Vers
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CARMEN XVII.
INVITAT OMMATIUM V. C.
AD NATALEM DIEM SUORUM.
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XVII.
SIDONIUS INVITE OMMATIUS
PERSONNAGE CONSULAIRE A CÉLÉBRER LE JOUR DE LA NAISSANCE DES SIENS.
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Quattuor ante dies, quam lux
Sextilis adusti
Prima spiciferum proferat orbe caput,
Natalis nostris decimus sextusque coletur,
Adventu felix qui petit esse tuo. |
Quatre
jours avant que le premier jour du brûlant Sextilis élève sur la
terre sa tête couronnée d’épis, je célébrerai le seizième
anniversaire de la naissance des miens; cette fête ne peut être
agréable qu’autant que tu seras ici. |
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Non tibi gemmatis ponentur
prandia mensis,
Assyrius murex nec tibi sigma dabit.
Nec per multiplices abaco splendente cavernas
Argenti nigri pondera defodiam.
Nec scyphus hic dabitur, rutilo cui forte metallo
Crustatum stringat tortilis ansa latus.
Fercula sunt nobis mediocria, non ita facta,
Mensuræ ut grandis suppleat ars pretium.
Non panes Libyca solitos flavescere Syrte
Accipiet
Galli rustica mensa tui.
Vina mihi non sunt
Gazetica, Chia, Falerna,
Quæque Sareptano palmite missa bibas.
Pocula non hic sunt illustria nomine
pagi,
Quod posuit nostris ipse Triumvir agris.
Tu tamen ut venias, petimus; dabit omnia Christus
Hic mihi qui patriam fecit amore tuo. |
Tu ne trouveras ni des mets servis sur
une table enrichie de pierres précieuses, ni des lits couverts de
pourpre d’Assyrie; tu ne verras point non plus des vases d’un argent
pâle, à demi-cachés dans les renfoncements nombreux d’un éclatant
buffet, ou des coupes d’un riche métal et d’une ciselure admirable.
Nous avons des plats médiocres, et qui même ne sont point tels que
l’art en puisse racheter le peu de capacité. La table frugale de ton
Gaulois ne t’offrira pas un pain fait avec les épis dorés des Syrtes
de la Libye; tu ne boiras ni du vin de Gaza, de Chio, de Falerne, ni
de celui de Sarepta. Je n’ai pas non plus de ce vin fameux par le
nom du bourg qu’un triumvir fonda dans nos campagnes. Nous demandons
pourtant que tu viennes; le Christ nous fournira de tout, lui qui
m’a fait regarder ce pays comme ma patrie, à cause de l’amitié que
je te porte. |
Vers
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CARMEN XVIII.
DE BALNEIS VILLÆ SUÆ
SUPRA LACUM POSITÆ.
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XVIII.
AU SUJET DES BAINS DE SA VILLA
CONSTRUITE SUR LE BORD D’UN LAC.
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Si quis
Avitacum dignaris visere nostram,
Non tibi displiceat: si quod habes placeat,
Æmula Baiano tolluntur culmina cono,
Parque cothurnato vertice fulget apex.
Garrula Gauranis plus murmurat unda fluentis,
Contigui collis lapsa supercilio.
Lucrinum dives stagnum Campania nollet,
Æquora si nostri cerneret illa lacus.
Illud puniceis ornatur littus echinis,
Piscibus in nostris hospes utrumque vides,
Si libet, et placido partiris gaudia corde,
Quisquis ades, Baias tu facis hic animo. |
Qui
que tu sois qui daignes visiter notre Avitacum, puisse-t-il ne pas
te déplaire, si ce que tu possèdes te plaît! Des bains nouvellement
construits égalent en hauteur ceux de Baies; leur faite se termine
de même en forme de brodequin. L’onde qui, du sommet de la colline
prochaine, descend ici, nous arrive avec un murmure plus fort que
celui des eaux du Gaurus. La riche Campanie dédaignerait son Lucrin,
si elle voyait l’étendue de mon lac. Les bords du Lucrin abondent en
huîtres pourprées; nos poissons présentent la couleur rouge aussi
bien que la couleur blanche. Si tu veux partager ma paisible joie,
viens ici, et tu croiras être à Baies. |
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CARMEN XIX.
TETRASTICHUM SUPRA
PISCINAM.
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XIX.
TETRASTIQUE SUR UNE PISCINE.
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Intrate algentes post balnea torrida fluctus,
Ut solidet calidam frigore lympha cutem.
Et licet hoc solo mergatis membra liquore,
Per stagnum nostrum lumina vestra natant. |
Entrez
dans l’eau froide, au sortir des bains chauds, afin que l’onde
fraîche affermisse votre peau amollie par la chaleur; et quoique
vous ne plongiez vos membres que dans cette eau pure, vos regards
planent sur la riante surface de notre lac. |
Vers
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CARMEN XX.
AD SORORIUM SUUM
ECDICIUM.
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XX.
A SON BEAU-FRERE ECDICIUS.
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Natalis noster nonas instare
Novembres
Admonet: occurras non rogo, sed jubeo:
Sit tecum conjux, duo nunc properate; sed illud
Post annum optamus tertius ut venias. |
Mon
jour natal m’avertit que les nones de Novembre approchent. Viens
donc; ce n’est point une prière, c’est un ordre que je t’envoie.
Amène ton épouse; venez deux maintenant, mais je désire que dans un
an vous veniez trois. |
Vers
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CARMEN XXI.
DE PISCIBUS NOCTE
CAPTIS.
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XXI.
SUR DES POISSONS PRIS PENDANT LA NUIT.
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Quatuor hæc primum pisces
nox insuit hamis.
Inde duos tenui, tu quoque sume duos.
Quos misi sunt majores; rectissimus ordo est.
Namque animæ nostræ portio major eras. |
Quatre
poissons, cette nuit, se sont laissé prendre à mes hameçons; j’en
garde deux, accepte les deux autres. Je t’envoie les plus gros; la
chose est dans l’ordre, puisque tu es la plus grande portion de mon
âme. |
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Sollius Apollinaris Sidonius Pontio Leontio salutem.
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Sollius Apollinaris Sidonius
à Pontius
Léontius, Salut.
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Dum apud Narbonem quondam
Martium dictum, sed nuper factum, moras necto, subiit animum
quospiam secundum amorem tuum hexametros concinnare, quibus lectis
oppido scires, etsi utrique nostrum disparatis æquo plusculum locis
lar familiaris incolitur, non idcirco tam nobis animum dissidere
quam patriam. Habes ergo hic Dionysium inter triumphi Indici
oblectamenta marcentem; habes et Phœbum, quem tibi jure pœtico
inquilinum factum constat ex numine: illum scilicet Phœbum Anthedii
mei perfamiliarem, cujus collegio vir præfectus, non modo musicos
quosque verum etiam geometras, arithmeticos et astrologos disserendi
arte supervenit. Siquidem nullum hoc exactius compertum habere
censuerim, quid sidera zodiaci obliqua, quid planetarum vaga, quid
exotica sparsa prævaleant. Nam ita, ut sic dixerim, his membris
philosophiæ claret, ut videatur mihi Julium Firmicum,
Sammonicum,
Julianum Vertacum,
Fullonium Saturninum, in libris matheseos
peritissimos conditores absque interprete, ingenio tantum
suffragante, didicisse. Nos vestigia doctrinæ ipsius adorantes,
coram canoro cycno raucum anserem profitemur. |
Je
m’étais arrêté à Narbonne, ville autrefois appelée Marcius, mais qui
n’a mérité ce nom que depuis peu, lorsqu’il me vint à l’esprit
d’écrire des hexamètres comme tu les aimes, et dont la lecture pût
te convaincre que, si nos habitations se trouvent éloignées l’une de
l’autre, nos sentiments toutefois sont plus rapprochés que nos
patries. Tu as donc près de toi Bacchus, tout chancelant et joyeux
encore de ses triomphes sur l’Inde; tu as Phébus lui-même qui, par
droit de poésie, est devenu ton hôte, de dieu qu’il était, ce Phébus
à qui mon Anthédius est si cher qu’il l’a élevé au premier rang de
ses favoris; car Anthédius les surpasse tous en musique, en
géométrie, dans la science des nombres et en astrologie. Nul, à mon
gré, ne connaît mieux que lui les détours obliques du zodiaque, le
cours errant des planètes et la marche des astres jetés çà et là
dans l’espace. Il a tellement approfondi cette partie savante de la
philosophie, que, de lui-même et sans aucun secours, son heureux
génie s’est élevé à la hauteur de Julius Firmicus, de Sammonicus, de
Julianus Vertacus, de Fullonius Saturninus, ces mathématiciens
habiles. Je me prosterne devant son érudition, et je confesse qu’en
présence de ce cygne mélodieux je ne suis qu’une oie enrouée. |
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Quid te amplius moror?
Burgum tuam, quo jure amicum decuit, meam feci, probe sciens, vel
materiam tibi esse placituram, etiam si ex solido pœma displiceat. |
Mais pourquoi te retenir plus
longtemps? Je me suis approprié ton Burgus, d’après les droits que.
me donnait l’amitié, bien persuadé que le choix du sujet te plaira,
quand même les vers te seraient désagréables. |
NOTES SUR LES PŒSIES D’APOLLINARIS SIDONIUS.
CARMEN XVII.
L’EPITHALAME de Ruricius et d’Ibéria nous apprend
qu’Ommatius était beau-père de Ruricius, et né en Auvergne.
1. —
Sextilis. — De Sextus, parce que notre mois d’août était le
sixième de l’année, quand elle commençait au mois de mars.
14. —
Galli. — Le P. Sirmond prétend que, par ce mot Gaulois,
Sidonius veut parler de la Gaule Celtique de Lyon et non de l’Auvergne, qui
faisait partie de l’Aquitaine, ce qu’il faut réunir aux différentes preuves
données ailleurs par Sidonius, que Lyon est sa patrie.
15. —
Gazetica, etc. — Vin de Gaza et de Sarepte en Palestine. Voyez
Corippus, III, et Fortunat, IV; — Greg. Turon., De Gloria
Confess. LXV, et Cassiod. Variar. XII.
17. —
Pagi. — Quel est ce bourg? Rien n’a pu nous l’apprendre.
CARMEN XVIII.
1. —Avitacum.
— L’auteur a décrit cette villa dans la 2e lettre du livre II.
Il est assez difficile, d’après la ponctuation des
différents éditeurs de Sidonius, de comprendre le second vers.
CARMEN XIX.
1. —
Intrate algentes. —Cette coutume de passer par degrés du bain chaud
au bain froid existe encore en Russie. Après que vous avez pris un bain de
vapeur qui excite une violente transpiration, l’on vous place sous une espèce
d’arrosoir, d’où tombe tout-à-coup sur vous une pluie d’eau glacée. Les Romains
étaient plus fastueux dans leur manière de se baigner; ils avaient plusieurs
salles contiguës à différents degrés de température, depuis la plus chaude
jusqu’à la plus froide; c’est ce que signifie ce passage de Pétrone: «
Sudore calefacti, momento temporis ad frigidam eximus, »
Satyricon, XXVIII, et l’inscription de Sidonius. Ces deux vers prouvent
en outre qu’on ne se servait que rarement des bains tièdes comme intermédiaire
entre les deux autres. Suétone, dans la Vie de Néron, chap. XXVII, dit
que ce prince faisait souvent remplir ses bains d’eau à la neige. Un médecin
célèbre, nommé Charmis, qui était alors à Rome, venu de Marseille, voulait qu’on
ne se baignât que dans l’eau froide, même au plus fort de l’hiver : « Si bien,
dit Pline, IX, 1, qu’on voyait emporter des vieillards des plus qualifiés, tout
raides, des bains où il les avait fait plonger ».
CARMEN XX.
Un lyonnais, Servan de Sugny, a imité cette
épigramme:
Novembre va bientôt ramener la journée
Où je vis le soleil pour la première fois:
Pour célébrer ma fête, accourant à ma voix,
Viens, suivi de ma sœur qu’un récent hyménée
A mise sous tes douces lois.
J’espère, mes amis, que la prochaine année,
Au lieu de deux, vous viendrez trois.
CARMEN XXI.
Texte en prose
— Marcium.
—.Le surnom de Marcius, donné à la ville de Narbonne, tire son origine du nom de
Q. Marcius Rex, sous le consulat duquel, en 636 de Rome, L. Crassus, ce fameux
orateur, y conduisit une colonie. Nous avons, sur ces deux points, des
témoignages formels. Narbo autem Marcius., dit
Velléius, I, 15, in Gallia, M. Porcio et Q.
Marcio çonsulibus deducta colonia est. Et Cicéron, faisant
l’éloge de L. Crassus, de claris Orat., n° 160,
dit: Voluit adolescens in colonia Narbonensi curæ popularis
aliquid attingere, eamque coloniam, ut fecit, ipse deducere. Ainsi il
faut écrire Narbo Marcius, et non pas Martius.
Des deux autres étymologies, dont l’une dérive le surnom de cette ville du
dieu Mars, et l’autre de la légion Mania, la première est ans fondement;
la seconde est démentie par l’histoire. La légion Martia
ne fut formée que sous Auguste, et longtemps auparavant Cicéron,
plaidant pour Fontéius, III, donne à Narbonne l’épithète de Marcius. Mémoires
de l’Académie des Inscript. et Belles-Lettres, tom. XXV, p. 79.
Il nous semble que l’on ne peut tirer contre ce
passage aucune induction du jeu de mots de Sidonius; il voulait parler du siège
soutenu par Narbonne, et il ne pouvait pas raisonnablement laisser échapper
l’occasion d’un calembour si joli.
—
Julium firmicum, etc. — Des quatre auteurs
que Sidonius cite ici comme ayant écrit sur les mathématiques, un seul est
parvenu jusqu’à nous, Julius Firmicus, dont le traité intitulé
Libri VIII Matheseos, publié d’abord à Venise en in
fol., a été réimprimé plusieurs fois depuis. Cet ouvrage roule plutôt sur
l’astrologie judiciaire que sur les mathématiques proprement dites; mais les
anciens confondaient ces sciences, et appelaient mathematici
les astrologues, les devins, les magiciens. Julius Firmicus était
sicilien de naissance, et avocat de profession; il vivait vers le milieu du
quatrième siècle. Quelques auteurs croient qu’il est le même que le Julius
Firmiens Maternus, auteur du livre estimé de Errore
profanarum religionum, qu’il aurait composé plus tard et après s’être
converti au christianisme; car le premier ouvrage est certainement d’un païen.
—
Sammonicus est sans doute le Q. Sérénus
Sammonicus, qui nous a laissé un poème de Medicina, et dont nous avons
parlé dans une des notes précédentes. Ses écrits relatifs aux mathématiques nous
sont tout à fait inconnus, à moins que Sidonius ne le mentionne à cause de son
poème où se trouvent quelques recettes tirées de l’astrologie, ou des autres
sciences occultes.
Julianus Vertacus
est encore cité ailleurs, Epist.
VIII, ii, par Sidonius, avec deux
autres mathématiciens, Thrasybulus et Saturninus, également ignorés, sauf que
Lampride nous apprend, dans la Vie d’Alexandre Sévère, que Thrasybulus fut le
contemporain et l’ami de ce prince: Thrasybulus mathematicus
illi amicissimus fuit, etc. Arnobe, liv. I, compte un Julianus au
nombre des principaux mathématiciens (c’est-à-dire, des astrologues, ou
magiciens).
Fullonius Saturninus
est pareillement mentionné, comme
nous venons de le dire, par Sidonius, Epist. VIII, u, où quelques mss.
portent Julius Phollonius Saturninus. Savaron
soupçonne qu’au lieu de Phollonius, il faut lire
Apollonius, et rappelle que ce dernier nom figure aussi parmi ceux des
plus fameux astrologues dans Arnobe, loc. cit. , et dans Apulée. (Note de
C. Breghot du Lut.)
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