ALLER A LA TABLE DES MATIÈRES D'ARCHIMÈDE
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
OEUVRES D'ARCHIMÈDE, TRADUITES LITTÉRALEMENT, AVEC UN COMMENTAIRE, PAR F. PEYRARD, Professeur de Mathématiques et d'Astronomie au Lycée Bonaparte ; SUIVIES D'un Mémoire du Traducteur, sur un nouveau Miroir Ardent, et d'un autre Mémoire de M. Delambre, sur l'Arithmétique des Grecs. OUVRAGE APPROUVÉ PAR L'INSTITUT ET ADOPTÉ PAR LE GOUVERNEMENT POUR LES BIBLIOTHÈQUES DES LYCÉES. DÉDIÉ A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR ET ROI.
A PARIS, CHEZ FRANÇOIS BUISSON, LIBRAIRE-ÉDITEUR, RUE GÎT-LE-COEUR, N° 10, ET CI-DEVANT RUE HAUTE-FEUILLE, N° 30. M DCCC VII
DΕ LA SPHÈRE ET DU CYLINDRE. DE LA QUADRATURE DE LA PARABOLE. DE L'ÉQUILIBRE DES PLANS OU DE LEURS CENTRES DE GRAVITÉ. DES CONOÏDES ET DES SPHÉROÏDES. DES CORPS QUI SONT PORTÉS SUR UN FLUIDE. (2 livres)
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PRÉFACE Archimède naquit 287 ans avant l'ère vulgaire; il était le parent et l'ami du Roi Hiéron, qui gouverna, avec douceur et sagesse, les Syracusains, pendant l'espace de cinquante ans. Platon et Aristote florissaient dans le siècle précédent. Euclide n'existait plus, ou du moins il était d'une extrême vieillesse, lorsqu'Archimède parut. La naissance d'Apollonius de Perge n'eut lieu qu'environ quarante ans après. Archimède avait pour ami intime Conon, dont parle Virgile dans sa troisième Eglogue.[1] Conon étant mort, Archimède écrivit à Dosithée la lettre suivante, qui est à la tête de son Traité de la, Quadrature de la Parabole : « Je venais d'apprendre que Conon, le seul de mes amis qui me restait encore, était mort; je savais que tu étais étroitement lié d'amitié avec lui, et très versé dans la Géométrie. Profondément affligé de la mort d'un homme qui était mon ami et qui avait dans les sciences Mathématiques une sagacité tout à fait admirable, je pris la résolution de l'envoyer, comme je l'aurais fait à lui-même, un théorème de Géométrie, dont personne ne s'était encore occupé et qu'enfin j'ai voulu examiner, etc. » Archimède continua de correspondre avec Dosithée, et lui adressa tous les Ouvrages qu'il publia dans la suite. La Vie d'Archimède est peu connue. Héraclides l'avait écrite mais malheureusement elle n'est point parvenue jusqu'à nous. Ce que nous en savons, nous le devons à Polybe, à Cicéron, à Tite-Live, à Plutarque et à quelques autres Auteurs anciens. Archimède fit un voyage en Egypte. Ce fut alors qu'il inventa la fameuse vis qui porte son nom, dont les Egyptiens se servirent dans la suite pour répandre et distribuer les eaux du Nil dans les lieux qu'elles ne pouvaient atteindre. Archimède avait une ardeur invincible pour l'étude. On raconte de lui que, sans cesse retenu par les charmes de l'étude, il oubliait de boire et de manger. Traîné souvent par force aux bains et aux étuves, il traçait des figures de Géométrie sur les cendres, et des lignes sur son corps enduit d'essence. « De quelle ardeur, dit Cicéron, Archimède ne devait-il pas être enflammé pour l'étude, lui qui, occupé à décrire certaines figures, ne s'aperçut pas même que sa Patrie était au pouvoir des Romains ? » Le Roi Hiéron avait fait remettre à un orfèvre une certaine quantité d’or pour en faire une couronne ; mais l'Artiste retint une partie de cet or, et lui substitua un égal poids d'argent. Archimède fut consulté sur le moyen de découvrir la quantité d'argent substituée à l'or. Un jour qu'il était aux bains, tout à coup se présente à son esprit la solution de ce problème. On dit que transporté de joie, il s'élance du bain, et, oubliant qu'il était nu, il traverse les rues de Syracuse, en criant : Je l'ai trouvé, je l'ai trouvé. On raconte encore que dans une autre circonstance, il démontra au Roi Hiéron, qu'on pouvait, avec une force donnée, mouvoir une masse quelque grande qu'elle pût être. Il ajouta même que d'une autre terre il pourrait déranger la nôtre de sa place. Le Roi, étonné, l'invite à faire mouvoir devant lui une grande masse, avec une très petite force. Il se trouvait dans le port une galère qui ne pouvait être tirée à terre qu'à force de peines et de bras ; Archimède y fait placer un grand nombre d'hommes, outre sa charge ordinaire ; il s'assied ensuite à une distance considérable, et, au moyen d'un moufle, attire à lui avec la main, et sans un grand effort, le vaisseau, qui semblait voguer naturellement sur la surface de la mer. Le Roi frappé d'étonnement, admire la puissance de l'art ; il presse Archimède de lui construire des machines, à l'aide desquelles il puisse à son gré attaquer où se défendre. Hiéron ne se servit point des machines que lui construisit Archimède ; car il dut à la fortune et surtout à lui-même de passer sa longue vie dans une paix continuelle. Après la mort d'Hiéron, Hiéronyme, son petit-fils, monta sur le trône. Au lieu d'imiter son aïeul, il affecta de marcher sur les traces de Denis le Tyran. Les Syracusains se soulevèrent et le précipitèrent du trône, après un règne de quelques mois. Hipparque, général des Syracusains, favorisa le parti des Carthaginois. Le Sénat romain chargea Marcellus de s'emparer de Syracuse. » Tout étant prêt, dit Polybe, les Romains étaient sur le point d'attaquer les tours. Mais Archimède avait de son côté disposé des machines capables de lancer des traits à quelque distance que ce fût. Les ennemis étaient encore loin de la ville, qu'avec des balistes et des catapultes plus grandes qu'à l'ordinaire et animées d'une très grande force, il les perçait de tant de traits, qu'ils ne savaient comment les éviter. Quand les traits passaient au-delà, il avait de plus petites catapultes proportionnées à la distance; ce qui causait une si grande confusion parmi les Romains, qu'ils ne pouvaient rien entreprendre. Marcellus, ne sachant quel parti prendre, fut obligé de faire avancer secrètement ses galères à la faveur de la nuit. Mais quand elles furent près de terre, et à la portée du trait, Archimède inventa un autre stratagème contre ceux; qui combattaient de leurs vaisseaux. Il fit percer des trous dans la muraille, à hauteur d'homme et d'une palme d'ouverture en dehors. Il plaça en-dedans des arbalétriers et de petits scorpions. Par le moyen de ces ouvertures, il atteignait la flotte ennemie, et mettait en défaut toutes ses attaques. De cette manière, soit que les ennemis fussent éloignés, ou qu'ils fussent près de terre, non seulement il rendait tous leurs projets inutiles, mais encore il en tuait une grande partie. Lorsqu'ils voulaient dresser les sambuques, des machines disposées le long des mûrs en dedans, s'élevaient sur les forts, et s'avançaient bien loin au-delà. Beaucoup d'entre elles jetaient des pierres qui ne pesaient pas moins de dix talents, et d'autres des masses de plomb d'une égale pesanteur. Quand les sambuques s'approchaient, on tournait par le moyen d'une corde les becs de ces machines selon le besoin, et de là on faisait tomber sur les sambuques des pierres qui non seulement brisaient ces machines, mais encore mettaient les vaisseaux et ceux qui s'y trouvaient dans un extrême péril. » Il y avait encore d'autres machines qui dirigeaient des pierres contre les ennemis qui s'avançaient couverts par des claies, et qui se croyaient en sûreté contre les traits lancés des murailles; mais ces pierres tombaient si juste, qu'ils étaient obligés de se retirer de la proue. » Outre cela, il lançait une main de fer attachée à une chaîne. Lorsque cette main avait saisi la proue d'un vaisseau, celui qui conduisait le bec de la machine abaissait vers la terre le bout qui était en dedans du mur. Quand il avait dressé le vaisseau sur la poupe, il tenait immobile pendant quelque temps le bec de la machine, et lâchait ensuite la main de fer et la chaîne, par le moyen d'une poulie. De cette manière il y avait des navires qui tombaient sur le côté, d'autres sur le devant, et la plupart tombaient perpendiculairement sur la proue, et étaient submergés. Marcellus était dans un très grand embarras : tous ses projets étaient renversés par les inventions d'Archimède ; il faisait des pertes considérables, et les assiégés se moquaient de tous ses efforts. » Appius qui avait éprouvé sur terre les mêmes difficultés, avait abandonné son entreprise. Quoique son armée fut loin de la ville, elle était accablée, des pierres et des traits que lançaient les balistes et les catapultes ; tant était prodigieuse la quantité des traits qui en partaient, et la raideur avec laquelle ils étaient lancés. » Lorsque les ennemis s'approchaient de la ville, blessés par les traits qu'on lançait à travers la muraille, ils faisaient des efforts superflus. Si, couverts de leurs boucliers, ils s'avançaient avec impétuosité, ils étaient assommés par les pierres et par les poutres qu'on leur faisait tomber sur la tête; sans parler des pertes que leur causaient ces mains de fer dont nous avons fait mention plus haut, et qui, en élevant des hommes avec leurs armes, les brisaient ensuite contre terre. » Appius se retira dans son camp, et assembla le Conseil des Tribuns. On résolut de tenter toutes sortes de moyens pour surprendre Syracuse, à l'exception d'un siège en forme ; et cette résolution fut exécutée. Car pendant huit mois qu'ils restèrent devant la ville, il n'y eut sorte de stratagèmes que l'on n'inventât, ni d'actions de valeur que l'on ne fit, à l'assaut près, que l'on n'osa jamais tenter. Telle était la puissance d'un seul homme ; tel était le pouvoir de son génie. Avec des forces de terre et de mer aussi considérables la ville, à la première attaque, tomberait au pouvoir des Romains, si un seul vieillard n'était dans Syracuse. Archimède est dans ses murs, et ils n'osent même pas en approcher ». Voilà ce que rapporte Polybe ; Tite-Live et Plutarque racontent les mêmes choses. « Lorsque les vaisseaux de Marcellus furent à la portée de l'arc, dit Tzetzès, le vieillard (Archimède) fit approcher un miroir hexagone qu'il avait fabriqué. Il plaça, à une distance convenable de ce miroir, d'autres miroirs plus petits, qui étaient de la même espèce, et qui se mouvaient à l'aide de leurs charnières et de certaines lames carrées de métal. Il posa ensuite son miroir au milieu des rayons solaires du midi d'été et d'hiver. Les rayons du soleil étant réfléchis par ce miroir, il s'alluma un horrible incendie dans les vaisseaux, qui furent réduits en cendres à une distance égale à celle de la portée de l'arc ». Marcellus désespérant de prendre Syracuse, cessa toute attaque de vive force ; convertit le siège en blocus, et quelque temps après, profitant d'une fête de Diane, fit enfoncer une des portes de la ville, et surprit les Syracusains au milieu des festins et des plaisirs. Tandis que les vainqueurs répandus dans la ville se livrent à toutes sortes d'excès, Archimède, entièrement occupé de figures qu'il avait tracées, fut tué par un soldat qui ne le connaissait point. Marcellus déplora la perte d'Archimède, lui fit donner une sépulture honorable, ordonna de chercher ses parents et les prit sous sa protection. Archimède avait prié ses proches et ses amis de mettre sur son tombeau une sphère inscrite dans un cylindre, et de marquer dans l'inscription les rapports de ces deux figures : ses vœux furent accomplis. Cicéron, étant questeur en Sicile, découvrit son tombeau environné de ronces et d'épines. « Etant questeur en Sicile, dit Cicéron, je mis tous mes soins à découvrir le tombeau d'Archimède. Les Syracusains affirmaient qu'il n'existait point. Je le trouvai environné de ronces et d'épines. Je fis cette découverte à l'aide d'une inscription qu'on disait avoir été gravée sur son monument, et qui indiquait qu'il était surmonté d'une sphère et d'un cylindre. Parcourant des yeux les nombreux tombeaux qui se trouvent vers la porte d'Agragante, j'aperçus une petite colonne qui s'élevait au-dessus des buissons, dans laquelle se trouvait la figure d'une sphère et d'un cylindre. Je m'écriai aussitôt, devant les principaux habitants de Syracuse, qui étaient avec moi : voilà, je pense, ce que je cherchais ! Un grand nombre de personnes furent chargées de couper les buissons et de découvrir le monument. Nous nous approchâmes de la colonne. Nous vîmes l'inscription à moitié rongée par le temps. Ainsi la plus noble et jadis la plus docte des cités de la Grèce, ignorerait encore où est le tombeau du plus illustre de ses citoyens, si un homme d'Arpinum ne le lui avait appris. » Voilà tout ce que nous savons de la vie d'Archimède, d'après les anciens Auteurs. Je vais parler à présent de ses écrits et des machines qu'il a inventées. Beaucoup de personnes croient que les Ouvrages d'Archimède qui sont parvenus jusqu'à nous, sont altérés et tronqués. Ces personnes sont dans l'erreur. Les Ouvrages d'Archimède que nous possédons, c'est-à-dire presque tous les Ouvrages qu'il a composés, ne sont ni altérés ni tronqués. Il faut cependant en excepter son Traité des Corps qui sont portés sur un fluide, que nous ne possédons plus qu'en latin, et dont les démonstrations de la proposition 8 du premier livre, et de la proposition 2 du second, ont péri en partie par l'injure des temps. Je ne parle pas du livre des Lemmes que nous n'avons qu'en arabe. Les Ouvrages d'Archimède sont : De la Sphère et du Cylindre, de la Mesure du Cercle, des Conoïdes et des Sphéroïdes, des Hélices, de l'Équilibre des Plans, de la Quadrature de la Parabole, l’Arénaire, des Corps portés sur un fluide, et les Lemmes. Je vais mettre sous les yeux du Lecteur les principaux théorèmes qui sont démontrés et les principaux problèmes qui sont résolus dans les Œuvres d'Archimède. Je ne parlerai point d'une foule de théorèmes infiniment précieux, qu'il est obligé de démontrer pour arriver à son but. DE LA SPHÈRE ET DU CYLINDRE.LIVRE I.1. La surface d'un cylindre droit quelconque, la base exceptée, est égale à un cercle dont le rayon est moyen proportionnel entre le côté du cylindre et le diamètre de sa base. 2. La surface d'un cône droit quelconque, la base exceptée, est égale à un cercle dont le rayon est moyen proportionnel entre le côté du cône et le rayon du cercle qui est la base du cône. 3. La surface d'une sphère quelconque est quadruple d'un de ses grands cercles. 4. Une sphère quelconque est quadruple d'un cône qui a une base égale à un grand cercle de cette sphère, et une hauteur égale au rayon de cette même sphère. 5. Ces choses étant démontrées, il est évident que tout cylindre qui a une base égale à un grand cercle d'une sphère, et une hauteur égale au diamètre de cette sphère, est égal à trois fois la moitié de cette sphère, et que la surface de ce cylindre, les bases étant comprises, est aussi égale à trois fois la moitié de la surface de cette même sphère. 6. La surface d'un segment sphérique quelconque plus petit que la moitié de la sphère, est égale à un cercle qui a pour rayon une droite menée du sommet du segment à la circonférence du cercle qui est à la base du segment. 7. Si le segment est plus grand que la moitié de la sphère, sa surface sera encore égale à un cercle dont le rayon est égal à la droite menée du sommet du segment à la circonférence du cercle qui est la base du segment. 8. Un secteur quelconque d'une sphère est égal à un cône qui a une base égale à la Surface du segment sphérique qui est dans le secteur, et une hauteur égale au rayon de cette sphère. LIVRE II.1. Un cône ou un cylindre étant donné, trouver une sphère égale à ce cône ou à ce cylindre. 2. Couper une sphère donnée de manière que les segments aient entre eux une raison donnée. 3. Construire un segment sphérique semblable à un segment sphérique donné, et égal à un autre segment sphérique aussi donné. 4. Etant donnés deux segments de la même sphère, ou de différentes sphères, trouver un segment sphérique qui soit semblable à l'un des deux, et qui ait une surface égale à celle de l'autre. 5. Retrancher d'une sphère un segment, de manière que la raison de ce segment au cône, qui a la même base et la même hauteur que le segment, soit la même qu'une raison donnée. DE LA MESURE DU CERCLE.1. Un cercle quelconque est égal à un triangle rectangle dont un des côtés de l'angle droit est égal au rayon de ce cercle, et dont l'autre côté de l'angle droit est égal à la circonférence de ce même cercle. 2. La circonférence d'un cercle quelconque est égale au triple du diamètre, réuni à une certaine portion du diamètre, qui est plus petite que le septième de ce diamètre et plus grande que les dix soixante-onzièmes de ce même diamètre. DES CONOÏDES ET DES SPHÉROÏDES.[2]1 Un segment quelconque d'un conoïde parabolique retranché par un plan perpendiculaire sur l'axe, est égal à trois fois la moitié du cône qui a la même base et le même axe que ce segment. 2. Si un segment d'un conoïde parabolique est retranché par un plan non perpendiculaire sur l'axe, ce plan sera parallèlement égal, à trois fois la moitié du segment du cône qui a la même base et le même axe que ce segment. 3. Si deux segments d'un conoïde parabolique sont retranchés par deux plans, dont l'un soit perpendiculaire sur l'axe et dont l'autre ne lui soit pas perpendiculaire, et si les axes des segments sont égaux, ces segments seront égaux entre eux. 4. Si deux segments d'un conoïde parabolique sont retranchés par un plan conduit d'une manière quelconque, ces segments sont entre eux comme les carrés de leurs axes. 5. Un segment d'un conoïde hyperbolique retranché par un plan perpendiculaire sur l'axe, est à un cône qui a la même base et le même axe que ce segment, comme une droite composée de l'axe au segment et du triple de la droite ajoutée à l'axe est à une droite composée de l'axe du segment et du double de la droite ajoutée à l'axe.[3] 6. Si un segment d'un conoïde hyperbolique est retranché par un plan non perpendiculaire sur l'axe, le segment du conoïde sera au segment du cône qui a la même base et le même axe que le segment, comme une droite composée de l'axe du segment, et du triple de la droite ajoutée à l'axe est à une droite composée de l'axe du segment, et du double de la droite ajoutée à l'axe. 7. La moitié d'un sphéroïde quelconque coupé par un plan conduit par le centre et perpendiculaire sur l'axe, est double du cône qui a la même base et le même axe que le segment. 8. Si un sphéroïde quelconque est coupé par un plan conduit par le centre et non perpendiculaire sur l'axe, la moitié du sphéroïde sera encore double d'un segment de cône qui aura la même base et le même axe que le segment. 9. Le segment d'un sphéroïde quelconque coupé par un plan perpendiculaire sur l'axe qui ne passe pas par le centre, est au cône qui a la même base et le même axe que ce segment, comme une droite composée de la moitié de l'axe du sphéroïde, et de l'axe du plus grand segment est à l'axe du plus grand segment. 10. Si un sphéroïde est coupé par un plan qui ne passe pas par le centre et qui ne soit pas perpendiculaire sur l'axe, le plus petit segment sera au segment de cône qui a la même base et le même axe que le segment, comme une droite composée de la moitié de la droite qui joint les sommets des segments qui sont produits par le plan coupant et de l'axe du petit segment est à l'axe du grand segment. 11. Le grand segment d'un sphéroïde quelconque coupé non par son centre par un plan perpendiculaire sur l'axe, est au cône qui a la même base et le même axe que ce segment, comme une droite composée de la moitié de l'axe du sphéroïde et de l'axe du petit segment est à l'axe du petit segment. 12. Si un sphéroïde est coupé par un plan qui ne passe pas par le centre et qui ne soit pas perpendiculaire sur l'axe, le plus grand segment du sphéroïde sera au segment de cône qui a la même base et le même axe que lui, comme une droite composée de la moitié de la droite qui joint les sommets des segments qui ont été produits par cette section, et de l'axe du petit segment est à l'axe du petit segment. DES HÉLICES.1. Si une ligne droite, une de ses extrémités restant immobile, tourne dans un plan avec une vitesse uniforme jusqu'à ce qu'elle soit revenue au même endroit d'où elle avait commencé à se mouvoir, et si un point se meut avec une vitesse uniforme dans la ligne qui tourne, en partant de l'extrémité immobile, ce point décrira une hélice dans un plan ; la surface qui est comprise par l'hélice, et par la ligne droite revenue au même endroit d'où elle avait commencé à se mouvoir, est la troisième partie d'un cercle qui a pour centre le point immobile, et pour rayon la partie de la ligne droite qui a été parcourue par le point dans une seule révolution de la droite. 2. Si une droite touche l'hélice à son extrémité dernière engendrée, et si de l'extrémité immobile de la ligne droite qui a tourné et qui est revenue au même endroit d'où elle était partie, on mène sur cette ligne une perpendiculaire qui coupe la tangente cette perpendiculaire sera égale à la circonférence du cercle. 3. Si la ligne droite qui a tourné et le point qui s'est mu dans cette ligne continuent à se mouvoir en réitérant leurs révolutions, et en revenant au même endroit d'où ils avaient commencé à se mouvoir; la surface comprise par l'hélice de la troisième révolution est double de la surface comprise par l'hélice de la seconde ; la surface comprise par l'hélice de la quatrième est triple; la surface comprise par l'hélice de la cinquième est quadruple ; et enfin les surfaces comprises par les hélices des révolutions suivantes sont égales à la surface comprise par l'hélice de la seconde révolution multipliée par les nombres qui suivent ceux dont nous venons de parler. La surface comprise par l'hélice de la première révolution est la sixième partie de la surface comprise par l'hélice de la seconde. 4. Si l'on prend deux points dans une hélice décrite dans une seule révolution, si de ces points on mène des droites à l'extrémité immobile de la ligne qui a tourné, si l'on décrit deux cercles qui aient pour centre le point immobile et pour rayons les droites menées à l'extrémité immobile de la ligne qui a tourné, et si l'on prolonge la plus petite de ces droites; la surface comprise tant par la portion de la circonférence du plus grand cercle, qui est sur la même hélice entre ces deux droites, que par l'hélice et par le prolongement de.la plus petite droite, est à la surface comprise tarit par la portion de la circonférence du plus petit cercle, que par la même hélice et par la droite qui joint les extrémités, comme le rayon du petit cercle, conjointement avec les deux tiers de l'excès du rayon du plus grand cercle sur le rayon du plus petit est au rayon du plus petit cercle, conjointement avec le tiers de l'excès dont nous venons de parler. PRÉFACE. DE L'ÉQUILIBRE DES PLANS.LIVRE I.1. Des grandeurs commensurables sont en équilibre, lorsqu'elles sont réciproquement proportionnelles aux longueurs auxquelles ces grandeurs sont suspendues. 2. Des grandeurs incommensurables sont en équilibre, lorsque ces grandeurs sont réciproquement proportionnelles aux longueurs auxquelles ces grandeurs sont sus pendues. 3. Si d'une grandeur quelconque, on retranche une certaine grandeur qui n'ait pas le même centre de gravité que la grandeur entière, pour avoir le centre de gravité de la grandeur restante, il faut prolonger, vers le côté où est le centre de gravité de la grandeur entière, la droite qui joint le centre de gravité de la grandeur totale et de la grandeur retranchée; prendre ensuite sur le prolongement de la droite qui joint les centres de gravité dont nous venons de parler, une droite qui soit à la droite qui joint les centres de gravité comme la pesanteur de la grandeur retranchée est à la pesanteur de la grandeur restante, le centre de gravité de la grandeur restante sera l'extrémité de la droite prise sur le prolongement. 4. Le centre de gravité d'un parallélogramme est le point où les deux diagonales se rencontrent. 5. Le centre de gravité d'un triangle quelconque est le point où se coupent mutuellement des droites menées des angles du triangle aux milieux des côtés. 6. Le centre de gravité d'un trapèze quelconque, ayant deux côtés parallèles, est dans la droite qui joint les milieux des deux côtés parallèles, partagée de manière que la partie placée vers le point où le plus petit des côtés parallèles est partagé en deux parties égales, soit à l'autre partie comme le double du plus grand des côtés parallèles, conjointement avec le plus petit est au double du plus petit, conjointement avec le plus grand. LIVRE II.1. Le centre de gravité d'un segment compris par une droite et par une parabole, partage le diamètre, de manière que la partie qui est vers le sommet est égale à trois fois la moitié de la partie qui est vers la base. 2. Le centre de gravité d'un segment retranché d'une surface parabolique est dans la ligne droite qui est le diamètre du segment partagé en cinq parties égales ; et il est placé dans la partie du milieu, coupée de manière que la portion qui est plus près de la plus petite base du segment, soit à l'autre portion comme un solide ayant pour base le quarré construit sur la moitié de la grande base du segment, et pour hauteur le double de la plus petite base, conjointement avec la plus grande, est à un solide ayant pour base le quarré construit sur la moitié de la plus petite base du segment et pour hauteur le double de la plus grande base du segment, conjointement avec la plus petite base du segment. DE LA QUADRATURE DE LA PARABOLE.Un segment quelconque compris par une droite et par une parabole, est égal à quatre fois le tiers d'un triangle qui a la même base et la même hauteur que ce segment. L’ARENAIRE.Dans ce livre, adressé à Gélon, qui était fils d'Hiéron et qui mourut quelques mois avant son père, Archimède fait voir que le nombre des grains de sable contenus dans la sphère des étoiles fixes, serait au-dessous de 1 suivi de 63 zéros, le diamètre des étoiles fixes étant de 10,000,000,000 stades; la stade étant de 10,000 doigts, et une sphère dont serait la quarantième partie d'un doigt, contenant 64,000 grains de sable. Ce livre est infiniment intéressant. Archimède expose le système du monde imaginé par Aristarque, qui est le même que celui de Copernic. Il donne un moyen fort ingénieux pour prendre le diamètre apparent du soleil. Pour faire ses calculs, il a imaginé un système de numération qui est à peu de chose près le même que le nôtre ; il se sert de deux progressions, l'une arithmétique, l'autre géométrique. Le premier terme de la première progression est zéro, et la différence est un ; le premier terme de la progression géométrique un et la raison dix. C'est la comparaison de ces deux progressions qui nous ont menés à la découverte des logarithmes. DES CORPS PORTÉS SUR UN FLUIDE.LIVRE I.1. Si un corps qui, sous un volume égal, â la même pesanteur qu'un fluide, est abandonné dans ce fluide, il s'y plongera jusqu'à ce qu'il n'en reste rien hors de la surface du fluide ; mais il ne descendra point plus bas. 2. Si un corps plus léger qu'un fluide est abandonné dans ce fluide, une partie de ce corps restera au-dessus de la surface de ce fluide. 3. Si un corps plus léger qu'un fluide est abandonné dans ce fluide, il s'y enfoncera jusqu'à ce qu'un volume de liquide égal au volume de la partie du corps qui est enfoncé ait la même pesanteur que le corps entier. 4. Si un corps plus léger qu'un fluide est enfoncé dans ce fluide, ce corps remontera avec une force d'autant plus grande, qu'un volume égal du fluide sera plus pesant que ce corps. 5. Si un corps plus pesant qu'un fluide est abandonné dans ce fluide, il sera porté en bas jusqu'à ce qu'il soit au fond; et ce corps sera d'autant plus léger dans ce fluide, que la pesanteur d'une partie du fluide, ayant le même volume que ce corps, sera plus grande. . 6. Si une grandeur solide qui est plus légère qu'un fluide, et qui a la figure d'un segment sphérique, est abandonnée dans un fluide, de manière que la base du segment ne touche point le fluide, le segment sphérique se placera de manière que l'axe du segment ait une position verticale. Si l'on incliné le segment de manière que la base du segment touché le fluide, il ne restera point incliné, s'il est abandonné à lui-même, et son axe reprendra une position verticale. 7. Si un segment sphérique plus léger qu'un fluide est abandonné dans ce fluide, de manière que la base entière soit dans le fluide, il se placera de manière que l'axe du segment ait une position verticale. LIVRE II.Archimède détermine dans ce livre les différentes positions que doit prendre un conoïde plongé dans un fluide suivant les différents rapports de l'axe au paramètre, et suivant les différents rapports des pesanteurs spécifiques du conoïde et du fluide. LEMMES.Ce livre renferme plusieurs théorèmes et plusieurs problèmes très curieux, et utiles à l'analyse géométrique. Tels sont les théorèmes qu'Archimède a démontrés, et les problèmes qu'il a résolus. Aucun de ces théorèmes n'avait été démontré, aucun de ces problèmes n'avait été résolu avant lui. Bien différent en cela d'Euclide et d'Apollonius, qui n'ont guère fait que rassembler en corps de doctrine des matériaux épars; mais qui l'ont fait d'une manière admirable. Archimède, pour démontrer ces théorèmes et pour résoudre ces problèmes, n'a employé que la Géométrie élémentaire, et les trois principes suivants : 1. Deux lignes qui sont dans un plan, et qui ont les mêmes extrémités, sont inégales, lorsqu'elles sont l'une et l'autre concaves du même côté, et que l'une est comprise toute entière par l'autre et par la droite qui a les mêmes extrémités que cette autre, ou bien lorsque l'une n'est comprise qu'en partie et que le reste est commun : la ligne comprise est la plus courte. 2. Pareillement lorsque des surfaces ont les mêmes limites dans un plan, la surface plane est la plus petite. 3. Deux surfaces, qui ont les mêmes limites dans un plan, sont inégales, lorsqu'elles sont l'une et l'autre concaves du même côté, et que l'une est comprise toute entière par l'autre et par le plan qui a les mêmes limites que cette autre; ou bien lorsque l'une n'est comprise qu'en partie et que le reste est commun : la surface comprise est la plus petite. C'est à l'aide de ces trois principes, dont personne n'avait encore fait usage, qu'Archimède fit faire à la Géométrie des progrès dont toute l'antiquité fut étonnée, et qui excitent encore aujourd'hui toute notre admiration, Sans ces trois principes, il lui eût été impossible de faire aucune de ses sublimes découvertes, à moins qu'il n'eût fait usage de la considération de l'infini ; c'est-à-dire, à moins qu'il n'eût regardé une courbe comme étant un. assemblage d'une infinité de lignes droites, et un solide de révolution comme étant un polyèdre terminé par une infinité de surfaces planes, ou comme étant un assemblage d'une infinité de troncs de cône. Mais les Anciens étaient loin d'admettre de semblables suppositions, et aujourd'hui même on commence à ne vouloir plus les admettre, du moins dans les éléments de Mathématiques. Archimède n'a point cherché à démontrer les trois principes dont il a fait usage, parce qu'il est impossible de les démontrer, quand on ne veut pas faire usage de la considération de l'infini. Cependant Eutocius et dans la suite plusieurs autres Géomètres l'ont tenté, mais en vain. Pour démontrer, par exemple, que la somme de deux tangentes est plus petite que l'arc de cercle qu'elles embrassent, ces Géomètres font le raisonnement suivant : Partageons l'arc en deux parties égales, et par le point de division menons une tangente ; partageons les nouveaux arcs chacun en deux parties (égales, et par les points de division menons de nouvelles tangentes, et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'arc soit divisé en une infinité de parties égales. La somme des deux tangentes est plus grande que le contour de la portion du polygone régulier premièrement circonscrit ; le contour de la portion de polygone régulier premièrement circonscrit est plus grand que le contour de la portion de polygone secondement circonscrit et enfin le contour de la portion du polygone régulier qui a été circonscrit l'avant-dernier, est plus grand que le contour de la portion du polygone régulier circonscrit en dernier lieu ; donc la somme des deux premières tangentes est plus grande que le contour de la portion de polygone régulier circonscrit en dernier lieu. Mais le contour de la portion du polygone régulier circonscrit en dernier lieu, est égal à l'arc entier, parce que la portion d'un polygone régulier d'une infinité de côtés, est égale à l'arc auquel il est circonscrit. Donc la somme des deux premières tangentes est plus grande que l'arc entier. Pour que cette conclusion fût légitime, il faudrait qu'ils démontrassent encore que la somme de deux tangentes menées en dernier lieu est plus grande que l'arc qu'elles embrassent; c'est-à-dire qu'ils n'ont encore rien démontré pour ceux qui bannissent de la Géométrie l'usage de la considération de l'infini. Plusieurs Géomètres pensent que la partie des éléments d'Euclide qui regarde les corps ronds est incomplète : c'est une erreur. Tout ce qu'on regrette de ne pas trouver dans Euclide, relativement à ces corps, ne peut se démontrer qu'à l'aide des trois principes posés par Archimède. En faisant usage de la considération à l'infini, et à l'aide des nouveaux calculs, on démontrerait beaucoup plus facilement les sublimes découvertes d'Archimède. Pour démontrer, par exemple, qu'un cercle est égal à un triangle rectangle dont un des côtés de l'angle droit est égal au rayon, et dont l'autre côté de l'angle droit est égal à la circonférence, Archimède est forcé de faire usage d'une démonstration indirecte. Il démontre qu'il est impossible que le cercle soit plus grand que ce triangle ; il démontre ensuite qu'il est impossible qu'il soit plus petit, et il conclut que le cercle est égal à ce triangle. La démonstration d'Archimède est sans réplique, mais elle est indirecte, et cela ne pouvait-être autrement. En faisant usage de la considération de l'infini, on se contente de dire : Circonscrivons au cercle un polygone régulier d'une infinité de côtés ; ce polygone sera égal à un triangle rectangle, dont un des côtés de l'angle droit sera égal au rayon, et dont l'autre côté de l’angle droit sera égal au contour de ce polygone. Mais un polygone régulier d'une infinité de côtés circonscrit à un cercle est égal à ce cercle ; donc le cercle est égal au triangle. Cette démonstration est simple et facile; mais est-elle sans réplique? mais satisfait-elle l'esprit? Non, certes. Cette seconde manière de raisonner est fondée sur ce principe : deux quantités qui ne diffèrent qu'infiniment peu l'une de l'autre sont égales entre elles. L'esprit repousse ce principe ; il lui est impossible de reconnaître que deux choses soient égales, quand l'une est plus grande que l'autre. Il sent qu'un cercle ne saurait être égal à un polygone qui lui est circonscrit. Sans doute les démonstrations d'Archimède sont plus longues, sont moins faciles qu'elles ne l'auraient été s'il avait fait usage de la considération de l'infini et s'il avait employé les nouveaux calculs; mais aussi elles sont sans réplique ; elles satisfont pleinement l'esprit. Aristote dit que la tâche du Géomètre est de démontrer sans réplique ; Archimède a rempli sa tâche aussi bien qu'Euclide. Ceux qui désirent faire des progrès véritablement solides dans les sciences mathématiques ; ceux qui veulent que leur esprit soit doué d'une grande force et d'une grande exactitude, qu'il ait la capacité d'apercevoir à la fois clairement et distinctement un grand nombre d'objets et les rapports qu'ils ont entre eux; ceux-là doivent lire et méditer Archimède. Archimède est l'Homère des Géomètres. On lui a reproché de faire souvent usage de démonstrations indirectes. Archimède ne les emploie que lorsqu'il y est forcé ; et il y est forcé dans tous les théorèmes, qui ne pourraient se démontrer directement qu'en faisant usage de la considération de l'infini. Archimède n'est véritablement difficile que pour ceux à qui les méthodes des Anciens ne sont point familières ; il est clair et facile à suivre pour ceux qui les ont étudiées. J'avoue cependant qu'il y a quelques-unes .de ses démonstrations, et surtout la démonstration de la proposition 9 de l'Equilibre des Plans, qu'on ne peut suivre qu'avec la plus grande contention d'esprit. Il est aussi quelquefois obscur, parce que souvent il franchit des idées intermédiaires. Au reste, voici comment Plutarque s'explique sur cette prétendue obscurité que les Modernes lui reprochent. « On ne saurait trouver dans toute la Géométrie de théorèmes plus difficiles et plus profonds que ceux d'Archimède, et cependant ils sont démontrés de la manière la plus simple et la plus claire. Les uns attribuent cette clarté à un esprit lumineux ; d'autres l'attribuent à un travail opiniâtre qui donne un air aisé aux choses les plus difficiles. Il serait impossible de trouver, selon moi> la démonstration d'un théorème d'Archimède ; mais lorsqu'on l'a lue, on croit qu'on l'aurait trouvée sans peine, tant est facile et court le chemin qui conduit à ce qu'il veut démontrer ». Plutarque, Vie de Marcellus. Galilée, qui était pénétré d'admiration pour les Écrits d'Archimède, enchérit encore sur les expressions de Plutarque. Quoique j'aie dit plus haut que les Ouvrages d'Archimède n'étaient difficiles que pour ceux à qui les méthodes des Anciens n'étaient pas familières, je ne partage point cependant l'opinion de Plutarque et de Galilée. Je me garderai bien de dire, par exemple, que les démonstrations d'Archimède sont aussi faciles que celles d'Euclide et d'Apollonius. Voilà ce que j'avais à dire sur les Ecrits d'Archimède, dont je publie la Traduction accompagnée d'un Commentaire. J'ai fait tous mes efforts pour que ma Traduction fût fidèle, et même mot à mot, quand le génie de notre langue me l'a permis. Dans mon Commentaire, je cherche à éclaircir les endroits difficiles ; je supplée aux idées intermédiaires que j'ai crues nécessaires pour rendre le sens plus clair, et je démontré plusieurs théorèmes sur lesquels Archimède s'appuie et dont les démonstrations n'existent plus, parce que les Ouvrages où elles se trouvaient ne sont point parvenus jusqu'à nous. Lorsque mon travail fut terminé, je le livrai à l'examen des Commissaires de l'Institut, MM. Lagrange et Delambre. M. Delambre eut la complaisance de comparer mon Manuscrit avec le Texte grec, et de faire des notes marginales. La Classe des Sciences physiques et mathématiques ayant approuvé mon Ouvrage, je le revis avec le plus grand soin, avant de le livrer à l'impression. M. Delambre a vu toutes les épreuves, il les a comparées scrupuleusement avec le Texte grec, et il m'a fait part de ses observations. Ma Traduction sort des presses de M. Crapelet, ainsi que je l'avais annoncé dans mon Prospectus. Les Figures devaient être placées à la fin de l'Ouvrage; M. Buisson, Libraire-Editeur, a bien voulu qu'elles fussent mises dans le Texte, et répétées autant de fois que le demande la démonstration ; il a consenti volontiers à se charger encore des frais énormes occasionnées par ce changement, Ces Figures ont été calculées avec toute la rigueur possible. Elles ont été dessinées sur bois par M. Gaucher, un des plus habiles Dessinateurs pour le trait. M. Duplat, un des meilleurs Graveurs sur bois que la France possède, a été chargé de la gravure. Il me reste encore à parler des machines inventées par Archimède. Les Anciens lui attribuaient quarante inventions mécaniques; mais on n'en trouve plus que quelques-unes indiquées obscurément par les auteurs. La plupart de ces inventions nous sont inconnues, parce qu'il dédaigna d'en donner la description. Archimède, dit Plutarque dans la vie de Marcellus, avait un esprit si profond, un génie si élevé; il possédait de si grandes connaissances dans la théorie, qu'il ne voulut jamais rien laisser par écrit sur ses inventions mécaniques, qui lui avaient acquis tant de gloire, et qui lui avaient fait attribuer, non une science humaine, mais une intelligence divine. Des quarante inventions d'Archimède, on ne cite plus aujourd'hui que son Miroir ardent; la vis qui porte son nom ; sa sphère ; son invention appelée loculus. La vis sans fin et la multiplication des poulies passent aussi pour des inventions d'Archimède. Quant à son Miroir ardent, voyez ce que je dis dans mon Mémoire. Je ne ferai point la description de sa vis inclinée ; elle est connue de tout le monde. Son mécanisme consiste en ce que la pesanteur, qui fait naturelle ment descendre un corps, est employée seule dans cette machine pour le faire monter, l'eau ne montant à l'aide de la vis que parce qu'elle descend à chaque instant, par son propre poids dans cette vis. Ce qui a fait dire à Galilée: La quale inventione non solo è maravigliosa, ma è miracolosa. Qu'on se garde bien de croire que la vis d'Archimède n'est qu'une invention curieuse: cette invention est au contraire capable de produire les plus grands effets. Près de Furnes, il y avait un étang de près de deux lieues quarrées, dont le fond, dans une grande partie, était à six pieds et demi au-dessous du niveau de la basse mer. Des sommes immenses avaient été employées, mais inutilement, pour le dessécher. Des terres couvertes de riches moissons et des habitations nombreuses ont remplacé cet étang. Une vis d'Archimède et deux moulins à palette, mus par le vent, ont opéré toutes ces merveilles. Voyez les deux lettres que M. Alphonse Leroy fils m'a fait l'honneur de m'écrire, et qui se trouvaient dans le Moniteur du 22 octobre 1806 et du 12 novembre même année. La sphère d'Archimède, qui représentait les mouvements des astres était fameuse chez les Anciens. Cum Archimedes lunae, solis, quinque errantium motus in sphœra illigavit3 efficit idem quod ille, qui in timœo mundum œdificavit Platonis Deus 3 ut tarditate et celeritate dissimillimos motus una regeret conversio. Cic. Tusc. quaest. lib. 1. An Archimedes Siculus concavo œre similitudinem mundi ac figuram potuit machiriari, in quo ita solem ac lunam composuit ut inœquales motus ac cœlestibus similes conversionibus singulis quasi diebus efficerent : et non modo accessus solis et recessus, vel incrementa diminutionesque lunœ, verum etiam stellarum vel inerrantium, vel vagarum dispares cursus orbis ille dum vertitur, exhiberet ? Lactantius. Divin. inst. lib. 2, cap. 5. Sans doute qu'Archimède faisait plus de cas de sa sphère que de ses autres inventions, puisque c'est la seule dont il avait laissé une description qui malheureusement ne nous est pas parvenue. Il serait difficile de se faire une idée de l'invention appelée loculus. Cette invention semble n'être d'aucune importance ; sans cloute on a eu tort de l'attribuer à Archimède. Au reste, voici la description que nous en donne Fortunatianus. Nam siloculus ille Archimedeus quatuordecim eboreas lamellas quarum anguli varii sunt, in quadratam formant inclusas habens, componentibus nobis aliter atque aliter, modo galeam, modo sicam,, alias navem3 alias columnam figurat, et innumerabiles efficit species, solebatque nobis pueris. hic loculus ad confirmandam memoriam, plurimum prodesse, quanto majorem potest nobis afferre voluptatem; quantoque pleniorem utilitatem etc. Gramm. vet. p. 2684. Avant de finir, je dois parler des Traducteurs, et Commentateurs d'Archimède. Nicolas Tartalea traduisit du grec en latin, et publia à Venise, en 1543, les ouvrages suivants d'Archimède : 1 . De Centris gravium valde planis œque repentibus. 2°. Quadratura Parabolœ 3°. De insidentibus aquœ, liber primus En 1555, les deux livres De insidentibus aquœ parurent à Venise. M. Montucla est dans l'erreur lorsqu'il dit dans son Histoire des Mathématiques, que ces deux livres d'Archimède ont été traduits d'après un manuscrit arabe. Tartalea les a traduits d'après un manuscrit grec, comme il le déclare dans sa préface. Peut-être le manuscrit grec existe-t-il encore enfoui dans quelque bibliothèque. J'invite tous les bibliothécaires de l'Europe à s'assurer s'ils ne posséderaient pas ce précieux manuscrit. En 1545 parut à Bâle une édition des Œuvres d.'Archimède, avec la traduction latine de Jean de Crémone, et revue par Jean Regiomontan. Cette édition ne renferme ni les deux livres De insidentibus in fluido, ni les Lemmes. On a joint à cette édition le Commentaire d'Eutocius, grec et latin. En r558; Fred. Commandin publia à Venise, avec des Commentaires justement estimés, une excellente traduction des livres suivants d'Archimède : 1°. Circuit dimensio. 2°. De Lineis spiralibus. 3°. Quadratura Parabolae. 4°. De Conoïdibus et Sphœroïdibus 5°. De numero Areriœ. En 1565, Fred'. Commandin publia à Boulogne les deux livres intitulés : De iis quœ vehuntur in aqua, revus, corrigés, et accompagnés d'un excellent Commentaire En 1615 parut l'ouvrage de Revault intitulé: Archimedis opera quae extant novis demonstrationibus commentariisque illustrata. Les définitions, les énoncés des propositions l'Arénaire et les épîtres sont les seules choses d'Archimède que renferme cette édition : le reste est de Revault. Son ouvrage lui valut le surnom d’Infelix Commentator. En 1657 Greaves et Foster publièrent une Traduction latine des Lemmes. Ils traduisirent ce livre d'après l'arabe. En 1661, Borelli publia une Traduction latine du même ouvrage, avec un Commentaire. En 1676 parut l'Archimède abrégé de Barrow. En 1681 parut l'Archimède de Fr. Maurolicus. Cet ouvrage n'est qu'une paraphrase d'Archimède, mais une paraphrase très estimée. Cet ouvrage avait paru en 1570. Mais toute l'édition périt par un naufrage, excepté un ou deux exemplaires. En 1699, Wallis donna une traduction latine de la Mesure du Cercle et de l'Arénaire. Enfin, en 1792 parut à Oxford l'Archimède grec et latin de Torelli. La version latine est littérale et élégante tout à la fois. Les variantes qui sont au bas des pages et à la fin du volume sont infiniment précieuses. On désirerait que le format ne fût point un grand in-folio pour la commodité du lecteur. Les figures, très bien gravées, sont dans le texte, mais elles ne sont point répétées lorsque l'on tourne le feuillet, ce qui en rend la lecture fatigante, et fait perdre le fil de la démonstration. *************************************************** Lorsque la Classe des Sciences physiques et mathématiques approuva ma Traduction de la Géométrie d'Euclide, plusieurs Membres témoignèrent leurs regrets de ce que je ne publiais point la Traduction complète de ses œuvres ; et lorsque cette même Classe approuva ma Traduction d'Archimède, elle m'invita à donner celle d'Apollonius. Le double vœu de la Classe sera rempli. Aussitôt que mon Archimède aura paru, je m'occuperai de la publication d'une Traduction complète des Œuvres d'Euclide. Elle sera sous presse avant la fin de l'année. Cette Traduction renfermera deux volumes in-4°; les figures seront dans le texte comme dans ma Traduction d'Archimède. Pendant qu'on imprimera Euclide, je m'occuperai de la Traduction d'Apollonius. M. Thévenot, homme très versé dans les langues anciennes, et très bon Géomètre, qui s'est occupé par goût de l'Arithmétique transcendante, a bien voulu, à mon invitation, se charger de la Traduction de Diophante, qui sera accompagnée d'un Commentaire. De celte manière, le public jouira enfin des Traductions des quatre grands Géomètres de l'antiquité. A VIS AU LECTEUR.Les dénominations suivantes sont fréquemment employées par Archimède : Soit la proportion géométrique a : b :: c : d, on aura : Par permutation............... a : c :: b : d. Par inversion b : a :: d : c, ou d : c :: b : a. Par addition............. a + b : b :: c + d : d. Par soustraction... a — b : b :: c — d : d. Par conversion........ a : a — b :: c : c — d. Soient les deux proportions géométriques : a : b :: c : d. b : f :: d : g. On a par raison d'égalité : a : f :: c : g. Soient les deux proportions géométriques : a : b :: c : d. b : f :: g : c. On aura par raison d'égalité dans la proportion troublée : a: f :: g: d. Soient les deux raisons géométriques inégales : a : b > c : d, on a : Par permutation...... a : c > b : d. Par inversion.................... b : a < c : d. Par addition............. a + b : b > c + d : d. Par soustraction............... a — b : b > c — d : d. Par conversion....... a : a — b < c : c — d. Il en serait de même si l'on avait : a : b < c : d. RAPPORT Fait à l’Institut national, Classe des Sciences physiques et mathématiques, par MM. Lagrange et Delambre, sur la traduction des Œuvres d’Archimède. La Classe, en approuvant la traduction d'Euclide, avait invité l'Auteur (M. Peyrard) à terminer celle des Œuvres d'Archimède, qu'il avait dès lors entreprise. Ce travail est achevé. Nous l'avons comparé avec le texte original, et ce sont les résultats de cet examen que nous allons soumettre au jugement de la Classe. Archimède a conservé la réputation de l'un des génies les plus étonnants, et de l'une des têtes les plus fortes qui se soit jamais appliquée aux Mathématiques. Aucun Géomètre ancien ne s'est fait connaître par des découvertes plus nombreuses et plus importantes ; mais, malgré tant de renommée, il compte aujourd'hui peu de lecteurs. La principale raison en est, sans doute, l'invention des nouveaux calculs. Malgré l'avantage des nouvelles méthodes, malgré leur certitude qui n'est plus contestée par les admirateurs même les plus outrés des Anciens, il n'est pas de Géomètre qui ne doive être curieux de voir par quelle adresse et quelle profondeur de méditation, la Géométrie élémentaire a pu s'élever jusqu'à des vérités si difficiles ; comment, par exemple, Archimède a pu trouver et démontrer, de deux manières absolument indépendantes l'une de l'autre, la Quadrature de la Parabole ; comment il a su déterminer le centre de gravité d'un secteur parabolique quelconque, et la position que doit prendre, en vertu de la gravité, un paraboloïde abandonné à lui-même dans un liquide spécifiquement plus pesant. Ses Traités des Spirales, des Conoïdes et des Sphéroïdes, de la Sphère et du Cylindre, brillent partout de ce même génie d'invention, qui crée des ressources proportionnées aux difficultés, et parvient ainsi à les surmonter heureusement. L'Arénaire même, quoiqu'il ait en apparence un but plus frivole, n'est pas moins recommandable, soit par des expériences faites avec autant d'adresse que de sagacité, pour mesurer le diamètre du soleil, soit par des efforts très ingénieux pour suppléer à l'imperfection de l'arithmétique des Grecs, qui n'avoient ni figures ; ni noms pour exprimer les nombres au-dessus de cent millions. Le système qu'il imagine pour écrire et dénommer un nombre quelconque, porte sur un principe bien peu différent de l'idée fondamentale qui fait le mérite et la simplicité de notre arithmétique arabe, ou plutôt indienne. On a même cru trouver dans ce système la première idée des logarithmes ; mais il nous semble que c'est outrer les choses. On voit à la vérité dans l'Arénaire deux progressions, l'une arithmétique et l'autre géométrique, dont la première sert à trouver un terme quelconque de la seconde. Mais c'est une pure spéculation destinée à montrer comment où pourrait donner une extension indéfinie à l'arithmétique de ce temps, et jamais Archimède n'a songé à rendre son idée utile dans les calculs ordinaires, à changer la multiplication en une addition, et encore moins la division en une soustraction. On ne lui voit réellement exécuter aucun calcul. Il se contente d'indiquer de quel ordre doit être le produit de deux termes quelconques de sa progression géométrique, dont la raison est dix ; et pour plus de facilité dans ses opérations, on lui voit constamment ajouter au résultat du calcul, ce qui lui manque pour être un multiple d'une puissance parfaite de dix. Mais en réduisant à sa juste valeur le mérite de son invention, il n'en est pas moins vrai qu'elle est extrêmement curieuse ; et c'est à son Arénaire, ainsi qu'à sa Mesure du Cercle, et au soin qu'a pris son Commentateur Eutocius de développer tous ses calculs, que nous sommes redevables de tout ce que nous savons de plus précis sur l'arithmétique des Grecs ; et si vous y ajoutez le fragment d'Apollonius, conservé par Pappus et publié par Wallis, et surtout les calculs astronomiques de Théon, dans son Commentaire sur l'Almageste de Ptolémée, vous aurez de quoi recomposer un Traité complet d'arithmétique grecque, en y comprenant la formation des puissances et l'extraction de la racine carrée. Voilà bien des motifs pour qu'au moins une fois en sa vie tout Géomètre se croie obligé de lire Archimède tout entier. Mais les bonnes éditions sont rares ou incomplètes : le texte grec y est singulièrement altéré, et les fautes d'impression ne sont pas rares, même dans la belle édition d'Oxford ; il est vrai qu'elles sont de nature à être facilement aperçues et corrigées. Le style des Traducteurs, Commendin et Torelli exceptés, est souvent barbare, et quelques-uns ont montré qu'ils entendaient médiocrement le grec et la géométrie. Le style d'Archimède lui-même est beaucoup meilleur, il est plus doux, plus agréable que celui d'aucun Géomètre grec. L'harmonie naturelle des grands mots qu'il est forcé d'employer, distrait souvent le Lecteur de l'attention qu'il doit au fonds des idées. Malgré le dialecte dorique qui domine plus ou moins dans presque tous ses ouvrages, il est, grammaticalement parlant, toujours clair et facile à comprendre. Archimède suit assez généralement l'ordre naturel, et ne se permet d'inversions que celles qu'il n'a pu éviter, parce qu'elles sont dans le génie de sa langue ; mais ce génie n'est pas précisément celui qui convient aux mathématiques. La multitude d'articles dont cette langue est embarrassée, beaucoup plus que la nôtre, la place où se mettent ces articles qui s'entrelacent et se trouvent souvent assez loin des mots auxquels ils appartiennent, toute cette construction nuit essentiellement à la clarté, surtout dans les propositions longues et compliquées ; et le Traducteur français peut facilement obtenir à cet égard un avantage marqué sur son original. On s'attendrait à retrouver chez les Géomètres anciens une foule de termes grecs dont nous faisons un usage continuel. Quoique le mot parabole, par exemple, soit bien grec, et qu'il se trouve même dans le titre de l'un des Traités d'Archimède, on ne le rencontre pourtant jamais dans le texte. Partout on y voit cette courbe désignée par les mots de section du cône rectangle. L'ellipse y est nommée section du cône obliquangle, et l'hyperbole section du cône obtusangle. Le paramètre, nommé ὀρθία par Apollonius, et latus rectum par les Modernes, est désigné dans Archimède par l'expression longue et vague de ligne qui s'étend jusqu'à l’axe; les mots d’ordonnée et d'abscisse sont suppléés par de longues périphrases. Quoiqu'Archimède établisse en un endroit la distinction entre l'axe et les diamètres de la parabole, cependant il donne toujours à l'axe le nom de diamètre, et celui-ci est désigné par les termes de ligne parallèle au diamètre. Enfin, croirait-on que les Grecs n'ont jamais eu de mot pour exprimer le rayon d'un cercle, et qu'ils l'appelaient ligne qui part du centre ? Toutes ces expressions, qui reviennent à chaque instant, donnent à l'énoncé des propositions et à tous les raisonnements dont se compose la démonstration, une longueur très incommode ; et je serais peu surpris que le Géomètre qui entend le mieux le grec, préférât cependant la traduction pour suivre facilement une démonstration pénible et obscure, telle qu'il s'en rencontre plus d'une dans Archimède. Chaque membre de phrase est clair et très intelligible à le considérer seul; mais le tout est si long, qu'on a souvent oublié le commencement, quand on arrive à l'endroit où le sens est complet. Ces inconvénients se retrouvent presque tous, avec beaucoup d'autres, dans les traductions latines ; mais la majeure partie a disparu tout naturellement dans la traduction de M. Peyrard, qui s'est permis d'écrire, rayon, tangente, parabole et paramètre. Cependant il a conservé assez souvent section du cône rectangle, et peut-être a-t-il eu tort.[4] Il aurait pu s'autoriser de l'exemple d'Apollonius; mais il a voulu sans doute respecter son original, toutes les fois qu'il a eu le pouvoir sans nuire à la clarté. Il a voulu tenir la promesse qu'il a faite, dans son Prospectus, de donner une traduction littérale; et la sienne nous a paru telle en effet. Archimède était fort exact à démontrer toutes les propositions dont il faisait usage, à moins qu'elles ne fussent déjà démontrées dans ses Traités antérieurs, ou dans ceux d'autres Auteurs alors fort répandus : niais une partie de ces ouvrages est perdue ; de là quelques lacunes que M. Peyrard a remplies dans ses notes. Quelquefois aussi il y démontre algébriquement des lemmes qui, traités à la manière des Anciens, sont trop obscurs et trop pénibles. Souvent il a puisé dans les Commentaires d'Eutocius ; et il aurait pu lui faire bien d'autres emprunts, s'il n'avait craint de trop grossir le volume: Quelquefois aussi Eutocius, en suivant de trop près la marche d'Archimède, n'est guère moins obscur que lui ; et c'est ce qu'on remarque principalement à la proposition 9 du Livre 2 des Corps flottants. La démonstration d'Archimède a trois énormes colonnes in-folio, et n'est rien moins que lumineuse. Eutocius commence sa note en disant, que le théorème est fort peu clair, et il promet de l'expliquer de son mieux. Il y emploie quatre colonnes du même format et d'un caractère plus serré, sans réussir davantage ; au lieu que quatre lignes d'algèbre suffisent à M. Peyrard pour mettre la vérité du théorème dans le plus grand jour. Il est peu croyable qu'Archimède ait pu arriver par une voie si longue à la proposition qu'il voulait établir ; et il est beaucoup plus probable qu'il en aura reconnu la vérité par quelque autre moyen, et que, bien sûr de celte vérité, il aura pris ce long détour pour la démontrer, en ne supposant que des propositions avouées et reçues des Géomètres de son temps. Telle est l'idée que nous pouvons donner ici du travail de M. Peyrard : sa traduction est fidèle et complète, et quand il n'aurait rien ajouté de lui-même, ce serait déjà un service important rendu aux Géomètres. On prendra, dans la traduction française, une connaissance du génie et des méthodes d'Archimède, aussi juste et aussi exacte que si on le lisait dans l'original. Le Traducteur a tenu toutes ses promesses, et rempli toutes les conditions qu'il s'était imposées dans son Prospectus. On doit donc des éloges à M. Peyrard, et désirer que le succès de cette nouvelle traduction lui inspire le courage d'entreprendre celle d'Apollonius, bien moins difficile, au reste, que l'ouvrage qu'il vient d'achever. Cette autre entreprise serait d'autant plus utile, que l'édition d'Oxford, la seule qui soit complète, est aujourd'hui d'un prix et d'une rareté qui la tiennent au-dessus des moyens d'un grand nombre de Géomètres. Fait au Palais des Sciences et Arts, le 22 Septembre 1806. Signés, La Grange, Delambre, Rapporteurs. Classe approuve le Rapport, et en adopte les Conclusions. Certifié conforme à l'original, à Paris, le 24 Septembre 1806, Le Secrétaire perpétuel, Signé, Delambre. [1] In medio duo signa : Conon, et quis fuit aller? Descripsit radio totum qui gentibus orbem, Tempora quae messor, quae curvus arator haberet. [2] Par conoïdes Archimède entend des solides engendras par la révolution d'une parabole ou d'une hyperbole tournant sur son axe ; et par sphéroïde il entend des solides engendrés par la révolution d'une ellipse tournant sur son grand ou sur son petit axe. [3] L'ajoutée à l'axe est la droite comprise entre le sommet du conoïde et le sommet du cône dont la surface est engendrée par les asymptotes; c'est ce que nous appelons la moitié du premier axe. [4] M. Delambre a raison; j'ai remplacé cette expression par celle de parabole.
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