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SIDOINE APOLLINAIRE LETTRES
LIVRE VIII Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle. Notice sur Sidoine Apollinaire
lettres livre V lettres livre VI lettres livre VII l
SIDOINE APOLLINAIRELETTRES
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LIBER OCTAVUS |
LIVRE HUIT |
EPISTOLA PRIMA.Sidonius Petronio suo salutem. |
LETTRE I.SIDONIUS A SON CHER PETRONIUS, SALUT. |
Tu quidem pulchre: mos hic tuus; et persevera, vir omnium bonorum qui uspiam degunt, laude dignissime, quod amicorum gloriæ, sicubi locus, lenocinaris. Hinc est quod etiam scrinia Arverna petis eventilari: cui sufficere suspicabamur, si quid superiore vulgatu protulissemus. Itaque morem geremus injunctis, actionem tamen styli eatenus prorogaturi, ut epistolarum seriem, nimirum a primordio voluminis inchoatarum, in extimo fine parvi adhuc numeri summa protendat, opus videlicet explicitum quodam quasi marginis sui limbo coronatura. Sed plus cavendum est ne sera propter jam propalati augmenta voluminis, in aliquos forsitan incidamus vituperones, quorum fugere linguas cote livoris naturalitus acuminatas, nec Demosthenis quidem, Ciceronisque sententiæ artifices, et eloquia fabra potuere: quorum anterior orator Demadem, citerior Antonium toleravere derogatores: qui lividi cum fuerint malitiæ claræ, dictionis obscuræ, tamen ad notitiam posterorum per odia virtutum decurrerunt. Sed quia hortaris, repetitis laxemus vela turbinibus: et qui veluti maria transmisimus, hoc quasi stagnum pernavigemus. Nam satis habeo deliberatum, sicut adhibendam in conscriptione diligentiam, ita tenendam in editione constantiam. Demum vero medium nihil est. Namque aut minimum ex hisce metuendum est, aut per omnia omnino conticescendum. Vale. |
A merveille! c’est là ton habitude; continue, toi, le plus digne d’éloge de tous les hommes de bien qui existent; tu sais, quand il est besoin, flatter adroitement tes amis et ajouter à leur gloire. Voilà pourquoi tu demandes à ton Arverne qu’il dépouille ses porte-feuilles, lui qui croyait que c’était assez des ouvrages publiés d’abord. J’obéirai donc à tes ordres; mais, si je continue d’écrire, ce n’est que pour ajouter à la série des lettres déjà données depuis le commencement du recueil, un petit nombre encore de lettres qui servent de complément à l’ouvrage, et qui en soient comme la bordure finale. Ce à quoi je dois veiller surtout, c’est de ne pas m’exposer, en donnant les tardifs suppléments d’un volume déjà publié, à être censuré par certains zoïles, puisque ni les pensées ingénieuses, ni les discours éloquents de. Démosthène ou de Cicéron n’ont pu échapper aux morsures envenimées de l’envie. Le premier de ces orateurs fut critiqué par Démade; le second, par Antoine. Quoique ces livides et malins censeurs fussent des hommes d’un style médiocre, cependant la haine qu’ils ont eue pour le talent et la vertu les a fait passer à la postérité. Mais puisque tu m’y engages, déployons la voile une fois encore à la fureur des vents, et après avoir, en quelque sorte, parcouru de vastes mers, traversons aussi cette espèce d’étang: car je sens assez que, si l’on doit mettre quelque soin à écrire un ouvrage, on doit pareillement prendre sur soi la résolution de le faire paraître. Il n’y a point de milieu: ou il faut avoir le courage de braver la critique et l’envie, ou bien garder un silence absolu. Adieu. |
EPISTOLA II.Sidonius Joanni suo salutem. |
LETTRE II.SIDONIUS A SON CHER JOANNES SALUT. |
Credidi me, vir peritissime, nefas in studia committere, si distulissem prosequi laudibus quod aboleri tu litteras distulisti; quarum quodammodo jam sepultarum suscitator, fautor, assertor, concelebraris; teque per Gallias uno magistro sub hac tempestate bellorum Latina tenuerunt ora portum, cum pertulerint arma naufragium. Debent igitur vel æquævi, vel posteri nostri, universatim ferventibus votis alterum te ut Demosthenem, alterum ut Tullium, nunc statuis, si liceat, consecrare, nunc imaginibus: qui te docente formati institutique jam sinu in medio sic gentis invictæ, quod tamen alienæ, talium vetustorum signa retinebunt. Nam jam remotis gradibus dignitatum, per quas solebat ultimo a quoque summus quisque discerni, solum erit posthac nobilitatis indicium litteras nosse. Nos vero, cæteros, supra doctrinæ tuæ beneficia constringunt: quibus aliquid scribere assuetis, quodque venturi legere possint elaborantibus, saltem de tua schola seu magisterio, competens lectorum turba proveniet. Vale. |
Je croirais, très habile personnage, commettre un crime envers les études, si je tardais plus longtemps à te payer le juste tribut d’éloges que tu mérites, pour avoir retardé la chute des lettres; tu les as, en quelque sorte, retirées du tombeau; tu les as soutenues et fortifiées; en ces temps de guerre, tu as été le seul maître des Gaules qui ait servi de port à la langue des Latins, quand leurs armes faisaient naufrage. Nos contemporains ou nos descendants doivent donc à l’envi et avec ardeur t’élever des statues, s’il est possible, comme à un autre Démosthène, comme à un autre Cicéron, et te reproduire sur la toile. Elevés et formés à ton école, ils conserveront ainsi, au milieu d’une nation invincible, mais étrangère, ces derniers souvenirs du passé: car, maintenant que n’existent plus les dignités qui servaient à distinguer les rangs élevés d’avec les conditions les plus infimes, il ne restera plus désormais d’autre indice de noblesse que la connaissance des lettres. Quant à nous, ta science nous lie envers toi plus que tout autre, comme envers un bienfaiteur; accoutumés à écrire quelque chose, et à composer des ouvrages que puissent lire nos neveux, nous pouvons trouver au moins dans ton école ou parmi tes disciples un nombre compétent de lecteurs. Adieu. |
EPISTOLA III.Sidonius Leoni suo salutem. |
LETTRE III.SIDONIUS A SON CHER LEON SALUT. |
Apollonii Pythaghorici vitam, non ut Nicomachus senior e Philostrati, sed ut Tascius Victorianus e Nicomachi schedio exscripsit, quia jusseras, misi: quam, dum parere festino, celeriter ejecit in tumultuarium exemplar, turbida et præceps et opica translatio. Neque mihi rem credito diuturnius elaboratam vitio vertas. Nam dum me tenuit inclusum mora mœnium Livianorum, cujus incommodi finem, post opem Christi, tibi debeo, non valebat curis animus æger, saltim saltuatim tradenda percurrere, nunc per nocturna suspiria, nunc per diurna officia distractus. Ad hoc et cum me defatigatum ab excubiis ad diversorium crepusculascens hora revocaverat, vix dabatur luminibus inflexis parvula quies. Nam fragor illico quem movebant vicinantes impluvio cubiculi mei duæ quæpiam Gethides anus, quibus nihil unquam litigiosius, bibacius, vomacius erit.
Sane cum primum reduci aliquid otii fuit, impolitum hunc semicrudumque, et, ut aiunt, tanquam musteum librum, plus desiderii tui quam officii mei memor obtuli. Quocirca sepone tantisper Pythicas lauros Hippocrenemque, et illos carminum modos tibi uni tantum penitissime familiares; qui tamen doctis, ut es ipse, personis non tam fonte quam fronte sudantur. Suspende perorandi illud quoque celeberrimum flumen, quod non solum gentilitium, sed domesticum tibi, quodque in tuum pectus per succiduas ætates ab atavo Frontone transfunditur. Sepone pauxillulum conclamatissimas declamationes, quasoris regii vice conficis: quibus ipse rex inclytus modo corda terrificat gentium transmarinarum; modo de superiore cum barbaris ad Vachalim trementibus fœdus victor innodat; modo per promotæ limitem sortis, ut populos sub armis, sic frenat arma sub legibus. Exuere utcunque continuatissimis curis, et otium tuum molibus aulicis motibusque furare. Historiam flagitatam tunc recognosces opportune competenterque, si cum Tyaneo nostro, nunc ad Caucasum Indumque, nunc ad Æthiopum gymnosophistas Indorumque bracmanas, totus lectioni vacans, et ipse quodammodo peregrinere. Lege virum, fidei catholicæ pace præfata, in plurimis similem tui, id est a divitibus ambitum, nec divitias ambientem; cupidum scientiæ, continentem pecuniæ; inter epulas abstemium, inter purpuratos linteatum, inter alabastra censorium: concretum, hispidum, hirsutum, in medio nationum delibutarum, atque inter satrapas regum tiaratorum myrrhatos, pumicatos, malobatratos venerabili squalore pretiosum: cumque proprio nihil esui aut indutui de pecude conferret, regnis ob hoc, quæ pererravit, non tam suspicioni quam fuisse suspectui; et fortuna regum sibi in omnibus obsecundante, illa tantum beneficia poscentem, quæ mage sit suetus oblata præstare quam sumere. Quid multis? Si vera metimur æstimamusque, fors fuat an philosophi vitæ scriptor æqualis majorum temporibus accesserit, certe par sæculo meo per te lector obvenit. Vale. |
Je t’envoie, comme tu me l’as demandé, la vie d’Apollonius pythagoricien, non pas telle que Nicomaque l’ancien l’a transcrite de Philostrate, mais conforme à la copie faite par Tascius Victorianus, sur l’exemplaire original de Nicomaque. Mon empressement à t’obéir m’a fait copier cet ouvrage avec une précipitation extrême, et d’une manière peu soignée. Ne me blâme pas, si j’ai mis plus de temps que je ne croyais à transcrire cet ouvrage; car, pendant que je languissais prisonnier dans les murs de Livia (c’est à toi, après le Christ, que je suis redevable de mon élargissement), mon esprit, accablé d’inquiétude, pouvait à peine parcourir par sauts et par bonds ce que j’avais à te livrer, absorbé que j’étais, la nuit en de longs soupirs, le jour en des devoirs urgents. De plus, lorsque l’heure du crépuscule m’enlevait enfin, accablé de fatigues, à mes labeurs divers, pour me rendre à mon logement, c’est à peine si mes yeux appesantis pouvaient goûter un peu de repos; car aussitôt j’entendais le vacarme que faisaient deux vieilles femmes du pays des Goths, logées près de la gouttière de ma chambre, et querelleuses, buveuses, dégoûtantes comme on n’en verra jamais. Dès qu’à mon retour j’ai pu trouver quelques moments de loisir, ce livre peu élégant, mal digéré, et, comme on dit, sentant le vin nouveau, je te l’ai fait passer plutôt pour répondre à tes désirs, que pour m’acquitter de mon devoir. Ainsi donc éloigne-toi quelque peu des lauriers d’Apollon, des bords de l’Hippocrène; oublie cette harmonie des vers qui t’est familière à toi seul, des vers qui, chez des hommes savants comme toi, coulent moins de source qu’ils ne sont le fruit du travail. Suspends ce fleuve d’éloquence qui est commun non seulement à ta race, mais encore à ta famille, et qui, par la succession des âges, a passé de ton aïeul Fronton dans ta poitrine. Laisse, pour quelque temps, de côté ces déclamations si vantées, que tu fais pour ton roi, et par lesquelles ce prince illustre tantôt épouvante les peuples qui habitent au-delà des mers; tantôt, victorieux, conclut un traité, au sujet de l’Espagne supérieure, avec les Barbares qui tremblent sur les bords du Vahal; tantôt, à travers son royaume agrandi, contient ses peuples par les armes, ses armes par les lois. Fais trêve, de quelque manière que ce soit, à ces continuelles sollicitudes, et dérobe un peu de loisir aux fatigues et aux agitations de la cour. Tu pourras prendre connaissance, à ton aise et convenablement, du livre que tu as demandé, si, tout entier à cette lecture et voyageant, en quelque sorte, avec notre philosophe de Tyane, tu le suis tantôt vers le Caucase et l’Indus, tantôt chez les Gymnosophistes de l’Ethiopie et les Bracmanes de l’Inde. Lis sa vie, et tu verras qu’à l’exception de la foi catholique, il était en beaucoup de choses semblables à toi. Recherché par les riches, sans rechercher les richesses; plein d’amour pour la science, et de mépris pour l’or; sobre au milieu des festins, couvert d’une simple toile au milieu de personnages vêtus de pourpre; au sein de la mollesse, plein de gravité; portant une longue barbe et des cheveux négligés au milieu de nations soigneusement parfumées, il était recommandable par une noble simplicité devant les rois couronnés de la tiare, et au milieu des satrapes toujours couverts d’essences odorantes, toujours parés avec recherche. Comme il n’usait ni de la chair des animaux pour sa nourriture, ni de leur peau pour son vêtement, il prêtait moins, à cause de cela, au soupçon qu’à l’admiration, dans les royaumes qu’il parcourut. Comme la fortune des rois lui venait en toutes choses au-devant, il ne sollicitait que des bienfaits qu’il pût accepter pour les autres, plutôt que pour lui. Enfin, à moins que nous ne nous fassions illusion, l’on pourra douter si, du temps de nos ancêtres, il s’est rencontré un auteur digne d’écrire la vie de ce philosophe; mais assurément, notre siècle aura vu en toi un homme digne de la lire. Adieu. |
EPISTOLA IV.Sidonius Consentio suo salutem. |
LETTRE IV.SIDONIUS A SON CHER CONSENTIUS SALUT. |
Unquamne nos Dei nutu, domine major, una videbit ille ager tuus Octavianus, nec tuus tantum, quantum amicorum? Qui civitati, fluvio, mari proximus, hospites epulis, te pascit hospitibus. Præter hæc, oculis intuentium situ decorus: primore loco, quod domicilium parietibus attollitur, ad concinentiam scilicet architectonicam fabre locatis: tum sacrario, porticibus ac thermis conspicabilibus late coruscans: ad hoc agris, aquisque, vinetis atque olivetis, vestibulo, campo, colle amœnissimus. Jam super penum, vel supellectilem copiosam, thesauris bibliothecalibus large refertus: ubi ipse dum non minus stylo quam vomeri incumbis, difficile discernitur domini plus ne sit cultum rus, an ingenium. Hic tu igitur, quantum recordor, citos iambos, elegos acutos, ac rotundatos hendecasyllabos, et cætera carmina musicos flores thymumque redolentia, nunc Narbonensibus cantitanda, nunc Biterrensibus, ambigendum celerius an pulchrius elucubrasti, apud æquævos gratiam tuam, famam apud posteros ampliaturus. Certe quoties mihi tui versus a meditationis incude, tanquam adhuc calidi, deferebantur, sic videbatur, qui et si non bene scribo, bene judico. Sed quod fatendum est talibus studiis anterior ætas juste vacabat, seu quod est verius, occupabatur: modo tempus est seria legi, seria scribi, deque perpetua vita potius quam memoria cogitari, nimiumque meminisse, nostra post mortem non opuscula, sed opera pensanda. Quæ quidem ad præsens non ita loquor, quasi tu non utraque laudanda conficias: aut si adhuc durat in sermone lætitia, non custodiatur in actione censura: sed ut qui Christo favente clam sanctus es, jam palam religiosa venerandus jugo salubri colla pariter et corda subdare: invigilet cœlestibus lingua præconiis, anima sententiis, dextra donariis, præcipue tamen dextra donariis; quia quidquid ecclesiis spargis, tibi colligis: ad cujus exercitia virtutis illud vel principaliter te poterit accendere, quod inter opes quaslibet positi, quæ bona stultis falso vocantur, si quid agimus, nostrum; si quid habemus, alienum est. Vale. |
Dieu ne permettra-t-il pas un jour, illustre seigneur, que cette terre d’Octave, qui est moins à toi qu’à tes amis, nous revoie tous deux ensemble? Placée dans le voisinage d’une ville, d’un fleuve, d’une mer, elle fournit des vivres à tes hôtes, et te fournit des hôtes à toi-même; de plus, elle offre par sa position un coup d’œil agréable: d’abord, la maison présente des murs très hauts, disposés avec art et suivant toutes les règles de la symétrie architecturale; ensuite, elle est embellie d’une chapelle, de portiques majestueux et de thermes; puis enfin des champs, des eaux, des vignes, des oliviers, des avenues, une esplanade, une colline en font un délicieux séjour. A la richesse, à l’élégance et à la commodité des meubles tu as ajouté le trésor d’une vaste bibliothèque; pendant que tu t’occupes ainsi de lettres et d’agriculture, on ne saurait dire lequel est le mieux cultivé, de ta campagne ou de ton esprit. C’est là, si j’ai bonne mémoire, que tu as composé ces iambes rapides, ces élégiaques ingénieux, ces hendécasyllabes bien tournés, et d’autres poésies où respire le parfum des fleurs, des muses et du thym, poésies chantées tantôt par les habitants de Narbonne, tantôt par ceux de Béziers; ces poèmes qui ne sont pas moins remarquables sous le rapport de la facilité que sous celui des grâces, te rendent cher aux contemporains, comme ils te rendront célèbre chez nos neveux. Du moins, toutes les fois que l’on m’apportait de ces vers encore chauds, pour ainsi dire, et frais échappés de l’enclume de la méditation, la chose me paraissait ainsi, à moi qui, sans bien écrire, juge bien cependant. Il faut l’avouer, à une autre époque de telles études faisaient légitimement l’objet de nos loisirs, ou, ce qui est plus vrai, de nos occupations; mais aujourd’hui, c’est le temps de lire, de composer des écrits sérieux; de songer plutôt à la vie éternelle qu’à une renommée durable, et de nous souvenir qu’après la mort ce ne seront point nos ouvrages, mais nos œuvres que l’on pèsera; et ceci, je ne le dis pas comme si tu ne faisais pas l’une et l’autre chose d’une manière louable; comme si, en laissant encore de la gaité dans tes discours, tu ne gardais pas de la gravité dans tes actions; mais je parle de la sorte, afin que toi qui, grâce au Christ, mènes déjà dans le secret une vie sainte, tu te hâtes en public de soumettre à un joug salutaire une tête religieuse et un cœur pieux; afin que ta langue ne célèbre plus que les saintes louanges, que ton âme se nourrisse de pensées divines, que ta droite répande des dons, et ceci importe le plus, car tout ce que tu donnes aux églises, tu le recueilles pour toi-même. Ce qui pourra principalement t’exciter à la pratique de cette vertu, c’est la pensée qu’au sein des plus vastes richesses, faussement qualifiées du nom de biens par les insensés, tout ce que nous faisons est à nous, tout ce que nous possédons est à autrui. Adieu. |
EPISTOLA V.Sidonius Fortunali suo salutem. |
LETTRE V.SIDONIUS A SON CHER FORTUNALIS SALUT. |
Ibis et tu in paginas nostras, amicitiæ columen Fortunalis, Ibericarum decus illustre regionum. Neque enim tibi familiaritas tam parva cum litteris, ut per has ipsas de te aliquid post te superesse non deceat. Vivet ilicet, vivet in posterum nominis tui gloria. Nam si qua nostris qualitercumque gratia, reverentia, fides chartulis inest, sciat ætas volo postuma, nihil tua fide firmius, forma pulchrius, sententia justius, patientia tolerantius, colloquio jocundius. Illud quoque supra cætera agnoscet, præconia laudibus tuis ex votorum contrarietate venisse. Nam prope est, ut eminentius censeatur, quod probaverunt te adversa constantem, quam si celarent secunda felicem. Vale. |
Tu figureras aussi dans mes pages, toi, soutien de l’amitié, cher Fortunalis, ornement des régions ibériennes; tu as d’assez intimes rapports avec les lettres, pour qu’elles doivent te faire vivre après ta mort. Elle vivra, oui, elle vivra dans les siècles futurs, la gloire de ton nom. Si mes écrits ont droit à quelque faveur, à quelque respect, à quelque confiance, les âges à venir sauront, je le veux, qu’il n’y eut rien de plus inébranlable que ton honneur, de plus beau que ton visage, de plus juste que tes pensées, de plus tolérant que ta patience, de plus grave que tes conseils, de plus joyeux tes festins, de plus enjoué que tes discours; ce qu’elle saura avant tout, c’est que tes vertus ont été louées contre ton gré. Et l’on remarquera comme quelque chose de plus extraordinaire, que le malheur t’ait trouvé plein de constance, que si le bonheur t’avait retenu dans l’obscurité. Adieu. |
EPISTOLA VI.Sidonius a Nammatio suo salutem. |
LETTRE VI.SIDONIUS A SON CHER NAMMATIUS SALUT. |
C. Cæsarem dictatorem, quo ferunt nullum rem militarem ducalius administrasse, studia dictandi lectitandique sibi mutuo vindicavere. Et licet in persona unius ejusdemque tempore suo principis viri, castrensis, oratoriæque scientiæ cura certaverit ferme gloria æquipari; idem tamen nunquam se satis duxit in utriusque artis arce compositum, priusquam vestri Arpinatis testimonio cæteris mortalibus anteferretur. Quod mihi quoque, si parva magnis componere licet, secundum modulum meum, quanquam dissimillimo, similiter accessit. Quæ super cunctos te quamprimum decuit agnoscere, quia tibi est tam gloria mea quam verecundia plurimum curæ. Flavius Nicetius, vir ortu clarissimus, privilegio spectabilis, merito illustris, et hominum patriæ nostræ prudentia peritiaque juxta maximus, præconio, quantum comperi, immenso præsentis opusculi volumina extollit; insuper prædicans quod plurimos juvenum nec senum paucos, vario genere dictandi militandique, quippe adhuc ævo viridis, ipse sim supergressus. Equidem in quantum fieri præter jactantiam potest, gaudeo de præstantissimi viri auctoritate, si certus est; amore, si fallitur: licet quis provocatus nunc ad facta majorum, non inertissimus, quis quoque ad verba non infantissimus erit? Namque virtutes artium istarum sæculis potius priscis sæculorum rector ingenuit; quæ per ætatem mundi jam senescentis, lassatis veluti seminibus, emedullatæ, parum aliquid hoc tempore in quibuscunque, atque id in paucis mirandum ac memorabile ostentant. Hujus tamen ego, et si studiorum omnium caput est litterarumque, qui personam semper excolui, vereor sententiam, supra quam veritas habet, affectu ponderatiore prolatam. Neque ob hoc inficias ierim, me sæpe luculentis ejus actionibus astitisse. Quarum me, et si mutuum reddere videor, vel ex parte cursimque fieri memorem fas est. Audivi eum adolescens, atque adhuc nuper ex puero, cumpater meus præfectus prætorio Gallicanis tribunalibus præsideret: sub cujus videlicet magistratu,consul Asterius anni sui fores votivum trabeatus aperuerat. Adhærebam sellæ curuli, et si non latens per ordinem, certe non sedens per ætatem: mixtusque turmæ censualium penulatorum,proxime consuli proximis eram, Itaque ut primum breviperacta nec brevis sportula datique fasti, acclamatum est ab omni Galliæ cœtu primoribus advocatorum, ut festivitate præventas horas antelucanas, quæ diem serum cum silentio præstolarentur, congrua meritorum fasciumlaude honestarent. Nicetium protinus circumspexere conspecti: qui non sensim singulatimque, sed tumultuatim petitus et cunctim, cum quodam prologo pudoris vultum modeste demissus irrubuit. Atque ob hoc illi maximum sophos non eloquentia prius quam verecundia dedit. Dixit disposite, graviter, ardenter, magna acrimonia, majore facundia, maxima disciplina; et illam Sarranis ebriam succis inter crepitantia segmenta palmatam plus picta oratione, plus aurea convenustavit. Per ipsum fere tempus, ut decemviraliter loquar, lex de præscriptione tricennii fuerat proquiritata: cujus peremptoriis abolita rubricis lis omnis in sextum tracta quinquennium terminabatur. Hanc intra Gallias ante nescitam primus quem loquimur, orator indidit prosecutionibus, edidit tribunalibus, prodidit partibus, addidit titulis, frequente conventu, raro sedente, paucis sententiis, multis laudibus. Præter ista, per alias vices doctrinam illius, quo more citius homo discitur, inobservatus inspexi, tunc cum, quæ regit provincias fascibus, Nicetiano regeretur præfectura consilio. Quid multa? Nil quod non meum vellem, nil quod non admirarer, audivi. Propter quæ omnia bona in viro sita, lætor ad puncta censoris omnium voce concelebrati. Granditer enim sua in utramvis de me opinionem sententia valet: quæ, sivera comperimus, tantum mihi est favens securitati, quantum fieret adversa formidini. De cætero fixum apud me stat constitutumque; prout rem ex asse cognovero, vel silentio me lora laxare, vel stringere frena garritui. Namque si supradicti confirmor assensu, Athenis loquacior; si minus, Amyclis ipsis taciturnior ero. Sed de sodali deque me satis dictum.
Tu nunc inter ista quid rerum? quas mihi ad vicem nosse non minus cordi. Venaris? ædificas? rusticarisne? An horum aliquid unum, an singula vicissim, an pariter cuncta? Sed de Vitruvio, sive Columella, seu alterutrum ambosve sectere, decentissime facis: potes enim utrumque more quo qui optimo, id est, te cultor aliquis e primis architectusque.
Cæterum ut tibi de venatoris officio quam minimum blandiaris maxime injungo. Namque apros frustra in venabula vocas, quos canibus misericordissimis quibus abundas, et quidem solus, movere potiusquam commovere consuesti. Esto, sit indulgentia dignum, quod reformidant catuli tui bestiis appropinquare terribilibus corpulentisque: illud ignoro quomodo excuses, quod capreas pecus simum, pariter et damas in fugam pronos, jacentibus animis, pectoribus erectis, passibus raris, crebris latratibus prosequuntur. Quapropter de reliquo fructuosius retibus cassibusque scrupeas rupes, atque opacandis habilia lustris clusor statarius nemora circumvenis; ac pudor si quis, temperas cursibus apertis quatere campos, et insidiari lepusculis Olarionensibus; quos nec est tanti raro te insectantesuperandos, copulis palam ductis inquietari; nisi fortisan dum tibi ac patri noster Apollinaris intervenit, rectius fiet ut exerceantur.
Exceptis jocis, fac sciam tandem, quid te, quid domum circa. Sed ecce dum jam epistolam quæ diu garrit, claudere optarem, subitus a Santonis nuntius: cum quo dum tui obtentu aliquid horarum sermocinanter extrahimus, constanter asseveravit, nuper vos classicum in classe cecinisse, atque inter officia nunc nautæ, modo militis, littoribus Oceani curvis inerrare contra Saxonum pandos myoparones, quorum quot remiges videris, totidem te cernere putes archipiratas; ita simul omnes imperant, parent, docent, discunt latrocinari. Unde nunc etiam ut quamplurimum caveas, causa successit maxima monendi. Hostis est omni hoste truculentior. Improvisus aggreditur, prævisus elabitur, spernit objectos, sternit incautos. Si sequatur, intercipit; si fugiat, evadit. Ad hoc exercent illos naufragia, non terrent. Est eis quædam cum discriminibus pelagi non notitia solum, sed familiaritas. Nam quoniam ipsa, si qua tempestas est, hinc securos efficit occupandos; hinc prospici vetat occupaturos; in medio fluctuum, scopulorumque confragosorum, spe superventus læti periclitantur. Præterea priusquam de continenti in patriam vela laxantes hostico mordaces anchoras vado vellant, mos est remeaturis decimum quemque caprorum per æquales et cruciarias pœnas, plus ob hoc tristi, quod superstitioso ritu, necare; superque collectam turbam periturorum mortis iniquitatem sorti æquitate dispergere. Talibus eligunt votis, victimis solvunt; et per hujusmodi non tam sacrificia purgati, quam sacrilegia polluti, religiosum putant cædis infaustæ perpetratores de capite captivo magis exigere tormenta quam pretia. Quamobrem metuo multa, suspicor varia: quanquam me econtrario ingentia hortentur. Primum, quod victoris populi signa comitaris; dein quod in sapientes viros quos inter jure censeris, minus annuo licere fortuitis. Tertio, quod pro sodalibus fide junctis, sede discretis, frequenter incutiunt et tuta mœrorem; quia promptius de actionibus longinquis ambigendisque sinistra quæque metus augurat.
Sed dicas, non esse tantum forte curanda quæ perhorresco. Id quidem verum est, sed nec hoc falsum, quod iis quos amplius diligimus, plus timemus. Unde nihilominus precor, obortum tui causa sensibus nostris quamprimum prospero relatu exime angorem. Neque enim ex integro flecti unquam ad hoc possum, ut de peregrinantibus amicis, quippe quos bellica militarisque tessera terit, donec secunda cognosco, non adversa formidem. Varronem logistoricum, sicut poposceras, et Eusebium chronographum misi, quorum si ad te lima pervenerit, si quid inter excubiales curas, utpote in castris, saltem sortito vacabis, poteris, postquam arma deterseris, ori quoque tuo loquendi rubiginem submovere. Vale. |
C. César, dictateur, que l’on regarde comme le plus habile général qui ait existé, employait son temps à dicter et à lire; et quoiqu’en ce seul et même personnage, le premier de son époque, le savoir militaire et l’habileté oratoire aient lutté avec un éclat presque égal, cependant il ne se crut jamais assez fort dans l’une et l’autre science, avant que, par le témoignage de votre Arpinate, il ne fût préféré à tous les autres hommes. Si l’on peut comparer les petites choses aux grandes, c’est ce qui m’est arrivé à moi-même, suivant mon exigüe proportion, quoique je sois loin de ressembler à César. Tu as dû, plus que personne, reconnaître ce que je te dis là, car tu as fort à cœur et ma gloire et ma modestie. Flavius Nicétius, personnage d’une naissance distinguée, d’un rang élevé, d’un haut mérite, et l’homme de notre patrie le plus remarquable par sa prudence et son habileté, donne, ainsi que je l’apprends, les éloges les plus pompeux à mon recueil; il ajoute que par mes divers succès dans les lettres et dans les combats, j’ai surpassé, encore à la fleur de l’âge, un grand nombre de jeunes gens et plus d’un vieillard. A la vérité, autant que cela peut se faire sans jactance, je suis flatté de l’autorité de cet habile personnage, s’il a raison; de son amour, s’il se trompe. Au reste, quel homme aujourd’hui, mis en présence des actions de nos ancêtres, ne semblera pas un homme oisif; en présence de leurs paroles, ne semblera pas un enfant? La force pour réussir dans les lettres, c’est aux siècles anciens que le maître des siècles l’a départie; avec les années d’un monde vieillissant, épuisée et tarie, en quelque sorte elle ne se montre un peu de nos jours qu’en certaines personnes; et, si elle se déploie d’une manière étonnante et admirable, ce n’est qu’en un petit nombre de gens. Toutefois, comme il est le chef de toute étude, de toute littérature, moi qui toujours ai respecté sa personne, je respecte aussi son sentiment, quoiqu’il soit plutôt dicté par l’affection, qu’il n’est conforme à la vérité. Je ne craindrai pas pour cela d’avouer que j’ai assisté plus d’une fois à ses brillants plaidoyers; au risque de sembler lui rendre la pareille, il m’est bien permis de les rappeler, en partie du moins et à la hâte. Je l’ai entendu dans ma jeunesse, à peine au sortir de l’enfance, lorsque mon père, préfet du prétoire, présidait aux tribunaux des Gaules, et que, sous sa magistrature, revêtu de la trabée, le consul Astérius ouvrait l’année avec les solennités ordinaires. J’étais auprès de la chaise curule; et, sans être caché, à cause de mon rang, du moins je n’étais pas assis, à cause de mon âge; mêlé à la foule des officiers publics revêtus du manteau, j’étais voisin de ceux qui se trouvaient le plus rapprochés du consul. Dès qu’on eut distribué une riche sportule, qu’on eut livré les fastes, il fut demandé aux principaux avocats, par toute l’assemblée des Gaules, qu’ils voulussent bien, en ces heures matinales qui avaient été devancées à raison de la solennité, et qui, silencieuses, attendaient le jour si tardif pour l’impatience générale, honorer d’un éloge convenable les faisceaux du nouveau consul. Les plus notables cherchèrent aussitôt de leurs regards Nicétius qui, réclamé non pas peu à peu et par quelques voix, mais soudainement et par tout le monde, se prenant à rougir, baissa modestement la tête. Cela fut cause qu’il dut le grand succès de son discours, non point à l’éloquence d’abord, mais à sa modestie. li parla avec ordre, avec gravité, avec chaleur, avec beaucoup de force, avec beaucoup d’éloquence, avec beaucoup d’art, et sa palmée enrichie de pourpre, reluisante d’or, il sut en rehausser l’éclat par un discours fleuri et brillant. A peu près à la même époque, fut promulguée, pour parler en décemvir, la loi qui porte prescription au bout de trente ans, et dont les décisions péremptoires annulaient tout procès qui n’était pas terminé à la fin de six lustres. Cette loi, jusqu’alors inconnue dans les Gaules, notre orateur la fit admettre par ses instances, la publia dans les tribunaux, la fit connaître aux parties, la plaça dans les titres, en présence d’une assemblée nombreuse et rarement assise, avec quelques paroles pleines d’autorité, avec de grands éloges. De plus, en d’autres circonstances, lorsqu’il ne me savait pas là (et c’est la meilleure manière de connaître promptement un homme), j’ai pu observer sa doctrine, quand la préfecture qui régit les provinces par des faisceaux était elle-même régie par les conseils de Nicétius. Qu’ajouter encore? Je n’ai rien entendu que je ne voulusse avoir dit moi-même, rien que je n’admirasse. A cause de toutes ces qualités éminentes réunies en cet homme, je suis flatté des suffrages d’un censeur que toutes les voix exaltent. Quelque opinion qu’il ait de ma personne, son sentiment est d’un grand poids, et quand je trouve qu’il est vrai, il m’inspire autant de confiance, s’il est favorable, qu’il m’inspirerait de crainte s’il ne l’était pas. Au reste, c’est une chose chez moi bien assise, dès que j’aurai connu parfaitement ce qu’il en est, de lâcher la bride au silence, ou de serrer les rênes au babil. Si donc j’obtenais son assentiment, je serais plus causeur que les Athéniens; dans le cas contraire, je serais plus taciturne que les Amycléens. Mais en voilà bien assez et sur le compte de mon ami et sur le mien. Toi, maintenant, que fais-tu? J’ai à cœur de connaître à mon tour tes occupations. Chasses-tu? Fais-tu bâtir? t’adonnes-tu à l’agriculture? t’appliques-tu exclusivement à l’une de ces choses, ou à chacune d’elles alternativement, ou à toutes ensemble? Pour Vitruve et Columelle, si tu les étudies ou séparément ou tous deux à la fois, tu fais très bien, car tu peux les mener de front l’un et l’autre avec succès, comme le ferait chacun pour sa partie, ou un excellent agriculteur, ou un habile architecte. Au reste, quant au métier de chasseur, ne t’en flatte pas trop, je te le recommande fortement. Car c’est en vain que tu appelles les sangliers à la portée des épieux; les chiens si pleins de compassion, que tu as en abondance, et toi seul, te servent plutôt à faire mouvoir les sangliers qu’à les émouvoir. Je le veux, que tes chiens soient dignes d’indulgence, s’ils redoutent d’approcher de ces bêtes terribles et énormes; toutefois, je ne sais comment tu pourras les justifier de ce que, le cœur bas, la poitrine haute, les pas rares, les aboiements réitérés, ils poursuivent ou les chèvres timides, ou les daims prompts à la fuite. C’est pourquoi tu feras bien mieux désormais, chasseur stationnaire, d’entourer de tes filets et de tes rets les rochers raboteux, les bois propres à ombrager la retraite des bêtes sauvages; puis, si tu as quelque vergogne, de t’abstenir de battre les champs par tes courses découvertes, et de faire la guerre aux malheureux lièvres d’Oléron, qu’il ne vaut pas la peine, puisqu’ils doivent si rarement succomber à tes coups, de fatiguer par des meutes promenées en pleine campagne, à moins, par hasard, qu’il ne soit plus sage de les exercer quand notre Apollinaris se trouvera avec toi et ton frère. Raillerie à part, fais-moi savoir enfin ce que tu fais, et ce qui se passe chez toi. Pendant que j’allais clore ma lettre, qui est déjà bien longue, le courrier de Saintonge est arrivé tout à coup. Nous avons passé quelques heures à causer de toi; il m’a affirmé que tu avais donné sur votre flotte le signal du départ, et que faisant l’office tantôt de matelot, tantôt de soldat, tu errais sur les rives sinueuses de l’Océan contre les esquifs recourbés des Saxons. Autant tu verras de rameurs parmi eux, autant il faut t’imaginer que tu vois de corsaires; car tous ordonnent, commettent, enseignent et apprennent le brigandage. J’ai donc grande raison de t’avertir que tu prennes bien garde à toi. C’est, de tous les ennemis, le plus féroce. Il attaque à l’improviste, il échappe quand on croit le surprendre; il méprise ceux qui l’attendent, il terrasse ceux qui ne l’attendent pas. S’il poursuit, il vous atteint bientôt; s’il fuit, il échappe. En outre, les naufrages exercent les Saxons, loin de les épouvanter. Non seulement ils connaissent les dangers de la mer, mais ils sont encore familiarisés avec eux. Et comme la tempête elle-même, s’il y en a une, laisse d’une part dans la sécurité la côte qui doit être envahie, d’autre part empêche de voir ceux qui doivent l’envahir, joyeux au sein des flots et des écueils horribles, ils bravent le danger, dans l’espoir de la descente qu’ils vont faire. De plus, avant de mettre à la voile pour la patrie, de quitter le continent et de détacher l’ancre d’un rivage ennemi, ils ont coutume, au moment du départ, de faire mourir en des supplices égaux et horribles la dixième partie de leurs captifs, chose d’autant plus triste qu’elle est fondée sur la superstition, et, par l’équité du sort, de jeter sur la foule réunie des malheureux destinés à périr, l’iniquité du trépas. Voilà quels vœux ils font, quelles victimes ils immolent. Moins purifiés par de semblables sacrifices, que souillés par de tels sacrilèges, les auteurs d’un meurtre détestable regardent comme un acte religieux d’exiger d’un captif des tourments plutôt qu’une rançon. C’est pourquoi je crains pour beaucoup de choses, je doute pour beaucoup d’autres, quoique de fortes raisons soient là pour me rassurer. D’abord, tu marches sous les étendards d’un peuple vainqueur; ensuite, les hommes prudents, parmi lesquels tu peux bien être compté, ne laissent rien au hasard; et puis, quand il s’agit de compagnons que l’amitié unit, que les lieux séparent, on craint souvent alors même qu’il n’ya rien à craindre; car l’on est porté, dans l’appréhension, à augurer mal des choses qui se passent loin de vous, et dont on a lieu de douter. Tu diras qu’il ne faut pas tant s’inquiéter peut-être de ce qui fait l’objet de ma crainte; cela est vrai, mais il est vrai aussi que nous craignons davantage pour ceux que nous aimons plus. Néanmoins, je t’en conjure, hâte-toi, en me donnant promptement de tes nouvelles, de m’affranchir de l’anxiété où je me trouve à cause de toi. Jamais, tant que je ne saurai pas des choses favorables sur des amis en voyage, et qui ont toujours à la main la tessera militaire et celle des combats, l’on ne pourra m’amener à ne pas craindre quelque malheur. Ainsi que tu me le demandais, je t’ai envoyé le logistorique Varron et le chronographe Eusèbe. S’ils te parviennent, tu pourras, quand le sort t’aura laissé quelque loisir au milieu des occupations du camp, après avoir nettoyé tes armes, te servir aussi de cette lime littéraire pour enlever la rouille de la parole sur tes lèvres. Adieu. |
EPISTOLA VII.Sidonius Audaci suo salutem. |
LETTRE VII.SIDONIUS A SON CHER AUDAX, SALUT. |
Ubinam se nunc velim dicas gentium abscondunt qui sæpe sibi de molibus facultatum congregatarum, deque congestis jam nigrescentis argenti struibus blandiebantur? ubi etiam illorum prærogativa, qui contra indolem juniorum sola occasione præcedentis ætatis intumescebant? Ubi sunt illi, quorum affinitas nullo indicio majore cognoscitur quam simultate? Nempe cum primum bonis actibus locus est, et ad trutinam judicii principalis appensa tandem non nummorum libra, sed morum; remansere illi qui superbissime opinabantur solo se censu esse censendos: quique sic vitiis ut divitiis incubantes, volunt vanitatis videri alienam surrexisse personam, cum nolint cupiditatis notari suam crevisse substantiam. In qua tamen detrahendi palæstra exercitati, tanquam per oleum, sic per infusa æmulationum venena macerantur. Tu vero inter hæc macte, qui præfecturæ titulis ampliatus, licet hactenus e prosapia illustris computarere, peculiariter nihilo segnius elaborasti, ut a te gloriosius posteri tui numerarentur. Nihil enim est illo per sententiam boni cujusque generosius, quisquis ingenii, corporis, opum junctam in hoc constans operam exercet, ut majoribus suis anteponatur. Quod superest, Deum posco ut te filii consequantur, aut quod plus decet velle, transcendant: et quicunque non sustinet te diligere provectum, medullitus æstuantes a semetipso livoris proprii semper exigat pœnas: cumque nullas in te habuerit unquam misericordiæ causas, habeat invidiæ. Siquidem juste a sub justo principe jacet, qui per se minimus, et tantum per sua maximus, animo exiguus vivit, et patrimonio plurimus. Vale. |
Je voudrais que tu me le disses, en quel lieu de la terre se cachent aujourd’hui ces hommes qui se flattaient souvent de leurs richesses entassées, de ces monceaux d’or noircis par la vétusté? Où est-elle aussi la prérogative de ceux qui s’enflaient de leur seule priorité d’âge contre une génération nouvelle? Où sont-ils ces hommes dont l’affinité n’est jamais connue par un plus sûr indice que par celui de la haine? Dès qu’il s’agit de bonnes actions, et que l’on pèse aussi dans la balance de l’opinion publique, non pas les trésors, mais les mœurs, ils restent de côté, ces hommes qui pensaient orgueilleusement qu’on ne devait les juger que par leur opulence; qui, absorbés dans les vices comme dans les richesses, veulent qu’on taxe de vanité la conduite d’une autre personne qui cherche à s’élever, tandis qu’ils ne. veulent pas, eux, qu’on les accuse de cupidité, pour avoir donné de l’accroissement à leur fortune? Exercés dans cette palestre de calomnie, ils emploient en guise d’huile les poisons des haines jalouses. Courage, au milieu de tout cela, toi qui, décoré du titre de prélat, et sorti d’une famille illustre, as travaillé néanmoins à faire en sorte que tes descendants eussent à se glorifier plus encore de leur origine. Car, au jugement de tout homme de bien, il n’est rien d’aussi noble que celui qui fait servir sans cesse les facultés de son esprit, de son corps, et ses richesses à s’élever au-dessus de ses ancêtres. Maintenant, je demande à Dieu que tes fils puissent t’égaler, ou, ce qui serait plus beau encore, te surpasser; que quiconque ne peut pas t’aimer dans l’élévation, soit tourmenté toujours au fond de son cœur, se punisse lui-même de sa propre jalousie, et que n’ayant jamais trouvé envers toi aucun motif d’indulgence, il en trouve de jalousie. Il reste, sans doute, justement oublié sous un juste prince, celui qui, étant petit par. Lui-même, et grand seulement par ce qu’il possède, se montre petit du côté de l’âme et grand du côté du patrimoine. Adieu. |
EPISTOLA VIII.Sidonius Syagrio suo salutem. |
LETTRE VIII.SIDONIUS A SON CHER SYAGRIUS SALUT. |
Dic, Gallicanæ flos juventutis, quousque tandem ruralium operum negotiosus urbana fastidis? quandiu attritas tesserarum quondam jactibus manus contra jus fasque sibi vindicant instrumenta cerealia? Quousque tua te Taionnacus patriciæ stirpis lassabit agricolam? quousque prati comantis exuvias hibernis novalibus, non ut eques, sed ut bubulcus abscondis? quousque pondus ligonis obtusi nec perfossis antibus ponis? Quid Serranorum æmulus et Camillorum, cum regas stivam, dissimulas optare palmatam? Parce tantum in nobilitatis invidiam rusticari. Agrum si mediocriter colas, possides; si nimium, possideris. Redde te patri, redde te patriæ, redde te etiam fidelibus amicis, qui jure ponuntur inter affectus. Aut si te tantum Cincinnati dictatoris vita delectat,duc ante Raciliam, quæ boves jungat. Neque dixerim sapienti viro rem domesticam non esse curandam, sed eo temperamento, quod non solum, quid habere, sed quid debeat esse consideret. Nam si cæteris nobilium studiorum artibus repudiatis, sola te propagandæ rei familiaris urtica sollicitat: licet tu deductum nomen a trabeis, atque eboratas curules, et gestatorias bracteatas, et fastos recolas purpurissatos, is profecto inveniere, quem debeat sic industrium, quod latentem, non tam honorare censor, quam census onerare. Vale. |
Dis-moi, ô la fleur de la jeunesse gauloise, jusques à quand, tout occupé des travaux de la campagne, dédaigneras-tu les agréments de la ville? jusques à quand ces mains, usées jadis à jeter les dés, tiendront-elles encore, contre toute justice, les instruments aratoires? Jusques à quand la villa de Taïonnao fatiguera-t-elle un cultivateur de race patricienne? jusques à quand, semblable à un laboureur plutôt qu’à un chevalier, veux-tu cacher sous une terre qui se repose l’hiver, l’exubérance d’herbe qui s’offre dans tes champs Jusques à quand, le hoyau pesant à la main, relèveras-tu la terre de tes vignes? Pourquoi, émule des Serranus et des Camille, puisque tu conduis la charrue, refuses-tu d’ambitionner la robe palmée? Cesse de t’occuper ainsi des travaux de la campagne, au détriment de ta noblesse. Cultiver médiocrement une terre, c’est la posséder; lui donner trop de soins, c’est en être esclave. Rends-toi à ton père, rends-toi à ta patrie, rends-toi encore à ces fidèles amis qui occupent justement une place dans tes affections. Ou bien, si la vie du dictateur Cincinnatus a pour toi tant d’attraits, épouse d’abord une Racilia, pour atteler tes bœufs. Je ne veux pas dire toutefois qu’un homme raisonnable doit négliger ses propriétés, mais il faut qu’il s’en occupe avec modération, et qu’il considère non pas seulement ce qu’il doit avoir, mais encore ce qu’il doit être. Si, dédaignant des goûts plus nobles, tu ne songes qu’à étendre tes domaines, tu auras beau avoir un nom illustré par la trabée, compter des sièges d’ivoire, des litières dorées et des fastes brillants de pourpre, il arrivera certainement que, demeurant ainsi caché, tu seras moins honoré par le censeur que surchargé par un cens onéreux. Adieu. |
EPISTOLA IX.Sidonius Lampridio suo salutem. |
LETTRE IX.SIDONIUS A SON CHER LAMPRIDIUS, SALUT. |
Cum primum Burdegalam veni, litteras mihi tabellarius tuus obtulit plenas nectaris, florum, margaritarum: quibus silentium meum culpas, et aliquos versuum meorum versibus poscis, qui tibi solent per musicum palati concavum, variata voce tinnientes, quasi tibiis multiforatilibus effundi. Sed hoc tu munificentia regis satis abutens, jam securus post munera facis: quia forsitan satyricum illud de satyrico non recordaris; Satur est, cum dicit Horatius evohe. Quid multa? Merito me cantare ex otio jubes, quia te jam saltare delectat. Quidquid illud est, pareo tamen; idque non modo non coactus, verum etiam spontaliter facio. Tantum tu utcunque moderere Catonianum superciliosæ frontis arbitrium. Nosti enim prope lætitiam pœtarum: quorum sic ingenia mœroribus, ut pisciculi retibus amiciuntur: et si quid asperum aut triste, non statim se pœtica teneritudo a vinculo incursi angoris elaqueat. Necdum enim quidquam de hæreditate socruali, vel in usum tertiæ sub pretio medietatis obtinui.
Interim tu videris quam tibi sit epigrammatis flagitati lemma placiturum: me tamen nequaquam sollicitudo permittit aliud nunc habere in actione, aliud in carmine. Illud sane præter justitiam feceris, si impræsentiarum vicissim scripta quasi compares. Ago laboriosum, agis ipse felicem. Ago adhuc exsulem, agis ipse jam civem: et ob hoc inæqualia cano, quia similia posco, et paria non impetro. Quod si quopiam casu ineptias istas quas inter animi supplicia conscripsimus, nutu indulgentiore susceperis, persuadebis mihi, quia cantuum similes fuerint olorinorum, quorum modulatior est clangor in pœnis; similes etiam chordæ lyricæ violentius tensæ, quæ quo plus torta, plus musica est. Cæterum si probari nequeunt versus otii aut hilaritatis expertes, tu quoque in pagina quam subter attexui nihil quod placeat invenies. His adhuc adde, quod materiam cui non auditor, sed potius lector obtigerit, nihil absentis auctoris pronuntiatio juvat. Neque enim post opus missum superest quid pœta vel vocalissimus agat, quem distantia loci nec hoc facere permittit, quod solent chori pantomimorum, qui bono cantu male dictata commendant.
Quid
Cyrrham, vel
Hyantias Camœnas,
Tu jam, o
Tityre, rura post recepta,
Nos istic positos,
semelque visos,
Istic Saxona cœrulum
videmus,
Hic tonso occipiti, senex
Sicamber,
Hic glaucis Herulus genis
vagatur,
Hic Burgundio septipes
frequenter
Istis Ostrogothus viget
patronis,
Hinc, Romane, tibi petis
salutem En carmen, quod recensens otiabundus, nostrumque sudorem ac pulverem spectans, veluti jam coronatus auriga de podio. De reliquo non est quod suspiceris par me officii genus repetiturum, etiamsi delectere præsenti, nisi prius ipse destiterim vaticinari magis damna quam carmina. Vale. |
Dès que j’ai été arrivé à Bordeaux, ton messager m’a remis une lettre pleine de nectar, de fleurs, de pierres précieuses, dans laquelle tu accuses mon silence, et me demandes quelques-unes de mes poésies par des vers à toi, qui, modulés d’ordinaire sous la voûte retentissante de ton palais par ta voix cadencée, s’échappent de ta bouche, comme d’une flûte à plusieurs trous. Mais cela, tu le fais après avoir usé largement de la munificence royale, et dans la joie que te donnent les présents, tu oublies sans doute ce trait de satire appliqué à un satirique. « Horace a bu son soûl, quand il voit les Ménades.» Qu’ajouter encore? Tu as bien raison de m’ordonner de chanter à. loisir, parce qu’il te plaît de danser. Quoi qu’il en soit, j’obéis; et, non seulement je le fais sans contrainte, mais je m’y prête encore de bon cœur. Seulement, ne viens pas me juger en Caton ni avec un front sourcilleux; car tu connais fort bien l’humeur des poètes, dont l’esprit se laisse prendre aux chagrins, comme les poissons aux filets; puis, s’ils éprouvent quelque chose de fâcheux ou de triste, leur tendreté poétique ne se dégage pas sur le champ des liens où la retient le chagrin survenu. . . . . . . . . .
Vois cependant jusqu’à quel point le sujet de l’épigramme que tu demandes, est capable de te plaire. L’ennui ne me permet pas de me montrer autre dans mes actions, autre dans mes vers. Tu aurais tort, sans doute, de comparer aujourd’hui mes écrits aux tiens. Je suis malheureux, tu es heureux, toi; je suis encore exilé, tu es déjà rentré dans la classe des citoyens. Si je ne chante pas aussi bien que toi, c’est que je réclame des faveurs égales, sans pouvoir les obtenir. Si, par hasard, tu reçois avec indulgence des bagatelles que j’ai composées au milieu des angoisses de mon esprit, tu me feras croire qu’elles ressemblent au chant des cygnes dont la voix devient plus harmonieuse dans les peines de leur agonie; qu’elles ressemblent aussi à la corde d’une lyre, qui rend des sons d’autant plus sonores qu’elle est plus tendre. Au reste, si des vers sans gaîté et faits à la hâte ne sont pas capables de plaire, tu ne trouveras rien non plus que tu puisses goûter dans ceux que je mets au bas de cette lettre. Ajoute encore qu’un auteur absent ne peut, par la déclamation, faire ressortir une pièce qui de la sorte ne trouve pas un auditeur, mais un lecteur. Une fois qu’il a envoyé son ouvrage, le poète même qui aurait la plus belle voix n’a plus rien à faire, puisque la distance des lieux ne lui permet pas de recourir aux moyens employés par les chœurs de pantomimes, qui donnent du prix à de méchantes compositions avec l’habileté de leurs chants. « Pourquoi veux-tu m’exciter maintenant à chanter et Gyrrha, ou les Muses Hyantides, ou les doctes ondes de l’Hélicon, ces ondes que Pégase d’un coup de son pied léger fit autrefois jaillir, ô cher Lampridius, l’honneur de notre muse! pourquoi m’engages-tu à chanter, comme si j’avais enlevé ses instruments delphiques à ton Délien; comme si, nouvel Apollon moi-même, je pouvais disposer du tapis sacré, du trépied, du luth, du carquois, de l’arc et des griffons; comme si mon front agitait le lierre on le laurier? Toi, heureux Tityre, qui as recouvré déjà tes campagnes, qui te promènes au milieu des myrtes et des platanes, tu joues du barbiton; ta bouche et ton archet marient des accents harmonieux, et tes cordes, tes chants, tes vers ravissent les âmes. Déjà, depuis plus de deux mois, la lune me voit confiné dans ces lieux; je n’ai paru qu’une fois aux regards du souverain, qui n’a pas beaucoup de loisir pour moi, car le monde subjugué lui demande aussi réponse. Ici, nous voyons le Saxon aux yeux bleus, lui naguère le roi des flots, maintenant trembler sur la terre. Des ciseaux placés sur le sommet du front n’atteignent pas seulement les premières touffes, mais coupent jusques à leurs racines ses cheveux qui, tranchés ainsi au niveau de la peau, donnent à sa tête une forme plus courte, et font paraître son visage plus long. Là, vieux Sicambre, après que tu as été vaincu et que l’on t’a dépouillé de ta chevelure, tu rejettes en arrière sur ta tête les cheveux qui te reviennent. Ici porte ses pas errants l’Hérule aux joues bleuâtres, lui qui habite les côtes les plus reculées de l’Océan, et dont le visage ressemble presque à l’algue des mers. Ici le Burgonde, haut de sept pieds, fléchit souvent le genou, et demande la paix. L’Ostrogoth trouve dans Euric un protecteur puissant, traite avec rigueur les Chuns ses voisins, et les soumissions qu’il fait ici le rendent fier ailleurs. Et toi, Romain, c’est ici que tu viens demander du secours, et que tu implores contre les phalanges des régions de Scythie l’appui d’Euric, lorsque la grande ourse menace de quelques troubles. Ainsi, par la présence de Mars qui règne sur ces bords, la Garonne puissante protège le Tibre affaibli. Le Parthe Arsace lui-même demande qu’il lui soit permis, en payant un tribut, de régner en paix dans son palais de Suse. Car, sachant qu’il se fait de grands préparatif de guerre sur le Bosphore, il n’espère pas que la Perse, consternée au seul bruit des armes, puisse être défendue sur les rives de l’Euphrate; et lui, qui se fait appeler le parent des astres, qui s’enorgueillit de sa fraternité avec Phébus, descend néanmoins aux prières et se montre simple mortel. Au milieu de tout cela, mes jours se perdent en des retards inutiles; mais toi, Tityre, cesse de provoquer ma muse; loin de porter envie à tes vers, je les admire plutôt, moi qui, n’obtenant rien et employant en vain les prières, suis devenu un autre Mélibée. » Voilà mon poème; tu le liras dans tes moments de loisir, et, pareil au conducteur de chars déjà couronné, tu regarderas de derrière la balustrade, la sueur qui m’inonde et la poussière qui me couvre. Au reste, je ne crois pas que jamais je t’envoie d’autres productions de ce genre, quand bien même la lecture de ces vers, te causerait quelque plaisir, à moins que je ne cesse de chanter mes malheurs, en oubliant les vers. Adieu. |
EPISTOLA X.Sidonius Ruricio suo salutem. |
LETTRE X.SIDONIUS A SON CHER RURICIUS, SALUT. |
Esse tibi usui pariter et cordi litteras granditer gaudeo. Non stylum vestrum quanta comitetur vel flamma sensuum, vel unda sermonum, liberius assererem, nisi dum me laudare non parum studes, laudari plurimum te vetares. Et quanquam in epistola tua servet caritas dulcedinem, natura facundiam, peritia disciplinam; in sola materiæ tamen electione peccasti: licet id ipsum possit prædicari in voto, quod videris errasse judicio. Ingentes præconiorum titulos moribus meis applicas. Sed si pudoris nostri fecisses utcunque rationem, Symmachianum illud te cogitare par fuerat: Ut vera laus ornat, ita falsa castigat. Quo loci tamen, si animum vestrum bene metior, super affectum quem maximum ostendis, hoc tu et arte fecisti. Nam moris est eloquentibus viris, ingeniorum facultatem negotiorum probare difficultatibus, et illic stylum peritum, quasi quemdam fecundi pectoris vomerem figere, ubi materiæ sterilis argumentum, velut arida cespitis macri gleba, jejunat. Scaturit mundus similibus exemplis; medicus in desperatione, gubernator in tempestate cognoscitur; horum omnium famam præcedentia pericula extollunt: quæ profecto delitescit, nisi ubi probetur, invenerit. Sic et magnus orator, si negotium aggrediatur angustum, tunc amplum plausibilius manifestat ingenium. M. Tullius in actionibus cæteris cæteros, pro A. Cluentio ipse se vicit. M. Fronto cum reliquis orationibus emineret, in Pelopem se sibi prætulit. C. Plinius pro Attia Variola plus gloriæ de centumvirali suggestu domum retulit, quam cum M. Ulpio incomparabili principi comparabilem panegyricum dixit. Sic et ipse fecisti, qui dum vis exercere scientiam tuam, non veritus es fore tibi impedimento etiam conscientiam meam. Quin potius supplicando meis medere languoribus: neque per decipulam male blandientis eloquii ægrotantis adhuc animæ fragilitatem gloriæ falsæ pondere premas. Sane cum tibi sermone pulchro vita sit pulchrior, plus mihi indulges, si mei causa orare potius velis quam perorare. Vale. |
Je vois avec grand plaisir que tu cultives les lettres, et que tu les prends à cœur. Je dirais plus volontiers quelle chaleur de pensée, quelle rapidité de langage accompagne ton style, si les éloges exagérés que tu me donnes ne me défendaient de te louer beaucoup. Et quoique dans ta lettre l’amitié conserve sa douceur, la nature son éloquence, l’habileté son art, tu as péché seulement par le choix de la matière. On peut te louer, du reste, de tes intentions, si tu sembles avoir erré dans ton jugement. Tu crois voir dans ma conduite de grands titres aux éloges; mais, si tu avais un peu tenu compte de notre pudeur, tu aurais dû songer à cette maxime de Symmaque: Une louange vraie est un ornement, comme un éloge faux est un châtiment. Toutefois, si je juge bien ton esprit, outre la grande affection que tu me témoignes, tu as fait preuve encore d’habileté. Car, c’est l’ordinaire des hommes éloquents de prouver la puissance de leur génie par la difficulté des affaires qu’ils traitent, et de diriger savamment le style, comme une sorte de soc d’une âme féconde, quand une matière. stérile, semblable à la glèbe aride d’un terrain maigre, présente peu de ressources au talent. Le monde est plein de pareils exemples; le médecin se fait connaître dans une maladie désespérée; le pilote, dans la tempête; leurs précédentes épreuves accroissent leur réputation, qui sans doute resterait ignorée, si elle n’eût trouvé le moyen de se manifester. C’est ainsi que le grand orateur, s’il embrasse un sujet médiocre révèle un talent supé rieur et enlève les suffrages. M. Tullius l’emporte sur tous les autres orateurs dans tous ses discours; dans son oraison pour A. Cluentius, il s’est surpassé lui-même. M. Fronto, quoiqu’il brillât dans ses autres discours, s’est élevé au-dessus de lui-même dans son plaidoyer contre Pélops. C. Plinius, après avoir parlé en faveur d’Attia Viriola, remporta chez lui du haut de la tribune aux harangues, plus de gloire que lorsqu’il prononça ce panégyrique comparable à M. Ulpius, prince incomparable. Ainsi as-tu fait toi-même, quand, jaloux d’exercer ton savoir, tu n’as pas appréhendé de trouver un obstacle même dans ma conscience. Que tes prières portent remède à mes langueurs, et par les séductions d’un langage dangereusement flatteur ne va pas accabler sous le poids d’une fausse gloire la faiblesse d’une âme encore malade. Et certes, puisque ta vie est plus belle que tes discours déjà si beaux eux-mêmes, tu me témoigneras bien plus d’amitié, si tu veux prier plutôt que pérorer pour moi. Adieu. |
EPISTOLA XI.Sidonius Lupo suo salutem. |
LETTRE XI.SIDONIUS A SON CHER LUPUS SALUT. |
Quid agunt Nitiobroges, quid Vesunnici tui, quibus de te sibi altrinsecus vindicando nascitur semper sancta contentio? Unus te patrimonio populus, alter etiam matrimonio tenet: cumque hic origine, iste conjugio; melius illud, quod uterque judicio. Te tamen, munere Dei, inter ista felicem: de quo diutius occupando possidendoque, operæ pretium est votiva populorum studia confligere. Tu vero utrisque præsentiam tuam disposite, vicissimque partitus, nunc Drepanium illis, modo istis restituis Anthedium: et si a te instructio rhetorica poscatur, hi Paulinum, illi Alcimum non requirunt. Unde te magis miror, quem quotidie multiplicis bibliothecæ ventilata lassat egeries, aliquid a me veterum flagitare cantilenarum. Pareo quidem, licet intempestiva videatur recordatio jocorum tempore dolenti. Lampridius orator modo primum mihi occisum agnoscitur; cujus interitus amorem meum summis conficeret angoribus, etiamsi non eum rebus humanis vis impacta rapuisset. Hic me quondam, ut inter amicos joca, Phœbum vocabat, ipse a nobis vatis Odrysii nomine accepto. Quod eo congruit ante narrari, ne vocabula figurata subditum carmen obscurent. Huic quodam tempore Burdegalam invisens metatoriam paginam, quasi cum Musa prævia misi. Puto hanc tibi liberius offerri quam si aliquid super decedentis occasu lugubre componens, qui non placebam per eloquentiam, per materiam displicerem. Dilectæ nimis,
et peculiari Paulum
depositis, alumna, plectris Hoc pernix
habitu meum memento
O necessitas abjecta nascendi, vivendi misera, dura moriendi? Ecce quo rerum volubilitatis humanæ rota dicitur. Amavi fateor satis hominem, licet quibusdam tamen venialibus erratis implicaretur, atque virtutibus minora misceret. Namque crebro levibus ex causis, sed leviter excitabatur: quod nihilominus ego studebam sententiæ cæterorum naturam potius persuadere quam vitium: astruebamque meliora; quatenus in pectore viri iracundia materialiter regnans, quia nævo crudelitatis fuerat infecta, prætextu saltem severitatis emacularetur. Præterea et si consilio fragilis, fide firmissimus erat, incautissimus, quia credulus; securissimus, quia non nocens. Nullus illi ita inimicus, qui posset ejus extorquere maledictum; et tamen nullus sic amicus, qui posset effugere convicium. Difficilis aditu, cum facilis inspectu; et portandus quidem, sed portabilis. De reliquo, si orationes illius metiaris, acer, rotundus, compositus, excussus; si pœmata, tener, multimeter, argutus, artifex erat. Faciebat siquidem versus oppido exactos, tam pedum mira, quam figurarum varietate: hendecasyllabos lubricos, et enodes; hexametros crepantes, et cothurnatos; elegos vero nunc echoicos, nunc recurrentes, nuncper anadiplosim fine principiisque connexos. Hic ut arreptum suaserat opus, ethicam dictionem pro personæ, temporis et loci qualitate variabat; idque non verbis qualibuscumque, sed grandibus, pulchris, elucubratis. In materia controversiali fortis et lacertosus: in satyrica sollicitus et mordax; in tragica sævus et flebilis. In comica urbanus multiformisque; in fescennina vernans verbis, æstuans votis; in bucolica vigilax, parcus, carminabundus; in georgica sic rusticans multum, quod nihil rusticus. Præterea quod ad epigrammata spectat, non copia, sed acumine placens; quæ nec brevius disticho, nec longius tetrasticho finiebantur: eademque cum non pauca piperata, mellea multa conspiceres, omnia tamen salsa cernebas. In lyricis autem Flaccum secutus, nunc ferebatur in iambico citus, nunc in choriambico gravis, nunc in alcaico fluxuosus, nunc in sappbico inflatus. Quid plura? Subtilis, aptus, instructus; quaque mens stylum ferret, eloquentissimus prorsus, et eum jure censeres post Horatianos et Pindaricos cycnos gloriæ pennis evolaturum. Aleæ, sphæræ, non juxta deditus. Nam cum tesseris ad laborem occuparetur, pila tantum ad voluptatem; fatigabat libenter, quodque plus dulce, libentius fatigabatur. Scribebat assidue, quanquam frequentius scripturiret. Legebat etiam incessanter auctores, cum reverentia antiquos, sine invidia recentes. Et quod inter homines difficillimum est, nulli difficulter ingenii laudem cedebat. Illud sane non solum culpabile in viro fuit, sed peremptorium; quod mathematicos quondam de vitæ suæ fine consuluit, urbium cives Africanarum; quibus ut est regio, sic animus ardentior: qui constellatione percunctantis inspecta, pariter annum, mensem diemque dixerunt, quos, ut verbo matheseos utar, climactericos esset habiturus: utpote quibus themate oblato, quasi sanguinariæ genituræ schema patuisset: quia videlicet amici nascentis anno, quemcunque clementem planeticorum siderum globum in diastemate Zodiaco prosper ortus erexerat; hunc in occasu cruentis ignibus inrubescentes, seusuper diametro Mercurius asyndetus, seu super tetragono Saturnus retrogradus, seu super centro Mars apocatasticus exacerbassent. Sed de his qualia, quoque modo sint, quanquam sint maxime falsa, ideoque fallentia, si quid plenius planiusque cohæret, licet et ipse arithmeticæ studeas, et quæ tua diligentia, Vertacum, Thrasibulum, Saturninum sollicitus evolvas, ut qui semper nil nisi arcanum celsumque meditere. Interim ad præsens nil conjecturaliter gestum, nil per ambages; quandoquidem hunc nostrum temerarium futurorum sciscitatorem, et diu frustra tergiversantem, tempus et qualitas prædictæ mortis innexuit. Nam domi pressus strangulatusque servorum manibus, obstructo anhelitu, gutture obstricto, ne dicam Lentuli, Jugurthæ atque Sejani, certe Numantini Scipionis exitu periit. Hæc in hac cæde tristia minus, quod nefas ipsum cum auctore facti parricidalis diluculo inventum est. Nam quis ab hominum tam procul sensu, quis ita gemino obtutu eluminatus, qui exanimati cadavere inspecto, non statim signa vitæ colligeret extortæ? Etenim protinus argumento fuere livida cutis, oculi protuberantes, et in obruto vultu non minora iræ vestigia, quam doloris. Inventa est quidem terra tabo madefacta deciduo, quia post facinus ipsi latrones ad pavimentum conversa defuncti ora pronaverant, tanquam sanguinis eum superæstuans fluxus exinanisset. Sed protinus capto, qui fuerat ipsius factionis fomes, incentor, antesignanus, cæterisque complicibus oppressis, seorsumque discussis, criminis veritatem de pectoribus invitis tormentorum terror extraxit. Atque utinam hunc finem, dum inconsulte fides vana consultat, non meruisset excipere. Nam quisque præsumpserit interdicta, secreta, vetita rimari, vereor hujusmodi a catholicæ fidei regulis exorbitaturum, et effici dignum, in statum cujus respondeantur adversa, dum requiruntur illicita. Secuta quidem est ultio exstinctum: sed magis prosunt ista victuris. Nam quoties homicida punitur, non est remedium, sed solatium vindicari. Longiuscule me progredi amor impulit, cujus angorem silentio exhalare non valui. Tu interim, si quid istic cognitu dignum est, citus indica: saltem ob hoc scribens, ut animum meum tristudine gravem lectio levet. Namque confuso pectori mœror, et quidem jure plurimus erat, cum paginis ista committerem sola. Neque enim satis mihi aliud hoc tempore manu, sermone, consilio, scribere loqui, volvere libet. Vale. |
Que font tes Nitiobroges, tes Vesunnici, eux chez qui le désir de te posséder fait naître sans cesse une sainte contestation? Tu appartiens à l’un de ces peuples par ton patrimoine; à l’autre, par ton mariage. Celui-là te réclame pour t’avoir vu naître; celui-ci, pour t’avoir donné une épouse; ce qui est mieux, tous deux te réclament avec raison. Que tu es heureux, grâces au ciel, au milieu de toutes ces choses, puisque tu mérites que, pour t’avoir et te posséder plus longtemps, l’amour des peuples rivalise de zèle! Mais toi, en leur accordant tour à tour ta présence, tu rends tantôt Drépanius aux uns, tantôt Anthédius aux autres. Veulent-ils un orateur, ils n’ont lieu de regretter ni Paulin, ni Alcimus. Aussi je m’étonne que, remuant chaque jour les trésors d’une riche bibliothèque, tu viennes me demander quelqu’une de mes poésies d’autrefois. J’obéis, quoiqu’il paraisse assez intempestif de rappeler des badinages, quand il faut être en deuil. J’apprends à cette heure, seulement, que, l’orateur Lampridius a été tué; son trépas jetterait mon cœur dans une profonde tristesse, quand même il n’aurait pas succombé à une mort violente. Par une de ces plaisanteries communes entre amis, il m’appelait autrefois Phébus, et il avait reçu de moi le nom de poète Odrysien convient que d’abord je rapporte ceci, afin que les mots figurés ne jettent. point d’obscurité sur les vers suivants. Une fois que j’allais à Bordeaux, me faisant, pour ainsi dire, précéder de ma muse, je lui envoyai cette pièce pour me faire préparer un logis. li est mieux, je pense, de te l’offrir que de composer sur la mort du défunt une pièce lugubre qui, sans plaire du côté de l’éloquence, déplairait du côté du sujet. A sa chère et bien-aimée Thalie, commonitoire de Phébus. Dépose quelques moments ta lyre, ô mon élève; noue avec un vert bandeau ta chevelure flottante, et que le lierre flexible ceigne ta vaste, robe aux replis sinueux. Garde-toi de prendre le socque, et que ton pied n’aille pas, comme à l’ordinaire, nager dans un cothurne spacieux. Mais aie soin de prendre une chaussure semblable à celle d’Harpalice ou à celle de l’Amazone qui, de. son glaive, immola ses prétendants vaincus. Tu. seras plus agile dans ta marche, sites doigts de pied sont nus vers la pointe de tes sandales; ton pas sera plus ferme et plus rapide, si les courroies égales de ta chaussure, en remontant vers la jambe, s’élèvent au-dessus du cou de pied.
Dans ce léger costume, souviens-toi de visiter mon Orphée qui, chaque jour, par l’harmonie et la douceur de ses chants, charme les rochers et les bois, et adoucit les cœurs les plus durs; mon Orphée qu’enrichissent l’éloquence tonnante de l’Arpinate, les douceurs du style de Virgile, ou les grâces qui charment si fort le Latium, dam cet Horace, poète lyrique supérieur à Alcée lui-même. Tantôt il fait entendre les fiers accents de la tragédie; tantôt il prend le langage facétieux de la comédie; tantôt il s’enflamme dans la satire et dans les déclamations qui ont pour objet les débats excités par les tyrans. Dis: Phébus arrive, et, après avoir quitté la poste, il frappe de ses rames là lapide Garonne. Il ordonne que tu ailles sa rencontre; a mais après lui avoir préparé d’abord un logement; dis aussi à Léontius, ce fils de Livia, d’une ancienne famille sénatoriale, dis-lui : — Phébus arrivera bientôt. Vois ensuite le facétieux Rusticus, qui n’a que le nom de rustique. Mais si leurs demeures sont occupées déjà, cours aussitôt à la maison des évêques; et, après avoir baisé la main du saint Gallicinus, demande-lui à séjourner quelque peu sous son humble toit, afin que, si je ne puis trouver asile dans la maison de mes amis, je n’aille pas tristement me réfugier dans les hôtelleries fréquentées par les buveurs, et que je ne sois pas obligé de me boucher le nez pour éviter la fumée des cuisines où le rouge boudin enchaîné, suspendu par deux rangs, exhale une odeur de serpolet, où les vapeurs des chaudières s’élèvent au milieu du pétillement qui se fait dans les plats. Là, quand un jour de fête fera entendre des chants enroués, et que retentira la voix bouffonne des parasites, alors, alors, éveillé par la muse d’un hôte ami du vin, que je vous murmure, plus barbare qu’eux encore, des vers dignes de vous.
O combien est triste la nécessité de naître! combien celle de vivre est malheureuse! combien celle de mourir est cruelle! Voilà où se précipite la roue de l’instabilité humaine. Je l’ai beaucoup aimé, cet homme, je l’avoue, quoiqu’il fût engagé dans quelques erreurs pardonnables, et qu’il mêlât des faiblesses à ses vertus. Car, souvent, pour des causes légères, il s’irritait, mais assez peu, et je m’appliquais à persuader aux autres que c’était là plutôt un effet de son caractère, qu’un vice réel. Je donnais une interprétation favorable à cette colère qui régnait matériellement dans son âme, et, comme elle était entachée de cruauté, je cherchais à la couvrir du prétexte de sévérité. Quoique peu sûr du côté de la prudence, il était ferme dans ce qu’il croyait; ne se tenant point sur ses gardes, parce qu’il était crédule; toujours plein de confiance, parce qu’il ne nuisait à personne. Il n’avait point d’ennemi qui pût lui arracher une parole de malédiction; point d’ami cependant qui pût échapper à ses censures. D’un accès difficile, il était facile dans un tête-à-tête; il fallait le supporter, mais il était supportable. Au reste, à regarder ses discours, il était vif, harmonieux, travaillé, scrupuleux; à regarder ses poèmes, il était tendre, il employait divers mètres, écrivait avec délicatesse et avec art. Il faisait des vers bien rimés, pleins d’une merveilleuse variété de pieds et de figures; des hendécasyllabes coulants et faciles; des hexamètres sonores et pompeux; des élégiaques tantôt faisant écho, tantôt revenant sur eux-mêmes, tantôt, avec une répétition, unis par la fin et par le commencement. Lampridius, selon que le demandait le sujet, savait proportionner son style aux personnes, aux temps et aux lieux, et cela, non point avec des expressions communes, mais en des termes relevés, nobles et choisis. Dans les matières de controverse, il était fort et nerveux; dans la satire, vif et mordant; dans la tragédie, passionné et attendrissant; dans la comédie, urbain et souple; dans les fescennins, fleuri en son langage, chaleureux en ses souhaits; dans la bucolique, scrupuleux, sobre, riche de poésie; dans la géorgique, extrêmement simple, sans aucune rusticité de style. En outre, pour ce qui concerne les épigrammes, elles ne plaisaient pas tant par l’abondance que par la pointe, et ne renfermaient pas moins de deux vers, ni plus de quatre. Elles offraient quelquefois du piquant, quelquefois du doux, toujours du sel et de la verve. En poésie lyrique, où il s’était proposé Flaccus pour modèle, il se montrait tantôt rapide dans l’iambe, tantôt grave dans le choriambe, tantôt souple dans l’alcaïque, tantôt pompeux dans le saphique. En un mot, il avait de la finesse, de la justesse, de l’habileté, et, quelque sujet qu’il traitât, une grande éloquence; de sorte que l’on aurait pu s’imaginer, à bon droit, qu’il s’envolerait sur les ailes de la gloire, après Horace et Pindare, ces cygnes de la poésie. Il s’adonnait moins au jeu et à la paume; car si les dés l’occupaient comme un travail, la balle était pour lui seulement un plaisir; il plaisantait volontiers, et, ce qui était plus agréable, il se laissait plaisanter plus volontiers encore. Il écrivait souvent, et plus souvent encore avait envie d’écrire. Il lisait continuellement aussi les auteurs anciens avec respect, les auteurs modernes sans jalousie. Chose bien difficile à trouver parmi les hommes, il ne le cédait à aucun autre pour la beauté du génie.
Ce qu’il y eut en lui non seulement de
coupable, mais encore de fatal, c’est qu’il avait consulté jadis,
touchant la fin de sa vie, ces magiciens de l’Afrique, dont l’esprit
est aussi ardent que leur pays même. Après avoir examiné, d’après sa
demande, la constellation de Lampridius, ils lui prédirent et
l’année, et le mois, et le jour qui devaient être (j’emploie le mot
de l’astrologie) climactériques pour lui. Quand il leur eut exposé
sa naissance, ils y virent l’indice d’une mort sanglante, parce que
dans l’année où naquit notre ami, un heureux lever avait amené dans
les distances zodiacales tous les globes favorables des planètes, et
que ces mêmes planètes, à leur coucher, avaient été rendues
sinistres, soit par Mercure asyndète sur le diamètre, soit par
Saturne sur le tétragone, soit par Mars apocatastique sur le centre,
et enveloppé de feux rouges et sanglants. L’amitié m’a jeté beaucoup trop loin; cependant, elle ne pouvait exhaler en secret ses angoisses. Toutefois, si tu sais quelque chose qui soit digne d’être connu, hâte-toi de m’en faire part, et écris-moi tout au moins, pour que la lecture de ta. lettre soulage mon esprit accablé sous le poids de la tristesse. J’avais le cœur oppressé de chagrin, lorsque je confiais au papier ces seules pensées. Aujourd’hui même, ma main ne peut écrire, ma langue ne peut exprimer, ma raison ne sait résoudre aucune autre chose. Adieu. |
EPISTOLA XII.Sidonius Trigetio suo salutem. |
LETTRE XII.SIDONIUS A SON CHER TRIGETIUS, SALUT. |
Tantumne te Vasatium civitas non cespiti imposita, sed pulveri? Tantum Syrticus ager, ac vagum solum, et volatiles ventis altercantibus arenæ sibi possident, ut te magnis flagitatum precibus, parvis separatum spatiis, multis exspectatum diebus, attrahere Burdegalam, non potestates, non amicitiæ, non opimata vivariis ostrea queant? An temporibus hibernis viarum te dubia suspendunt? et quia solet Bigerricus turbo mobilium aggerum indicia confundere, quoddam vereris in itinere terreno pedestre naufragium? Ubi, quæsumus, animo tam celeriter excessit vestigiis tuis nuper subacta Calpis? ubi fixa tentoria in occiduis finibus Gaditanorum? ubi ille Trigetio meo idem qui Herculi quondam terminus peregrinandi? Tantumne a te ipso ipse tu discrepas, ut totus in desidiæ jura concesseris; quo peragrante secreta regionum fabulosarum, prius defuit actio laboris quam fatigationis intentio? Et post hæcportum Alingonis tam piger calcas, ac si tibi nunc esset ad limitem Danubinum contra incursaces Massagetas proficiscendum; vel si nunc etiam tuæ naves stagna Nilotidis aquæ per indigenas formidata crocodilos transfretarent. Et cum nec duodecim millium objectu sic retarderis, quid putamus cum excercitu M. Catonis in Lepitana Syrte fecisses? Sed quamlibet sola hiemalium mensium nomina tremas, tam clemens est facies cœli, tam tepida, tam suda, et sic auras mage quam ventos habet, ut te non valeat enixius retinere tempus, quam invitare temperies.
Sed si epistolam spernis evocatoriam, credo vel versibus non reluctaberis, impulsoribus blandis, et desiderii mei, quantum suspicor, strenuis exsecutoribus; quorum in te castra post biduum commovebuntur. Ecce jam Leontius meus facile primus Aquitanorum, ecce jam parum inferior parente Paulinus, ad locum quem supra dixi, per Garumnæ fluenta refluentia, non modo tibi cum classe, verum etiam cum flumine occurrent. Hic tuas laudes modificato celeumate, simul inter transtra remiges, gubernatores inter aplustria canent. Hic te ædificatus culcitis torus, hic tabula calculis strata bicoloribus, hic tessera frequens eboratis resultatura pyrgorum gradibus exspectat: hic, ne tibi pendulum tinguat volubilis sentina vestigium, pandi carinarum ventres abiegnarum trabium textu pulpitabuntur: hic superflexacrate paradarum sereni brumalis infida vitabis. Quid delicatæ pigritiæ tuæ plus poterit impendi, quam ut te pervenisse invenias, cum venire vix sentias?
Quid mussitas? quid moraris? Ipse tuum mihi videntur adventum reptiles cochleæ cum domibus nativis antecessuræ. Est præterea tibi copiosissima penus, aggeratis opipare referta deliciis, modo sit eventilando par animus impendio. Quid multa? Veni, ut aut pascaris, aut pascas: imo quod gratius, ut utrumque. Veni cum mediterraneo instructu ad debellandos subjugandosque istos Medulicæ suppellectilis epulones. Hic Aturricus piscis Garumnicis mugilibus insultet: hic ad copias Lapurdensium ocustarum, cedat vilium turba cancrorum. Tu tametsi cæteris eris in hoc genere pugnandi dimicaturus, si quid meo judicio censes acquiescendum, neque enim injustum est credere experto, senatorem nostrum, hospitem meum, conflictui huic facies exsortem: cujus si convivio tectoque succedas, dapes Cleopatricas et loca lautia putes. Nam quamvis super hoc studio tam ipse quam patria confligant, olim lata sententia est, quod ille transeat cæteros cives, licet et illa cæteras civitates. Vale. |
Cette ville de Bazas, qui est assise, non point sur de riants gazons, mais sur un monceau de poussière; des plaines desséchées, un sol aride, des sables que les vents, dans leurs chocs, soulèvent et chassent dans les airs, tous ces tristes objets te charment-ils donc si fort que tu ne puisses, toi qui es réclamé par de si instantes prières, toi qui es si peu éloigné de nous, et depuis si longtemps attendu, te laisser enfin attirer à Bordeaux, ni par les puissances, ni par l’amitié, ni par les huîtres engraissées dans nos viviers? Est-ce que tu serais arrêté par la difficulté de voyager en hiver? et comme le vent impétueux du Bigorre a coutume d’effacer les traces des routes en un sol mobile, crains-tu de faire en quelque sorte naufrage sur terre? Comment donc as-tu si promptement oublié que ton pied foula naguère les sommets de Calpé; que tu dressas tes tentes aux limites occidentales de Gadès? Mon ami Trigétius ne se rappelle-t-il plus qu’il ne mit à ses voyages d’autres bornes que les bornes d’Hercule? Diffères-tu donc assez de toi-même, pour avoir passé tout entier sous les lois de la paresse, toi qui, parcourant des contrées inconnues et presque fabuleuses, as vu manquer les régions devant tes pas, plus tôt que tu n’as senti faillir ton ardeur? Et après cela, tu n’hésites pas moins à t’embarquer au port d’Alingon, que s’il te fallait aller maintenant sur les rives du Danube repousser les incursions des Massagètes, ou que si ton vaisseau devait traverser les eaux du Nil, au milieu des redoutables crocodiles qu’elles enferment. Puisque l’espace de douze milles est un obstacle assez puissant pour t’arrêter, que devons-nous croire que tu eusses fait avec l’armée de M. Caton, dans les déserts de Leptis? Cependant quelque horreur que t’inspirent les noms seuls des mois de l’hiver, rassure-toi, le ciel est si calme, si tiède, si serein; on sent dans l’air un souffle si doux, que la saison doit moins te retenir, que ne doit t’inviter notre température. Mais si tu méprises ma lettre qui t’appelle, tu ne résisteras pas, je pense, à des vers, solliciteurs insinuants, qui sauront aussi, je crois, mener courageusement à fin mes désirs, et iront, dans deux jours, se ranger en bataille contre toi. Voilà que mon ami Léontius, le premier, sans contredit, des Aquitains, voilà que Paulinus, qui ne le cède presque en rien à son père, se préparent à aller au-devant de toi, vers les lieux dont j’ai parlé plus haut, et à t’amener sur les eaux de la Garonne, à la faveur du reflux; ils iront non seulement avec une flotte, mais encore avec un fleuve. Alors, les rameurs assis sur leurs bancs, les pilotes au milieu des banderolles, chanteront en chœur tes louanges. Tu trouveras dans le vaisseau un lit délicat et mou, un damier avec ses dames de deux couleurs, des dés qui rouleront souvent sur les degrés de leurs cornets d’ivoire, et, de peur que tes pieds pendants ne soient mouillés en la sentine mouvante, le ventre creux du navire sera couvert d’un pont fait avec des planches de sapin; un berceau de treillis, placé sur ta tête, pourra te garantir du serein dangereux de cette saison. Que peut-on donner de plus à la délicatesse d’un ami paresseux? Tu seras arrivé, qu’à peine auras-tu pensé que tu voyages.
Que tardes-tu? qui te retient? Les
escargots rampants te devanceraient, ce me semble, avec leur maison
native. Tu as de riches et excellentes provisions, que tu dois te
décider à sacrifier. Qu’ajouter de plus? Viens te régaler ou nous
régaler nous-mêmes; viens, ce qui nous sera plus agréable, faire
l’un et l’autre. Abondamment pourvu de ce que ton pays produit de
meilleur, viens triompher de nos gourmands qui recherchent les
choses délicates du Médoc; que le poisson de l’Adour insulte ici aux
mulets de la Garonne, et que la tourbe des vils crabes le cède aux
nombreuses langoustes de Bayonne. Quoique tu puisses facilement te
mesurer avec tous les autres dans ce genre de combat, néanmoins, si
tu veux suivre mon conseil, et il serait injuste de n’en pas croire
mon expérience, tu n’admettras pas à cette lutte le sénateur chez
lequel ma demeure est établie. Lorsqu’on est reçu chez lui et à sa
table, on y remarque des mets plus exquis que ceux que l’on servait
à Cléopâtre et un luxe plein de magnificence. Quoique notre sénateur
et sa patrie se distinguent dans ce genre de goûts, il a été
néanmoins |
EPISTOLA XIII.Sidonius domino papæ Nonnechio salutem. |
LETTRE XIII.SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE NONNECHIUS SALUT. |
Multa in te genera virtutum, papa beatissime, munere superno congesta gaudemus. Siquidem agere narraris sine superbia nobilem, sine invidia potentem, sine superstitione religiosum, sine jactantia litteratum, sine ineptia gravem, sine studio facetum, sine asperitate constantem, sine popularitate communem. Præterea his hoc præstantissimum bonis fama superaggerat, quod te asserit hasce tot gratias fastigatissimæ caritatis arce transcendere. Fama, inquam, quæ de laudibus tuis cum canat multa, plus reticet. Nam longius constitutis actionum tuarum propositum potest assignare, non numerum. Quarum relatione succensus, ultro primus ut longe inferiorem decet, ad solvenda officia procurro; nec vereor garrulitatis aliquando argui, qui potui taciturnitatis hucusque culpari.
Commendo Promotum gerulum litterarum, nobis quidem jam ante cognitum, sed nostrum nuper effectum vestris orationibus contribulem: qui cum sit gente Judæus, fide tamen præelegit censeri Isrælita quam sanguine; et municipatum cœlestis illius civitatis affectans, occidentemque litteram spiritu vivificante fastidiens, pariter hinc justis præmia proposita contemplans, hinc, nisi faceret ad Christum de circumcisione transfugium, prævidens sese per æterna sæcula æquiterna supplicia passurum: patriam sibi maluit Hierusalem potius quam Hierosolymam computari. Quibus agnitis, adventantem Abrahæ nunc filium veriorem maternis ulnis spiritalis Sara suscipiat. Namque ad Agar ancillam pertinere tunc desiit, cum legali observantiæ servitutem gratiæ libertate mutavit. De cætero, quæ ipsi fuerit isto causa veniendi, præsentaneo conducibilibus idem polerit explicare memoratu. Nobis vero propter quæ supra scripsi carissimus habetur: quod eo significo, quia is efficacissime quemque commendat, qui meras causas justæ commendationis aperuerit. Memor nostri esse dignare, domine papa. |
Nous nous réjouissons, bienheureux Pape, de ce que la munificence d’en haut a réuni en toi divers genres de vertu; car tu es, dit-on, noble sans orgueil, grand sans être haï, religieux sans superstition, lettré sans jactance, grave sans ineptie, facétieux sans recherche, ferme sans raideur, affable sans trop de familiarité. La renommée vient ajouter à cela quelque chose de plus merveilleux, en assurant que ces heureuses qualités sont encore surpassées en toi par l’ardeur de la plus tendre charité; la renommée, dis-je, qui, même en publiant tes louanges, est bien loin de tout dire, car elle peut faire connaître aux absents le but de tes belles actions, mais elle ne saurait en révéler le nombre. Emerveillé au, récit de ces actions, je viens le premier, comme il est de l’obligation d’un inférieur, te rendre mes devoirs, et je ne crains pas qu’on m’accuse jamais de parler trop cette fois, si l’on a pu jusqu’à présent me faire un crime de mon silence. Je te recommande le porteur de ma lettre, Promotus, qui nous est connu depuis longtemps, et que nos prières viennent de faire entrer dans notre tribu; il est Juif de nation, mais il a mieux aimé être Israélite par la foi que par le sang; ambitionnant le droit de cité dans la ville céleste, et méprisant la lettre qui tue pour l’esprit qui vivifie, contemplant d’un côté les récompenses destinées aux justes, prévoyant d’autre part que s’il ne devenait transfuge et ne passait de la circoncision au Christ, il aurait à souffrir durant des siècles éternels des supplices éternels aussi, il a préféré pour patrie la Jérusalem d’en haut à la Jérusalem terrestre. Puisqu’il en est ainsi, que la Sara spirituelle accueille dans une maternelle étreinte un enfant qui est plus véritablement aujourd’hui fils d’Abraham. Il a cessé d’appartenir à l’esclave Agar, lorsqu’il a échangé contre la liberté de la grâce la servitude de l’observance légale. Au reste, le motif de son voyage, Promotus pourra te l’expliquer de vive voix d’une manière plus utile. Il m’est très cher à moi, pour les raisons que j’ai apportées, et je dis cela, parce que l’on recommande efficacement quelqu’un, lorsqu’on ne met en avant que de justes motifs de recommandation. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape. |
EPISTOLA XIV.Sidonius domino papæ Principio salutem. |
LETTRE XIV.SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE PRINCIPIUS, SALUT. |
Jamdiu nobis, papa venerabilis, et si necdum vester vultus aspectus, tamen actus inspectus est. Namque sanctorum diffusa laus meritorum stringit spatiis non est contenta finalibus. Hinc est quod quia bonæ conscientiæ modus non ponitur, nec bonæ opinioni terminus invenitur. Quæ loquor falsa censete, nisi professioni meæ competens astipulator accesserit, satis in illo quondam cœnobio Lirinensi spectabile caput, Luporum concellita Maximorumque, et parcimoniæ saltibus consequi affectans Memphiticos et Palæstinos archimandritas. Is episcopus Antiolius: cujus relatu, qui pater vobis, quique qualesque vos fratres, qua morum prærogativa pontificatu maximo ambo fungamini, sollicitus cognoscere studui, et gaudens cognovisse me memini. Cui patri quondam videlicet vos habenti, vix domus Aaron pontificis antiqui merito compararetur: quem licet primum in medio plebis eremitidis, sanctificationis oleo legiferi fratris dextra perfuderit, filios ejus in similis officii munia vocans; tamen psius super Ithamar et Eleazaro felicitatem, Nadab et Abiu fulminibus afflati decoloravere: quorum quamlibet interemptorum credamus absolvendas animas, punitas tamen scimus esse personas. Vos vero tacturi paginam altaris, nihil, ut audio, offertis ignis alieni: sed comitantibus victimis caritatis castitatisque, fragrantissimum incensum turibulis cordis adoletis. Ad hoc quoties jugum legis cervicibus superbientium per vincula prædicationis astringitis, tunc Deo tauros spiritualiter immolatis. Quoties conscientiæ luxuriantis fedore pollutos, ad suaveolentiam pudicitiæ stimulis correctionis impellitis, hircorum vos obtulisse virulentiam Christus sibi computat. Quoties hortantibus vobis in quocunque compuncto culpas suas anima pœnaliter recordata suspirat; quis vos ambigat paria turturum, aut binos pullos columbarum, qui duplicem substantiam utriusque hominis nostri tam numero quam gemitu assignant, mystico litasse sacrificio? Quoties vestro monitu obesum quicunque corpus, æstuantemque turgidi ventris arvinam, crebro jejuniorum decoquendus igne torruerit; nulli dubium est vos tunc similam frixam in quadam continentiæ sartagine consecraturos. Quoties aliquem mentis perfidæ figmenta ponentem, sanam respondere doctrinam, fidem credere, viam tenere, vitam sperare suadetis; quis vos dubitet in hujus emendatione conversi, qui jam sit liber ab hæresi, liber ab hypocrisi, liber ab schismate, purgatissimum propositionis panem cum sinceritatis et veritatis azymis dedicaturos? Postremo quis nesciat, quidquid legis diebus figuraliter immolabatur in corporibus, quod totum id gratiæ tempore manifeste vos offeratis in moribus? Atque ideo grates uberes Deo refero, quod secundum vestræ paginæ qualitatem, facile agnosco antistitem suprafatum de vobis cum magna dixerit, majora tacuisse. Quapropter nemo dubitaverit, qui bonus es cum indicaris, et melior cum legeris, esse te optimum cum videris.
Megetius clericus, vestri gerulus eloquii, rebus ex sententia gestis, quia tuorum apicum detulit munera, meorum reportat obsequia: quem saltem juvimus voto, quia re forsitan non valemus: per quem obsecro impense ut sitim nostram frequenter litteris litteratis, ambo germani, tu frequentius, irrigetis. Sed si difficultas itineris intersiti resultat optatis, vel aliquoties pro supplicibus supplicate. Majus est autem, si nobis tribuere dignemini raris intercessionibus salutem, quam si crebris affatibus dignitatem. Memor nostri esse dignare, domine papa. |
Depuis longtemps, Pape vénérable, quoique je ne vous connaisse pas de visage, vos actions néanmoins me sont connues; car, une fois que le mérite de la vertu a percé, il ne saurait être resserré en de certaines limites. De là vient que si la bonne conscience n’a pas de bornes assignées, la bonne renommée non plus ne trouve pas de limites. Ce que je dis, regardez-le comme une fausseté, si mes paroles ne sont pas appuyées du noble témoignage d’un homme distingué, venu du monastère de Lérins, d’un compagnon des Lupus et des Maximus, d’un homme qui aspire à égaler en austérité les archimandrites de Memphis et de Palestine. Je veux parler de l’évêque Antiolius; c’est de lui que j’ai cherché avec empressement à apprendre, c’est de lui que je me rappelle avoir appris avec joie quel digne père vous avez, quels dignes frères vous êtes vous-mêmes, et quelle pureté de vie vous apportez tous deux dans l’exercice des hautes fonctions de l’épiscopat. Lorsque vous vous trouviez auprès de ce père, sa maison l’emportait de beaucoup sur celle de l’antique pontife Aaron; celui-ci, au milieu d’un peuple errant dans la solitude, reçut bien l’huile de sanctification de la main de son frère législateur, qui appelait ses fils à remplir les mêmes fonctions; mais le bonheur que lui donnaient Ithamar et Eléazar fut empoisonné par Nadab et Abiu, frappés de la foudre, et dont les corps, nous ne l’ignorons pas, furent punis, quand même il faudrait croire que leurs âmes sont sauvées. Quant à vous, lorsque vous mettez la main sur l’autel, vous n’offrez pas, je le sais bien, un feu étranger, mais avec la charité et la chasteté pour victimes, vous faites brûler dans vos cœurs, comme en des encensoirs, les parfums les plus odorants. En outre, toutes les fois que par les liens de la prédication vous attachez le joug de la loi sur la tête des hommes rebelles et superbes, vous immolez alors spirituellement des taureaux au seigneur. Toutes les fois que, par les aiguillons d’une réprimande chrétienne, vous ramenez aux suaves odeurs de la pureté des hommes souillés dans la fange d’une conscience luxurieuse, vous faites au Christ, avec la puanteur des boucs, un sacrifice qu’il sait trouver agréable. Toutes les fois que, par vos exhortations, une âme contrite et repentante soupire, à la pensée de ses fautes, nul doute alors que vous n’offriez mystiquement une couple de tourtereaux ou deux petits de colombes, qui, par le nombre comme par les gémissements, représentent la double substance de notre nature. Toutes les fois que, d’après vos avertissements, un homme quelconque vient à consumer dans les ardeurs des jeûnes fréquents l’embonpoint de son corps et l’obésité monstrueuse de son ventre, nul doute alors que vous ne consacriez en quelque sorte sur l’autel de la continence la fleur de farine la plus pure. Toutes les fois que par vos conseils vous amenez un homme à renoncer aux aberrations d’un esprit égaré, et à professer une saine doctrine, à embrasser la foi, à suivre le droit chemin, à espérer la vie, nul doute alors que, dans l’amendement et la conversion de cet homme qui se trouve dégagé de l’hérésie, dégagé de l’hypocrisie, dégagé du schisme, vous ne présentiez au Seigneur le pain le plus pur de proposition avec les azymes de sincérité et de vérité. Enfin, qui donc peut ignorer que tout ce qui s’immolait en figure dans les corps au jour de la loi, vous l’offrez en réalité dans les mœurs au jour de la grâce? Voilà pourquoi j’adresse à Dieu de vifs remerciements, parce que, d’après la teneur de votre lettre, je reconnais sans peine que le pontife dont j’ai déjà parlé, s’il m’a dit de vous de grandes choses, m’en a caché de plus grandes encore. L’on ne saurait douter que, si tu sembles bon lorsqu’on parle de toi, que si tu es meilleur lorsqu’on te lit, tu ne sois excellent lorsqu’on te voit. Le clerc Mégétius, porteur de votre éloquente lettre, après que tout a réussi selon ses vœux, te rapporte l’expression de nos respects, de même qu’il m’a apporté ta précieuse lettre; mes vœux du moins sont pour lui, si je ne peux le servir efficacement. Je vous supplie instamment de vouloir bien, par la voie de Mégétius, assouvir la soif que j’ai de vos admirables lettres, et m’écrire souvent, vous et votre frère, mais vous plus souvent. Si la difficulté des chemins et la distance des lieux s’opposent à l’accomplissement de mes désirs, priez du moins quelquefois pour ceux qui vous demandent vos prières. J’aime mieux que vous coopériez à mon salut, même par de rares intercessions, que si vous m’honoriez de fréquents entretiens. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape. |
EPISTOLA XV.Sidonius domino papæ Prospero salutem. |
LETTRE XV.SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE PROSPER, SALUT. |
Dum laudibus summis sanctum Anianum, maximum consummatissimumque pontificem, Lupo parem, Germanoque non imparem vis celebrari; fideliumque desideras pectoribus infigi viri talis ac tanti mores, merita, virtutes; cui etiam illud non absque justitia gloriæ datur, quod te successore decessit; exegeras mihi ut promitterem tibi Attilæ bellum stylo me posteris intimaturum: quo videlicet Aurelianensis urbis obsidio, oppugnatio, irruptio, nec direptio, et illa vulgata exauditi cœlitus sacerdotis vaticinatio continebatur. Cœperam scribere, sed operis arrepti fasce perspecto, tæduit inchoasse: propter hoc nullis auribus credidi quod primum me censore damnaveram. Dabitur, ut spero, precatui tuo et meritis antistitis summi, quatenus præconio suo sub quacunque et quidem celeri occasione famulemur. Cæterum tu creditor justus, laudabiliter hoc imprudentiæ temerarii debitoris indulseris, ut quod mihi insolubile videtur, tibi quoque videatur irreposcibile. Memor nostri esse dignare, domine papa. |
En me demandant de célébrer la gloire du saint Anianus, le plus grand et le plus accompli des pontifes, qui est égal à Lupus et qui n’est point inférieur à Germanus; en désirant que je gravasse dans les cœurs des fidèles le souvenir des mœurs si pures, du mérite, des vertus d’un homme si grand et si distingué, et qui peut encore justement se glorifier de t’avoir eu pour successeur, tu m’avais arraché la promesse de transmettre à la postérité le récit de la guerre d’Attila, récit dans lequel je n’aurais oublié ni le siège, ni l’attaque d’Orléans, ni la résistance des citoyens, ni le saint de la ville, ni la célèbre prophétie du prêtre que le ciel exauça. J’avais commencé d’écrire, mais en voyant quelle lourde tâche m’était imposée, je me repentis de ma tentative; aussi n’ai-je mis personne dans la confidence d’une œuvre que j’avais condamnée d’abord à mon propre tribunal. Je pourrai, je le pense, en considération de tes prières et des vertus de ce grand pontife, écrire son éloge au plus tôt et à la première occasion. Du reste, créancier équitable comme tu l’es, tu voudras bien excuser l’imprudence d’un téméraire débiteur, et, ce qui me paraît à moi une dette insolvable, tu ne croiras pas devoir l’exiger, toi non plus. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape. |
EPISTOLA XVI.Sidonius Constantio suo salutem. |
LETTRE XVI.SIDONIUS A SON CHER CONSTANTIUS SALUT. |
Spoponderam Petronio, illustri viro, præsens opusculum paucis me epistolis expediturum: cujus auribus non peperci, dum tuis parco. Malui namque ut illum correctionis labor, te honor editionis aspiceret, perveniretque in manus vestras volumen istud alieno periculo, obsequio meo. Peracta promissio est: nam peritia tua si coactorum in membranas inspiciat signa titulorum, jam copiosum te, ni fallor, pulsat exemplar, jam venitur ad margines umbilicorum, jam tempus est, ut satyricus ait, Orestem nostrum vel super terga finiri. Non hic ego commentitiam Terpsichorem more studii veteris ascivi; nec juxta scaturiginem fontis Aganippici, per roscidas ripas et pumices muscidos stylum traxi. Atque utinam hic nil molle, nil fluidum, nil de triviis compitalibus mutuatum reperiretur. Siquidem maturo, ut es ipse, lectori non tantum dictio exossis, tenera, delumbis, quantum vetuscula, torosa et quasi mascula placet.
Sed reserventur ista potioribus: mihi sufficit, si cito ignoscas quod sumus tardi. Præterea si vir illustris aliquid insuper ampliuscule scribi depoposcisset, in moras grandes incidissemus. Nam per armariola et zotheculas nostras non remanserunt digna prolatu. Unde cognosce, quod etsi tacere necdum cepimus, certe taciturire jam deliberavimus, duplici ex causa: ut si placemus, pauca lecturis incitent voluptatem; si refutamur, non excitent multa fastidium: quippe in hoc stylo, cui non urbanus lepos inest, sed pagana simplicitas. Unde enim nobis illud loquendi tetricum genus ac perantiquum? Unde illa verba Saliaria, vel Sibyllina, vel Sabinis abusque Curibus accita? quæ magistris plerumque reticentibus promptius fecialis aliquis, aut flamen, aut veternosus legalium quæstionum ænigmatista patefecerit? Nos opuscula sermone edidimus arido, exili, certe maxima ex parte vulgato: cujus hinc honor rarus, quod frequens usus; hinc difficilis gratia, quia facilis inventio est. Sane profiteor audenter, sicut istic nil acre, nil eloquens; ita nihil inditum, non ab exemplo. Sed quid hæc pluribus? Dictio mea, quod mihi sufficit, placet amicis. In quibus tamen utrumque complector, sive non fallunt examine, seu caritate falluntur: Deumque quod restat, in posterum quæso, ut secuturi aut fallantur similiter, aut censeant. Vale. |
J’avais promis à l’illustre Pétronius de terminer en quelques lettres le présent opuscule, et je n’ai pas ménagé ses oreilles délicates, en ménageant les tiennes; car j’ai voulu que toute la peine de la révision fût pour lui, que l’honneur de la publication fût pour toi, et que ce volume arrivât dans tes mains comme un hommage de ma part, tandis qu’un autre aurait la peine de le corriger. Ma promesse est remplie; si ton habileté considère les lignes des titres jetés sur les membranes, tu verras, je pense, que l’exemplaire est abondamment rempli, que nous touchons à l’umbilicus, et qu’il est temps, comme dit le satirique, de terminer notre Oreste écrit des deux côtés. Ici, je n’ai point à mon secours, comme les écrivains anciens, une fabuleuse Terpsichore, et je n’ai point promené mon style sur les fraîches rives, sur les pierres mousseuses de la fontaine Aganippique. Et plût à Dieu qu’on ne trouvât, dans ces pages, rien de mou, de flasque, de bas ou de trivial! Car, à un lecteur mûr comme tu l’es, c’est moins une diction décharnée, sans force, sans vigueur, qui plaît, qu’une diction un peu antique, nerveuse et mâle, en quelque sorte. Mais réservons ceci pour un sujet plus important; il me suffit à moi que tu veuilles bien excuser promptement tous mes retards. Si quelque illustre personnage m’avait demandé d’ajouter à mon livre encore quelque chose, en aurais bien plus différé la publication; car il ne reste dans mes tablettes rien qui soit digne de voir le jour. Tu vois par-là que si je n’ai point encore commencé à garder le silence, j’ai l’envie du moins de le faire, et pour un double motif; si, en effet, je viens à plaire, un petit nombre de pages seront plus agréables aux lecteurs; si je déplais, un grand nombre de pages ne seront pas là pour les dégoûter; mon style, du reste, ne présente ni grâce, ni élégance, et n’a qu’une extrême simplicité. Qu’avons-nous affaire, en effet, d’un style obscur et suranné? Qu’avons-nous affaire de ces termes des prêtres Saliens, de ces expressions des Sibylles, ou qui remontent jusqu’aux Sabins de Cures, et qu’un Fécial, un Flamen, ou un homme habile à résoudre les énigmes des questions légales parviendrait à expliquer plutôt que les maîtres eux-mêmes, qui gardent souvent le silence? Moi, j’ai donné quelques écrits d’un style aride, maigre, d’ordinaire assez commun, qui fait peu d’honneur, parce que l’usage en est fréquent, et qui rarement est bienvenu, parce qu’il est facile de l’employer. Je l’avoue hautement, s’il n’y a dans mes écrits ni vigueur, ni éloquence, ils n’ont rien tout au moins d’étrange, d’inachevé, d’inusité. Mais à quoi bon tout cela? Mon style, et cela m’est suffisant, plaît à mes amis. Qu’ils ne se trompent pas en me jugeant, qu’ils se trompent par amitié, c’est ce que j’aime également en eux; après tout, je demande au Seigneur que la postérité ou se trompe de même, ou me juge également. Adieu. |
NOTES DU LIVRE VIIILETTRE PREMIERE.Pétrone, célèbre dans les écrits de St. Sidoine, comme tant d’autres savants, portait le titre d’illustre, soit par le droit de sa naissance, soit par les bienfaits du prince. Savaron prétend qu’il était de la famille de Pétrone, évêque de Bologne en Italie. Suivant cette opinion, il serait descendu de Sextus Anicius Pétronius Probus, préfet du prétoire, qui fut consul de l’empereur Arcade, l’an 406 et qui avait la réputation d’un homme très éloquent et très instruit dans les sciences profanes et même ecclésiastiques, puisqu’il a écrit un traité sur l’ordination d’un évêque (Gennade, Vir. ill. cap. 41). Mais ce Pétronius Probus était de Rimini, selon le témoignage de Symmaque, Epist. IX, 45. Au contraire, Pétrone était gaulois, et de la ville d’Arles, ou il exerça d’abord l’emploi d’avocat et de jurisconsulte. Sidon. Epist. I, 7. Ainsi, il est plus croyable qu’il descendait de Pétrone, préfet du prétoire des Gaules, au commencement de ce Ve siècle, lequel parait avoir été fort zélé pour l’honneur de la ville d’Arles, comme étant, ce semble, sa patrie. Car il avait travaillé à ce que, depuis le 13 d’août jusqu’au 13 de septembre, on y tiendrait l’assemblée des sept provinces des Gaules. On a vu d’ailleurs que, par ces sept provinces, on entendait la Viennoise, les deux Narbonnaises et les Alpes maritimes, qui est la province d’Embrun, ce qu’Honorius et Théodose le Jeune ordonnèrent en 418, conformément au projet de Pétrone. Quoi qu’il en soit, Pétrone l’avocat était très habile dans les lettres, et faisait en son temps un des plus grands ornements des Gaules. Il était homme d’excellent conseil, et joignait la belle éloquence à la science des lois. Tant de rares talents portèrent les Gaulois à députer Pétrone avec Thaumaste et Tonance Ferréol, en 468, pour aller à Rome poursuivre la fameuse affaire d’Arvande. Ce fut peut-être en cette occasion que Sidoine, qui était alors aussi à Rome, lia avec Pétrone l’étroite amitié qu’il lui conserva toujours dans la suite. Sidon. Epist. I, 7 ; II, 5. Quelques années après, étant pour lors évêque de Clermont, et Pétrone de retour à Arles, il lui écrivit à différentes fois pour lui recommander ceux de son pays qui avaient des affaires devant le préfet du prétoire. Comme Pétrone faisait ses délices de la lecture des écrits de Sidoine, dont quelques-uns avaient déjà vu le jour, le saint se servit d’une de ces occasions pour lui en envoyer quelques autres que Pétrone n’avait pas encore vus. Il les accompagna d’une lettre, dans laquelle il lui fait compliment sur ce qu’étant un homme de savoir, et versé dans les plus grandes connaissances, il ne laissait pas néanmoins de ne rien négliger pour s’instruire des plus petites choses. Il le félicite de ce qu’il acquérait beaucoup d’honneur, et qu’il faisait paraître toute la beauté de son esprit, en favorisant les productions de celui des autres. En effet, Pétrone avait pour maxime de faire valoir les talents de ses amis, et de leur procurer tout l’honneur possible. C’est pourquoi St. Sidoine disait de lui, qu’il méritait les éloges de tous les gens de bien. Nous lui avons l’obligation du VIIIe Livre des Lettres de saint Sidoine, qu’il nous procura. Car, ayant lu avec autant de plaisir que d’assiduité les sept premiers Livres, qu’il avait déjà publiés à la sollicitation du prêtre Constance, il pria Sidoine de chercher parmi ses papiers, s’il n’avait pas encore quelques autres lettres, qu’il pût ajouter à celles qui avaient déjà paru. Sidon. Epist. I, 1; V, 1; VII 18, VIII, 1. St. Sidoine, sensible à sa prière, recueillit celles qui composent le VIIIe Livre, laissant à Pétrone même le soin de le revoir et de les corriger, et à Constantius l’honneur de les donner au public. C’est ainsi qu’en parle Sidoine lui-même, qui était alors avancé en âge; c’est-à-dire, que cela put arriver vers 482. Et, comme Pétrone était à peu près de même âge il aura vécu au moins autant que St. Sidoine. » Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 381. SCRINIA. — « Scrinia sunt vasa, in quibus servantur libri. » Isid. Orig. XX, 9. Sidonius emploie encore, dans le même sens, les mots armaria, Epist. II, 10; armariola, Epist. VIII, 16. DEMADEM. — il fut d’abord matelot ou marchand de poissons. Des talents naturels l’ayant porté à la tribune, il acquit beaucoup de crédit sur le peuple d’Athènes, Démade n’avait rien écrit, à ce que disent Cicéron (de claris Oratoribus), et Quintilien. Voyez encore Sénèque, de Benef., VI, 38. Il faut donc regarder comme supposé le fragment de discours que nous avons, sous son nom, dans les recueils d’auteurs grecs. On citait de lui beaucoup de bons mots et de saillies, et c’était en cela que consistait principalement son éloquence, qui pouvait bien plaire un instant au peuple, mais qui n’aurait pas soutenu un examen sévère. Biog. univ. LETTRE II.JEAN était un homme d’une érudition et d’une éloquence peu communes en son siècle. Il professait les belles-lettres du temps que Sidonius était évêque des Arvernes, vers l’an 480, dans cette partie des Gaules soumise aux Visigoths, c’est-à-dire, dans le pays que l’on a depuis nommé le Languedoc, ou dans une des Aquitaines. On peut remarquer ici combien était honorée, chez les anciens, la profession d’instituteur. LETTRE III.Voyez, sur Apollonius de Tyane, la Biographie universelle. On ne sait trop pourquoi Sidonius compare Apollonius au ministre d’un roi visigoth; l’éloge que l’évêque fait du philosophe est d’autant plus étonnant, que les chrétiens disaient alors beaucoup de mal d’Apollonius, parce qu’il avait voulu passer pour prophète et pour homme à miracles. NICOMACHUS. — II paraît que Nicomachus et Victorianus étaient des savants et des amis des lettres, qui s’occupaient beaucoup à corriger les manuscrits et les éditions courantes des auteurs. Le P. Sirmond nous dit qu’il y a eu des exemplaires de Tite-Live sur lesquels on lisait cette note: Nicomachus Dexter V. C. emendavi ad exemplum parentis mei Clementiani, ab urbe condita. Victorianus V. C. emendabam domnis Symmachis, etc. Emedavi Nicomachus Flavianus V. C. præfectus urbi apud Hennam, ab urbe condita. Victorianus V. C. emendabam domnis Symmachis. Il y avait deux Nicomachus, et, pour qu’on ne les confondit pas, notre auteur a donné au sien l’épithète de senior. Victorianus avait corrigé Tite-Live pour les Symmaques, de même que Sidonius corrigeait lui aussi Philostrate pour Léon, et l’Heptateuque pour Ruricius, Epist. V, 15. Voyez Symmaque, Epist. IX, 13. PRÆCEPS … TRANSLATIO. — Le P. Sirmond pense qu’il faut entendre par là une simple copie de la Vie de Philostrate, et cite, à l’appui de son opinion, d’autres passages de Sidonius où le mot translatio se trouve pris dans le sens d’exscriptio. Epist. IX, 11, 16. Au reste, si c’était une traduction, comme le prétend Cave, Script. eccl. Hist., pag. 292, et comme la lettre de Sidonius le donne, ce semble, à entendre, par les peines et le travail que cette pièce lui causa, il faut dire que cette traduction est perdue. Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 567. LIVIANORUM. — Livia était un château situé à douze milles de Carcassonne, entre cette ville et Narbonne, à peu près dans l’endroit qu’on appelle aujourd’hui Campendu, nous disent les savants auteurs de l’Hist. du Languedoc, tom. I, pag. 225. St. Jérôme, dans sa Lettre I, adressée à Paulin, parle d’Apollonius avec beaucoup d’âme et d’admiration; cet éloge mérite d’être rapproché de la lettre de Sidonius. LETTRE IV.CONSENTIUS III, de Narbonne, a un article dans l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 653. LETTRE VI.On ne sait pas bien si le Nammatius, dont parle ici notre auteur, est celui dont la fille épousa le fils de Ruricius. Il paraît qu’il était un des amiraux d’Euric, roi des Visigoths. SI PARVA MAGNIS, etc. — Vers de Virgile, Georgiq. IV, 176. « ......... Si parva licet componere magnis. » Et Eclog. I, 24: « ..... Sic parvis componere magna solebam. » NICETIUS. — Orateur lyonnais. Voy. l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 500. ASTERIUS. — Turcius Rufius Astérius, consul avec Protogène, en 449. Idace rapporte qu’il avait été maître des deux milices, avant de parvenir au consulat. « Asterius dux utriusque militiæ, dit-il sous l’année 450, ad Hispanias missus, Tarraconensium cædit multitudinem Bacaudarum. » DATIQUE FASTI. — Tables d’ivoire sur lesquelles étaient gravés les noms des consuls, et que l’on envoyait à des amis, à des personnes élevées en dignité, ou que l’on répandait parmi le peuple. Dans Symmaque, Epist. II, 81; IX, 109, il est parlé de diptyques d’ivoire et de sportules (canistellis) d’argent. Le P. Sirmond a fait représenter un diptyque de ce genre, qui nous montre Philoxène, consul d’Orient en 525, avec un bâton à la main gauche, et un petit rouleau dans la main droite. SARRANIS. — C’est-à-dire de Tyr. Cette ville porta d’abord le nom de Sarra. On connaît ce vers de Virgile, Georgiq., II, 506: Ut gemma bibat, et Sarrano dormiat ostro. LEX DE PRÆSCRIPTIONE TRICENNII. — Loi publiée d’abord à Constantinople par Théodose, sous le consulat de Victor. Jusqu’à celui d’Astérius, époque à laquelle Valentinus la publia dans les Gaules, il s’était écoulé 25 ans; c’est pourquoi Sidonius nous dit, en parlant de cette loi: Intra Gallias ante nescitam. PROQUIRITATA. — « Opusculum proquiritatum, » dit Cl. Mamertus, in Prœf. de Statu Animœ. Cette expression est dérivée de Quirites. ATHENIS LOQUACIOR. — Tertullien, de Anima, III, nous dit, au sujet de St. Paul: « Athenis expertus linguatam civitatem, cum omnes illic sapienti atque facundia caupones degustasset, » etc. AMYCLIS … TACITURNIOR. — Ville maritime d’Italie. Servius, expliquant un vers de Virgile (Enéide, X, 564), où cette ville est appelée Tacita, rapporte qu’elle avait été fondée par les Lacédémoniens, qui, embrassant la philosophie de Pythagore, dont une des plus grandes maximes était de recommander le silence, furent nommés Silencieux. Le même Servius apporte encore deux explications du surnom de Silencieuse, donné à la ville d’Amycles: 1° Cicéron, selon lui assure que les habitants périrent par leur modestie, en recevant des outrages de leurs voisins, sans se plaindre; 2° comme on avait annoncé plusieurs fois, sans fondement, que les ennemis approchaient, pour éviter à l’avenir ces fausses alarmes, qui mettaient la ville en désordre, on fit une loi qui défendait qu’on annonçât jamais l’arrivée de l’ennemi. Cependant, l’ennemi étant effectivement venu, sans que personne voulût ou osât en avertir, la ville fut prise. On dit qu’elle s’appelle aujourd’hui Sperlonge, entre Gaète et Terracine, vers les frontières de la campagne de Rome. Sabbathier. Dict. OLARIONENSIBUS. — L’île d’Oléron. MYOPARONES. — Navires oblongs; ce mot se trouve dans Sénèque, Controv. I, 2 ; dans St. Jérôme, in Hilarione ; dans Hégésippe, III, 20; dans Orose, VI, 2, etc. LETTRE VII.AUDAX fut nommé préfet du prétoire à Rome, sous le consulat de Julius Népos, c’est-à-dire dans des temps malheureux, ou ce n’était plus un médiocre effort de courage que de se montrer l’ennemi des méchants et le protecteur du peuple. Le P. Sirmond rapporte cette inscription qui nous donne les divers noms de cet Audax, et qui nous parle d’un fait sur lequel nous n’avons pas de détails: CASTALIVS INNO GENTIVS AVDAX V. C. PRÆFECTVS VRBIS VICE SACRA IVDICANS BA RBARICA INCVRSIONE SVBLATA RESTITVIT. SUB JUSTO PRINCIPE. — Sidon. Epist. V, 16. LETTRE iX.Voyez une Notice sur Lampridius, dans l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 494. DICIT HORATIUS : EVOHE.— Horat. Sat. I, 5, v. 12: « ............................ — Ohe! Jam satis est. » CHORI PANTOMIMORUM. — Les pantomimes avaient leur chœur, dont ils traduisaient les chants par des gestes et des mouvements analogues. Manilius, Astronomic., lib. V, nous le prouve: « Omnes fortunæ vultus per membra reducet, Æquabitque choros cantu. Cassiodore, Var. IV, 5, nous instruit encore du même fait: « Pantomimo, cum primum in scenam advenerit, assistunt consoni chori, diversis organis eruditi. » Voyez Aristénète, Epist. XXVI. CYRRHAM. — Ville de Phocide, consacrée à Apollon. HYANTIAS. — Sidon. Carm. IX, 285. TITYRE. — Allusion à la 1re Eglogue de Virgile. NOS ISTIC POSITOS. — Le roi Euric avait pour conseiller et pour secrétaire l’un des rhéteurs les plus estimés dans ce temps, et se plaisait à voir les dépêches, écrites sous son nom, admirées jusqu’en Italie pour la pureté et les grâces du style. Sidon. Epist. VIII, 3. Ce roi, l’avant-dernier de ceux de la même race qui régnèrent en Gaule, inspirait aux esprits les plus éclairés et les plus délicats une vénération véritable, non cette crainte servile qu’excitaient les rois francs, ou cette admiration fanatique dont ils furent l’objet après leur conversion à la foi orthodoxe. Voici des vers confidentiels écrits par le plus grand poète du Ve siècle, Sidonius Apollinaris, exilé de l’Auvergne, son pays, par le roi des Visigoths, comme suspect de regretter l’empire, et qui était venu à Bordeaux solliciter la fin de son exil. Ce petit morceau, quoique en style classique, rend d’une manière assez vive l’impression qu’avait faite sur l’exilé la vue des gens de toute race, que l’intérêt de leur patrie respective rassemblait auprès du roi des Goths : « J’ai vu presque deux fois la lune achever son cours, et n’ai obtenu qu’une seule audience : le maître de ces lieux trouve peu de loisirs pour moi, car l’univers entier demande aussi réponse et l’attend avec soumission. Ici, nous voyons le Saxon aux yeux bleus trembler, lui qui ne craint rien que les vagues de la mer. Ici, le vieux Sicambre, tondu après sa défaite, laisse croître de nouveau ses cheveux. Ici, se promène l’Hérule aux joues verdâtres, presque de la teinte de l’Océan, dont il habite les derniers golfes. Ici, le Burgonde, haut de sept pieds, fléchit le genou et implore la paix. Ici, l’Ostrogoth réclame le patronage qui fait sa force, et à l’aide duquel il fait trembler les Huns; humble d’un côté, fier de l’autre. Ici, toi-même, ô Romain, tu viens prier pour ta vie, et quand le Nord menace de quelques troubles, tu sollicites le bras d’Euric contre les hordes de la Scythie, tu demandes à la puissante Garonne de protéger le Tibre affaibli. Aug. Thierry, Lettres sur l’Hist. de France, pag. 103. PARTHICUS ARSACES. — Le roi qui régnait alors dans la Perse, s’appelait Pérozes; il était de la famille d’Arsace, Parthe d’origine. LETTRE X.SYMMACHIANUM ILLUD. — Cet axiome ne se trouve pas dans ce qui nous reste des écrits de Symmaque. — Nous ne pouvons nous empêcher d’exprimer ici un vœu, c’est qu’une plume exercée nous donne enfin une version des Lettres de Symmaque, si utiles pour l’histoire de son siècle. PRO A. CLUENTIO. — Pline, Epist. I, 20. PRO ATTIA VIRIOLA. — Pline, Epist. VI, 33. LETTRE XI.On trouve une notice sur ce Lupus, dans l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 583. NITIOBROGES. — Peuples qui occupaient le territoire actuel de l’Agenois. VESUNNICI. — On présume que les Vesunnici occupaient l’emplacement actuel de Périgueux. Valois, Notit. Gall., p. 446. DERPANIUM — Latinus Pacatus Drepanius, auteur d’un Panégyrique de Théodose. Voyez son article dans l’Hist. litt. de la France, tom. I, pag. 419 et suiv. ANTHEDIUS. — Voy., sur ce poète, l’ouvrage cité, tom. II, p. 537. PAULINUM, ALCIMUM. — Paulinus, rhéteur à Périgueux, fut le père du poète Paulinus, auteur d’un poème latin sur la Vie et les Miracles de St. Martin de Tours. Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 469. — Alcimus, orateur et poète, dont le vrai nom est Aléthius, a un article dans l’ouvrage que je viens de citer, tom. II, pag. 136-138. LAMPRIDIUS. — Voy. l’Hist. litt. des Bénédictins, tom. II, pag. 494-497. VATIS ODRYSII. — Orphée. HARPALICE. — Déesse des Thraces et habile chasseresse. Voy. la Biogr. univ., part. mythol., art. HARPALYCE. VEL ILLA, etc., — Atalante, fille de Schénée. Sa beauté la rendit célèbre dans toute la Grèce, et une foule de princes aspirèrent à sa main. Atalante déclara qu’elle se marierait à celui qui la devancerait à la course; de leur côté, les amants qui osaient entrer en lice consentaient, dans le cas où ils se laisseraient devancer par la jeune fille, à être percés de son javelot; elle tua ainsi beaucoup de héros. Biog. univ., partie mythol., art. ATALANTE. LYRISTES. — Sidonius fait une brève de la dernière syllabe de ce mot, suivant l’usage de son époque. « Es in grecis nominibus brevis est, dit Martianus Capella, lib. III, ut Anehises. s LEONTIO. — Pontius Léontius, de Bordeaux, fils de Livia; c’est à lui qu’est adressé le Carmen XXII. Voy. l’Hist. litt. des Bénédictins, tom. II, pag. 409. GALLICINI. — Notre auteur, suivant le P. Sirmond, est le seul écrivain qui nous ait conservé le Souvenir de ce pontife. ELEGOS … ECHOICOS. — Ce distique de Pentadius fera comprendre ce que c’est que le genre de vers appelés échoïques: Per cava saxa sonat pecudum mugitibus Echo, Voque repulsa jugis per cava saxa sonat. ANADIPLOSIM. — Mot grec; il signifie répétition. Ce vers de Virgile, En. X, 180: « Sequitur pulcherrimus Astur, Astur equo fidens. » est une anadiplosis. CLIMACTERICOS. — Plusieurs auteurs célèbres ont écrit sur l’année climactérique, et ont prétendu qu’il se fait dans le corps une altération considérable, qui conduit à des maladies ou à la mort, lorsqu’on est arrivé à un certain âge. « Le mot climactérique est dérivé du grec klimax, qui signifie degré ou échelle, parce qu’on monte de sept en sept ou de neuf en neuf ans, pour arriver à l’année qui s’appelle climactérique. Ainsi, la première année climactérique de la vie de l’homme, c’est, selon quelques-uns, la septième, savoir: 14, 21, 28, 35, 42, 49, 56, 63, 70, 84; mais les années 63 et 84 sont nommées en particulier grandes climactériques, et on croit que le danger de mort y est beaucoup plus grand que les autres.Selon d’autres auteurs, l’année climactérique se compose de neuf en neuf. C’est pour cela, disent-ils, que la soixante-troisième et la quatre vingt-unième sont les plus dangereuses, parce que dans l’une le nombre de sept, et dans l’autre le nombre de neuf se trouvent répétés neuf fois. Il est étonnant que de grands hommes, comme Platon, Cicéron, Macrobe, Aulu-Gelle, Boèce, Saumaise, etc., aient eu foi à ces sortes d’influences. Broun, dans ses Erreurs populaires, prouve assez bien que la crainte de la 63e année, ainsi que tous les nombres septénaires, comme sept fois sept et neuf fois neuf, sont tout à fait chimériques. Ce qu’il y a de certain, c’est que les observations faites sur les âges auxquels sont mortes un très grand nombre de personnes prouvent évidemment que, de trois cents personnes, dont cent seront parvenues au commencement de la 62e année de leur âge, cent au commencement de la 63e, et enfin le même nombre au commencement de la 64e année, le nombre de ceux qui mourront dans un an sera le moindre dans la première centaine et le plus grand dans la dernière. Cet observations font donc voir qu’il n’y a d’autre fatalité dans le nombre des années que la grandeur de ce nombre; de sorte que la 50e année est plus fatale que la 49e, la 82e plus fatale que la 81e, et ainsi des autres. » Chomel, Aménités littéraires, tom. 1, pag. 171. VERTACUM, THRASUBULUM, SATURNINUM. — Julianus Vertacus et Saturninus se trouvent nommés parmi les mathématiciens, dans la lettre à Léontius, Carm. XXII. Lampride, in Alexandro, nous fait connaître à quelle époque vivait le second de ces trois personnages. « Thrasybulus mathematicus, dit-il, illi amicissimus fuit, etc. » LETTRE XII.Le P. Sirmond pense que ce Trigétius est le même que celui dont parle Prosper. En ce cas, il aurait été envoyé avec St. Léon et Aviénus en ambassade auprès d’Attila. Prosper et le diacre Paul nous apprennent que Trigétius a été préfet, et que, sous le troisième consulat de Valentinien, cc fut par sa médiation que la paix fut faite avec les Vandales. ALINGONIS. — Aujourd’hui Langon, petite ville située sur la rive gauche de la Garonne, lieues et demie sud-est de Bordeaux. CATONIS IN SYRTE. — Strabon, livre XVII, rapporte que M. Caton, parti de la ville de Bérénice, traversa en trente jours la Syrte de Leptis, avec une armée de plus de dix mille hommes. Voy. Lucain, livre IX, et Sévère Sulpice, Dial. I, 1. MEDULICÆ. — Du temps des Romains on pêchait sur les côtes du Médoc des huîtres si estimées qu’on les portait jusqu’à Rome, pour la table des empereurs. Selon Ausone, Epist. 7 et 9, elles le disputaient aux huîtres de Baies : « Ostrea Bajanis certantia quæ Medulorum Diilcibus in stagnis reflui maris estus opimat Sed mihi præ cunctis ditissima quæ Medulorum Educat Oceanus, quæ Burdigalensia nomen Usque ad Cæsareas tulit admiratio mensas. » Le Médoc est aujourd’hui dans le département de la Gironde. LAPURDENSIUM LOCUSTARUM. — Bayonne s’appelait autrefois castram Lapurdensium. LETTRE XIV.PRINCIPIUS, évêque de Soissons, était frère de St. Rémigius, évoque de Reims. — Pour Antiolius, on ne nous apprend point quel siège il occupait. ARCHIMANDRITAS. — Ce mot, en usage chez les Grecs, signifie à la lettre chef du troupeau. La dignité d’archimandrite, parmi eux, répond chez nous à celle d’abbé. LETTRE XV.Prosper, évêque d’Orléans, n’est connu que par cette lettre de Sidonius, et par le Martyrologe de Bède, IV des calendes d’août. Il est différent de l’auteur de la Chronique. Voici de quelle manière Grégoire de Tours rapporte la prophétie de St. Anianus: « Attila vint mettre le siège devant Orléans, et tâcha de s’en emparer en l’ébranlant par le choc puissant du bélier. Vers ce temps-là, cette ville avait pour évêque le bienheureux Anian, homme d’une éminente sagesse et d’une louable sainteté, dont les actions vertueuses ont été fidèlement conservées parmi nous. Et comme les assiégés demandaient à grands cris à leur pontife ce qu’ils avaient à faire, celui-ci, mettant sa confiance en Dieu, les engagea à se prosterner tous pour prier et implorer avec larmes le secours du Seigneur toujours présent dans les calamités. Ceux-ci s’étant mis à prier, selon son conseil, le Pontife dit: « Regardez du haut du rempart de la ville si la miséricorde de Dieu vient à notre secours. » Car il espérait, par la miséricorde de Dieu, voir arriver Aétius, que, prévoyant l’avenir, il avait été trouver à Arles; mais, regardant du haut du mur, ils n’aperçurent personne; et l’évêque leur dit: « Priez avec zèle, car le Seigneur vous délivrera aujourd’hui. » Ils se mirent à prier, et il leur dit: « Regardez une seconde fois. » Et ayant regardé, ils ne virent personne qui leur apportât du secours. Il leur dit pour la troisième fois: « Si vous le suppliez sincèrement, Dieu va vous secourir promptement. » Et ils imploraient la miséricorde de Dieu avec de grands gémissements et de grandes lamentations. » Leur oraison finie, ils vont, par l’ordre du vieillard, regarder pour la troisième fois du haut du rempart, et aperçoivent de loin comme un nuage qui s’élève de la terre. Ils l’annoncent au pontife, qui leur dit: « C’est le secours du Seigneur. » Cependant les remparts, ébranlés déjà sous les coups du bélier, étaient au moment de s’écrouler, lorsque voilà Aétius qui arrive, voilà Théodoric, roi des Goths, ainsi que Thorismond, son fils, qui accourent vers la ville, à la tête de leurs armées, renversant et repoussant l’ennemi. La ville ayant donc été délivrée par l’intercession du saint pontife, ils mettent en fuite Attila. » Hist. des Francs, II, 7. LETTRE XVI.ORESTEM. — L’auteur fait allusion à ces vers de Juvénal, Sat. I, 5-6: « .................................... Plena jam margine tibri Scriptus et in tergo, necdum finitus, Orestes. » Les pages de nos livres sont ordinairement remplies des deux côtés; mais, chez les Romains, elles ne le furent longtemps que d’un seul. ARMARIOLA, etc. — Voyez Pline le Jeune, Epist. II, 16. Sidonius lui a emprunté l’expression zothecula. SALIARIA. — « Si tibi vetustatis tantus est amor, pari studio in verba prisca redeamus, quibus Salii canunt, augures avem cousulunt et decemviri tabulas condiderunt. » Symmachi Epist. III, ad Siburium.
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