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 MARTIAL

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petit livre sur les spectacles epigrammes attribuées à Martial


M. VAL. MARTIAL

SPECTACLES

PETIT LIVRE SUR LES SPECTACLES.

1. - SUR L'AMPHITHÉÂTRE DE CÉSAR.

Que la barbare Memphis cesse de nous vanter ses merveilleuses Pyramides ; que Babylone ne se fatigue plus à célébrer sa magnificence ; qu'on ne nous parle plus si pompeusement du temple élevé à Diane par la voluptueuse Ionie, et que l'autel d'Apollon, construit avec des cornes d'animaux, ne se dise plus l'oeuvre d'un dieu ; que les Cariens ne portent plus aux nues, avec tant d'emphase, leur mausolée suspendu dans le vide des airs. Que tous les monuments le cèdent à l'Amphithéâtre de César ; c'est pour lui surtout, pour lui seul, que doivent se faire entendre les cent voix de la Renommée.

II. - SUR LES OUVRAGES PUBLICS DE CÉSAR.

Là où le radieux colosse voit les astres de près ; où s'élèvent, au milieu de la voie publique, de gigantesques machines, brillait l'odieux palais d'un farouche tyran, et ce palais, à lui seul, remplissait Rome entière : là où s'offre aux yeux la masse imposante d'un magnifique Amphithéâtre, étaient tes étangs de Néron ; là où nous admirons les Thermes, si promptement construits par la munificence de César, un parc fastueux avait usurpé la place des cabanes de quelques malheureux ; là où le portique de Claudius déploie un vaste abri contre le soleil, était l'extrémité du palais qui a disparu. Rome est rendue à elle-même ; et sous ton empire, César, les lieux qui avaient été les délices d'un tyran sont devenus les délices du peuple.

III. - AFFLUENCE ET CONGRATULATION DES ÉTRANGERS.

Quelle nation, ô César, si lointaine, si barbare qu'elle soit, n'a dans Rome quelqu'un des siens qui en admire les beautés ? L'habitant de la Thrace quitte, pour la visiter, l'Hémus cher à Orphée ; on y voit arriver et le Sarmate qui s'abreuve de sang de cheval, et le peuple qui boit les eaux du Nil à sa source, et celui dont les rivages sont battus par les flots de la mer la plus reculée ; l'Arabe et le Sabéen y accourent, et les Ciliciens y sont arrosés des parfums de leur pays ; on y trouve le Sicambre à la chevelure bouclée, et l'Éthiopien aux cheveux crépus. Tous ces peuples parlent des langues différentes ; mais ils n'ont qu'un langage, ô César, pour te nommer le véritable PÈRE DE LA PATRIE.

IV. - A CÉSAR, SUR L'EXPULSION DES DÉLATEURS.

Cette foule odieuse, ennemie de la paix, du calme et du repos, qui sans cesse cherchait à s'enrichir des dépouilles d'autrui, est reléguée chez les Gétules ; leurs déserts de sable ne suffisent point à tant de coupables, et le délateur a pour partage l'exil qu'il faisait subir aux autres.

IV*. - AU PEUPLE ROMAIN SUR LES MÊMES DÉLATEURS.

Le délateur banni fuit loin de Rome ; comptez votre vie parmi les bienfaits du prince.

V. - SUR LE SPECTACLE DE PASIPHAÉ.

Croyez à l'union de Pasiphaé avec, le taureau de la Crète. Sous nos yeux vient de se renouveler cette fable des vieux temps Que la haute antiquité, César, dépose son orgueil ; tout ce qu'en publie la renommée, la scène l'offre à tes yeux.

VI. - SUR UN COMBAT DE FEMMES CONTRE DES BÊTES.

César, ce n'est point assez que le belliqueux Mars déploie pour toi sa valeur invincible ; pour toi Vénus elle-même se montre. vaillante.

VII. - SUR LE MÊME COMBAT.

La renommée célébrait le lion terrassé dans la vaste plaine de Némée, comme un des nobles travaux d'Hercule. Que l'antique crédulité se taise ; car dans cet amphithéâtre, dû à ta munificence, ô César, nous avons vu pareille-chose accomplie par la main d'une femme.

VIII. - SUR UN CONDAMNÉ REPRÉSENTANT EN RÉALITÉ LE SUPPLICE DE LAURÉOLUS.

De même que Prométhée, enchaîné sur un rocher au fond de la Scythie, repaît de ses entrailles, promptes à renaître, l'oiseau de proie qui ne cesse de les dévorer ; de même Lauréolus, attaché à une véritable croix, a offert sa poitrine nue à un ours de la Calédonie. Le sang ruisselait de ses membres palpitants et déchirés ; et nulle place, sur son corps, ne rappelait la forme d'un corps. Il fallait enfin, pour subir un pareil supplice, que ce condamné eût commis un parricide, ou qu'il eût plongé dans le sein de son maître un fer meurtrier, ou que, dans un accès de délire, il eût enlevé les trésors des temples, ou qu'enfin, Rome, il eût tenté de te réduire en cendres. Il avait. surpassé tous les crimes dont parle l'antiquité, et ce supplice, jadis fictif, est devenu pour lui une réalité.

VIII. - SUR LA FABLE DE DÉDALE.

Dédale, lorsque tu es ainsi déchiré par un ours de la Lucanie, que tu voudrais avoir encore tes ailes !

IX. - SUR UN RHINOCÉROS.

C'est pour toi, ô César, que ce rhinocéros exposé dans l'arène a livré un combat qu'on n'attendait pas de lui. Oh ! de quelles terribles fureurs il était embrasé en abaissant sa tête ! avec quelle force il faisait agir sa corne, pour laquelle le taureau n'était qu'un mannequin !

X. - SUR UN LION QUI AVAIT BLESSÉ SON GARDIEN.

Un lion perfide avait blessé son maître avec son ingrate gueule, et osé ensanglanter des mains qu'il connaissait si bien : mais il subit la peine que méritait un pareil forfait ; et celui qui n'avait point voulu souffrir une correction légère souffrit l'atteinte de traits qui le percèrent. Quelles doivent être les moeurs des hommes sous un prince qui force jusqu'aux animaux féroces à s'adoucir !

XI. - SUR UN OURS.

Cet ours, en se roulant impétueusement sur l'arène sanglante, a rendu sa fuite impossible ; il s'est empêtré dans la glu. Que les épieux luisants soient mis à l'écart et cessent de montrer leur fer ; que l'on ne voie plus voler de javelot lancé par une main vigoureuse ; que le chasseur aille saisir sa proie dans les airs, si l'on recourt à l'art de l'oiseleur contre les quadrupèdes des forêts.

XII. - SUR UNE LAIE QUI MIT AU JOUR UN PETIT PAR UNE BLESSURE.

Dans un des sanglants exercices de châsse offerts par César, une laie, frappée d'un léger javelot mit bas un de ses petits par l'ouverture même de la plaie. O barbare Lucine ! est-ce là un enfantement ? Cette pauvre laie eût voulu mourir percée d'un grand nombre de traits, pour ouvrir à ses marcassins un triste passage. Qui niera maintenant que Bacchus doive le jour à la mort de sa mère ? Croyez qu'un dieu est né de cette manière, puisqu'une bête fauve vient de naître ainsi.

XIII. - SUR LA MÊME.

Frappée d'un trait meurtrier, et atteinte d'une blessure profonde, une laie perd la vie ; et eu même temps la donne. Oh ! combien fût adroite la main qui lança ce fer ! ce fût, je crois, celle de Lucine. Cette laie, en mourant, éprouva la double puissance de Diane par le fait de sa délivrance et par le fait de sa mort.

XIV. - SUR LA MÊME.

Une laie, près de son terme, mit bas, à la suite d'une blessure, un marcassin né viable, lequel ne fut pas tué et se prit à courir, pendant que sa mère mourait. Que de malice a parfois le hasard !

XV. - SUR LE CHASSEUR CARPOPHORE.

L'immense gloire que tu t'es acquise, ô Méléagre, en terrassant le sanglier de Calydon, qu'elle est peu de chose auprès de celle de Carpophore ! Il vient, lui, d'enfoncer son épieu dans les flancs d'un ours qui se précipitait sur lui et qui n'eut jamais son pareil sous le pôle arctique ; il vient d'étendre à ses pieds un lion d'une taille inconnue jusqu'ici, et dont la défaite eût honoré la main d'Hercule ; il vient d'atteindre et de renverser d'un trait mortel le plus agile des léopards. Et, lorsqu'il recevait le prix glorieux de son triomphe, il était encore tout prêt à combattre.

XVI. - SUR HERCULE PORTÉ JUSQU'AU CIEL PAR UN TAUREAU.

Ce taureau qui s'élance du milieu de l'arène et monte dans les airs est l'oeuvre, non de l'art, mais de la piété. Un taureau porta jadis Europe à travers les mers, empire de son frère ; un taureau vient de porter Hercule au sein des astres. Comparez maintenant le fait de César et celui de Jupiter. En supposant que le poids fût le même pour les deux taureaux, il est certain que le premier s'est élevé davantage.

XVII. - SUR UN ÉLÉPHANT QUI ADORAIT CÉSAR.

Si cet éléphant, qui vient de faire trembler un taureau, t'adore pieusement et avec respect, ô César, ce n'est pas pour obéir aux ordres où aux leçons d'un maître. Crois-moi ; il sent, ainsi que nous, la présence de ta divinité.

XVIII. - SUR UN TIGRE APPRIVOISÉ, REDEVENU TOUT A COUP FÉROCE À L'ASPECT D'UN LION.

Habitué à lécher la main confiante de son maître, un tigre, la merveille et la gloire des forêts, de l'Hyrcanie, a, dans sa fureur, déchiré de sa dent cruelle un farouche lion. Chose inouïe, dont on n'avait pas eu d'exemple jusqu'à nos jours ! Tant qu'il vécut an fond des forêts, ce tigre n'eut jamais pareille audace ; depuis qu'il 'est parmi nous, il est devenu plus féroce.

XIX. - SUR UN TAUREAU ET UN ÉLÉPHANT.

Ce taureau qui, tout à l'heure, excité par les flammes, faisait voler, dans les airs les débris des mannequins, et en jonchait l’arène, tombe enfin victime de sa rage, en voulant frapper de ses cormes un éléphant qu'il croyait enlever aussi facilement que les mannequins.

XX. - SUR DEUX GLADIATEURS.

Pendant qu'un côté de l'amphithéâtre demandait Myrinus, l'autre demandait Triumphus. César fit signe, qu'il les accordait tous deux ; il ne pouvait mieux terminer ce plaisant débat. O bonté ingénieuse d'un prince invincible.

XXI. - SUR LE SPECTACLE D'ORPHÉE.

Tout ce dont fut témoin, dit-on, le mont Rhodope à l'égard d'Orphée, l'arène, César, vient de l'offrir à tes yeux: On y a vu ramper des rochers et courir une forêt merveilleuse, telle que fut, dit-on, celle des Hespérides ; on a vu apparaître pèle-mêle des bêtes fauves de toute espèce, et rester suspendus au-dessus de la tête du poète une foule d'oiseaux. Lui-même périt déchiré par un ours, son ingrat auditeur. Le fait n'est pas moins réel que le récit de la fable est mensonger.

XXII. - SUR UN RHINOCÉROS.

Tandis que les piqueurs excitaient en tremblant le rhinocéros, et que celui-ci concentrait sa terrible colère, on désespérait d'offrir aux spectateurs le combat promis, quand soudain le rhinocéros devient aussi furieux que jamais, et, de sa double corne, enlevé un ours énorme aussi facilement qu'un taureau lance les mannequins dans les airs.

XXIII. - SUR CARPOPHORE.

Avec quelle justesse la main vigoureuse du jeune Carpophore dirige un épieu dorique ! Il porte aisément sur sa tête deux taureaux. Le féroce bubale et le bison sont tombés sous ses coups. Le lion, en le fuyant, s'est précipité au-devant des traits. Allons, foule impatiente ! plains-toi qu'on retarde tes plaisirs !

XXIV. - SUR UNE NAUMACHIE.

Tardif spectateur, venu des pays lointains, si tu vois pour la première fois ces jeux sacrés, ne sois pas dupe de ce combat naval et de ces flots semblables à la mer. Là, tout à l'heure, était la terre. Tu ne le crois pas ? Attends que les eaux, en s'écoulant, fassent cesser le combat ; ce ne sera pas long ; et tu diras toi-même : là, tout à l'heure, était la mer.

XXV. - SUR LE SPECTACLE DE LÉANDRE.

Cesse de t'étonner, Léandre, d'avoir été épargné par les flots pendant tes courses nocturnes : ce sont les flots de César.

XXV*. - SUR LÉANDRE.

Tandis que l'audacieux Léandre se dirigeait vers la demeure de sa chère amante, et qu'il pliait, excédé de fatigue, sous l'effort des flots irrités, voici, dit-on, la prière qu'il leur adressait : "Épargnez-moi, quand je vais à ,elle ; ne me noyez qu'à mon retour."

XXVI. - SUR DES NAGEURS.

Le Choeur docile des Néréides a joué partout, sur ces flots, et tracé sur les ondes complaisantes une foule de tableaux. Tantôt il figura un trident aux pointes menaçantes, tantôt une ancre aux dents recourbées : puis, on crut avoir sous les yeux une rame, un vaisseau ; il semblait qu'on aperçût la constellation des fils de Léda, si chère aux matelots ; puis de larges voiles gonflées par le vent. Qui a conçu l'idée de ces merveilles au sein du liquide élément ? Ou Thétis les apprit à César, ou elle les apprit de lui.

XXVII. - SUR CARPOPHORE.

Si les temps anciens, ô César, eussent vu naître Carpophore, il eût à lui seul purgé de monstres l'univers. Marathon n'eût point redouté un taureau ; la forêt de Némée un lion, et l'Arcadie le sanglier du mont Ménale. Son bras armé eût, d'un seul coup, abattu lés têtes de l'hydre, et n'eût frappé qu'une seule fois la Chimère. Il eût pu, sans le secours de Médée, vaincre les taureaux aux pieds de feu, et briser à lui seul les chaînes d'Hésione et d'Andromède. Comptez les glorieux travaux d'Hercule : Carpophore a fait plus que lui en terrassant vingt bêtes féroces à la fois.

XXVIII. - SUR UNE NAUMACHIE ET DIVERS SPECTACLES MARINS.

Auguste eut la gloire de faire combattre des flottes, et de troubler la paix des mers au bruit de la trompette navale : mais combien cette gloire n'est-elle pas inférieure à celle de notre Empereur ! Thétis et Galatée ont vu dans leur empire des bêtes farouches inconnues. Triton a vu, au milieu de ses flots, des tourbillons de poussière soulevés par des chars aux roues brûlantes, et lui-même a pris leurs chevaux pour ceux de son maître. Nérée, pour disposer à de sanglants combats les vaisseaux irrités, refuse de marcher à pied dans la plaine liquide. Tous les spectacles qu'offrent aux yeux le Cirque et l'Amphithéâtre, l'onde, enrichie par la munificence de César, t'en reproduit l'image. Qu'on ne parle plus du lac Fucin, ni des étangs de l'indolent Néron : cette naumachie est la seule dont les siècles garderont le souvenir.

XXIX. - SUR LES GLADIATEURS PRISCUS ET VÉRUS.

Quand Priscus et Vérus, prolongeant le combat, laissaient depuis longtemps entre eux la victoire incertaine, les spectateurs, à diverses reprises, demandèrent à grands cris quartier pour ces gladiateurs ; mais César obéit lui-même à la loi qu'il avait faite. Cette loi voulait que le combat durât jusqu'à ce qu'un des deux combattants eût levé le doigt. Plusieurs fois il leur fit donner, ce qui était permis, des vivres et des présents. Ce combat sans issue eut cependant un terme. Les deux champions luttaient avec un succès égal, et la victoire était balancée entre eux. César envoya à l'un et à l'autre la baguette de congé et la palme de la victoire. C'était la juste récompense de leur adresse et de leur valeur. Jamais, excepté sous ton règne, César, on n'avait vu deux combattants être tous deux vainqueurs.

XXX - A CÉSAR.

Pardonne à mes impromptus. Il ne mérite pas de te déplaire celui qui s'empresse de te plaire.

XXXI. - AUTRE.

Céder au plus fort n'est pas manquer de courage ; mais qu'elle est lourde à supporter la victoire d'un ennemi plus faible que nous !

XXXII. - SUR UN DAIM ET DES CHIENS.

Poursuivi par des chiens agiles, un daim fuyait, cherchant à les dépister à force de ruses et de détours : il s'arrête aux pieds de César, comme pour le supplier et lui demandes grâce ; et les chiens ne touchent point à leur proie.

XXXIII.- FRAGMENT TIRÉ D'UN ANCIEN SCOLIASTE DE JUVÉNAL.

Famille des Flavius, combien ton troisième héritier a obscurci ta gloire ! autant valait pour toi, ou peu s'en faut, n'avoir pas les deux autres . . .