. Il eut pour disciples le même St. Sidoine, Avite son cousin par les femmes, Probe qui fut un des savants hommes de la fin de ce siècle, et plusieurs autres jeunes gens de la première distinction. Au même endroit, Hoene, que St. Sidoine qualifie un homme vénérable (Carm. IX, 314), et Victor qui fut ensuite questeur sous l'empereur Anthème vers 470, enseignaient la poétique, au même temps qu'Eusèbe la philosophie. St. Sidoine les reconnaît pour des maîtres dans cet art, où il fit tous les progrès que l'on pouvait presque faire en son temps. » Hist. litt. de la France, tom. II, p. 40.

LETTRE II.

Revisionis. — Ce qui empêchait aux deux amis de se voir, c'étaient les incursions des Goths.

In usus inopinum. — Grégoire de Tours nous a conservé le souvenir de la tendre bienfaisance de Sidonius. « Cum esset, dit-il, magnificae sanctitatis, atque, ut diximus, ex senatoribus primis, plerumque nesciente conjugae, vasa argentea auferebat a domo, et pauperibus erogabat. Quod illa cum cognosceret, scandalizabatur in eum, sed tamen dato egenis pretio species domi restituebat. » Hist. II, 22. — Les Lettres de Sidonius nous fournissent plus d'une preuve de son âme compatissante et bonne.

LETTRE III.

Frontonianae gravitatis. — St. Jérôme a dit, Epist. XCV : « Ut post Quintiliani acumina, Ciceronis fluvios gravitatemque Frontonis, et lenitatem Plinii, alphabetum discerem. »

Atacinus. — Outre le fameux Varron, qui a mérité d'être appelé le plus docte des Romains, il y eut un autre Varron que Narbonne réclame comme sien, et qui fut nommé Atacinus, de l'Atax, fleuve de la Gaule Narbonnaise.

Cum Aesculapio baculum. — « Aesculapius bacillum habet nodosum, quod difficultatem significat artis. » Festus, lib. IX.

Cum Euphrate horoscopium — Euphrates, philosophe stoïcien, fut l'ami de Pline le Jeune, qui en fait l'éloge le plus magnifique; Epist. I, 10. Il fut aussi lié avec Dion Chrysostome et Apollonius de Tyane mais il se brouilla avec ce dernier, sans doute parce qu'il ne voulut pas croire à ses prestiges ; et depuis ce temps-là Apollonius ne laissa passer aucune occasion de le déchirer. Il a été imité par Philostrate, l'auteur de sa Vie, liv. V ; mais on s'en rapportera plutôt à Pline ou à Épictète, qui le citent avec éloge. Euphrates fut aussi honoré de l'amitié de l'empereur Adrien. Parvenu à un âge très avancé, et se voyant attaqué d'une maladie incurable, il obtint de ce prince la permission de se délivrer de la vie, ce qu'il fit en prenant du poison. Dionis Hist rom. LXIX, 8. — Eusebii Chron. Ann. Dom. 98 et 123. — Biogr. univ., au mot Euphrates.

Nous n'avons pu, malgré nos recherches, découvrir la raison pour laquelle Sidonius fait tenir l’horoscope à Euphrates.

Cum perdice circinum. — Perdis, neveu et élève de Dédale, se signala par ses inventions. Indépendamment de la scie et du compas, on lui doit encore la lime, et la roue ou tour du potier de terre. Les auteurs ne s'accordent pas sur son nom. Apollodore l'appelle Talus ; Pausanias et Suidas, Calas ; Tzetzès, Attale ; Hygin, Ovide et Servius, lui donnent le nom de Perdrix.

Cum Chrysippo numeros. — Chrysippe, philosophe stoïcien, né à Soles dans la Cilicie, vers l'an 280 avant Jésus-Christ, ne put jamais parvenir à résoudre l'argument nommé sorites, qu'on présentait ainsi. On demandait si trois grains de blé formaient un monceau ; à cela, réponse négative. On augmentait le nombre toujours un à un, jusqu'à ce qu'on fût forcé de convenir que le monceau était formé. On disait alors : on seul grain de blé forme donc un monceau.

Sentit ut, etc. Cet endroit, est remarquable par la justesse et la précision avec laquelle Sidonius trace en un mot le caractère des auteurs dont il parle.

Erasme peint aussi en quelques lignes les principaux d'entre les Pères de l'Église : « Ambrosius ubique placidus est, at jucundus magis quam vehemens. Augustinus blandus et haereus. Hieronymus vehemens, liber, interdum etiam austerior. Chrysostomo vitio verterunt aemuli, quod amaret solus cibum capere. Quod erat sobrietatis, inhospitalilatis nomine reprehensum, phrasis indicat hominem fuisse ad docendum pulchre compositum. In Basilio sentias eximiam animi celsitudinem, prudenti comitate temperatam. Gregorius Nazianzenus argutior est. Athanasio fuit in rebus gerendis admirabilis quaedam solertia. In Cypriano mireris naturalem dicendi facultatem. » De Ratione concionandi, lib. I, p. 844. tom. V des Œuvres d'Érasme, édit. in folio. Lugduni Batav. 1704.

Ut Eucherius sollicitat. — C'est parfaitement caractériser l'éloquence douce et persuasive de ce vertueux prélat. Voyez notre traduction des Œuvres de St. Vincent de Lérins et de St. Eucher de Lyon.

De hymno tuo. —L'hymne de la Passion :

Pange, lingua, gloriosi praelium certaminis, etc.

Tout ce que dit l'auteur d'une hymne composée par Claudianus Mamertus convient parfaitement à celle-ci, que lui attribuent en effet d'anciens manuscrits. On l'attribue aussi à Fortunatus de Poitiers ; elle se trouve au IIe livre de ses Poésies.

Municipales, etc. — Sidonius, Epist. I, 11, emploie le même mot, dans le sens de médiocre, infime, etc. Catkedrarios est ici, comme dans Sénèque, un terme de mépris. « Solebat, dit-il, dicere Fabianus, non ex bis cathedrariis philosophas, sed ex veris et antiquis, etc. » De Brevit. vitce, cap. X.

Pauci quos aequus amavit. — Hémistiche de Virgile, passé en proverbe ; Enéide, VI, 129.

LETTRE IV.

Il y a lieu de croire que Simplicius et Apollinaris, à qui notre auteur écrit tantôt conjointement, tantôt séparément, étaient deux frères.

Il est dit, dans cette lettre, que Faustinus avait embrassé l'état ecclésiastique ; on voit, par la lettre 6 de ce livre, qu'il était évêque ; il y est appelé antistes.

LETTRE V.

Gozolas.—Sidon. Epist. III, 4. Cette lettre a sans doute rapport aux négociations du questeur Licinien, envoyé de Rome pour traiter avec les Goths au sujet de l'Auvergne. Sidonius avait déjà demandé à Félix, dans la lettre 7e du livre III, ce qu'on devait attendre de cette députation.

LETTRE VI.

Genesium. Quel était le Genésius dont il est ici parlé? était-ce un ami d’Apollinaris, ou, ce qui est plus vraisemblable, un homme attaché à son service, un client ? La prière que fait Sidonius à Apollinaris, de rendre promptement justice au porteur de cette lettre, suppose qu'il avait quelque autorité sur Génésius.

LETTRE VII.

Currentem mones. — Espèce de proverbe, qui se retrouve dans Pline, Epist. I, 8; III, 7 ; — dans Symmaque, Epist. I, 56 ; IX, 36 ; et beaucoup d'auteurs contemporains de Sidonius.

Apicios epulones. — Il y eut trois Romains du nom d'Apicius, devenus fameux non par leur génie, leurs vertus, ou leurs grandes qualités, mais par leur gloutonnerie et leur supériorité dans l'art gastronomique. Le premier vivait sous Sylla, le second sous Auguste et Tibère, et le troisième sous Trajan. C'est le second qui est le plus célèbre, et c'est de là que Sénèque, Pline, Juvénal et Martial ont tant parlé. Athénée, I, 6, dit qu'il dépensa, pour satisfaire sa gourmandise, des sommes immenses, et inventa plusieurs espèces de gâteaux, qui portèrent son nom. Sénèque, dont il était le contemporain, nous apprend qu'il tenait une espèce d'école de bonne chère, et avait dépensé de cette sorte deux millions et demi.

Il ajoute qu'Apicius étant fort endetté, fut obligé d'examiner enfin l'état de ses affaires, et que, voyant qu'il ne lui restait plus que 250.000 livres, il s'empoisonna, dans la crainte qu'une pareille somme ne lui suffit pas pour vivre. Consol. ad Helviam, cap. X et XI. — De vita beata, cap. XI et XII. — Epist. XIV.

Dion atteste le même fait. Pline parle souvent des ragoûts qu'Apicius inventa, et l'appelle nepotum omnium allissimus gurges. « Non sunt suaves epulae, dit St. Jérôme, quae non et placeant et redoleant ; quae non condit Apicius, in quibus nihil de magistrorum hujus temporis jure suffumat. » Epist. critic. tom. II, p. 611.

Le troisième Apicius vivait sous Trajan. Inventeur d'un secret pour conserver les huîtres, il en fit parvenir de très fraîches à l’empereur, alors occupé à combattre les Parthes. Biograph. univ., au mot Apicius.

De nos jours, l'art des Apicius a trouvé des panégyristes, qui en ont tracé sérieusement les leçons. Plus heureux et plus habile, un de nos plus aimables poètes, Berchoux, a gaîment traité ce sujet dans son poème de la Gastronomie.

Bisantinos chironomontas. — Sur la mollesse et l'ivrognerie des Byzantins, voyez Apulée, X, 12 ; XII, 6. —Cheironomontas vient de deux mots grecs, χεῖρας νίμων, χειρονόμος qui remue les mains quasi quodam, νόμῳ. Les passages suivants nous instruiront de l'habileté et de l'utilité de ces chironomontes. « Processit statim scissor, et ad symphoniam ita gesticulatus laceravit obsonium, ut putares essedarium hydraule cantante pugnare. » Petron. Satyr. cap. XXXVI.

« Alius pretiosas aves scindit, et per pectus ac dunes certis ductibus circumferens eruditam manum, in frustra excutit : infelix, qui huic uni rei vivit, ut attilia decenter secet ; nisi quod miserior est, qui hoc voluptatis caussa docet, quam qui necessitatis discit. » Senec. Epist. XLVII. Voyez Juvénal, Sat. V, v. 130-124.

LETTRE VIII.

Jam duae secundae, etc. — Cela signifie quatre heures depuis le lever du soleil.

Epigramma. — Nous avons traduit par épigramme. Ce mot, chez les Grecs, signifiait assez généralement une pièce de vers, et n'avait pas le sens exclusif que nous lui avons donné.

Ragnahildae. — C'est à Sidonius seul que nous devons le nom de la reine Ragnahilde, femme, à ce qu'il paraît, d'Euric, roi des Visigoths ; car Théodoric devait être mort lorsque cette lettre fut écrite. Le nom de Ragnahilde paraît franc ou burgonde ; mais on ignore de qui elle était fille.

Concha. — Vase en forme de conque. Paulin d'Aquitaine, dans la Vie de St. Martin, III, v. 99-100, a dit :

« Sustentant vitreas cristalla capacia lymphas ;

Cumque ipsa et conchae species videatur et undae,

Nec cohibere putes susceptum claustra liquorem.

Et Grégoire de Tours : « Matrona concham argentearu praeparat. » Mirac. I, 12. Voyez, dans Claudien, une épigramme sur une conque.

Charta. — Le vase qui devait recevoir les vers de Sidonius.

LETTRE IX.

Vectio. — Je ne sais si ce Vectius ne serait point descendu de Vectius Epagathus, l'un des célèbres martyrs de Lyon ; car ce saint laissa une postérité qui fut même illustre dans le siècle.

Monachum complet non sub palliolo. — Les moines, ainsi que les philosophes, portaient le manteau. Cassien, De habitu monachi, I, 7. — Sérère Sulpice, Epist. ad Bassulam ; Dial. II, 4 — Salvien, De gubernatione Dei, lib. VIII..

Caelibatus. — Terme employé par l'auteur, dans le sens de viduvium. Epist. II, 7; V, 6.

Praesenti seculo imponitur. — Si l'on déclamait contre les philosophes, qui n'avaient pour toute philosophie que la barbe et le manteau, les religieux non plus n'étaient pas épargnés. St. Jérôme et Salvien parlent avec une éloquence pleine d'indignation contre ces hypocrites de religion. St. Isidore de Péluse, lettre XXII, leur exprime une vérité que nous avons rendue en français par un axiome bien connu, et qui se trouve pour la première fois dans le Roman de la Rose:

« Tel a robe religieuse,

Doncques il est religieux ;

Cet argument est vicieux,

Et ne vaut une vieille gaine,

Car l'habit ne fait pas le moine. »

LETTRE X.

Peregrinationis adversa fregerunt. — L’auteur parle probablement ici des peines qu’il avait souffertes depuis qu’il avait quitté Lyon, qu’il avait été fait évêque, et qu’il se trouvait contraint d’obéir aux Goths.

Heliodorus. — Cet Héliodore était-il vraiment fils de Sidonius, ou bien seulement fils spirituel?

Post terminatum libellum. — Et, dans la 22e lettre de ce livre, il dit : « Ut epistolarum curam, terminatis libris earum, converteremus ad stylum historiae. » Ces deux passages font voir que la première édition des Lettres de Sidonius ne fut pas celle qu’il dédia au prêtre Constantius, mais qu’il avait paru déjà quelques livres séparément.

Parum cultior, etc. — L’auteur dit qu’il a deux sortes de style: un style qui est plus poli, pour les ouvrages qu’il veut publier; et un autre, qui l’est moins, pour ceux qui ne sont qu’à son usage. Dans l’un et l’autre cas, Sidonius employait toujours la langue latine, avec cette différence, que dans le premier il choisissait les termes les plus recherchés, et que dans l’autre il faisait usage du latin barbare et grossier que parlait alors le peuple des Gaules.

Patronus. — Le P. Sirmond croit que celui que Sidonius appelle son protecteur est Victorius, comte d’Auvergne, à qui il donne cette qualité dans la lettre 17 du livre VII.

LETTRE XI.

Complatonicorum. — « On trouve, parmi les Gaulois distingués de cette époque, des philosophes de toutes les écoles grecques ; tel est mentionné comme Pythagoricien, tel autre comme Platonicien ; tel comme Épicurien, tel comme Stoïcien. Les écrits gaulois du IVe et du Ve siècle, entre autres le traité de la Nature de l'Ame de Mamert Claudien, citent des passages et des noms de philosophes qu'on ne rencontre point ailleurs. Tout atteste, en un mot, que, sous le point de vue religieux, la Gaule romaine et grecque, aussi bien que chrétienne, avait a cette époque, en Occident du moins, la portion la plus animée, la plus vivante de l'empire. Aussi est-ce là que la transition de la philosophie païenne à la théologie chrétienne, du monde ancien au monde moderne, est le plus clairement empreinte, et se laisse le mieux observer. » Guizot, Cours d'hist. moderne, tom. I, p. 222.

Germani decus. —Martial avait dit aussi de même, Epigr. XI, 13 : « Romani decus et dolor theatri. »

Pompa episcoporum. — L'édition de Savaron porte gemma, et M. Guizot, qui a traduit cette lettre presque tout entière, prend le sens de Savaron : « Honoré, dit-il, comme une pierre précieuse de tous les évêques. Que l'on mette pompa ou gemma, c'est la même chose. »

Tractator. — Interprète des livres sacrés. Le mot tractator devint fort en usage au Ve siècle, pour exprimer ce sens. Voyez notre Commentaire sur Vincent de Lérins.

Phonascus. — Qui enseigne à bien chanter et à bien prononcer; du mot grec Fonh, vox, sonus.

Ordine in secundo. — L’antistes ou le clerc du premier ordre est l’évêque; celui du second ordre est le prêtre; puis le diacre, etc. « Quid commemorem laicos, qui tunc in Ecclesia nulla fuerant dignitate suffulti? Quid ministros plurimos? Quid diaconos in tertio? Quid presbyteros in secundo sacerdotio constitutos? Ipsi apices et principes omnium episcopi. » Optati Milevit. De schismate Donat. I, 13.

Non queunt humari. — Cette dernière idée a souvent été présentée depuis et de plusieurs manières, même comme nouvelle, notamment dans cette épitaphe: « Hic cinis, ubique fama. »

Perpaucos esse ... qui mortuos ament. — Ah! si quelques générations, que dis-je? si quelques années après votre mort vous reveniez, hommes oubliés, au milieu du monde, vous vous hâteriez de rentrer dans vos tombeaux, pour ne pas voir votre nom terni, votre mémoire abolie, et votre prévoyance trompée dans vos amis, dans vos créatures, et plus encore dans vos héritiers et dans vos enfants. Bossuet, Oraison fun. de Le Tellier. Cette lettre nous apprend à peu près tout ce que nous savons sur Claudianus Mamertus, qui était à cette époque le philosophe le plus savant et le plus considéré de la Gaule méridionale. . Elle porte le caractère ordinaire des lettres de Sidoine : tout l’effort, toute la puérilité du bel esprit s’y mêlent à des sentiments vrais et à des faits curieux. Guizot, Cours d’histoire, tom. I, p. 228.

Les savants auteurs de l’Histoire litt. de la France, tom. II, p. 445, pensent que Claudianus mourut en 473 ou 474, « cette dernière année, disent-ils, étant la seule à laquelle on trouve que St. Sidoine, depuis son épiscopat, soit allé à Vienne. » Il nous reste de Claudianus un traité de la Nature de l’Âme, assez estimé ; puis, un petit écrit sur la distinction de la nature corporelle, incorporelle et divine. On a encore de lui une lettre adressée à Sidonius, la 2e de ce livre, et une autre à Sapundus, dans le VIe volume des Miscellanea de Baluze.

LETTRE XII.

Epitremontem. — Ce mot vient du grec, et signifie remettre un différend au jugement d'autrui. Nous avons dans Stobée, Serm. XXX et LXXXVII, quatre vers de cette pièce. Ausone a imité les deux premiers dans ce distique :

« Sanus piger febriente multo est nequior,

Potat duplum, dapesque duplices devorat. »

Alciphron, Epist. ultima, compte la même comédie parmi celles de Ménandre ; et Quintilien, Institut. Orat. XI, loue une pièce du même titre, comme quelque chose de parfait, mais sans nommer l'auteur, tacito auctoris nomine, dit le P. Sirmond. Quelques écrivains prétendent que, d'après le passage, on doit donner l'Epitreponte à Ménandre ; mais la chose n'est pas claire, et cet endroit de Quintilien est altéré, comme le dit l'abbé de Pure.

« On déclamait dans les écoles les pièces de Ménandre ; elles faisaient le sujet habituel et le texte des exercices littéraires que les maîtres proposaient a leurs disciples. Tout homme bien élevé devait savoir tout Ménandre par cœur, au témoignage de Denys d'Halicarnasse, de Script. vet. jud. p. 424 et de Dion Chrysostome, Orat. XXXI, p. 628, 13. » Théâtre des Grecs, par le P. Brumoy, édit. Raoul-Rochette, tom. XVI, p. 17.

LETTRE XIII

Cantillensem ecclesiam. — Cautèle était un ancien château d’Auvergne, dont la Table de Peutinger fait mention. Les Annales des Gestes de Pépin, sur l’année 762, portent ce qui suit : Pépin étant entré dans l’Aquitaine, prit quelques villes et quelques châteaux, entre autres Bourbon (Burbonium), Cantèle (Cantilla) et Clermont (Clarus Mons).

Duodecim lustra. — 60 ans. Juvénal a dit, sat. XIII, 16:

« Stupet haec, qui jam post terga relinquit

Sexaginta annos, Fonteio consule natus ?

Tout ce portrait de Germanicus est fort curieux pour la connaissance des mœurs de l’époque. St. Jérôme, Lettre X, emploie les mêmes couleurs à peu près, dans la peinture d’un vieillard.

LETTRE XIV.

Ulpianorum. — On appelait Ulpiens, Vespasien et ses deux fils, Titus et Domitien, » dit Sauvigny, tom. I, p. 159. C’est une erreur grossière: Vespasien et ses deux fils étaient de la famille Flavia, et on les appelait Flavii, Flaviens. C’est à Nerva et à son fils adoptif, Trajan, qu’appartenait le nom d’Ulpii: M. Ulpius Nerva Trajanus.

Tacite fut consul subrogé, l'an de Rome 580, de Jésus-Christ 97, à la place de Titus Virginius Rufus cons. III. Nerva régnait alors ; Trajan lui succéda, le 21 janvier de l'année suivante (Note de M. Bréghot du Lut).

Cum Vespasiano. — Paroles de Claudius Civilis, prince des Bataves, mais un peu changées ; les voici telles qu'elles se trouvent dans Tacite, Hist. V, 26. « Erga Vespasianum vetus mihi observantia est; et, cum privatus esset, amici vocabamur. »

Nova gloria capit. — « Honores mutant mores, » dit un vieux proverbe ; et cette pensée se retrouve fréquemment chez les anciens. Voyez Zénon de Vérone, Serm. de Balm. CXXX ; — Salvien, Epist. II; — Symmaque, Epist. VIII, 1.

Et nos, etc. — Vers de Virgile, Enéide II, 90, Sidonius eut en effet la préfecture de Rome et la dignité de patrice.

Qui Deo confessis fuerit, absolvitur. — Ce passage sur la confession est précieux pour les théologiens ; je ne sache pas cependant qu'ils s'en soient jamais servi. Voyez encore Ruricius de Limoges, Epist. I, 8.

LETTRE XV.

L'Auvergne était apparemment sous la domination des Visigoths, lorsque Sidonius fut prié d'aller en Rouergue faire la dédicace d'une église qu'avait fait bâtir Elaphius, en un temps où d'autres osaient a peine entretenir les anciennes, a cause de l'aversion d'Evaric pour les catholiques, à qui il ne permettait pas de mettre des évêques dans les églises vacantes. Sidon. Epist. VII, 6.

Epulum. — Chez, les chrétiens, comme chez les gentils, on faisait des festins aux jours des grandes solennités et des dédicaces de basiliques. Voyez, à ce sujet, Pline le Jeune, Epist. IV, 1: — Grégoire le Grand, Epist. X, — Grégoire de Tours, de S. Martino, I, 6.

Lectisternia. — De deux mots latins, lectus, lit; et sternere, préparer, mettre par terre. « Lectisternia dicuntur, ubi hommes sedere consueverunt. » Isidor. Orig. XV, 5.

Fabricabamini. — Ce verbe reçoit également un sens actif avec une forme passive, dans Cicéron, de Orat. III ; — dans St. Jérôme, Epist. I; — Pline, Nat. Hist. XXVI, 50.

Nos ministerii. — Les Canons réservaient au seul évêque diocésain la dédicace des églises. Sidonius, en se rendant à l’invitation de son ami, violait-il la discipline établie ? Non, car les temps étaient difficiles, et Rodez ne pouvait avoir d’évêque. Sidon. Epist. VII, 6.

Desiderio meo Christus indulgerat. — Quelques auteurs pensent que le désir de Sidonius fut exaucé. Et, en effet, Ruricius étant évêque, écrit à un Elaphius qu’il traite de frère, ce qui peut faire entendre qu’il était évêque, et dont il relève la piété et la charité. Gallia Christ., tom. III, p. 593, anc. édit. — Tillemont , Mém. tom. XVI, p. 260. — Ruricii Epist. II, 7.

Thespiae visantur. — Praxitèle avait fait un beau Cupidon, pour lequel on allait voir Thespiis. « Idem artifex ejusdem modi Cupidinem fecit ilium, qui est Thespiis , propter quem Thespiae visuntur, nam alia visendi causa nulla est. » Ciceronis in Verrem, act. II, liv. IV, 3; — et Pline, Nat. Hist. XXXVI, 4.

LETTRE XVI.

Ruricius descendait d'une famille illustre dans les Gaules, qui avait contracté des alliances arec celle des Anitius de Rome. Fortunat. IV, 4. On ne sait pas quel fut le lieu de sa naissance, et l'on ne saurait en juger par ses liaisons ; car s'il en avait en Provence, il en avait aussi à Lyon, en Auvergne et ailleurs. S'il n'était pas de Provence, il paraît au moins qu'il y faisait de fréquents voyages, et qu'il y avait séjourné. Ruricius, Epist. I, i, 2. On ne sait rien non plus sur son éducation, mais on ne doit pas douter qu'elle ne fut conforme à sa naissance.

Il épousa Ibéria, fille d'Ommatius, d'une famille patricienne d'Auvergne. Ce mariage se fit quelque temps avant l'année 471, qui est la première de l'épiscopat de Sidonius, puisque celui-ci fit leur épithalame, « pièce trop mauvaise en toutes manières, disent les auteurs de l'Histoire littéraire de France, tom. III, p. 49, pour l'attribuer à un évêque. » Ruricius eut des enfants de son mariage, on sait qu'il fut l'aïeul d'un autre Ruricius, évêque de Limoges après lui.

Quand il eut passé quelques années dans le mariage, Ruricius renonça au grand monde, pour se donner à la piété. Faust, ad Rur., Epist. VII. Son épouse imita son exemple, et, dès avant 477, ils vivaient l'un et l'autre dans la pratique de toutes les bonnes œuvres. Ruricius faisait consister ses plus chères délices dans la lecture des livres sacrés et des ouvrages des Pères de l'Eglise. Rurici; Epist. I, 6-8. Il n'épargnait ni soins ni dépenses, pour en fournir sa bibliothèque. Elle en avait plusieurs qu'il avait fait copier chez Sidonius, et que celui-ci s'était donné la peine de revoir et de corriger. Ruricii Epist. I, 7-10. Pour mieux se soutenir dans le genre de vie qu'il venait d'embrasser, Ruricius voulut se lier avec les plus saints évêques des Gaules. Il fut, en effet, uni d’une étroite amitié arec Lupus de Troyes, Léontius d'Arles, Sidonius Apollinaris, et Faustus de Riez.

Il était depuis longtemps en rapport d'intimité avec Sidonius ; une fois qu'il se fut adonné plus spécialement à la vertu, leur union se resserra davantage. Il nous reste de l'un et de l'autre plusieurs lettres, qui sont des preuves non équivoques de cette amitié toute sainte.

Grecus de Marseille ayant été exilé par Euric, roi des Visigoths, Ruricius le secourut généreusement dans sa disgrâce. Elle dura près de trois ans, depuis 482 jusque vers la fin de 484. Lorsqu'elle finit, Ruricius devint évêque de Limoges. Faust, ad Ruric., Epist. 6-9. Le siège ou la Providence le plaçait n'était pas alors très relevé, suivant ses propres expressions, Epist. II, 32 ; mais il s'en consolait facilement, parce qu'il trouvait qu'il est plus beau pour le pontife de donner du relief à son église, que d'en recevoir d'elle.

Ruricius nous apprend, Epist. II, 32, qu'il était valétudinaire, en été surtout, quoiqu'il se portât un peu mieux pendant l'hiver. Ses fréquentes maladies, jointes à un âge avancé déjà, ne permettent guère de reculer sa mort au-delà de 507. Son épitaphe se trouve dans Fortunat de Poitiers, IV, 4.

Il nous reste de Ruricius un recueil de Lettres divisé en deux livres. Le premier en contient 18, et le second 64. Toutes celles du premier livre, et plusieurs du second, ont été écrites avant l'épiscopat de l'auteur. Les Lettres de Ruricius offrent l'empreinte d'une piété solide ; du reste, elles contiennent peu de chose pour l'histoire du temps. Si elles sont écrites avec toute l'élégance que le siècle où vécut Ruricius pouvait comporter, elles sont entachées néanmoins de plusieurs fautes qui peuvent être rejetées sur la négligence des copistes.

Canisius est le premier qui ait tiré de la poussière les Lettres de Ruricius. Il les publia dans le tom. V de ses Lectiones antiquœ, Ingolstat, 1604. De là, elles sont passées dans les diverses bibliothèques des Pères ; Basnage les plaça plus tard au tom. I de la belle édition de Canisius, qu'il donna en 5 vol., in fol. Anvers, 1725). Hist. litt. de la France, tom. III, p. 49-56.

LETTRE XVII.

Arvogaste ou Arbogaste avait les titres de comte et de gouverneur de la ville de Trêves : il descendait d'un autre Arbogaste, qui fut créé comte par l'empereur Valentinien le Jeune, et qui devint fameux par sa valeur, par son ambition, sous Théodose Ier.

Arigius, père de celui qui fait le sujet de cet article, et sa mère qui vivait encore, s'étaient acquis une grande réputation que leur fils égala pour le moins, qu'il surpassa peut-être. N'étant que simple laïque, il avait le mérite et les qualités d'un prélat ; il était juste, sobre, chaste, et gouvernait la ville de Trêves avec une merveilleuse sagesse. Sidon. Epist. VI, 17.

Auspicius, évêque de Toul, qui, dans sa ville épiscopale, avait connu Arvogaste, lui écrivit quelque temps après une lettre en vers, que nous avons encore. Du Chesne, tom. I, p. 844. Il donne à ce comte divers avis salutaires, et l'exhorte surtout à faire l'aumône et il se préparer à l'épiscopat, qu'il dit lui être destiné. Ce petit poème est en vers iambiques assez médiocres.

Vers le même temps Arvogaste écrivit à Sidonius, dès lors évêque, pour lui demander quelque explication sur les Livres sacrés. Sidonius lui fît une réponse, Sidon. Epist. IV, 17, aussi honorable pour la mémoire d'Arvogaste, à cause du soin qu'il prenait de cultiver les lettres, que le poème de St. Auspicius, à cause des grandes qualités qu'il nous fait admirer en ce comte.

On croit avec raison que notre Arvogaste est le même que celui qui gouverna l'église de Chartres sur la fin du Ve siècle. Il put être élevé à l'épiscopat vers 473 ou 474 mais guère plus tard ; c'est ce que prouve la lettre de Sidonius qui lui est adressée, car Arvogaste n'était point encore revêtu de cette dignité quand notre auteur lui écrivit, et ce ne fut que lorsque Sidonius était déjà lui-même évêque. Hist. litt. de la France, tom. II, p. 478 et 548 ; — Tillemont, Mém. tom. XVI, p. 250, 475, etc.

« On ne sait en quelle année mourut Arvogaste. Sébastien Rouilliard, Parthenie, ou Hist. de la très auguste et très dévote église de Chartres, tom. II, p. 10, suppose sans aucun fondement que ce fut en 471 c’est encore sans preuve qu’il place vers 459 l’élection de ce pontife.

Peregrinis. — Parce que la ville des Arvernes était au pouvoir d’Evarix et que Sidonius vivait en exil; Epist. IV, 10, 22 — ou bien parce qu’il était évêque. « Riochatus, dit-il ailleurs, antistes ac monachus, atque istius mundi bis peregrinus. » Epist. IX, 9.

Quirinalis. — C’est-à-dire, Romaine.

Potor Mosellae. — C’est-à-dire, citoyen de Trêves ou de Metz. L’auteur a dit, Epist. I, 8, Bibitor Araricus.

LETTRE XVIII.

Serraca. — Nom d’un char fort et grossier, destiné à porter les fardeaux pesants. Vitruve, X, t. I — St. Jérôme, in Esaiam, cap. ult.

Volusianus. — Comme l’auteur appelle Volusianus son frère, le P. Sirmond a cru qu’il l’était effectivement. Il faudrait donc en dire autant de Lucontius, qui était frère de Volusianus, et à qui néanmoins notre auteur écrit comme à ses autres amis: Lucontio suo. Mais il semble que Sidonius n’avait point de frère vivant lorsqu’il écrivait à Sécundus, et Volusianus vivait encore longtemps après. Je ne sais si l’on pourrait répondre que Sidonius parle dans sa lettre à Sécundus, comme s’il n’eût point eu alors de frère, parce qu’il n’en avait point qui fut en état de faire faire l’épitaphe de son aïeul; Volusianus pouvant bien alors être plus jeune que Sécundus, et vivre encore sous la discipline et les yeux de Faustus. Mais assurément, c’est forcer le sens de notre auteur sans aucune nécessité ; car il a coutume, comme les écrivains de cette époque, de traiter ses amis de frères. Tillemont, Mém. tom. XVI, p. 748.

Basilicam. — On commençait en plusieurs endroits des Gaules à bâtir des églises magnifiques. Perpétuus de Tours trouva que celle qu'on avait élevée sur le tombeau de St. Martin, était trop petite pour le nombreux concours des peuples. Il en fit construire une plus belle et plus grande, à cinq cent cinquante pas de la ville. Elle avait cent soixante pieds de longueur, soixante de largeur, quarante-cinq de hauteur jusqu'à la voûte, trente-deux fenêtres dans le chœur, et vingt-neuf dans la nef. C'est Grégoire de Tours qui nous a laissé la description de cette église, Hist. II, 14. Nous avons cru devoir rapporter ces détails, pour faire connaître quelle était dans la Gaule la forme et la magnificence des églises au Ve siècle. Perpétuus dédia cette basilique le 4 de juillet, jour auquel on célébrait dès lors l'ordination de St. Martin, et il fit en même temps la translation de ses restes précieux, qu'il renferma dans une châsse brillante. Hist. X, 30. Euphronius d'Autun avait donné le marbre dont on orna le tombeau du saint pontife.

Perpétuus pria Apollinaris Sidonius de faire une inscription en vers pour cette nouvelle église ; car c'était la coutume, comme nous le voyons par plusieurs exemples et par St. Paulin, Stii. Felicis Pfatali, X, de mettre des inscriptions sur les murailles des églises. Paulin de Périgueux fit aussi, à la prière de Perpétuus, une inscription pour la même basilique, et écrivit en vers la vie de St. Martin. Nous avons encore son poème.

Sextus. — L'auteur nomme Perpétuus le sixième après St. Martin, en comptant Briccius, successeur de Martin, pour le second, et Justinien et Armentaire, qui furent successivement ordonnés pendant que Briccius était chassé de son siège, pour le troisième et le quatrième. Grégoire de Tours fait deux calculs différents : à la fin de son Histoire, il nomme Perpétuus le sixième évêque de Tours depuis St Gatien, parce qu'il ne compte pas les deux intrus Justinien et Armentaire ; et, dans le IIe livre, ch. 14, il dit : Quintus post B. Martinum Perpetuus ordinatur. Il met, dans ce calcul, St Brice (Briccius) pour le premier, et compte Justinien et Armentaire. Ainsi, le mot quintus qu'on lit dans cet endroit, n'est pas une bute, comme l'a cru Savaron.

Perpetuo. — Cette église ne dura que jusqu’au temps de Khloter, et fut incendiée alors par Uviliacharius et son épouse. Grégoire de Tours, qui nous donne cette particularité, Hist. IV, 20, fit restaurer la basilique.

LETTRE XIX.

Sidonius qui s’accuse, dans plusieurs de ses lettres, d’être babillard, a voulu sans doute prouver ici qu’il savait écrire quelquefois à la manière des Lacédémoniens; sans cela, je ne vois pas pourquoi il eût jugé cette lettre digne de passer à la postérité.

LETTRE XX.

Sigesmerem. — Le P. Sirmond dit qu’il ignore si Sigismer était Goth, Franc ou Burgonde; mais son habillement est le même que celui des Francs: ce qui donne lieu de croire qu’il était de cette nation. Entre autres armes, les officiers de sa suite portaient à la main droite des haches qui se lancent; or, ces haches paraissent être la terrible francisque, ainsi appelée du nom des Francs, le seul peuple qui en fît usage. Les robes fourrées dont les soldats de la suite de Sigismer étaient revêtus s’appelaient en latin rhenones, parce qu’elles étaient en usage chez les peuples du Rhin: elles sont une preuve de plus que Sigismer était Franc; on ignore de qui ce prince était fils. Tillemont conjecture que Sidonius résidait à Lugdunum lorsqu’il écrivit cette lettre à Domnitius, qui serait alors notre compatriote; il croit, en conséquence, que Sigismer passa par Lugdunum.

LETTRE XXI.

Aper devait être un personnage très considérable. C'est le même, sans doute, que Sidonius exhorte à revenir des montagnes d'Arvernie a la Tille, pour assister aux Rogations. Aper cherchait un refuge dans ces montagnes, et ainsi ce pouvait être en 475 au plus tard, ou bien il y prenait les bains des eaux chaudes. Epist. V, 14. — Le P. Sirmond présume que Fronto, aïeul d'Aper, pourrait bien avoir été le corata de ce nom, qui fut envoyé deux fois en ambassade vers les Suèves en Espagne, d'abord sous le règne de Valentinien, et ensuite sous celui d'Avitus.

Heduus. — On appelait Eduens, Hedui, les peuples d'Autun, de Châlons, de Maçon et de Nevers.

Pallas, etc. — Virgile a dit, Enéide, VIII, v. 510-511.

« Natum exhortarer, ni mixtus matre Sabella,

Hinc partem patriae traheret. »

Les Etrusques cherchaient un chef étranger pour guider leurs troupes contre Mézence ; Pallas ne put être élu, parce qu'il tenait, par sa mère, à la race italique, et ainsi n'était point étranger.

Territorii ... jocunditatem. — L'auteur, dans le Panégyrique d'Antus, v. 139 et suiv., loue encore la richesse et la fertilité de l'Arvernie. C'est de la Limagne principalement qu'il faut entendre ceci. Voyez Grégoire de Tours, Hist. III, 9.

LETTRE XXII.

Léon était de la ville de Narbonne, où Sidonius l’avait connu et visité quelquefois, il comptait entre ses aïeux l’orateur Fronto. Léon avait hérité de son éloquence, comme d’un bien domestique; ce qui rendit son nom très célèbre par toute la terre. Ennodius, Vit. Epiph., p. 383. A une éloquence si généralement reconnue, il joignait la connaissance de presque toutes les sciences et des beaux-arts. Il possédait à fond la poétique, la jurisprudence, la philosophie, et avait toutes les qualités nécessaires pour bien écrire l’histoire. Sidon. Epist. IX, 3. Il était si excellent poète, que Sidonius ne fait pas difficulté de l’appeler le prince des poètes de son siècle, rex Castalii chori; Epist. VIII, 3. Jaloux de lui assigner un caractère distinctif, il le nomme Catum Leonem; Carm. IX, 315.

Il possédait la science des lois aussi bien que les plus habiles jurisconsultes, et pouvait éclipser Claudius Appius. Il fallait qu’il fût bon philosophe, pour que Sidonius Apollinaris lui fit l’honneur de le prendre, vers l’an 465, pour juge avec le consul Magnus et le questeur Domnulus dans les matières les plus abstraites de la philosophie, Carm. XIV.

Tel était Léon, lorsqu’Euric, roi des Visigoths, qui commença à régner en 466, le choisit pour son ministre. On ne sait pas en quelle année, ni à quelle occasion ce prince l’appela dans son conseil, mais il est probable que ce furent le savoir et la probité de Léon qui lui procurèrent cette éminente dignité. L’éloge de ses vertus et de ses talents se trouve dans les Lettres de son ami Sidonius. Catholique d’une haute piété à la cour d’un prince arien, Léon rendit à l’Église de grands services, et ce fut par son entremise principalement que le député de Julius Népos, Épiphane de Pavie, put aborder Euric et dominer son âme. Ce fut encore par le crédit rie Léon, que Sidonius fut mis en liberté. Dans une lettre écrite vers l'an 483, notre auteur parla de Léon comme vivant encore, Epist. IX, 15. On peut conjecturer, d'après un passage de Grégoire de Tours, de Gloria Mari., I, 92, qu'il vécut même au-delà de cette époque. Voy. l'Hist. litt. de la France, tom. II, p. 627; — L’Hist. gén. de Languedoc, tom. I, passim.

C. Cornelius, C. Secundo, etc. — Pline, Epist. V, 8.

Modo verius Tacitus. — L'auteur joue sur le nom de Tacite. Voyez encore Carm. II, v. 192 ; — Carm. XXIII, v. 154. Tacitus, dit-il, serait vraiment tacitus, silencieux, s'il vivait aujourd'hui ; il se tairait devant toi.

LETTRE XXIII.

Cette lettre a une grande affinité avec la 21e du livre IX de Pline.

Abdicatione. — On appelait ainsi l'action d'un père qui abandonnait un enfant rebelle. A Athènes, lorsqu'un père était mécontent de son fils, il allait trouver l'archonte pour lui exposer les causes de son mécontentement. Lorsque le héraut avait publié qu'un tel ne reconnaissait plus un tel pour son fils, ce fils cessait dès lors d'être l'héritier des biens de son père, et d'être soumis à sa puissance ; mais il ne cessait pas d'être citoyen d'Athènes. Cette abdication de la puissance paternelle était d'abord inconnue à Rome ; les pères exerçaient un souverain despotisme dans leur famille ; mais elle finit par être en usage, bien avant le siècle où vivait Sidonius.

Cruce. — La croix était jadis un des supplices les plus infamants ; elle est devenue, par la mort de Jésus-Christ, un objet de vénération et de salut.

Culeo. — Le culeus était un sac de cuir dans lequel on enfermait; avec les coupables, un singe, un coq et un serpent; le sac était ensuite jeté à la mer.

Caeteris suppliciis Parricidalibus. — Le feu et les bêtes. — « Hodie tamen viri exuruntur, vel ad bestias dantur. » Paulus, Sentent. V, tit. 24.

LETTRE XXIV.

Le fait que Sidonius rapporte, dans cette lettre, est très propre à nous faire connaître que les gens de bien étaient persuadés, au Ve siècle, qu’une usure modérée à l’égard des riches n’est point un péché. Aussi, les théologiens qui ont voulu soutenir le prêt à intérêt ont-ils eu recours à cette lettre. Elle a été fort bien analysée par l’auteur du Traité des prêts de commerce (Lille, 1738, et non pas 1739, comme dit la Biogr. univ.) in-4°, que cet auteur soit l’abbé Etienne Mignot, ou l’abbé Aubert; (l’exemplaire de la bibliothèque de Lyon porte Aubray, écrit à la main.) Voici donc les remarques de l’ouvrage dont nous parlons « Rien n’est plus simple que ce fait, mais rien en même temps n’est plus important pour l’éclaircissement de la question que nous présentons.

« Car, 1° il s’agit d’un prêt pour lequel ou avait stipulé des intérêts par un simple billet. Les intérêts sont, suivant les lois qui avaient cours alors, à douze pour cent: Ut chirographo facto docetur, cauta centesima est fœneratoris. 2° « Ces intérêts s’étaient accumulés de manière qu’ils égalaient le principal : Superpositam medietatem quae, per usurœ nomen, accrevit. L’intérêt à un pour cent par mois égale le principal en huit ans et quatre mois. Cependant Apollinaris Sidonius dit que c’est pendant le cours de deux lustres, c’est-à-dire dix ans, que ces intérêts accumulés ont doublé le principal: Quœ, per bilustre producta tempus, modum sortis ad duplum adduxit. Il faut donc qu'il ait nommé le temps de deux lustres pour un compte rond, ou qu'il ait pris un lustre pour quatre ans, comme il est arrivé à quelques auteurs, ou, ce qui est plus vraisemblable, qu'y ayant effectivement dix ans que cet argent avait été prêté, les intérêts n'avaient pu monter plus haut, parce que les lois romaines que l'on suivait alors faisaient cesser les intérêts, lorsqu'ils avaient une fois doublé le capital.

3° « Ces intérêts étaient alors regardés comme légitimes et permis, tant qu'on ne les exigeait que de ceux qui étaient en état de les payer. Voici un évêque des plus exacts et des plus réguliers qu'il y eut alors, suivant le portrait qu'en fait St. Sidoine Apollinaire, qui est créancier d'une somme qu'il a prêtée étant laïque, qui ne se fait point de scrupule et qui ne tient point à déshonneur de redemander cette somme avec les intérêts, qui en forme la demande en justice, qui poursuit vivement son débiteur : Cum publica auctoritas male volentem patrem familias ad reformandum debilum arctaret. Ce n'était point à son insu, comme le prétendent quelques théologiens, que se faisaient toutes ces poursuites ; car, outre que Maxime ne le dit point à St. Sidoine, l'autorité publique ne prêtait autrefois, comme à présent, son ministère qu'aux créanciers qui imploraient son secours contre leurs débiteurs.

« St. Sidoine lui-même, un des évêques des plus instruits de son temps, ne blâme point ces intérêts ; il n'en fait pas la moindre plainte à Maxime ; il ne lui représente point, comme il pouvait le faire librement à un ancien ami qu'il ne pouvait douter être rempli de sentiments de religion, que, faisant profession du christianisme, il n'avait pu stipuler des intérêts de son débiteur ; que, suivant la loi de l'Evangile, tout prêt, quel qu'il soit, doit être gratuit ; que, par conséquent, s'il était en droit d'exiger de Turpion son principal, c'était injustement qu'il le faisait poursuivre pour le paiement des intérêts, qui ne pouvaient point lui être dus. Il se contente d'exposer à Maxime le dérangement des affaires de Turpion, l'état fâcheux où sa maladie l'a réduit, l'impuissance où il est de payer : Allego necessitates, extrema deploro, quae duriora moerentibus amicis hinc viderentur, quod foenore ligalus corpore solveretur. Il le prie de se ressouvenir, non de la défense générale de l'usure, mais de son nouvel état, de son ancienne amitié, et de la barbarie avec laquelle les officiers de la justice poursuivaient Turpion : Meminisset professionis novae sodalitatis antiquae exactorumque circum latrantum barbaram instantiam. Toutes raisons qui font voir que Sidonius exigeait de son ami une œuvre de miséricorde.

4° « Autant Maxime trouve-t-il juste et légitime la demande des intérêts de son argent, quand il croit son débiteur en état de les payer, autant lui paraît-il injuste et illicite de les exiger de celui dont les affaires sont en mauvais état. Car il n’a pas plus tôt appris de Sidonius le dérangement des affaires de Turpion, l’extrémité où il est, qu’il change de sentiment et de conduite à son égard. Il témoigne à Sidonius combien il est sensiblement touché de l’état de son débiteur : Vir totius caritatis flere granditer coepit. Il lui marque qu’étant évêque, il serait bien fiché d’exiger de son débiteur, dans l’état où il est, ce qu’étant séculier il aurait eu de la peine à lui redemander en santé : Absit a me hoc reposcam dericus ab aegro, quœ vix petissem miles a sospite. Ces dernières paroles de Maxime font voir le peu de fondement de la remarque de quelques théologiens modernes, qui disent que Maxime, devenu évêque, sentit toute l’injustice de l’usure, à laquelle il n’avait point assez fait d’attention, n’étant qu’officier. Car, 1° Maxime avait fait poursuivre Turpion pour le paiement du principal et des intérêts, depuis qu’il était élevé à l’épiscopat; 2° il déclare qu’étant évêque, il s’abstiendra de demander ce qu’étant séculier il n’aurait point exigé. Il ne change donc point de sentiment sur cette matière. La différence de sa conduite vient uniquement du changement des affaires de son débiteur. Quand il croit que cet officier est en état de le payer, il le presse et lui demande l’intérêt de son argent; dès qu’il apprend son état fâcheux, il cesse ses poursuites, et il lui remet les intérêts, comme il l’aurait fait n’étant que laïque, s’il eût connu son besoin. Il savait donc distinguer les emprunteurs riches de ceux qui sont dans le besoin.

5° « Sidonius fait sentir qu’il ne désapprouve ces intérêts qu’eu égard à la situation de Turpion. Il rend grâces à Dieu de la remise qu’en fait Maxime; il l’en remercie lui-même par la part qu’il prend à ce qui le regarde, comme d’une action qui intéresse également son honneur et sa conscience: Egi ad hœc gratias Deo, etc.; mais il témoigne en même temps que c’est une œuvre de charité, par laquelle il envoyait devant lui au ciel ce qu’il remettait ici à son débiteur. Il la fait valoir à Turnus comme l’effet de sa compassion : Propter misericordiam concesserat pie. » Partie II, sect. ii, art. 2, chap. IV, paragraphe ix.

Lettre XXV

 « L'Afrique fut le pays qui donna naissance à Domnule, et les Gaules le théâtre ou il brilla par son esprit et son érudition, durant l'espace de quarante ans. Sidon. Epist. IX, 15. Il se retira d'abord à Arles, comme il parait, du temps de Si. Hilaire, évêque de la ville. Sti. Leonis Op. tom. I, p. 740. Il était du nombre de ces savants qui se plaisaient à assister aux prédications du saint prélat, et dont la présence l'engageait à relever son style, afin qu'en parlant devant eux d'une manière digne de leur savoir, il les rendit plus attentifs aux vérités qu'il annonçait. Domnule, comme les autres, en était si touché, qu'il ne pouvait se lasser d'admirer la doctrine et l'éloquence extraordinaire du saint évêque.

« L'érudition de Domnule lui procura la charge de questeur de l'empire ; on ne dit pas sous quel empereur. Sidon. Carm. XIV. Il semble néanmoins qu'il jouissait, ou qu'il avait déjà joui de cet honneur, vers 461. Honorât de Marseille, dans la Vie de St. Hilaire d'Arles, cap. XI, nomme Domnule, avec Eusèbe et Silvius, entre ceux qui, en ce siècle, s'étaient rendus célèbres par leurs écrits. Mais il ne nous reste plus rien de cet écrivain. Il parait qu'il avait un talent particulier pour la poésie. St Sidoine, son ami particulier, qui parle souvent de lui, et toujours avec éloge, après avoir nommé en un endroit le ministre Léon, et Consence le jeune, comme deux des plus illustres poètes de ce temps-la, et deux personnes savantes dans le grec, leur joint aussitôt Sévérien et Domnule. Il ne fait pas difficulté d'avouer que ce dernier écrivait avec plus de délicatesse, et réussissait mieux que lui dans la poésie :

Afer, vaferque Domnulus politius.

« Domnule fut un de ces quatre célèbres poètes que l'empereur Majorien avait assemblés dans une ville des Gaules, où il avait alors sa cour. Les trois autres étaient St. Sidoine, Lampride et Sévérien. Se trouvant chez un de leurs amis qui leur donnait à manger dans la même ville, ils composèrent sur le champ chacun un poème à la louange d’un livre de la façon de Pierre, secrétaire de Cet empereur. Il paraît que Domnule était encore un grand philosophe, puisque Sidoine le prend avec le consul Magnus, et Léon ministre d’Euric, pour juge dans les matières les plus abstraites de la philosophie. « Mais, ce qui est un plus grand sujet d’éloge pour Domnule, c’est qu’il savait joindre la piété chrétienne à la science : c’est de quoi ne permet pas de douter la coutume qu’il avait de visiter souvent les monastères du mont Jura. Et St. Sidoine en était si persuadé, qu’il crut faire plaisir à une personne qui cherchait ainsi par avance une demeure au-dessus de la terre, de lui mander la nouvelle élection de St.-Jean, pour remplir le siège de Châlons sur Saône. Il montrait par-là qu’il ne doutait point que Domnule ne se réjouît de savoir à la tête de cette église un prélat, choisi par l’avis de deux aussi saints évêques que l’étaient St. Patiens de Lyon et St. Euphrone d’Autun. De la manière que lui parle St. Sidoine, dans sa lettre, il semble que Domnule faisait alors sa demeure, non dans le diocèse de Lyon, mais dans la province, où il pouvait avoir quelque emploi différent de la questure, qu’il n’exerçait plus, selon toute apparence. « Nous avons remarqué qu’il s’était établi dans les Gaules dès le temps de l’épiscopat de St. Hilaire d’Arles, qui dura depuis 429 jusqu’en 449. Il semble qu’il vivait encore lorsque St. Sidoine publia le IXe livre de ses Lettres, vers 483 ou 484. Ainsi, supposant qu’il soit venu dans les Gaules vers 440, ayant déjà environ trente ans, puisqu’on le met dès lors au nombre des savants, il aura passé près de quarante-trois ans dans les Gaules, et vécu, en tout, environ 73 ans. » Hist. litt. de la France, tom. II, p. 507.

Jurensia ... monasteria. — Voyez les Vies des Saints du diocèse de Lyon, par F.-Z. Collombet, p. 180 et suiv.