LUCAIN
LA PHARSALE
LIVRE VI
introduction livre I livre II livre III livre IV livre V livre VII livre VIII livre IX livre X
LIVRE
VI
Les deux rivaux sont en présence. - César
appelle de tous ses vœux l'heure fatale qui va décider de sa fortune. - Ne
pouvant forcer Pompée d'en venir à une bataille, il lève son camp, et marche
sur Dyrrachium (aujourd'hui Durazzo) ; mais Pompée l'a prévenu. -
Fortification de cette ville. - Pompée campe sur une hauteur qui protège la
ville : César, pour assiéger son ennemi, trace au loin l'enceinte d'un immense
retranchement. - Description de ces travaux. Cause première de la contagion. -
Elle désole le camp de Pompée ; la famine ; celui de César. - Pompée résout
aussitôt de forcer les barrières dont l'a su envelopper son ennemi. - Attaque
du fort Minutium. - Un centurion, du nom de Scaeva, soutient seul le choc. -
Eloge du guerrier. - Il harangue ses compagnons qu'il ramène au combat. - Sa
bravoure, ses blessures, son stratagème, sa mort. - Nouvelle attaque de Pompée
dirigée sur les forts voisins de la mer : il en chasse l'ennemi. - Efforts
impuissants de César, qui est accouru au secours des siens. - Pompée pouvait
accabler son rival : trop généreux, il laisse échapper la victoire ; regrets
du poète. - César passe en Thessalie. - Pompée l'y suit, et refuse de se
rendre à l'avis de ceux de ses amis qui l'engagent à revenir à Rome. -
Description de la Thessalie : les monts Ossa, Pélion, Othrys, Pinde, Olympe. -
La vallée de Tempé, les champs de Phylaoée, Ptélée, Dotion, Trachine, Mélibée,
Larisse, Argos, Thèbes ; les fleuves Éas, Inachus, Achéloüs, Évène, etc. -
habitants : Bébryces, Lélèges, Dolopes, Centaures. - Art de fondre les métaux
; monnaie. - Campé sur cette terre, chaque parti s'agite dans l'attente du
combat. - Sextus, le plus jeune des deux fils de Pompée, veut connaître l'arrêt
du destin ; il va consulter une enchanteresse. - Art magique des Hémonides ou
femmes de l'Hémus. - Discours de Sextus à l'enchanteresse. Réponse d'Érichtho.
- L'antre de l'enchanteresse. - Charmes magiques. - Un cadavre répond à sa
voix. - Destins de Pompée. - Le cadavre est rendu au bûcher. - Sextus, guidé
par Érichtho, rentre au camp de son père.
Les
deux rivaux sont en présence.
Dès que les chefs, résolus d'en venir à une
bataille (01),
se furent établis sur les hauteurs voisines, et que les dieux tinrent dans la
lice ces deux rivaux qu'ils voulaient voir aux mains, César dédaigna de
s'occuper à prendre les villes de la Grèce. Il ne veut plus devoir à sa
fortune d'autre victoire que sur Pompée. César appelle de tous ses vœux l'heure fatale qui va décider de sa fortune.
Tous ses vœux ne tendent qu'à voir l'heure
fatale qui entraînera la chute de l'un des deux partis. Il aime à penser qu'un
seul coup du sort anéantira l'un ou l'autre.
Ne pouvant forcer Pompée d'en venir à une
bataille, il lève son camp, et marche sur Dyrrachium (aujourd'hui Durazzo) ;
mais Pompée l'a prévenu.
Trois fois il déploie son armée sur les collines
qu'il occupe, et fait lever ses étendards. Signal menaçant des combats, pour
annoncer qu'il est toujours près à consommer le malheur de Rome. Mais rien ne
peut attirer Pompée, il refuse la bataille et ne se confie que dans les
retranchements de son camp ; César quitte le sien, et à travers les bois, il
cache sa route, et s'avance d'un pas rapide vers les murs de Dyrrachium (02),
qu'il espère enlever d'assaut. Pompée, qui suit le rivage de la mer, le
devance, et va s'établir sur une éminence appelée Pétra (03), d'où il protège la ville. Cette ville, fondée par les
Corinthiens, est par elle-même imprenable. Ce qui la défend n'est pas
l'ouvrage de ses fondateurs : ce n'est point un rempart élevé par l'industrie
et les efforts de l'homme. Les travaux des humains, quelque hardis et solides
qu'ils soient, cèdent sans peine au ravage des guerres et des ans qui
renversent tout.
Fortification de cette ville.
La force de cette place est telle que le fer ne
peut l'ébranler : c'est l'assiette du lieu, rochers où se brisent les flots.
Sans une colline étroite qui la joint à la terre, Dyrrachium serait une île.
Des écueils formidables aux matelots sont les fondements de ses murs, et
lorsque la mer d'Ionie est soulevée par le rapide vent du midi, la vague ébranle
les maisons et les temples, l'écume s'élance jusqu'au faîte des toits.
Pompée campe sur une hauteur qui protège la
ville : César, pour assiéger son ennemi, trace au loin l'enceinte d'un immense
retranchement. - Description de ces travaux.
L'impatience et l'ardeur de César le détournèrent
d'une entreprise douteuse et lente. Il résolut d'assiéger lui-même ses
ennemis à leur insu, en s'emparant des hauteurs d'alentour, et en élevant au
loin un rempart dont l'enceinte embrasserait leur camp. Il mesure des yeux la
campagne ; il ne se contente pas d'y construire à la hâte un fragile mur de
gazon ; il fait tirer d'énormes rochers des entrailles de la terre, il fait démolir
et transporter les murailles des villes voisines, et de leurs débris il bâtit
un rempart à l'épreuve du bélier, et des efforts de l'art destructeur de la
guerre. Les montagnes sont aplanies, les abîmes comblés, et l'ouvrage de César
se prolonge à travers les hauteurs et les précipices. Un fossé profond règne
au pied du rempart, et sur les sommets les plus escarpés on établit des forts.
Dans une vaste enceinte, il enferme des champs cultivés, des déserts stériles,
de vastes forêts dont il enveloppe les fauves habitants.
Un soin plus pressant que celui de la guerre
occupe les chefs, et leur ôte l'envie de mesurer leurs armes. La terre épuisée
ne donnait plus d'herbages ; les prairies foulées aux pieds des chevaux, et
endurcies sous leurs pas rapides sont dépouillées de leur vert gazon. Ces
coursiers belliqueux périssaient de langueur dans les campagnes dépouillées :
leurs jarrets tremblants fléchissaient ; ils s'abattaient au milieu de leur
course ou devant des crèches pleines d'un chaume aride, ils tombaient mourants
de faiblesse ; la bouche ouverte, et demandant en vain un herbage frais qui leur
rendit la vie.
La corruption dissout les cadavres infects. L'air
croupissant se remplit de mortelles exhalaisons, qui, condensées en nuage,
couvrirent le camp de Pompée. Telle est la vapeur infernale qui s'élève des
rochers fumants de Nésis ou des cavernes d'où Typhon exhale sa rage et souffle
la mort. Les soldats tombent en langueur. L'eau, plus facile encore et plus
prompte que l'air à contracter un mélange impur, porte dans les entrailles
contractées un poison dévorant. La peau se sèche et se noircit, les yeux
sortent de leurs orbites, enflammés, un rouge ardent colore les joues ; la tête,
lasse et appesantie, refuse de se soutenir. Le ravage que fait le mal est à
chaque instant plus rapide. Il n'y a plus aucun intervalle de la pleine vie à
la mort. Dès qu'on se sent frappé, on expire. La contagion se nourrit et
s'accroît par le nombre de ses victimes ; les vivants sont confondus avec les
morts, et l'unique sépulture accordée à ces malheureux, c'est de les traîner
hors des tentes. Cependant ces souffrances eurent un terme quand le vent de mer
s'éleva derrière le camp, que l'Aquilon purifia l'air, et que des vaisseaux
apportèrent des grains étrangers.
Pompée résout aussitôt de forcer les barrières
dont l'a su envelopper son ennemi. - Attaque du fort Minutium.
Dès que Pompée vit le moment de forcer les barrières
qui l'environnaient et de se rendre la terre libre, il ne prit pas, comme pour
s'échapper, une heure où la nuit l'eût couvert de ses ombres : il dédaigne
une fuite dérobée à César et un chemin frayé sans le secours des armes. Il
veut sortir à travers de vastes ruines, sur les débris du rempart et des
tours, s'ouvrir un passage au milieu des glaives et par le carnage et par la
mort. Il choisit pour l'attaque un endroit du rempart qui, depuis, s'est appelé
le fort Minutius (04)
et qu'environne un bois épais sur une colline escarpée. Il y fait marcher son
armée en silence et sans qu'il s'élève aucun nuage de poussière qui le
trahisse ; et soudain il arrive au pied du rempart. À l'instant toutes ses
trompettes sonnent, toutes ses aigles brillent, et sans donner au fer le temps
de hâter leur défaite, la frayeur et la surprise les ont déjà vaincus. Leur
plus grand effort de courage est de tomber, percés de coups, dans le poste où
ils sont placés. La flèche qui vole sur les murs n'y rencontre plus de
victimes. Des nuages de traits se perdent dans les airs. Alors les torches de
bitume portent le feu de toutes parts. Les tours embrasées chancellent et
menacent de s'écrouler ; le boulevard retentit des coups redoublés du bélier
qui l'ébranle. Déjà sur le haut du rempart on voyait les aigles du sénat
arborées, l'univers rentrait dans ses droits. Un centurion, du nom de Scaeva, soutient seul le choc. - Éloge du guerrier. Il harangue ses compagnons qu'il ramène au combat.
Mais ce poste que mille légions n'auraient pas
gardé, que César et sa fortune eussent peut-être mal défendu, un seul homme
le dispute à l'ennemi ; tant qu'il est vivant et qu'il a les armes à la main,
la victoire n'est pas décidée. Ce brave s'appelait Scaeva (05).
Il avait langui dans la foule obscure des légions, jusqu'à la conquête des
Gaules, où il avait obtenu, par son courage et au prix de son sang, le cep de
vigne du centurion, homme voué à tous les forfaits, et qui ne savait pas que
contre son pays la valeur est un crime. Sitôt qu'il vit ses compagnons renoncer
au combat et chercher leur salut dans la fuite : "Romains ! s'écrie-t-il,
où vous porte une terreur impie, une frayeur inconnue dans les armées de César
? Vils fugitifs ! Troupeau d'esclaves ! Quoi ! Sans verser une goutte de sang
vous présentez le dos à la mort ? Quoi ! Vous supporterez la honte de n'être
pas au nombre de ces braves qu'on entasse sur le même bûcher, qu'on cherche
dans la foule des morts ? Si le zèle ne peut vous retenir, que l'indignation
vous retienne ! De tous les postes que l'ennemi pouvait attaquer, c'est le nôtre
qu'il a choisi. Non ! Ce jour ne passera point sans coûter du sang à Pompée.
Il eût été plus heureux pour moi de mourir aux yeux de César, mais si la
fortune m'envie un témoin si cher, j'emporterai chez les morts les éloges de
son rival. Que les traits s'émoussent sur l'airain qui nous couvre et que la
pointe des épées se brise dans notre sein. Déjà la poussière s'élève et
se répand, déjà le bruit de ces ruines retentit jusqu'aux oreilles de César.
Il nous entend. Amis ! la victoire est à nous ! Le voilà ! Tandis que nous
mourons, il vient nous venger !"
Sa bravoure, ses blessures, son stratagème, sa
mort.
Jamais le premier son de la trompette au moment
d'une bataille n'excita plus d'ardeur que la voix de Scaeva. Ses compagnons,
frappés de son audace, l'admirent et brûlent de le suivre ; impatients de voir
par eux-mêmes, si, enfermé dans un lieu étroit, accablé par le nombre, un
homme vaillant peut gagner plus que le trépas. Pour Scaeva, du haut du rempart
qui s'écroule, il commence par rouler les cadavres dont les tours sont déjà
comblées, et à mesure que les ennemis se succèdent, il les accable sous le
poids des morts. Les ruines, les débris, les masses de bois et de pierre, tout
devient une arme entre ses mains. Il va jusqu'à menacer les assaillants de sa
propre chute. Tantôt il les repousse à coups de pieux et de leviers, tantôt
il tranche à coups d'épée les mains qu'il voit s'attacher aux murs. Aux uns
il écrase la tête sous la pierre, et, à travers les débris des os qu'il
enfonce, le cerveau rejaillit au loin ; à d'autres, il présente des torches
allumées ; leurs cheveux s'enflamment, leur visage brûle, et leurs yeux en
sont dévorés. Dès que la foule des morts entassés et qui s'accumulent sans
cesse a égalé la hauteur du mur, Scaeva se précipite au milieu des armes avec
la rapidité d'un léopard qui s'élance sur les épieux. Pressé par d'épais
bataillons, enveloppé par une armée entière, partout où il jette les yeux,
il porte la mort. Déjà son glaive est émoussé par le sang qui s'y fige : il
ne blesse plus, il meurtrit et il brise. Tous les traits de l'ennemi s'adressent
à lui seul. Toutes les mains sont sûres, tous les dards vont au but, et les
dieux se donnent le spectacle nouveau d'un combat entre un seul homme et la
guerre. Son épais bouclier retentit de coups redoublés. Son casque brisé
meurtrit sa tête, et son sein se fait une armure des traits dont il est hérissé.
Cessez, insensés, de prétendre à lui percer le cœur : le dard, le javelot
n'y peuvent plus atteindre ; il faut l'écraser sous la phalarique tournoyant
sous l'effort du câble, et sous les débris des remparts ; c'est au bélier
pesant, c'est à la baliste à renverser ce nouveau mur qui protège César et résiste
à Pompée. Scaeva ne daigne plus se couvrir de ses armes, et, soit pour ne pas
laisser oisive la main qui porterait le bouclier, soit pour éviter le reproche
d'avoir voulu prolonger sa vie, il s'abandonne sans défense à tous les coups
des assaillants. Enfin, accablé sous le poids des flèches dont il est couvert,
comme il sent que ses genoux fléchissent, il ne songe plus qu'à choisir un
ennemi sur qui tomber.
Pompée repoussé sur ce point ne veut pas de trêve
: il repousse un lâche sommeil ; telle la mer, quand les vents furieux
l'agitent et qu'elle se brise contre ses écueils ou que minant les flancs d'une
haute montagne, elle en prépare la chute prochaine dans les flots. Il embarque
une partie de ses troupes, leur fait tourner les forts les plus voisins, enlève
ces postes par une double attaque, et reculant les bornes de son camp, se déploie
dans la campagne et s'applaudit de pouvoir changer de position. Tel l'Éridan,
lorsqu'il enfle ses eaux, surmonte les digues qui protègent ses bords et se répand
au loin dans les campagnes ravagées. S'il rencontre dans son cours quelque
endroit faible qui n'ait pu soutenir l'effort de ses rapides flots, il sort tout
entier de sa couche profonde et à travers des terres inconnues va se creuser un
nouveau lit. Les laboureurs des champs inondés s'en éloignent, et de nouveaux
possesseurs s'emparent du fond que le fleuve a quitté. Pompée pouvait accabler son rival : trop généreux, il laisse échapper la victoire ; regrets du poète.
Il dépendait de Pompée d'étouffer dans le sang
jusqu'aux semences de la guerre civile. Il retint ses glaives altérés de
carnage. Rome aujourd'hui serait heureuse, libre, maîtresse d'elle-même, et rétablie
dans tous ses droits, si l'impitoyable Sylla se fût trouvé à la place du généreux
Pompée ; et c'est un malheur à jamais déplorable que César ait dû son salut
à ce qui mettait le comble à ses crimes, à l'injustice d'être eu guerre avec
un gendre qui l'aime. Sort cruel ! L'Afrique n'eût pas vu le désastre
d'Utique, ni l'Espagne celui de Manda ; le Nil, souillé d'un meurtre
abominable, n'eût pas promené sur ses ondes un cadavre plus sacré que ses
rois égyptiens ; Juba n'eût pas couvert le sable de Libye de son cadavre dépouillé
; le sang d'un Scipion n'eût pas apaisé les mânes des Carthaginois ; et
l'univers n'eût pas pleuré la mort du vertueux Caton. Ô Rome (06) ! Ce jour pouvait être le dernier jour de tes malheurs.
Pharsale pouvait s'effacer du livre de tes destinées.
César passe en Thessalie. - Pompée l'y suit, et
refuse de se rendre à l'avis de ceux de ses amis qui l'engagent à revenir à
Rome.
César abandonne un pays où le sort des armes lui
a été contraire, et avec les débris de son armée, il passe dans la
Thessalie.
Description de la Thessalie : les monts Ossa, Pélion,
Othrys, Pinde, Olympe. - La vallée de Tempé, les champs de Phylaoée, Ptélée,
Dotion, Trachine, Mélibée, Larisse, Argos, Thèbes ; les fleuves Éas,
Inachus, Achéloüs, Évène, etc. - habitants : Bébryces, Lélèges, Dolopes,
Centaures. - Art de fondre les métaux ; monnaie.
La Thessalie, du côté où le soleil se lève
environné des frimas de l'hiver, est ombragée par le mont Ossa, mais lorsque
l'été promène le char de Phébus au milieu et au plus haut du ciel, c'est le
mont Pélion qui s'oppose aux premiers traits de sa lumière. Au midi s'élève
l'Othrix couronné d'épaisses forêts, qui défendent cette contrée de la race
du Lion. Le Pinde lui sert de barrière contre le Zéphyr et l'Iapix ; et les
peuples qui vers le nord habitent au pied de l'Olympe, sont à couvert des
Aquilons, et ne savent pas que les étoiles de l'Ourse brillent toute la nuit au
ciel. Les plaines que ces monts environnent étaient jadis cachées sous les
eaux avant qu'à travers le vallon de Tempé les fleuves se fussent ouvert un
passage pour se jeter au sein des mers. Ils ne formaient qu'un lac immense :
leurs eaux s'accumulaient au lieu de s'écouler. Mais quand le bras d'Hercule
eut séparé l'Ossa de l'Olympe, et que Nérée entendit la chute de ces
torrents nouveaux, alors sortit des eaux cette Pharsale que les dieux auraient dû
laisser à jamais submergée. On vit paraître les champs de Philacée, où régna
le premier des Grecs qui descendit au rivage troyen (08)
; et ceux de Ptéléos, et ceux de Dotion, qui depuis ont été célèbres par
le malheur de Thamiris, le rival des Muses ; et Trachine, et Mélibée, que protégeaient
les flèches d'Hercule ; et Larisse, autrefois puissante ; et ces campagnes où
la charrue laboure maintenant la noble Argos ; et cette Thèbes fabuleuse, dont
on nous montre encore la place, Thèbes où la malheureuse Agavé ensevelit la tête
de Penthée, de ce fils qu'elle-même elle avait immolé dans un accès de ses
fureurs.
Campé sur cette terre, chaque parti s'agite dans
l'attente du combat.
À peine les deux chefs sont campés dans ces
champs proscrits par les dieux, le pressentiment du combat agite l'une et
l'autre armée. Tout annonce que le moment d'une action décisive, ce moment si
grave et si terrible, approche, les esprits faibles et timides tremblent d'y
toucher de si près et ne voient que désastres dans l'avenir. D'autres, mais
c'est le petit nombre, s'armant de force contre l'événement, portent dans les
hasards un courage mêlé d'espérance et de crainte. Du nombre des lâches était
Sextus, l'indigne fils du grand Pompée, qui, dans la suite, échappé des
combats et vagabond sur les mers de Sicile, fit le métier infâme de pirate et
obscurcit 1a gloire que son illustre père avait acquise sur ces mers.
Sextus, le plus jeune des deux fils de Pompée,
veut connaître l'arrêt du destin ; il va consulter une enchanteresse.
L'effroi dont il était saisi dans l'attente de
l'avenir lui fit chercher à le connaître, mais ce ne fut ni Delphes, ni Délos,
ni Dodone qu'il consulta, Dodone, nourrice féconde des premiers mortels. Il ne
chercha point un devin qui sût lire les destinées dans les entrailles des
victimes, dans le vol des oiseaux, dans les feux de la foudre, ni observer le
cours des étoiles comme les savants Chaldéens (11). S'il est encore quelque moyen caché, mais innocent,
d'interroger le sort, ce n'est pas celui qu'il emploie ; c'est un art abhorré
du ciel, c'est la. magie qu'il met en usage. Il porte ses vœux aux autels
lugubres des Furies ; il évoque les ombres et les dieux des Enfers. Ce
malheureux se persuade que les dieux du ciel ne sont pas assez clairvoyants. Ce
qui achève de le décider dans son délire, c'est le voisinage des peuples de
l'Hémus.
Art magique des Hémonides ou femmes de l'Hémus.
L'art des femmes de cette contrée passe toute
croyance. C'est l'assemblage de tout ce qu'on peut imaginer et feindre de plus
monstrueux. La Thessalie leur fournit des plantes vénéneuses en abondance et
ses rochers comprennent le mystère infernal de leurs enchantements. Partout on
y rencontre de quoi faire violence aux dieux. Il y croît des herbes que Médée
chercha vainement dans la Colchide.
Discours de Sextus à l'enchanteresse. Réponse d'Érichtho.
Le lâche Sextus l'aborde et lui parle le premier
en ces termes
L'antre de l'enchanteresse.
Elle dit, et redoublant par ses charmes les ténèbres
de la nuit, elle s'enveloppe la tête d'un nuage impur et va courant sur un
champ de morts qui n'étaient point ensevelis. À son aspect, les loups prennent
la fuite, les oiseaux détachent leurs griffes de 1a proie, même avant d'y
avoir goûté. Cependant la Thessalienne, parmi ces cadavres glacés, en choisit
un, dont le poumon, n'ayant reçu aucune atteinte, lui rende les sons de la
voix. Elle en trouve plusieurs, et son choix suspendu tient une foule de morts
dans l'attente : lequel d'entre eux va revoir la clarté ? Si elle eût voulu
relever à la fois toutes ces troupes égorgées et les renvoyer aux combats,
les lois de la mort auraient fléchi, et par un prodige de son art puissant, un
peuple rappelé des rivages du Styx aurait reparu sous les armes.
Charmes magiques. - Un cadavre répond à sa voix.
À la fin, elle choisit parmi ces morts un interprète
des destinées ; et traînant à travers des rochers aigus ce malheureux condamné
à revivre, elle va le cacher au fond d'une montagne consacrée à ses mystères
ténébreux. Cette caverne se prolonge et descend presque jusqu'aux Enfers. Une
sombre forêt la couvre de ses rameaux courbés vers la terre et dont aucun
jamais ne se dirigea vers le ciel : l'if au noir feuillage la rend impénétrable
au jour. Au-dedans croupissent d'immobiles ténèbres, et l'intérieur de
l'antre est revêtu d'une humide moisissure qu'engendre une éternelle nuit.
Jamais ce lieu ne fut éclairé que d'une lumière magique : l'air n'est pas
plus pesant et plus noir au fond de l'antre du Ténare, sur les confins de ce
monde et de l'empire des morts. Aussi les dieux des Enfers ne craignent-ils pas
d'envoyer les mânes dans la caverne d'Érichtho, car quoiqu'elle fasse violence
aux destins, l'ombre qu'elle évoque peut douter elle-même si elle sort des
Enfers ou si elle y entre. L'enchanteresse était vêtue comme les Furies, d'un
voile peint de couleurs bizarres. Elle découvre son visage et rejette sa
chevelure de vipères entrelacées ; et voyant que les compagnons de Sextus et
Sextus lui-même, tremblants à son aspect, avaient la pâleur sur le front et
les yeux fixés à terre : "Revenez, leur dit-elle, de la frayeur dont vous
êtes atteints ; ce corps va reprendre la vie, et ses traits vont se rétablir
dans un état si naturel, que les plus timides pourront sans crainte le voir et
l'entendre parler. Je vous pardonnerais de trembler si je vous faisais voir les
noires eaux du Styx et les bords où le Phlégéton roule ses ondes enflammées
; si je paraissais moi-même au milieu des Furies, si je vous montrais Cerbère
secouant sous ma main sa crinière de serpents, et les Géants enchaînés par
le milieu du corps et frémissants de rage ; mais ici, lâches que vous êtes,
que craignez-vous devant des mânes, tremblants eux-mêmes devant moi ?"
Destins
de Pompée.
Elle finit par un nouveau charme, qui a la vertu
d'instruire une ombre de tout ce qu'elle veut qui lui soit révélé. Alors le
cadavre accablé de tristesse et le visage baigné de pleurs, lui répondit :
"Quand tu m'as rappelé du séjour du silence, je n'ai pas eu le temps
d'examiner le travail des Parques ; mais ce que j'ai pu savoir des ombres, c'est
qu'une discorde effroyable agite celles des Romains, et que la fureur qui les
anime trouble le repos des Enfers. Les uns ont quitté les ombrages de l'Élysée,
les autres ayant brisé leurs fers se sont échappés du Tartare, et c'est par
eux que l'on a su ce que les destins préparaient. Les ombres heureuses
paraissent consternées ; j'ai vu les deux Décius, victimes expiatoires de la
patrie ; j'ai vu Camille et Curius pleurer sur le malheur de Rome. Sylla se
plaint de toi, ô Fortune. Scipion donne des larmes à son malheureux fils qui
va périr dans la Libye ; le vieux Caton, l'ennemi de Carthage, prévoit, en gémissant,
le sort de son neveu qui ne vivra point sous un maître. Toi seul, ô Brutus !
ô généreux consul ! qui chassas nos premiers tyrans, toi seul entre les
justes, tu montres de la joie. Le farouche Catilina, les cruels Marius, Céthégus
aux bras nus, rompent leurs chaînes et bondissent de joie. J'ai vu se réjouir
aussi les Drusus, ces hardis partisans du peuple, et les Gracques, ces fiers
tribuns dont le zèle ne connut aucun frein. Des mains chargées d'éternelles
chaînes font retentir d'applaudissements les noirs cachots de Pluton. La foule
coupable demande qu'on lui ouvre le champ des justes. Le monarque du sombre
empire fait élargir les prisons du Tartare ; il fait préparer des rochers
aigus et des chaînes de diamant, et des tortures pour les vainqueurs. Ô jeune
homme ! Emporte avec toi la consolation de savoir que les mânes heureux
attendent Pompée et ses amis, et que, dans le lieu le plus serein des Enfers,
on garde une place à ton père. Qu'il n'envie point à son rival la gloire de
lui survivre. Bientôt viendra l'heure où les deux partis seront confondus chez
les morts. Hâtez-vous de mourir ! Et d'un humble bûcher descendez parmi nous
avec de grandes âmes, foulant aux pieds la Fortune de ces dieux de Rome. Ce
qu'on agite à présent entre les deux chefs, c'est de savoir lequel périra sur
le Nil ; lequel périra sur le Tibre. Pompée et César ne se disputent que le
lieu de leurs funérailles. Pour toi, Sextus, ne cherche pas à t'éclairer sur
ton sort, les Parques l'accompliront sans que je te l'annonce. Pompée
t'apprendra ce que tu dois savoir dans les champs siciliens : il est pour toi le
plus sûr des oracles. Mais, hélas ! il ne saura lui-même où t'envoyer, d'où
t'éloigner, quel climat, quel rivage tu dois chercher à fuir. Malheureux,
craignez l'Europe, l'Asie et l'Afrique ; la fortune disperse vos tombeaux comme
vos triomphes (14).
Ô malheureuse
famille ! vous n'avez pas dans l'univers d'asile plus sûr que les champs de
Pharsale."
Le
cadavre est rendu au bûcher.
Après que ce corps ranimé eut fait ce qui lui était
prescrit, il se tint muet, immobile ; et la tristesse sur le visage, le fantôme
redemandait la mort ; mais pour la lui rendre, il fallut un nouvel enchantement,
de nouvelles herbes, car les destins ayant exercé leurs droits ne pouvaient
plus rien sur sa vie. Érichtho compose un bûcher magique où ce corps vivant
va se placer lui-même. Elle y met le feu, se retire et l'y laisse mourir pour
ne ressusciter jamais.
Sextus, guidé par Érichtho, rentre au camp de
son père.
Elle accompagne Sextus jusqu'au camp de son père
; et comme la lumière naissante commençait à éclairer le ciel, pour donner
le temps au fils de Pompée et aux siens de regagner leurs tentes, elle ordonne
à la nuit de repousser le jour et de les couvrir de ses ombres.
LIVRE VI
(01)
Résolus d'en venir à une bataille. -
Florus (liv. IV) n'attribue cette résolution qu'à César : "Les deux
camps sont en présence, dit-il, mais les deux chefs nourrissent des projets
divers." Caesar pro satura ferox et
conficiendae rei cupidus, ostentare aciem, provocare, lacessere. Plus loin :
Pompeius adversus hunc nectere moras, tergiversari... - "L'un, Pompée,
était abondamment pourvu de toutes les provisions nécessaires à son armée :
ses flottes étaient maîtresses de la mer." César, au contraire,
avait à craindre les suites de la famine, qui déjà se faisait sentir dans son
camp. Nous le verrons, quelques vers plus loin, envelopper son rival, mais, dans
celle position encore, il souffrait, plus que lui du manque de vivres : "Inopia
obsidentibus, quam obsessis, erat gravior."
Vell. Paterc., lib. II.
(02)
Vers les murs de Dyrrachium. - Ce que
le poète dit des fortifications de Dyrrachium et de l'entreprise gigantesque de
César, est confirmé par l'histoire. Florus, liv. IV : "Quippe
quam vel situs inexpugnabilem faceret."
(03)
Appelée Pétra - Ce nom est commun à
un grand nombre de lieux remarquables par leurs rochers (en grec petra).
On trouve Pétra (Kanak ou Arac), capitale de l'Arabie Pétrée, dans la Gabalène,
sur un rocher dont elle prend son nom (Strabon, liv. XVI). Autre ville de
Thrace, dans la province nommée Médique, et qui fut prise par Philippe V, roi
de Macédoine (Tite-Live, liv.
XL, ch. XXII).
Quinte-Curce (liv. VII,
ch. XI) parle d'un autre rocher occupé par le Sogdien Arimazanes avec trente
mille soldats, et que prit Alexandre à la tête de trois cents Macédoniens. César
(de Bell. civ., lib. IIl) parle de la
position que prit Pompée sur ce rocher : "Pompeius interclusus Dyrrachio, ubi propositum tenere non potuit,
secundo usus consilio, edito loco qui appellatur Petra, castra communit."
(05)
Ce brave s'appelait Scéva. - Florus (liv. IV) parle de la bravoure du
centurion Scéva : "Quo tempore egregia virtus Scaevae centurionis enituit, cujus in scuto
CXX tela sedere." César (de
Bell. civ., lib. Ill) porte à deux cent vint le nombre de traits qui percèrent
le bouclier du guerrier : "Scutoque
ad eum relata Scaevae centurionis, inventa sunt in eo foramina CCXX."
Suivent les récompenses de sa valeur : il reçut des mains de César deux mille
sesterces ; il fut promu au grade de primipile. La cohorte dont il faisait
partie, et qui avait secondé son courage, eut à l'avenir double paie, double
ration de vivres, double vêtement, "Ejus
enim opera (ut ait Caesar ipse) castellum conservatum esse magna ex parte
constabat." Suivant l'histoire, il survécut à ses blessures.
(06)
Ô
Rome, ce jour.... - "Et plût
aux dieux qu'il eût consumé dans ses extravagances tout un règne de tyrannie,
durant lequel il ravit à la patrie tant d'illustres citoyens impunément, et
sans qu'il s'élevât un seul vengeur ! Mais il périt du moment qu'il se fit
craindre de l'humble artisan : voilà l'écueil où se brisa le monstre dégouttant
du sang des Lamia." Ainsi s'exprime Juvénal à la fin de sa Satire
IV. Il a cela de commun avec notre poète qu'il se répand continuellement en
plaintes douloureuses sur le triste destin de Rome, et ces regrets, il faut bien
le dire, étaient ceux des Tacite, des Helvidius, des Thraséas, de tous les généreux
citoyens dont la pensée aimait à se reporter vers une époque de bonheur, de
liberté et de gloire. Ces mêmes regrets inspiraient au poète ces vers d'un
sens si profond, si vrai, si énergiquement exprimés, sat. VI, v. 292 :
Nunc
patimur longe pacis mata : saevior armis
(07)
Les amis de Pompée firent tous leurs efforts pour le détourner. César,
vaincu, venait de quitter une contrée où les dieux s'étaient déclarés
contre lui : "Petiit Apolloniam, indeque in Thessaliam dum noctu profectus est."
dit Appien, liv. II. César, néanmoins, ne convient pas que sa défaite fût
aussi complète que le prétendait son rival ; il reproche à ce dernier la
jactance avec laquelle il venait d'en annoncer la nouvelle aux provinces :
" Simul a Pompeio litteris per omnes
provincias civitatesque dimissis, de proelio apud Dyrrarhium facto elatius
inflatiusque multo quam res errat gesta, fama percrebuerat pulsum fugere
Caesarem, paene omnibus copiis amissis." (De Bello civ., lib. III) Nous ne déciderons point si ce fut une
faute ou non de la part de Pompée, d'avoir suivi son rival en Thessalie. L'événement
a prononcé, mais ne serait-il pas plus juste d'imputer la défaite prochaine de
ce chef aux dispositions mêmes que faisaient paraître ses prétendus amis,
plus pressés, comme le dit César, de venir à Rome se partager les dignités,
les faveurs du pouvoir, que de poursuivre les conséquences d'une première,
mais incomplète victoire ? "Jamque
inter se palam de praemiis ac sacerdotiis contendebant... Alii domos bonaque
eorum qui in castris erant Caesaris, petebant... adeo ut quidquid intercederet
temporis, id morari reditum in Italiam videretur." (De
Bello civ., lib III) : "Non, leur dit-il, je ne veux point, à
l'exemple de César, paraître en armes au sein de ma patrie. Jamais Rome ne me
verra qu'après que j'aurai licencié mon armée... " Voilà du moins, de
la part du chef, des motifs puisés dans les sentiments d'une politique généreuse
; mais la générosité n'est pas une vertu à l'usage de tous.
(08)
Les champs de Phylacée où régna le
premier des Grecs. - Il s'agit de Protésilas, fils d'Iphilcus et frère
d'Alcimède, mère de Jason : il fut roi de cette partie de la Thessalie où se
trouvaient les villes de Phylacée, d'Antrone, d'Itone et de Ptélée. L'oracle
avait prédit que celui qui aborderait le premier au rivage de Troie
l'arroserait de son sang. Protésilas réclama ce périlleux honneur, et il fut
tué en effet, mais par qui ? Homère ne le dit point. Sa femme, Léodamie,
qu'il avait quittée le lendemain de ses noces, se tua de désespoir dès
qu'elle apprit sa mort. Les Grecs lui élevèrent un tombeau aux champs de la
Troade. Voyez Homère. Iliade, liv.
II, v. 205 ; Ovide, Métam., liv. XII
; Strabon ; Hyg., Fab. CIII ; Pline, Hist.
Nat., liv. IV, ch. XII ; Lucien, Dial.
des Morts, XII.
(09)
Le Titarèse. - Le poète dit de ce fleuve, qu'il coule à la surface du Pénée
sans jamais mêler ses ondes aux flots de ce dernier. C'est une allusion à un
passage d'Homère (Iliade, liv. II, v. 51). Ce fleuve avait pris son nom du mont
Titane, où il avait sa source. La mauvaise qualité de ses eaux fit croire aux
anciens qu'il les tirait du Styx : de là cette tradition d'Homère.
(10)
Monychus, qui brisais les durs rochers de Pholoé. - Du grec mÅnuxow.
Ainsi nommé parce que ses pieds, tels que ceux des coursiers, au lieu de se
terminer par cinq doigts, avaient la forme de sabots. Il lançait les arbres de
même que des javelots.
Juvénal, Sat. I, v. 11 :
. . .
Quantas jaculetur Monychus ornos.
Voyez Ovide, Métam.,
liv. XII, ch, XII.
(11)
Comme les savants Chaldéens. - Juvénal (sat. VI, v. 55 parle de la
confiance qu'inspirait la science des Chaldéens :
Chaldaeis
sed major erit fiducia : quidquid
(12)
Non fatis adductus amor. - " Id
est, minime naturalis, non aetati nec votis conveniens, sed vi veneficiorum
immissus." Virgile (Enéide,
liv. IV, v. 487) :
Haec se carminihus promittit solvere
mentes
(13)
La membrane du céraste.-
" A cornibus sic dictus quae habere dicebatur."
Ce
fut également un ancien nom de l'île de Chypre, parce que ses habitants,
disait-on, avaient des tumeurs pareilles à des cornes. Il est plus raisonnable,
toutefois, de penser que ce nom lui fut donné à cause de ses promontoires
auxquels les anciens donnaient souvent le nom de cornes,
k¡rata. (14) Comme vos triomphes. - "Patris vestri, scil. familiae vestrae. Nam filios Pompeii ipsos quidem nunquam triumphasse legimus, tametsi aliquoties felici eventu pugnarint, sed contra cives tamen, de quibus triomphas, ut et Valerius testatur, dari non solet. Pater autem Pompeius de Libycis triumphavit, devicto Domitio et reliquiis Mariani exercitus. Postea et de Hispanis, victo ac debellato Sertorio. Ultimo autem et de Asiaticis, confecto Mithridatico bello, auctore Plutarcho. Quare poetae verba hoc loco ita accipienda videntur, ut sit sensus : fortuna distribuet tumulos vestros iis terrae partibus, de quibus vestri patris triumphi aliquando acti sunt, id est, Europae, Asiae ac Libyae vel Africae." (Note edit. Lem.)
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