RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER à LA TABLE DES MATIÈRES DE SIDOINE APOLLINAIRE

 

SIDOINE APOLLINAIRE

POÉSIES 10-14

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.

avant-propos

Notice sur Sidoine Apollinaire


lettres  livre I  lettres livre II  lettres livre III  lettres livre IV

lettres livre V lettres livre VI  lettres livre VII lettres VIII

poésies 1 poésies2  poésies 3 et 4 poésies 5 poésies 7

poésies 8 poésies 9 poésies 15

 

 

 

 l

 

 

CARMEN X.

PRÆFATIO EPITHALAMII RURICIO ET IBERIÆ DICTI.

X.

PRÉFACE DE L’ÉPITHALAME DE RURICIUS ET D’IBÉRIA.

Flucticolæ cum festa nurus Pagasea per antra
Rupe sub Æmathia Pelion explicuit;
Angustabat humum superum satis ampla supellex,
Certabant gazis, hinc polus, hinc pelagus.
Ducebatque choros, viridi prope tectus amictu,
Ceruleæ pallæ concolor ipse socer.
Nympha quoque in thalamos veniens de gurgite nuda,
Vestiti cœpit membra timere viri.

Aux noces de Thétis, quand le Pélion de Thessalie vit se déployer des pompes solennelles auprès des antres de Pagase, le nombreux cortège des dieux semblait trouver la terre trop étroite. Le ciel et la mer se disputaient à qui étalerait le plus de richesses, et, vêtu d’une robe verdoyante, couvert d’un manteau azuré, le beau-père de Pélée, au corps d’azur, conduisait les chœurs. La nymphe sortit nue du sein de l’Océan; arrivée près de la couche nuptiale, elle se prit à craindre, à la vue de son époux couvert de vêtements.

Tum divum quicumque aderat, terrore remoto,
Quo quis pollebat lusit in officio.
Juppiter emisit tepidum sine pondere fulmen,
Et dixit, melius nunc Cytherea calet.
Pollux tum cœstu laudatus, Castor habenis,
Pallas tum cristis, Delia tum pharetris.
Alcides clava, Mavors tum lusit in hasta,
Arcas tum virga, nebride tum Bromius.
Huc et Pimpliadas induxerat optimus Orpheus,
Chordis, voce, manu, carminibus, calamis.
Ambitiosus Hymen totas ibi contulit artes:
Qui non ingenio, fors placuit genio.
Fescennina tamen non sunt admissa, priusquam
Intonuit solita noster Apollo lyra.

Chacun des dieux qui étaient là s’empressa de dissiper sa frayeur, et employa, pour la rassurer, tout ce qui était en son pouvoir. Jupiter laissa doucement échapper de ses mains sa foudre refroidie, et dit en souriant : « Cythérée a maintenant plus d’ardeur. » On admira là Pollux avec son ceste, Castor avec ses rênes, Pallas avec son casque empanaché, Diane avec son carquois, Alcide avec sa massue, Mars avec sa lance, Mercure avec son caducée, Bacchus avec sa peau de daim. Le séduisant Orphée avait amené les Muses qu’attiraient le charme de ses vers, les sons harmonieux de sa voix et de ses divers instruments. L’Hymen s’était efforcé d’y réunir tous les talents; et quiconque ne pouvait plaire par son esprit, sut plaire du moins par sa gaîté. Aucun vers fescennin toutefois ne fut chanté, avant qu’Apollon n’eût préludé sur la lyre.

CARMEN XI.

EPITHALAMIUM RURICIO ET IBERIÆ DICTUM.

XI.

ÉPITHALAME SUR LE MARIAGE DE RURICIUS ET D’IBÉRIA.

Inter Cyaneas Ephyræa cacumina cautes,
Qua super Idalium levat Orithion in æthram
Exesi sale montis apex, ubi forte vagantem
Dum fugit, et fixit trepidus Symplegada Typhis,
Atque recurrentem ructatum ad rauca Maleam,
Exit in Isthmiacum pelagus claudentibus alis
Saxorum de rupe sinus; quo sæpe recessu,
Sic tanquam toto cœat de lumine cœli,
Arctatur collecta dies, tremulasque per undas
Insequitur secreta vadi; transmittitur alto
Perfusus splendore latex, miroque relatu
Lympha bibit solem, tenuique inserta fluento
Perforat arenti radio lux sicca liquorem.

Entre les roches Cyanées qui dominent Ephyre, aux lieux où le sommet d’une montagne minée par les flots élève dans les airs Orythie consacrée à Vénus; où, fuyant les Symplégades mobiles, Typhis tremblant les fixa pour jamais, non loin des rivages de Malée, où les vagues, refoulées sur elles-mêmes, se brisent avec de sourds mugissements, un golfe, que forment les rochers dont les flancs l’environnent, s’avance dans la mer de Corinthe. Le jour, en quelque sorte, rassemblé de toutes les parties du ciel, se resserre en faisceau dans cette retraite profonde, et, glissant sur l’onde tremblante, éclaire cet asile mystérieux; le flot coule imprégné d’une éclatante lumière, et, par une merveilleuse harmonie, l’onde boit le soleil; puis, se confondant avec le courant léger, les brûlants rayons percent l’humide élément.

Profecit studio spatium; nam Lemnius illic
Ceu templum lusit Veneri, fulmenque relinquens,
Hic ferrugineus fumavit sæpe Pyracmon,
Hic lapis est de quinque locis, dans quinque colores,
Æthiops, Phrygius, Parius, Pœnus, Lacedæmon,
Purpureus, viridis, maculosus, eburnus et albus.
Postes chrysolithi fulvus diffulgurat ardor,
Myrrhina, sardonyches, amethystus, Iberus, iaspis.
Indus, Calchidicus, Scythicus, beryllus, achates,
Attollunt duplices argenti cardine valvas,
Per quas inclusi lucem vomit umbra smaragdi.
Limina crassus onyx crustat, propterque hyacinthi
Cærula concordem faciunt in stagna colorem.
Exterior non compta silex, sed prominet alte
Asper ab assiduo lympharum verbere pumex.
Interiore loco simulavit Mulciber auro
Exstantes late scopulos, atque arte magistra
Ingenti cultu naturæ inculta fefellit.
Huic operi insistens, quod necdum noverat illa,
Quæ pro Lemniacis damnavit furta catenis.
Squameus huc Triton, duplicis confinia dorsi
Qua cœunt, supra sinuamina tortilis alvi,
Inter aquas calido portabat corde Dionem.
Sed premit adjecto radiantis pondere conchæ
Semiferi Galatea latus, quod pollice fixo
Vellit, et occulto spondet connubia tactu.
Tum gaudens torquente joco, subridet amator
Vulnere, jamque suam parcenti pistre flagellat.
Pone subit turmis flagrantibus agmen Amorum.
Hic cohibet delphina rosis, viridique juvenco
Hic vectus, spretis pendet per cornua frenis,
Hi stantes motu titubant, plantaque madenti
Labuntur, firmantque pedum vestigia pinnis.
Illa recurvato demiserat ora lacerto
Mollia: marcebant violæ, graviorque sopore
Cœperat attritu florum descendere cervix.
Solus de numero fratrum, qui pulchrior ille est,
Deerat amor, dum festa parat celeberrima Gallis,
Quæ socer Ommatius, magnorum major avorum,
Patriciæque nepos gentis, natæ, generoque
Excolit auspiciis faustis.

Ce lieu fut embelli par l’art; le dieu de Lemnos y éleva, comme en se jouant, un temple à Vénus, et le noir Pyracmon plus d’une fois abandonna, pour travailler à cet édifice, les foudres qu’il forgeait. On voit là du marbre de cinq contrées différentes, de l’Ethiopie, de la Phrygie, de Paros, de Carthage, de Lacédémone, et qui offrent cinq couleurs, le pourpre, le vert, le tacheté, l’ivoire et le blanc. Les côtés de la porte, formés de chrysolites, jettent des étincelles; la porte elle-même, enrichie de sardoine, d’améthyste, de calcédoine, de perles de l’Inde et de Scythie, de béryl et d’agate, roule sur des gonds d’argent. L’émeraude enfermée dans le temple vomit la lumière au-dehors. Une énorme pierre d’onyx forme le seuil, et la couleur azurée des hyacinthes se marie avec celle de l’onde. Autour du temple, des rochers bruts n’offrent aux yeux que la pierre ponce raboteuse, incessamment battue par les flots. L’intérieur présente des rochers artificiels d’or massif, travaillés avec tant d’art qu’ils imitent parfaitement les plus beaux effets de la nature; quand Vulcain prenait plaisir à l’embellissement de ce temple, il était loin de songer aux filets qu’il devait fabriquer un jour dans ses forges de Lemnos. Ce fut près de ce temple que Triton, couvert d’écailles et sillonnant les ondes, portait amoureusement sur son dos la déesse de Cythérée. Galatée le rencontre, lui presse le côté du poids de sa conque rayonnante, et lui promet, par un signe secret, de devenir son épouse. Joyeux alors de cette douloureuse plaisanterie, l’amant sourit de sa blessure, et frappe doucement la nymphe que déjà il regarde comme étant à lui. Sur leurs pas vient une multitude d’amours enflammés; celui-ci enchaîne un dauphin avec des roses; celui-là, monté sur un jeune et vigoureux taureau, le tient suspendu par les cornes et le rend docile à sa voix; ceux-ci, debout et chancelants, tombent, et, à l’aide de leurs nageoires, se relèvent bientôt. Vénus avait mollement incliné son front sur son bras recourbé, ses fleurs s’étaient fanées, et sa tête, appesantie par le sommeil, s’affaissait toujours; le plus beau de tous les amours manquait à son cortége; il s’occupait à préparer dans les Gaules la fête célèbre qu’Ommatius, issu de famille patricienne, et plus illustre que ses aïeux, devait donner, sous d’heureux auspices, à sa fille et à son gendre.

Sed fulsit ut ille
Forte dies, matrem celeri petit ipse volatu.
Cujus fax, arcus, corytus pendebat. At ille
Cernuus, et lævæ pendens in margine palmæ,
Libratos per inane pedes adverberat alis,
Oscula sic matris carpens, somnoque refusæ
Semisopora levi scalpebat lumina penna.
Tum prior his alacer cœpit:

Dès que ce beau jour a brillé, l’amour, d’un vol rapide, revient auprès de sa mère; son flambeau, son arc et son carquois pendent à son, côté. il s’incline, et, se tenant suspendu dans les airs, en face du bras gauche de Vénus, il agite ses pieds et ses ailes, prend un baiser sur la bouche de sa mère, puis ensuite passe légèrement ses ailes sur les yeux de la déesse assoupie encore, et, d’un air satisfait, lui tient ce langage

Nova gaudia porto
Felicis prædæ, genitrix; calet ille superbus
Ruricius nostris facibus, dulcique veneno
Tactus, votivum suspirat corde dolorem.
Esset si præsens ætas, impenderet illi
Lemnias imperium, Cressa stamen labyrinthi,
Alceste vitam, Circe herbas, poma Calypso.
Scylla comas, Atalanta pedes, Medea furores,
Hippodame ceras, cygno Jove nata coronam.
Huic Dido in ferrum, simul in suspendia Phyllis,
Evadne in flammas, et Sestias isset in undas.

« Je t’apporte, ô ma mère, l’agréable nouvelle d’une heureuse victoire ; le fier Ruricius brûle de mes feux, et, livré à une douce passion, il nourrit dans son cœur une flamme dévorante. A une autre époque, Hypsipyle lui eût donné l’empire de Lemnos; Ariadne, le fil du labyrinthe; Alceste, sa vie; Circé, le secret de ses herbes ; Calypso, ses pommes; Scylla, le cheveu fatal; Atalante, son agilité; Médée, ses fureurs; Hyppodame, ses essieux fragiles ; Hélène, la couronne. Pour lui Didon se fût percée du glaive; Phyllis eût terminé ses jours par un lacet funeste ; Evadné se fût précipitée sur le bûcher, et Héro dans les ondes. »

His hæc illa refert. Gaudemus, nate, rebellem
Quod vincis, laudasque virum; sed forma puellæ est,
Quam si spectasset quondam Sthenobæius heros,
Non pro contemptu domuisset monstra Chimeræ:
Thermodoontiaca vel qui genitrice superbus
Sprevit Gnosiacæ temeraria vota novercæ,
Hac visa occiderat, fateor, sed crimine vero.
Et si judicio forsan mihi quarta fuisset,
Me quoque Rhœtea damnasset pastor in Ida,
Vincere vel si optas istam da, malo, puellam.
Dixerat, hanc dederam formam pro munere formæ:
Tantus honor geniusque genis: collata rubori
Pallida blatta latet, depressaque lumine vultus
Nigrescunt vincto baccarum fulgura collo,
Te quoque multimodis ambisset Iberia ludis,
Axe Pelops, cursu Hippomenes, luctaque Achelous,
Æneas bellis, spectatus Gorgone Perseus.
Nec minor hæc species, toties cui Juppiter esset
Delia, taurus, olor, satyrus, draco, fulmen et aurum.
Quare age, jungantur; nam census, forma, genusque
Conveniunt; nil hic dispar tua fixit arundo.
Sed quid vota moror?

Vénus lui répond: « Je me réjouis, ô mon fils, de ta victoire sur un cœur aussi rebelle; l’éclat des vertus de cet homme ennoblit encore ton triomphe; mais la jeune vierge est d’une si grande beauté, que si Bellérophon eût pu la voir jadis, il n’eût pas été contraint, pour l’avoir méprisée, à dompter la monstrueuse Chimère. Le héros qui s’enorgueillissait d’avoir eu Thermodoonte pour mère, et qui dédaigna de répondre aux désirs criminels de sa marâtre de Crète, eût succombé je l’avoue, mais non pas victime de la calomnie. Si elle se fût trouvée au jugement de Pâris, le pasteur de l’Ida m’eût rejetée moi-même; « ou bien, m’eût-il dit, si tu es jalouse de l’emporter sur les autres, donne-moi cette jeune vierge que je préfère, » et je la lui eusse donnée pour avoir le prix de la beauté, tant elle a de charme et de grâce! L’éclat de la pourpre est éclipsé par l’incarnat de ses joues; lorsqu’elle abaisse ses beaux yeux, la lumière qui s’en échappe fait disparaître sur son cou l’éclat des perles qui l’environnent. Noble Ibéria, tu aurais vu s’empresser, pour obtenir ton cœur, et Pélops habile à diriger les chars, et Hippomène si renommé à la course, et Achéloüs si terrible à la lutte, et Enée si redoutable dans les combats, et Persée vainqueur de la Gorgone ; ta beauté eût séduit Jupiter, et pour toi il se fût déguisé tour à tour sous la forme de Délie, du taureau, du cygne, du satyre, du serpent, de la foudre et de l’or. Eh bien! qu’ils soient donc unis; la noblesse, l’opulence, la beauté, tout est égal de part et d’autre; tes flèches, ô mon fils, ne pouvaient produire une union mieux assortie. Mais pourquoi retarder l’accomplissement de leurs vœux? »

Dixit, currumque poposcit,
Cui dederant crystalla jugum, quæ frigore primo
Orbis adhuc teneri, glacies ubi Caucason auget,
Strinxit Hyperboreis Tanaitica crusta pruinis,
Naturam sumens gemmæ, quia perdidit undæ.
Perforat hanc fulvo formatus temo metallo.
Miserat hoc fluvius, cujus sub gurgite nymphæ
Mygdonium fovere Midam, qui pauper in auro
Ditavit versis Pactoli flumina votis.
Splendet perspicuo radios tota margine cingens
Marmaricæ de fauce feræ, dum bellua curvis
Dentibus excussis, gemit exarmarier ora.
Misit et hoc munus tepidas qui nudus Erythras
Concolor Æthiopi, vel crinem pinguis amomo
Fluxus odoratis vexat venatibus Indus.
Illa tamen pasci suetos per Cypron olores
Vittata stringit myrto, queis cætera tensis
Lactea puniceo sinuantur colla corallo.

Elle dit, et demande son char de cristal, formé aux premiers froids par ces glaces qui, dans les légions Hyperboréennes, sur les bords du Tanaïs, se transforment en perles, quand elles cessent d’être liquides. Le timon est fait d’un or venu de ce fleuve, dont les nymphes accueillirent Midas qui, pauvre au milieu de l’opulence, enrichit les eaux du Pactole, en rétractant ses vœux. Les roues étincellent de l’ivoire dérobé aux colosses de Marmorique, à ces fiers animaux qui gémissent de se voir dépouillés de leurs dents recourbées, défense de leurs gueules. Cet ivoire est encore le présent du mol Indien qui, le corps nu, le teint basané, les cheveux ruisselants de parfums, fatigue de ses chasses continuelles les tièdes contrées d’Erythra. La déesse, avec des myrtes ornés de bandelettes, conduit les cygnes accoutumés à errer dans les bois de Cypre, et dont le cou, d’une blancheur éclatante, est embelli de corail.

Ergo iter aggressi: pendens rota sulcat inanem
Æra, et in liquido non solvitur orbita tractu.
Hic triplex uno comitatur gratia nexu.
Hic redolet patulo fortunæ copia cornu,
Hic spargit calathis sed flores Flora perennes
Hic Cererem Siculam Pharius comitatur Osiris,
Hic gravidos Pomona sinus pro tempore portat,
Hic Pallas madidis venit inter præla trapetis.
Hic distincta latus maculosa nebride Thyas;
Indica Echionio Bromii rotat orgia thyrso.
Hic et Sigæis specubus qui Dindyma ludit,
Jam sectus recalet Corybas, cui gutture rauco
Ignem per bifores regemunt cava buxa cavernas.

Le char sillonne la plaine immense des airs, et ne se fond point dans l’espace liquide. Près de Vénus on voit les trois Grâces unies par un même nœud, et l’Abondance tenant sa corne fertile, et Flore semant avec sa corbeille des fleurs immortelles, et Osiris de Pharos accompagnant Cérès la Sicilienne, et Pomone chargée des fruits de la saison, et Pallas au milieu de pressoirs humides, et Thyas couverte d’une peau tachetée et célébrant les orgies de Bacchus, puis le Corybante qui, dans les cavernes de Sigée, célèbre les fêtes de Cybèle, et, quoique mutilé, sent renaître ses ardeurs; un bois artistement creusé retentit sous ses lèvres des chants de l’hymen.

Sic ventum ad thalamos; thus, nardus, balsama, myrrhæ
Hic sunt, hic phœnix busti dat cinnama vivi
Proxima quin etiam festorum afflata calore,
Jam minus alget hiems, speciemque tenentia vernam
Hoc dant vota loco, quod non dant tempora mundo.
Tum juvenis dextram Paphiæ, dextramque puellæ
Complectens, paucis cecinit solemnia dictis,
Ne facerent vel verba moram: Feliciter ævum
Ducite concordes; sint nati, sintque nepotes;
Cernat et in proavo sibimet quod pronepos optet.

La déesse est arrivée près de la couche nuptiale, où l’on respire l’odeur de l’encens, du nard, du baume, de la myrrhe et du cinnamome, dont le phénix fait son bûcher. Déjà les feux de l’amour en font disparaître le dieu glacé des frimas; les désirs ardents des jeunes cœurs y ramènent un printemps que la saison refuse au reste de l’univers. Alors Vénus, prenant la main de l’époux et celle de l’épouse, célèbre en peu de mots le moment solennel, dans la crainte de différer plus longtemps leur bonheur : « Vivez heureux, vivez unis; donnez le jour à des enfants dignes de vous, et que vos arrière-petits-fils puissent encore voir leurs bisaïeuls jouir du bonheur auquel ils aspireront eux-mêmes! »

CARMEN XII.

AD V. C. CATULLINUM, QUOD PROPTER HOSTILITATEM BARBARORUM EPITHALAMIUM SCRIBERE NON VALERET.

XII.

A CATULINUS HOMME CONSULAIRE, POUR S’EXCUSER DE NE POUVOIR A CAUSE DES INCURSIONS ENNEMIES COMPOSER UN ÉPITHALAME.

Quid me, etsi valeam, parare carmen
Fescenninicolæ jubes Diones,
Inter crinigeras situm catervas,
Et Germanica verba sustinentem,
Laudantem tetrico subinde vultu,
Quod Burgundio cantat esculentus,
Infundens acido comam butyro?

Qui? moi? quand même je le pourrais, écrire des chants d’hymen, alors que j’habite parmi les hordes chevelues, que je suis forcé d’entendre le langage barbare du Germain et d’applaudir, en me faisant violence, à ce que chante, dans son ivresse, le Burgonde qui se parfume la tête d’un beurre rance?

Vis dicam tibi quid pœma frangat?
Ex hoc barbaricis abacta plectris
Spernit senipedem stylum Thalia,
Ex quo septipedes videt patronos.
Felices oculos tuos et aures,
Felicemque libet vocare nasum,
Cui non allia, sordidæque cæpæ,
Ructant mane novo decem apparatus.
Quem non ut vetulum patris parentem,
Nutricisque virum, die nec orto,
Tot tantique petunt simul gigantes,
Quod vix Alcinoi culina ferret.

Veux-tu savoir d’où vient que ma veine poétique se glace? Effrayée par la lyre discordante des Barbares, ma muse dédaigne des vers qui ont six pieds, depuis qu’elle voit des protecteurs qui en ont sept. Heureux tes yeux, heureuses tes oreilles, heureux ton nez lui-même, car il ne sent pas dix fois chaque matin l’odeur fétide et de l’ail et de l’oignon! Tu n’es point forcé, comme si tu étais leur grand-père, ou le mari de leur nourrice, de recevoir, avant le jour, ces énormes géants que pourrait contenir à peine la cuisine d’Alcinoüs.

Sed jam musa tacet, tenetque habenas
Paucis hendecasyllabis jocata.
Ne quisquam satyram vel hos vocaret.

Mais déjà ma muse se tait et s’arrête, après avoir badiné dans ce petit nombre d’hendécasyllabes, de peur qu’on ne regarde ces vers comme une satire.

CARMEN XIII.

EPIGRAMMA, QUO AB IMPERATORE MAJORIANO TRIUM CVPITUM REMEDIUM POSTULAVIT SIDONIUS.

XIII.

ÉPIGRAMME POUR DEMANDER A L’EMPEREUR MAJORIANUS L’ABOLITION DE TROIS IMPÔTS.

Amphitrioniaden perhibet veneranda vetustas
Dum relevat terras, promeruisse polos.
Et licet in nuda torvus confregerit ulna
Ille Cleoneæ guttura rauca feræ.
Et quanquam ardenti gladio vix straverit hydram,
Cum duplices pareret vulnere mors animas:
Captivumque ferens silva ex Erymanthide monstrum
Exarmata feri riserit ora suis.
Collaque flammigenæ dirumpens fumida furis
Tandem directas jusserit ire boves:
Taurus, cerva, Gigas, hospes, luctator, Amazon,
Cres, canis, Hesperides sint monimenta viri.
Nulla tamen fuso prior est Geryone pugna,
Uni tergeminum cui tulit ille caput.
Hæc quondam Alcides; at tu Tirynthius alter,
Sed princeps magni maxima cura dei,
Quem draco, cervus, aper, paribus sensere sagittis,
Cum dens, cum virus, cum fuga nil valuit.
Geryones nos esse puta, monstrumque tributum:
Hic capita, ut vivam, tu mihi tolle tria.

Une antique tradition nous apprend que le fils d’Alcmène mérita d’être élevé au rang des dieux, pour avoir purgé la terre des monstres qui la ravageaient. Dans ses bras nerveux il étouffa le lion de Némée.; de son glaive étincelant, il put terrasser l’hydre de Lerne, dont les sept têtes renaissaient toujours; il emmena captif le monstrueux sanglier d’Erymanthe, et se rit de sa gueule impuissante et désarmée; il écrasa Cacus, dont la bouche vomissait des flammes, et délivra les génisses captives. Bien d’autres noms témoignent de sa gloire, Achéloüs, la biche aux pieds dorés, Anthée, Eryx, ce redoutable athlète, l’Amazone, Cerbère et les Hespérides; mais son triomphe le plus glorieux, c’est la défaite de Géryon, ce monstre si fier des trois têtes qu’il portait sur un seul corps. Tels furent jadis les travaux d’Alcide; mais toi, nouvel Hercule, toi, l’objet de la prédilection du souverain des dieux; toi, dont les flèches ont abattu un dragon venimeux, un cerf léger, un sanglier menaçant, regarde-nous comme un autre Géryon, accablé sous le poids d’un triple monstre, d’un triple impôt; coupe-moi ces trois têtes, et je vivrai.

Has supplex famulus preces dicavit,
Responsum opperiens pium ac salubre,
Ut reddas patriam, simulque vitam,
Lugdunum exonerans suis ruinis.
Hoc te Sidonius tuus precatur.
Sic te Sidonio recocta fuco,
Multos purpura vestiat per annos.
Sic lustro imperii perennis acto,
Quinquennalia fascibus dicentur.
Sic ripæ duplicis tumore fracto,
Detonsus Vachalim bibat Sicamber.
Quod si contuleris tuo pœtæ,
Mandem perpetuis legenda fastis;
Quæcunque egregiis geris triumphis.
Nam nunc musa loquax tacet tributo,
Quæ pro Virgilio Terentioque,
Sextantes legit unciasque fisci,
Marsyæque timet manum ac rudentem,
Qui Phœbi ex odio vetustiore
Nunc suspendia vatibus minatur.

Ton humble sujet, espérant une réponse douce et consolante, ose t’adresser ses prières; il te supplie de lui rendre sa patrie aussi bien que l’existence, et de relever Lugdunum de ses rUines. C’est ton Sidonius qui te demande cette grâce, et puisse la pourpre sidonienne te couvrir pendant un grand nombre d’années! puisses-tu, après avoir achevé le premier lustre d’un règne mémorable, voir la cinquième année consacrée par les faisceaux! Fasse le ciel que, des deux rives du Rhin, l’orgueil humilié envoie le Sicambre tondu boire l’eau du Vahal! Si tu daignes écouter ton poète, je consignerai en des fastes immortels toutes les illustres victoires que tu auras remportées. Naturellement causeuse, ma muse aujourd’hui garde le silence, retenue qu’elle est par l’impôt, et occupée à quêter les sextants et les onces du fisc pour Virgile et Térence; elle redoute la main et la corde de Marsyas qui, le cœur encore plein d’un vieux ressentiment contre Apollon, menace de pendre les poètes.

Sidonius Polemio suo salutem.

Sidonius à son cher Polémius, Salut.

 

Cum post profectionem tuam, mi Polemi, frater amantissime, meum granditer reputo quatinus in votis tuis philosophi fescennina cantarem, obrepsit materia, qua decursa facile dignosci valet magis me doctrinæquam causœ tuæ habuisse rationem. Omissa itaque epithalamii teneritudine, per asperrimas philosophiæ et salebrosissimas regulas stylum traxi; quarum talis ordo est ut sine plurimis novis verbis quæ præfata pace plurimorum eloquentum, specialiter tibi et complatonicis tuis nota sunt, nugæ ipsæ non valuerint expediri. Videris utrum aures quorumdam per imperitiam temere mentionem centri, proportionis, diastematum, climatum, vel mirarum epithalamio conducibilem non putent. Illud certe consulari viro vere Magno, quœstorio viro Domnulo, spectabili viro Leone ducibus, audacter affirmo, musicam et astrologiam, quæ sunt infra arithmeticam consequentia membra philosophiæ, nullatenus posse sine hisce nominibus indicari; quæ si quispiam ut græca, sicut sunt, et peregrina verba contempserit, novent sibi aut super ejuscemodi artis mentione supersedendum, aut nihil omnino se, aut certe non ad assem, latiari lingua hinc posse disserere. Quod si aliquis secus atque assero rem se habere censuerit do quidem absens obtrectatoribus manus; seil noverint sententiam meam, discrepantia sentientes, sine Marco Varrone, sine Sereno, non Septimio, sed Sammonico, sine Censorino, qui de die natali volumen illustre confecit, non posse damnari. Lecturus es hic etiam novum verbum, id est, essentiam; sed scias hoc ipsum dixisse Ciceronem; nam essentiam necnon et indoloriam nominavit, addens: Licet enim novis rebus nova nomina imponere; et recte dixit. Nam sicut ab eo quod est, verbi gratia, sapere et intelligere, sapientiam et intelligentiam nominamus, regulariter et ab eo quod est esse essentiam non tacemus. Igitur, quoniam tui amoris studio inductus homo gallus, scholæ sophisticæ intromisi materiam, vel te potissimum facti mei deprecatorem requiro. Illi Venus vel Amorum commentitia pigmenta tribuantur, cui defuerit sic posse laudari. Vale.

 

LORSQUE, après ton départ, cher et bien-aimé frère Polémius, je cherchais attentivement en moi-même de quelle façon je devais écrire des vers qui pussent être agréables à un philosophe comme toi, il s’est offert à mon esprit un sujet dont la lecture prouvera facilement que j’ai eu égard bien plus à ton savoir qu’à la circonstance. Laissant donc de côté les tendresses de l’épithalame, j’ai promené mon style à travers les chemins rudes et âpres de la philosophie. Et telle est la nature de cette science que, si l’on n’a pas recours à beaucoup de mots nouveaux, qui, n’en déplaise à plusieurs personnes éloquentes d’ailleurs, te sont bien connus à toi et à tes complatoniciens, il est impossible de traiter même un sujet facile. C’est à toi de juger si les oreilles de certaines gens ne sont pas en défaut, lorsqu’elles trouvent que les termes de centre, de proportion, de diastème, de climats et de divisions zodiacales, ne peuvent convenir à l’épithalame. Pour moi, sur l’autorité du consulaire Magnus, vraiment digne de son nom, du questeur Domnulus, de l’illustre personnage Léon, j’affirme hardiment que, sans ces termes, il est de toute impossibilité de désigner la musique et l’astrologie qui sont, après l’arithmétique, les parties les plus importantes de la philosophie. Si quelqu’un s’avisait de mépriser ces expressions comme étant grecques, ce qu’elles sont en effet, et comme étrangères, qu’il sache qu’il lui faudra renoncer à discuter sur cette science, et qu’il ne pourra point en parler, ou du moins qu’il n’en parlera que d’une manière imparfaite. Si l’on pense qu’il en est autrement, je me rends volontiers; mais qu’ils le sachent bien ceux qui ne partagent pas mon avis, on ne saurait condamner mon opinion sans condamner aussi et Marcus Varro, et Sérénus, non pas Septimius, mais Sammonicus; sans condamner aussi Censorinus, qui a écrit un ouvrage sur le jour natal. Tu trouveras encore ici un nouveau mot, celui d’essentia, mais Cicéron lui-même l’a employé, car il s’est servi de ce mot essentia, et de cet autre indoloria, en disant: « Il est permis pour des choses nouvelles de créer des termes nouveaux; » et il a raison. En effet, si l’on peut, des verbes sapere et intelligere, par exemple, tirer les expressions sapientia et intelligentia, l’on peut aussi très régulièrement, du verbe esse, tirer le mot essentia. Ainsi donc, puisque citoyen des Gaules j’ai, par amour pour toi, fait entrer dans mes vers quelque chose du langage philosophique, je te prends en ceci pour mon premier défenseur. Que l’on jette les fables de Vénus et des Amours à celui qui ne saurait être loué d’une autre manière. Adieu.

CARMEN XIV.

PRÆFATIO EPITHALAMII POLEMIO ET ARANEOLÆ DICTI.

XIV.

PRÉFACE DE L’ÉPITHALAME DE POLÉMIUS ET D’ARANÉOLA.

Prosper connubio dies coruscat,
Quem Clotho niveis benigna pensis,
Albus quem picei lapillus Indi
Quem pacis simul arbor et juventæ,
Æternumque virens oliva signet.
Eia, Calliope, nitente palma,
Da sacri laticis loquacitatem,
Quem fodit pede Pegasus volanti,
Cognato madidus jubam veneno.
Non hic impietas, nec hanc puellam
Donat mortibus ambitus procorum.
Non hic Œnomai cruenta circo
Audit pacta Pelops, nec insequentem
Pallens Hippomenes ad ima metæ
Tardat Schœnida ter cadente pomo.
Non hic Herculeas videt palæstras
Ætola Calydon stupens ab arce,
Cum cornu fluvii superbientis
Alcides premeret, subinde fessum
Undoso refovens ab hoste pectus;
Sed doctus juvenis, decensque virgo,
Ortu culmina Galliæ tenentes:
Junguntur; cito, diva, necte chordas;
Nec quod detonuit camœna major,
Nostram pauperiem silere cogas.
At tædas Thetidis, probante Phœbo,
Et Chiron cecinit minore plectro,
Nec risit pia turba rusticantem,
Quamvis sæpe senex biformis illic
Carmen rumperet hinniente cantu.

Voici venir l’heureux jour du mariage; puisse Clotho lui être favorable et tirer de son fuseau des fils d’une éclatante blancheur! que l’on voie briller les blanches perles de l’indien basané; que l’on distingue aussi l’arbre de la paix, celui de la jeunesse et la fraîcheur perpétuelle des feuilles de l’olivier! Donne-moi, Calliope, la palme brillante; laisse-moi m’abreuver à la source sacrée que, de ses pieds agiles, fit jaillir Pégase, lui dont la crinière était imprégnée du poison de Méduse, ici point de chants impies, point de trépas funestes d’amants rivaux qui livrent la jeune vierge à son époux. Ce n’est point ici Pélops recevant dans le cirque les conditions cruelles d’Œnomaüs; ni le tremblant Hippomène, qui devance, à l’extrémité de la carrière, la fille de Schénée, en laissant tomber trois pommes d’or; ni Calydon, ville de l’Etolie, spectatrice étonnée de la lutte d’Hercule, quand ce héros saisit les cornes de ce fleuve orgueilleux, et que, de temps eu temps, il rafraîchissait dans le sein d’un liquide ennemi sa poitrine fatiguée. C’est, au contraire, l’union d’un docte jeune homme et d’une vierge pudique, placés tous deux par leur naissance au nombre des premières illustrations des Gaules. Hâte-toi donc, ô déesse, accorde ta lyre; et si de plus habiles que moi se sont déjà fait entendre, ne réduis pas au silence ma faible muse. Aux noces de Thétis, du consentement de Phébus, Chiron lui-même chanta sur un ton peu élevé; et l’auguste assemblée ne dédaigna pas ses chants rustiques, quoique ce vieillard à deux formes accompagnât souvent ses vers d’un chant pareil à des hennissements.


 

NOTES

CARMEN X.

1. — Pagasæa. — Pagase ou Pagasée, ville maritime dans la Thessalie; elle étaie voisine du mont Pélion.

2. — Æmathia. — L’Emathie, contrée de la Macédoine, est ici pour la Macédoine elle-même.

17. — Pimpliadas. — Les Muses. « Pimpleides Musæ fonte Macedoniæ dictæ, suivant Festus, propter liquoris ejus unicam subtilitatem. » Voyez Ausone, Epist., XIV, 9, et Sidon. Carm. XXII, 77.

21. — Fescennina. — Nous avons dit, dans les Notes du premier livre, ce que c’est que le vers fescennin.

CARMEN XI.

Le commencement de cette pièce est presque inintelligible; nous croyons que le poète s’est mépris sur la position géographique des lieux. Comment sortir de ce labyrinthe? Comment rapprocher, pour obtenir un sens raisonnable, tous ces lieux passablement éloignés les uns des autres, et qui, dans les vers du poète, paraissent devoir être voisins?

Les anciens donnaient le nom de Cyanées à deux rochers situés à l’entrée du Pont-Euxin, au-delà du Bosphore. L’un est en Asie, l’autre en Europe; séparés par un espace d’environ 2500 pas, à une certaine distance ils semblent se toucher. Cette jonction apparente s sens doute fait dire aux poètes que ces deux rochers étaient flottants, et qu’ils s’approchaient l’un de l’autre pour briser les vaisseaux. Les Cyanées, appelés aussi Symplégades, du grec Symplegas, qui veut dire jonction, assemblage, devaient s’entrechoquer jusqu’à ce qu’un pilote fût assez adroit pour faire passer son navire entre ces deux rochers, sans faire naufrage. Les Argonautes, protégés par Junon, exécutèrent ce terrible passage, et, depuis cette époque, les Symplégades restèrent immobiles. Homère a transporté aux rochers de Scylla et de Charybde ce qu’on avait dit avant lui des rochers Symplégades.

1. — Ephyræa. — Corinthe. Voyez Carm. XV, 150.

2. — Orithion. — Facciolati présume que c’est une montagne.

4. — Typhis. — Un des Argonautes.

5. — Maleam. — Promontoire dans le Péloponnèse.

22. — Chalcidicus lapis. — La calcédoine est une petite pierre fragile, d’une couleur changeante comme les plumes d’un paon, ou la gorge d’un pigeon. Elle n’est pas d’un grand prix (Pline, III, 5). Elle prend son nom d’une montagne située près de la ville de Chalcédoine, d’où l’on tirait ces pierres précieuses. On donnait aussi ce nom, dit Pline, III, 37, aux escarboucles qui venaient de Carthage, dont le nom phénicien est Carchedon.

66. — Lemnias imperium. — Dans un Discours sur l’origine et le caractère de l’Epithalame, l’abbé Souchay dit avec raison que ramener dans un épithalame le combat des géants et la fin tragique des héroïnes fabuleuses, comme fait Sidonius, c’est être en fureur en chantant Hyménée. Mém. de l’Acad. des Inscript., tom. IX, page 317.

71. — Sestias. — Il s’agit de Héro, si connue par sa passion pour Léandre; l’histoire de ces deux amans infortunés fait le sujet du joli ouvrage de Musée le grammairien. Voy. Héro et Léandre, poème traduit du grec par J.-F. Grégoire et F.-Z. Collombet; Lyon, 1835, in 8°

CARMEN XII.

Catullinus, compagnon d’armes de notre auteur, s’était distingué par ses belles actions. Sidon. Epist. I, 11.

CARMEN XIII.

D’après cette pièce, on doit voir encore que Lyon est la patrie de Sidonius.

28. — Lustro imperii peracto. — Les fêtes à l’occasion de chaque lustre étaient appelées Quinquennalia; le P. Sirmond a raison de croire que les Quinquennales se célébraient, non point au commencement, mais à la fin de la dernière année.

36. — Pro Virgilio Terentioque. — Ce passage n’est las facile à comprendre; il nous semble voir ici une allusion à ce que Virgile raconte de lui-même dans sa première Eglogue; mais Térence ... Les deux poètes ne sont-ils point synonymes de la poésie, dans notre auteur?

38. — Marsyæ. — Dans le lieu où se rendait la justice, à Rome, on avait élevé une statue de Marsyas. On reproche aux poètes d’être irascibles, genus irritabile vatum, et de déchirer leurs ennemis; il faut avouer qu’Apollon écorchant Marsyas leur avait donné un très mauvais exemple.

Sereno, non Septimio, sed Sammonico. —Voyez une note sur le v. 268, Carm. IX, où nous avons donné une courte notice sur Septimius Sérénus. Quant à Sérénus Sammonicus, c’est l’auteur d’un poème sur la Médecine, qui est parvenu jusqu’à nous. Il vivait sous le règne de Caracalla ou de Sévère.

On trouve dans la Biog. univ. un fort bon article sur ce poète-médecin, par M. Regnauldin. Nous y renvoyons le lecteur. (Note de C. Breghot du Lut.)

Essentiam... Indoloriam... — Sénèque, Epist. 58, attribue, comme Sidonius, la création du mot essentia à Cicéron; il observe que Fabianus s’en est servi depuis. Quintilien, Instit. orat. I, 14, et II, 6, donne ce néologisme à Flavius. Muret, qui cite ces deux passages, Var. lect. XV, 20, ne fait qu’un personnage de Flavius et de Fabianus qu’il appelle Ser. Flavius Fabianus, et qu’il dit avoir été un des ornements de son siècle par son éloquence, ses connaissances en philosophie et par la gravité de ses mœurs. Quoi qu’il en soit, essentia ne se trouve dans aucun des ouvrages de Cicéron qui nous restent, et ne figure, en conséquence, ni dans le Nizolius, ni dans l’Index Ciceronianus d’Ernesti. Il en est de même du mot indoloria. Cependant Sirmond remarque qu’on le lisait dans quelques anciens manuscrits du traité de Finib. L. II, ou les éditeurs ont mis à la place indolentia. Muret, loc. cit., pense que ce mot doit aussi remplacer indoloria dans Sidonius; et Sirmond ajoute que parmi les manuscrits de ce dernier, qu’il a été à même de collationner, il en était un, un seul à la vérité, qui, en effet, portait indolentia. (Note de C. Breghot du Lut.)

Licet enim novis rebus...—Cicéron dit à peu près, Acad. I, 7, ce que Sidonius lui fait dire ici: Nova sunt rerum novarum facienda nomina, aut ex aliis transferenda. C’est peut-être cette phrase que Sidonius avait en vue et qu’il citait de mémoire. (Note du même.)