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SIDOINE APOLLINAIRE

POÉSIES  17-21

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.

avant-propos

Notice sur Sidoine Apollinaire


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Vers

CARMEN XVII.

INVITAT OMMATIUM V. C. AD NATALEM DIEM SUORUM.

XVII.

SIDONIUS INVITE OMMATIUS PERSONNAGE CONSULAIRE A CÉLÉBRER LE JOUR DE LA NAISSANCE DES SIENS.






 

Quattuor ante dies, quam lux Sextilis adusti
Prima spiciferum proferat orbe caput,
Natalis nostris decimus sextusque coletur,
Adventu felix qui petit esse tuo.

Quatre jours avant que le premier jour du brûlant Sextilis élève sur la terre sa tête couronnée d’épis, je célébrerai le seizième anniversaire de la naissance des miens; cette fête ne peut être agréable qu’autant que tu seras ici.

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Non tibi gemmatis ponentur prandia mensis,
Assyrius murex nec tibi sigma dabit.
Nec per multiplices abaco splendente cavernas
Argenti nigri pondera defodiam.
Nec scyphus hic dabitur, rutilo cui forte metallo
Crustatum stringat tortilis ansa latus.
Fercula sunt nobis mediocria, non ita facta,
 Mensuræ ut grandis suppleat ars pretium.
Non panes Libyca solitos flavescere Syrte
Accipiet Galli rustica mensa tui.
Vina mihi non sunt Gazetica, Chia, Falerna,
Quæque Sareptano palmite missa bibas.
 Pocula non hic sunt illustria nomine pagi,
Quod posuit nostris ipse Triumvir agris.
Tu tamen ut venias, petimus; dabit omnia Christus
 Hic mihi qui patriam fecit amore tuo.

Tu ne trouveras ni des mets servis sur une table enrichie de pierres précieuses, ni des lits couverts de pourpre d’Assyrie; tu ne verras point non plus des vases d’un argent pâle, à demi-cachés dans les renfoncements nombreux d’un éclatant buffet, ou des coupes d’un riche métal et d’une ciselure admirable. Nous avons des plats médiocres, et qui même ne sont point tels que l’art en puisse racheter le peu de capacité. La table frugale de ton Gaulois ne t’offrira pas un pain fait avec les épis dorés des Syrtes de la Libye; tu ne boiras ni du vin de Gaza, de Chio, de Falerne, ni de celui de Sarepta. Je n’ai pas non plus de ce vin fameux par le nom du bourg qu’un triumvir fonda dans nos campagnes. Nous demandons pourtant que tu viennes; le Christ nous fournira de tout, lui qui m’a fait regarder ce pays comme ma patrie, à cause de l’amitié que je te porte.

 

 

 

 

 

Vers

CARMEN XVIII.

DE BALNEIS VILLÆ SUÆ SUPRA LACUM POSITÆ.

XVIII.

AU SUJET DES BAINS DE SA VILLA CONSTRUITE SUR LE BORD D’UN LAC.





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Si quis Avitacum dignaris visere nostram,
Non tibi displiceat: si quod habes placeat,
Æmula Baiano tolluntur culmina cono,
Parque cothurnato vertice fulget apex.
Garrula Gauranis plus murmurat unda fluentis,
Contigui collis lapsa supercilio.
Lucrinum dives stagnum Campania nollet,
Æquora si nostri cerneret illa lacus.
Illud puniceis ornatur littus echinis,
Piscibus in nostris hospes utrumque vides,
Si libet, et placido partiris gaudia corde,
Quisquis ades, Baias tu facis hic animo.

Qui que tu sois qui daignes visiter notre Avitacum, puisse-t-il ne pas te déplaire, si ce que tu possèdes te plaît! Des bains nouvellement construits égalent en hauteur ceux de Baies; leur faite se termine de même en forme de brodequin. L’onde qui, du sommet de la colline prochaine, descend ici, nous arrive avec un murmure plus fort que celui des eaux du Gaurus. La riche Campanie dédaignerait son Lucrin, si elle voyait l’étendue de mon lac. Les bords du Lucrin abondent en huîtres pourprées; nos poissons présentent la couleur rouge aussi bien que la couleur blanche. Si tu veux partager ma paisible joie, viens ici, et tu croiras être à Baies.

 

 

 

 

Vers

CARMEN XIX.

TETRASTICHUM SUPRA PISCINAM.

XIX.

TETRASTIQUE SUR UNE PISCINE.






 

Intrate algentes post balnea torrida fluctus,
Ut solidet calidam frigore lympha cutem.
Et licet hoc solo mergatis membra liquore,
Per stagnum nostrum lumina vestra natant.

Entrez dans l’eau froide, au sortir des bains chauds, afin que l’onde fraîche affermisse votre peau amollie par la chaleur; et quoique vous ne plongiez vos membres que dans cette eau pure, vos regards planent sur la riante surface de notre lac.

 

 

 

Vers

CARMEN XX.

AD SORORIUM SUUM ECDICIUM.

XX.

A SON BEAU-FRERE ECDICIUS.






 

Natalis noster nonas instare Novembres
Admonet: occurras non rogo, sed jubeo:
Sit tecum conjux, duo nunc properate; sed illud
Post annum optamus tertius ut venias.

Mon jour natal m’avertit que les nones de Novembre approchent. Viens donc; ce n’est point une prière, c’est un ordre que je t’envoie. Amène ton épouse; venez deux maintenant, mais je désire que dans un an vous veniez trois.

 

 

 

Vers

CARMEN XXI.

DE PISCIBUS NOCTE CAPTIS.

XXI.

SUR DES POISSONS PRIS PENDANT LA NUIT.






 

Quatuor hæc primum pisces nox insuit hamis.
Inde duos tenui, tu quoque sume duos.
Quos misi sunt majores; rectissimus ordo est.
Namque animæ nostræ portio major eras.

Quatre poissons, cette nuit, se sont laissé prendre à mes hameçons; j’en garde deux, accepte les deux autres. Je t’envoie les plus gros; la chose est dans l’ordre, puisque tu es la plus grande portion de mon âme.

 

Sollius Apollinaris Sidonius Pontio Leontio salutem.

Sollius Apollinaris Sidonius à Pontius Léontius, Salut.

 

Dum apud Narbonem quondam Martium dictum, sed nuper factum, moras necto, subiit animum quospiam secundum amorem tuum hexametros concinnare, quibus lectis oppido scires, etsi utrique nostrum disparatis æquo plusculum locis lar familiaris incolitur, non idcirco tam nobis animum dissidere quam patriam. Habes ergo hic Dionysium inter triumphi Indici oblectamenta marcentem; habes et Phœbum, quem tibi jure pœtico inquilinum factum constat ex numine: illum scilicet Phœbum Anthedii mei perfamiliarem, cujus collegio vir præfectus, non modo musicos quosque verum etiam geometras, arithmeticos et astrologos disserendi arte supervenit. Siquidem nullum hoc exactius compertum habere censuerim, quid sidera zodiaci obliqua, quid planetarum vaga, quid exotica sparsa prævaleant. Nam ita, ut sic dixerim, his membris philosophiæ claret, ut videatur mihi Julium Firmicum, Sammonicum, Julianum Vertacum, Fullonium Saturninum, in libris matheseos peritissimos conditores absque interprete, ingenio tantum suffragante, didicisse. Nos vestigia doctrinæ ipsius adorantes, coram canoro cycno raucum anserem profitemur.

Je m’étais arrêté à Narbonne, ville autrefois appelée Marcius, mais qui n’a mérité ce nom que depuis peu, lorsqu’il me vint à l’esprit d’écrire des hexamètres comme tu les aimes, et dont la lecture pût te convaincre que, si nos habitations se trouvent éloignées l’une de l’autre, nos sentiments toutefois sont plus rapprochés que nos patries. Tu as donc près de toi Bacchus, tout chancelant et joyeux encore de ses triomphes sur l’Inde; tu as Phébus lui-même qui, par droit de poésie, est devenu ton hôte, de dieu qu’il était, ce Phébus à qui mon Anthédius est si cher qu’il l’a élevé au premier rang de ses favoris; car Anthédius les surpasse tous en musique, en géométrie, dans la science des nombres et en astrologie. Nul, à mon gré, ne connaît mieux que lui les détours obliques du zodiaque, le cours errant des planètes et la marche des astres jetés çà et là dans l’espace. Il a tellement approfondi cette partie savante de la philosophie, que, de lui-même et sans aucun secours, son heureux génie s’est élevé à la hauteur de Julius Firmicus, de Sammonicus, de Julianus Vertacus, de Fullonius Saturninus, ces mathématiciens habiles. Je me prosterne devant son érudition, et je confesse qu’en présence de ce cygne mélodieux je ne suis qu’une oie enrouée.

 

Quid te amplius moror? Burgum tuam, quo jure amicum decuit, meam feci, probe sciens, vel materiam tibi esse placituram, etiam si ex solido pœma displiceat.

Mais pourquoi te retenir plus longtemps? Je me suis approprié ton Burgus, d’après les droits que. me donnait l’amitié, bien persuadé que le choix du sujet te plaira, quand même les vers te seraient désagréables.

 

NOTES SUR LES PŒSIES D’APOLLINARIS SIDONIUS.

 

CARMEN XVII.

L’EPITHALAME de Ruricius et d’Ibéria nous apprend qu’Ommatius était beau-père de Ruricius, et né en Auvergne.

1. — Sextilis. — De Sextus, parce que notre mois d’août était le sixième de l’année, quand elle commençait au mois de mars.

14. — Galli. — Le P. Sirmond prétend que, par ce mot Gaulois, Sidonius veut parler de la Gaule Celtique de Lyon et non de l’Auvergne, qui faisait partie de l’Aquitaine, ce qu’il faut réunir aux différentes preuves données ailleurs par Sidonius, que Lyon est sa patrie.

15. — Gazetica, etc. — Vin de Gaza et de Sarepte en Palestine. Voyez Corippus, III, et Fortunat, IV; — Greg. Turon., De Gloria Confess. LXV, et Cassiod. Variar. XII.

17. — Pagi. — Quel est ce bourg? Rien n’a pu nous l’apprendre.

CARMEN XVIII.

1. —Avitacum. — L’auteur a décrit cette villa dans la 2e lettre du livre II.

Il est assez difficile, d’après la ponctuation des différents éditeurs de Sidonius, de comprendre le second vers.

CARMEN XIX.

1. — Intrate algentes. —Cette coutume de passer par degrés du bain chaud au bain froid existe encore en Russie. Après que vous avez pris un bain de vapeur qui excite une violente transpiration, l’on vous place sous une espèce d’arrosoir, d’où tombe tout-à-coup sur vous une pluie d’eau glacée. Les Romains étaient plus fastueux dans leur manière de se baigner; ils avaient plusieurs salles contiguës à différents degrés de température, depuis la plus chaude jusqu’à la plus froide; c’est ce que signifie ce passage de Pétrone: « Sudore calefacti, momento temporis ad frigidam eximus, » Satyricon, XXVIII, et l’inscription de Sidonius. Ces deux vers prouvent en outre qu’on ne se servait que rarement des bains tièdes comme intermédiaire entre les deux autres. Suétone, dans la Vie de Néron, chap. XXVII, dit que ce prince faisait souvent remplir ses bains d’eau à la neige. Un médecin célèbre, nommé Charmis, qui était alors à Rome, venu de Marseille, voulait qu’on ne se baignât que dans l’eau froide, même au plus fort de l’hiver : « Si bien, dit Pline, IX, 1, qu’on voyait emporter des vieillards des plus qualifiés, tout raides, des bains où il les avait fait plonger ».

CARMEN XX.

Un lyonnais, Servan de Sugny, a imité cette épigramme:

Novembre va bientôt ramener la journée

Où je vis le soleil pour la première fois:

Pour célébrer ma fête, accourant à ma voix,

Viens, suivi de ma sœur qu’un récent hyménée

A mise sous tes douces lois.

J’espère, mes amis, que la prochaine année,

Au lieu de deux, vous viendrez trois.

CARMEN XXI.

Texte en proseMarcium. —.Le surnom de Marcius, donné à la ville de Narbonne, tire son origine du nom de Q. Marcius Rex, sous le consulat duquel, en 636 de Rome, L. Crassus, ce fameux orateur, y conduisit une colonie. Nous avons, sur ces deux points, des témoignages formels. Narbo autem Marcius., dit Velléius, I, 15, in Gallia, M. Porcio et Q. Marcio çonsulibus deducta colonia est. Et Cicéron, faisant l’éloge de L. Crassus, de claris Orat., n° 160, dit: Voluit adolescens in colonia Narbonensi curæ popularis aliquid attingere, eamque coloniam, ut fecit, ipse deducere. Ainsi il faut écrire Narbo Marcius, et non pas Martius. Des deux autres étymologies, dont l’une dérive le surnom de cette ville du dieu Mars, et l’autre de la légion Mania, la première est ans fondement; la seconde est démentie par l’histoire. La légion Martia ne fut formée que sous Auguste, et longtemps auparavant Cicéron, plaidant pour Fontéius, III, donne à Narbonne l’épithète de Marcius. Mémoires de l’Académie des Inscript. et Belles-Lettres, tom. XXV, p. 79.

Il nous semble que l’on ne peut tirer contre ce passage aucune induction du jeu de mots de Sidonius; il voulait parler du siège soutenu par Narbonne, et il ne pouvait pas raisonnablement laisser échapper l’occasion d’un calembour si joli.

Julium firmicum, etc. — Des quatre auteurs que Sidonius cite ici comme ayant écrit sur les mathématiques, un seul est parvenu jusqu’à nous, Julius Firmicus, dont le traité intitulé Libri VIII Matheseos, publié d’abord à Venise en in fol., a été réimprimé plusieurs fois depuis. Cet ouvrage roule plutôt sur l’astrologie judiciaire que sur les mathématiques proprement dites; mais les anciens confondaient ces sciences, et appelaient mathematici les astrologues, les devins, les magiciens. Julius Firmicus était sicilien de naissance, et avocat de profession; il vivait vers le milieu du quatrième siècle. Quelques auteurs croient qu’il est le même que le Julius Firmiens Maternus, auteur du livre estimé de Errore profanarum religionum, qu’il aurait composé plus tard et après s’être converti au christianisme; car le premier ouvrage est certainement d’un païen.

Sammonicus est sans doute le Q. Sérénus Sammonicus, qui nous a laissé un poème de Medicina, et dont nous avons parlé dans une des notes précédentes. Ses écrits relatifs aux mathématiques nous sont tout à fait inconnus, à moins que Sidonius ne le mentionne à cause de son poème où se trouvent quelques recettes tirées de l’astrologie, ou des autres sciences occultes.

Julianus Vertacus est encore cité ailleurs, Epist. VIII, ii, par Sidonius, avec deux autres mathématiciens, Thrasybulus et Saturninus, également ignorés, sauf que Lampride nous apprend, dans la Vie d’Alexandre Sévère, que Thrasybulus fut le contemporain et l’ami de ce prince: Thrasybulus mathematicus illi amicissimus fuit, etc. Arnobe, liv. I, compte un Julianus au nombre des principaux mathématiciens (c’est-à-dire, des astrologues, ou magiciens).

Fullonius Saturninus est pareillement mentionné, comme nous venons de le dire, par Sidonius, Epist. VIII, u, où quelques mss. portent Julius Phollonius Saturninus. Savaron soupçonne qu’au lieu de Phollonius, il faut lire Apollonius, et rappelle que ce dernier nom figure aussi parmi ceux des plus fameux astrologues dans Arnobe, loc. cit. , et dans Apulée. (Note de C. Breghot du Lut.)