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HISTOIRE UNIVERSELLE DE DIODORE DE SICILE

traduite en français par Monsieur l'Abbé TERRASSON

LIVRE PREMIER.  SECTION PREMIÈRE. - SECTION DEUXLIVRE SECOND - LIVRE TROISIÈME

LIVRE QUATRIÈME - LIVRE CINQUIÈME - LIVRE SIXIÈME - LIVRE ONZIÈME - LIVRE DOUZIÈME

 

Tome quatrième

LIVRE TREIZIÈME.

texte français uniquement

texte grec uniquement

 

Paris 1744

 (1-27)  (28-53) (54-75) (76-96) (97-fin)

I. Avant propos.
II. Préparatifs immenses faits à Athènes, pour la guerre de Sicile, à laquelle on donne pour Chefs Alcibiade, Nicias et Lamachus. Mutilation faite pendant la nuit aux statues de Mercure, de laquelle Alcibiade est soupçonné sans preuve. Les Athéniens disposent d'avance des divers cantons de la Sicile. Départ de la flotte, et sa route.
III. Les différentes villes de la Sicile se partagent de sentiments sur cette guerre. Elles voudraient toutes se défendre: Mais quelques-unes qui craignent les Athéniens se disposent à demeurer neutres. L'accusation portée contre Alcibiade se réveille. On envoie un vaisseau pour le prendre, et le ramener. Il s'embarque dans un autre avec ses coaccusés, et se réfugie à Lacédémone, où il rend de mauvais offices aux Athéniens.
IV. Les Athéniens déjà reçus dans Catane, emploient la ruse pour se rendre maîtres de la Côte voisine du port de Syracuse. Quoiqu'ils fassent perdre quelques soldats à leurs ennemis, ils croient devoir revenir encore à Catane; et ils demandent de nouveaux secours à Athènes. Syracuse de son côté a recours à Lacédémone et à Corinthe, qui se prétend à leurs instances. Lacédémone en particulier leur envoie avec des troupes le commandant Gylippe; qui se distinguera dans la suite en plus d'un sens. Lamachus est tué dans un combat, et Nicias demeuré seul à la tête des Athéniens, demande non seulement de nouvelles forces, mais d'autres généraux pour l'aider.
V. Les Lacédémoniens conduits par leur roi Agis, et guidés par Alcibiade, s'emparent du port de Décélie dans l'Attique: ce qui n'empêche pas les Athéniens d'envoyer encore trente vaisseaux dans la Sicile. Tandis que les troupes Athéniennes s'y préparent à un combat naval, et que pour s'y rendre, elles abandonnent les postes qu'elles avaient déjà pris sur terre, les Syracusains s'y jettent, et y font un grand pillage. Cet incident dérange les deux partis; de sorte que les Syracusains ont l'avantage sur terre, et les Athéniens sur mer.
VI. Les Athéniens qui attendaient de leur république un nouveau secours de vaisseaux, sont engagés avant son arrivée, par les raillerie de leurs ennemis, à un combat naval où ils ont battus. Eurymedon et Démosthène arrivent enfin avec une flotte de trois cents dix vaisseaux, qui jettent la consternation dans l'âme des Syracusains. Les Athéniens pénètrent jusque dans la Citadelle de l'Epipole. On vient pourtant à bout de les en chasser avec une grande perte de leur part. L'humidité du lieu où ils campaient au dehors y produit même la peste, et dès lors ils proposent de s'en retourner. Nicias s'oppose d'abord à cet avis, et s'y rend bientôt après.
VII. Le départ des Athéniens est retardé par une éclipse de lune, sur l'avis des devins, auxquels Nicias déferait beaucoup. Ce délai donne lieu à un combat funeste pour les Athéniens: Ils y perdent leur commandant Eurymedon. Les vaisseaux syracusains forment dans leur rade une vaste chaîne qui enferme toute la flotte athénienne, et toutes les troupes qu'elle avait postées sur les rivages de la Sicile. Les Athéniens entreprennent de rompre cette chaîne dans un combat de terre et de mer, qui doit être la dernière ressource de leur salut. Description circonstanciée de cette entreprise, dans laquelle les Athéniens succombent.
VIII. Les Athéniens ne songeant plus qu'à leur retraite, prennent le parti de brûler le peu de vaisseaux qui leur restaient, pour se réfugier dans les villes de la Sicile qui leur étaient alliées. Un faux avis qu'on leur fait porter, les jette encore dans un délai qui leur est fatal. On a le temps de leur fermer toutes les issues, dans l'une desquelles on leur tue encore dix-huit mille hommes, et l'on en prend sept mille vivants; entre lesquels se trouvèrent les deux généraux Nicias et Démosthène. Le Syracusain Nicolaüs, quoiqu'il eut perdu ses deux fils pendant le siège, propose de traiter humainement les vaincus. Mais Gylippe de Lacédémone s'y oppose.
IX. Harangue de Nicolaus.
X. Harangue de Gylippe, en conséquence laquelle on fait mourir les deux généraux athéniens, et l'on envoie tout le reste aux carrières.
XI. La nouvelle de ce désastre fait donner le gouvernement dans Athènes à quatre cents hommes choisis. Syracuse renouvelle son alliance avec Lacédémone. Digression au sujet du législateur Dioclès.
XII. Après quelques mauvais succès des Athéniens dans la Grèce, suite de leur infortune en Sicile; Alcibiade entreprend de les relever, avant même que de rentrer dans sa patrie. Le fruit de ses soins fut une bataille gagnée sur les Spartiates entre Sestos et Abydos, et suivie bientôt après, d'un naufrage de cinquante vaisseaux dont il ne se sauva que douze Lacédémoniens au pied des rochers du mont Athos. Alcibiade enfin absous de toutes les accusations portées contre lui, sert la République par lui-même.
XIII. Les habitants de Segeste qui avaient attiré les Athéniens en Sicile, craignant qu'on ne voulut se venger sur eux du danger où ils avaient mis l'île entière, souffrent d'abord quelques injustices de la part des Selinuntins alliez de Syracuse, et recherchent ensuite la protection de Carthage. Ce fut là le commencement de la guerre des Carthaginois contre la Sicile. On en confia le soin à l'ancien Hannibal, petit fils de cet Hamilcar que Gélon avait fait poignarder dans son propre camp;
XIV. Il se donne entre Sestos, occupé par les Athéniens et Abydos où résidaient les Lacédémoniens, un second combat naval, dont l'arrivée d'Alcibiade détermine le succès en faveur d'Athènes. Le Satrape Pharnabaze continue de favoriser Lacédémone, et s'explique sur quelques sujets de défiance qu'il avait donnés.
XV. Les habitants de l'Eubée qui avaient abandonné le parti d'Athènes, et qui commençaient à la craindre, persuadent aux Béotiens de combler l'Euripe par une chaussée qui joignit l'Eubée à la Béotie. Les Béotiens agréent cette proposition, et l'on ne laisse à cette chaussée que le passage d'un seul vaisseau dans son milieu, recouvert par dessus d'un pont de bois. L'Athénien Théramène s'oppose en vain à ce travail, soutenu pendant sa durée par un grand nombre de soldats.
XVI. Dissensions funestes dans l'Île de Corcyre, au sujet de l'aristocratie et de la démocratie. L'expérience de leurs propres maux engage les deux partis à se réconcilier. Archelaüs Roi de Macédoine transporte à vingt stades loin de la mer, la ville de Pydne, qui s'était révoltée contre lui. Détail d'un grand combat de terre et de mer, où les Spartiates, quoique soutenus par Pharnabaze, perdent leur général Mindarus, et sont enfin absolument défaits par les commandants Athéniens, entre lesquels était Alcibiade. Ils envoient proposer la paix à Athènes par l'ambassadeur Endius, dont la harangue est ici rapportée. Les Athéniens lui refusent sa demande; et se jettent par là dans une longue suite de maux.
XVII. Hannibal entre dans la Sicile par le Promontoire de Lilybée. Description du siège, de la prise, et du sac de Sélinonte. Le vainqueur en considération d'un certain Empedion qui avait toujours invité ses concitoyens à ne point entrer en guerre avec les Carthaginois, rend à ceux qui restaient en vie toutes leurs richesses, et permet aux fugitifs de revenir dans la ville, et d'en cultiver les environs comme auparavant.
XVIII. Hannibal se dispose au siège d'Himère avec encore plus d'animosité qu'il n'avait fait celui de Sélinonte; parce que son aïeul Hamilcar avait été immolé autrefois par Gélon devant cette première ville. Description de ce second siège. Les Himériens se défendent mieux, et sont mêmes soutenus par quelques secours de Syracuse, sous la conduite de Dioclès, qui retourne dans cette capitale, avec une partie de ses troupes; de peur que l'ennemi n'aille l'attaquer pendant leur éloignement. Himère étant prise, Hannibal en fait immoler trois mille citoyens restés vivants, aux mânes de son aïeul.
XIX. Hermocrate, un des trois chefs, nommé ci-devant pour défendre Syracuse contre les Athéniens, ayant été exilé par une faction de sa ville, tente d'obtenir son retour par des exploits remarquables contre les villes carthaginoises de la Sicile. Pendant que les Athéniens font du côté de l'Asie quelques entreprises plus ou moins considérables, ou d'un succès plus ou moins heureux; les Lacédémoniens reprennent la citadelle de Pylos en Messénie, dont les Athéniens s'étaient rendus maîtres quinze ans auparavant. mouvements en différentes villes grecques, toujours favorisés par l'une ou par l'autre des deux Républiques principales.
XX. Alcibiade qui avait eu une grande part aux différents succès des Athéniens sur la mer Égée, ou sur les côtes de l'Asie, est reçu dans Athènes avec des acclamations extraordinaires, mais qui seront de peu de durée. Il repart pour l'île d'Andros, où il remporte encore une victoire. Les Spartiates de leur côté choisissent pour chef Lysandre le plus habile de leurs Capitaines. Celui-ci bat sur mer Antiochus, Lieutenant d'Alcibiade, qui malgré la défense de son général, avait voulu se signaler par quelque exploit en son absence. D'un autre côté Agis, roi de Lacédémone, s'avance jusqu'à Decelie dans l'Attique même, d'où il se retire, après avoir fait beaucoup de ravage.
XXI. Alcibiade, qui voulait enrichir sa flotte, fait une mauvaise querelle à la ville de Cumes, alliée des Athéniens. Les habitants portent leurs plaintes à Athènes contre ce général, qu'ils accusent même de s'entendre avec les Lacédémoniens et avec Pharnabaze. A cette accusation qui regardait le public, on en joint d'autres qui regardaient des particuliers. On lui substitue dix généraux, dont Conon, qui est le premier, va prendre le commandement de sa flotte; et Alcibiade se retire en Thrace. Les trois villes de l'île de Rhodes se réunissent en une seule, qui prend le nom de l'île même.
XXII. Hermocrate ramène de Sélinonte en pompe funèbre tous les corps des Syracusains qu'il avait pu trouver, et les fait recevoir dans Syracuse, en se tenant lui-même dehors, comme banni. Dioclès qui s'opposait à la sépulture de ces morts est banni lui-même, sans qu'on reçut encore Hermocrate: mais le reste de ses gens étant arrivé, il entra et fut tué dans la place publique, avec une partie de ses adhérents. Denys qu'on verra dans la suite tyran de Syracuse, et qui suivait Hermocrate échappa à ce tumulte.
XXIII. Les Lacédémoniens opposent à Conon, Callicratidès, qui passait pour le plus juste des Spartiates. Les deux généraux ennemis ont, par leur sage conduite, des avantages réciproques l'un sur l'autre. Callicratidès se saisit de trente vaisseaux athéniens, dont l'équipage avait eu le temps de se jeter sur le rivage de Mitylene dans l'Île de Lesbos, et Conon demeure maître de cette ville, malgré tous les efforts des Spartiates.
XXIV. Descente d'Hannibal et d'Imilcar en Sicile. Détail du siège d'Agrigente, jusqu'à sa prise. Ample description des richesses, de la magnificence, et même du luxe de cette ville, fameuse d'ailleurs par l'hospitalité de ses citoyens. Soupçons d'infidélité contre les officiers militaires de Syracuse, envoyez au secours d'Agrigente.
XXV. Denys profite de la frayeur que la prise d'Agrigente avait jetée dans toute la Sicile, et jusque dans Syracuse, pour arriver à la tyrannie en cette dernière ville, où il était né de parents obscurs, et où lui-même avait fait le métier de scribe. Ses harangues pleines de suppositions et de calomnies, font périr les plus puissants et les plus riches. Il parvient d'abord à se faire donner à lui seul toute l'autorité militaire, et par une garde de six cents hommes que lui accordent les troupes, l'autorité la plus absolue, et de la plus longue durée, dont l'histoire eut fourni l'exemple dans un tyran.
XXVI. Récit de la fameuse bataille navale des Arginuses, où l'on vit en mer trois cents vaisseaux, ou Athéniens, ou Spartiates. Les chefs de l'un et de l'autre parti sont avertis par des devins, ou par des songes, qu'ils y périront. Le spartiate Callicratidès y est tué en effet, ayant nommé d'avance Cléarque pour son successeur. On fait exécuter à Athènes, par une sentence cruelle et extravagante, cinq des généraux athéniens, pour n'avoir pas fait la recherche des morts qu'ils n'avaient omise que pour achever et assurer la victoire: mais ils avaient aussi eu le tort de vouloir rejeter cet oubli sur leurs deux premiers chefs, Thrasybule et Théramène.
XXVII. Les Athéniens après cette exécution de leurs Généraux, donnent le Commandement de leur flotte à Philoclès, pour agir de concert avec Conon, qu'il va joindre à Samos. Le spartiate Lysandre obtient de grosses sommes du jeune Cyrus, qui lui laisse même l'administration de ses provinces, en allant à la cour du roi Darius son père. Lysandre muni par là de grandes richesses attaque le long des côtes de l'Asie différentes villes alliées aux Athéniens, où il exerce, où favorise de grandes cruautés, et d'où il revient dans l'Attique. Alcibiade se présente aux généraux de la flotte d'Athènes, et leur offre ses services, qu'ils ne veulent pas recevoir. Lysandre met les Athéniens en déroute par mer et par terre, le long des côtes de l'Asie. Il fait égorger Philoclès à Lampsaque, et Conon se réfugie chez Evagoras en Chypre: le lacédémonien Gylippe qui a paru dans le siège de Syracuse, chargé par Lysandre, de porter à Lacédémone l'argent pris sur les ennemis, en soustrait une partie. Il est condamné à mort, et s'enfuit: la même chose était arrivée à son père. Les Athéniens pressés par la famine demandent humblement la paix aux Spartiates. Telle fut la fin de la guerre du Péloponnèse.
XXVIII. Imilcar forme le siège de Gela en Sicile, où les femmes et les enfants mêmes se défendent courageusement. Denys se résout à aller au secours de Gela; et il met en effet quelque désordre dans l'armée des assiégeants. Mais il reprend bientôt le chemin de Syracuse. La plupart de ses soldats indignés de cette retraite, le soupçonnent d'intelligence avec l'ennemi. Ils songent à secouer le joug; et se rendent avant lui à Syracuse, où ils pillent sa maison dans l'Acradine, et font à sa femme, les plus sanglants outrages. Mais Denys arrivé lui-même dissipe cette faction, par le secours de ses satellites et du reste de son armée qu'il ramenait. Il accepte de la part d'Imilcar un traité de paix, par lequel les conquêtes des Carthaginois leur demeureront; Gela sera rendue à ses citoyens, sans murailles; et Syracuse appartiendra toujours à Denys.

76 Τῶν δὲ κατὰ τὸν ἐνιαυτὸν τοῦτον πράξεων τέλος ἐχουσῶν ᾿Αθήνησι μὲν ᾿Αντιγένης τὴν ἀρχὴν παρέλαβε, ῾Ρωμαῖοι δ' ὑπάτους κατέστησαν Γάιον Μάνιον Αἰμίλιον καὶ Γάιον Οὐαλέριον. Περὶ δὲ τούτους τοὺς χρόνους Κόνων ὁ τῶν ᾿Αθηναίων στρατηγός, ἐπειδὴ παρέλαβε τὰς δυνάμεις ἐν Σάμῳ, τάς τε παρούσας τῶν νεῶν ἐξηρτύετο καὶ τὰς παρὰτῶν συμμάχων ἤθροιζε, σπεύδων ἐφάμιλλον κατασκευάσαι τὸν στόλον ταῖς τῶν πολεμίων ναυσίν. [2] Οἱ δὲ Σπαρτιᾶται, τῷ Λυσάνδρῳ διεληλυθότος ἤδη τοῦ τῆς ναυαρχίας χρόνου, Καλλικρατίδην ἐπὶ τὴν διαδοχὴν ἀπέστειλαν. Οὗτος δὲ νέος μὲν ἦν παντελῶς, ἄκακος δὲ καὶ τὴν ψυχὴν ἁπλοῦς, οὔπω τῶν ξενικῶν ἠθῶν πεπειραμένος, δικαιότατος δὲ Σπαρτιατῶν· ὁμολογουμένως δὲ καὶ κατὰ τὴν ἀρχὴν οὐδὲν ἔπραξεν ἄδικον οὔτ' εἰς πόλιν οὔτ' εἰς ἰδιώτην, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἐπιχειροῦσιν αὐτὸν διαφθείρειν χρήμασι χαλεπῶς ἔφερε καὶ δίκην παρ' αὐτῶν ἐλάμβανεν. [3] Οὗτος καταπλεύσας εἰς ῎Εφεσον παρέλαβε τὰς ναῦς, μεταπεμψάμενος δὲ καὶ τὰς παρὰ τῶν συμμάχων ναῦς τὰς πάσας σὺν ταῖς παρὰ Λυσάνδρου παρέλαβεν ἑκατὸν τεσσαράκοντα. ν δὲ τῇ Χίων χώρᾳ Δελφίνιον κατεχόντων ᾿Αθηναίων, ἐπὶ τούτους ἔπλευσε μετὰ πασῶν τῶν νεῶν, καὶ πολιορκεῖν ἐπεχείρησεν. [4] Οἱ δ' ᾿Αθηναῖοι περὶ πεντακοσίους ὄντες κατεπλάγησαν τὸ μέγεθος τῆς δυνάμεως, καὶ διεξελθόντες ἐξέλιπον τὸ χωρίον ὑπόσπονδοι. Καλλικρατίδας δὲ τὸ μὲν φρούριον παραλαβὼν κατέσκαψεν, ἐπὶ δὲ Τηίους πλεύσας, καὶ νυκτὸς παρεισπεσὼν ἐντὸς τῶν τειχῶν, διήρπασε τὴν πόλιν. [5] Μετὰ δὲ ταῦτα πλεύσας εἰς Λέσβον, τῇ Μηθύμνῃ προσέβαλε μετὰ τῆς δυνάμεως παρ' ᾿Αθηναίων ἐχούσῃ φρουράν. Ποιησάμενος δὲ συνεχεῖς προσβολὰς ἐν ἀρχῇ μὲν οὐδὲν ἤνυε, μετ' ὀλίγον δέ τινων ἐνδόντων αὐτῷ τὴν πόλιν παρεισέπεσεν ἐντὸς τῶν τειχῶν, καὶ τὰς μὲν κτήσεις διήρπασε, τῶν δ' ἀνδρῶν φεισάμενος ἀπέδωκε τοῖς Μηθυμναίοις τὴν πόλιν. [6] Τούτων δὲ πραχθέντων ἐπὶ τὴν Μιτυλήνην ὥρμησε, καὶ τοὺς μὲν ὁπλίτας Θώρακι τῷ Λακεδαιμονίῳ παραδοὺς ἐκέλευσε πεζῇ κατὰ σπουδὴν ἐπείγεσθαι, ταῖς δὲ ναυσὶν αὐτὸς παρέπλευσεν.
77 Κόνων δ' ὁ τῶν ᾿Αθηναίων στρατηγὸς εἶχε μὲν ἑβδομήκοντα ναῦς, οὕτως ἐξηρτυμένας τὰ πρὸς ναυμαχίαν ὡς οὐδεὶς ἕτερος τῶν πρότερον στρατηγῶν ἦν κατεσκευακώς. τυχε μὲν οὖν ἁπάσαις ἀνηγμένος ἐπὶ τὴν βοήθειαν τῆς Μηθύμνης· [2] εὑρὼν δὲ αὐτὴν ἡλωκυῖαν τότε μὲν ηὐλίσθη πρός τινι νήσῳ τῶν ῾Εκατὸν καλουμένων, ἅμα δ' ἡμέρᾳ κατανοήσας τὰς τῶν πολεμίων ναῦς προσπλεούσας, τὸ μὲν αὐτοῦ διαναυμαχεῖν ἔκρινεν ἐπισφαλὲς εἶναι πρὸς διπλασίας τριήρεις, διενοεῖτο δὲ ἔξω πλέων φυγεῖν καὶ προσεπισπασάμενός τινας τῶν πολεμίων τριήρων ναυμαχῆσαι πρὸς τῇ Μιτυλήνῃ· οὕτως γὰρ ὑπελάμβανε νικῶν μὲν ἕξειν ἀναστροφὴν εἰς τὸ διώκειν, ἡττώμενος δ' εἰς τὸν λιμένα καταφεύξεσθαι. [3] μβιβάσας οὖν τοὺς στρατιώτας ἔπλει σχολαίως ταῖς εἰρεσίαις χρώμενος, ὅπως αἱ τῶν Πελοποννησίων ἐγγίσωσιν. Οἱ δὲ Λακεδαιμόνιοι προσιόντες ἀεὶ μᾶλλον ἤλαυνον τὰς ναῦς, ἐλπίζοντες αἱρήσειν τὰς ἐσχάτας τῶν πολεμίων. [4] Τοῦ δὲ Κόνωνος ὑποχωροῦντος οἱ τὰς ἀρίστας ἔχοντες ναῦς τῶν Πελοποννησίων κατὰ σπουδὴν ἐδίωκον, καὶ τοὺς μὲν ἐρέτας διὰ τὴν συνέχειαν τῆς εἰρεσίας ἐξέλυσαν, αὐτοὶ δὲ πολὺ τῶν ἄλλων ἀπεσπάσθησαν. δὴ συνιδὼν ὁ Κόνων, ὡς ἤδη τῆς Μιτυλήνης ἤγγιζον, ἦρεν ἀπὸ τῆς ἰδίας νεὼς φοινικίδα· τοῦτο γὰρ σύσσημον ἦν τοῖς τριηράρχοις. [5] Διόπερ αἱ μὲν ναῦς, τῶν πολεμίων ἐξαπτομένων, ἐξαίφνης πρὸς ἕνα καιρὸν ἐπέστρεψαν, καὶ τὸ μὲν πλῆθος ἐπαιάνισεν, οἱ δὲ σαλπικταὶ τὸ πολεμικὸν ἐσήμηναν· οἱ δὲ Πελοποννήσιοι καταπλαγέντες ἐπὶ τῷ γεγονότι ταχέως ἐπεχείρουν ἀντιπαρατάττειν τὰς ναῦς, τοῦ καιροῦ δ' ἀναστροφὴν οὐ διδόντος οὗτοι μὲν ἐν πολλῷ θορύβῳ καθειστήκεισαν διὰ τὸ τὰς ἀφυστερούσας ναῦς τὴν εἰθισμένην λελοιπέναι τάξιν.
78 δὲ Κόνων δεξιῶς τῷ καιρῷ χρησάμενος εὐθὺς ἐνέκειτο, καὶ τὴν παράταξιν αὐτῶν διεκώλυεν, ἃς μὲν τιτρώσκων, ὧν δὲ τοὺς ταρσοὺς παρασύρων. Τῶν μὲν οὖν κατὰ τὸν Κόνωνα ταχθεισῶν οὐδεμία πρὸς φυγὴν ἐπέστρεψεν, ἀλλὰ πρύμναν ἀνακρουόμεναι διεκαρτέρουν, προσδεχόμεναι τὰς ἀφυστερούσας· [2] Οἱ δὲ τὴν εὐώνυμον ἔχοντες τάξιν ᾿Αθηναῖοι τρεψάμενοι τοὺς καθ' αὑτοὺς ἐπέκειντο φιλοτιμότερον ἐπὶ πολὺν χρόνον διώκοντες. δη δὲ πασῶν τῶν νεῶν τοῖς Πελοποννησίοις ἠθροισμένων, ὁ μὲν Κόνων εὐλαβηθεὶς τὸ πλῆθος τῶν πολεμίων τοῦ μὲν διώκειν ἀπέστη, μετὰ τεσσαράκοντα δὲ νεῶν ἀπέπλευσεν εἰς Μιτυλήνην. [3] Τοὺς δὲ διώξαντας ᾿Αθηναίους αἱ τῶν Πελοποννησίων ναῦς ἅπασαι περιχυθεῖσαι κατεπλήξαντο, καὶ τῆς ἐπὶ τὴν πόλιν ἐπανόδου διακλείσασαι φυγεῖν πρὸς τὴν γῆν ἐβιάσαντο. πικειμένων δὲ τῶν Πελοποννησίων πάσαις ταῖς ναυσίν, ᾿Αθηναῖοι θεωροῦντες μηδεμίαν σωτηρίαν ἄλλην ὑποκειμένην, κατέφυγον πρὸς τὴν γῆν, καὶ καταλιπόντες τὰ σκάφη διεσώθησαν εἰς Μιτυλήνην. [4] Καλλικρατίδας δὲ τριάκοντα νεῶν κυριεύσας τὸ μὲν ναυτικὸν ἐθεώρει τῶν πολεμίων καταλελυμένον, πεζῇ δὲ τοὺς ἀγῶνας ἤλπιζεν ὑπολείπεσθαι. Διόπερ οὗτος μὲν ἐπὶ τὴν πόλιν διέπλει, Κόνων δ' ἅμα τῷ καταπλεῦσαι προσδεχόμενος τὴν πολιορκίαν, τὰ περὶ τὸν εἴσπλουν τοῦ λιμένος κατεσκεύαζεν· εἰς μὲν γὰρ τὰ βράχη τοῦ λιμένος πλοῖα μικρὰ πληρώσας λίθων κατεπόντισε, πρὸς δὲ τοῖς βάθεσιν ὁλκάδας καθώρμιζεν οὔσας λιθοφόρους. [5] Οἱ μὲν οὖν ᾿Αθηναῖοι καὶ τῶν Μιτυληναίων ὄχλος πολὺς ἐκ τῶν ἀγρῶν διὰ τὸν πόλεμον συνεληλυθὼς ταχέως κατεσκεύασε τὰ πρὸς τὴν πολιορκίαν. δὲ Καλλικρατίδας ἐκβιβάσας τοὺς στρατιώτας εἰς τὸν πλησίον τῆς πόλεως αἰγιαλὸν ἐποιήσατο παρεμβολήν, καὶ τρόπαιον ἀπὸ τῆς ναυμαχίας ἔστησεν. Τῇ δ' ὑστεραίᾳ τὰς κρατίστας τῶν νεῶν ἐπιλέξας, καὶ παρακελευσάμενος μὴ ἀπολείπεσθαι τῆς ἰδίας νεώς,ἀνήχθη, σπεύδων εἰς τὸν λιμένα πλεῦσαι καὶ λῦσαι τὸ διάφραγμα τῶν πολεμίων. [6] δὲ Κόνων τοὺς μὲν εἰς τὰς τριήρεις ἐνεβίβασε καὶ κατὰ τὸν διέκπλουν ἀντιπρῴρους κατέστησε, τοὺς δ' ἐπὶ τὰ μεγάλα πλοῖα διέταξε, τινὰς δ' ἐπὶ τὰς χηλὰς τοῦ λιμένος παρέπεμψεν, ὅπως πανταχόθεν ᾖ πεφραγμένος καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ θάλατταν. [7] Αὐτὸς μὲν οὖν ὁ Κόνων τὰς τριήρεις ἔχων ἐναυμάχει, πληρώσας τὸν μεταξὺ τόπον τῶν διαφραγμάτων· οἱ δ' ἐπὶ τῶν μεγάλων πλοίων ἐφεστῶτες ἐπέρριψαν ταῖς τῶν πολεμίων ναυσὶ τοὺς ἀπὸ τῶν κεραιῶν λίθους· οἱ δ' ἐπὶ ταῖς χηλαῖς τοῦ λιμένος τεταγμένοι διεκώλυον τοὺς ἀποτολμῶντας εἰς τὴν γῆν ἀποβαίνειν.
79 Οἱ δὲ Πελοποννήσιοι τῆς τῶν ᾿Αθηναίων φιλοτιμίας ἐλείποντο οὐδέν. Ταῖς γὰρ ναυσὶν ἀθρόαις ἐπιπλεύσαντες, καὶ τοὺς ἀρίστους ἄνδρας ἐπὶ τὰ καταστρώματα τάξαντες, τὴν ναυμαχίαν ἅμα καὶ πεζὴν ἐποιοῦντο μάχην· βιαζόμενοι γὰρ εἰς τὰς τῶν ἀντιτεταγμένων ναῦς ταῖς πρῴραις ἐπέβαινον τετολμηκότως, ὡς οὐχ ὑποστησομένων τὸ δεινὸν τῶν προηττημένων. [2] Οἱ δ' ᾿Αθηναῖοι καὶ Μιτυληναῖοι μίαν ὁρῶντες ἀπολειπομένην σωτηρίαν τὴν ἐκ τῆς νίκης, εὐγενῶς ἀποθνήσκειν ἔσπευδον ὑπὲρ τοῦ μὴ λιπεῖν τὴν τάξιν. Κατεχούσης δὲ φιλοτιμίας ἀνυπερβλήτου τὰ στρατόπεδα πολὺς ἐγένετο φόνος, ἁπάντων ἀφειδῶς τὰ σώματα τοῖς κινδύνοις παραρριπτόντων. [3] Οἱ μὲν γὰρ ἐπὶ τῶν καταστρωμάτων ὑπὸ τοῦ πλήθους τῶν εἰς αὐτοὺς φερομένων βελῶν κατετιτρώσκοντο, καὶ τινὲς μὲν ἐπικαίρως πληγέντες ἔπιπτον εἰς τὴν θάλατταν, τινὲς δ' οὐκ αἰσθανόμενοι θερμῶν ἔτι τῶν πληγῶν οὐσῶν διηγωνίζοντο· πλεῖστοι δ' ὑπὸ τῶν λιθοφόρων κεραιῶν ἔπιπτον, ὡς ἂν ἐξ ὑπερδεξίων τόπων βαλλόντων λίθους ὑπερμεγέθεις τῶν ᾿Αθηναίων. [4] Οὐ μὴν ἀλλὰ τῆς μάχης ἐπὶ πολὺν χρόνον γενομένης, καὶ πολλῶν παρ' ἀμφοτέροις ἀπολλυμένων, ὁ Καλλικρατίδας ἀνεκαλέσατο τῇ σάλπιγγι τοὺς στρατιώτας, βουλόμενος αὐτοὺς διαναπαῦσαι. [5] Μετὰ δέ τινα καιρὸν πάλιν πληρώσας τὰς ναῦς, καὶ πολὺν διαγωνισάμενος χρόνον, μόγις τῷ τε πλήθει τῶν νεῶν καὶ τῇ ῥώμῃ τῶν ἐπιβατῶν ἐξέωσε τοὺς ᾿Αθηναίους. ν συμφυγόντων εἰς τὸν ἐν τῇ πόλει λιμένα, διέπλευσε τὰ διαφράγματα, καὶ καθωρμίσθη πλησίον τῆς πόλεως τῶν Μιτυληναίων. [6] γὰρ εἴσπλους ὑπὲρ οὗ διηγωνίζοντο λιμένα μὲν εἶχε καλόν, ἐκτὸς δὲ τῆς πόλεώς ἐστιν. μὲν γὰρ ἀρχαία πόλις μικρὰ νῆσός ἐστιν, ἡ δ' ὕστερον προσοικισθεῖσα τῆς ἀντιπέραν ἐστὶ Λέσβου· ἀνὰ μέσον δ' αὐτῶν ἐστιν εὔριπος στενὸς καὶ ποιῶν τὴν πόλιν ὀχυράν. [7] δὲ Καλλικρατίδας ἐκβιβάσας τὴν δύναμιν περιεστρατοπέδευσε τὴν πόλιν, καὶ πανταχόθεν προσβολὰς ἐποιεῖτο. Καὶ τὰ μὲν κατὰ τὴν Μιτυλήνην ἐν τούτοις ἦν.
[8] Κατὰ δὲ Σικελίαν Συρακόσιοι πέμψαντες εἰς Καρχηδόνα πρέσβεις περί τε τοῦ πολέμου κατεμέμφοντο καὶ τὸ λοιπὸν ἠξίουν παύσασθαι τῆς διαφορᾶς. Οἷς οἱ Καρχηδόνιοι τὰς ἀποκρίσεις ἀμφιβόλους δόντες, ἐν μὲν τῇ Λιβύῃ μεγάλας παρεσκευάζοντο δυνάμεις, ἐπιθυμοῦντες ἁπάσας τὰς ἐν τῇ νήσῳ πόλεις καταδουλώσασθαι· πρὶν ἢ δὲ τὰ στρατόπεδα διαβιβάζειν, καταλέξαντες τῶν πολιτῶν τινας καὶ τῶν ἄλλων Λιβύων τοὺς βουλομένους ἔκτισαν ἐν τῇ Σικελίᾳ πρὸς αὐτοῖς τοῖς θερμοῖς ὕδασι πόλιν, ὀνομάσαντες Θέρμα.
80 Τῶν δὲ κατὰ τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν πράξεων τέλος ἐχουσῶν ᾿Αθήνησι μὲν παρέλαβε τὴν ἀρχὴν Καλλίας, ἐν δὲ τῇ ῾Ρώμῃ κατεστάθησαν ὕπατοι Λεύκιος Φούριος καὶ Γναῖος Πομπήιος. Περὶ δὲ τούτους τοὺς χρόνους Καρχηδόνιοι τοῖς περὶ Σικελίαν εὐτυχήμασι μετεωριζόμενοι, καὶ σπεύδοντες ἁπάσης τῆς νήσου κυριεῦσαι, μεγάλας δυνάμεις ἐψηφίσαντο παρασκευάζεσθαι· ἑλόμενοι δὲ στρατηγὸν ᾿Αννίβαν τὸν κατασκάψαντα τήν τε τῶν Σελινουντίων καὶ τὴν τῶν ῾Ιμεραίων πόλιν, ἅπασαν αὐτῷ τὴν κατὰ τὸν πόλεμον ἐξουσίαν ἐπέτρεψαν. [2] Παραιτουμένου δὲ διὰ τὸ γῆρας, προσκατέστησαν καὶ ἄλλον στρατηγὸν ᾿Ιμίλκωνα τὸν ῎Αννωνος, ἐκ τῆς αὐτῆς ὄντα συγγενείας. Οὗτοι δὲ κοινῇ συνεδρεύσαντες ἔπεμψάν τινας τῶν ἐν ἀξιώματι παρὰ τοῖς Καρχηδονίοις ὄντων μετὰ πολλῶν χρημάτων, τοὺς μὲν εἰς ᾿Ιβηρίαν, τοὺς δ' εἰς τὰς Βαλιαρίδας νήσους, παρακελευσάμενοι ξενολογεῖν ὡς πλείστους. [3] Αὐτοὶ δ' ἐπῄεσαν τὴν Λιβύην καταγράφοντες στρατιώτας Λίβυας καὶ Φοίνικας καὶ τῶν πολιτικῶν τοὺς κρατίστους. Μετεπέμποντο δὲ καὶ παρὰ τῶν συμμαχούντων αὐτοῖς ἐθνῶν καὶ βασιλέων στρατιώτας Μαυρουσίους καὶ Νομάδας καί τινας τῶν οἰκούντων τὰ πρὸς τὴν Κυρήνην κεκλιμένα μέρη. [4] κ δὲ τῆς ᾿Ιταλίας μισθωσάμενοι Καμπανοὺς διεβίβασαν εἰς Λιβύην· ᾔδεισαν γὰρ τὴν μὲν χρείαν αὐτῶν μεγάλα συμβαλλομένην, τοὺς δ' ἐν Σικελίᾳ καταλελειμμένους Καμπανοὺς διὰ τὸ προσκεκοφέναι τοῖς Καρχηδονίοις μετὰ τῶν Σικελιωτῶν ταχθησομένους. [5] Τέλος δὲ τῶν δυνάμεων ἀθροισθεισῶν εἰς Καρχηδόνα συνήχθησαν αὐτοῖς οἱ πάντες σὺν ἱππεῦσιν οὐ πολλῷ πλείους, ὡς μὲν Τίμαιος, τῶν δώδεκα μυριάδων, ὡς δ' ῎Εφορος, τριάκοντα μυριάδες. Καρχηδόνιοι μὲν οὖν τὰ πρὸς τὴν διάβασιν ἑτοιμάζοντες τάς τε τριήρεις πάσας κατήρτιζον καὶ φορτηγὰ πλοῖς συνήγαγον πλείω τῶν χιλίων· [6] προαποστειλάντων δ' αὐτῶν εἰς Σικελίαν τεσσαράκοντα τριήρεις, οἱ Συρακόσιοι κατὰ τάχος ταῖς παραπλησίαις ναυσὶν ἐπεφάνησαν ἐν τοῖς περὶ τὸν ῎Ερυκα τόποις. Γενομένης δὲ ναυμαχίας ἐπὶ πολὺν χρόνον πεντεκαίδεκα μὲν τῶν Φοινισσῶν νεῶν διεφθάρησαν, αἱ δ' ἄλλαι νυκτὸς ἐπιγενομένης ἔφυγον εἰς τὸ πέλαγος. [7] παγγελθείσης δὲ τῆς ἥττης τοῖς Καρχηδονίοις, ᾿Αννίβας ὁ στρατηγὸς ἐξέπλευσε μετὰ νεῶν πεντήκοντα· ἔσπευδε γὰρ τοὺς μὲν Συρακοσίους κωλῦσαι χρήσασθαι τῷ προτερήματι, ταῖς δὲ ἰδίαις δυνάμεσιν ἀσφαλῆ παρασκευάσαι τὸν κατάπλουν.
81 Διαβοηθείσης δὲ τῆς ᾿Αννίβα βοηθείας κατὰ τὴν νῆσον, ἅπαντες προσεδόκων καὶ τὰς δυνάμεις εὐθέως διαβιβασθήσεσθαι. Αἱ δὲ πόλεις τὸ μέγεθος τῆς παρασκευῆς ἀκούουσαι, καὶ συλλογιζόμεναι τὸν ἀγῶνα περὶ τῶν ὅλων ἐσόμενον, οὐ μετρίως ἠγωνίων. [2] Οἱ μὲν οὖν Συρακόσιοι πρός τε τοὺς κατ' ᾿Ιταλίαν ῞Ελληνας καὶ πρὸς Λακεδαιμονίους περὶ συμμαχίας διεπέμποντο· ἀπέστελλον δὲ καὶ πρὸς τὰς ἐν Σικελίᾳ πόλεις τοὺς παρορμήσοντας τὰ πλήθη πρὸς τὸν ὑπὲρ τῆς κοινῆς ἐλευθερίας κίνδυνον. [3] ᾿Ακραγαντῖνοι δέ, ὁμοροῦντες τῇ τῶν Καρχηδονίων ἐπικρατείᾳ, διελάμβανον, ὅπερ ἦν, ἐπ' αὐτοὺς πρώτους ἥξειν τὸ τοῦ πολέμου βάρος. δοξεν οὖν αὐτοῖς τόν τε σῖτον καὶ τοὺς ἄλλους καρπούς, ἔτι δὲ τὰς κτήσεις ἁπάσας, ἀπὸ τῆς χώρας κατακομίζειν ἐντὸς τῶν τειχῶν. [4] Κατ' ἐκείνους δὲ τοὺς καιροὺς τήν τε πόλιν καὶ τὴν χώραν τῶν ᾿Ακραγαντίνων συνέβαινεν εὐδαιμονίας ὑπάρχειν πλήρη· περὶ ἧς οὐκ ἀνάρμοστόν μοι φαίνεται διελθεῖν. καὶ γὰρ ἀμπελῶνες ... τοῖς μεγέθεσι καὶ τῷ κάλλει διαφέροντες, καὶ τὸ πλεῖστον τῆς χώρας ἐλαίαις κατάφυτον, ἐξ ἧς παμπληθῆ κομιζόμενοι καρπὸν ἐπώλουν εἰς Καρχηδόνα· [5] οὔπω γὰρ κατ' ἐκείνους τοὺς χρόνους τῆς Λιβύης πεφυτευμένης οἱ τὴν ᾿Ακραγαντίνην νεμόμενοι τὸν ἐκ τῆς Λιβύης ἀντιφορτιζόμενοι πλοῦτον οὐσίας ἀπίστους τοῖς μεγέθεσιν ἐκέκτηντο. Πολλὰ δὲ τοῦ πλούτου παρ' αὐτοῖς διαμένει σημεῖα, περὶ ὧν οὐκ ἀνοίκειόν ἐστι βραχέα διελθεῖν.
82 τε γὰρ τῶν ἱερῶν κατασκευὴ καὶ μάλιστα ὁ τοῦ Διὸς νεὼς ἐμφαίνει τὴν μεγαλοπρέπειαν τῶν τότε ἀνθρώπων· τῶν μὲν οὖν ἄλλων ἱερῶν τὰ μὲν κατεκαύθη, τὰ δὲ τελείως κατεσκάφη διὰ τὸ πολλάκις ἡλωκέναι τὴν πόλιν, τὸ δ' ᾿Ολύμπιον μέλλον λαμβάνειν τὴν ὀροφὴν ὁ πόλεμος ἐκώλυσεν· ἐξ οὗ τῆς πόλεως κατασκαφείσης οὐδέποτε ὕστερον ἴσχυσαν ᾿Ακραγαντῖνοι τέλος ἐπιθεῖναι τοῖς οἰκοδομήμασιν. [2] στι δὲ ὁ νεὼς ἔχων τὸ μὲν μῆκος πόδας τριακοσίους τεσσαράκοντα, τὸ δὲ πλάτος ἑξήκοντα, τὸ δὲ ὕψος ἑκατὸν εἴκοσι χωρὶς τοῦ κρηπιδώματος. Μέγιστος δ' ὢν τῶν ἐν Σικελίᾳ καὶ τοῖς ἐκτὸς οὐκ ἀλόγως ἂν συγκρίνοιτο κατὰ τὸ μέγεθος τῆς ὑποστάσεως· καὶ γὰρ εἰ μὴ τέλος λαβεῖν συνέβη τὴν ἐπιβολήν, ἥ γε προαίρεσις ὑπάρχει φανερά. [3] Τῶν δ' ἄλλων ἢ μετὰ περιτειχῶν τοὺς νεὼς οἰκοδομούντων ἢ κύκλῳ κίοσι τοὺς σηκοὺς περιλαμβανόντων, οὗτος ἑκατέρας τούτων μετέχει τῶν ὑποστάσεων· συνῳκοδομοῦντο γὰρ τοῖς τοίχοις οἱ κίονες, ἔξωθεν μὲν στρογγύλοι, τὸ δ' ἐντὸς τοῦ νεὼ ἔχοντες τετράγωνον· καὶ τοῦ μὲν ἐκτὸς μέρους ἐστὶν αὐτῶν ἡ περιφέρεια ποδῶν εἴκοσι, καθ' ἣν εἰς τὰ διαξύσματα δύναται ἀνθρώπινον ἐναρμόζεσθαι σῶμα, τὸ δ' ἐντὸς ποδῶν δώδεκα. [4] Τῶν δὲ στοῶν τὸ μέγεθος καὶ τὸ ὕψος ἐξαίσιον ἐχουσῶν, ἐν μὲν τῷ πρὸς ἕω μέρει τὴν γιγαντομαχίαν ἐποιήσαντο γλυφαῖς καὶ τῷ μεγέθει καὶ τῷ κάλλει διαφερούσαις, ἐν δὲ τῷ πρὸς δυσμὰς τὴν ἅλωσιν τῆς Τροίας, ἐν ᾗ τῶν ἡρώων ἕκαστον ἰδεῖν ἔστιν οἰκείως τῆς περιστάσεως δεδημιουργημένον. [5] ν δὲ καὶ λίμνη κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον ἐκτὸς τῆς πόλεως χειροποίητος, ἔχουσα τὴν περίμετρον σταδίων ἑπτά, τὸ δὲ βάθος εἴκοσι πηχῶν· εἰς ἣν ἐπαγομένων ὑδάτων ἐφιλοτέχνησαν πλῆθος ἰχθύων ἐν αὐτῇ ποιῆσαι παντοίων εἰς τὰς δημοσίας ἑστιάσεις, μεθ' ὧν συνδιέτριβον κύκνοι καὶ τῶν ἄλλων ὀρνέων πολὺ πλῆθος, ὥστε μεγάλην τέρψιν παρασκευάζειν τοῖς θεωμένοις. [6] Δηλοῖ δὲ τὴν τρυφὴν αὐτῶν καὶ ἡ πολυτέλεια τῶν μνημείων, ἃ τινὰ μὲν τοῖς ἀθληταῖς ἵπποις κατεσκεύασαν, τινὰ δὲ τοῖς ὑπὸ τῶν παρθένων καὶ παίδων ἐν οἴκῳ τρεφομένοις ὀρνιθαρίοις, ἃ Τίμαιος ἑωρακέναι φησὶ μέχρι τοῦ καθ' ἑαυτὸν βίου διαμένοντα. [7] Καὶ κατὰ τὴν προτέραν δὲ ταύτης ᾿Ολυμπιάδα, δευτέραν ἐπὶ ταῖς ἐνενήκοντα, νικήσαντος ᾿Εξαινέτου ᾿Ακραγαντίνου, κατήγαγον αὐτὸν εἰς τὴν πόλιν ἐφ' ἅρματος· συνεπόμπευον δ' αὐτῷ χωρὶς τῶν ἄλλων συνωρίδες τριακόσιαι λευκῶν ἵππων, πᾶσαι παρ' αὐτῶν τῶν ᾿Ακραγαντίνων. [8] Καθόλου δὲ καὶ τὰς ἀγωγὰς εὐθὺς ἐκ παίδων ἐποιοῦντο τρυφεράς, τήν τ' ἐσθῆτα μαλακὴν φοροῦντες καθ' ὑπερβολὴν καὶ χρυσοφοροῦντες, ἔτι δὲ στλεγγίσι καὶ ληκύθοις ἀργυραῖς τε καὶ χρυσαῖς χρώμενοι.
83 ν δὲ τῶν ᾿Ακραγαντίνων σχεδὸν πλουσιώτατος κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον Τελλίας, ὃς κατὰ τὴν οἰκίαν ξενῶνας ἔχων πλείους πρὸς ταῖς πύλαις ἔταττεν οἰκέτας, οἷς παρηγγελμένον ἦν ἅπαντας τοὺς ξένους καλεῖν ἐπὶ ξενίᾳ. Πολλοὶ δὲ καὶ τῶν ἄλλων ᾿Ακραγαντίνων ἐποίουν τὸ παραπλήσιον, ἀρχαϊκῶς καὶ φιλανθρώπως ὁμιλοῦντες· διόπερ καὶ ᾿VΕμπεδοκλῆς λέγει περὶ αὐτῶν,
Ξείνων αἰδοῖοι λιμένες, κακότητος ἄπειροι.
[2] Καὶ δή ποτε πεντακοσίων ἱππέων παραγενομένων ἐκ Γέλας χειμερίου περιστάσεως οὔσης, καθάπερ φησὶ Τίμαιος ἐν τῇ πεντεκαιδεκάτῃ βίβλῳ, πάντας αὐτὸς ὑπεδέξατο, καὶ παραχρῆμα πᾶσιν ἱμάτια καὶ χιτῶνας ἔνδοθεν προενέγκας ἔδωκεν. [3] Καὶ Πολύκλειτος ἐν ταῖς ἱστορίαις ἐξηγεῖται περὶ τοῦ κατὰ τὴν οἰκίαν πιθεῶνος λέγων ὡς διαμείναντος αὐτοῦ τε στρατευομένου ἐν ᾿Ακράγαντι τεθεωρηκότος· εἶναι δ' ἐν αὐτῷ τριακοσίους μὲν πίθους ἐξ αὐτῆς τῆς πέτρας τετμημένους, ἕκαστον ἑκατὸν ἀμφορεῖς χωροῦντα· κολυμβήθραν δὲ παρ' αὐτοῖς ὑπάρχειν κεκονιαμένην, χωροῦσαν ἀμφορεῖς χιλίους, ἐξ ἧς τὴν ῥύσιν εἰς τοὺς πίθους γίνεσθαι. [4] Γεγονέναι δέ φασι τὸν Τελλίαν τὸ μὲν εἶδος εὐτελῆ παντελῶς, τὸ δὲ ἦθος θαυμαστόν. ἀποσταλέντος οὖν αὐτοῦ πρὸς Κεντοριπίνους κατὰ πρεσβείαν, καὶ παρεληλυθότος εἰς τὴν ἐκκλησίαν, τὸ μὲν πλῆθος προέπεσεν εἰς ἄκαιρον γέλωτα, θεωροῦν καταδεέστερον τῆς περὶ αὐτοῦ δόξης· ὁ δ' ὑπολαβὼν εἶπε μὴ θαυμάζειν· ἐν ἔθει γὰρ εἶναι τοῖς ᾿Ακραγαντίνοις πρὸς μὲν τὰς ἐπιδόξους πόλεις ἀποστέλλειν τοὺς κρατίστους τῷ κάλλει, πρὸς δὲ τὰς ταπεινὰς καὶ λίαν εὐτελεῖς ὁμοίους.
84 Οὐ μόνον δὲ περὶ τὸν Τελλίαν συνέβαινεν εἶναι τοῦ πλούτου μεγαλοπρέπειαν, ἀλλὰ καὶ περὶ πολλοὺς ἄλλους ᾿Ακραγαντίνους. ᾿Αντισθένης γοῦν ὁ ἐπικαλούμενος ῾Ρόδος γάμους ἐπιτελῶν τῆς θυγατρὸς εἱστίασε τοὺς πολίτας ἐπὶ τῶν στενωπῶν ὧν ᾤκουν ἕκαστοι, καὶ ζεύγη τῇ νύμφῃ συνηκολούθησε πλείω τῶν ὀκτακοσίων· πρὸς δὲ τούτοις οὐ μόνον οἱ κατ' αὐτὴν τὴν πόλιν ἱππεῖς, ἀλλὰ καὶ τῶν ἀστυγειτόνων πολλοὶ κληθέντες ἐπὶ τὸν γάμον συμπροέπεμψαν τὴν νύμφην. [2] Περιττότατον δέ φασι γενέσθαι τὸ περὶ τὴν τοῦ φωτὸς κατασκευήν· τούς τε γὰρ βωμοὺς τοὺς ἐν πᾶσι τοῖς ἱεροῖς καὶ τοὺς ἐν τοῖς στενωποῖς καθ' ὅλην τὴν πόλιν ἐπλήρωσε ξύλων, καὶ τοῖς ἐπὶ τῶν ἐργαστηρίων ἔδωκε σχίδακας καὶ κληματίδας, παραγγείλας, ὅταν ἀπὸ τῆς ἀκροπόλεως ἀναφθῇ πῦρ, ἅπαντας ἐπιτελεῖν τὸ παραπλήσιον· [3] ὧν ποιησάντων τὸ προσταχθέν, καθ' ὃν καιρὸν ἤγετο ἡ νύμφη, προηγουμένων πολλῶν τῶν τὰς δᾷδας φερόντων, ἡ μὲν πόλις ἔγεμε φωτός, τὸ δὲ συνακολουθοῦν πλῆθος οὐκ ἐχώρουν αἱ δημόσιαι κατὰ τὸ ἑξῆς ὁδοί, πάντων συμφιλοτιμουμένων τῇ τἀνδρὸς μεγαλοπρεπείᾳ. Κατ' ἐκεῖνον γὰρ τὸν χρόνον ᾿Ακραγαντῖνοι μὲν ἦσαν πλείους τῶν δισμυρίων, σὺν δὲ τοῖς κατοικοῦσι ξένοις οὐκ ἐλάττους τῶν εἴκοσι μυριάδων. [4] Φασὶ δὲ τὸν ᾿Αντισθένην, ἐπειδὴ τὸν υἱὸν ἑώρα πολεμοῦντά τινα τῶν ἀγρογειτόνων πένητα καὶ βιαζόμενον ἑαυτῷ τὸ ἀγρίδιον πωλῆσαι, μέχρι μέν τινος ἐπιπλήττειν, τῆς δ' ἐπιθυμίας ἐπίτασιν λαμβανούσης, φῆσαι δεῖν μὴ σπεύδειν πῶς ἄπορον ποιήσῃ τὸν γείτονα, ἀλλὰ τοὐναντίον ὅπως πλούσιος ὑπάρχῃ· οὕτως γὰρ αὐτὸν ἐπιθυμήσειν μὲν ἀγροῦ μείζονος, οὐ δυνάμενον δὲ παρὰ τοῦ γείτονος προσαγοράσαι τὸν ὑπάρχοντα πωλήσειν. [5] Διὰ δὲ τὸ μέγεθος τῆς κατὰ τὴν πόλιν εὐπορίας τοσαύτην συνέβαινε τρυφὴν εἶναι παρὰ τοῖς ᾿Ακραγαντίνοις, ὥστε μετ' ὀλίγον τῆς πολιορκίας γινομένης ποιῆσαι ψήφισμα περὶ τῶν ἐν τοῖς φυλακείοις διανυκτερευόντων, ὅπως μή τις ἔχῃ πλεῖον τύλης καὶ περιστρώματος καὶ κωδίου καὶ δυεῖν προσκεφαλαίων. [6] Τοιαύτης δὲ τῆς σκληροτάτης στρωμνῆς ὑπαρχούσης, ἔξεστι λογίζεσθαι τὴν κατὰ τὸν λοιπὸν βίον τρυφήν. Περὶ μὲν οὖν τούτων οὔτε παραδραμεῖν ἠθελήσαμεν οὔτ' ἐπὶ πλεῖον μακρολογεῖν, ἵνα μὴ τῶν ἀναγκαιοτέρων ἀποπίπτωμεν.
85 Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι τὰς δυνάμεις διαβιβάσαντες εἰς τὴν Σικελίαν ἀνέζευξαν ἐπὶ τὴν πόλιν τῶν ᾿Ακραγαντίνων, καὶ δύο παρεμβολὰς ἐποιήσαντο, μίαν μὲν ἐπί τινων λόφων, ἐφ' ὧν τούς τε ῎Ιβηρας καί τινας τῶν Λιβύων ἔταξαν εἰς τετρακισμυρίους· τὴν δ' ἄλλην οὐκ ἄπωθεν τῆς πόλεως ποιησάμενοι τάφρῳ βαθείᾳ καὶ χάρακι περιέλαβον. [2] Καὶ πρῶτον μὲν ἀπέστειλαν πρέσβεις πρὸς τοὺς ᾿Ακραγαντίνους, ἀξιοῦντες μάλιστα μὲν συμμαχεῖν αὐτοῖς, εἰ δὲ μή γε, ἡσυχίαν ἔχειν καὶ φίλους εἶναι Καρχηδονίοις ἐν εἰρήνῃ μένοντας· οὐ προσδεξαμένων δὲ τῶν ἐν τῇ πόλει τοὺς λόγους, εὐθὺς τὰ τῆς πολιορκίας ἐνηργεῖτο. [3] Οἱ μὲν οὖν ᾿Ακραγαντῖνοι τοὺς ἐν ἡλικίᾳ πάντας καθώπλισαν, καὶ καταστήσαντες εἰς τάξιν τοὺς μὲν ἐπὶ τῶν τειχῶν ἔστησαν, τοὺς δὲ ἐφέδρους πρὸς τὰς τῶν καταπονουμένων διαδοχάς. Συνεμάχει δ' αὐτοῖς Δέξιππός τε ὁ Λακεδαιμόνιος προσφάτως ἐκ Γέλας παρὼν μετὰ ξένων χιλίων πεντακοσίων· οὗτος γὰρ κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον, ὡς Τίμαιός φησιν, ἐν Γέλᾳ διέτριβεν, ἔχων ἀξίωμα διὰ τὴν πατρίδα. [4] Διόπερ ἠξίωσαν αὐτὸν οἱ ᾿Ακραγαντῖνοι μισθωσάμενον στρατιώτας ὡς πλείστους ἐλθεῖν εἰς ᾿Ακράγαντα· ἅμα δὲ τούτοις ἐμισθώθησαν καὶ οἱ πρότερον ᾿Αννίβᾳ συμμαχήσαντες Καμπανοί, περὶ ὀκτακοσίους ὄντες. Οὗτοι δὲ κατέσχον τὸν ὑπὲρ τῆς πόλεως λόφον, τὸν ᾿Αθήναιον μὲν ὀνομαζόμενον, κατὰ δὲ τῆς πόλεως εὐφυῶς κείμενον. [5] ᾿Ιμίλκας δὲ καὶ ᾿Αννίβας οἱ τῶν Καρχηδονίων στρατηγοὶ διασκεψάμενοι τὰ τείχη, καὶ καθ' ἕνα τόπον θεωροῦντες εὐέφοδον οὖσαν τὴν πόλιν, δύο πύργους προσήγαγον τοῖς τείχεσιν ὑπερμεγέθεις. τὴν μὲν οὖν πρώτην ἡμέραν ἐπὶ τούτων τειχομαχήσαντες καὶ συχνοὺς ἀνελόντες ἀνεκαλέσαντο τῇ σάλπιγγι τοὺς μαχομένους· τῆς δὲ νυκτὸς ἐπιγενομένης οἱ κατὰ τὴν πόλιν ἐπεξελθόντες ἐνεπύρισαν τὰς μηχανάς.
86 Οἱ δὲ περὶ τὸν ᾿Αννίβαν σπεύδοντες κατὰ πλείονα μέρη τὰς προσβολὰς ποιεῖσθαι, παρήγγειλαν τοῖς στρατιώταις καθαιρεῖν τὰ μνήματα καὶ χώματα κατασκευάζειν μέχρι τῶν τειχῶν. Ταχὺ δὲ τῶν ἔργων διὰ τὴν πολυχειρίαν συντελουμένων ἐνέπεσεν εἰς τὸ στρατόπεδον πολλὴ δεισιδαιμονία. [2] Τὸν γὰρ τοῦ Θήρωνος τάφον ὄντα καθ' ὑπερβολὴν μέγαν συνέβαινεν ὑπὸ κεραυνοῦ διασεῖσθαι· διόπερ αὐτοῦ καθαιρουμένου τῶν τε μάντεών τινες προνοήσαντες διεκώλυσαν, εὐθὺ δὲ καὶ λοιμὸς ἐνέπεσεν εἰς τὸ στρατόπεδον, καὶ πολλοὶ μὲν ἐτελεύτων, οὐκ ὀλίγοι δὲ στρέβλαις καὶ δειναῖς ταλαιπωρίαις περιέπιπτον. [3] πέθανε δὲ καὶ ᾿Αννίβας ὁ στρατηγός, καὶ τῶν ἐπὶ τὰς φυλακὰς προπεμπομένων ἤγγελλόν τινες διὰ νυκτὸς εἴδωλα φαίνεσθαι τῶν τετελευτηκότων. ᾿Ιμίλκας δὲ θεωρῶν τὰ πλήθη δεισιδαιμονοῦντα πρῶτον μὲν ἐπαύσατο καθαιρῶν τὰ μνημεῖα, μετὰ δὲ ταῦτα ἱκέτευε τοὺς θεοὺς κατὰ τὸ πάτριον ἔθος τῷ μὲν Κρόνῳ παῖδα σφαγιάσας, τῷ δὲ Ποσειδῶνι πλῆθος ἱερείων καταποντίσας. Οὐ μὴν ἀπέστη γε τῶν ἔργων, ἀλλὰ χώσας τὸν παρὰ τὴν πόλιν ποταμὸν μέχρι τῶν τειχῶν ἐπέστησε πάσας τὰς μηχανὰς καὶ καθ' ἡμέραν προσβολὰς ἐποιεῖτο.
[4] Οἱ δὲ Συρακόσιοι θεωροῦντες τὴν ᾿Ακράγαντος πολιορκίαν, καὶ φοβούμενοι μὴ τῆς αὐτῆς τοῖς Σελινουντίοις καὶ τοῖς ῾Ιμεραίοις τύχωσιν οἱ πολιορκούμενοι τύχης, πάλαι μὲν ἔσπευδον ἐκπέμψαι τὴν βοήθειαν, τότε δὲ παραγενομένων τῶν ἐξ ᾿Ιταλίας καὶ Μεσσήνης συμμάχων στρατηγὸν Λαφναῖον εἵλαντο. [5] Τὴν δὲ δύναμιν ἀθροίσαντες παρέλαβον κατὰ τὴν ὁδὸν Καμαριναίους καὶ Γελῴους· ἔτι δὲ τῶν ἐκ τῆς μεσογείου μεταπεμψάμενοί τινας ἐπ' ᾿Ακράγαντος τὴν πορείαν ἐποιοῦντο, συμπαραπλεουσῶν αὐτοῖς καὶ τῶν νεῶν τριάκοντα. Εἶχον δὲ τοὺς πάντας πεζοὺς μὲν πλείους τῶν τρισμυρίων, ἱππεῖς δ' οὐκ ἐλάττους τῶν πεντακισχιλίων.
87 ᾿Ιμίλκων δὲ πυθόμενος τὴν τῶν πολεμίων ἔφοδον, ἀπέστειλεν αὐτοῖς ἀπαντᾶν τούς τε ῎Ιβηρας καὶ Καμπανοὺς καὶ τῶν ἄλλων οὐκ ἐλάττους τετρακισμυρίων. δη δὲ τῶν Συρακοσίων τὸν ῾Ιμέραν ποταμὸν διαβεβηκότων ἀπήντησαν οἱ βάρβαροι, καὶ παρατάξεως γενομένης ἐπὶ πολὺν χρόνον ἐνίκησαν οἱ Συρακόσιοι καὶ πλείους τῶν ἑξακισχιλίων ἀνεῖλον. [2] Τελέως δὲ ὅλον τὸ στρατόπεδον διέφθειραν ἂν καὶ μέχρι τῆς πόλεως κατεδίωξαν, ἀλλὰ τῶν στρατιωτῶν ἀτάκτως διωκόντων ὁ στρατηγὸς εὐλαβήθη, μήποτε μετὰ τοῦ λοιποῦ στρατεύματος ᾿Ιμίλκας ἐπιφανεὶς ἀναλάβῃ τὴν ἧτταν. Καὶ γὰρ τοὺς ῾Ιμεραίους ἐγίνωσκε παρὰ τὴν αὐτὴν αἰτίαν τοῖς ὅλοις ἐπταικότας. Οὐ μὴν ἀλλὰ τῶν βαρβάρων φευγόντων εἰς τὴν πρὸς ᾿Ακράγαντι παρεμβολήν, οἱ κατὰ τὴν πόλιν στρατιῶται θεωροῦντες τὴν τῶν Καρχηδονίων ἧτταν ἐδέοντο τῶν στρατηγῶν ἐξάγειν αὐτούς, καιρὸν εἶναι φάσκοντες τοῦ φθεῖραι τὴν τῶν πολεμίων δύναμιν. [3] Οἱ δ', εἴτε χρήμασιν ἐφθαρμένοι, καθάπερ ἦν λόγος, εἴτε φοβηθέντες μὴ τῆς πόλεως ἐρημωθείσης ᾿Ιμίλκων αὐτὴν καταλάβηται, τῆς ὁρμῆς ἐπέσχον τοὺς στρατιώτας. Οἱ μὲν οὖν φεύγοντες μετὰ πάσης ἀσφαλείας διεσώθησαν εἰς τὴν πρὸς τῇ πόλει παρεμβολήν. δὲ Δαφναῖος μετὰ τῆς δυνάμεως παραγενηθεὶς εἰς τὴν ὑπὸ τῶν βαρβάρων ἐκλελειμμένην στρατοπεδείαν, ἐν ταύτῃ παρενέβαλεν. [4] Εὐθὺ δὲ καὶ τῶν ἐκ τῆς πόλεως στρατιωτῶν ἐπιμιχθέντων καὶ τοῦ Δεξίππου συγκαταβάντος αὐτοῖς, ἀπὸ συνδρομῆς εἰς ἐκκλησίαν τὰ πλήθη συνῆλθεν· πάντων δ' ἀγανακτούντων ἐπὶ τῷ παρεῖσθαι τὸν καιρὸν καὶ κεκρατηκότας τῶν βαρβάρων τὴν προσήκουσαν τιμωρίαν παρ' αὐτῶν μὴ λαβεῖν, ἀλλὰ δυναμένους τοὺς ἐκ τῆς πόλεως στρατηγοὺς ἐπεξελθεῖν καὶ διαφθεῖραι τὴν τῶν πολεμίων δύναμιν ἀφεικέναι τοσαύτας μυριάδας· [5] θορύβου δὲ καὶ πολλῆς κραυγῆς ἐπεχούσης τὴν ἐκκλησίαν, παρελθὼν Μένης ὁ Καμαριναῖος ἐφ' ἡγεμονίας τεταγμένος κατηγόρησε τῶν ᾿Ακραγαντίνων στρατηγῶν καὶ πάντας οὕτω παρώξυνεν, ὥστε τῶν κατηγορουμένων ἐγχειρούντων ἀπολογεῖσθαι μηδένα προσδέχεσθαι τοὺς λόγους, καὶ τὸ πλῆθος ὁρμῆσαν ἐπὶ τὸ βάλλειν τοῖς λίθοις τέσσαρας αὐτῶν καταλεῦσαι, τὸν δὲ πέμπτον, ᾿Αργεῖον καλούμενον, τὴν δ' ἡλικίαν παντελῶς ὄντα νεώτερον, ἀφεθῆναι· βλασφημίας δὲ τυγχάνειν καὶ τὸν Λακεδαιμόνιον Δέξιππον, ὅτι τεταγμένος ἐφ' ἡγεμονίας καὶ δοκῶν εἶναι τῶν πολεμικῶν ἔργων οὐκ ἄπειρος τοῦτ' ἔπραξε προδοσίας ἕνεκα.
88 Μετὰ δὲ τὴν ἐκκλησίαν οἱ περὶ τὸν Δαφναῖον προαγαγόντες τὰς δυνάμεις ἐπεχείρουν μὲν πολιορκεῖν τὴν παρεμβολὴν τῶν Καρχηδονίων, πολυτελῶς δ' αὐτὴν ὁρῶντες ὠχυρωμένην ταύτης μὲν τῆς ἐπιβολῆς ἀπέστησαν, τὰς δ' ὁδοὺς ἱππαζόμενοι τούς τ' ἐν ταῖς προνομαῖς αὐτῶν κατελάμβανον καὶ τῶν σιτοπομπιῶν ἀποκλείοντες εἰς πολλὴν ἀπορίαν ἦγον. [2] Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι παρατάττεσθαι μὲν οὐ τολμῶντες, τῇ δὲ σιτοδείᾳ δεινῶς πιεζούμενοι, μεγάλοις ἀτυχήμασι περιέπιπτον. Τῶν μὲν γὰρ στρατιωτῶν πολλοὶ διὰ τὴν σπάνιν ἀπέθνησκον, οἱ δὲ Καμπανοὶ μετὰ τῶν ἄλλων μισθοφόρων σχεδὸν ἅπαντες ἐπὶ τὴν ᾿Ιμίλκα σκηνὴν ὠθούμενοι τὰς σιτομετρίας τὰς προτεταγμένας ᾔτουν· εἰ δὲ μή, διηπειλοῦντο μεταβάλλεσθαι πρὸς τοὺς πολεμίους. [3] δ' ᾿Ιμίλκας ἦν ἀκηκοώς τινος, ὅτι Συρακόσιοι πλῆθος σίτου παρακομίζοιεν εἰς ᾿Ακράγαντα κατὰ θάλατταν. Διόπερ ταύτην μόνην ἔχων ἐλπίδα σωτηρίας, τοὺς μὲν στρατιώτας ἔπεισεν ὀλίγας ἐπισχεῖν ἡμέρας, ἐνέχυρα δοὺς τὰ παρὰ τῶν ἐκ Καρχηδόνος στρατευομένων ποτήρια. [4] Καὶ αὐτὸς μὲν ἐκ Πανόρμου καὶ Μοτύης μεταπεμψάμενος τεσσαράκοντα τριήρεις ἐπέθετο τοῖς τὴν ἀγορὰν παρακομίζουσιν· οἱ δὲ Συρακόσιοι, τὸν ἔμπροσθεν χρόνον τῶν βαρβάρων τῆς θαλάττης παρακεχωρηκότων καὶ τοῦ χειμῶνος ἐνεστηκότος ἤδη, κατεφρόνουν τῶν Καρχηδονίων, ὡς οὐκέτι τολμησόντων πληροῦν τὰς τριήρεις. [5] Διόπερ ὀλιγώρως αὐτῶν παραπεμψάντων τὴν ἀγοράν, ᾿Ιμίλκας ἐκπλεύσας τεσσαράκοντα τριήρεσιν ἄφνω κατέδυσε μὲν τῶν μακρῶν νεῶν ὀκτώ, τὰς δ' ἄλλας εἰς τὸν αἰγιαλὸν κατεδίωξεν· τῶν δ' ἄλλων πλοίων ἁπάντων κυριεύσας, τοσοῦτον εἰς τοὐναντίον τὰς ἑκατέρων ἐλπίδας μεταπεσεῖν ἐποίησεν, ὥστε τοὺς παρὰ τοῖς ᾿Ακραγαντίνοις Καμπανοὺς καταγνόντας τῆς τῶν ῾Ελλήνων ὑποθέσεως πεντεκαίδεκα ταλάντοις φθαρῆναι καὶ μεταβαλέσθαι πρὸς τοὺς Καρχηδονίους. [6] Οἱ δὲ ᾿Ακραγαντῖνοι τὸ μὲν πρῶτον κακῶς ἀπαλλαττόντων τῶν Καρχηδονίων ἀφθόνως ἀπήλαυον τοῦ τε σίτου καὶ τῶν ἄλλων ἐπιτηδείων, ἀεὶ προσδοκῶντες ταχέως λυθήσεσθαι τὴν πολιορκίαν· ἐπεὶ δ' αἱ τῶν βαρβάρων ἐλπίδες ἀνέκυψαν καὶ τοσαῦται μυριάδες εἰς μίαν ἠθροίσθησαν πόλιν, ἔλαθεν αὐτοὺς ὁ σῖτος ἐξαναλωθείς. [7] Λέγεται δὲ καὶ Δέξιππος ὁ Λακεδαιμόνιος πεντεκαίδεκα ταλάντοις διαφθαρῆναι· εὐθὺ γὰρ ἀπεκρίνατο πρὸς τοὺς τῶν ᾿Ιταλιωτῶν στρατηγούς, ὅτι συμφέρει τὸν πόλεμον ἐν ἄλλῳ συστήσασθαι τόπῳ· τὴν γὰρ τροφὴν ἐκλιπεῖν. Διόπερ οἱ στρατηγοὶ πρόφασιν ἐνέγκαντες ὡς διεληλύθασιν οἱ ταχθέντες τῆς στρατηγίας χρόνοι, τὰς δυνάμεις ἀπήγαγον ἐπὶ τὸν πορθμόν. [8] Μετὰ δὲ τὴν τούτων ἀπαλλαγὴν συνελθόντες οἱ στρατηγοὶ μετὰ τῶν ἐφ' ἡγεμονίας τεταγμένων διέγνωσαν ἐξετάσαι τὸν ἐν τῇ πόλει σῖτον· ὃν εὑρόντες παντελῶς ὀλίγον ἐθεώρουν ἀναγκαῖον ὑπάρχειν ἐκλιπεῖν τὴν πόλιν. Εὐθὺς οὖν ἐπιγινομένης τῆς νυκτὸς παρήγγειλαν ἀναζευγνύειν ἅπαντας.
89 Τοσούτου δὲ πλήθους ἀνδρῶν γυναικῶν παίδων ἐκλιπόντων τὴν πόλιν ἄφνω πολὺς οἶκτος καὶ δάκρυα κατεῖχε τὰς οἰκίας. μα γὰρ ὁ τῶν πολεμίων ἐξέπληττε φόβος, ἅμα δὲ διὰ τὴν σπουδὴν ἠναγκάζοντο καταλιπεῖν εἰς διαρπαγὴν τοῖς βαρβάροις ταῦτ' ἐφ' οἷς ἑαυτοὺς ἐμακάριζον· ἀφαιρουμένης γὰρ τῆς τύχης τὴν ἐξουσίαν τῶν οἴκοι καλῶν, ἀγαπητὸν ἡγοῦντο τὰ σώματα γοῦν αὑτῶν διασῶσαι. [2] Οὐ μόνον δὲ τῆς τοιαύτης πόλεως εὐδαιμονίαν παρῆν ὁρᾶν ἀπολειπομένην, ἀλλὰ καὶ σωμάτων πλῆθος. Οἱ μὲν γὰρ ἐν ἀρρωστίαις ὑπὸ τῶν οἰκείων περιεωρῶντο, τῆς καθ' ἑαυτὸν σωτηρίας ἑκάστου φροντίζοντος, οἱ δὲ ταῖς ἡλικίαις ἤδη προβεβηκότες ὑπὸ τῆς τοῦ γήρως ἀσθενείας κατελείποντο· πολλοὶ δὲ καὶ τὴν ἀλλαγὴν τῆς πατρίδος θανάτου τιμώμενοι τὰς χεῖρας ἑαυτοῖς προσήνεγκαν, ὅπως ταῖς πατρῴαις οἰκίαις ἐναποπνεύσωσιν. [3] Οὐ μὴν ἀλλὰ τὸ μὲν ἐκ τῆς πόλεως ἐξιὸν πλῆθος οἱ στρατιῶται μετὰ τῶν ὅπλων παρέπεμπον εἰς τὴν Γέλαν· ἡ δ' ὁδὸς καὶ πάντα τὰ πρὸς τὴν Γελῴαν ἀποκεκλιμένα τῆς χώρας μέρη ἔγεμε γυναικῶν καὶ παίδων ἀναμὶξ παρθένοις, αἳ τὴν συνήθη τρυφὴν εἰς ὁδοιπορίαν σύντονον καὶ κακοπάθειαν ὑπεράγουσαν μεταβαλλόμεναι διεκαρτέρουν, τοῦ φόβου τὰς ψυχὰς ἐντείνοντος. [4] Οὗτοι μὲν οὖν ἀσφαλῶς διασωθέντες εἰς Γέλαν ὕστερον εἰς Λεοντίνους κατῴκησαν, Συρακοσίων αὐτοῖς δόντων τὴν πόλιν ταύτην οἰκητήριον.
90 δ' ᾿Ιμίλκας ἅμα τῷ φωτὶ τὴν δύναμιν ἐντὸς τῶν τειχῶν παρεισαγαγὼν σχεδὸν ἅπαντας τοὺς ἐγκαταλειφθέντας ἀνεῖλεν· ὅτε δὴ καὶ τοὺς ἐν τοῖς ναοῖς καταπεφευγότας ἀποσπῶντες οἱ Καρχηδόνιοι ἀνῄρουν. [2] Λέγεται δὲ τὸν Τελλίαν τὸν πρωτεύοντα τῶν πολιτῶν πλούτῳ καὶ καλοκἀγαθίᾳ συνατυχῆσαι τῇ πατρίδι, βουληθέντα καταφυγεῖν σύν τισιν ἑτέροις εἰς τὸ τῆς ᾿Αθηνᾶς ἱερόν, νομίζοντα τῆς εἰς θεοὺς παρανομίας ἀφέξεσθαι τοὺς Καρχηδονίους· θεωροῦντα δὲ αὐτῶν τὴν ἀσέβειαν, ἐμπρῆσαι τὸν νεὼν καὶ μετὰ τῶν ἐν τούτῳ ἀναθημάτων ἑαυτὸν συγκατακαῦσαι. Μιᾷ γὰρ πράξει διελάμβανεν ἀφελέσθαι θεῶν ἀσέβειαν, πολεμίων ἁρπαγὰς πολλῶν χρημάτων, μέγιστον ἑαυτοῦ τὴν εἰς τὸ σῶμα ἐσομένην ὕβριν. [3] δὲ ᾿Ιμίλκας τὰ ἱερὰ καὶ τὰς οἰκίας συλήσας καὶ φιλοτίμως ἐρευνήσας, τοσαύτην ὠφέλειαν συνήθροισεν ὅσην εἰκός ἐστιν ἐσχηκέναι πόλιν οἰκουμένην ὑπὸ ἀνδρῶν εἴκοσι μυριάδων, ἀπόρθητον δὲ ἀπὸ τῆς κτίσεως γεγενημένην, πλουσιωτάτην δὲ σχεδὸν τῶν τότε ῾Ελληνίδων πόλεων γεγενημένην, καὶ ταῦτα τῶν ἐν αὐτῇ φιλοκαλησάντων εἰς παντοίων κατασκευασμάτων πολυτέλειαν· [4] καὶ γὰρ γραφαὶ παμπληθεῖς ηὑρέθησαν εἰς ἄκρον ἐκπεπονημέναι καὶ παντοίων ἀνδριάντων φιλοτέχνως δεδημιουργημένων ὑπεράγων ἀριθμός. Τὰ μὲν οὖν πολυτελέστατα τῶν ἔργων ἀπέστειλεν εἰς Καρχηδόνα, ἐν οἷς καὶ τὸν Φαλάριδος συνέβη κομισθῆναι ταῦρον, τὴν δ' ἄλλην ὠφέλειαν ἐλαφυροπώλησεν. [5] Τοῦτον δὲ τὸν ταῦρον ὁ Τίμαιος ἐν ταῖς ἱστορίαις διαβεβαιωσάμενος μὴ γεγονέναι τὸ σύνολον, ὑπ' αὐτῆς τῆς τύχης ἠλέγχθη· Σκιπίων γὰρ ὕστερον ταύτης τῆς ἁλώσεως σχεδὸν ἑξήκοντα καὶ διακοσίοις ἔτεσιν ἐκπορθήσας Καρχηδόνα τοῖς ᾿Ακραγαντίνοις μετὰ τῶν ἄλλων τῶν διαμεινάντων παρὰ τοῖς Καρχηδονίοις ἀποκατέστησε τὸν ταῦρον, ὃς καὶ τῶνδε τῶν ἱστοριῶν γραφομένων ἦν ἐν ᾿Ακράγαντι. [6] Περὶ δὲ τούτου φιλοτιμότερον εἰπεῖν προήχθην, διότι Τίμαιος ὁ τῶν πρό γε αὐτοῦ συγγραφέων πικρότατα κατηγορήσας καὶ συγγνώμην οὐδεμίαν τοῖς ἱστοριογράφοις ἀπολιπὼν αὐτὸς εὑρίσκεται σχεδιάζων, ἐν οἷς μάλιστα ἑαυτὸν ἀποπέφαγκεν ἀκριβολογούμενον. [7] Δεῖ γάρ, οἶμαι, τοὺς συγγραφεῖς ἐν μὲν τοῖς ἀγνοήμασι τυγχάνειν συγγνώμης, ὡς ἂν ἀνθρώπους ὄντας καὶ τῆς ἐν τοῖς παροιχομένοις χρόνοις ἀληθείας οὔσης δυσευρέτου, τοὺς μέντοι γε κατὰ προαίρεσιν οὐ τυγχάνοντας τοῦ ἀκριβοῦς προσηκόντως κατηγορίας τυγχάνειν, ὅταν κολακεύοντές τινας ἢ δι' ἔχθραν πικρότερον προσβάλλοντες ἀποσφάλλωνται τῆς ἀληθείας.
91 ᾿Ιμίλκας δὲ ὀκτὼ μῆνας πολιορκήσας τὴν πόλιν, καὶ μικρὸν πρὸ τῆς χειμερινῆς τροπῆς κυριεύσας αὐτῆς, οὐκ εὐθὺς κατέσκαψεν, ὅπως αἱ δυνάμεις ἐν ταῖς οἰκίαις παραχειμάσωσιν. Τῆς δὲ περὶ τὸν ᾿Ακράγαντα συμφορᾶς διαγγελθείσης, τοσοῦτος τὴν νῆσον κατέσχε φόβος, ὥστε τῶν Σικελιωτῶν τοὺς μὲν εἰς Συρακούσας μεθίστασθαι, τοὺς δὲ εἰς τὴν ᾿Ιταλίαν τέκνα καὶ γυναῖκας καὶ τὴν ἄλλην κτῆσιν ἀποσκευάζεσθαι. [2] Οἱ δὲ διαφυγόντες τὴν αἰχμαλωσίαν ᾿Ακραγαντῖνοι παραγενηθέντες εἰς Συρακούσας κατηγόρουν τῶν στρατηγῶν, φάσκοντες διὰ τὴν ἐκείνων προδοσίαν ἀπολωλέναι τὴν πατρίδα. Συνέβαινε δὲ καὶ ὑπὸ τῶν ἄλλων Σικελιωτῶν ἐπιτιμήσεως τυγχάνειν τοὺς Συρακοσίους, ὅτι τοιούτους προστάτας αἱροῦνται, δι' οὓς ἀπολέσθαι κινδυνεύει πᾶσα Σικελία. [3] Οὐ μὴν ἀλλὰ συναχθείσης ἐκκλησίας ἐν Συρακούσαις, καὶ μεγάλων φόβων ἐπικρεμαμένων, οὐθεὶς ἐτόλμα περὶ τοῦ πολέμου συμβουλεύειν. πορουμένων δὲ πάντων παρελθὼν Διονύσιος ὁ ῾Ερμοκράτους τῶν μὲν στρατηγῶν κατηγόρησεν ὡς προδιδόντων τὰ πράγματα τοῖς Καρχηδονίοις, τὰ δὲ πλήθη παρώξυνε πρὸς τὴν αὐτῶν τιμωρίαν, παρακαλῶν μὴ περιμεῖναι τὸν κατὰ τοὺς νόμους λῆρον, ἀλλ' ἐκ χειρὸς ἐπιθεῖναι τὴν δίκην. [4] Τῶν δ' ἀρχόντων ζημιούντων τὸν Διονύσιον κατὰ τοὺς νόμους ὡς θορυβοῦντα, Φίλιστος ὁ τὰς ἱστορίας ὕστερον συγγράψας, οὐσίαν ἔχων μεγάλην, ἐξέτισε τὰ πρόστιμα, καὶ τῷ Διονυσίῳ παρεκελεύετο λέγειν ὅσα προῄρητο. Καὶ προσεπειπόντος ὅτι καθ' ὅλην τὴν ἡμέραν, ἂν ζημιοῦν θέλωσιν, ἐκτίσει τἀργύριον ὑπὲρ αὐτοῦ, τὸ λοιπὸν θαρρήσας ἀνέσειε τὰ πλήθη, καὶ τὴν ἐκκλησίαν συνταράττων διέβαλλε τοὺς στρατηγούς, ὅτι χρήμασι πεισθέντες ἐγκατέλιπον τὴν τῶν ᾿Ακραγαντίνων σωτηρίαν. Συγκατηγόρησε δὲ καὶ τῶν ἄλλων τῶν ἐπισημοτάτων πολιτῶν, συνιστὰς αὐτοὺς οἰκείους ὄντας ὀλιγαρχίας. [5] Διόπερ συνεβούλευεν αἱρεῖσθαι στρατηγοὺς μὴ τοὺς δυνατωτάτους, ἀλλὰ τοὺς εὐνουστάτους καὶ δημοτικοὺς μᾶλλον· ἐκείνους μὲν γὰρ δεσποτικῶς ἄρχοντας τῶν πολιτῶν καταφρονεῖν τῶν πολλῶν, καὶ τὰς τῆς πατρίδος συμφορὰς ἰδίας ἡγεῖσθαι προσόδους, τοὺς δὲ ταπεινοτέρους οὐδὲν πράξειν τῶν τοιούτων, δεδιότας τὴν περὶ αὑτοὺς ἀσθένειαν.
92 Πάντα δὲ πρὸς τὴν τῶν ἀκουόντων προαίρεσιν καὶ τὴν ἰδίαν ἐπιβολὴν δημηγορήσας οὐ μετρίως ἐξῆρε τὸν τῶν ἐκκλησιαζόντων θυμόν· ὁ γὰρ δῆμος καὶ πάλαι μισῶν τοὺς στρατηγοὺς διὰ τὸ δοκεῖν κακῶς προΐστασθαι τοῦ πολέμου, τότε διὰ τῶν λόγων παροξυνθεὶς παραυτίκα τοὺς μὲν ἔλυσε τῆς ἀρχῆς, ἑτέρους δ' εἵλατο στρατηγούς, ἐν οἷς καὶ τὸν Διονύσιον, ὃς ἐν ταῖς πρὸς Καρχηδονίους μάχαις ἀνδρείᾳ δόξας διενηνοχέναι περίβλεπτος ἦν παρὰ τοῖς Συρακοσίοις. [2] Διὸ καὶ μετεωρισθεὶς ταῖς ἐλπίσι πᾶν ἐμηχανήσατο πρὸς τὸ γενέσθαι τῆς πατρίδος τύραννος. Μετὰ γὰρ τὴν παράληψιν τῆς ἀρχῆς οὔτε συνήδρευσεν ἅμα τοῖς στρατηγοῖς οὔθ' ὅλως συνῆν· ταῦτα δὲ πράττων διεδίδου λόγον ὡς διαπεμπομένων αὐτῶν πρὸς τοὺς πολεμίους. Οὕτω γὰρ μάλιστ' ἤλπιζεν ἐκείνων μὲν περιαιρήσεσθαι τὴν ἐξουσίαν, ἑαυτῷ δὲ μόνῳ περιστήσειν τὴν στρατηγίαν. [3] Ταῦτα δ' αὐτοῦ πράττοντος οἱ μὲν χαριέστατοι τῶν πολιτῶν ὑπώπτευον τὸ γινόμενον, καὶ κατὰ πάσας τὰς συνόδους ἐβλασφήμουν αὐτόν, ὁ δὲ δημοτικὸς ὄχλος, ἀγνοῶν τὴν ἐπιβουλήν, ἐπῄνει καὶ μόγις ἔφασκε τὴν πόλιν προστάτην εὑρηκέναι βέβαιον. [4] Οὐ μὴν ἀλλὰ πολλάκις ἐκκλησίας συναγομένης περὶ τῆς εἰς τὸν πόλεμον παρασκευῆς, θεωρήσας τοὺς Συρακοσίους καταπεπληγμένους τὸν ἀπὸ τῶν πολεμίων φόβον, συνεβούλευε κατάγειν τοὺς φυγάδας· [5] ἄτοπον γὰρ ὑπάρχειν ἐκ μὲν ᾿Ιταλίας καὶ Πελοποννήσου μεταπέμπεσθαι βοήθειαν παρὰ τῶν ἀλλοτρίων, τοὺς δὲ πολίτας μὴ βούλεσθαι πρὸς τοὺς ἰδίους κινδύνους συμπαραλαμβάνειν, οὕς - τῶν πολεμίων μεγάλας δωρεὰς ὑπισχνουμένων, ἂν συστρατεύωσιν - προαιρεῖσθαι μᾶλλον ἐπὶ ξένης ἀλωμένους ἀποθανεῖν ἤπερ ἀλλότριόν τι κατὰ τῆς πατρίδος βουλεύσασθαι. [6] Καὶ γὰρ διὰ τὰς γεγενημένας ἐν τῇ πόλει στάσεις φυγόντας, νῦν γε τυχόντας ταύτης τῆς εὐεργεσίας προθύμως ἀγωνιεῖσθαι, τοῖς εὖ ποιήσασιν ἀποδιδόντας χάριτας. Πρὸς δὲ τὴν ὑπόθεσιν ταύτην πολλὰ διαλεχθεὶς οἰκεῖα τοῖς πράγμασι συμψήφους ἔλαβε τοὺς Συρακοσίους· οὐδὲ γὰρ τῶν συναρχόντων οὐδεὶς ἐτόλμα περὶ τούτων ἀντειπεῖν διά τε τὴν τοῦ πλήθους ὁρμὴν καὶ διὰ τὸ θεωρεῖν ἑαυτῷ μὲν περιεσομένην τὴν ἀπέχθειαν, ἐκείνῳ δὲ τὴν παρὰ τῶν εὐεργετηθέντων χάριν. [7] Τοῦτο δ' ἔπραξεν ὁ Διονύσιος ἐλπίζων ἰδίους ἕξειν τοὺς φυγάδας, ἀνθρώπους μεταβολῆς ἐπιθυμοῦντας καὶ πρὸς τὴν ἐπίθεσιν τῆς τυραννίδος εὐθέτως διακειμένους· ἤμελλον γὰρ ἡδέως ὄψεσθαι τῶν ἐχθρῶν φόνους, δημεύσεις τῶν οὐσιῶν, ἑαυτοῖς ἀποκαθεσταμένα τὰ χρήματα. Καὶ τέλος κυρωθείσης τῆς περὶ τῶν φυγάδων γνώμης, οὗτοι μὲν εὐθὺς εἰς τὴν πατρίδα κατῆλθον·
93 κ δὲ τῆς Γέλας ἐνεχθέντων γραμμάτων, ὅπως ἀποσταλῶσι στρατιῶται πλείους, ἔλαβεν ὁ Διονύσιος οἰκείαν ἔφοδον τῆς ἰδίας προαιρέσεως. ποσταλεὶς γὰρ μετὰ στρατιωτῶν πεζῶν μὲν δισχιλίων, ἱππέων δὲ τετρακοσίων, ἦλθε συντόμως εἰς τὴν πόλιν τῶν Γελῴων, ἣν τότε παρεφύλαττε Δέξιππος ὁ Λακεδαιμόνιος, κατασταθεὶς ὑπὸ Συρακοσίων. [2] δ' οὖν Διονύσιος καταλαβὼν τοὺς εὐπορωτάτους στασιάζοντας πρὸς τὸν δῆμον, καὶ κατηγορήσας αὐτῶν ἐν ἐκκλησίᾳ καὶ κατακρίνας, αὐτοὺς μὲν ἀπέκτεινε, τὰς δ' οὐσίας αὐτῶν ἐδήμευσεν, ἐκ δὲ τῶν χρημάτων τούτων τοῖς μὲν φρουροῦσι τὴν πόλιν, ὧν ἡγεῖτο Δέξιππος, ἀπέδωκε τοὺς ὀφειλομένους μισθούς· τοῖς δὲ μετ' αὐτοῦ παραγεγονόσιν ἐκ Συρακουσῶν ἐπηγγείλατο διπλοῦς ποιήσειν τοὺς μισθούς, ὧν ἡ πόλις ἔταξε. [3] Διὰ δὲ τούτου τοῦ τρόπου τούς τ' ἐν Γέλᾳ στρατιώτας καὶ τοὺς μετ' αὐτοῦ ταῖς εὐνοίαις ἰδίους κατεσκεύασεν. ἐπῃνεῖτο δὲ καὶ ὑπὸ τοῦ δήμου τῶν Γελῴων ὡς αἴτιος αὐτοῖς γεγενημένος τῆς ἐλευθερίας· τοῖς γὰρ δυνατωτάτοις φθονοῦντες τὴν ἐκείνων ὑπεροχὴν δεσποτείαν αὐτῶν ἀπεκάλουν. [4] Διόπερ ἐξέπεμψαν πρέσβεις τοὺς ἐπαινοῦντας ἐν Συρακούσαις καὶ τὰ ψηφίσματα φέροντας, ἐν οἷς αὐτὸν μεγάλαις δωρεαῖς ἐτίμησαν. δὲ Διονύσιος ἐπεβάλετο μὲν τὸν Δέξιππον πείθειν κοινωνῆσαι τῆς ἐπιβολῆς· ἐπεὶ δ' οὐ συγκατετίθετο, μετὰ τῶν ἰδίων στρατιωτῶν ἕτοιμος ἦν ἀνακάμπτειν εἰς Συρακούσας. [5] Οἱ δὲ Γελῷοι πυνθανόμενοι τοὺς Καρχηδονίους μέλλειν μετὰ πάσης τῆς δυνάμεως ἐπὶ πρώτην στρατεύειν τὴν Γέλαν, ἐδέοντο τοῦ Διονυσίου μεῖναι καὶ μὴ περιιδεῖν αὐτοὺς τὰ αὐτὰ τοῖς ᾿Ακραγαντίνοις παθόντας. Οἷς ἐπαγγειλάμενος ὁ Διονύσιος συντόμως ἥξειν μετὰ πλείονος δυνάμεως, ἐξώρμησεν ἐκ τῆς Γέλας μετὰ τῶν ἰδίων στρατιωτῶν.
94 Θέας δ' οὔσης ἐν ταῖς Συρακούσαις, κατὰ τὴν ὥραν τῆς ἀπαλλαγῆς τῶν ἐκ τοῦ θεάτρου παρῆν εἰς τὴν πόλιν. Συνδραμόντων δὲ τῶν ὄχλων ἐπ' αὐτὸν καὶ πυνθανομένων περὶ τῶν Καρχηδονίων, ἀγνοεῖν αὐτοὺς ἔφη, διότι τῶν ἔξωθεν πολεμιωτέρους ἔχουσι τοὺς ἔνδον τῶν κοινῶν προεστῶτας, οἷς οἱ μὲν πολῖται πιστεύοντες ἑορτάζουσιν, αὐτοὶ δὲ διαφοροῦντες τὰ δημόσια τοὺς στρατιώτας ἀμίσθους πεποιήκασι, καὶ τῶν πολεμίων ἀνυπερβλήτους ποιουμένων τὰς εἰς τὸν πόλεμον παρασκευὰς καὶ μελλόντων ἐπὶ Συρακούσας τὴν δύναμιν ἄγειν, τούτων οὐδ' ἡντινοῦν ποιοῦνται φροντίδα. [2] Δι' ἣν δ' αἰτίαν ταῦτα πράττουσιν, εἰδέναι μὲν καὶ πρότερον, νῦν δὲ σαφέστερον ἀνεγνωκέναι· ᾿Ιμίλκωνα γὰρ πρὸς αὐτὸν ἀπεσταλκέναι κήρυκα, πρόφασιν μὲν ὑπὲρ τῶν αἰχμαλώτων, παρακαλεῖν δὲ - πλῆθος τῶν συναρχόντων περιποιησάμενον μηδὲν τῶν πραττομένων πολυπραγμονεῖν - μή γ' ἀντιπράττειν, ἐπειδὴ συνεργεῖν οὐ προαιρεῖται. [3] Μηκέτ' οὖν βούλεσθαι στρατηγεῖν, ἀλλὰ παρεῖναι τὴν ἀρχὴν ἀποθησόμενος· οὐ γὰρ ἀνεκτὸν εἶναι, τῶν ἄλλων πωλούντων τὴν πατρίδα, μόνον κινδυνεύειν μετὰ τῶν πολιτῶν ἅμα καὶ δόξειν μετεσχηκέναι τῆς προδοσίας. [4] Μαροξυνθέντων δὲ ἐπὶ τοῖς ῥηθεῖσι καὶ τοῦ λόγου διὰ πάσης τῆς δυνάμεως ῥυέντος, τότε μὲν εἷς ἕκαστος ἀγωνιῶν εἰς οἶκον ἐχωρίσθη· τῇ δ' ὑστεραίᾳ συναχθείσης ἐκκλησίας, ἐν ᾗ τῶν ἀρχόντων πολλὰ κατηγορήσας οὐ μετρίως εὐδοκίμησε, τὸν δὲ δῆμον κατὰ τῶν στρατηγῶν παρώξυνε. [5] Τέλος δὲ τῶν καθημένων τινὲς ἀνεβόησαν στρατηγὸν αὐτὸν αὐτοκράτορα καθιστάναι καὶ μὴ περιμένειν, ἄχρις ἂν οἱ πολέμιοι τοῖς τείχεσιν ἐπεισίωσι· χρείαν γὰρ ἔχειν τὸ μέγεθος τοῦ πολέμου τοιούτου στρατηγοῦ, δι' οὗ δυνατὸν εἶναι εὐπορεῖν τοῖς πράγμασιν· τὰ δὲ περὶ τῶν προδοτῶν ἐν ἐκκλησίᾳ ἑτέρᾳ βουλεύεσθαι· τῶν γὰρ ἐνεστώτων καιρῶν ἀλλότριον εἶναι· καὶ πρότερον δὲ Καρχηδονίων τὰς τριάκοντα μυριάδας περὶ τὴν ῾Ιμέραν νενικῆσθαι στρατηγοῦντος Γέλωνος αὐτοκράτορος.
95 Ταχὺ δὲ τῶν πολλῶν, ὥσπερ εἰώθασιν, ἐπὶ τὸ χεῖρον ῥεπόντων, ὁ Διονύσιος ἀπεδείχθη στρατηγὸς αὐτοκράτωρ. πεὶ δ' οὖν αὐτῷ τὰ πράγματα κατὰ νοῦν ἠκολούθει, ψήφισμα ἔγραψε τοὺς μισθοὺς διπλασίους εἶναι· πάντας γὰρ ἔφησε τούτου γενομένου προθυμοτέρους ἔσεσθαι πρὸς τὸν ἀγῶνα, καὶ περὶ τῶν χρημάτων παρεκάλει μηθὲν ἀγωνιᾶν· ἔσεσθαι γὰρ αὐτῶν τὸν πόρον ῥᾴδιον.
[2] Διαλυθείσης δὲ τῆς ἐκκλησίας οὐκ ὀλίγοι τῶν Συρακοσίων κατηγόρουν τῶν πραχθέντων, ὥσπερ οὐκ αὐτοὶ ταῦτα κεκυρωκότες· τοῖς γὰρ λογισμοῖς εἰς ἑαυτοὺς ἐρχόμενοι τὴν ἐσομένην δυναστείαν ἀνεθεώρουν. Οὗτοι μὲν οὖν βεβαιῶσαι βουλόμενοι τὴν ἐλευθερίαν ἔλαθον ἑαυτοὺς δεσπότην τῆς πατρίδος καθεστακότες· [3] ὁ δὲ Διονύσιος τὴν μετάνοιαν τῶν ὄχλων φθάσαι βουλόμενος, ἐπεζήτει δι' οὗ τρόπου δύναιτο φύλακας αἰτήσασθαι τοῦ σώματος· τούτου γὰρ συγχωρηθέντος ῥᾳδίως ἤμελλε κυριεύσειν τῆς τυραννίδος. Εὐθὺς οὖν παρήγγειλε τοὺς ἐν ἡλικίᾳ πάντας ἕως ἐτῶν τεσσαράκοντα λαβόντας ἐπισιτισμὸν ἡμερῶν τριάκοντα καταντᾶν μετὰ τῶν ὅπλων εἰς Λεοντίνους. Αὕτη δ' ἡ πόλις τότε φρούριον ἦν τῶν Συρακοσίων, πλῆρες ὑπάρχον φυγάδων καὶ ξένων ἀνθρώπων. λπιζε γὰρ τούτους συναγωνιστὰς ἕξειν, ἐπιθυμοῦντας μεταβολῆς, τῶν δὲ Συρακοσίων τοὺς πλείστους οὐδ' ἥξειν εἰς Λεοντίνους. [4] Οὐ μὴν ἀλλὰ νυκτὸς ἐπὶ τῆς χώρας στρατοπεδεύων, καὶ προσποιηθεὶς ἐπιβουλεύεσθαι, κραυγὴν ἐποίησε καὶ θόρυβον διὰ τῶν ἰδίων οἰκετῶν· τοῦτο δὲ πράξας συνέφυγεν εἰς τὴν ἀκρόπολιν, καὶ διενυκτέρευσε πυρὰ καίων καὶ τοὺς γνωριμωτάτους τῶν στρατιωτῶν μεταπεμπόμενος. [5] μα δ' ἡμέρᾳ τοῦ πλήθους ἀθροισθέντος εἰς Λεοντίνους, πολλὰ πρὸς τὴν τῆς ἐπιβολῆς ὑπόθεσιν πιθανολογήσας ἔπεισε τοὺς ὄχλους δοῦναι φύλακας αὐτῷ τῶν στρατιωτῶν ἑξακοσίους, οὓς ἂν προαιρῆται. Λέγεται δὲ τοῦτο πρᾶξαι τὸν Διονύσιον ἀπομιμούμενον Πεισίστρατον τὸν ᾿Αθηναῖον· [6] καὶ γὰρ ἐκεῖνόν φασιν ἑαυτὸν κατατραυματίσαντα προελθεῖν εἰς τὴν ἐκκλησίαν ὡς ἐπιβεβουλευμένον, καὶ διὰ τοῦτο φυλακὴν λαβεῖν παρὰ τῶν πολιτῶν, ᾗ χρησάμενον τὴν τυραννίδα περιπεποιῆσθαι. Καὶ τότε Διονύσιος τῇ παραπλησίᾳ μηχανῇ τὸ πλῆθος ἐξαπατήσας ἐνήργει τὰ τῆς τυραννίδος.
96 Εὐθὺ γὰρ τοὺς χρημάτων μὲν ἐνδεεῖς, τῇ δὲ ψυχῇ θρασεῖς ἐπιλέξας, ὑπὲρ τοὺς χιλίους, ὅπλοις τε πολυτελέσι καθώπλισε καὶ ταῖς μεγίσταις ἐπαγγελίαις ἐμετεώρισε, τοὺς δὲ μισθοφόρους ἀνακαλούμενος καὶ φιλανθρώποις λόγοις χρώμενος ἰδίους κατεσκεύαζεν. μετετίθει δὲ καὶ τὰς τάξεις, τοῖς πιστοτάτοις τὰς ἡγεμονίας παραδιδούς, καὶ Δέξιππον τὸν Λακεδαιμόνιον ἀπέλυσεν εἰς τὴν ῾Ελλάδα· ὑφεωρᾶτο γὰρ τὸν ἄνδρα τοῦτον, μὴ καιροῦ λαμβανόμενος ἀνακτήσηται τοῖς Συρακοσίοις τὴν ἐλευθερίαν. [2] Μετεπέμψατο δὲ καὶ τοὺς ἐν Γέλᾳ μισθοφόρους, καὶ πανταχόθεν συνῆγε τοὺς φυγάδας καὶ ἀσεβεῖς, ἐλπίζων διὰ τούτων βεβαιότατα τηρηθήσεσθαι τὴν τυραννίδα. Οὐ μὴν ἀλλὰ παραγενόμενος εἰς Συρακούσας κατεσκήνωσεν ἐν τῷ ναυστάθμῳ, φανερῶς αὑτὸν ἀναδείξας τύραννον. Οἱ δὲ Συρακόσιοι βαρέως φέροντες ἠναγκάζοντο τὴν ἡσυχίαν ἔχειν· οὐδὲν γὰρ ἔτι περαίνειν ἠδύναντο· ἥ τε γὰρ πόλις ἔγεμεν ὅπλων ξενικῶν, τούς τε Καρχηδονίους ἐδεδοίκεισαν τηλικαύτας ἔχοντας δυνάμεις. [3] δ' οὖν Διονύσιος εὐθέως ἔγημε τὴν ῾Ερμοκράτους θυγατέρα τοῦ καταπολεμήσαντος ᾿Αθηναίους, καὶ τὴν ἀδελφὴν ἔδωκε Πολυξένῳ τῆς ῾Ερμοκράτους γυναικὸς ἀδελφῷ· τοῦτο δ' ἔπραξε βουλόμενος οἰκίαν ἐπίσημον εἰς οἰκειότητα προσλαβέσθαι πρὸς τὸ τὴν τυραννίδα ποιῆσαι βεβαίαν. Μετὰ δὲ ταῦτα συναγαγὼν ἐκκλησίαν τῶν ἀντιπραξάντων αὐτῷ τοὺς δυνατωτάτους ὄντας, Δαφναῖον καὶ Δήμαρχον, ἀνεῖλεν. [4] Διονύσιος μὲν οὖν ἐκ γραμματέως καὶ τοῦ τυχόντος ἰδιώτου τῆς μεγίστης πόλεως τῶν ῾Ελληνίδων ἐγενήθη τύραννος· διετήρησε δὲ τὴν δυναστείαν ἄχρι τῆς τελευτῆς, τυραννήσας ἔτη δύο λείποντα τῶν τεσσαράκοντα. Τὰς δὲ κατὰ μέρος αὐτοῦ πράξεις καὶ τὴν αὔξησιν τῆς ἀρχῆς ἐν τοῖς οἰκείοις χρόνοις διέξιμεν· δοκεῖ γὰρ οὗτος μεγίστην τῶν ἱστορουμένων τυραννίδα περιπεποιῆσθαι δι' ἑαυτοῦ καὶ πολυχρονιωτάτην.
[5] Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι μετὰ τὴν ἅλωσιν τῆς πόλεως τὰ μὲν ἀναθήματα καὶ τοὺς ἀνδριάντας καὶ τἄλλα τὰ πολυτελέστατα μετήνεγκαν εἰς Καρχηδόνα, τὰ δ' ἱερὰ κατακαύσαντες καὶ τὴν πόλιν διαρπάσαντες αὐτοῦ παρεχείμασαν. πὶ δὲ τὴν ἐαρινὴν ὥραν παρεσκευάζοντο μηχανήματα καὶ βέλη παντοδαπά, διανοούμενοι πρώτην πολιορκῆσαι τὴν τῶν Γελῴων πόλιν.

XXIII.
Olym. 93. an 2. 407 ans avant l'ère chrét.

76 DANS la suivante Antigenès fut archonte d'Athènes et les Romains eurent pour consuls Manius Aemilius et C. Valérius. Conon général des Athéniens, ayant reçu de nouvelles troupes à Samos, fit radouber les vaisseaux qu'il avait là ; il en reçut d'autres de la part des alliés, et il fit toutes ses diligences pour rendre sa flotte égale à celle des ennemis. [2] Les Spartiates, de leur côté, envoyèrent Callicratidès prendre le commandement de leur armée navale à la place de Lysander qui avait fait son temps. Le nouveau général, encore à la fleur de son âge, était né bon, sans aucun vice de son naturel, et n'en ayant pris aucun par la communication avec les étrangers qu'il n'avait point fréquentés encore ; en un mot, il était le plus juste des Spartiates ; et dans tout le temps de son autorité, il ne donna jamais le moindre sujet de plainte, ni à sa patrie ni aux particuliers qu'il commandait. Il se montra extrêmement sévère à l'égard de ceux qui entreprirent de le corrompre par argent, et il les fit appeler en justice. [3] Partant de Lacédémone pour arriver à Éphèse, il prit des vaisseaux en différents ports ; auxquels joignant ceux qu'il reçut des mains de Lysander, il se vit une flotte de cent quarante voiles. Les Athéniens tenaient alors la citadelle de Delphinium dans l'île de Chio. Callicratidès y conduisit sa flotte entière dans le dessein d'en faire le siège. [4] La garnison Athénienne, qui ne montait qu'à 500 hommes, effrayée du grand nombre des ennemis, rendit la place et assura sa retraite par capitulation. Callicratidès fit raser aussitôt cette forteresse, et passant de là à Teos, il surprit cette ville pendant la nuit, et y étant entré sans obstacle, il la pilla : [5] il vint tout de suite Lesbos et campa devant Methymne, défendue par une garnison Athénienne. Il en battit quelque temps les murailles sans aucun succès : mais bientôt les mécontents lui en livrèrent l'entrée. Il en pilla toutes les richesses, mais il épargna les habitants et les laissa maîtres de leur ville. [6] Voulant aller à Mitylene, autre ville de Lesbos, il chargea le lacédémonien Thorax de conduire incessamment ses soldats par terre, pendant qu'il côtoyait les rivages avec sa flotte. 
77 D'un autre côté Conon, général d'Athénes, avait soixante et dix vaisseaux les mieux équipés en guerre, qu'aucun capitaine athénien en eut jamais rassemblés. Il était venu avec de si grandi préparatifs, dans le dessein de secourir Methymne. [2] Mais la trouvant prise, il vint mouiller à une de ces petites îles qui portent ensemble le nom de cent. Ayant découvert dès le lendemain toute la flotte des ennemis, qui surpassait la sienne du double, il ne crut pas qu'il y eut de la prudence à l'attaquer, du moins en cet endroit. Ainsi il fit force de voiles pour aller plus loin, et cependant il accrocha en passant quelques vaisseaux ennemis. Il comptait de risquer le combat avec plus d'avantage, à la hauteur de Mitylène par ce que s'il avait le dessus, il aurait plus d'espace pour poursuivre les vaincus et si au contraire il perdait la bataille, il trouverait une retraite dans le port. [3] Ayant donc fait rentrer dans sa flotte tous les soldats descendus aux cent îles, il fit ramer assez lentement pour donner lieu aux Spartiates de le joindre. Les Spartiates, au contraire, s'avançaient en diligence, dans l'espoir de se saisir de quelques vaisseaux à la queue de la flotte athénienne. [4] Conon prit alors de l'avance ; mais les vaisseaux lacédémoniens fournis de rameurs vigoureux, le poursuivirent avec tant d'efforts, qu'ils se lassèrent eux-mêmes et se trouvèrent très éloignés de leur flotte. Conon qui se vit fort près de Mitylene et qui s'aperçut de cet épuisement des rameurs et de cette séparation de la flotte ennemie, fit aussitôt élever l'étendard rouge c'était le signal convenu avec tous les capitaines de vaisseaux. [5] Les Athéniens se tournèrent au même moment contre leurs ennemis qui les touchaient. Il s'éleva un cri général dans leur flotte et toutes les trompettes sonnèrent la charge. Les Spartiates étonnés de ce premier choc, se hâterent de rejoindre leurs vaisseaux les moins avancés pour faire face tous ensemble l'ennemi. Mais comme la vivacité de l'attaque leur en laissait à peine le temps, ils se trouvaient dès le commencement du combat dans une espèce de désordre et ne pouvaient parvenir à se mettre en ligne avec leurs derniers vaisseaux. 
78 Conon profita habilement de cet avantage. Il serrait les vaisseaux de près ; il les empêchait de se joindre ; il heurtait les uns de façon à les entrouvrir et faisait tomber les rames des autres. Cependant aucun des vaisseaux opposés à Conon ne recula. Ils maintenaient à force de rames leur poupe à sa place, jusqu'à ce que leurs vaisseaux les plus éloignés fussent arrivés. [2] Mais l'aile gauche des Athéniens fit céder la partie à qui elle avait affaire, et l'ayant mise en fuite, elle la poursuivit longtemps. Cependant tous les vaisseaux lacédémoniens s'étant enfin réunis, Conon appréhenda leur grand nombre. Il s'abstint de poursuivre ceux qui fuyaient et se retira dans Mitylene avec quarante vaisseaux. [3] La flotte de Sparte s'étant aussi rassemblée, environna de toutes parts les vaisseaux d'Athènes, qui s'étaient séparés les uns des autres dans la poursuite de cette partie des ennemis, sur laquelle ils avaient eu de l'avantage. On leur ferma le retour dans Mitylene oit ils comptaient de rejoindre Conon et on les contraignit d'échouer sur la côte. L'équipage comprit alors qu'il n'avait plus d'autre ressource que de se jeter tous sur le rivage : ainsi abandonnant les bâtiments aux Spartiates, il se sauva par terre et à pied dans Mitylene. [4] Callicratidès en cette rencontre se trouva avoir fait une prise de trente vaisseaux dont la perte avait ruiné la flotte ennemie ; ainsi il songea à poursuivre sa victoire et il s'avança jusqu'à Mitylene pour l'assiéger. Conon s'attendait bien à ce siège, et il disposa d'abord toutes choses pour fermer l'entrée du port ; il fit remplir de grosses pierres un nombre de petites barques qu'on enfonça dans l'eau à l'entrée du bassin qui était étroit, et il fit remplit le milieu qui était profond et spacieux de vaisseaux de charge, pleins aussi de pierres énormes. [5] Les Athéniens et les citoyens de Mitylène furent encore aidés par un grand nombre des habitants de la campagne, qui vinrent d'eux-mêmes prendre part aux travaux du siège et à la défense de la ville. Callicratidès fit débarquer ses troupes sur le rivage le plus proche des murs, après en avoir fait l'enceinte, il éleva un trophée au sujet de la victoire qu'il avait remportée sur mer : le lendemain il choisit les meilleurs de ses vaisseaux et leur enjoignant de ne point s'écarter du sien, il entreprit d'entrer dans le port et de forcer la barrière que les ennemis y avaient posée. [6] Conon, dont la flotte était demeurée à la rade, mit sur les galères une partie de ses gens auxquels il recommanda de présenter toujours la proue aux ennemis, et il fit monter les autres sur de plus grands vaisseaux : il en fit placer quelques-uns précisément à l'entrée du port, qui par ce moyen demeurait fermé tant du côté de la terre, que du côté de la mer ; [7] et Conon lui-même occupant l'intervalle qui restait entre cette défense et la flotte ennemie, appelait celle-ci au combat : on jetait de dessus les ponts les plus élevés de grosses pierres sur les ennemis ; ceux qui étaient à l'entrée du bassin en interdisaient l'approche même. 
79 Cependant les soldats du Péloponnèse ne marquaient pas moins d'ardeur que leurs adversaires; car les vaisseaux se joignant par les flancs, leurs plus braves soldats montaient sur les ponts et le combat naval ressemblait à un combat de terre : ils passaient même sur les vaisseaux athéniens animés par l'avantage qu'ils avaient déjà remporté sur eux. 
[2] Les soldats tant d'Athènes que de Mitylène, persuadés que leur salut et leur vie dépendait uniquement de la victoire, consentaient plutôt à se faire tuer qu'à abandonner leur rang. Cet émulation réciproque des deux côtés rendit le combat long et terrible, et l'on s'abandonnait au péril de part et d'autre : [3] les uns couverts des traits demeuraient morts sur les ponts et les autres encore vivants tombaient dans la mer. Le feu de l'action les empêchant de sentir qu'ils étaient blessés, ils combattaient encore. Mais un grand nombre de Spartiates était renversé par les pierres de tailles aiguisées en pointe que les Athéniens faisaient pleuvoir sur eux d'un poste avantageux pour cet effet. [4] Cependant comme la durée du combat devenait excessive et qu'il y avait déjà un nombre prodigieux d'hommes tués de part et d'autre, Callicratidès fit sonner la re traite pour donner quelque repos à ses soldats. [5] Mais les ayant fait remonter peu de temps après sur leurs vaisseaux, leur vigueur et leur nombre fit enfin reculer les Athéniens, qu'ils poursuivirent jusques dans le port de la ville, auprès duquel le général lacédémonien, malgré tous les obstacles qu'il rencontra, vint à bout de jeter l'ancre ; [6] car le combat s'était donné devant le grand port plus beau que l'autre, mais qui n'appartient pas proprement à Mitylène, c'était celui de l'ancienne ville située dans une petite île séparée, vis-à-vis de laquelle on a bâti la nouvelle ville dans Lesbos même. Or entre la grande île et la petite il y a un détroit ou un Euripe où l'eau est prodigieusement agitée, et qui est de ce côté-là une défense considérable de la ville. [7] Cependant Callicratidès mit des troupes à terre en cet endroit même, pour environner Mitylene de toutes parts ; c'est là qu'en était alors ce siège.
XXIV. [8] DANS la Sicile, ceux de Syracuse envoyèrent une ambassade à Carthage pour se plaindre de la guerre qu'on leur était venu faire et pour inviter les Carthaginois à cesser leurs hostilités. Les Carthaginois ne donnèrent que des réponses ambiguës; et cependant ils faisaient de grandes levées de soldats par toute l'Afrique dans le dessein d'assujettir toutes les villes de la Sicile. Mais avant que de conduire une armée à cette expédition, ils choisirent quelques-uns de leurs citoyens, suivis d'un certain nombre de volontaires de leur pays, pour aller bâtir auprès des Bains chauds de la Sicile, une ville à laquelle ils donnèrent, à cause de ce voisinage le nom de Thermes.

Olympiade 93, an 3. 406 ans avant l'ère chrét.

80 Au commencement de l'année suivante Callias fut archonte d'Athènes et l'on créa consuls à Rome L. Furius et Cn. Pompeius. En cette année les Carthaginois enflés des succès qu'ils avaient déjà eus dans la Sicile, conçurent le dessein de se rendre maîtres de l'île entière : ils assemblèrent à ce dessein de grandes forces, à la tête desquelles ils mirent Hannibal, ce même capitaine qui avait détruit les villes de Selinunte et d'Himère. Ils lui confièrent un plein pouvoir dans tout ce qui concernait cette guerre ; [2] mais comme il était déjà sur l'âge et qu'il refusait même cette commission, on lui donna pour lieutenant Himilcar, fils d'Hannon, qui était de la même famille que lui. Ces deux généraux, après avoir proposé la chose dans le Sénat, envoyèrent des Carthaginois des plus distingués et fournis de gros ses sommes d'argent, les uns en Espagne, et les autres dans les îles Baléares, pour y enrôler le plus de soldats qu'ils leur serait possible : [3] et eux-mêmes firent de grandes levées de troupes dans la Lybie, dans le pays propre des Carthaginois et dans Carthage même. Ils en envoyèrent chercher aussi chez leurs alliés, tels qu'étaient les rois de Mauritanie et de Numidie, et dans les provinces voisines de la ville de Cyrène ; [4] ils passèrent même en Italie, où ils engagèrent beaucoup d'habitants de la Campanie, qu'ils amenèrent avec eux dans l'Afrique. Ils savaient de quelle utilité leur pouvaient être les soldats de ce pays-là, et ils ne comptaient plus sur ceux qu'ils avaient laissés en Sicile, et qui mécontents des Carthaginois avaient pris parti dans les troupes siciliennes. [5] Quand toutes ces troupes se furent rendues à Carthage, elles se trouvèrent monter, en comptant la cavalerie, au nombre de six vingt mille hommes, suivant le calcul de Timée, ou même de trois cents mille, au rapport d'Éphore. Les Carthaginois se disposant au départ, firent radouber tous leurs vaisseaux de guerre et préparèrent jusqu'à mille vaisseaux de charge. [6] Ils envoyèrent d'avance quarante galères dans la Sicile. Les Syracusains se hâtèrent de se montrer auprès du mont Erix, avec une flotte à peu près égale à celle de leurs ennemis. Carthage perdit en cette première attaque quinze vaisseaux et tout le reste prit le large en mer à la faveur de la nuit. [7] Dès que la nouvelle de cet échec fut arrivée à Carthage, Hannibal se mit en mer avec cinquante vaisseaux, pour assurer son entreprise et ne pas laisser le temps à Syracuse de profiter de son avantage. 
81 Le bruit de l'approche de ce général s'étant répandu dans toute l'île, toutes les villes crurent qu'il amenait son armée entière. Là-dessus les habitants de l'île, qui avaient ouï parler de ces grands préparatifs, voyant bien qu'il s'agissait de la fortune totale de la Sicile... tombèrent dans de grandes inquiétudes. [2] Ceux de Syracuse envoyèrent aussitôt des députés aux Grecs de l'Italie et aux Lacédémoniens, pour les prier de se joindre à eux dans cette guerre. Ils firent la même chose à l'égard de ceux qui avaient le plus d'autorité dans les villes siciliennes, et leur représentèrent qu'il s'agissait du salut public et de la liberté générale de leur patrie. [3] Les citoyens d'Agrigente en voyant former cet orage, conçurent bien qu'ils étaient les premiers sur lesquels ils viendrait fondre. Ainsi ils commencèrent à se fournir de blés et de toute autre sorte de provisions et à retirer dans leur ville tous les fruits de la campagne qui pouvaient y être transportés. [4] La Ville d'Agrigente et son territoire était alors une des plus heureuses habitations qu'il y eut au monde, et il me paraît convenable d'en faire ici quelque détail. Les vignes y étaient d'une beauté et d'une hauteur extraordinaire ; mais la plus grande partie du pays était couverte d'oliviers, qui donnaient une quantité prodigieuse d'olives, qu'on portait vendre à Carthage [5] car en ce temps-là il y avait peu de plantations dans la Libye ; de sorte que les Siciliens tiraient des richesses considérables de Carthage par le commerce de leurs fruits. C'est là ce qui avait donné lieu à ces monuments superbes, dont je ne ferai ici qu'une légère description. 
82 La construction des temples des Agrigentins, et particulièrement de celui de Jupiter, fait sentir qu'elle était la magnificence des hommes de ce temps-là. La plupart des autres temples ont été brûlés ou rasés dans les prises fréquentes de cette ville et les mêmes guerres renouvelées jusqu'à sa destruction entière, ont toujours empêché qu'on n'ait mit le comble à celui de Jupiter. [2] Ce Temple a 340 pieds de longs, 60 pieds de large et 120 pieds de haut, jusqu'à la naissance de la voûte : il est le plus grand de tous les temples de la Sicile et on peut le comparer de ce côté là avec les plus beaux qui se trouvent partout ailleurs; car bien qu'il n'ait jamais été achevé, le dessein en paraît tout entier. [3] Mais au lieu que les autres temples se soutiennent seulement ou sur des murs, ou sur des colonnes, on a employé dans celui-ci ces deux pratiques d'architecture jointes ensemble ; car d'espace en espace on a placé dans les murs des piliers qui s'avancent en dehors en forme de colonnes arrondies, et en dedans en forme de pilastres taillés carrément. En dehors les colonnes ont vingt pieds de tour et comme elles sont cannelées, un homme pourrait se placer dans une de ces cannelures : les pilastres du dedans ont 12 pieds de largeur : [4] les portes sont d'une beauté et d'une hauteur prodigieuse. Sur la face orientale on a représenté en sculpture un combat de Géants qui est admirable par la grandeur et par l'élégance des figures. Du côté de l'occident est la prise de Troie où l'on distingue tous les héros par la différence de leur habillement et de leurs armes. [5] Il y avait en ce temps-là hors de la ville un lac fait de main d'homme de sept stades de tour et de vingt coudées de profondeur; on avait eu soin de le fournir de toute sorte de poissons pour la magnificence des repas publics ; la surface de ses eaux était couverte de cygnes et d'autres oiseaux qui formaient un spectacle très amusant et très curieux. [6] Mais rien ne marque mieux le luxe des Agrigentains et leur goût pour le plaisir, que les tombeaux ou les monuments dressés par leur ordre, à des chevaux qui avaient gagné le prix de la course, ou même à de petits oiseaux élevés dans les maisons particulières par de jeunes garçons ou de jeunes filles. Timèe assure qu'il avait vu plusieurs de ces monuments qui subsistaient encore de son temps. [7] Dans l'Olympiade qui précéda celle où nous sommes ici et qui était la 92e, Exaenete d'Agrigente étant demeuré vainqueur à la course du stade, fit à son retour son entrée dans sa ville sur un char, accompagné d'un grand nombre d'autres, entre lesquels il y en avait trois cents attelés chacun de deux chevaux blancs, tous Agrigentins. [8] On y élevait les enfants dans une propreté qui allait jusqu'à la mollesse : ils portaient des habits d'une finesse extraordinaire et garnis d'or ; leur toilette était chargée de boëtes et d'autres bijoux d'or et d'argent. 
83 Le plus riche des Agrigentins en ce temps-là était Gellias, qui avait chez lui plusieurs appartements pour des hôtes, et qui faisait tenir devant sa porte un certain nombre de domestiques, dont la commission était d'inviter tous les étrangers à venir loger chez lui. Plusieurs autres citoyens faisaient a peu près la même chose et recevaient leurs hôtes avec toute sorte de bienveillance et de franchise; c'est ce qui a fait dire au poète Empedocle parlant d'Agrigente ;
Pour tout Navigateur port heureux et fidèle.
[2] Il arriva un jour que cinq cents cavaliers de Gela, dans un temps d'hiver passèrent par Agrigente ; Gellias les reçut tous dans sa maison et fit présent à chacun d'eux d'une tunique et d'une robe qu'il trouva chez lui sur le champ. C'est Timée qui raconte ce fait dans son 15e livre. [3] Polyclite dans ses Histoires fait la description d'une cave qui était dans la maison de Gellias, comme d'une chose qu'il a vue lui-même, dans le temps qu'il portait les armes au service des Agrigentins : il dit qu'il y avait dans cette cave trois. cens tonnes, toutes creusées dans la même pierre et dont chacune contenait cent urnes. Il ajoute qu'au dessus de ces tonnes on voyait une espèce de réservoir d'une terre incrustée, et qui contenait mille de ces urnes, duquel on faisait couler le vin dans les tonnes. [4] Il dit enfin que Gellias, homme d'un caractère admirable, était d'ailleurs d'une figure très mince, jusques-là qu'ayant été envoyé en ambassade à la ville de Centoripine, son premier abord dans l'assemblée fit éclater de rire tous les assistants, très mal à propos à la vérité; mais ils ne comprenaient pas comment un homme d'une si haute réputation, pouvait avoir une mine si basse. Il leur fit payer cet affront, en disant que les Agrigentins envoyaient des hommes beaux et bien faits aux villes illustres de la Sicile ; mais que pour celles qui n'avaient aucune sorte de distinction, ils choisissaient des ambassadeurs semblables à elles. 
84 Au reste Gellias n'était pas le seul homme riche qu'il y eut dans Agrigente. Antisthene, surnommé le Rhodien, célébrant les noces de sa fille traita tous les citoyens par chaque rue, et faisait suivre la mariée par 800 chariots ; cet équipage fut même augmenté par un grand nombre de cavaliers des environs, tous invités, et qui lui faisaient cortège : [2] magnificence encore effacée par la quantité des feux qui furent allumés à cette occasion : il fit charger de bois les autels des dieux dans les temples et tous ceux que la dévotion populaire avait placés dans les rues et ayant fourni encore des bûches coupées et des sarments à tous les citoyens qui occupaient les boutiques, il leur recommanda de mettre le feu sur tous les autels de leur voisinage, dans l'instant qu'ils verraient allumer celui de la citadelle. [3] Cet ordre ayant été exécuté, la mariée se mit en marche, précédée d'une infinité de gens qui portaient des, flambeaux à la main de sorte que toute la ville fut en un instant remplie de lumière au milieu de la nuit ; et les rues ni les places ne pouvaient contenir la multitude de ceux qui avaient été attirés à ce spectacle par la magnificence de cet homme et par la faveur qu'on lui portait. Dans le temps dont nous parlons, le nombre des habitants naturels d'Agrigente était de plus de 20.000 personnes ; mais en y joignant les étrangers qui étaient venus s'y établir, on y pouvait compter deux cent mille âmes. [4] On dit de ce même Antisthène que voyant son fils qui persécutait un homme pauvre de ses voisins, pour l'obliger à lui vendre son champ, il l'en reprit d'abord, mais, comme la passion de son fils s'augmentait toujours pour cet accroissement de terrain, il lui dit qu'au lieu de chercher à rendre ce voisin plus pauvre, comme il croirait l'être en cédant son héritage, il devait chercher à le rendre plus riche parce qu'alors se trouvant trop serré dans le petit bien qui appartenait, il ne manquerait pas de le vendre pour se mettre ailleurs plus au large. [5] Au reste l'abondance de toutes choses avait jeté les Agrigentins dans un tel excès de mollesse, que pendant le siège fatal que nous allons raconter, il fallut faire une ordonnance par laquelle il était défendu à tout citoyen montant la garde à son tour dans la citadelle, d'avoir plus d'un matelas, d'une couverture, d'un chevet et de deux coussins. [6] Or on peut conclure de l'austérité qu'ils trouvaient à être renfermés alors dans ces bornes là, quel était leur genre de vie dans les temps heureux. Je n'ai pas cru devoir omettre ce détail ; mais je n'ai pas dessein non plus de le porter plus loin et je reviens à des choses plus considérables.
85 Les Carthaginois ayant débarqué leurs troupes dans la Sicile, s'attachèrent d'abord à la ville d'Agrigente et formèrent aussitôt deux camps ; l'un sur quelques hauteurs des environs, composé d'Espagnols et d'Africains au nombre de quarante mille hommes, et l'autre plus près de la ville. Ils environnèrent celui-ci d'un fossé profond garni d'une palissade : [2] ils firent avant toutes choses une députation aux Agrigentins, par laquelle ils les invitaient de faire avec eux une alliance d'armes, ou du moins de demeurer neutres, ajoutant qu'à cette condition les Carthaginois les regarderaient encore comme leurs amis. La ville ayant refusé ces deux partis, le siège commença. [3] Les Agrigentins mirent aussitôt sous les armes tous ceux qui étaient en âge de les porter : ils placèrent les uns sur les murailles et les autres en des postes de réserve, d'où ils devaient aller relever leurs camarades. Ils avaient alors parmi eux, au rapport de Timée, le Spartiate Dexippe, qui était venu fort à propos avec un secours de quinze cents hommes, qu'il amenait de Gela où il résidait et où il était extrêmement considéré à cause de sa patrie. [4] Les Agrigentins l'avaient prié de lever à leurs dépens le plus de troupes qu'il lui serait possible et de venir se mettre lui-même à leur tête. Ils étaient soutenus alors par huit cents Campaniens, qui avaient servi auparavant sous Imilcar. Ces derniers se campèrent sur une hauteur, qu'on appelait l'Athénée, très avantageusement située pour la défense de la ville. [5] Hannibal et Imilcar, généraux des Carthaginois, ayant bien observé les murailles, y découvrirent un endroit faible et par lequel il était aisé de se faire un passage ; ils y amenèrent deux tours de bois d'une hauteur prodigieuse : ils combattirent de là un jour entier et après avoir tué bien du monde aux assiégés, ils sonnèrent eux-mêmes la retraite; et les assiégés, dans une sortie qu'ils firent la nuit suivante, mirent le feu à ces machines énormes. 86 Hannibal se pressa de son côté d'attaquer la ville par plusieurs endroits à la fois : il mit tous ses soldats en oeuvre pour apporter les pierres de tous les tombeaux qui étaient autour d'Agrigente et pour en combler les fossés jusqu'aux pieds des murs : cet ouvrage fut bientôt achevé par le grand nombre de ceux qui y travaillaient. Au même moment une superstition jeta la frayeur dans l'âme des assiégeants. [2] Le tombeau de Théron, qui était d'une grandeur extraordinaire, fut ébranlé par un coup de tonnerre : on entreprit d'y faire des expiations, qui furent aussitôt arrêtées par les scrupules de quelques devins. Cependant la peste se glissa dans tout le camp ; plusieurs en moururent et un grand nombre d'autres furent attaqués de convulsions et d'autres maux terribles : [3] le général même Hannibal fut emporté par ce fléau. Quelques-unes des sentinelles soutinrent qu'elles avaient vu des ombres et des spectres se promener dans les ténèbres. Imilcar voyant toutes ses troupes alarmées par le récit de ces prestiges, tâcha d'abord d'apaiser les mânes des morts dont on avait violé les sépultures. Il offrit ensuite des sacrifices aux dieux selon la coutume de son pays ; c'est-à-dire en immolant un enfant à Saturne et en jetant un grand nombre de victimes dans la mer en l'honneur de Neptune. Mais il ne discontinua pas pour cela les travaux du siège. Au contraire, ayant comblé le fleuve jusqu'aux portes de la ville, il fit poser sur la levée qu'on avait formée à ce dessein, toutes les machines que l'on faisait jouer sans cesse. [4] Les Syracusains instruits des progrès de l'ennemi devant Agrigente et craignant que cette ville n'éprouvât bientôt le sort de Selinunte et d'Himère, se disposaient, depuis longtemps, à porter du secours aux assiégés. Ils convoquèrent leurs alliés d'Italie et de Messène, et leur donnèrent Daphnée pour commandant. [5] Ils leur associèrent dans leur route ceux de Camerine et de Gela, et faisant venir quelques autres troupes du milieu de l'île, ils marchaient par terre du côté d'Agrigente, côtoyés de fort près par une flotte de trente vaisseaux. Leur infanterie montait à trente mille hommes, et ils n'avaient pas moins de cinq mille chevaux. 87 Imilcar instruit de leur marche, envoya au devant d'eux ce qu'il avait d'Espagnols et de Campaniens, qui avec d'autres soldats qu'il joignit à ces premiers, formaient un corps de quarante mille hommes. Les Syracusains avaient déjà passé le fleuve d'Himère, lorsque ces Barbares se présentèrent à eux. On en vint à une bataille qui fut longue et la victoire demeura aux Syracusains. Ils tuèrent plus de six mille hommes aux Carthaginois et mirent le désordre dans le reste de leur armée, qu'ils poursuivirent jusqu'à Himère. [2] Mais le général vainqueur voyant que ses troupes se séparaient les unes des autres dans l'ardeur de leur poursuite, craignait beaucoup qu'Hamilcar ne prit occasion de ce désordre pour revenir à la charge et leur enlever la victoire, Il se souvenait que les Himèriens avaient perdu leur patrie par une semblable faute. Cependant les fuyards étant arrivés au camp devant Agrigente, les soldats qui soutenaient le siège, se doutant bien de la défaite des Carthaginois, invitaient leurs chefs à les conduire sur le champ contre des ennemis vaincus, dont ils achèveraient aisément la destruction. [3]  Mais ces officiers, soit qu'ils mirent été corrompus par de l'argent, comme on le disait, soit qu'ils craignissent qu'Imilcar n'entrât dans la ville lorsqu'il la verrait dénuée de ses défenseurs, réprimèrent l'ardeur de leurs soldats. Ainsi les troupes battues trouvèrent un asile sûr dans le camp des assiégeants. Pour Daphnée, il se saisit du camp que les ennemis, qu'il venait de vaincre, avaient laissé vide et s'y établit lui-même. [4] En ce même temps les soldats du dedans de la ville, commencèrent à murmurer entre eux et Dexippe lui-même était nommé dans ces murmures. Bientôt on s'assembla en foule dans la place publique, où Dexippe se rendit ;tout le monde était aussi indigné de ce qu'après l'avantage remporté sur les Barbares par les Syracusains, on avait manqué l'occasion d'une victoire complète et de ce qu'au lieu de profiter de la banne volonté des soldats qui ne demandaient qu'à sortir des murs pour exterminer les ennemis dans leur déroute, on en avait laissé subsister un nombre encore si formidable. [5] Le tumulte augmentait à ces discours et les voix s'élevaient jusques aux cris, lorsque Menès de Camarine, préfet de la ville accusa les commandants de la milice et échauffa tellement les esprits par cette accusation, que personne ne voulut écouter les défenses que ces officiers commençaient à exposer à l'assemblée. Au contraire, on poussa le peuple à leur jeter des pierres et il y en eut quatre de lapidés en cette rencontre. On n'épargna que le cinquième, nommé Argée, en considération de son extrême jeunesse. On fit aussi de grands reproches à Dexippe, de ce qu'étant à la tête d'un corps de troupes et passant pour savoir la guerre, il avait donné lieu en cette occasion de soupçonner sa fidélité. 88 Cette assemblé était à peine rompue que Daphnée, amenant toutes ses forces, entreprit d'assiéger les Carthaginois dans le camp qu'ils formaient eux-mêmes autour de la ville, mais le voyant trop bien retranché, il abandonna ce projet et il se contenta de se saisir des avenues de ce camp, où arrêtant les provisionnaires et les fourrageurs, il le réduisit bientôt à la disette et à la famine. [2] Les Carthaginois, qui ne se sentaient pas assez forts pour livrer un combat réglé, essuyèrent tous les inconvénients et toutes les suites de la faim qui fit mourir un grand nombre des leurs. Les Campaniens et toutes les troupes étrangères et soudoyées, s'assemblaient autour de la tente d'Imilcar et lui demandaient la mesure de pain, dont on était convenu avec eux, faute de quoi ils le menaçaient de passer du côté des ennemis. [3] Imilcar avait appris par quelqu'un des siens qu'une grande provision de vivres arrivait par mer à Agrigente de la part de Syracuse. N'ayant plus que cette ressource de salut, il leur demanda une attente de quelques jours et leur fit donner pour gages tous les vases dans lesquels buvaient tous les soldats carthaginois. [4] Aussitôt il envoya prendre quarante vaisseaux dans les ports de Panorme et de Motye, auxquels il donna ordre d'épier la provision qui venait à Agrigente. Les Syracusains, à, qui les Carthaginois paraissaient peu exercés sur la mer pour un temps surtout où l'hiver s'approchait comme alors, ne les craignirent pas assez et ils ne crurent jamais qu'ils osassent équiper des vaisseaux en cette saison. [5] Ainsi leur convoi n'étant pas suffisamment accompagné, Imilcar avec ses quarante vaisseaux, fit couler à fond les huit plus grands d'entre les leurs et fit échouer tout le reste contre le rivage. Là se saisissant de toute leur charge, il fit changer la situation et la fortune des deux partis. Les Campaniens qui étaient à la solde des Agrigentins voyant ce revers et gagnés de plus par une somme de quinze talents, passèrent du côté des Carthaginois. Outre cette défection, la famine qui désolait les assiégeants, attaqua les assiégés à leur tour. [6] Dans le temps que les premiers étaient dans la disette de toutes choses, les Agrigentins se flattant que le siège serait bientôt levé, avaient usé de leurs vivres avec trop peu de ménagement. Ainsi dès que l'espérance des assiégeants fut relevée, la multitude des citoyens et des soldats enfermés dans la ville, s'aperçut qu’elle avait abusé de ses provisions. [7] On accusa alors Dexippe lui-même de s'être laissé corrompre aussi par une somme de quinze talents parce qu'il avait répondu aux chefs des troupes italiennes qu'il leur convenait d'aller faire la guerre ailleurs, d'autant que les vivres allaient bientôt leur manquer. [8] Là-dessus ces capitaines alléguèrent aux magistrats que le temps de leur service était expiré et emmenèrent aussitôt leurs troupes sur le port. D'abord après leur départ, les officiers militaires d'Agrigente jugèrent à propos de visiter exactement les greniers et les munitions de bouche. Trouvant celles-ci réduites à très peu de chose, ils jugèrent qu'il fallait absolument sortir de la ville et signifièrent à tout le monde qu'on eut à prendre ce parti dès la nuit prochaine. 89 À cette nouvelle, la désolation se répandit dans toutes les maisons et l'on ne vit plus qu'une multitude innombrable d'hommes, de femmes et d'enfants, qui fondaient en larmes. Quand l'heure de ce funeste départ fut arrivée, la crainte de voir les ennemis au dedans de leurs murailles l'emporta sur le regret de laisser dans leurs maisons un grand nombre de richesses et de commodités, dont ils n'avaient pas eu le temps de se charger et qu'ils livraient aux Barbares ; trop heureux encore, s'ils sauvaient de leurs mains leurs personnes et leurs vies : [2] mais cette partie de leurs meubles qu'ils étaient contraints d'abandonner n'était en cette situation terrible, que l'objet le moins considérable de leurs regrets. Dans l'alarme où chacun était pour lui-même, on laissa seuls tous ceux à qui l'âge ou la maladie ôtaient la faculté de marcher. Plusieurs autres préférant la mort à un exil si cruel, se tuèrent eux-mêmes, et voulurent s'ensevelir dans leurs propres foyers. [3] Cependant les chefs de la milice servirent d'escorte, avec leurs soldats, à ces bannis volontaires, et les conduisirent jusqu'à Gela. Tous les chemins et même les champs qui les bordaient jusqu'à cette ville étaient remplis de femmes, d'enfants et de jeunes filles qui marchaient tous ensemble, et qui malgré la différence qui se trouvait entre la vie molle et délicieuse qu'elles avaient menée jusqu'alors et les incommodités d'un voyage si pénible, semblaient s'accoutumer à la fatigue et acquérir des forces par la crainte même. [4] Tout ce monde arriva à Gela en toute sûreté et fut transporté peu de temps après dans la ville des Léontins, que Syracuse leur donna pour habitation. 90 Imilcar de son côté, profitant de la circonstance d'une ville abandonnée de ses habitants, mena toutes ses troupes dans Agrigente. Il y fit tuer la plus grande partie de ceux qui y étaient restés ; les Carthaginois arrachèrent des temples ceux qui y avaient cherché leur salut et les égorgèrent impitoyablement. [2] On dit que Gellias lui-même, cet homme si riche et si bien faisant, périt alors avec sa patrie. Il s'était réfugié avec quelques autres dans le temple de Minerve, espérant que les Carthaginois auraient quelque respect pour le nom de cette déesse. Mais s'apercevant bientôt que ce ne serait pas là un frein suffisant à leur fureur, il mit lui-même le feu au temple dans lequel il fut consumé avec toutes les offrandes renfermées dans cet édifice. Il crut prévenir par cette action le sacrilège que les Barbares auraient commis au regard des dieux, le pillage de beaucoup de trésors qui auraient enrichi les ennemis et ce qui le touchait le plus, les outrages qu’ils auraient pu faire à sa personne. [3] Imilcar pilla les autres temples et toutes, les maisons des particuliers ; et comme il y fit fouiller avec soin, il y recueillit autant de richesses qu'on en pouvait espérer d'une ville qui contenait deux cents mille habitants, qui n'avait jamais été prise depuis sa fondation, qui passait pour la plus opulente de toutes les villes grecques et dont tous les citoyens avaient été extrêmement curieux de tout ce qui concerne la propreté et l'élégance des ameublements. [4] On trouva là un nombre extraordinaire d'excellents tableaux et des statues de toute hauteur, qui étaient des chefs-d'œuvre de l'art. Le Vainqueur envoya à Carthage ce qu'il y avoir de plus parfait en ce genre, et entre-autres un taureau de Phalaris, qui était une pièce inestimable ; après quoi tout le reste fut mis à l'encan. [5] Timée qui soutient dans ses Histoires que ce taureau n'a jamais existé a été démenti par un fait que le hasard fit naître longtemps depuis. Car Scipion qui a vécu 260 ans après cet-te prise d'Agrigente, ayant détruit lui-même Carthage, rendit aux Agrigentins avec les autres pièces qui avaient pu résister au temps, ce taureau même qui subsiste actuellement à Agrigente, dans le temps que j'écris ceci. [6] Je suis bien-aise de faire cette remarque, pour prouver que Timée, qui reprend avec aigreur tous les Historiens qui l'ont précédé, et qui ne leur pardonne rien, tombe lui-même en faute dans les points où il se pique le plus d'exactitude. [7] Je pense qu'on doit excuser les erreurs que l'on trouve dans les Historiens, non seulement parce qu'ils sont hommes, ainsi que tous les autres écrivains, mais encore parce que la vérité exacte des choses passées depuis longtemps est très difficile à démêler. Mais ceux-là me paraissent indignes de tout pardon, qui par flatterie pour les uns, ou par haine contre les autres, altèrent volontairement les faits qu'ils rapportent. 91 Imilcar qui était demeuré huit mois devant Agrigente et qui n'y était entré qu'un peu avant le solstice d'hiver ne la fit pas raser d'abord, parce qu'il voulait y faire hiverner ses troupes. Le sort de cette malheureuse ville jeta une si grande consternation dans toute l'île que tous les Siciliens firent passer leurs femmes, leurs enfants et leurs trésors, les uns à Syracuse, et les autres en Italie. [2] Cependant quelques-uns des Agrigentins, qui s'étaient garantis de la captivité, en abandonnant leur ville, s'étant rendus à Syracuse, accusèrent leurs officiers militaires d'être les auteurs de leur ruine. Cet exemple enhardit tous les autres Siciliens à reprocher à ceux de Syracuse d'avoir choisi pour premiers magistrats des hommes qui mettaient la Sicile entière en danger d'une ruine prochaine. [3] Le peuple s'étant assemblé sur ces murmures et la crainte ayant saisi tous les esprits sur les malheurs dont on était menacé, personne n'osait rien proposer au sujet de la guerre.
XXV.DENYS, fils d’Hermocrate prit le temps de ce silence universel pour accuser les généraux d'avoir vendu la patrie aux Carthaginois et, allumant là fureur du peuple, il l'invita à passer par dessus les formalités prescrites par les lois et à se faire justice à l'heure même d'une pareille trahison. [4] Les magistrats ayant condamné sur le champ Denys à une amende, comme perturbateur du repos public, Philistus, celui-là même qui devint depuis historien et qui était fort riche, paya aussitôt cette amende pour le condamné, l'invita en même temps à dire ce qu'il jugerait à propos pour le bien public, en ajoutant qu'il payerait pour lui toutes les autres amendes auxquelles on pourrait le condamner pendant la journée pour le même sujet. Denys enhardi par là recommença ses déclamations et excita une grande rumeur dans l'assemblée, en continuant d'accuser les généraux d'avoir vendu aux ennemis le salut des Agrigentins. Il imputa en même temps aux principaux citoyens de prétendre à l'oligarchie [5] et en conséquence de cette imputation, il proposa l'avis de nommer pour chefs de la guerre non des hommes puissants, comme on avait fait jusqu'alors, mais des hommes bien intentionnés et amis du peuple; d'autant que les premiers dès qu'ils se voyaient en place, prenaient un air despotique, méprisaient les hommes du commun et tournaient à leur profit les malheurs de la patrie, au lieu que les seconds se défiant de leurs forces, n'entreprenaient rien de semblable. 92 Ce discours que Denys avait ajusté aux préventions actuelles du peuple et à ses vues particulières, produisit un très grand effet dans l'esprit de ses auditeurs. Ainsi le peuple qui haïssait les généraux, qu'on regardait comme les auteurs de la guerre présente, animé encore par ces déclamations, les cassa tous et en nomma d'autres en leur place, entre lesquels fut Denys lui-même. Il était déjà en grande estime à Syracuse, pour s'être comporté courageusement dans tous les combats où il s'était trouvé contre les Carthaginois. [2] Ainsi ranimant ses espérances en cette rencontre, il mit dès lors tout en oeuvre pour devenir le tyran de sa patrie. Du jour qu'il fut nommé, il ne vint plus au Conseil des autres généraux et ne se trouva jamais avec eux : et cependant il faisait courir le bruit que ses associés s'entendaient avec les ennemis : il se flattait de leur faire ôter par là toute fonction et d'attirer à lui seul toute l'autorité militaire. [3] Les plus accrédités des citoyens se doutèrent bientôt de son projet, et en disaient leur sentiment dans toutes les assemblées. Le peuple ne se prêtait pas à ce soupçon ; il l'accablait de louanges et se félicitait d'avoir enfin trouvé un capitaine invincible et sous lequel il allait vivre en sûreté. [4] Cependant comme il fallait s'assembler souvent au sujet des frais de la guerre, Denys qui voyait le peuple alarmé des grandes forces des Carthaginois, lui proposa de rappeler les bannis. [5] Il était absurde, disait-il, de faire venir à grands frais des troupes de l'Italie et du Péloponnèse, troupes étrangères et sans autre intérêt que leur solde et de refuser des citoyens dont la cause était commune avec la leur, qui avaient actuellement résisté aux offres les plus avantageuses de la part des ennemis et qui avaient plutôt choisi de mourir misérables et abandonnés de toutes parts, que de s'armer contre leur patrie. [6] Que ne pouvait-on pas espérer de ces citoyens, qui, n’ayant été exclus que par le malheur des séditions populaires, se croiraient redevables de leur retour aux habitants de leur propre ville ? Par de semblables discours non moins conformes à la situation apparente des choses, qu'à ses desseins cachés, il obtint tous les suffrages. Aucun de ses collègues n'osa le contredire, de peur d'attirer sur lui-même la haine publique et de rendre encore plus favorable la cause d'un pareil adversaire. [7] Telle fut la conduite de Denys ; il espérait bien de s'attacher les bannis, gens qui n'aspiraient qu'à changer le gouvernement en faveur de la monarchie. Ils se flattaient de voir égorger ceux qui les avaient chassé et de succéder à leurs richesses, que l'on allait mettre à l'encan. En effet, le retour des bannis fut à peine prononcé, qu'ils rentrèrent dans la ville. 
93 En ce même temps on reçut des lettres de Géla, par lesquelles cette ville demandait un puissant secours. Denys profita encore de cette occasion pour avancer son dessein ; car ayant été mis pour cette expédition à la tête de deux mille fantassins et de quatre cents cavaliers, il se rendit incessamment dans Gela actuellement gardée par le Lacédémonien Dexippe, de la part de Syracuse. [2] Ayant trouvé là les riches en dissension avec le peuple et ayant accusé et condamné les premiers dans l'assemblée publique, il les fit mourir et mit leurs biens à l'encan. Du produit de la vente il paya tout ce qui était dû à la garnison, commandée par Dexippe, et régla pour les soldats qu'il amenait de Syracuse une paye double de celle que cette ville leur avait assignée. [3] Il mit par la dans ses intérêts et les soldats de Géla et ceux de Syracuse : il s'attira de plus la reconnaissance du peuple de Géla, qui croyait lui devoir sa liberté : car ce peuple, envieux des riches, qualifiait leur supériorité de tyrannie. [4] C'est pourquoi il envoya des ambassadeurs à Syracuse chargés des louanges de Denys et des décrets que leur ville avait portés à son avantage et à son honneur. Denys fit aussi des tentatives auprès de Dexippe pour l'attirer à son parti et le faire entrer dans ses desseins ; mais trouvant en lui de l'opposition, il fut sur le point de revenir avec ses troupes à Syracuse. [5] Cependant ceux de Géla apprenant que les Carthaginois se disposaient à marcher contre eux avec toutes leurs forces à l'ouverture de la campagne, prièrent Denys de demeurer et de leur sauver, par son assistance, le malheureux sort qu'avaient subi les Agrigentins. Denys leur promit qu'il reviendrait incessamment avec de plus grandes forces encore qu'il n'en avait alors : et là-dessus il sortit de Géla avec toutes ses troupes. 94 Le moment où il entra dans Syracuse, fut précisément celui où tout le peuple sortait d'un grand spectacle qui s'était donné. Toute cette foule étant venue au devant de lui, et lui ayant demandé des nouvelles des Carthaginois, il leur répondit qu'ils avaient au dedans de leurs murailles des ennemis beaucoup plus dangereux que ceux du dehors ; c'est-à­dire leurs magistrats mêmes qui s'attiraient leur bienveillance par des fêtes, en dissipant les trésors publics au point que les soldats n'étaient pas payés. Que tandis qu'on ne se mettait en peine de rien, les ennemis faisaient des préparatifs immenses et qu'on les verrait bientôt devant les murailles de Syracuse. [2] Il ajouta qu'il se doutait depuis longtemps du motif de la conduite ou de l'inaction de leurs chefs, mais qu'enfin il en était pleinement instruit, par ce qui lui était arrivé à lui-même. Imilcar, disait-il, lui avait envoyé un héraut, sous le prétexte apparent de retirer quelques prisonniers de guerre, mais pour l'inviter en secret à n'en pas faire plus que ses collègues, à ne se pas mettre en peine de ce qui se passait ; et s'il ne voulait pas entrer dans ses vues, à ne pas s'opposer du moins à ses entreprises. [3] Denys conclut en disant qu'en effet il ne vouait plus se mêler de rien et qu'à l'heure-même il se démettait du commandement, comme n'étant pas juste qu'il s'exposât seul à tous les périls de la guerre, pendant que les autres vendaient tranquillement leur patrie ; ne voulant d'ailleurs être confondu avec eux ni par le même titre, ni par les mêmes imputations. [4] Chacun alors se sépara, emportant chez soi bien de l'animosité, bien des soupçons et bien des craintes. Le lendemain l'assemblée du peuple ayant été convoquée de nouveau, les accusations de Denys contre les commandants eurent encore plus de succès et la multitude s'aigrit vivement contre eux. [5] Bientôt après, quelques voix s'élevèrent beaucoup au-dessus des autres : on disait qu'il fallait nommer Denys commandant général et unique, et ne pas attendre pour cela que l'ennemi eut abattu leurs murailles ; que la guerre présente demandait un chef unique et tel que celui-là, qui pouvait seul rappeler la fortune de leur côté, comme on avait vaincu autrefois devant Himère trois cent mille Carthaginois, sous le commandement de Gélon seul ; et que dans un autre temps on consulterait à loisir de quelle manière on en agirait avec les traîtres, la situation des choses ne permettant pas de s'en occuper alors. 95 La pluralité des suffrages populaires, et comme il arrive souvent, fut pour l'avis le plus pernicieux et Denys fut déclaré commandant unique et absolu. Son projet ayant en ainsi tout le succès qu'il en attendait, il présenta aussitôt une ordonnance, par laquelle il exigeait qu'on doublât la paie des soldats, sur le prétexte que cette augmentation les rendrait plus courageux dans les combats ; et il ajoutait que Syracuse ne devait point plaindre la dépense, vu l'abondance de ses revenus et la facilité de les recueillir. [2] Dès que l'assemblée fut séparée et que chacun fut rentré dans sa maison, la plupart des citoyens trouvèrent à redire à ce qui venait de se passer, comme s'ils n'en eussent pas été les auteurs eux-mêmes. En réfléchissant sur la nomination qu'ils venaient de faire, ils s'apercevaient aisément qu'ils avaient établi une autorité indépendante, et que pour sauver leur liberté, ils s'étaient eux-mêmes donné un maître. [3] Pour prévenir les suites de ces réflexions et de ce repentir, Denys chercha les moyens d'avoir une garde pour sa personne, persuadé que s'il pouvait en venir à bout, il assurerait sa tyrannie. Il ordonna donc à tous ceux qui étaient en âge de porter les armes depuis la jeunesse jusqu'à l'âge de quarante ans, de se pourvoir de vivres pour trente jours et de se rendre bien équipés en la ville des Léontins. Cette ville était alors comme une citadelle de Syracuse et elle était pleine de bannis et d'étrangers. Il comptait beaucoup sur cette espèce d'hommes avides de changements et de nouveautés ; et il se doutait assez que la plupart des soldats syracusains ne voudraient pas venir à Léontium. [4] Cependant s'étant mis lui-même en chemin dès la nuit suivante et s'étant campé en plein champ, il fit semblant d'être attaqué dans sa tente et jeta un grand cri, auquel ses gens accoururent en tumulte et en désordre. [5] Sous ce prétexte, il se réfugia dans la citadelle des Léontins, où il fit tenir des feux allumés pendant toute la nuit et se fit environner de ses soldats les plus affidés. Le lendemain toutes ses troupes étant entrées dans Leontium, il se plaignit beaucoup de la trahison qu'on avait tentée contre lui la nuit précédente et dont il fit un narré faux mais vraisemblable de sorte qu'il se fit accorder par ses troupes une garde de six cents hommes armés, qu'il choisirait lui-même. On dit que Denys prit pour son modèle, en cette circonstance, Pisistrate tyran d'Athènes : [6] car on rapporte de ce dernier qu'il se présenta dans la place publique, couvert de blessures qu'il s'était faites lui-même et qu'il supposait avoir reçues des mains de ses envieux ; ce qui porta le peuple à lui accorder une escorte, par le moyen de laquelle il s'empara du gouvernement absolu et tyrannique, de la même manière, à peu près, que Denys son imitateur. 96 Celui-ci ramassa tous les indigents, en qui il avait aperçu du courage : il en fit bientôt un millier d'hommes, auxquels il donna d'excellentes armes, et qu'il remplit d'espérances merveilleuses. Il attacha à sa personne, par des discours flatteurs, des troupes soudoyées. Il faisait effrontément des passe-droits, pour avancer ceux qui lui paraissaient dévoilés à ses intentions. Il donna congé en même temps au Lacédémonien Dexippe et lui permit de retourner en Grèce : il se défiait de lui comme d'un homme capable de travailler à rendre la liberté à Syracuse. [2] Il fit venir des soldats mercenaires de Géla et avec eux tout ce qu'il y avait de bannis et de mal-vivants, dans l'espérance d'affermir par leur moyen son usurpation. Revenant ensuite à Syracuse, il fit dresser sa tente dans le bassin du port, avec toute la hauteur d'un tyran déclaré. Les Syracusains sentirent vivement cette arrogance, mais ils furent obligés de la souffrir, n'ayant plus de ressource pour s'y opposer. Toute la ville était pleine de soldats étrangers, et l'on craignait encore les forces immenses des Carthaginois. [3] Denys épousa alors la fille d'Hermocrate, celui qui avait battu les Athéniens en leur expédition de Sicile et donna sa soeur à Polyxène, frère de la femme d'Hermocrate : son dessein en tout cela était de fortifier son autorité illégitime par l'alliance d'une famille illustre. Dans une assemblée du peuple, il vint à bout de faire périr Daphnée et Démarque, les plus puissants de ceux qui s'opposaient encore à ses entreprises. [4] C'est ainsi que Denys s'éleva d'une naissance très commune et de la condition de scribe, à la domination despotique et tyrannique d'une ville des plus considérables de la Grèce. Il demeura revêtu de cette puissance jusqu'à sa mort, qui n'arriva que trente-huit ans après. Nous rapporterons ses actions principales et les moyens par lesquels il augmenta son crédit et son autorité, à mesure que la suite des temps les amènera dans le cours de cette Histoire : il paraîtra que sa tyrannie a été la plus considérable et la plus longue de toutes celles dont on ait conservé le souvenir. [5] Du reste, après la prise d'Agrigente, les Carthaginois portèrent à Carthage les dons et les offrandes dont tous les temples de cette malheureuse ville étaient remplis, aussi bien que les statues et les trésors de toute espèce qu'ils y trouvèrent ; et après avoir brûlé ces édifices et pillé les maisons des particuliers, ils y passèrent leur quartier d'hiver. Ils préparèrent là toutes les machines et toutes les espèces d'armes dont ils avaient besoin pour le dessein qu'ils formaient d'assiéger Géla, dès le printemps suivant et à l'ouverture de la campagne.