Oeuvres complètes d'Horace traduites en français

L' Espace Horace de D. Eissart propose un très beau site sur notre poète : varié, original, équipé de nombreuses rubriques et de liens utiles, joliment mis en page (Œuvres complètes, traductions anciennes, postérité littéraire, études, nombreuses images, odes commentées par Jean-Yves Maleuvre, etc.)

Horace

1. Jeunesse d'Horace  

Horace (Quintus Horatius Flaccus) naquit en Apulie, à Venouse, colonie romaine (64 A.C.N.). Son père, bien qu'il ne fût qu'un affranchi parvenu à une honnête aisance, lui fit donner l'éducation la plus soignée à Venouse d'abord et plus tard à Rome. Ses études furent complétées par un séjour à Athènes, comme c'était l'usage pour les jeunes gens des meilleures familles.

 2. La guerre civile  

Brutus, obligé de quitter Rome après le meurtre de César, essayait alors de trouver des partisans parmi les jeunes Romains qui achevaient leurs études à Athènes. Horace, âgé de 21 ans (44 A.C.N.), le suivit, fut nommé tribun des soldats et assista avec ce grade à la bataille de PHILIPPES où Brutus et Cassius furent vaincus par Antoine et Octave. Horace, autorisé par les vainqueurs à rentrer en Italie, dut acheter une simple charge de greffier (scriba) auprès du questeur.

3. La carrière littéraire d'Horace  

Ses premiers essais poétiques le mirent en relation avec Virgile et Varius qui le présentèrent à Mécène, confident d'Auguste. Il devint bientôt l'ami de ce puissant personnage et reçut de lui une propriété aux environs de Tibur. Il y séjournait plus volontiers qu'à Rome. Il s'était adonné d'abord à la poésie satirique dans les Epodes et les Satires ; il cultiva ensuite la poésie lyrique dans les Odes ; à la fin de sa vie il trouva sa véritable voie de poète moraliste en écrivant ses Epîtres . Il mourut à 57 ans, en 8 A.C.N.

Les épodes et les Satires

1. Les épodes d'Horace

Sous le titre assez impropre d'Epodes (Horace les appelle Iambes), on a réuni de petites pièces d'une inspiration assez variée.
a) Un bon nombre sont satiriques et répondent bien au titre d'Iambes. Horace y attaque ses ennemis comme le poète Mévius ou la sorcière Canidie ; il y raille les velléités de l'usurier Alfius qui, rêvant d'abandonner son métier pour vivre en paysan, trace un tableau idyllique des joies de la campagne.
b) Mais plusieurs épodes ne se distinguent guère des Odes, du moins pour le sujet. Le poète s'y désole de voir se perpétuer les guerres civiles ou chante la victoire d'Actium.

2. Les satires d'Horace  

Horace est plus à l'aise dans le cadre tout romain de la satire, simple causerie en hexamètres, où Lucilius avait donné l'exemple de la plus grande liberté. D'ailleurs, Horace réunit parfois ses Satires et ses Epodes sous le nom de Sermones (conversations familières). Ce sont, en effet, des causeries sur un thème général, entremêlées d'anecdotes et d'allusions mordantes à des personnes déterminées. On peut les répartir en deux catégories.

a) les satires morales

Le poète y attaque les vices ou les ridicules par le persiflage, rarement par l'invective. Il s'en prend surtout aux avares, aux prodigues, aux usuriers, aux captateurs de testaments, aux philosophes stoïciens ou autres, entichés de leurs doctrines, et même aux simples fâcheux. Selon lui, la sagesse consiste à savoir se contenter d'une vie simple et frugale.

b) les satires littéraires

Horace s'y défend contre ceux qui lui reprochaient d'avoir choisi le cadre de la satire ou de s'y montrer trop inférieur à Lucilius. Il soulève à cette occasion une véritable QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES et se déclare partisan des modernes.

Les odes

 1. Les modèles d'Horace

a) Horace est devenu poète lyrique par volonté plutôt que par vocation. Il lui fallait par conséquent des modèles. Or, il n'en pouvait trouver chez les Romains, dont le tempérament positif était peu fait pour ce genre de poésie. Horace s'adressa donc aux maîtres du lyrisme grec.
b) Il n'osa pas rivaliser avec PINDARE : il laissa de côté le mètre du poète dorien et n'essaya pas de compositions aussi vastes que les "odes triomphales". Il se contenta de prendre parfois, à l'imitation de Pindare, une allure enthousiaste de poète inspiré et de dérouler les méandres d'une longue période. Habituellement il demande le point de départ de son inspiration aux Lesbiens ALCEE et SAPPHO. Il s'en tient exclusivement à leurs mètres et compose comme eux des odes de longueur médiocre.

2. La double inspiration d'Horace

a) l'inspiration nationale

- il maudit les guerres civiles et souhaite que les Romains tournent contre l'étranger les armes avec lesquelles ils se sont si souvent entre-tués.
- pour assurer une paix intérieure, il invite tous les Romains à se rallier autour d'Auguste. Il célèbre avec enthousiasme les services rendus par l'empereur, qu'il considère comme l'auteur de la paix et le seul capable de la maintenir.
- mais Auguste ne peut continuer son oeuvre et cette oeuvre elle-même ne peut être durable que si les citoyens reviennent aux antiques vertus. Il faut que les jeunes Romains retrouvent le courage endurant de leurs glorieux ancêtres, qu'ils apportent dans la recherche des honneurs l'honnêteté la plus rigoureuse, enfin qu'ils reviennent au respect de la religion. Ici la poésie d'Horace cherche visiblement à collaborer avec la législation d'Auguste pour la réforme des moeurs.

b) l'inspiration personnelle

Au contraire, l'inspiration personnelle d'Horace est entièrement épicurienne. C'est pour cela qu'en dépit de son lyrisme officiel Horace est devenu pour bien des gens le type de l'épicurien léger et mondain, en opposition avec la gravité et presque l'autorité de LUCRECE. Quoi qu'il en soit, voici les principales règles de sa morale :
1. LA RECHERCHE DU PLAISIR : c'est le fondement même de l'épicurisme ; mais Horace conseille de fuir l'excès : les plaisirs les plus simples sont les meilleurs et leur cadre le plus aimable est la campagne, au printemps, dans un site agréable comme celui de Tibur.
2. LA FUITE DES PASSIONS : il faut éviter avec soin les passions qui troublent notre repos, spécialement l'avarice et l'ambition.
3. LA PENSEE DE LA MORT : Horace nous ramène souvent à l'idée de la brièveté de la vie, mais ce n'est pas au nom d'un idéal élevé. Comme tous les voluptueux, il est hanté par la pensée que la mort vient mettre un terme à nos joies ; il nous invite à les savourer hâtivement : carpe diem , presse-toi de jouir du moment présent.
4. UN GRAIN DE STOICISME : tout épicurien qu'il est, Horace accorde pourtant quelque prix à certaines vertus qu'on rattachait communément à l'idéal stoïcien : l'énergie, la possession de soi, la résignation devant l'inévitable.

 Les épîtres

1. Origine de l'épître

 On avait imaginé bien avant Horace d'utiliser le cadre de la lettre comme genre littéraire et même d'y introduire la versification. Mais par les sujets qu'il y traite, par la liberté de l'allure, par le naturel du ton mi-sérieux et mi-plaisant, Horace a fixé pour toujours la physionomie de ce genre littéraire.

2. les trois catégories d'épîtres

Les 23 épîtres d'Horace sont rangées en deux livres fort inégaux. Il est plus naturel de les ranger en trois catégories suivant les sujets :
a) LES ÉPÎTRES FAMILIÈRES
: elles ressemblent par le ton à une correspondance ordinaire. Il s'agit d'invitations, de recommandations, de demandes de renseignement. La plus caractéristique est celle que le poète envoie à Mécène pour lui rappeler aimablement, mais fermement, à l'occasion d'une invitation un peu trop pressante, qu'en acceptant les bienfaits d'un protecteur le poète n'a pas entendu aliéner sa liberté.
b) LES ÉPÎTRES MORALES
: assagi par l'âge et devenu le guide moral de quelques jeunes Romains, Horace tempère sa philosophie épicurienne et se rapproche du stoïcisme. Mais son amour de la tranquillité n'a pas changé : il conseille aux jeunes, s'ils veulent cultiver l'amitié des grands, de le faire avec prudence et dignité, mais pour lui il préfère se tenir à l'écart et, dans le calme de la campagne, apprendre à limiter ses désirs.
c) LES ÉPÎTRES LITTÉRAIRES
: Horace y reprend la querelle des anciens et des modernes. L'ÉPÎTRE A AUGUSTE renferme un bel éloge de la poésie et quelques sages réflexions sur l'histoire de la littérature à Rome, spécialement en ce qui concerne le genre dramatique. Quant à l'ÉPÎTRE AUX PISONS, elle mérite par son importance d'être étudiée à part.

L'art poétique

1. Composition de l'"Epître aux Pisons"

 Les deux fils de Calpurnius Pison, ami du poète, se destinaient à la littérature, peut-être spécialement au théâtre. Horace , dans une longue lettre de 476 vers qui est son dernier ouvrage, leur adresse des conseils dont l'ensemble forme un véritable ART POÉTIQUE : d'ailleurs, dès le temps de Quintilien, on désignait déjà sous ce titre la LETTRE AUX PISONS.

 2. Analyse de l' "Art poétique"

Il ne faut pas chercher dans l' ART POÉTIQUE un plan logique et bien proportionné : c'est une causerie familière, un peu décousue. Ce n'est pas non plus un traité complet, où seraient examinées toutes les questions relatives à la poésie. Il semble qu'Horace songe surtout au théâtre.

PREMIÈRE PARTIE : Préceptes généraux

L'unité est la première condition de toute oeuvre d'art. Pour y atteindre, sachons choisir un sujet en rapport avec nos capacités ; pour les mots, servons-nous du vocabulaire autorisé par l'usage.

DEUXIÈME PARTIE : Préceptes techniques

Dans l'Epopée : éviter l'emphase et prendre exemple sur Homère.
Dans le drame : vraisemblance parfaite dans la peinture des caractères.
Distinction entre tragédie et comédie.
Historique du théâtre grec.

TROISIÈME PARTIE : Préceptes moraux

La poésie est une oeuvre de raison autant que d'inspiration. Le poète ne peut donc négliger l'étude de la philosophie. Il devra d'ailleurs travailler beaucoup, se méfier des approbations complaisantes et s'assurer du concours d'un critique compétent au jugement duquel il soumettra ses vers.

 

Thème Titre Référence Résumé
VIVRE EN VILLE
LA RUE
L'emmerdeur Satires, I, 9, 1 -28 Je m'en allais, d'aventure, par la Voie Sacrée pensant, selon mon habitude, à je ne sais quelles bagatelles et tout à elles.
VIVRE EN VILLE
PLAISIRS ET LOISIRS
Le lieu de la perdition Epîtres, I, 14, 14 -15; 18 - 26

 

Toi, esclave à tout faire, tu réclamais tacitement de tes prières la campagne; maintenant, devenu intendant, tu souhaites la ville, les jeux et les bains...
VIVRE SES PASSIONS :
L'AMOUR
Qu'en amour, il ne faut pas se compliquer la vie... Satires, I, 2, 114-119 ; 119 ; 123-133.

 

Quand la soif brûle ta gorge, cherches-tu une coupe d'or ?...
VIVRE SES PASSIONS :
L'AMOUR
"Il faut savoir quitter la table lorsque l'amour est desservi ..." Pas facile ! Ode I, 5

 

Quel enfant élancé, inondé de parfums liquides, te presse sur des roses, Pyrrha, dans cette grotte agréable ?..
VIVRE SES PASSIONS :
L'AMOUR
Réconciliation Odes, III, 9. Cette ode est écrite sous la forme d'un "chant amébée" (dialogue entre deux personnages où les quatrains des chanteurs se répondent deux à deux). La technique du chant amébée veut que le deuxième chanteur reprenne le sujet, le rythme et le tour de phrase du premier.
VIVRE SES PASSIONS :
L'ARGENT
A quoi bon thésauriser ? Satires, I, 1, 28-32 ; 33 ; 36-46. L'homme qui, de sa rude charrue, retourne la terre pesante, mon aubergiste fripon, le soldat et les navigateurs...
VIVRE SES PASSIONS :
L'ARGENT
L'argent, c'est le supplice de Tantale Satires, I, 1, 61-62 et 64-79. Abusés par un désir sans objet, la majorité des hommes disent : on n'en a jamais assez, puisqu'on est ce qu'on a....
VIVRE SES PASSIONS :
L'ARGENT
L'argent rend-il heureux ? Odes, II, 18, 1-14 Horace sait se contenter de peu. Il pense qu'une vie dans la modération, droite et honnête, vaut mieux que richesse et avidité.
VIVRE SES PASSIONS :
L'ARGENT
Un avare Satires, II, 3, 111-121. Horace, dans cette oeuvre, fait l'inventaire des quelques grandes passions qui retournent le coeur de presque tous les hommes. Elles sont si largement répandues que leur caractère excessif, maladif, échappe à la plupart d'entre nous.
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Ode à Mécène Ode I, I

 

Mécène, issu de rois pour ancêtres...
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Ode à Pyrrha Ode I, 5

 

Qui est le fragile enfant qui, dans une rose nombreuse, tout baigné de fluides parfums, t'étreint, Pyrrha, au fond d'une grotte charmante ?
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Ode sur le printemps Ode I, 9

 

Qui est le fragile enfant qui, dans une rose nombreuse, tout baigné de fluides parfums, t'étreint, Pyrrha, au fond d'une grotte charmante ?
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Carpe diem Ode I, 11 Cueille le jour, le moins possible confiante au lendemain
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Ode sur l'hiver Ode I, 4 L'âpre hiver se dénoue au doux retour du printemps et du Zéphyr..
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Ode à Quintilius Ode I, 24 Donc, un sommeil sans fin écrase
Quintilius !
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN O fontaine de Bandusie Ode III, 13 O fontaine de Bandusie, plus claire que le cristal,
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Exegi monumentum Ode III, 30 Exegi monumentum aere perennius...
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Au bateau de Virgile Ode I, 37 Ainsi, que la déesse souveraine de Chypre, que les frères d'Hélène, astres brillants, que le père des vents, qui les tient tous enchaînés hors l'Iapyx, te conduisent, vaisseau qui me dois Virgile qui t'a été confié : remets-le sain et sauf à la terre de l'Attique, je t'en conjure, et prends soin de la moitié de mon âme.
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN A Lydie Ode I, 13 Lorsque toi, Lydie, de Télèphe tu loues le cou de rose, de Télèphe les bras de cire, hélas! mon foie bouillonnant est gonflé d'une pénible bile.
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Nunc est bibendum Ode I, 37 Maintenant il faut boire, maintenant il faut frapper la terre d'un pied libre ; maintenant il serait temps d'orner le lit des dieux avec un festin digne des Saliens, compagnons.
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN A Lydie Ode III, 9 Tant que je te plaisais à toi
et qu'aucun jeune plus aimé de ses bras n'entourait ton cou blanc, j'ai prospéré, plus fortuné que le roi des Perses.