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A LA TABLE DES MATIÈRES DE FORTUNAT
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
FORTUNAT
POÉSIES
LIVRE X
vie -
dissertation - livre I -
livre II - livre III -
livre IV - livre V -
livre VI - livre VII -
livre VIII - livre IX -
livre XI - Appendice
VENANCE FORTUNAT
POÉSIES MÊLÉES
LIBER DECIMUS
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LIVRE DIXIÈME
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I. Expositio Orationis Domini.
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I. Exposition de l'Oraison dominicale.
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Cette exposition que contiennent deux
manuscrits du Vatican a été fort mutilée par la main des copistes.
Lucchi l'a rétablie de son mieux. Cette pièce est en prose,
d'une longueur démesurée, et n'a d'intérêt que pour les
théologiens; on ne l'a donc pas traduite. |
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II. Ad salutarem virum illustrem Mumulenum
consolatoria in morte filiæ decennalis.
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II. A l'illustre Salutaris.
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Inter humanæ conditionis subripentia vulnera, quæ semper incerto tramite
nutantium animorum ac labentium temporum reddunt vota suspecta, nihil
est in aliquo aliquid magis, quod cruciet, quam quemquam aut non videre
quod cupiat, aut videre quod perdat; cum trepidans animus in utroque,
non modico sub fasce succumbat, dum pendulus spectat diuturne quod
habeat, et, ut habere cœperit, mox amittat; scilicet afflictus donec
impetret, elisus si perdit: sed gravius hoc jaculo res illa percellit,
quod inter spectare vel spectata amittere illic spes tenditur, hic
damnatur; illic dubius mæror an habeat, hic certus dolor est, si
relinquat. Habet hoc insitum natura prævaricatione protoplasti parentis
ad nos decursa morte multata, ut sæpe quod vix acquiritur mox linquatur;
serpentis inveterati dens a radice sic perculit, ut nec arbor steterit,
quin stirpe mortis fixa vivat. Misit hoc posteris hereditas parentalis,
ut jacentes morti, quæramus vivere morituri: vulnificavit cunctos
infelicis arboris adquæsita possessio, quæ blandientibus pomis prolem
prius nocuit quam nutrivit, quo certe sub epuli specie mors intravit.
Ferali tactu læsit hoc parentes et posteros: illos gustus, nos succus:
quoniam virulentæ suasionis poculum, quod pater male sorbuit, in prolem
transfudit, et, ut ita dictum sit quod a fonte manavit, in rivum
defluxit. Intulit hoc igitur illa mater de genere, sed noverca de
crimine, infelix cunctis Eva monades, quod certe sola sic extruit ut
universa destrueret, cum veterata machinatione decipulæ, rudem virum
perderet et periret. Sed proles quid boni faciat, si se in calumniam vel
mala parentis extendat, aut ut illum iterum detrahendo remordeat, qui
semel morsu perierat, cum ipse sibi suffecerit suus lapsus, noster
occasus? Itaque puto incongruum, si illum remorsero per quem gratis
invenit gratiam, cujus occasione vitalis alimoniæ mors cœpit depasci,
cui dum oculorum apertio promittitur, lux fugatur et divinitate
promissa, homo lapsus redit in terram: hinc est quod prolem genitam
nocens esca traxit in prædam. Fecit illa captivitas nos prosperis
exsules, adversis consortes, et tantum peregrinatio gravior, quantum
mors dura notior; nascitur ab Adam vetere usque ad novum hominem vita
nostra cum morte. Hinc se nec Abel exuit nec Enoch effugit, nec Nœ se
subtraxit, qui diluvio mortem distulit, non mutavit: hoc patriarcha non
rennuit, hanc legem legifer non avertit, propheta sustinuit, et plus
quam propheta succubuit. Sarra quoque, Rebecca, Rachel, Anna, Elisabeth,
licet sexus inferior, tamen hoc simul bibit amarum. Quis conqueratur de
reliquis, cum ipse triumphator mortis pro parte qua caro factus est et
morti subjectus est? nec fuerat plenus homo, si non sensisset et
tumulum; nec Deus crederetur, nisi surgeret de sepulchro. Hinc est quod
loquor, carissime, et fidæ dilectionis mihi voto conexe, eo quod tuos
per apices natæ sanctæ transitum conqueraris, vix singultu rumpente
indicans calamo tristi decennalis ætatis inruente funere, pubertatis
teneræ flosculum marcuisse, cum pæne nuptiali retracta de limine non ad
patris votum thalamo datur, sed tumulo, et diverso cantico non toro
traditur, sed sepulchro, ad cujus forte vota jam festinans familia
fervebat, sedule parentela excitabatur et patria, mater erat prece
suspensa, ipsa adsurgebat cura nutricis, juncea pubertate rosea
modestate, festiva arte sui sexus ornata. Sed quo me rapit formæ decor
se prodere tam cito fugax, quo caro mendax, cum defunctæ si prædicetur
gloria, adcrescant lamenta? Habuisti igitur istud pater, sed non tuum;
reddidisti potius commendatum: ploratur velut amissum, sed consideretur
non perditum, quod ad Christum redit intactum. An certe conquereris
quasi solus ista perpessus sis, cum casus hic vincat et reges? An
felicior Augusto, fortior Alexandro, favorabilior Trajano, sanctior es
Theudosio? Cum hoc habeat obitu æquale tam miles quam princeps:
patienter dolendum est quod habes commune cum mundo. Quantas autem
feminas ab ipso primo complexu retraxit ad tumulum, et pertulerunt
dispendium, agnito vero, non habito: quæ bis lamentandæ sunt: antea
pudorem perdere, sic perisse! Unde quamvis conqueraris, talem te tali
casu amisisse sobolem, nulli tamen novum est, ut non potuisset hoc
vitare puella quod venit per feminam: illud potius inspice, ut ista res
funeris sit virtutis, et ad illorum exempla te coæqua, qui, dolore victo
surgunt ad palmam. Habes itaque inter ispa patientiæ culmina, primum
velut in specula, Job censuram et normam, qui pro filiis Domino sic
gratias retulit, tanquam si tunc acceperit, cum amisit; qui vir
experientiæ, voluntati divinæ tradidit totum, ne caderet. Quid vero?
David fortis, licet Goliam subdiderit, non se velut fænum nutui cælesti
substravit, cum filio amisso lavit, epulatus est? Ne repugnaret
intelligens uni cedere qui cuncta formavit servus fidelis timuit
offensam boni Domini provocare vel murmure. * * * quem ut jungeretur
divinas ad nuptias, jugiter diffluebat pius pater per lacrimas. Potestis
autem conjicere quia talem non tolleret, nisi suis thalamis placuisset.
Unde nosti abyssos divini consilii vel tuæ natæ qualis in corde
concupiscentia latitavit? Fortassis hoc antea elegit, quod meruit et
illud prodiit quod optavit. Qua de re, vir optime, esto tibi vix judex
et pater es; hoc est si per caritatem te temperes et te judices, non
offendes, præsertim cum te mitiget promissio redemptoris, et præconis
Pauli vox similata tonitrui, quia in ictu oculi resurgere maturabunt
sepulti et vivent sub umbra Christi, de virginitate securi. |
De tous les
chagrins qui se glissent dans le cœur de l'homme, et qui, vu les
irrésolutions et la mobilité des esprits comme aussi les vicissitudes
des temps, rendent nos vœux si sujets à caution, il n'en est pas de plus
navrant que de ne pas voir ce que nous désirons, ou de voir ce que nous
perdons. Dans l'un et l'autre cas, l'esprit flottant succombe sous une
charge qui n'est pas médiocre. Chaque jour il examine ce qu'il possède,
et qu'il perd, lorsqu'il commençait à peine à le posséder, triste
jusqu'à ce qu'il l'ait obtenu, déconcerté dès qu'il l'a perdu. Mais on
reçoit de là un coup plus grave encore, car entre attendre et perdre ce
qu'on a attendu, l'espérance s'exalte et s'accuse tour à tour; ici,
grande est l'inquiétude de savoir si l'on aura ; là, certaine est la
douleur s'il faut y renoncer. Nous devons à notre nature corrompue par
la prévarication de notre premier père, et dont nous sommes punis par la
mort, d'être souvent forcés d'abandonner ce que nous venons à peine
d'acquérir. La dent de l'ancien serpent a pénétré si avant dans la
racine de notre être, qu'il n'est pas un arbre resté debout qui ne porte
la mort dans ses racines. Nous tenons de nos premiers parents cet
héritage que leurs descendants, voués à la mort, n'en cherchent pas
moins à vivre, quoiqu'ils doivent mourir. La possession acquise de
l'arbre de malheur est une blessure dont nous souffrons tous; ses pommes
appétissantes ont fait plus de mal à notre race qu'elles ne l'ont
nourrie. La mort est entrée dans le monde sous forme de mets. Auteurs et
descendants ont été frappés de mort, les uns pour avoir goûté de la
pomme, les autres pour en avoir exprimé le suc ; car cette coupe
empoisonnée qu'Adam se laissa persuader de boire et qu'il but pour son
malheur, déborda sur nous, et ce qui coula, pour ainsi dire, d'une
fontaine devint une rivière. Celle qui fut notre mère par son origine,
notre marâtre par son crime, Eve, monade fatale au tout (01),
arrangea ses affaires de telle sorte que, seule, elle détruisit le
monde, alors que, dupe de l'artifice du démon, elle perdit son époux
innocent et périt elle-même. Mais à quoi bon aux enfants de faire encore
le procès à un père coupable, à le mordre de nouveau, lui déjà mort
d'une première morsure, et dont la chute qui nous entraîna tous, l'a
suffisamment puni? Quant à moi, j'estimerais inconvenant de mordre
encore une fois l'ingrat dont la faute, après tout, nous a valu la
grâce, mais qui, en mangeant du fruit de vie, commença d'alimenter la
mort, qui, sur la promesse que ses yeux s'ouvriraient, mit la lumière en
fuite, et qui, au lieu d'être un dieu comme le serpent l'en avait
assuré, retomba homme sur la terre. De là vient que cette funeste
nourriture a rendu les enfants nés de lui esclaves du péché. Dans cet
état de captivité nous sommes des proscrits à qui le bonheur est refusé,
et qui ont pour compagnon le malheur. Notre voyage dans la vie est
d'autant plus pénible que l'impitoyable mort nous est plus connue. Du
vieil Adam jusqu'à l'homme nouveau nous naissons à la vie en même temps
qu'à la mort. Ce fut la destinée d'Abel, d'Enoch et de Noé dont le
déluge ajourna la mort sans en changer la nature. Ce patriarche dut la
subir; le législateur (Moïse) n'en put éluder la loi, non plus que le
prophète (David) et le plus que prophète (Jean-Baptiste). Sara, Rebecca,
Rachel, Anne, Elisabeth, quoique d'un sexe inférieur, en burent l'amer
calice. Qui plaindra les autres quand le vainqueur même de la mort y a
été soumis dans sa chair? Il n'eût pas été pleinement homme s'il n'eût
connu le tombeau, ni Dieu s'il ne fût ressuscité. Voila, ô le plus cher
de mes amis et l'objet de ma fidèle affection, voilà ce que j'avais à
vous dire, à vous qui, vivant au milieu des grandeurs, vous plaignez de
la mort de votre sainte fille. Vous m'écrivez avec tristesse, et en
interrompant à peine vos sanglots, qu'à l'âge de dix ans, la fleur de sa
puberté a été desséchée par l'irruption de la mort; qu'ayant été, pour
ainsi dire, enlevée aux approches du mariage, elle n'avait pas été,
comme le souhaitait son père, réservée au lit nuptial, mais à la tombe
où l'avaient accompagnée des chants bien différents de ceux d'hyménée ;
que vos vœux avaient été partagés par toute votre famille; que les
parents et les gens du pays en avaient témoigné leur joie, que la mère
était toute en prières, que la nourrice elle-même se tenait prête à
faire son office ; qu'enfin votre fille avait une taille flexible comme
le jonc, la modestie de la rose, toutes les grâces et l'enjouement de
son sexe. Mais où vais-je parler de la beauté aussi fragile que la chair
est menteuse, si cet éloge a pour effet d'augmenter vos gémissements? Ce
bien que vous possédiez, ô père, n'était qu'un dépôt confié à votre
garde. Vous l'avez restitué. Pleurez-le donc comme perdu, mais
considérez aussi qu'il ne l'est pas, puisqu'il a fait retour au Christ
dans toute son intégrité. Vous plaindrez-vous comme si pareil malheur
était arrivé à vous seul? Mais il frappe les rois eux-mêmes.
Voudriez-vous être plus heureux qu'Auguste, plus intrépide qu'Alexandre,
plus favorisé que Trajan, plus saint que Théodose? La mort traitant de
même le prince et le soldat, il faut souffrir avec patience ce qui est
commun à tous. Que de femmes arrache-t-elle à leur premier embrassement
pour les traîner au tombeau ! Combien souffrirent cette perte de la vie,
après avoir connu leur mari, sans le posséder, doublement à
plaindre, et pour avoir perdu leur chasteté, et pour mourir ainsi
déparées! D'où il résulte qu'encore que vous vous plaigniez d'avoir été
privé de votre fille par une pareille catastrophe, il n'est cependant
nouveau pour personne qu'une fille ne peut éviter ce qui nous est venu
de la femme. Veillez surtout à ce que cette mort profite à votre vertu,
et réglez-vous sur l'exemple de ceux qui, surmontant leur douleur, ont
emporté la palme céleste. Parmi ces grands modèles de patience, le plus
grand et le plus en évidence est Job. Vous connaissez les reproches
qu'il fait à Dieu-, cependant il lui rendit grâce pour ses fils, comme
s'il les eût reçus de lui dans le moment même où il les perdit. Cet
homme si éprouvé s'abandonna tout entier à la volonté de Dieu, de peur
de succomber. Quoi encore? Le vaillant David, bien que vainqueur de
Goliath, ne s'étendit-il pas comme du foin sous la volonté de Dieu,
lorsqu'après avoir perdu son fils, il prit du pain et mangea (02)?
Comprenant qu'il fallait céder au Créateur de toutes choses, ce fidèle
serviteur craignit de provoquer même par un murmure le ressentiment du
Seigneur (03)... Ce père pieux et
sans cesse abîmé dans les larmes souhaitait plutôt que sa fille célébrât
ses noces avec le Christ; mais pouvez-vous conclure de là qu'il ne l'eut
point enlevée à cet état, si elle en eût eu du dégoût? D'où avez-vous
appris à sonder les profondeurs des conseils de Dieu et à connaître
quelle sorte de désir était caché dans le cœur de sa fille? Peut-être
avait-elle déjà fait choix de ce qu'elle a mérité d'obtenir, et qu'elle
n'a obtenu que ce qu'elle a désiré. C'est pourquoi, homme excellent,
soyez juge de vous-même, comme vous êtes père, c'est-à-dire que si par
amour pour elle vous vous modérez et vous jugez, vous ne serez pas
trompé, surtout ayant pour motif de vous adoucir la promesse du
Rédempteur et la voix retentissante de l'Apôtre, savoir qu'en un clin
d'œil tous les morts sortiront du tombeau, et vivront à l'ombre du
Christ, assurés d'une perpétuelle virginité (04). |
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III. Item alia. Dominis illustribus, cunctisque
magnificis, omni desiderio complectendis, servientibus dominorum.
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III. Aux illustres et magnifiques seigneurs, objet de toute notre
affection, et à leurs serviteurs (01).
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Si humanæ consuetudinis
isto se generaliter per omnes unus usus extendit et ab antiquis atavis
ipso tradente genere et ad nos usque naturali quodammodo lege pervenit,
quod triticei panis oblectantem candorem vel suavitatem pascentem ad
hordeaceæ frugis aristosa cibaria, fastidioso nimium dente nare, fauce
transitur (cum delectabilis escæ dulcedine permutante ad convivium
pergere, ni fames urgeat, austeritas epuli non invitat), hinc est quod
inlustris ac magnifica celsitudinis vestræ gratia, copiosa cotidianæ
disciplinæ doctrina superinundante refecta et ferventis ingenii studio
lucubrante polita, post illum, ut dixerim, detersum eloquentiæ vestræ
nitorem, et perspicue clarum exercitatione purgante, ad linguæ nostræ
rubiginosam facundiam fastidiose vestri sensus fulgida lux inclinat: cum
tale sit, quod sermonis nostri rumores vacillantes auditis, ac si post
epulas conturnicis, aut fasidis viris delicatissimis, cibos ingeram
pecuales. Sed inter hæc una spe præsumptionis videor animari eo quod
aliquatenus post regales delicias, esca desideretur ruralis et sæpe
rusticus offerat quod animum potentis oblectat. Nam quamvis regum
conviviis auro intermicante purpurata palla coruscet, sæpe tamen
jucunditate placere mensa plus adsolet, veladum brata foliis ordinatis
ex palmite vel superjecto hederæ corymbo crispante. Itaque habet et de
silva reductus pastor quod proferat; cui si desint reliqua, tamen
dignantem convivam vel de lacte dives invitat. Quapropter dominationi,
et celsitudini, teste domino loquor, profusæ dulcedini vestræ salutes
venerabiliter ac desiderantissime persolventes, æterni regis clementiam
deprecamur, ut domnis præcellentissimis feliciter regnantibus ac
universæ potestatis officiis crescentibus ita fugitivæ hujus vitæ spatia
producantur, ut illi piissimo tramite gubernando et vos sine macula
fidelissime serviendo, creatoris ac redemptoris nostri desideratum
pariter intretis in regno, sperantes in Christo de vestræ caritatis
affectu humilitatem nostram peculiariter omnibus sanctis et domini
famulis, sed etiam domnis regnantibus vel eorum fidelibus, proflua
dulcedine commendetis: hoc fiducialiter deprecantes, ut veneratorem
vestrum, portitorem præsentium, hominem domnæ Radegundis matris vestræ,
animæ sanctæ, vel ea, quæ pro utilitate necessitate prædictæ Dominæ
suggesserit, coram Christo et ejus angelis, tam pro sui necessaria quam
prece nostra proprium habere dignemini. Indubitabiliter intimamus, ut
quod pro causa illius apud præsentes domnos reges inpenditis, apud
æternum regem, centuplicato munere suis rationibus adquiratis |
En vertu d'une sorte de loi naturelle, les coutumes se transmettent de
génération en génération, et des ancêtres à leurs descendants. Un homme
accoutumé à vivre de pain de froment, blanc et savoureux, mangera du
pain d'orge avec dégoût, et n'en mangera d'ailleurs que s'il est pressé
par la faim ; de même si Vos Seigneuries dont l'esprit fait sa
nourriture habituelle et quotidienne des doctrines savantes, châtiées et
polies, et si, ayant acquis à cet exercice salutaire une éloquence d'une
clarté, d'une pureté parfaites, elles s'abaissaient jusqu'à prêter
l'oreille à notre langage chargé de rouille, à notre bredouillement,
elles ressembleraient à ces gens délicats auxquels on sert de la viande
de boucherie, après qu'ils ont mangé des cailles et du faisan. Néanmoins
il arrive quelquefois (soit dit sans vouloir m'en faire une application
présomptueuse) que tel, au sortir de la table des rois où il s'est
régalé, voudrait bien un peu goûter de celle des paysans. Souvent un
rustique offre à son seigneur un morceau qui lui agrée. Quoique la
vaisselle d'or et les tapisseries de pourpre brillent aux festins des
rois, on ne laisse pas que d'aimer mieux s'asseoir à une table dressée à
l'ombre de berceaux de pampres ou de lierre chargé de ses grappes. Le
berger, au retour de la forêt, a de quoi vous offrir. Il est riche en
lait, si le reste lui manque, et le convive qu'il invite veut bien
l'accepter. Saluant donc avec un profond respect Vos Grandeurs et Vos
Dominations, nous implorons la clémence du roi éternel, afin qu'il
prolonge la durée de cette vie fugitive en faveur de nos excellents
princes, aujourd'hui régnants, et accroisse votre puissance avec vos
devoirs; que tandis qu'ils gouverneront avec justice, vous les serviez
avec fidélité et intégrité, et comme eux vous entriez dans le royaume si
désiré de notre Rédempteur. Nous espérons dans le Christ et attendons de
votre charité que vous nous recommandiez particulièrement non seulement
à tous les saints et serviteurs du Seigneur, mais encore aux souverains
régnants et à leurs fidèles; nous vous prions en outre avec toute
confiance de recevoir le porteur de la présente, lequel est plein de
vénération pour vous; il est homme de Radegonde, âme sainte, et votre
mère, et il vous fera de sa part des propositions qui auront pour objet
ce qui lui est utile et nécessaire. Daignez, en présence du Christ et
des anges, tant par respect pour elle qu'en considération de notre
prière, vous intéresser à ses affaires comme si elles étaient les
vôtres, et vous employer pour elles auprès des rois. Ce que vous aurez
fait à cet égard, l'Éternel, cédant à ses prières, vous en récompensera
au centuple. |
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IV. Item alia.
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IV. Autre (01).
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Celsitudinis vestræ
legatis transcurrentibus omni caritate refertas nos insaturabili voto
suscepisse gratificamur epistulas: in quibus ut, quod erat nostræ
revelationis, consultum de vestri culminis incolumitate relegimus,
inserendo commemorationem dulcissimæ filiæ quod est de mærore partimur.
Denique quibus fuit in vivente participata lætitia, sint communes
lacrimæ necesse est in defuncta; nec ratio suadet, ut sola tibi
privilegium defendas in fletu, quæ habuisti in cujus nos compari
ligaremur affectu, quoniam licet formata vestris ex visceribus
processisset, tamen non minus adulta nostris in pectoribus habitavit
quippe quæ producens partum ex utero transmiseras quasi in nostro gremio
recepturum, ut cum a vobis esset, etsi non corde, tamen corpore
recessura, nobis velut in vestra caritate fieret amplectenda. Hinc est
quod, [quod] mater de illa genitalis causa contulerat, mihi totum velut
adoptivus amor explebat, quia cum vobis genita, nobis tamen erat renata.
Equidem optaveram, pro meritis ejus, illa superstite vobiscum loqui de
gaudio magis, quam tristis consolatio nasceretur ex fletu. Sed invida
rerum series, quæ illud celerius subripit quod magis placere cognoverit,
rem mihi desiderabilem pæne uno momento et offerre voluit et auferre.
Vel quare nobis rem attulit, quam subducere festinavit? Cum nihil sit in
humana conditione crudelius quam aut non videre quod habeat aut videre
quod perdat. Sed quousque suum mærorem dolor importunus exacuit ac
præceps sine freno moderatæ consolationis excurrit? Cum intelligat hoc
temperari debere quod emendare nequiverit et æquanimiter toleret quod
infectum facere non valebit; præsertim cum in illa tot admiranda
refulserint, ut nec apud homines in sermone defecerit et apud deum de
opere præmia viventis expectet. Nam præter reliqua bona quæ cum illa
laudanda sunt, (nec tamen clausa jacent in tumulo dum volvuntur per ora
cunctorum) hoc unum breviter adsero: si fides et persecutio Christi
martyrem facit, non habes in tali filia quod deflere, quia illi et recte
credere contigit et perferre, et licet festinasset in juventute sors
debita, tamen est innocentia secura de palma. |
Nous avons reçu
des mains de vos envoyés, qui passaient par ici, votre lettre si remplie
d'affection pour nous et que nous désirions passionnément. Nous vous en
remercions. Nous y avons lu, à notre grand soulagement, que la santé de
Votre Grandeur était bonne, et quant à votre chère fille dont vous nous
rappelez la mémoire, nous nous associons a la douleur que vos ressentez
de sa mort. Nous nous étions réjouis avec vous pendant qu'elle était
vivante, et maintenant qu'elle ne l'est plus, nous la pleurons avec
vous. Vous revendiqueriez en vain pour vous seul le privilège de la
pleurer, car nous l'aimions autant que vous, et si elle est sortie de
vos entrailles, devenue adulte, elle a habité dans les nôtres. Vous nous
l'aviez confiée à cette condition, en sorte que, comme sa personne et
non pas son cœur devait vous être enlevée, nous dûmes la recueillir pour
tenir votre place auprès d'elle. Une sorte d'amour adoptif se substitua
à l'amour maternel, car étant née de vous, elle était renée en nous.
J'aurais mieux aimé m'entretenir gaiment avec vous d'elle encore
vivante, et de ses mérites, que de vous offrir, elle morte, une triste
et stérile consolation; mais le sort jaloux qui nous enlève plus
promptement ce qu'il sait nous plaire davantage, m'a donné et ôté
presque en un moment un bien pour moi si regrettable. Il n'est rien dans
la condition humaine de plus cruel que de ne pas voir ce qu'on possède
ou de voir ce qu'on perd. Mais n'est-ce pas laisser trop longtemps le
chagrin s'envenimer, et résister au frein des consolations raisonnables,
alors qu'on sait qu'on peut adoucir les maux qui ne sauraient être
supprimés, et souffrir avec égalité d'âme ce qu'on n'a pu empêcher
d'arriver; surtout quand tant de vertus admirables éclatèrent dans cette
jeune fille que les hommes ne cesseront jamais d'en parler, et qu'elle
attend près de Dieu la récompense de ses œuvres terrestres? Car outre
les autres biens qui sont à louer en elle, et qui ne sont pas enfermés
dans le tombeau, puisqu'ils sont l'entretien de tout le monde, je
rappellerai seulement celui-ci : si la foi et la persécution font le
martyre chrétien, vous n'avez plus à pleurer votre fille ; car il lui
est échu de croire fermement et de souffrir, et si le sort auquel elle
ne pouvait se soustraire s'est hâté de nous la ravir en sa jeunesse, son
innocence lui assure la palme céleste. |
|
V. In nomine Domini nostri Jesu Christi incipiunt
versus de Oratorio Artannensi.
|
V. Au nom de N.-S. Jésus-Christ, cy commencent les vers sur
l'oratoire d'Artanne (01).
|
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Quisquis ad hæc properas venerandi limina templi,
Dona precaturus quæ dat amore Deus:
Hæc in honore sacri Gabrielis cuncta coruscant,
Qui pia jussa Dei rite minister agit.
Zachariæ veniens qui nuntia detulit astris.
Elisabeth datus est quando propheta potens,
Quique redemptorem e cælo regem omnipotentem,
Post ait ut terris ventre Maria daret.
Qua sacer antistes nova tecta Gregorius effert,
Ut sibi cælestes restituantur opes. |
Qui que tu sois
qui viens à ce sanctuaire vénérable pour y demander à Dieu les biens que
dispense son amour, sache que l'éclat dont il brille est tout entier en
l'honneur de Gabriel, le saint et ordinaire interprète des ordres de
Dieu. C'est lui qui fut envoyé du ciel à Zacharie, quand il fut donné à
Elisabeth d'enfanter un grand prophète; c'est lui encore qui annonça à
Marie qu'elle porterait en son sein et donnerait à la terre le
Rédempteur du monde, roi tout puissant du ciel. Le saint évêque Grégoire
a réparé cet édifice, afin d'obtenir pour soi les biens célestes. |
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VI. In nomine Domini nostri Jesu Christi versus. Ad
Ecclesiam Toronicam, quæ per Gregorium episcopum renovata est.
|
VI. Au nom de N.-S. Jésus-Christ, vers sur l'église de Tours,
reconstruite par l'évêque Grégoire (01).
|
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Emicat altithroni
cultu venerabile templum,
Egregium meritis, nobilis arcis apex;
Quo propria tunica dum operit Martinus egentem
Gestorum serie fulgida signa dedit.
Namque idem antistes, sacra dum mysteria tractat,
Lumina gemmarum est visus habere manu.
Ac de veste fuit quantum sua dextera nuda,
Tantum membra sibi gemma corusca tegit.
Sanctus item Domini almam dum benediceret altar,
De capite est visus flammeus ire globus.
Quæ modo templa sacer renovata Gregorius effert,
Et rediit priscus cultus, honorque suus.
Fulgida præcipue nituerunt culmina tempti,
Postque usus veteres præmicat aula rudis.
In senium vergens, melius revirescere discens,
Diruta, post casum firmius acta situ.
Martini auxiliis operando Gregorius ædem,
Reddidit iste novus, quo fuit ille vetus.
Clara supercilio
domini delubra nitescunt,
Alma licet merito, sunt quoque celsa jugo;
Invida subruerat quam funditus ipsa vetustas,
Ut paries liquidis forte solutus aquis:
Quam pastor studuit renovare Gregorius ædem,
Nec cecidisse dolet, quæ magis aucta favet.
Ambianis tremulum
cernens Martinus egenum,
Dimidiæ chlamydis mox ope membra tegit.
Sed coram angelicis turmis, se hanc nocte silenti,
Pauperis in specie, Christus habere refert.
O sacer antistes, meritis referende sub astris!
Unde tegis nudum, hinc tua palla Deum.
Inter opima Deus
figulus quæ vascula fecit,
Martinus meritis vas in honore nitet.
Leprosi maculas pretiosa per oscula purgans,
Cui quod ab ore dedit pax medicina fuit.
Ulcera morbosi curans sic fauce beatus,
Quod Jordanis agit tacta saliva facit.
Quam generosa fides
Martini in sæcula civis!
Qui quocumque fuit, mors ibi perdit iter.
Denique cum extincto catechumenus ore jaceret,
Se superextendens, effugat arma necis:
Sic viduæ genito laqueato, deinde reducto,
Est vir ubi iste Dei, non licet ire mori.
Fanaticam pinum
sanctus succidere cogens,
Justum ibi supposuit rustica turba premi.
Cæsa secure arbor cum jam daret alta ruinam,
Ad crucis imperium est ire coacta retro.
Quis vigor hic fidei, validæ dum pondera pini
Quo natura negat crux facit ire viam?
Serpentis morsu
tumido suprema regenti,
Hic digitum ut posuit, pestis iniqua fluit.
Collecto morbo huc et ab ulcere pollice tracto
Dumque venena cadunt erigit ille caput:
Unguentumque novum, digitis traxisse venenum,
Et tactu artifici sic superasse neces!
Dum latro extinctus
falso coleretur honore,
Voce huc Martini cogitur umbra loqui.
Publice se referens scelerum pro mole peremptum
Se quoque nec justum, sed magis esse reum.
O vox sancta, loqui defuncta cadavera cogens,
Qui post fata jacens, dat sua verba cinis!
Pergeret in fluvium
dum vipera lapsa natatu,
Et prope litorei tangeret ora soli,
Martini imperio liquidas revocatur ad undas,
Transactumque viæ lassa recurrit iter.
Quantus amor Domini tali sub corde calebat,
Quando venena potens ipsa retorquet aquis!
Martini meritis
aliis quoque febre crematis,
Sudores refluos pagina sicca dabat.
Unde salutifero medicamine, charta fovebat,
Atque graves ignes littera tinguet aquis.
Gratia quanta Dei hujus sermone rigabat,
Febre ubi succensis fons suus ibat apex!
Alme Deus rerum,
pie, summe, Gregorius, arcis
Tu cui das sedem, dat tibi templa sacer.
Nam veteri fuerant hæc funditus eruta lapsu,
Tecta labore novo, quæ modo culta cluunt.
Jure potestatis cui tu, bone conditor orbis,
Hæc danti in terris, culmina redde polis.
Victa vetustatis per
tempora culminis arcta,
Diruit, ut melior surgeret aula solo:
Quo sacra Martinus Domini mysteria tractans,
A capite igniferum misit in astra globum.
Ne tamen ipsa ruens miserando fine jaceret,
Pontificem meruit, qui sibi ferret opem.
Quæ rediviva micans instante labore Gregori,
Decidua senio, floret honore novo.
Fundamenta igitur reparans hæc prisca sacerdos,
Extulit egregius, quam nituere prius.
Nunc placet aula decens, patulis oculata fenestris.
Quo noctis tenebris clauditur arce dies.
Lucidius fabricam picturæ pompa perornat,
Ductaque qua fucis, vivere membra putes.
Leprosum purgavit.
Pannoniæ regio misit
tibi, Gallia, fructum,
Gignens cælestem terra maligna dapem.
Martinum inlustrem meritis qui in munere divo,
Culmen in ætheria sede senator habet.
Qui lepræ maculas medicata per oscula purgat,
Curat et infectum pura saliva virum.
Ad fluvium domini cui non fuit ire labore,
Quod Jordanis habet, sanctus ab ore dedit.
Qui sacer ipse mihi te, pastor, agente, Gregori
Fortunato adimat tot maculosa reo.
Chlamys divisa.
Dum chïamydem
Martinus inops divisit egeno,
Christus ea memorat se bene veste tegi.
Dives paupertas, Dominum quæ texit amictu,
Cui Deus occurrit, qui dedit astra faber!
Tunicam dedit.
Noscere qui mavis
Martini gesta beati,
Hic poteris breviter discere mira viri.
Denique cum tunicam sacer ipse dedisset egenti,
Ac sibi pars tunicæ reddita parva foret,
Quod non texerunt manicæ per brachia curtæ,
Visa tegi gemmis est manus illa viri.
O nimium felix, cui contigit in vice lanæ,
Nobilium lapidum lumine membra tegi,
Ut cum adhuc cinere adspersus foret, atque favillis,
Artifice angelico gemmeus iret homo!
Mortuos tres suscitavit.
Quid Deus in famulis
operetur opimus amator,
Martini gestis magna probare potes;
Ducere qui meruit de morte cadavera vitæ,
Rettulit atque diem reppulit unde necem.
Pinus excisa.
Dum caderet,
Martinum arbor pressura beatum,
Mox facit ipse crucem, pinus abacta redit.
Quis non virtuti divinæ commodet aurem,
Dum, trabe conversa dant quoque ligna fugam?
Idola prostrata.
Idola dum cuperet
Martinus sternere fulta,
Conterit hæc cælis magna columna ruens:
Auxilium ad justi dignando militat æther:
Quanta fides, cujus currit ad arma polus!
Falsus martyr.
Forte
colebatur dum quis pro martyre latro,
Martini adventu se probat esse reum.
Virtutis merito fidei radiante corusco,
Nec tacet extincti, nec latet umbra rei. |
Cette église vénérable consacrée au culte du Très-Haut, célèbre par ses
reliques, noble tête de la cité, est bâtie sur le lieu même où Martin
revêtit un pauvre de sa tunique, et où il fit une série de miracles
éclatants. Ainsi, comme le saint évêque célébrait les sacres mystères,
on vit sa main toute resplendissante de pierreries (02);
elles avaient recouvert tout ce qui en était resté nu, après qu'il eut
donné sa tunique (03). On vit
encore un globe de feu sortir de sa tête, pendant qu'il bénissait
l'autel du Seigneur. C'est cette église que le pieux évêque Grégoire a
reconstruite, et à qui il rend, avec le rétablissement du culte, son
antique honneur. Elle avait longtemps servi. Les voûtes en étaient très
belles; mais le nouvel édifice, quoiqu’inachevé, est plus beau encore.
Elles tombaient de vétusté et demandaient à être rajeunies, on les
démolit et on.les rebâtit plus solidement. Grégoire y travailla avec le
secours de Martin, et remit à neuf ce qui en était resté vieux.
Les sanctuaires du Seigneur se distinguent par la sévérité de leur style
(3 bis), et bien que par cela seul
ils soient imposants, ils le sont encore par leur élévation. L'église de
Martin que le temps jaloux avait minée, comme le sont les murs par
l'affouillement des eaux, Grégoire s'est appliqué à la refaire, et il ne
regrette pas qu'elle soit tombée, puisqu'on la refaisant il en a
augmenté les dimensions.
A Amiens (04), voyant un pauvre qui
tremblait de froid, Martin se hâta de le couvrir de la moitié de sa
chlamyde ; mais le Christ dit en présence des anges : « C'est moi-même
qui, sous la figure du pauvre, ai reçu de Martin, dans le silence de la
nuit, cette partie de son vêtement. » O saint évêque, dont les mérites
sont ainsi rappelés dans le ciel, le manteau dont tu couvris un pauvre
nu revêt un Dieu!
Parmi les riches vases que le divin potier façonna, Martin en est un
dont les mérites sont des plus éclatants. Il guérit les plaies d'un
lépreux en y appliquant ses lèvres (05);
un baiser fut toute sa médecine. En guérissant ainsi les ulcères, la
salive même est aussi efficace que les eaux du Jourdain.
Quelle foi généreuse que celle de Martin, quand il était citoyen de
Tours ! Partout où il se trouvait, la mort perdait sa voie. Un
catéchumène gisait à terre sans pouvoir proférer une parole (06)
; Martin s'étendit sur lui, et la faulx de la mort fut détournée. Ainsi
fit-il d'un pendu, fils d'une veuve ; il lui rendit la vie (07).
Partout où est cet homme de Dieu, il n'est pas permis de mourir.
Le saint voulait couper un pin planté près d'un temple païen (08);
le peuple crut qu'il serait infailliblement écrasé; niais comme l'arbre
entamé par la hache était sur le point de s'abattre, Martin fit un signe
de croix et le força de revenir sur lui-même. O puissance de la foi, la
croix fait pencher le pin du côté opposé à celui où il eût penché
naturellement!
Un homme avait été mordu par un serpent (09);
il était enflé et déjà faisait ses dernières dispositions; Martin le
touche du doigt et le venin sort de la plaie. Au même instant, le blessé
relève la tête. Un doigt qui tire du venin, voilà un onguent tout
nouveau! Un simple attouchement vainqueur de la mort!
Un voleur, après sa mort, recevait des honneurs dont il était indigne (10);
à la voix de Martin, son ombre fut forcée de parler. Il dit alors en
présence du public qu'on l'avait justement fait mourir, à cause de ses
nombreux méfaits, et que loin donc d'être un juste, il était un
criminel. O voix sainte qui oblige à parler les cadavres, et à qui
répond la cendre des morts !
Une vipère tombée dans un fleuve (11),
lasse de nager, gagnait le rivage; déjà elle le touchait de la tête,
lorsqu'au commandement de Martin, elle retomba dans l'eau, et reprit
avec de pénibles efforts la route qu'elle venait de parcourir. De quel
amour de Dieu brûlait le cœur de Martin, quand il faisait ainsi
rebrousser chemin au reptile venimeux !
Une simple lettre de Martin, appliquée sur des personnes dévorées par la
fièvre, provoqua par les mérites du saint une sueur abondante (12),
d'où résulta la guérison. L'écriture, comme l'eau, avait éteint
l'incendie. Quelle grâce divine découlait de cette lettre dont les
caractères étaient une fontaine rafraîchissante pour des fiévreux!
Dieu de miséricorde, souverain Seigneur du monde, tu donnas à Grégoire
un siège episcopal, il le donne un temple. L'ancien avait été renversé
de fond en comble, il l'a refait, et l'on en voit aujourd'hui la beauté.
O bon Créateur de l'univers, à celui qui te rend de pareils honneurs sur
la terre, rends-en d'autres dans le ciel par le droit de ta toute
puissance.
Les combles trop faibles de l'église de Martin ayant cédé sous le poids
de la vétusté, Grégoire les abattit, ayant le dessein d'élever une
église plus convenable au lieu même où Martin, célébrant les saints
mystères, avait fait jaillir de sa tête un globe de feu. Cependant pour
que l'ancien édifice ne tombât pas tout entier et ne finit pas
misérablement, l'évoque y pourvut par des travaux de restauration.
Maintenant, grâce à ces travaux qui étaient urgents, la vieille église
renaît avec des beautés nouvelles. Le saint prêtre a repris en
sous-œuvre les anciens fondements, et ses constructions surpassent en
magnificence celles qu'on voyait auparavant. Aujourd'hui c'est un
superbe monument éclairé par de larges fenêtres, et où, pendant la nuit,
le jour est entretenu par des moyens artificiels. Les peintures qui
décorent ses murs n'en ressortent que davantage, et l'on penserait que
les personnages en sont animés (13).
Martin guérit un lépreux (14).
La semence qui croit dans le sol ingrat de la Pannonie a produit un
fruit céleste qu'elle a envoyé à la Gaule (15) :
c'est Martin, grand par ses mérites, à qui Dieu fit la grâce de donner
un siège de sénateur dans le ciel, qui guérit la lèpre par le remède
salutaire de ses baisers, et dont la salive purifia un homme infecté de
ce mal. Il n'eut pas besoin pour cela de recourir au fleuve du Seigneur,
à l'eau du Jourdain, sa bouche en avait les vertus curatives. Que par
votre intercession, ô Grégoire, le saint efface les nombreuses
souillures du pécheur Fortunat.
Il donne son manteau.
Quand Martin donna la moitié de son manteau à un pauvre, le Christ dit «
qu'il en avait lui-même été revêtu. » Riche est la pauvreté qui couvre
d'un vêtement le Seigneur, et à laquelle vient s'offrir le divin
Créateur des astres.
Il donne sa tunique.
Qui veut connaître la vie et les miracles du bienheureux Martin peut les
apprendre ici en un moment. Lorsqu'il eut donné à un pauvre sa tunique,
dont une petite partie seulement lui fut rendue, comme les manches trop
courtes laissaient à nu ses bras, on vit l'une de ses mains couverte de
pierres précieuses. O trop heureux celui dont les membres au lieu de
drap furent couverts de pareilles richesses, afin que, encore tout
souillé de la terre et de la cendre du tombeau, il marchât paré de
joyaux, œuvre d'un artiste angélique.
Il ressuscite des morts (16).
Ce que Dieu opère par le moyen des serviteurs qu'il aime le plus, se
peut voir aux actes de Martin. Le saint reçut le don de ranimer des
cadavres, et de rappeler la vie là où il avait chassé la mort.
Il coupe un pin.
Un pin que coupait Martin allait l'écraser en tombant; le bienheureux
fit le signe de la croix, et l'arbre revint sur lui-même. Qui pourrait
douter de la vertu divine du saint, en voyant cet arbre revenir en
arrière et le bois prendre la fuite?
Il renverse des idoles. (17).
Martin voulant renverser des idoles de leur piédestal, un tourbillon de
vent s'abattit sur elles et les brisa. L'air vint au secours du juste et
combattit pour lui. Qu'elle était grande la foi dans cet homme pour qui
le ciel courait aux armes!
Un faux martyr.
Un voleur était honoré comme un martyr; le saint se présente, l'autre
s'avoue criminel. A l'éclat des rayons de la foi et de la vertu qui est
en elle, l'ombre du coupable ne put ni se taire, ni se cacher. |
|
VII. Ad Childebercthum regem, et Brunichildem
reginam, de natali sancti Martini pontificis Toronici.
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VII. Au roi Childebert (01) et à la
reine Brunehaut, sur la fête de saint Martin, évêque de Tours.
|
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Præcelsis dominis
famulus dum corde pusillus,
Fluminibusque vagis per vada pergo rate:
Ecce supervenit venerandi in sæcula civis,
Martini meritis luce perenne dies.
Qui modo de Gallis totum mire occupat orbem,
Et virtus pergit quo pede nemo valet.
Qui velut alta pharus lumen pertendit ad Indos,
Quem Hispanus, Maurus, Persa, Britannus amat.
Hunc Oriens, Occasus habet; hunc Africa et Arctos:
Martini decus est, quo loca mundus habet;
Quique per Oceani discurrit marginis undas:
Omnibus ut præstet, circuit orbis iter.
Per cinerem ascendens, per dura cilicia cælos,
Stat modo gemmatus, pauper in orbe prius
Quo patriarcharum decus est, radiantque prophetæ,
Quo est sacra turba senum bis duodena patrum.
Inter apostolicum numerum rutilante senatu,
Quo sedet ipse throno, rex sibi Christus amor,
Quo excellit cum clave Petrus, cum dogmate Paulus,
Fulget et in reliquis palma, corona, fides,
Quod loca martyribus vernanti lumine florent,
Atque libro vitæ est scriptus honore cruor
Quo confessores gemmata palatia complent,
Æternumque tenent aurea tecta diem,
Stat quoque post lacrimas ubi nunc Radegundis opima,
Forsan et Eugeniam nunc tenet illa manu:
Hos inter Martinus habet diademata pulcher,
Atque sacris lumbis fulgida zona viret.
Cantat e egregios Christi de morte triumphos,
Atque resurgenti plaudit amore Deo.
Hunc quoque Martinum colitis, quem, regna patronum,
Vos hunc in terris, vos memor ille polis:
Vos intra angelicas turmas canat ille sub astris,
Cui vos ante homines fertis honore diem.
Nomina vestra legat patriarchis atque prophetis,
Cui hodie in templo diptychus edit ebur.
Reddat apostolicos proceres reliquosque patronos,
Quem vos hic colitis vel pia festa datis.
Pergat et ad Christum pro vobis ille precator,
Cui vos in templis vota precando datis.
Ante poli referat sua hæc sollemnia regem,
Dentur ut hinc vobis, regna, salutis opes.
Deputet et Dominus vestrum hunc esse patronum,
Ut modo qui colitur, vos colat hujus opis.
Qui [que] dedit habitans miracula plurima terris,
Distribuat vobis hic quoque mira potens.
Cujus gemmata tunc dextera visa beati,
Vos simul et vestros protegat illa manus.
Qui tunc promeruit revocare cadavera vitæ,
Hic quoque pro vestra vota salute ferat.
Qui percusso homini abstraxit de carne venenum,
Noxia de vobis ipse venena vetet.
Qui serpentis iter fecit revocare retrorsum,
Ipse graves casus hinc fuget ire retro.
Qui de peste domum salvam dedit esse Lyconti,
Hæc domus incolumis floreat hujus ope.
Cujus opima chlamys tremebundum texit egenum.
Ejus apostolici vos tegat ala viri.
Qui viduæ matri revocavit ad ubera natum,
Ipse tibi hic tribuat pignora, mater, ava.
Ut Childebercthus maneat cum prole novella,
Rex sua regna tenens et nova regna trahens.
De genita ut videas genitrix, ut dulcius optas,
Deque nuru cara quod tua vota rogant.
Unde hic felices habeant sua festa fideles,
Et Domini famulis sitis honoris apex.
Quo tibi plus libeat, Brunichildis, habere patronum,
Quando domum et dominos servat in orbe pius.
Sic quoque te erudiat, regat et sic tramite ducat,
Actibus ipsa piis ut sibi juncta mices. |
Tandis que pour
obéir à mes hauts et puissants seigneurs, je fais route en bateau sur
les fleuves et sur les rivières, avec le cœur un peu brouillé, arrive la
fête de Martin, à jamais vénéré pour les mérites auxquels il doit de
jouir à présent de la lumière éternelle. C'est à cause de lui que dans
le monde entier on parle de la Gaule avec admiration. C'est lui dont la
vertu pénètre là où le pied de l'homme ne saurait atteindre; qui,
semblable à un phare élevé, lance ses feux jusqu'aux Indes; que
l'Espagnol aime, ainsi que le Maure, le Perse et le Breton; qui est tour
à tour en Orient et en Occident, au Midi et au Septentrion, honorant
ainsi tous les peuples de la terre ; qui se répand sur les rives de
l'Océan ; qui, pour être au service de tous, fait le tour du monde ;
qui, au sortir de la cendre et des durs cilices, est monté au ciel; qui
maintenant, couvert de pierreries après avoir été pauvre ici-bas, habite
les demeures où rayonnent les saints patriarches et les prophètes, où
est la troupe sacrée des vingt-quatre vieillards et des douze apôtres,
magnifique sénat que le Christ, son roi et son amour, préside du haut de
son trône ; où Pierre témoigne de sa suprématie par les clefs, et Paul
par la doctrine); où les autres tirent leur éclat de la palme, de la
couronne et de la foi, où les martyrs par leur présence éclairent les
lieux d'une lumière qui jamais ne s'éteint, et où le livre de vie est
écrit de leur sang; où les confesseurs remplissent des palais en pierres
précieuses, et où les maisons sont en or et éclairées par un jour
éternel. Là aussi, après une vie passée dans les larmes, demeure la
grande Radegonde (02), qu'en ce
moment peut-être Eugénie tient par la main. Entre tous on reconnaît
Martin à son diadème, à l'éclat de la ceinture qui ceint ses reins
sacrés. Il chante le triomphe sublime du Christ sur la mort, et
applaudit avec amour à sa résurrection. Rois, ce Martin, honoré par vous
sur la terre comme votre patron, se souvient de vous dans le ciel. Qu'il
vous y glorifie donc dans l'armée des anges, puisque vous célébrez sa
fête de préférence à toutes autres. Qu'il lise vos noms aux patriarches
et aux prophètes, lui dont on lit aujourd'hui le sien sur un diptyque
d'ivoire dans son église, à Tours (03).
Qu'il vous rende favorables les hauts personnages apostoliques et les
autres patrons que vous honorez ici et dont vous célébrez les fêtes. Que
lui encore, l'objet de vos prières dans vos églises, aille trouver le
Christ et le prie pour vous. Qu'il raconte vos solennités en son honneur
au roi du ciel, pour que vous en obteniez, princes de la terre, les
richesses du salut. Que le Seigneur le tienne pour votre patron, afin
qu'étant honoré et aimé par vous il vous aime aussi et vous honore. Que
le saint qui fit tant de miracles sur la terre, montre tout ce qu'il
peut à cet égard en faveur de vous. Que le bienheureux dont la main
parut couverte de pierreries, vous protège de cette même main vous et
les vôtres. Que celui qui reçut le pouvoir de rappeler à la vie des
cadavres, offre ses vœux au Seigneur pour votre santé. Qui fit sortir le
venin de la chair d'un homme mordu par un serpent, vous préserve de tous
les poisons. Qui fit rebrousser chemin à un reptile, détourne aussi de
vous les accidents funestes. Qui préserva de la peste la maison de
Lycontius (04) fasse que la vôtre
soit saine et florissante. Que celui dont le riche manteau couvrit un
pauvre transi de froid, vous couvre de ses ailes apostoliques. Qui
rendit à une veuve le fils qu'elle allaitait, vous donne, à vous, mère
et aïeule, des petits-enfants (05).
Que Childebert, votre fils, conserve sa jeune famille et, restant roi de
ce royaume, en acquière de nouveaux. Que votre fille [06) enfin, conformément
à vos désirs et à vos vœux les plus chers, vous procure les mêmes joies
maternelles que vous a données votre bru bien-aimée. Vos fidèles heureux
auront ainsi leurs fêtes. Soyez les premiers à rendre honneur aux
serviteurs de Dieu, et alors, Brunehaut, vous goûterez davantage le
bonheur d'avoir un patron dont la sainteté est la sauvegarde en ce monde
de la maison royale et de ses maîtres. Qu'il daigne ce patron vous
éclairer, vous diriger et guider vos pas dans la vie de telle sorte que,
par vos actes de piété, vous paraissiez visiblement en communion avec
lui. |
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VIII. Ad eosdem in laude.
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VIII. Aux mêmes.
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Si
præstaretur præconia pandere regum,
Non mihi sufficeret nocte dieque loqui,
Qualiter hic populus dominorum pendet amore,
Et vestris oculis lumina fixa tenet.
Vos, quibus et speculum et lux et dulcedo manetis,
Carum ornamentum, his simul estis, honos.
Præcipuum donum placidum et placabile regnum,
Ac vestro in statu est culmen in orbe pium.
Hicque parentela et patria et tutela coruscat,
Hic decus atque gradus, hic pietatis opus,
Hic tranquilla quies, hic spes jucunda fideli,
Postque Deum in vobis dona salutis habent.
Hic ego cum populo mea vota et gaudia jungo,
Quæ pius amplificans crescere Christus agat.
Præstet cura Dei vos longa in sede tueri,
Cælesti ac dono regna tenere diu.
Adquiratis adhuc nova vel possessa regatis,
Ac pie participes has foveatis opes.
Ut tibi quæ floret de nato et germine, messem
Maturam videas, mater honore micans.
Sic ut et ex genito genitisque nepotibus amplis,
Altera progenies inclita detur avæ.
De Childeberectho dulcedine, flore, salute,
Fructum habeas genetrix, plebs sua vota videns.
De nata atque nuru cumulet tibi dona creator,
Cumque pio merito stes placitura Deo.
Hic ego promerear rediens dare verba salutis,
Congaudens dominis parvulus ipse piis.
Prospera sint regum, populorum gaudia crescant:
Exultet regio, stet honor iste diu |
Si j'étais appelé
à l'honneur de publier les louanges des rois, ce ne serait pas assez
déparier jour et nuit pour dire comment le peuple aime ses maîtres, et
comment il tient ses regards fixés sur leurs regards. Vous êtes à la
fois son miroir, sa lumière et son charme, un ornement sans prix, enfin
son honneur même. Le premier de vos bienfaits est le calme et la douceur
de votre gouvernement, et, dans vos Etats, la plus haute piété qui soit
dans le monde. L'éclat qui vous environne est un reflet de celui de
votre parenté (01) et de votre
patrie ; il résulte encore de la tutelle exercée par la reine (02),
de votre gloire personnelle, de votre haut rang et enfin de vos œuvres
pieuses. Ajoutez-y une paix inaltérable, les espérances que tout sujet
fidèle fonde sur vous, et le salut que chacun tient de vous après Dieu.
Je partage la joie du peuple et joins mes vœux aux siens, priant le
Christ d'en faire croître et multiplier les effets. Que Dieu ait souci
de vous et que sa céleste munificence vous maintienne longtemps sur le
trône où vous êtes assis; qu'il vous permette d'acquérir de nouvelles
possessions sans rien perdre de votre pouvoir sur les anciennes, et de
garder religieusement et en commun de telles richesses. Et vous,
illustre mère, puissiez-vous voir dans sa pleine maturité la moisson que
votre fils a ciliée et dont la floraison est si belle; puisse de ce fils
et de ceux qui naîtront de lui sortir et être donnée à l'aïeule une
autre illustre lignée (03)! Que
Childebert, cette fleur aimable et brillante de santé, donne à sa mère
des fruits où le peuple verra l'accomplissement de ses vœux. Quant à
votre fille et à votre bru (04),
que le Créateur les comble de ses grâces. Vous cependant continuez à
être agréable à Dieu par vos propres mérites. Puissé-je, à mon retour
près de vous (05), mériter d'être
admis à vous saluer de nouveau et à me réjouir, chétif que je suis, avec
des maîtres si bienveillants. Que.les rois soient heureux, que le peuple
redouble de joie, que tout le pays soit dans l'allégresse, et qu'il en
aille longtemps de même pour l'honneur de tous. |
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IX De navigio suo.
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IX. Sur son voyage par eau.
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Regibus
occurrens, ubi Mettica mœnia pollent,
Visus et a dominis ipse retentor equo.
Mosellam hinc jubeor percurrere navita remo,
Accelerans tremulis pergere lapsus aquis,
Ascendensque ratem gracili trabe nauta cucurrit;
Nec compulsa notis prora volabat aquis.
Interea locus est per saxa latentia ripis:
Littore constricto plus levat unda caput;
Huc proram inplicitam rapuit celer impetus actam,
Nam prope jam tumidas ventre bibebat aquas.
Ereptum libuit patulos me cernere campos,
Et fugiens pelagus, ruris amœna peto.
Gurgite suscipior subter quoque fluminis Ornæ,
Quo duplicata fluens unda secundat iter.
Inde per exclusas cauta rate pergimus undas,
Ne veluti piscem me quoque nassa levet.
Inter villarum fumantia culmina ripis,
Pervenio qua se volvere Sura valet.
Inde per extantes colles et concava vallis,
Ad Suram pronis labimur amnis aquis.
Perducor Treverum qua mœnia celsa patescunt,
Urbs quoque nobilium nobilis æque caput.
Ducimur hinc fluvio per culmina prisca senatus,
Quo patet indiciis ipsa ruina potens.
Undique prospicimus minitantes vertice montes,
Nubila quo penetrans surgit acuta silex.
Qua celsos scopulos prærupta cacumina tendunt,
Hispidus et tumulis crescit ad astra lapis.
Nec vacat huc rigidis sine fructibus esse lapillis:
Denique parturiunt saxaque vina fluunt.
Palmite vestitos hic respicis undique colles,
Et vaga pampineas ventilat aura comas;
Cautibus insertæ densantur in ordine vites,
Atque supercilium regula picta petit;
Culta nitent inter horrentia saxa colonis:
In pallore petræ vitis amœna rubet,
Aspera mellitos pariunt ubi saxa racemos,
Et cote in fertili sterilis uva placet:
Quo vineta jugo calvo sub monte comantur,
Et tegit umbrosus sicca metalla viror;
Inde coloratas decerpit vinitor uvas,
Rupibus adpensis pendet et ipse legens.
Delicias oculis habui dapibusque cibatus,
Hæc jucunda tenens, navita regna sequens,
Hinc quoque ducor aquis, qua se rate Contrua conplet.
Quo fuit antiquum nobilitate caput.
Tum venio qua se duo flumina conflua jungunt,
Hinc Rhenus spumans, inde Mosella ferax.
Omne per illud iter servibant piscibus undæ,
Regibus et dominis copia fervet aquis.
Ne tamen ulla mihi dulcedo deesset eunti,
Pascebar Musis, aure bibente melos:
Vocibus excussis pulsabant organa montes,
Reddebantque suos pendula saxa tropos.
Laxabat placidos mox ærea tela susurros,
Respondit cannis rursus ab alpe frutex.
Nunc tremulo fremitu, modo plano musica cantu,
Talis rupe sonat qualis ab ære meat.
Carmina divisas jungunt dulcedine ripas,
Collibus et fluviis vox erat una tropis.
Quo recreet populum, hoc exquirit gratia regum,
Invenit et semper, quo sua cura jubet.
Antonnacensis castelli promptus ad arces,
Inde prope accedens sarcina pergo ratis.
Sint licet hic spatiis vineta in collibus amplis,
Altera pars plani fertilis extat agri,
Plus tamen illa loci speciosi copia pollet,
Alter quod populis fructus habetur aquis.
Denique dum præsunt reges in sedibus aulæ,
Ac mensæ officio prandia festa colunt:
Retibus inspicitur quo salmo fasce levatur,
Et numerat pisces, cum sit in arce sedens;
Rex favet in mensa, resilit dum piscis ab unda,
Atque animos reficit, quod sua præda venit.
Illuc fausta videns, huc læta palatia reddens,
Pascens ante oculos post fovet ipse cibis,
Præsentatur item mensæ Rheni advena civis,
Turbaque quo residens gratificatur edens.
Ista diu dominus dominis spectacula præstet,
Et populis dulces detis habere dies:
Vultibus ex placidis tribuatis gaudia cunctis,
Vester et ex vestris lætificetur apex. |
Je rencontrai les
rois, mes maîtres, près de leur puissante ville de Metz. J'étais à
cheval; ils me virent et m'ordonnèrent de m'embarquer, de jouer de la
rame et de les suivre dans leur promenade sur la Moselle. Je descendis
de cheval et courus en toute hâte vers le fleuve un peu agité. Frêle
était mon esquif; j'y montai et volai sur les eaux sans y être aidé par
le vent. Il est un endroit où le fleuve coule sur des récifs; ses rives
y sont plus resserrées, et l'eau en y passant se soulève. Un mouvement
rapide pousse vers ce détroit mon bateau qui s'y embarrasse; déjà même
il s'en faut de peu qu'il ne fasse eau par la. cale. Sorti de ce mauvais
pas, je me donne le plaisir de contempler les campagnes qui se déroulent
devant moi, et je file de ce côté, fuyant la haute mer. J'arrive au
point où l'Orne se jette dans la Moselle (01).
Là, le courant, dont la force est doublée, seconde notre marche. Nous
affrontons ces vagues qui se contrarient, mais avec prudence, et pour ne
pas nous exposer à être repêchés comme des poissons dans la nasse. De
là, passant entre les villas qui bordent les rives, nous gagnons
l'embouchure de la Saur (02). Nous
voguons entre des collines et des vallées, et descendons rapidement
jusqu'à la Saar (03). En arrivant à
Trêves, nous contemplons les hauts remparts de cette noble cité,
principal séjour des plus nobles familles (04),
puis nous nous dirigeons vers son ancien palais du sénat dont les ruines
attestent la splendeur d'autrefois. Nous voyons de toutes parts des
montagnes aux crêtes menaçantes, des pics qui percent les nues, des
chaînes de rochers aux sommets abrupts et hérissés d'éminences voisines
des astres. Ces masses de pierre dure ne sont pourtant pas dépourvues de
fertilité; il y naît et il en coule du vin. De quelque côté qu'on tourne
les yeux, les collines sont couvertes de vignes, et une brise légère
caresse les feuilles des pampres (05).
Ces vignes sont plantées en échelons réguliers et pressés, et les
poteaux peints qui en indiquent les divisions, montent jusqu'au sommet
de la montagne (06). La culture sur
ces roches affreuses est admirable. La pâleur de la pierre y fait
ressortir la couleur dorée de la vigne; un raisin doux comme le miel
croît sur ces âpres silex ; sa fertilité s'accommode de leur stérilité.
Partout où il y a des vignes sur la montagne pelée, elles couvrent la
pierre nue de leur ombre et de leur verdure (07).
Pour en cueillir les grappes colorées et pendantes le vendangeur se
suspend lui-même au rocher. J'eus à la fois le plaisir de la vue et du
goût de ces délicieux raisins; j'en avais dans la main quand je suivis
les rois en bateau. Le courant me porte ensuite vers la Contrua (08),
rivière qu'il suffit d'un bateau pour la remplir. Il y eut là jadis une
ville fameuse (09). Enfin j'arrive
au confluent du Rhin écumeux et de la fertilisante Moselle (10).
Tout le long de cette route on servit aux rois et aux seigneurs de leur
suite des poissons dont ces eaux fourmillent Cependant, pour qu'il ne me
manquât aucun plaisir dans ce voyage, je me repaissais du chant des
Muses, et mes oreilles le pompaient avec avidité. Le bruit des
instruments retentissait dans les montagnes, et les montagnes nous le
renvoyaient. La toile d'airain exhalait de doux murmures (11),
pendant qu'aux sons des flûtes répondait l'écho des bois. Tantôt
saccadée et frémissante, tantôt toute unie, la musique résonne aux
flancs des rochers, aussi distinctement qu'au moment où elle sort des
instruments de cuivre. Les chants par leur douceur rapprochent les deux
rives du fleuve, et le fleure et les collines n'ont qu'une voix. C'est
pour le plaisir du peuple que les rois ont eu l'idée gracieuse de ces
divertissements, ils ne manquent jamais d'invention quand ils prennent
soin de l'amuser (12). L'esquif
avec sa charge approche rapidement du château-fort d'Andernach (13).
Quoique les collines soient plantées de vignes sur une étendue
considérable, la plaine est fertile eu d'autres produits encore plus
abondants, car les riverains ont à récolter tout ensemble sur la terre
et dans le fleuve. Enfin, tendis que les rois sont installés dans le
château et qu'ils y donnent des festins et des fêtes, on visite les
filets et on lève les fascines pour en retirer le saumon. On compte les
pièces, et le jeune roi, à table sur le rempart, applaudit, chaque fois
qu'un poisson est lancé de l'eau sur le pré. Son émotion se calme dès
qu'il est en possession de la proie. D'une part il contemple sa bonne
fortune, de l'autre il remplit le palais de sa joie, et après avoir
mangé des yeux le poisson, il le met en réserve pour son estomac. On lui
sert aussi du poisson d'autres parages, c'est-à-dire citoyen du Rhin ;
il le fait distribuer à la foule qui l'entoure et qui mange à belles
dents. Que le Seigneur donne longtemps de pareils spectacles à Vos
Seigneuries, et vous, ménagez à vos peuples d'heureux jours.
Entretenez-les dans la joie en leur faisant toujours bon visage, et que
votre grandeur s'égaye elle-même en y participant. |
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X. Versus de oratorio Artannensi.
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X. Vers sur l'oratoire d'Artonne (01).
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Magna beatorum
retinet hæc terra talenta,
Divinis opibus dives habetur humus.
Pax dextra angelico Gabrielis honore coruscat,
Gaudia qui mundo detulit ore sacro.
Quando æternalem concepit Virgo salutem,
Dona redemptoris nuntius iste ferens.
Læva est parte lapis tumuli, quem corpore Christus,
Pressit morte brevi, victor eundo patri.
Hic quoque relliquiis micat ille Georgius almis
Qui probus igne redit nec pice mersus obit.
Sunt etiam Cosmas, Damianus et ipse, salubres
Non ferro artifices sed medicante fide.
Est Julianus item, gladio jugulatus amico,
Plebs quem Arverna colens arma salutis habet;
Martinusque sacer, retinet quem Gallicus orbis,
Cujus Christum operit dimidiata chlamys.
Se tunica spolians nudum qui vestit egenum,
Unde datæ tibi sunt alba, topazus, onyx,
Quæ meruere aliqui hoc in corpore cernere sancti,
Gemmarumque sonus quod patefecit opus.
Additur hic meritis cum nomine Victor opimis,
Munere martyrii qui tenet alta poli;
Hic veteris virtute viri nova palma Nicetii,
Urbem Lugdunum qui fovet ore, sinu
Horum pastor opem corde, ore Gregorius orat,
Vivat ut altithrono vir sine fine Deo. |
Cet oratoire
possède des reliques considérables de bienheureux; son sol est riche de
richesses divines. A droite est l'ange Gabriel qui de sa bouche sacrée
annonça au monde la joyeuse nouvelle. Quand la Vierge conçut l'auteur du
salut éternel, il fut le messager qui lui apporta les dons du
rédempteur. A gauche est une pierre du tombeau que le Christ pressa de
son corps peu de temps avant d'aller, vainqueur de la mort, rejoindre
son père. Là sont aussi les reliques de Grégoire, qui sortit du feu sans
blessures, et qui. plongé dans la poix, n'en mourut pas (02).
Là encore sont Côme et Damien, tous deux habiles à guérir, non pas tant
par le fer ou par les remèdes, que par la loi. Voici Julien égorgé par
un glaive ami (03) et dont le
peuple arverne honore les dépouilles témoins de son salut. Voilà saint
Martin que la Gaule revendique, qui couvrit le Christ de la moitié de
son manteau, et qui, pour en revêtir un mendiant nu, se dépouilla de sa
tunique. Aussi reçut-il en échange un vêtement de perles, de topazes et
d'onyx qu'il fut donné à quelques saints de voir sur son corps, le son
de ces pierreries qui s'entrechoquaient ayant trahi leur présence (04).
Ajoutez à ces deux noms celui de Victor (05),
aux mérites opimes, et qui eut le ciel pour prix de son martyre. On a
ici également une nouvelle relique de Nicetius, homme d'une vertu
antique, qui réchauffa la ville de Lyon par son éloquence, et sur son
sein (06). Le pasteur qui veille
sur toutes ces reliques, Grégoire (07),
invoque leur secours de la voix et du cœur, afin de vivre en Dieu dans
l'éternité. |
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XI. In nomine Domini nostri Jesu Christi. Versus
facti in mensa in villa sancti Martini, ante discriptores.
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XI. Au nom de N.-S. Jésus-Christ. Vers faits à table dans la villa
de Saint-Martin, en présence des recenseurs (01).
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Cum videam citharæ
cantare loquacia ligna,
Dulcibus et chordis admodulare lyram;
(Quo placido cantu resonare videntur et æra)
Mulceat atque aures fistula blanda tropis:
Quamvis hic stupidus habear conviva receptus,
Et mea vult aliquid fistula muta loqui.
Ecce dies in quo Christus surrexit ab imo,
Infernæ legis rumpere vincla potens,
Quando et vinctorum lacrimantia millia solvit,
Et revomunt multos Tartara fracta viros.
Additur hic aliud, quod Martini aula beati
Emicat hæcubi nunc prandia festa fluunt.
Qui valuit gestis aures pulsare Tonantis,
Obtinet et meritis quod petit alta fides.
Qui pie restituit defuncta cadavera vitæ,
Atque Dei prompte præbet amicus opem;
Cui successor ovans modo rite Gregorius extans,
Ille quod adquirit, hic regit ore, fide.
Qui rogat hic præsens, alibi licet insidet absens,
Exhibet atque cibos pastor in orbe bonus.
Nunc igitur celebrate diem solemniter omnes,
Quos Deus omnipotens hic dedit esse pares.
Quos sibi Martinus collegit amore benignus,
Et facit ecce escas hic epulare suas.
Ergo sub incolumi Childeberctho ac Brunichilde,
Quos tribuit celsos regna fovere Deus,
Vos, quos miserunt, populum moderate fidelem,
Et relevate inopes, si quis et extat egens,
Ac bona de dominis noscendo et agendo benigna,
Sint quoque lætitiæ pabula vestra fide.
Quos invitavit Martini mensa beati,
Sumite gaudentes, quod dat amore dies.
Quæ bonus antistes noscendo Gregorius expers
Plaudat, et hæc populis gloria vestra canat.
Cujus et hæc domus est a Christo exoret amator,
Reges, vos, populos ut tegat arce Deus. |
Quand j'entends
babiller la cithare (02), et les
cordes de la lyre moduler des airs gracieux ; quand je vois les
instruments d'airain rendre eux-mêmes des sons agréables, et enfin la
flûte de Pan charmer les oreilles, je veux aussi, quoique je ne sois
qu'un stupide convive agréé par vous, faire parler devant vous ma
musette qui s'est tue jusqu'ici. Voici le jour de la résurrection du
Christ, celui où il délivra l'humanité des chaînes de l'Enfer, où il
rompit les liens de milliers de malheureux consumés dans les larmes, et
où le Tartare vaincu revomit ses prisonniers. Ajoutez que la maison où
vous célébrez cette fête est celle où projette encore sa lumière le
bienheureux Martin. Le bruit de ses œuvres est monté jusqu'aux oreilles
de Dieu. C'est Martin qui par ses mérites obtient de lui tout ce qu'il
lui demande avec sa foi fervente, qui rend la vie aux corps qu'elle
avait abandonnés, qui enfin nous sert auprès de Dieu avec amour et avec
promptitude. Les biens qu'il a acquis sont administrés fidèlement par
son successeur légitime, l'heureux Grégoire (03).
C'est Grégoire qui préside à ce banquet (04),
quoiqu’absent; car le bon pasteur régale ses ouailles dans sa ville
épiscopale. Célébrez donc ce jour solennel, vous qui par la grâce du
Tout-Puissant êtes ici tous égaux, que Martin dans sa bonté a bien voulu
y réunir, et qui avec son agrément y mangez les produits de son propre
fonds. Vous donc que Childebert et Brunehaut, sa mère, souverains par la
grâce de Dieu de ce royaume, ont envoyés en ce pays (05),
usez-en avec modération envers le peuple fidèle, et soulagez les
pauvres, s'il y a encore des pauvres. Vous avez appris de vos maîtres ce
qu'est le bien, faites-le donc, et que le bonheur qui vous en reviendra
soit aussi un aliment pour votre foi. Aujourd'hui Martin vous invite à
sa table; goûtez avec joie les plaisirs que ce jour vous apporte. Que le
bon évêque Grégoire dont la présence nous est ici refusée y applaudisse
quand il les connaîtra, et que le peuple les chante à son tour. Puisse
celui qui tient du Christ ce domaine obtenir du Christ par ses prières
que Dieu protège les rois, leurs peuples et vous-mêmes. |
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XII. Pro puella, a judicibus capta.
a. Ad Gregorium episcopum.
|
XII. Pour une jeune fille retenue prisonnière par ses juges.
a. A l'évêque Grégoire.
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Exemplo Domini mihi
vel venerabilis orbi,
Qui minimas non vis perdere, pastor, oves
Sollicitis animis curam per pascua tendens
Ne desint caulis, circuis ore greges:
Hic igitur gerulus genitam flens impie demptam,
Captivam sobolem tempore pacis habens;
Martinique pii successor honore, Gregori,
Qui pater es populi, hanc, rogo, redde patri.
Jugiter ille sacris meritis illuminat orbos:
Orbato hanc patri redde videndo diem. |
Pasteur, que le
monde et moi nous vénérons, qui, à l'exemple du Seigneur, ne voulez pas
perdre la moindre de vos brebis, dont les soins, la sollicitude
s'étendent sur leurs pâturages, qui les enveloppez de vos regards, de
peur qu'il n'en manque à la bergerie, le porteur de ce billet est un
père qui pleure sa fille qu'on lui a enlevée d'une manière impie, et
qu'on retient prisonnière en pleine paix (01).
Digne successeur de saint Martin, Grégoire, père du peuple, rendez, je
vous prie, cette fille à son père. Ceux qui sont privés de la vue Martin
la leur rend par ses mérites; vous donc qui voyez la lumière du jour,
rendez à son père l'enfant dont on l'a privé. |
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b. Item pro eadem re ad Romulfum.
|
b. A Romulfus. Sur le même sujet
(01).
|
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Si rapidis oculis te
semper, amice, viderem,
Sic quoque vix avidum me satiaret amor;
Qui, si præsentis non possum cernere vultum,
Te mihi vel scriptis, care, saluto libens.
Hunc etiam famulum commendo, benigne, verenter
Et si justa petit, hunc tua lingua juvet.
Qui tortus graviter genitam sibi luget abactam,
Per vos ut redeat filia, clausa rogat.
Paupere ut audito, dum estis medicina dolenti,
Et vestris curis sit pia cura Deus. |
Si je vous voyais
toujours, ami, comme je ne vous vis qu'un moment (02),
mon amitié jalouse y trouverait à peine son compte. Mais si je ne puis
jouir de votre présence et contempler vos traits, je puis du moins vous
écrire et vous saluer de bon cœur. Je recommande respectueusement à vos
bontés ce serviteur, afin que si sa demande est juste, vous le
recommandiez aussi vous-même. Il a d'abord été torturé cruellement,
maintenant il pleure sa fille qu'on lui a ravie, et qui est en prison.
Il vous supplie (03) de la lui
faire rendre. Ecoutez ce malheureux tandis que vous pouvez apporter un
remède à sa douleur; en quoi vous aurez souci de Dieu, comme Dieu aura
souci de vous. |
|
c. Item pro eadem re ad Gallienum.
|
c. A Gallienus (04). Sur le même
sujet.
|
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Officiis exerte
tuis, moderamine solers,
Sollicitus studiis, utilitate, comes:
More mihi solito, dulcis, tibi debita solvo;
Qui colo, devinctus reddo salutis opus.
Sit commendatus homo quem male torsit iniquus,
Perdidit et genitam, heu, miser iste suam.
Huic da justitiam de vulnere corporis emptam,
Et pie captivam fac remeare suam.
Inter utramque necem cui lex et filia defit.
Unus in ambabus rebus adesto salus. |
Comte, vous dont
ou connaît l'obligeance, la modération, l'habileté, la sollicitude pour
les mœurs et l'utilité publique, je vous rends mes devoirs, selon ma
coutume ; je vous honore, vous suis tout dévoué et vous salue. Je vous
recommande cet homme qui a été injustement mis à la torture, et qui,
malheureux qu'il est, hélas! a perdu sa fille. Accordez-lui la justice
qu'il a chèrement payée des blessures de son corps, et ayez la bonté, de
faire en sorte que sa fille qui est prisonnière, lui soit renvoyée. Cet
homme à qui la loi et sa fille manquent à la fois, est d'une part ou de
l'autre menacé de périr; sauvez-le de ce double péril. |
|
d. Item pro eadem re ad Florentinum.
|
d. A Florentinus. Sur le même sujet.
|
|
Dum pergit hinc
quisque viam, mea pagina currat,
Prodat ut eloquio, quid sibi debet amor,
Nunc quoque care mihi, bone semper, amice fidelis,
Pectore devotus reddo salutis opus.
Commendo hunc etiam famulum, dure ante redactum,
Tortus qui legem nec meruisse gemit.
Illa dolens gravius, quam vulnera corpore fixa,
Quod sibi subducta est filia parva, rudis.
Audiat hanc vocem pietas miserando benigne;
Quæ sibi cum tribuis, hinc tibi magna dabis. |
Taudis que chacun
s'en va de son côté (05), je vous
écris ce billet pour que vous voyiez à sa teneur ce que l'amitié se doit
à elle-même. Je vous salue, cher, bon et fidèle ami, à qui je suis
dévoué de tout cœur. Je vous recommande ce serviteur qui est réduit à la
condition la plus misérable. Il se plaint d'avoir été mis à la torture
contre la loi et sans l'avoir mérité; il se plaint encore plus de
l'enlèvement de sa fille que des blessures dont son corps porte les
marques. Écoutez avec bonté et commisération les paroles de cet
infortuné. En lui faisant du bien, vous vous en ferez beaucoup à
vous-même. |
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XIII. Ad episcopos in commendatione peregrini.
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XIII. Aux évêques, pour leur recommander un voyageur (01).
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Pontifices summi,
fidei via, semita vitæ,
Quos dedit Omnipotens luminis esse duces,
Custodesque gregis cælestis contulit agnus,
Vos bene pastores, ut foveantur oves:
Ecce viator adest, peragens iter inscius illud,
Finibus Italicis, heu peregrina gemens.
Exsulis auxilium, errantis via, norma salutis,
Ad reditum patriæ sitis honore patres.
Semina jactetis, mercedis ut ampla metatis,
Et redeat vobis centuplicata seges.
Fortunatus enim humilis commender opimis,
Ac per vos, Domino, culmina sancta, precor. |
Très illustres
pontifes, voie de la foi, sentier de la vie, vous que Dieu nous a donnés
pour guides vers la lumière, que l'Agneau céleste a établis gardiens de
son troupeau, afin que vous traitiez ses brebis en bons pasteurs, voici
un voyageur qui se désole d'être à l'étranger, et qui voulant se rendre
à la frontière d'Italie, n'en sait pas le chemin. Vous qui êtes le
secours de l'exilé, le chemin de l'égaré, la règle du salut, faites-lui
l'honneur de lui servir de pères, et de l'aider à retourner dans sa
patrie. Semez à pleine main, pour qu'une riche moisson soit votre
récompense et vous rende le centuple. L'humble Fortunat se recommande à
vos hautes et saintes Puissances, et par votre intermédiaire adresse ses
prières au Seigneur. |
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XIV. De Platone episcopo.
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XIV. De l'évêque Platon.
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Provida disponunt
reges solatia plebi
Pontificem dantes quem probat alma fides.
Ut colat Hilarium, quem dat Martinus alumnum,
Et confessoris protegat ala potens,
Dirigat hic populum successor, honore beato,
Et clerum ecclesiæ qui moderetur ope.
Floreat arce decens, rex Childebercthus in orbe,
Cum genitis, populo, matre, sorore, jugo.
Gaudia læta paret præsentia sancta Gregorii,
Et geminas urbes adjuvet una fides.
Qui modo, discipulo Platone antistite summo,
Sollemnem ecclesiæ hic dedit esse diem. |
Les rois, dans
leur prévoyance, ont donné au peuple pour consolateur, un évêque d'une
foi éprouvée, afin qu'il honore Hilaire (01),
élève de Martin, que les puissantes ailes de ce confesseur le protègent,
et qu'il gouverne avec sagesse le clergé de l'église de Poitiers. Puisse
sur ce trône où il est vu du monde entier, le roi Childebert être
heureux, avec son épouse, ses enfants, sa mère, sa sœur et son peuple!
Que la sainte présence de Grégoire ajoute à la joie publique, et qu'il
n'y ait qu'une seule et même foi pour les deux villes (02).
C'est Grégoire qui intronise l'évêque Platon, son disciple (03)
; c'est lui qui donne à l'église ce jour solennel. |
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XV. Ad Armentariam matrem domni Gregorii episcopi.
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XV. A Armentaria, mère de l'évêque Grégoire (01).
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Felix bis meritis
sibi Machabæa, vel orbi,
(Nobilitas generis nobilior genitis),
Quæ septem palmas cælo transmisit ab alvo,
Martyriique decus protulit ille uterus.
Tu quoque prole potens, recte Armentaria felix,
Nec minor ex partu, quam prior illa sinu.
Illa vetus numero major, tu maxima solo:
Quod poterant plures, unicus ecce tuus.
Fetu clara tuo, geniti circumdata fructu,
Est tibi Gregorius palma, corona, decus,
Me Fortunatum humilem commendo verenter,
Ac mihi cælestem quæso preceris opem. |
Deux fois
heureuse et pour elle et pour le monde la mère des Macchabées, noble par
la naissance, plus noble par ceux à qui elle l'a donnée! Sept palmes
sont sorties de son sein, elle les a envoyées au ciel ; l'honneur du
martyre est le fruit de ses entrailles. Heureuse aussi et justement
heureuse, Armentaria, vous, mère aussi grande par votre enfantement que
l'autre le fut par le sien. Si elle l'emporte sur vous par le nombre de
ses fils, pour n'en avoir eu qu'un vous l'emportez sur elle, car ce
qu'ils ont pu faire à eux tous, votre fils l'est à lui seul. Déjà
illustre pour lui avoir donné le jour, vous êtes de plus entourée de ses
œuvres, et Grégoire est pour vous tout ensemble, la palme, la couronne
et l'honneur de sa mère. Je me recommande à vous avec humilité et
respect, et vous prie d'invoquer pour moi dans vos prières le secours du
ciel. |
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XVI. Pro comitatu ejus Sigoaldo.
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XVI. A Sigoalde, sur son titre de comte.
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Finibus Italiæ cum
primum ad regna venirem,
Te mihi constituit rex Sigibercthus opem.
Tutior ut graderer tecum comitando viator,
Atque pararetur hinc equus, inde cibus.
Implesti officium custos, revocaris amico.
Et mihi vel tandem jam mea cura redit.
Dic meus, [unde] venis post tempora plurima, dulcis,
Magnus honore tuo, major amore meo,
Promptus in affectu, Sigoalde benigne, clientum,
Et Fortunato nomen, amice, pium?
Rex Childebercthus crescens te crescere cogat:
Qui modo dat comitis, det tibi dona ducis.
De domino tali videant sua vota fideles,
Cursibus et fiat prospera vita via. |
Quand je passai
les frontières de l'Italie pour venir en ce royaume, le roi Sigebert me
confia à votre garde, afin que je voyageasse avec plus de sécurité dans
votre compagnie, et que je trouvasse partout un cheval et des vivres
prêts. Vous avez rempli votre charge, votre ami se souvient de son guide
et toute sa sollicitude pour lui se réveille. D'où venez-vous, après une
si longue absence? Dites-le moi, bon Sigoalde, grand par votre titre,
plus grand encore au gré de mon amitié, gracieux envers vos clients et
prompt à les servir, nom révéré de Fortunat. Puisse le roi Childebert en
grandissant vous faire grandir vous-même! Il vous a fait comte ; qu'il
vous fasse duc. Que ses fidèles serviteurs voient ce qu'ils ont à
attendre d'un tel maître, et qu'ils parcourent heureusement et
successivement le cours des honneurs. |
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XVII. Ad Sigoaldum comitem, quod pauperes pro rege
paverit.
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XVII. Au même, qui avait donné des aliments aux pauvres de la part
du roi.
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Actibus egregiis
præconia fulgida fulgent:
Laus tua, Christe, sonet, dum bona quisque gerit.
Unde genus hominum placeat, tu, summe, ministra,
Nam nisi tu dederis, prospera nullus agit.
Divitibus largus forte hinc et parcus egenis,
Se ut redimat dives, quando fovetur egens.
Dulciter ista tui pia sunt commercia regni:
Dum escam sumit egens, divitis auget opes,
Pauper ventre satur satiat mercede potentem:
Parva capit terris, præparat ampla polis.
Divitibus plus præstat egens, quam dives egenti:
Dat moritura cibi, sumit opima Dei.
Dans terræ nummum missurus ad astra talentum,
E modicis granis surgat ut alta seges.
Dent, jactent, spargant, commendent semina Christo,
Hic dare nec dubitent quæ reditura manent.
Da: si Christus erit tibi thesaurarius inde;
Præsta inopi, quidquid reddere Christus habet:
Hac animatus ope exposcens meliora Tonantis,
Nec dubitante fide quod Deus ista dabit.
Pro Childebercthi regis florente salute,
Surgat ut in solio qui fuit altus avo
Fiat ut hinc juvenis validis robustior annis,
Ceu viguit proavus, sic sit in orbe nepos,
Ergo suus famulus Sigoaldus, amore fidelis
Pauperibus tribuit, regis ut extet apex.
Hinc ad Martini venerandi limina pergens,
Auxilium Domini dum rogat ipse sui;
Et dum illuc moderans rex pro regione laborat,
Ut precibus sanctus hunc juvet, illud, agit.
Denique procedens * * * sacra festa tenere,
Pauperibus Christi præbuit ipse dapem.
Dispensata placent alimenta per agmina Christi,
Pascitur et populus quem fovet arce Deus.
Plurima cæcorum refovetur turba virorum,
Est quibus interna lux Deus, atque via.
Hic alitur clodus, quem dirigit ordine Christus,
Quique sui Domini pendulus implet opus.
Quis referat tantos memorare sub ordine morbos,
Occurrens pariter, quos sua cura fovet?
Unde catervatim cœuntia millia pascens,
Erogat ut habeat, rex quoque cuncta regat.
Te Fortunatus, comes, hinc, Sigoalde, salutans
Regis [ut] auxilio des meliora precor. |
Les belles
actions tirent encore de l'éclat des éloges magnifiques dont elles sont
l'objet. Louange à toi, Christ, quand chacun fait ce qui est bien!
Comte, donnez de façon à faire aimer l'espèce humaine; donnez, sans quoi
rien ne va bien pour personne. Le riche prodigue envers les riches et
qui, peut-être à cause de cela, est avare envers les pauvres, se rachète
en soulageant leur misère. C'est ainsi qu'on en use et qu'on exerce la
charité dans votre gouvernement. Quand le pauvre mange, les richesses du
riche s'en accroissent. Le pauvre rassasié en récompense le riche avec
usure. Il reçoit peu sur la terre, mais il prépare des trésors dans le
ciel. Le pauvre donne donc plus au riche que le riche au pauvre. Le
riche donne des aliments bientôt épuisés; en échange il reçoit de Dieu
des grâces fécondes. L'argent qu'il donne ici-bas, il l'envoie au ciel ;
ce sont quelques grains semés en vue d'une moisson abondante. Donnons,
soyons prodigues, semons et confions cette semence au Christ. N'hésitons
pas à donner ce qui nous fera retour plus tard. Donnez et ainsi le
Christ sera votre trésorier. Donnez au pauvre; le Christ a de quoi vous
le rendre. Avec cette certitude, si vous demandez à Dieu d'une foi ferme
les meilleurs de ses dons, il vous les donnera. C'est pour que le roi
Childebert jouisse d'une santé florissante, et grandisse sur ce trône où
s'assit son aïeul [Clotaire Ier] ; c'est pour que le jeune
homme devienne plus robuste en prenant des années ; c'est pour que la
puissance du petit-fils sur cette terre égale celle de son bisaïeul
[Clovis], c'est pour tout cela que Sigoalde, son Adèle et dévoué
serviteur, distribue des vivres aux pauvres, au nom et sous l'autorité
du roi. Cela fait, il se transporte au sanctuaire du vénérable Martin
pour en invoquer l'assistance en faveur de son maître. Et tandis
qu'ailleurs le roi travaille aux affaires de son royaume et le gouverne,
lui agit de manière à ce que le saint aide le prince de ses prières.
Enfin il se rend à Tours où il assiste aux fêtes sacrées (01),
et il y distribue de sa main des aliments aux pauvres du Christ. Ils
sont reçus avec joie par cette armée du Seigneur, et le peuple de la
cité que Dieu protège, prend sa réfection. La foule nombreuse des
aveugles pour qui Dieu est la lumière et la voie dans les ténèbres, y
sont secourus. Le boiteux l'est aussi, lui dont le Christ dirige les
pas, et qui vient à cloche-pied prendre part à l'œuvre de son maître (02).
Qui pourrait faire le dénombrement de toutes les maladies au soulagement
desquelles accourt Sigoalde? Ce qu'il dépense à nourrir ces milliers de
malheureux qui arrivent par bandes, est un gain pour lui-même, comme
aussi un moyen de faire sentir partout la main du roi. Comte Sigoalde,
Fortunat vous salue, et prie Dieu qu'avec l'aide du prince, vous donniez
mieux encore (03) que cela. |
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XVIII. De prandio defensoris.
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XVIII. Aux mêmes.
Du banquet du Défenseur
(01).
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Paschale hic hodie
donum memorabile floret;
Defensor pascit, quo comes ipse favet.
Deliciæ Domini quas temporavota ministrant,
Undique conveniunt flumine, fruge, polo.
Childebercthi etiam dominatio longa refulgens
Te, Sigoalde, diu sublevet arce, gradu.
Sit regio felix felicis regis amore;
Atque boni comitis crescat honore fides. |
C'est aujourd'hui le jour de Pâques, jour où le Défenseur donne le
banquet traditionnel auquel le comte lui-même se fait un plaisir
d'assister. Tous les biens que le Seigneur dispense suivant les saisons
et selon nos désirs sont arrivés de toutes parts : de la terre, de la
mer et du ciel. Le roi Childebert dont la puissance souveraine est dans
tout son éclat, vous soutiendra longtemps encore, Sigoalde, dans la
haute situation où il vous a élevé. Que le pays soit heureux du bonheur
et de l'amour de son roi, et que la confiance dont l'excellent comte est
l'objet, lui valent de plus hauts honneurs! |
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XIX. Ad Galactorium comitem.
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XIX. Au comte Galactorius (01).
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Venisti tandem, quod
debebaris, amice,
Ante comes merito quam datus esset honor.
Burdegalensis eras, et cum defensor, amator:
Dignus habebaris, hæc duo digna regens,
Judicio regis valuisti crescere judex,
Famaque quod meruit regia lingua dedit.
Debet et ipse potens, ut adhuc bene crescere possis,
Præstet ut arma ducis, qui tibi restat apex,
Ut patriæ fines sapiens tuearis et urbes,
Adquiras ut ei qui dat opima tibi.
Cantaber ut timeat, Vasco vagus arma pavescat,
Atque Pyrenææ deserat Alpis opem.
Aut (quasi grande loquor) facit hoc sacer unicus auctor:
A Domino erigitur parvus et altus homo.
De tirone ducis venit et de milite princeps.
Ut reliquos taceam, Justinianus erat.
Hoc et in ecclesia Christo tribuente refertur:
De exorcista aliquo pontificalis honor.
Egregius merito Martinus testis habetur,
Qui fuit ante sacer, quam sacra jura daret.
Hoc agit omnipotens, totum qui condidit orbem:
Magnaque sola putes quæ facit ipse potens.
Lætior ergo precor, maneas in culmine rector,
Majora sperans, vir ratione sagax,
Rege sub hoc florens, æternaque regna requirens,
. *. *.*. *. *..*.*. *.*.*. *.*.*. *. *.*.*
Justitia ac pietas tecum comitata coruscet :
Illa tuum pectus protegat, ista latus.
Alta fides etiam, dilectio fida nitescat,
Et Fortunato sis, comes, amplus amor. |
Ami, vous touchez enfin au but où vous deviez arriver; vous êtes comte.
Mais vous aviez déjà mérité cet honneur avant qu'il vous fût conféré. A
Bordeaux vous étiez le Défenseur (02)
et l'ami de la cité, et à la manière dont vous remplissiez ces deux
offices, on disait que vous étiez aussi digne de l'un que de l'autre. Le
roi crut qu'il pouvait vous élever à la fonction de juge (03)
; mais la voix publique vous y avait déjà appelé, le roi n'eut qu'a
sanctionner son avis. Il doit, et il le peut, vous élever encore, et
vous faire duc ; c'est le plus haut grade qu'il vous reste à obtenir,
afin de pouvoir défendre les villes et les frontières de la patrie,
agrandir les domaines de celui qui vous aura tant donné, faire trembler
le Cantabre, imprimer la terreur de vos armes au Gascon inconstant, et
le forcer à abandonner ses montagnes. Mais, pour le dire en style plus
élevé, c'est le saint et unique auteur de toutes choses qui fera tout
cela. Le grand et le petit lui doivent donc également leur fortune. De
simple recrue Justinien devint duc, et de soldat prince (04)
; je ne parle pas des autres. La même chose a lieu. |
|
NOTES SUR FORTUNAT, LIVRE X.
-------------<*****>-------------
II.
01. — Il appelle Ève source de la mort, monade, en latin
unitas, unus,
ens, la première cause de toutes choses :
ἡ
μονὰς
ρίζα
τῶν ἁπάντων,
dit Mercure Trismégiste.
02. —Voy. la note 7 de la pièce
ii du l. IX.
03. — Il y a ici une lacune. M. Fr. Léo pense qu'il y était
allégué l'exemple d'un autre père qui avait souhaité la mort de sa fille. Cette
fin toutefois n'en reste pas moins fort obscure.
04. — Lucchi croit que cette lettre ainsi que la quatrième est
adressée à Mummulenus (v. l. VII, xiv,
note 1). C'est une erreur, et les différentes versions indiquées par M. Fr. Léo,
et où il ne se trouve aucun nom propre autre que Salutaris, lequel est en titre,
fait justement présumer que celui-ci est le bon. Lucchi a commis la même erreur
dans le sommaire qu'il a donné de la pièce VI.
III.
01. — Le titre véritable a disparu, remarque M. Léo, ainsi que
les noms des nobles personnages auxquels cette lettre est adressée. Cette
suppression a peut-être été faite intentionnellement.
IV.
01. — Même remarque que ci-dessus au sujet du titre de cette
lettre et du destinataire. On voit assez qu'elle est écrite au nom de Radegonde,
au père ou plutôt au père et à la mère de la jeune fille, et que celle-ci a sans
doute été élevée, au moins pendant un certain temps, au monastère de
Sainte-Croix.
V.
01. —Dans ses notes sur Grégoire de Tours, Ruinart corrige le
titre de cette pièce et celui de la pièce
x du même livre : De oratorio Artanensi,
pour lire De oratorio Arthonensi, et
les rapporte au vicus Arthona, près Riom. Lucchi se range à l'avis du savant
bénédictin. L'habile collecteur des chroniques de la Touraine, M. André Salmon,
pense que ces vers sont relatifs à Artanne, près Tours, qui fit toujours partie
du domaine des archevêques. L'identité de nom et le passage de l’Hist.
Francorum : in multis vero locis
infra Turonicum terminum et ecclesias et oratoria dedicavi,
qui s'accorde si bien avec l'avant-dernier vers de cette première pièce :
Quæ sacer antistes nova tecta Gregorius effert,
m'engagent également à accepter cette opinion. Je n'hésite donc pas à ajouter
ces deux pièces à celles que Fortunat me paraît avoir composées, sur la demande
du père de notre histoire. La première (c'est-à-dire la présente), à en juger
par son début, était placée à l'extérieur, la seconde à l'intérieur de
l'oratorium d'Artanne. » (Ed. Le Blant. Inscript. chrétiennes de la
Gaule, t. 1, p. 257.)
VI.
01. — La première église, parvula,
dit Grégoire de Tours, dédiée à saint Martin, fut élevée sur son tombeau par
Brice, quatrième évêque de Tours. Quelque temps après elle fut remplacée par une
autre merveilleusement belle, miro opere,
que bâtit Perpétue, sixième évêque de cette ville. Elle fut incendiée en 558 par
la faute de Williachaire, qui avait été complice de la trahison de Chramn contre
le roi son père, et qui y était venu chercher un asile avec son épouse.
Grégoire, dix-neuvième évêque, la trouva dans un état de ruine Ici,
dissolutam diruptamque, qu'il résolut de la
reconstruire, et qu'il ne put en faire la dédicace la dix-septième année de son
pontificat. Elle était, comme la précédente, ornée de peintures, de mosaïques,
etc., exécutées par des artistes du pays. (Grég. de Tours, Hist. Franc.,
I, 31.) Grégoire a donné lui-même la description du corps de
l'église, ib. II, 14. Voyez sur la restitution de cet édifice par
Ch. Lenormant, le Grégoire de Tours de l'édition de la Société
de l’Histoire de France, t. I. p. 513, et le travail analogue de
Jules Quicherat dans la Revue archéologique de 1869, t. XIX et XX. Il est
fort probable que les vers de Fortunat, sinon en totalité, du moins en partie,
ont fait l'objet d'une inscription sur les murs de ce monument. C'est le
sentiment de M. Ed. Le Blant (Inscriptions chrétiennes de la Gaule,
t. 1, p. 218), et les raisons qu'il allègue à l'appui ne laissent aucun
doute à cet égard. On pourrait en dire autant de la plus grande partie
des pièces de Fortunat relatives a la construction, ou à la réparation, ou à la
dédicace de nombreux sanctuaires de la Gaule.
Dans ces dernières années des fouilles ont été faites sur l'emplacement de cette
antique église, encore une fois brûlée et réduite en cendres le 25 juillet 998
ou 999, sans qu'on n'en ait pu rien sauver que le corps de saint Martin.
Deux rues et toute une suite de maisons occupent aujourd'hui cet emplacement.
Une association formée jadis dans le dessein de rechercher le tombeau de saint
Martin, et de reconstruire la basilique, avait racheté une partie de ces
immeubles. De nombreux sondages opérés sous son impulsion dans les caves de ces
maisons, ont fait retrouver les substructions de trois édifices superposés qui
seraient la grande église rebâtie au treizième siècle, celle qui l'avait
précédée, enfin celle que Grégoire de Tours a décrite. « On comprend, dit M. de
Lasteyrie à qui j'emprunte ces détails Bullet. du comité des trav.
hist. et scient. Année 1881, n° 4, p. 461), quel intérêt
exceptionnel il y aurait à vérifier ces résultats, à poursuivre les découvertes
déjà faites, à les compléter par des fouilles méthodiques. »
02. — Voy. la Vie de saint Martin,
par Fortunat,
l. IV, v. 305 et suiv., et Sulpice Sévère, Dialog. III, 10; Paulin
de Périgueux, Vit. s. Mart. IV, v. 85 et suiv.
03. — Voy. Fortunat, ibid., l. III, v. 39 et suiv.;
Sulpice Sévère, Dialog. II, 1 ; Paulin de Périgueux, ibid.,
IV, v. 31 et suiv.
03 bis. — Une glose citée par M. Léo, rend
supercilio par altitudine montis;
c'est, je crois, une erreur, vu que supercilio,
pris dans ce sens, ferait un double emploi avec celsa
jugo du vers suivant. En effet, ces deux derniers mots renforcés,
pour ainsi dire, par l'adverbe quoque,
indiquent manifestement qu'il s'agit ici d'un attribut différent de celui qui
est exprimé par supercilio.
04. — Voy. Fortunat, ibid., l. I, v. 50 et
suiv.; Sulp. Sévère, Vita. B. Martini, ch.
iii; Paulin de Périgueux, ibid., I, v. 63 et
suiv.
05. — Voy. Fortunat, ibid., l. I, v. 487 et suiv., et
Sulp. Sévère, ibid., ch. xviii; Paulin de Périgueux, ibid.,
II, v. 615 et suiv.
06. — Voy. Fortunat, ibid., l. I, v. 155 et suiv.,
et Sulp. Sévère, ibid., ch.
vii; Paulin de Périgueux, ibid., I, v. 315 et
suiv.
07. — Voy. Fortunat, ibid., l. I, v. 170 et suiv.;
Sulp. Sévère, ibid., ch. viii; Paulin de Périgueux, ibid., v. 375 et
suiv.
08. — Voy. Fortunat, ibid., l. I, v. 210 et suiv.;
Sulp. Sévère, ibid., ch. xiii ; Paulin de Périgueux, ibid., II, v. 250 et
suiv. Remarquez le mot fanaticam, pour dire
fano proximam ; aucun dictionnaire ne donne
cette explication.
09. — Voy. Fortunat, ibid., l. III, v. 97 et suiv.;
Sulpice Sévère, Dial. II, 2; Paulin de Périgueux, ibid.,
IV, v. 122 et suiv.
10. — Voy. Fortunat, ibid., l. I, v. 330 et suiv.;
Sulp. Sévère, Vita B. Martini, ch.
xi; Paulin de Périgueux, ibid., II, v. 158 et
suiv.
11. — Voy. Fortunat, ibid., l. IV, v. 272 et
suiv., et Sulp. Sévère, Dial. III, ch.
ix; Paulin de Périgueux, ibid.,
V, v. 519 et suiv.
12. — Voy. Fortunat, ibid., l. II, v. 19 et suiv.,
Sulp. Sévère, Vita B. Martini, ch.
xix; Paulin de Périgueux, ibid.,
II, v. 652 et suiv. Le papier chargé de caractères, dont il s'agit ici,
était une lettre écrite par saint Martin au préfet Arborius dont la fille était
malade d'une fièvre quarte. Paulin de Périgueux, dans ses
Versus de Visitatione nepotuti sui adressés à Perpetuus, évêque de
Tours, raconte une guérison analogue opérée sur son petit-fils et sa fiancée,
tous deux gravement malades, par la relation écrite de la main de l'évêque, de
plusieurs miracles de saint Martin, relation qu'on avait posée sur l'estomac de
ces jeunes gens. Cette guérison ranima la verve de l'aïeul alors fort vieux et
lui dicta les vers indiqués ci-dessus qui viennent à la suite du sixième et
dernier livre de la Vie de saint Martin.
13. — Lucchi cite à ce propos un passage d'Odon, abbé de Cluny,
tiré apparemment (car il ne le dit pas) de la Vie de Grégoire de Tours attribuée
à cet abbé. Il est dit dans ce passage que les parois intérieures de cette
église étaient revêtues de mosaïques (crustulis)
formées de marbre rouge, blanc et vert, représentant différentes figures, et que
les murs extérieurs étaient ornés de mosaïques faite de pierres de couleur d'or,
de saphirs, etc., qu'enfin le toit était couvert en étain. « On sait, dit le
savant M. Ed. Le Blant que j'aurai plus d'une fois encore l'occasion de citer,
qu'à l'époque mérovingienne, les peintures et les mosaïques tenaient une large
place dans l'ornementation des églises. (Voir Grégoire de Tours, Hist.
Fr., VII, 22; De Gloria
Mart., I, 65, el surtout le fait touchant relatif à la
femme de Numatius, Hist. Fr., II, 17;
Acta sanctar., t. 1, p. 251.) Un passage peu connu des œuvres
de saint Paulin de Nole explique comment dans ces temps d'ignorance, il
importait de frapper par de saints tableaux les regards grossiers de la foule
illettrée. (De S. Felice Natal., X, v. 512 à 551,
éd. de 1685; Pœm. p. 156; cf. p. 155 et Epist., p.
109, 205, 206.) C'est à l'aide de ces peintures et de leurs légendes que nous
voyons dans Grégoire de Tours, Vit. Patrum,
XII, 3), un pauvre esclave chrétien apprendra à lire et à écrire. » (Ed. Le
Blant, Inscript. chrétien. de la Gaule, t. 1, p. 350, note
2.)
14. — Los sept tableaux répètent ce qui vient d'être dit
précédemment, mais cette fois sous la forme épigraphique. D'où il faut conclure
que les inscriptions se lisaient au-dessous de ces tableaux ou peints sur les
murs ou accrochés aux murs. Le procédé n'était pas nouveau, quoiqu'il fût encore
rare. Prudence a laissé un recueil de quarante-neuf tétrastiques en hexamètres,
qui impliquent un égal nombre de tableaux. Vingt-quatre en sont pris de l'Ancien
Testament et vingt-cinq du Nouveau. On ne saurait dire avec certitude en quel
endroit ils étaient: peut-être était-ce dans une église. Il est cependant hors
de doute, selon M. Ebert, qu'ils existaient avant les tétrastiques, et que ce
n'étaient pas des illustrations de ces derniers. Mais M. Ebert n'insiste pas
assez sur cette certitude pour que j'en sois convaincu, comme il le paraît être.
Voyez son Histoire de la littérature du moyen âge en Occident, t.
1, p. 312, de la traduction de MM. Aymeric et Condamin. Saint Paulin de Nole
avait orne de peintures l'église qu'il avait fait construire en l'honneur de
saint Félix. Ces peintures étaient accompagnées de légendes (tituli),
comme il le dit dans ses Carmina natalitia,
IX, v. 594. Paulin les fit faire, ainsi qu'il nous l'apprend, afin
d'enchaîner la curiosité des pèlerins de la campagne qui, au jour de la fête du
saint, accouraient à son tombeau; car en contemplant ces peintures, ils avaient
moins de temps à donner au boire et au manger. Voyez le même, ibid., p.
326.
15. — Saint Martin était né à Sabarie, aujourd'hui Sarvar, en
Pannonie, le poète appelle cette province maligna,
sans doute parce que c'est de là que sortirent les Huns et autres barbares
qui ravagèrent l'Italie et d'autres pays de l'Europe.
16. — Voy. la Vie de saint Martin, par Fortunat,
III, v. 171 et suiv.; Paulin de Périgueux, Vit.
s. Mart. IV, v. 270 et suiv.; Sulp. Sévère,
Dialog. II, 4.
17. — Voy. la Vie de saint Martin, par Fortunat,
I, v. 300 et suiv.; Sulp. Sévère, Vit. s. Mart.,
ch. xiv; Paulin de Périgueux,
Vit. s. Mart., I, v. 330 et
suiv.
VII.
01. — Ce Childebert était fils de Sigebert, roi d'Austrasie, et
de Brunehaut. Il était encore enfant, lorsque son père fut assassiné en 575, à
l'instigation de Frédégonde. Il lui succéda et sa mère fut régente du royaume.
Voy. Grégoire de Tours, Hist. Fr., VIII, 22.
02. — Radegonde était morte en 587, le 13 août.
03. — Ou aurait désiré quelques détails sur ce diptyque; mais là
comme ailleurs Fortunat ne fait guère autre chose que de nous laisser ou ceci ou
cela à désirer. Ainsi il ne dit pas si c'était le nom qu'on voyait sur ce
diptyque ou si c'était son image; j'ai préféré la première interprétation, étant
celle qui est indiquée par le rapprochement que le poète semble faire du nom du
saint avec les noms des rois désignés au vers précédent.
04. — On ne sait quel était ce Lycontius.
05. — Le poète parle ici de Brunehaut, grand’mère par son fils
Childebert, lequel eut en effet deux fils, Théodebert et Théodoric.
06. — La fille de Brunehaut s'appelait Chlodosuinde, et sa bru,
femme de Childebert, Faileuba. (Grégoire de Tours, Hist. Fr.,
IX, 30.) Chlodosuinde fut fiancée à Recccarède, roi d'Espagne, après l'avoir
été à Aulharus, roi dos Lombards (id. ib., IX, 25). Le poète semble ici faire
des vœux pour le mariage de cette princesse, mais nous restons incertains si
elle épousa ou non Reccarède. Voy. les notes de Ruinart sur le dernier passage
cité de Grégoire de Tours.
VIII.
01. — On sait assez quelle était la parenté de Childebert et
celle de Brunehaut, l'un fils et neveu des rois qui s'étaient partagé le royaume
de Clovis, l'autre fille d'Athanagilde, roi d'Espagne.
02. — Il s'agit de la tutelle que Brunehaut exerça sur
Childebert, qui ne fut pas interrompue, mais qui fut gérée par un conseil de
régence, pendant que cette princesse était à Paris, prisonnière de Chilpéric et
de Frédégonde, qu'elle reprit à son retour de Metz, et garda même au moins
moralement jusqu'à la mort de son fils.
03. — Voy. la pièce précédente, note 5.
04. — Voy. ibid., note 6.
05. — Lucchi, sur ce mot rediens,
se borne à dire que Fortunat voyageait alors et qu'à son retour à Metz, il
se proposait de venir saluer encore la famille royale. C'est assez probable,
mais au fond il n'importe guère.
IX.
01. — L'Orne se jette dans la Moselle à cinq mille pas environ de
Thionville, c'est-à-dire à la moitié juste de la distance qui sépare cette ville
de Metz.
02. — La Saur se jette dans la Moselle au midi et à deux mille
pas de Trêves.
03. — La Saar ou Sarre, qui prend sa source dans le département
des Vosges, se jette dans la Moselle à Consarbrück.
04. — Sur la noblesse, qui peuplait la ville de Trêves et sur sa
décadence, Brower, entre autres passages, cite le suivant extrait du
De Providentia VI de Salvien :
Treviros domi nobiles, dignitate
sublimes, licet jam spoliatos atque vastatos, minus tamen eversos
rebus quam moribus. Salvien écrivait vers le milieu du
cinquième siècle, et Fortunat environ un siècle plus tard. Voyez, sur la ruine
de Trêves par les Francs, Grégoire de Tours, Hist. Franc,
II, 9.
05. — Ovide, Amor., I,
vii, v. 51, dit : « Et
cum populeas ventilat aura comas. »
06. — La regula était la mesure d'un champ, d'une vigne,
dont les limites étaient marquées par des poteaux peints, picta.
De là ce champ ou cette vigne fut appelée pictura
ou pectura. Voy. du Cange, au mot
Pictura.
07. — Cette pierre sèche était du schiste bleu très
favorable, dit Bœcking (V. la note 2 de notre Dissertation préliminaire où ce
nom est par erreur écrit Bœcker), à la culture de la vigne.
08. — La Contrua, selon Brower, n'était plus de son temps qu'un
ruisseau qui, à deux ou trois mille pas de Coblentz, coulant du pays de
Trichonie, se jetait dans la Moselle.
09. — Ni Brower, ni Lucchi ne disent quelle était cette ville.
10. —C'est au confluent de ces deux fleuves que s'élève la ville
de Coblentz.
11. — Il parle sans doute de quelque instrument de musique à
cordes de métal, posées parallèlement et fortement tendues, comme le sont les
fils de la toile sur le métier du tisserand. Peut-être s'agit-il de la harpe ou
d'un instrument de cette espèce.
12. — Ces rois que le poète désigne ici et au vers 1er,
sont Childebert, qui avait cinq ans lorsque Sigebert, son père, fut assassiné en
575, et sa mère Brunehaut.
13. — Andernach, ville de la Prusse rhénane, sur le Rhin, à 13
km de Coblentz.
X.
01. — Voy. la note 1 de la pièce
v de ce livre.
02. — D'autres manuscrits portent Georgius
au lieu de Gregorius; mais il
est aussi difficile de dire qui est l'un que l'autre. Aucun personnage de ces
deux noms ne figure dans le martyrologe, comme ayant souffert le genre de
supplice indiqué ici.
03. — Il s'agit de saint Julien qui souffrit le martyre à Brivas
ou Brioude, chez les Arvernes, et où son corps fut inhumé. C'est le même dont il
est fait mention au l. V, pièce iii,
v. 11. Fortunat ajoute ici qu'il fut « égorgé par un glaive ami » : je ne sais
comment il faut
entendre
cette expression. La légende ne dit rien de pareil de ce saint
Julien.
04. — Voy. le commencement de la pièce
vi de ce livre. Fortunat parle souvent de ce miracle, et
toujours avec quelques variantes.
05. — Saint Victor de Marseille, selon toute apparence. Il en est
parlé dans Grégoire de Tours, De Glor.
Mart., I, ch. 71. Il souffrit le martyr à Marseille sous
Dioclétien et Maximilien. Ses actes sont dans les Acta
Sincera, I, p. 292.
06. — Saint Nicet, évêque de Lyon, était l'oncle de la mère de
Grégoire de Tours, Hist. Franc. V, c. 5. Il mourut en 573.
Le même Grégoire, Vit. Patr.,
c. 8, écrivit sa vie. Là, parlant des reliques de saint Nicet, il dit : « Il
est venu à nous un mouchoir de lui, qui couvrait sa tête le jour où il mourut.
Nous avons reçu ce mouchoir comme un présent du ciel. » Il ajoute qu'il plaça
des fils qu'il en avait détachés, dans une église de Tours, où ils firent
incontinent des miracles, ayant guéri notamment des possédés du démon.
07. — Grégoire de Tours.
XI.
01. — Childebert, d'après le conseil de l'évêque Marovée, avait
envoyé à Poitiers, en qualité de recenseurs, Florcntinus et Romulfus (Voyez la
pièce qui suit.) De Poitiers ces deux personnages vinrent à Tours, pour remplir
leur commission. Mais lorsqu'ils voulurent contraindre le peuple de cette ville
à payer, Grégoire s'y opposa, disant que, si du temps de Clotaire, Tours avait
été en effet soumise au tribut, ce prince, par respect pour saint Martin, avait
fait brûler les registres et abolir l'impôt. Charibert, son fils,-avait fait de
même, et de plus envoyé à l'église du saint les sommes qui avaient été déjà
perçues. Voy. Grégoire de Tours, Hist. Franc., IX, 30.
02. — La cithare était un instrument à cordes qui ressemblait par
sa forme au cou et à la poitrine de l'homme (Isidor., Orig., II,
3, 22), c'est-à-dire que le manche était le cou, et le corps de l'instrument la
poitrine. Un bas-relief, dit Rich, de l'hôpital de Saint-Jean-de-Latran à Rome,
concorde si bien avec la description qu'Isidore fait de cet instrument, qu'il
est presque indubitable qu'il offre la forme réelle de la cithare, dans le sens
exact et primitif du mot (Dict. des Antiq., au mot
Cithara). Une autre espèce avait le manche
très allongé et le corps rond. De cithara ou
κιθάρα.
Les Italiens ont fait chitarra, et les Français guitare.
— Il faut croire que c'est pour les besoins du vers que Fortunat voit
ici cet instrument chanter, cum videam cantare.
03. — Grégoire n'était que le successeur médiat de saint Martin,
son prédécesseur immédiat ayant été Euphronius.
04. — Qui rogat hic presæns.
Le mot rogare s'appliquait aux magistrats,
soit lorsqu'ils portaient une loi devant le peuple, soient lorsqu'ils
présidaient aux comices où avait lieu l'élection des magistrats.
05. — Voyez la note 1.
XII a.
01. — Voy. la note 1 de la pièce b ci-dessous.
b.
01. — Ce Romulfus et Florentinus, à qui est adressée la pièce
xii d, ne sont
autres que les recenseurs mentionnes dans la note 1 de la pièce
xi. Il est donc permis d'en
conclure que la jeune fille dont parle Fortunat, est la même qui, par les
recenseurs ou leurs agents avait été enlevée à son père, parce que ce père ne
pouvait pas payer l'impôt qu'on exigeait de lui. Il est donc très possible que,
revenu à Poitiers de Tours où il avait assisté au banquet de la villa
Saint-Martin, Fortunat ait reçu les plaintes du père, et les ait transmises à
Grégoire et aux recenseurs qui étaient alors à Tours. Ils y attendaient, à la
prière de Grégoire, des lettres de Childebert par lesquelles ce prince déclarait
si la ville de Tours serait recensée ou non. Elle ne le fut pas. Sur tout ceci
voyez Grégoire de Tours, Hist. Fr., IX, 30.
02. — A la villa Saint-Martin.
03. — Il s'adresse ici à Romulfus et à Florentinus, à qui est
adressée plus bas la pièce d.
c.
01. — Grégoire de Tours, Hist. Fr., V, 50,
fait mention de Gallienus, et l'appelle son ami. Il ne paraît pas différer de
celui à qui le poète s'adresse ici, mais rien n'indique qu'il ail été
archidiacre, comme Brower l'affirme.
d.
01. — Après la réunion qui eut lieu à la villa Saint-Martin.
XIII.
01. — Cette espèce de circulaire était sans doute adressée
aux évêques qui se trouvaient sur le chemin de Gaule en Italie, et qui pouvaient
être très utiles aux voyageurs allant dans ce dernier pays. Il y a deux pièces
du même genre au livre V, la xve
et la xviiie.
XIV.
01. — Il ne fut que le successeur médiat de saint Hilaire,
ayant succédé immédiatement, en 592, à Mérovée ou Marovée. Voy. Grégoire de
Tours, Hist. Fr., V. 30 et la Vie de Fortunat, n°
89.
02. — Tours et Poitiers.
03. — Platon avait été disciple de Grégoire de Tours, en l'église
duquel il avait été archidiacre.
XV.
01. — Armentaria était petite-fille d'une fille de saint Grégoire
qui fut évêque de Langres, après être devenu veuf. Voy. Grégoire de Tours,
De vitis Patrum, ch.
vii, § 1, 2.
XVII.
01. — Il manque dans le texte un mot après
procedens; Brower croit que c'est cupidus.
Avec plus de vraisemblance, M. Léo croit que c'est
Turonos, leçon que j'ai adoptée. Quant aux fêtes dont il est
question, ce sont sans doute celles de Pâques.
02. — Domini sui, son roi,
et non pas le Seigneur
03. — Ce vers n'est pas très clair. C'est sans doute un vœu pour
que les secours dont Sigoalde prit la disposition deviennent plus abondants.
XVIII.
01. — Les défenseurs étaient ceux à qui étaient confiées
la tutelle et la défense des biens de l'Église. Les villes avaient aussi leurs
défenseurs. Voyez le Glossaire de du Cange au mot
Defensor, et surtout l'Ancienne et Nouvelle Discipline de
l'Eglise par L. Thomassin, l'édition latine, partie 1ère,
livre II, ch. 98.
XIX.
01. — Le même que celui à qui est adressée la pièce
xxv du livre VII
02. — Voy. la note 1 de la pièce
xviii.
03. — Les juges étaient les assesseurs des comtes, dignité à
laquelle ils pouvaient aspirer, et dont il y avait plusieurs sortes, comme aussi
il en était de plusieurs rangs. Après elle, comme le dit le poète, venait celle
de duc, la plus haute de toutes, et qui complétait dans ce temps-là le cursus
honorai».
04. — Justinien était neveu de l'empereur Justin par la sœur de
celui-ci. On sait que Justin, d'une naissance basse et obscure, s'enrôla dans
l'armée romaine où il s'éleva de grade en grade jusqu'à l'empire. Il n'en fut
pas tout à fait de même de Justinien. S'il s'enrôla dans l'armée, ce que
Fortunat semble indiquer par le mot tiro,
ce fut dans la troupe des scholares qui faisaient
leur service dans le palais impérial, et parmi lesquels on choisissait les plus
braves et les plus vigoureux pour en former un corps à part, sous le nom de
candidati. Justinien fut donc
candidatus,
λευχείμων,
après cela et apparemment sans transition magister militum,
ou commandant de troupes, puis nobilissimus,
et enfin Cæsar. C'est à la prière du sénat que bientôt après
Justin, malgré lui, dit-on, le créa Auguste et l'associa à l'empire en 524. Voy.
du Cange, Historia Byzantina.
05. — Le vers pentamètre de ce distique manque dans tous
les manuscrits. La Biblioth. veter. Pair., 1611,
dont le tome viii contient les
poésies de Fortunat, comble ainsi cette lacune :
Immortale piis artibus auge decus.
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