OPPIEN
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LA PÊCHE
ou
LES
HALIEUTIQUES
TRADUIT
PAR J.-M. LIMES
Vous
reconnaîtrez sans peine, ô mes souverains ! si vous prêtez quelque attention
à ce que je vais mettre sous vos yeux, qu'il n'est rien qui résiste à
l'industrie des hommes, ni sur la terre, cette mère commune, ni dans le vaste
sein des mers : leur origine remonte sans doute à celle des dieux ; leur
puissance seule est inférieure. Soit donc que leur race, analogue à celle des
Immortels, ait été l'ouvrage du génie de Prométhée et le fruit de
l'heureuse association des substances solides et liquides, soit que leur cœur
porte la trempe, l'empreinte de l'essence divine (a)
et que leur existence tire sa source du sang illustre des Titans, car, nul être
n'est supérieur à l'homme, si l'on en excepte les dieux, nous ne cédons qu'à
eux seuls. Que d'animaux féroces des montagnes, doués d'une force énorme, son
courage n'a-t-il pas domptés ! Que de races d'oiseaux élancés, errants dans
les airs, à la hauteur des nues, ne sont pas tombées sous ses coups, quoiqu'il
soit inhabile à s'élever de terre ! Ni l'audace terrible du lion ne l'a mis à
l'abri d'en être terrassé, ni le vol rapide de l'aigle ne l'a dérobé à sa
poursuite. Enchaîné par l'homme, le grand et
noir quadrupède de l'Inde (b) a subi le joug, a
courbé son dos sous les poids les plus lourds, s'est soumis aux pénibles
travaux du trait. Que d'immenses cétacés vivent dans les champs de Neptune !
Loin d'être au-dessous des animaux terrestres par leur masse, ces monstres
marins l'emportent de beaucoup par leur taille, par l'énergie de leurs muscles.
On trouve sur le continent certaines espèces de tortues qui n'ont ni le
pouvoir, ni le moyen de nuire ; on ne se présente point sans danger au milieu
des flots devant la tortue de mer. Les chiens de terre sont redoutables par
leurs morsures ; aucun n'est comparable dans sa fureur, à ceux de l'empire
d'Amphitrite. La panthère est une des bêtes de terre les plus terribles ;
celle des mers l'est bien davantage. La terre a sa cruelle hyène ; celle des
ondes est mille fois plus horrible. La première a ses béliers, animaux
innocents des bergeries ; ceux qui approcheront de ceux des eaux, n'auront point
à se louer de leur douceur. Qui mettrait au même rang la férocité des
sangliers et celle de l'exécrable lamie ? Qu'est le lion en proie à la rage la
plus effrénée, à côté de l'affreuse zygène ? L'ours aux longs crins
redoute même sur la terre la violence plus cruelle des phoques, et s'il en est
attaqué succombe inévitablement. Tels sont les êtres à si grande puissance
dont les mers sont peuplées. Toutefois la race intraitable des humains met en
usage les manœuvres les mieux combinées pour parvenir à leur ruine ; ils sont
vainqueurs dans les combats qu'ils engagent même avec les cétacés. Je vais
dire les fatigants travaux de leur pêche. Célestes soutiens de la terre, ô
mes souverains ! prêtez-moi une oreille favorable.
Les cétacés vivent en grand nombre et de grande
dimension dans le sein des plus hautes mers ;
ils ne s'élèvent que rarement à leur surface, retenus dans le fond par l'énormité
de leur poids. Une faim toujours active, toujours impérieuse les tourmente sans
cesse ; leur indomptable voracité ne connaît point de relâche. Quel serait le
mets d'une grosseur suffisante pour combler le gouffre de leur vaste estomac,
pour assouvir ce besoin toujours renaissant d'une nouvelle proie ? Ils se détruisent
mutuellement : le plus fort donne violemment la mort au plus faible ; ils se dévorent
entre eux et se servent les uns aux autres de nourriture
(c). Trop souvent leur présence glace les
nautoniers d'épouvante dans la mer occidentale d'Ibérie, lorsque quittant les
abîmes immenses de l'Océan, ils se portent de préférence sur ces parages,
tels que des vaisseaux à vingt rames. Trop souvent, dans le séjour qu'ils font
dans ces mers, ils s'approchent des rivages à grands fonds où les pêcheurs
leur font la guerre. Ces énormes habitants des eaux ont tous, si l'on en
excepte ceux de la race des chiens, des membres lourds et peu propres aux
courses rapides. Leur vue ne s'étend pas au loin ; ils ne se montrent pas sur
toute l'étendue des ondes, embarrassés par le jeu difficile de leurs parties
trop massives ; ils se roulent pesamment et avec lenteur sur les flots ; aussi
vont-ils tous escortés d'un poisson de taille médiocre à corps long, à queue
grêle, qui, en avant, à une petite distance, leur sert comme de signal et les
conduit sur les mers ; de là le nom de conducteur
(01) qu'on lui a
donné (d). Il est,
pour le cétacé, un compagnon extrêmement cher et précieux, son guide, son
gardien qui l'entraîne sans effort partout où il veut. Toujours fidèle à son
fidèle conducteur, le cétacé le suit aveuglément et ne suit que lui. Le
poisson ne s'en éloigne jamais, avance la queue à portée de ses yeux et
l'avertit par elle de toutes choses, de l'approche d'une proie, de la présence
de quelque obstacle, de quelque bas-fond qu'il est utile d'éviter. Cette queue,
comme si elle jouissait du don de la voix, l'informe de tout, et le cétacé se
règle sur son rapport. Enfin ce poisson est son enseigne, ses oreilles, ses
yeux ; il n'entend ni ne voit que par lui ; il lui livre sans réserve le soin
de sa garde et de sa vie. Ainsi qu'un jeune homme que son pieux amour fait
rendre à son vieux père (e) de tendres soins si
doux à la vieillesse en retour de ceux qu'il reçut dans l'enfance, qui,
toujours à ses cotés, lui prodiguant les plus touchantes caresses, guide les
pas chancelants de ce père chéri dont les ans ont affaibli les organes et
rendu la vue incertaine, qui, d'une main tutélaire le soutient dans sa marche
et lui sert en toute occasion d'appui, de défenseur, les enfants sont en effet
la force renaissante des vieillards, ainsi le poisson dirige par amour ce
colosse des mers comme un pilote qui, le gouvernail en main, règle le mouvement
d'un navire, soit que dès le moment de leur naissance les nœuds du sang les
aient unis, soit que l'instinct libre de sa bienveillance ait attaché le
poisson au cétacé.
Ainsi l'avantage d'un corps vigoureux, celui de la beauté, sont au-dessous de
ceux de l'esprit. Ainsi la force sans intelligence est un don de peu de valeur.
L'homme même le plus fort est vaincu, tandis qu'un autre plus faible, mais d'un
heureux génie, triomphe. C'est ainsi que l'énorme cétacé, aux vastes
membres, se fait précéder d'un petit poisson. Le pêcheur s'occupe d'abord de
prendre ce vigilant conducteur en mettant sous ses yeux le frauduleux appât, le
perfide hameçon. Tant qu'il serait vivant, le pécheur ne réussirait point,
malgré tous ses efforts, à dompter le cétacé ; lorsqu'il aura tué son
guide, la victoire lui coûtera moins de peines et de fatigues. L'animal, privé
de son compagnon, ne voit plus d'une manière si distincte sa route sur les
mers, n'évite pas si aisément les dangereux écueils. Pareil à un bateau de
transport qui a perdu son nautonier, il erre au hasard et sans défense au gré
des flots, se porte dans des endroits obscurs et sans abri, veuf de son guide
protecteur, et va donner dans sa marche vagabonde contre les rochers et les
rives, tant est épais le nuage qui plane sur ses yeux. Les pêcheurs alors,
plus prompts que la pensée, volent à l'attaque en priant les dieux qui président
à ce genre de pêche de favoriser leur entreprise contre les monstres
d'Amphitrite. Comme un gros détachement de guerriers qui dans la nuit se
portent furtivement, avec précaution, sous les murs d'une ville ennemie, qui
trouvant, par une faveur signalée du dieu des combats, les sentinelles, les
gardiens des portes endormis, tombent sur eux et les massacrent, de là s'élancent
avec audace dans la ville même et dans le fort, armés du tison fatal prêt à
réduire en cendres leurs bâtiments d'une si belle construction, ainsi la bande
des pêcheurs s'avance avec confiance devant le cétacé dénué de son gardien
que la mort lui a ravi. Ils cherchent d'abord à reconnaître la masse et la
grandeur de l'animal ; ils s'arrêtent à ces signes : s'il ne laisse paraître
au-dessus des ondes, lorsqu'il s'agite dans leur sein, qu'une très petite
partie de son dos et la sommité seulement de sa tête, qui est grosse et vaste,
les flots surchargés de son poids ne le soulèvent qu'à peine, ne le
supportent que difficilement ; si son dos se montre d'avantage, on en augure un
poids plus faible. Les moindres sont plus rapides dans leur course. Les pêcheurs
ont une corde tressée de plusieurs plus petites fortement tordues, pareille au
câble moyen d'un vaisseau : sa longueur sans limite a l'étendue qu'exige la pêche.
Leur hameçon est un gros fer crochu hérissé des deux côtés de pointes aiguës
qui se correspondent, qui seraient capables de déraciner une pierre ou quelque
fragment de rocher, enfin d'une assez grande dimension pour occuper la vaste
gueule du cétacé. Au manche du noir hameçon est fixée une chaîne forte et
solide, dans le cas de résister aux violents efforts de ses dents, ainsi qu'aux
autres défenses de sa bouche ; cette chaîne est protégée par des liens
circulaires et très rapprochés les uns des autres, qui contiennent l'animal
dans ses écarts et l'empêchent de rompre le fer lorsqu'il se tourmente, tout
sanglant et déchiré par les plus terribles douleurs. Les pêcheurs roulent
donc tout autour une corde flexible ; ils garnissent l'hameçon d'un funeste appât,
de l'épaule ou du foie gras et noir d'un bœuf, mets analogue à la gueule de
l'animal. Ils prennent une foule d'instruments nouvellement polis et aiguisés
comme pour une bataille, des épieux forts, de robustes tridents, des harpons,
d'horribles tranchants et tant d'autres sortis naguère de dessus les enclumes
retentissantes des fils de Vulcain. S'embarquant avec ardeur sur leurs navires
solidement assemblés, ils se demandent par des signes et se font passer les uns
aux autres en silence ce qui est nécessaire à chacun ; leurs rames muettes
blanchissent l'onde amère ; eux-mêmes s'interdisent le moindre bruit, dans la
crainte que le cétacé, n'ayant l'éveil de quelque dessein, ne disparaisse en
se portant dans les plus profonds abîmes et que leurs travaux n'aient qu'une
vaine issue. Lorsqu'ils sont assez près, ils lancent du haut de la proue vers
lui le terrible hameçon. À peine voit-il cet énorme appât, il s'élance, et
cédant à son irrésistible voracité, se jette sur cette proie : sa large
gueule s'ouvre pour la saisir, et saisit tout ensemble le fer recourbé qui
s'engage dans ses chairs, qui s'y fixe par ses pointes. Irrité de sa blessure,
il avance et tourmente d'abord avec rage sa terrible mâchoire, dans l'espoir de
rompre la chaîne de fer. Efforts inutiles ! Excité par les plus ardentes
douleurs, il se roule précipitamment dans les gouffres les plus reculés des
mers. Les pêcheurs aussitôt lui abandonnent toute la corde, car les mortels ne
sont pas doués d'une assez grande force pour enlever, pour dompter malgré lui
cet immense animal, qui, lorsqu'il est emporté par son impétueuse fureur, les
entraînerait eux et toutes leurs galères au fond des flots. Au moment qu'il
s'y plonge, ils lui envoient de grandes outres remplies d'air (f)
qui tiennent des cordes dont ils les attachent. Mis hors de lui-même par les
tourments qu'il éprouve, il s'embarrasse peu de ces outres et les fait suivre
forcément, quelque résistance qu'elles opposent, avec quelque effort qu'elles
se portent au haut des ondes. Mais lorsque, le cœur dévoré d'inquiétude, il
approche de leur fond, il s'arrête, écumant de rage et de douleur. Tel qu'un
coursier qui, parvenu tout suant au terme de sa course, fatigue le mors oblique
dans sa bouche remplie de son haleine embrasée et le rougit de son écume
sanglante ; tel il s'arrête, poussant d'affreux soupirs. Les outres, quelque désir
qui le presse, ne lui permettent point le moindre relâche au-dessous des eaux :
elles remontent à l'instant même avec rapidité et jaillissent à leur
surface, enlevées par l'air qu'elles renferment. Il est ainsi en butte à un
nouveau genre de combat. Il s'élance, vainement ambitieux de punir de ses
morsures ces outres téméraires ; elles reculent à son approche et ne se
laissent jamais atteindre, semblables à des êtres vivants qui ont pris la
fuite. Frémissant de fureur, il s'enfonce de nouveau dans les mers et s'y précipite
en tourbillons nombreux, tantôt volontairement, tantôt malgré lui, tirant et
tiré tour à tour. Comme des ouvriers en bois qui exécutent ensemble avec
vitesse les travaux du sciage, pressés de finir ou quelque barque ou quelque pièce
nécessaire aux navigateurs, tous deux, après avoir fixé la position de la
scie, la tirent vers eux avec un égal effort tandis que ses dents s'ouvrent une
nouvelle route : allant, venant des deux côtés, elle coupe, elle scie,
toujours entraînée et de nouveau tirée. Telles sont les luttes qui ont lieu
entre ces outres et le monstre des mers. Bouillonnant de douleur, il vomit au
loin sur les flots une noire écume ; son souffle terrible mugit sous l'onde qui
mugit aussi emprisonnée ; on dirait que celui de l'impétueux Borée est
engouffré dans son sein. L'animal pousse son haleine avec force et
violence : tour à four, les nombreux torrents de ce souffle, lancés en longs
ruisseaux dans l'abîme forcent et creusent les eaux en s'y frayant une route.
Comme entre les dernières extrémités des mers d'Ionie et de la bruyante Tyrrhène,
dans l'espace si resserré qui forme le détroit toujours agité par les
expirations véhémentes de Typhon, l'onde grosse et rapide est tourmentée par
les chocs des anfractuosités qu'elle rencontre sans cesse, et la noire Charybde
tourbillonne, entraînée sur elle-même par ces reflux trop fréquents ; ainsi
l'empire d'Amphitrite, mis partout en mouvement par l'immense et rapide haleine
du monstre, est bouleversé jusque dans ses gouffres. Un des pêcheurs, pressant
alors la rame, conduit promptement sa nacelle vers la terre, lie la corde à
quelque roche de la rive et retourne comme s'il avait amarré un bâtiment avec
le câble de la proue. Lorsque le cétacé, las de tant d'agitations, plongé
dans l'ivresse par la douleur, sent son cœur féroce s'affaiblir, dompté par
la fatigue et que les balances inclinées de l'odieuse mort l'entraînent, une
des outres surgit, messagère et premier signal de la victoire. Sa présence
excite une joie vive parmi les pêcheurs. Lorsqu'un héraut, aux vêtements
blancs, retourne d'un combat, objet de tant d'alarmes, ses concitoyens,
rayonnant d'espérance, s'empressent autour de lui, avides d'entendre à
l'instant son heureux message ; de même les pêcheurs, voyant cette outre d'un
présage favorable, sentent leur cœur agité des plus doux mouvements. Bientôt
les outres s'élèvent et remontent à la surface des flots, amenant après
elles l'énorme animal : accablé de ses douleurs et de ses blessures, il est
enlevé malgré lui.
À cette vue, l'audace des pêcheurs s'allume ; ils poussent à force de rames
leurs galères vers le cétacé ; la mer retentit au loin des cris et des
clameurs de ces marins, qui s'appellent, qui s'excitent les uns les autres : on
croirait voir les approches et les dispositions d'un combat naval, tant ils
montrent d'ardeur, tant est grand le tumulte dont ils assourdissent les mers,
tant ils brûlent d'impatience de fondre sur le cétacé. Le chevrier gardant
ses troupeaux, le berger faisant paître ses brebis dans la vallée, le bûcheron
frappant le pin de sa cognée, le chasseur poursuivant les bêtes féroces,
entendant au loin ce bruit étrange et funeste, se rendent étonnés vers le
rivage et, se plaçant sur une éminence, s'établissent spectateurs des rudes
travaux de ces hommes, de leur combat sur les ondes, de l'épouvantable issue de
cette pêche.
L'horrible et mortelle attaque commence. Quelques-uns des pêcheurs
mettent en œuvre l'affreux trident, les autres l'épieu à pointe aiguë,
ceux-ci font mouvoir les faux au dos courbe, ceux-là frappent de la hache
tranchante ; tous sont occupés, tous armés de fers redoutables les dirigent
contre la vaste mâchoire du cétacé ; ils le parcourent aussi tout autour
frappant, blessant, accablant de coups sans relâche ce malheureux animal.
Abandonné de son immense force, il ne peut plus, quel que soit son désir, écarter
de sa gueule ces bâtiments ennemis dont il est assiégé. Toutefois, en
s'agitant dans l'onde, ses énormes nageoires ou l'extrémité de sa queue leur
impriment encore un choc terrible du côté de la poupe et rendent vains une
dernière fois les travaux des rames, l'effort guerrier des pêcheurs ;
semblable à un vent impétueux qui pousse contre la proue d'un navire les
vagues irritées et contraires. On entend les cris confus de ces marins qui
retombent sur l'animal ; la mer est souillée du sang noir que vomissent ses
cruelles blessures, l'onde en bouillonne et en est rougie. Ainsi lorsqu'une
terre rouge et ocreuse, détachée par les torrents d'hiver de la cime rouge des
monts et fondue dans leurs eaux est entraînée par l'impétuosité de leur
chute dans le sein grossi des mers, les flots d'Amphitrite sont chargés au loin
de cette teinte rougeâtre et paraissent entachés de sang ; ainsi cette partie
du domaine de Neptune est maintenant rougie et mêlée de celui qui jaillit des
nombreuses blessures du monstre. Les pêcheurs, par des jets adroitement dirigés,
font pénétrer un poison dans ces plaies ; l'onde même, par le sel dont elle
est imprégnée, devient brûlante pour elles comme le feu, et conspire à précipiter
sa mort. Lorsque la foudre, lancée par le maître en courroux des dieux frappe
un navire qui sillonne la mer et y fait un affreux ravage, l'onde amère, se
joignant à ces horribles feux, ajoute la violence de ses chocs à ceux de ces
carreaux embrasés ; de même l'élément liquide par les substances qui s'y
dissolvent enflamme, irrite davantage les plaies cruelles, les terribles
tourments du cétacé.
Mais lorsque accablé sous le poids de tant d'intolérables maux, il touche au
milieu des plus rudes angoisses, aux portes du trépas, les pêcheurs ravis de
joie le tirent chargé de liens sur le rivage : il est entraîné malgré lui
toujours percé de fers acérés, de robustes épieux, chancelant et dans l'étourdissement,
dans la fatale ivresse de la mort. Les pêcheurs, entonnent alors le grand Péan
de la victoire (g), balançant les rames de leurs
bras vigoureux, s'abandonnent aux plus vifs transports, et dans le temps qu'ils
pressent leurs navires, remplissent les airs de leurs chants rauques et aigus.
Lorsque après un combat naval, les vainqueurs enchaînant les vaisseaux de
leurs ennemis, portent à la hâte et pleins d'allégresse sur la terre ceux qui
les montaient et chantent le bruyant, le joyeux Péan de leur victoire navale,
les vaincus suivent forcément et dans la tristesse en cédant à l'impérieuse
nécessité ; de même les pêcheurs après avoir enchaîné le monstre le
remorquent sur le rivage. Lorsqu'il est près d'y toucher, c'est alors le trop réel
et terrible moment de sa mort : il palpite, il bat l'onde de ses nageoires frémissantes
comme un oiseau qui s'agite et se débat aux autels contre la mort prête à en
faire sa proie. Infortuné ! qui soupire sans doute après des eaux d'une plus
grande profondeur. Son énorme puissance est anéantie, ses membres engourdis
n'obéissent plus ; il est entraîné sur la terre poussant d'affreuses
haleines. Ainsi que des nautoniers qui, voulant aux approches de l'hiver se
reposer de la fatigue de leurs courses maritimes, retirent du sein des mers,
conduisent sur la terre un gros navire de transport et n'y parviennent qu'au
prix des plus rudes travaux, ainsi les pêcheurs amènent avec effort sur la
rive le monstrueux cétacé. Toute la grève est couverte de ses immenses
membres gisants. Étendu, mort, il est même horrible à voir : quoiqu'il ait
cessé de vivre, quoiqu'il soit couché sur le sol, on n'ose s'avancer trop près
de son informe cadavre ; on le craint encore lorsqu'il n'existe plus ; on frémit
encore après son trépas à la vue des dents dont ses terribles mâchoires sont
armées. Enfin les pêcheurs, s'animant entre eux, se réunissent autour de
cette masse inanimée qu'ils ne voient même qu'avec effroi. Les uns considèrent
l'épouvantable charpente de ses mâchoires, le triple rang de ses dents
saillantes en fer de lance très rapprochées, à pointes nombreuses et aiguës
; d'autres se plaisent à toucher ces cruelles blessures, dont leurs instruments
meurtriers ont accablé le monstre : ceux-là regardent avec étonnement cette
épine tranchante de son dos hérissé d'atroces aiguillons ; ceux-ci attachent
leurs regards sur sa queue, d'autres sur son ventre à si vaste capacité,
d'autres sur son énorme tête. L'un d'entre eux en voyant cet horrible tyran
des mers, plus habitué à passer sa vie sur le continent que dans l'empire
d'Amphitrite, prononce ces mots qui sont entendus de ceux de ses compagnons dont
il est entouré : "Terre amie, qui prends soin de me nourrir, tu m'as donné
l'existence, tu me pourvois d'aliments terrestres ; puisses-tu recueillir mon
dernier soupir lorsque mon jour fatal sera venu ! Que je ne sois point une des
victimes des nombreux dangers des mers ! Que je puisse du rivage payer mon juste
tribut à Neptune ! Qu'un bois d'une mince épaisseur ne me transporte point sur
des ondes rebelles ! Que je n'aie point à gémir de voir s'avancer dans les
airs les vents et les orages ! Ils causent aux mortels une crainte plus affreuse
que les flots, que les tourments d'une navigation pénible, auxquels ils sont en
butte au milieu des tempêtes les plus désastreuses. N'est-ce point assez de
perdre la vie dans la vaste mer ? Faut-il encore servir de proie à de pareils
monstres ? Faut-il, privé de sépulture, être réservé si on les rencontre à
remplir le gouffre odieux de leur estomac ? De pareils malheurs me font frémir.
Ô mer ! Salut donc de dessus la terre ! Sois-moi de loin douce et propice !"
Telles sont les manœuvres dont on fait usage contre ceux de ces cétacés, à
plus vaste dimension, dont le poids immense affaisse les ondes : on en emploie
de moindres contre ceux d'une moindre grandeur. On se sert d'instruments dont la
proportion suit celle de ces animaux, de cordes plus minces, d'hameçons moins
forts, d'un plus petit appât. Au lieu d'outres de la peau de chèvres, on a des
courges sèches, disposées en cercle, qui enlèvent, par leur légèreté, ce
genre de cétacés.
Les pêcheurs en veulent-ils aux petits des lamnes, ils dénouent le plus
souvent le lien dont la rame était contenue, et le font arriver dans les flots.
Sitôt que l'animal l'aperçoit, il s'y jette et le saisit de ses fortes mâchoires.
Ses dents crochues, engagées comme par des nœuds à ces lient, y restent irrévocablement
arrêtées ; on le prend alors avec moins de peine, en le frappant à coups
pressés de l'impitoyable trident.
Au nombre de ces intraitables cétacés est la race des chiens, si distingués
des autres par la fureur de leur immodérée voracité. Ils se font remarquer
surtout par l'impudence et l'audace les plus effrénées. Hardis jusqu'à
l'insolence, transportés de la rage la plus affreuse, rien ne leur inspire de
crainte. Lors même qu'ils sont captifs dans les filets, ils osent souvent s'élancer
sur les marins, s'approcher de leurs nasses remplies de poissons, et
s'approprier leur pêche, dont ils font à l'instant un doux repas. Le pêcheur
attentif, leur présentant à propos l'hameçon et les poissons pour appât, en
fera une proie facile, due à leur aveugle et insatiable avidité.
On
n'attaque le phoque ni avec l'hameçon ni avec des instruments à trois pointes
qu'on fasse pénétrer dans son corps ; il est protégé par une peau extrêmement
dure, rempart impénétrable. Lorsque les pêcheurs l'aperçoivent enveloppé,
malgré eux, dans les dictues, au milieu de nombreux poissons, ils n'ont pas un
moment à perdre pour amener les rets sur le rivage ; le moindre retard ferait
triompher le phoque dans ses efforts pour s'échapper ; quel que fût le nombre
des filets, il s'y précipiterait et les romprait facilement des pointes dures
et aiguës de ses ongles : il serait tout à la fois le libérateur des autres
poissons qui étaient emprisonnés avec lui et l'occasion d'une douleur cruelle
pour les pêcheurs. S'ils se pressent de l'entraîner à terre ils lui donneront
la mort en assénant violemment sur ses tempes de grands coups de leurs
tridents, de leurs barres noueuses, de leurs longues perches : les blessures
dont les phoques sont atteints à la tête leur donnent le plus prompt trépas.
Trop
souvent l'importune présence des tortues dérange la pêche et fait tort à
ceux qui s'y livrent. Un homme hardi, dont le cœur est inaccessible à la
crainte, n'aura qu'une peine légère à s'en rendre maître. Se portant sur la
rude tortue, au milieu des flots, il la retourne et l'assoit sur sa carapace (02)
(h) ; elle tentera vainement de se soustraire à la
mort : palpitant avec force, elle essaiera de ses pieds exhaussés de se rétablir
par de faibles et vaines natations, et provoquera à rire des pêcheurs, qui
tantôt la feront périr sous les coups de leurs instruments de fer, tantôt la
retireront captive du sein de leurs filets : ainsi lorsqu'un folâtre enfant
joue avec une tortue des montagnes et la met sur le sol à la renverse, couchée
sur le dos, elle ambitionne ardemment de retrouver le contact de la terre, agite
ses pieds rugueux, et palpitant avec plus de fréquence, tourmente ses genoux
crochus, prêtant à rire à ceux qui la voient dans ce bizarre embarras, ainsi
l'animal des mers, du même genre, renversé, retourné dans l'onde, est à la
merci des pêcheurs. Souvent cette tortue vient sur la terre, où ses écailles
sont surprises par l'ardeur des rayons de Phébus ; elle reporte dans les flots
ces parties desséchées ; trop légère alors, elle surnage et ne saurait
gagner le fond ; elle roule sur elle-même à la surface, en proie au vain désir
de pénétrer dans l'intérieur ; les marins qui la rencontrent dans cet état
s'en emparent facilement et à leur gré.
La pêche
des dauphins est réprouvée des dieux : les, sacrifices de celui qui oserait la
faire ne leur seraient point agréables ; il n'approcherait de leurs autels
qu'une main profane. L'homme qui se porte volontairement à leur faire la guerre
entache de son crime tous ceux de sa maison. Les Immortels sont également irrités
du meurtre des humains et de celui de ce prince des mers. Un même génie est le
partage des hommes et de ces ministres de Neptune. De là le principe, comme
naturel, de leurs affections, le nœud qui les lie à l'homme d'une amitié si
particulière ; aussi dans les parages de l'Eubée, les dauphins prêtent-ils
leur assistance aux pêcheurs, quels que soient les poissons qu'ils ambitionnent
de prendre. Lorsque dans leurs pêches nocturnes ils se présentent sur les
ondes armées de l'épouvantail de leurs feux, de la lumière vive d'une lampe
d'airain, les dauphins se rangent à leur suite pour hâter avec eux leur pêche.
Les poissons, saisis d'épouvante, prennent la fuite, les dauphins, du sein des
eaux, viennent réunis à leur rencontre, les forcent de retourner en arrière,
les harcèlent, les pressent, quoique ambitieux de gagner le fond, de faire
retraite vers la terre ennemie ; semblables à des chiens de chasse qui, par
leurs aboiements successifs, décèlent, ramènent le gibier aux chasseurs.
Repoussés ainsi vers le rivage, dans le trouble et le désordre, les poissons
tombent aisément dans les mains des pêcheurs, percés de leurs tridents aigus.
Voyant que la route des mers leur est fermée, ils bondissent dans l'onde, pressés
par les dauphins, leurs rois, et par les feux des marins. Lorsque le travail de
cette heureuse pêche est terminé, les dauphins s'approchent pour demander le
prix de leur secours, pour recevoir leur part du butin : les pêcheurs ne s'y
refusent point, ils leur délivrent sans peine la portion qui leur en est due.
S'ils commettaient l'injustice de leur en faire tort, les dauphins ne
s'offriraient plus dans la suite comme auxiliaires dans leurs poches.
Qui n'a connaissance de cette antique histoire du chanteur de Lesbos (i),
qui, monté sur un dauphin, tranquillement assis sur son dos, sillonna les
plaines liquides sans interrompre ses harmonieux accords, se déroba ainsi au
sort fatal dont le menaçaient des pirates, et aborda au Ténarium (03),
sur les rives montueuses des Lacons ? Peut-être aussi a-t-on présenté à la mémoire
cette affection si justement célèbre d'un dauphin pour ce jeune berger de la
Libye (j), qui, gardant les troupeaux, devint l'objet
de son vif attachement. Jouant avec lui près du rivage, se plaisant au son de
la flûte pastorale, il aimait à se confondre avec les brebis paissantes, à
quitter la mer, à goûter l'abri des bois. L'entière Éolide conservera
toujours le souvenir de cette tendre amitié qu'un dauphin (k),
non dans les siècles reculés, mais de nos jours même, portait à un jeune
insulaire qu'il aimait comme s'il eût été l'auteur de ses jours. Ce dauphin
vivait près d'une île, on le voyait toujours au port comme un habitant de la
cité ; son cœur ne pouvait se détacher un moment de son jeune ami. Dès leur
plus tendre enfance et à mesure qu'ils avaient avancé en âge, les liens de la
plus étroite amitié s'étaient de plus en plus resserrés entre eux : le
dauphin s'était fait aux mœurs et aux habitudes de l'enfant. À peine
avaient-ils atteint l'époque et toute la vigueur de leur puberté, déjà le
jeune homme et le dauphin l'emportaient à la course, le premier sur ses
compagnons, le second sur ceux de son espèce. On vit alors un phénomène
vraiment admirable, difficile même à croire, fait pour frapper d'un égal étonnement
les étrangers et les gens du pays. La renommée, qui publie au loin ce prodige,
attire un grand concours de personnes, empressées d'être témoins de cette
union intime du jeune homme et du dauphin. La foule qui se rend sur le rivage
pour admirer cette étrange amitié croît de jour en jour. Le jeune homme, monté
sur sa nacelle, navigue au-devant du port, il appelle le dauphin, il l'appelle
de ce nom qu'il lui a donné dès ses plus jeunes ans. Le dauphin, à la voix du
jeune homme, s'élance comme un trait, arrive à la nacelle, balance sa queue,
soulève fièrement sa tête en signe de joie, avide de se presser sans intermédiaire
auprès du jeune homme ; celui-ci le frappe mollement de ses mains, le caresse
avec amitié ; le dauphin voudrait pouvoir se placer dans la nacelle, à ses côtés.
Sitôt qu'il le voit plongeant d'un saut léger dans l'onde, il nage avec lui,
près de lui, soulevant de ses flancs les flancs de son ami, pressant de sa tête
et de sa bouche la tête et la bouche du jeune homme on dirait qu'il veut
l'accabler de baisers, qu'il aspire à serrer sa poitrine contre la sienne, tant
il nage côte à côte avec lui. Le dauphin se trouve-t-il à portée du rivage,
le jeune homme, saisissant la partie postérieure de sa tête, monte sur son dos
humide. Fier, heureux de cette charge aimée, le dauphin la reçoit avec plaisir
et se porte partout où son conducteur chéri lui en manifeste le désir, soit
qu'il veuille s'engager dans le lointain des mers, soit qu'il préfère
retourner près du port ou s'approcher de terre ; il obéit à la moindre
expression de sa volonté. Un coursier, dont la bouche est sensible, suit avec
moins de docilité l'impulsion que lui imprime son maître à la faveur du frein
oblique ; un chien, compagnon ordinaire d'un chasseur, est moins docile, moins
empressé de le suivre partout où celui-ci porte ses pas ; les ministres d'un
souverain ont une volonté moins en harmonie avec la sienne, moins d'ardeur de
se conformer à ses ordres que le dauphin de céder au moindre vœu de son ami,
sans mors, sans frein qui l'y obligent. Il ne se borne pas à le porter lui-même
; au moindre signe, il en fait autant de tout autre, l'admet sur son dos, lui obéit,
ne se refuse, par amitié pour son ami, à aucune espèce de service, tant cette
amitié est vive et sincère. La mort frappe le jeune insulaire : le dauphin,
tel qu'un homme en proie à la plus inquiète douleur, va, revient sans cesse
sur le rivage, cherchant, redemandant partout son tendre ami. On croit réellement
entendre la voix plaintive et gémissante d'un mortel, tant la douleur qui le
presse est profonde et pénible. Les autres habitants de l'île l'appellent ; il
ne se rend pas le plus souvent à leurs cris, il ne veut plus de la nourriture
qu'ils lui prodiguent ; il disparaît bientôt de cette mer : personne ne l'a
plus vu depuis, il n'a plus paru au port ; le vain désir de revoir son ami l'a
consumé : il n'a pas tardé à le rejoindre dans le tombeau.
Toutefois, quelque bonté qui distingue leur naturel, quel que soit l'esprit de
bienveillance qui les anime en faveur des hommes, les Thraces barbares, ainsi
que les habitants de Byzance, leur font sans pitié la guerre. Ces peuples sont
éminemment féroces et méchants : ni leurs fils ni leurs pères n'en sont épargnés
; les liens du sang sont pour eux de faibles barrières. Ils conduisent ainsi
cette cruelle pêche : deux dauphins jumeaux, double fruit d'un douloureux
enfantement, vont à la suite de leur mère, pareils à des enfants en bas âge
; les Thraces impitoyables fondent sur eux en employant dans cette odieuse
attaque leurs lances légères. Les dauphins voyant la nacelle s'avancer sur eux
ne craignent point de l'attendre, ne cherchent point à prendre la fuite, ne
soupçonnant pas de fraude les mortels, ne croyant point avoir à en redouter
aucun outrage ; ils les accueillent, tout joyeux, de leurs caresses, comme de véritables
amis. Ces transports les poussent à leur ruine. Les pêcheurs se portant aussitôt
sur la lance à trois pointes projettent et enfoncent en entier dans leur corps
le fer, instrument si terrible de ce genre de pêche ; ils en font une horrible
blessure à l'un des jeunes dauphins. Arraché de son aplomb par la douleur,
souffrant d'une manière cruelle, il se précipite au fond des eaux dans le plus
affreux délire, fruit des maux intolérables, des tourments atroces dont il est
déchiré. Les pêcheurs ne tentent point de l'entraîner de force vers eux, ils
se consumeraient en efforts inutiles pour obtenir ainsi leur proie ; ils lui
livrent, au gré de ses désirs, une longue corde, pressent la nacelle de leurs
rames rapides et suivent dans tous ses mouvements le dauphin éperdu. Lorsque,
affaibli par les plus horribles douleurs, il succombe à la fatigue et au déchirement
du fer cruel, il reparaît à la hauteur des flots, privé de sentiment : ses
membres robustes sont dénués de force ; soulevé par l'onde légère, il est
prêt à rendre le dernier soupir. Sa mère ne l'abandonne jamais, est sa
constante compagne dans sa détresse, semblable à une personne qu'on retire du
sein des eaux, abattue et profondément gémissante : on croirait voir une mère
dans le plus affreux désespoir, à qui des ennemis, après avoir pris une
ville, arrachent ses enfants d'entre ses bras pour leur servir de butin, suivant
l'exécrable loi de la guerre ; de même celle du dauphin s'agite dans la plus
mortelle inquiétude autour de son petit si cruellement blessé, comme si elle-même
avait été frappée du fer et en éprouvait les tourments. Elle tombe sur son
autre petit pour le forcer à s'écarter et le harcèle en l'éloignant toujours
: "Fuis, mon fils, lui dit-elle ; les iniques humains ne sont plus nos amis
; ils disposent contre nous leurs armes et leurs attaques ; ils font déjà la
guerre aux dauphins en rompant ce pacte d'alliance, ouvrage des Immortels, en
violant ce traité, ces nœuds si anciens d'amitié qui nous unissaient."
Tel est le langage qu'elle tient à ses petits, quoique privée de l'organe de
la voix ; elle excite l'un à fuir au loin : souffrante des affreuses
souffrances de l'autre, elle le suit même dans le voisinage de la nacelle et ne
le quitte point. On tenterait en vain de l'éloigner : on n'y parviendrait ni en
la frappant avec violence ni par quelque menace que ce pût être. Infortunée !
elle se laisse entraîner avec son petit qu'on entraîne jusque sous la main des
pêcheurs. Ceux-ci, durs et inflexibles, n'ont aucune pitié de cette mère désolée
; leur cœur de fer reste inébranlable : tombant à coups redoublés de leurs
lances sur la mère et sur son petit, ils leur donnent en même temps la mort à
tous deux. S'ils donnent la mort à cette mère, ce n'est point contre sa volonté
; c'est le sachant, l'ambitionnant même, qu'elle succombe avec son fils
mourant. Ainsi lorsqu'un dragon sorti de dessous quelque antre creux s'approche
d'un nid d'hirondelles nouvellement nées et nues, les tue et les broie entre
ses dents, leur mère, désespérée, vole d'abord au-dessus, poussant des sons
aigus et pressés, vive et touchante expression de la douleur qu'elle éprouve
du meurtre de ses petits ; bientôt les voyant sans vie, elle ne cherche
plus à se soustraire au trépas et se porte elle-même sous la dent du dragon
jusqu'à ce qu'elle en reçoive la mort : ainsi celle du jeune dauphin périt
avec lui en se précipitant aussi elle-même volontairement dans la main des pêcheurs.
On
assure que les diverses races d'ostracés qui rampent dans les champs de Neptune
sont plus fournies en chair toutes les fois que la lune arrondit son orbe ;
qu'elles remplissent alors plus exactement leurs coquilles ; qu'au déclin de
cet astre, leurs membres amaigris se resserrent sur eux-mêmes ; que telle est
la loi à laquelle ces mollusques sont soumis. Les pêcheurs se portant au fond
des eaux retirent les uns de dessus le sable avec leurs mains, arrachent les
autres de dessus les rochers auxquels ils adhèrent fortement : les flots en
vomissent aussi un grand nombre sur le rivage ou dans les trous qui ont pu se
creuser dans le sable.
Les
pourpres sont les plus voraces des ostracés ; voici la véritable manière dont
on en fait la pêche : on a de petites nasses tissues de joncs très serrés,
dont la forme est celle des paniers connus sous le nom de talares (l)
; on introduit, on place ensemble dans leurs flancs des strombes et des cames.
Emportées par leur aveugle et brûlante avidité, les pourpres ne tardent pas
paraître ; elles avancent hors de leurs coquilles leurs langues allongées, qui
sont en même temps minces et aiguës, et les engagent dans les claires-voies
des tatares. Elles n'y rencontrent qu'une bien faible nourriture ; leurs
langues, comprimées entre ces joncs trop peu distants, s'enflent : l'espace qui
les sépare devient de plus en plus trop étroit ; les pourpres font de vains
efforts pour les ramener en arrière, elles y restent arrêtées et contenues
par les douleurs les plus vives jusqu'à ce que les pêcheurs les retirent se débattant
encore de leur langue. Ils se servent ensuite de ces mollusques pour faire
passer sur de riches étoffes leur belle, leur superbe teinte pourpre
(m).
Je ne
crois pas qu'il y ait de pêche qui présente de plus rudes combats, de plus déplorables
travaux à ceux qui s'y livrent, que celle des éponges.(n)
Lorsqu'ils se disposent à la faire, ils ont soin de s'abstenir d'une
nourriture, d'une boisson trop abondantes ; ils ne s'abandonnent point aux
douceurs d'un long sommeil peu convenable aux pêcheurs. Ainsi lorsqu'un
chanteur célèbre favori d'Apollon, se prépare à disputer le prix du chant,
il ne néglige aucun moyen, il met tout en usage pour se maintenir jusqu'au
moment du combat dans toute la force et la fraîcheur de sa voix ; ainsi les pêcheurs
d'éponges s'observent attentivement d'avance afin que leur respiration reste
libre à leur entrée dans l'onde et les ranime contre le premier choc de leurs
travaux. Lorsqu'ils y sont en butte en parcourant l'épaisse profondeur des
mers, ils invoquent toutes les divinités des eaux et les supplient de les préserver
de l'approche des funestes cétacés, ainsi que de toute autre rencontre
dangereuse : s'ils aperçoivent le callichte, leur esprit rassuré reprend toute
son énergie. On ne voit en effet dans aucune des parties de l'empire
d'Amphitrite, où se trouve ce beau poisson, ni cétacé, ni monstre marin, ni
tout autre objet qui puisse nuire : il se plaît, il se porte toujours dans les
eaux limpides et qui n'offrent aucun danger ; aussi l'a-t-on nommé le poisson
sacré. Les pêcheurs, réjouis de sa présence, hâtent leurs manœuvres : l'un
d'eux passe autour de ses reins une corde très longue ; il arme ses deux mains,
l'une d'un gros poids de plomb, l'autre d'une faux bien affilée ; il tient en réserve
dans sa bouche une préparation huileuse blanche. Placé sur la proue, il considère
la vaste étendue de l'abîme, il songe aux tourments terribles, à l'onde
immense contre lesquels il va lutter. Ses compagnons l'excitent, l'encouragent
de leurs discours, comme un homme au pied rapide prêt à s'élancer dans la
carrière. Lorsque son cœur a pris assez d'assurance, il se précipite dans les
flots ; le plomb l'entraîne plus aisément au fond des mers où il aspire
d'arriver. En entrant dans l'onde, il laisse échapper de sa bouche cette huile
préparée, qui, se mêlant aux eaux, leur donne plus de transparence, une lumière
plus vive ; tel qu'un flambeau qui, au sein des ténèbres, fait sur l'œil une
plus forte impression. Parvenu près des rochers, il aperçoit les éponges ;
elles s'y produisent dans le fond le plus bas des mers fortement adhérentes
entre elles. On assure qu'elles jouissent du bienfait de la vie, ainsi que tant
d'autres êtres qui naissent sur les rochers battus des eaux ; sa main
vigoureuse fond aussitôt sur elles et les coupe avec la faux, comme ferait un
moissonneur des dons de Cérès. Il s'inquiète peu de s'arrêter plus longtemps
; il agite promptement la corde, indiquant ainsi à ses compagnons de l'enlever.
Le sang fétide des éponges jaillit à l'instant de toutes parts et se porte
tout autour de lui. Souvent cette odieuse sanie s'attachant à ses narines arrête,
par l'odeur repoussante qui lui est propre, le jeu de sa respiration : c'est par
ce motif qu'il remonte avec tant de célérité et que ses compagnons le hissent
plus prompts que la pensée. On ne saurait le voir ainsi sortir des mers sans être
affecté tout à la fois du double sentiment d'une joie vive et d'une douleur mêlée
de pitié : la crainte, ses accablantes fatigues mettent ainsi son corps dans le
plus triste état d'épuisement et de faiblesse. Malheureux ! trop souvent, dans
son horrible et funeste pêche, il périt au milieu des mers, surpris par la
rencontre de quelque monstre. Il tire précipitamment la corde, avertissant par
là ses compagnons de sa détresse ; ils l'enlèvent à moitié dévoré par
quelque affreux cétacé, spectacle horrible ! désirant encore rejoindre son
navire et ses compagnons. Les autres pêcheurs, douloureusement émus,
abandonnent aussitôt ce lieu cruel, cette pêche exécrable, et, les yeux baignés
de pleurs, transportent sur la rive les restes de leur infortuné compagnon.
Princes chéris de Jupiter, ô mes souverains ! telles sont les diverses
merveilles, les scènes variées, ouvrages de la nature et de l'art, que nous
offrent les mers et dont j'ai recueilli la connaissance (o).
Puissent vos navires, toujours secondés des vents doux et amis, sillonner le
vaste Océan sans éprouver de dommage. Puisse l'empire d'Amphitrite être
toujours peuplé, rempli d'innombrables poissons ! Puisse Neptune, du fond des
eaux, maintenir les fondements de la terre dans leur inébranlable solidité et
les défendre de toute secousse intérieure qui en provoque la destruction.
FIN
DES OEUVRES D'OPPIEN
(01)
Le centronople pilote.
(02)
Par le mot carapace on entend la partie convexe de l'écaille dont le dessus du
corps de la tortue est recouvert ; par celui de plastron, l'écaille plate qui
en recouvre le dessous et qui s'applique au sternum.
(03)
Promontoire qui est la terre du Péloponnèse la plus avancée vers le midi ; il
se nomme aujourd'hui Matapan, du mot grec metopon,
qui signifie front. (Géographie de Danville, p. 72.)
CHANT
CINQUIÈME. notes de fin de livre
(a)
Soit que leur cœur porte la trempe de l'empreinte de l'essence divine. Le grec
dit : "Kradiên de theôn echrisen
aloiphê." Mot à mot : "et que Prométhée ait oint leur cœur de
l'essence divine "ce que Lippius traduit par ces mots : et
corda perunxit plasmate divino " ; et Salvini par ceux-ci : "e
il cuor unse coll' unto degli dei." Ce dernier ajoute : "Cuore
e principal parte dell' uomo, e da quel sanguigno punto, che si vede nel torno
d'ell uovo, chiamato punto saltante e originato il moto, Io spirto e la vita
dell' animale, e cosi replu sua fabrica vien considerato singularmente. Orazio :
Et fertur insani leonis
Vim stomacho apposuisse nostro.
questo disse credendolo residenza dell' anima, mettendoci l'unzione divina, cioe
lo spirto, l'aura vitale."
(b)
Enchaîné par l'homme, le noir quadrupède de l'Inde, etc. On comprend assez
qu'il est question de l'éléphant.
(c)
Ils se dévorent entre eux et se servent les uns aux autres de
nourriture, etc. Voici ce qu'on lit à cet égard dans le volume de l'Encyclopédie
où Bonaterre traite des cétacés :
"En recueillant les observations des pêcheurs et des naturalistes, il paraît
que dans les cétacés chaque espèce a ses aliments particuliers : en effet
s'ils prenaient tous la même nourriture, la mer, quelles que soient sa
population et son étendue, ne pourrait déjà plus suffire à la subsistance
d'une famille si nombreuse.
Suivant Otho Fabricius, la baleine franche vit principalement de cancers et de
planorbes : on est étonné qu'une bête aussi énorme que la baleine se
nourrisse de si petits animaux et qu'elle engraisse au point de donner plus de
cent vingt milliers de lard ; cependant cette assertion paraîtra plus probable
si l'on fait attention que ces vers et ces insectes sont en si grand nombre dans
les mers du Nord qu'en ouvrant simplement la gueule, la baleine en engloutit
plusieurs mille à la fois. Linné et plusieurs autres naturalistes disent
qu'elle se nourrit de méduses, mais cette opinion ne paraît pas vraisemblable.
M. Otho Fabricius n'en a pas entendu parler en Groenland, et d'ailleurs ces vers
n'offrent qu'une espèce de substance gélatineuse qui semble peu propre à
produire une grande quantité de graisse. « Certaines gens prétendent
encore, ajoute M. le chevalier Pagès, que la baleine avale des polypes de la
grosseur d'une fève ; l'on m'assura qu'elle se nourrissait d'une petite
carnosité qu'on m'apporta : elle était de la grosseur d'un œuf, à peu près
de la forme d'un melon, et des fibres qui en resserraient la surface lui
donnaient la forme des côtes de ce fruit ; certaines fibres rouges répandues
dans la carnosité lui donnaient une couleur rougeâtre ; le reste ne me parut
être qu'une matière visqueuse. Je doutai fort qu'une baleine pût s'en
nourrir, car l'ayant mise à sécher, il ne resta presque rien de solide, et
l'aliment de la baleine a certainement un peu de solidité, puisque ses excréments,
couleur de safran, en ont assez ; je crus plutôt qu'elle se nourrissait de
chevrettes : un loup marin que l'on prit dans la suite, qui en avait l'estomac
plein, m'indiqua qu'elles abondaient au fond de la mer ; les fanons de la
baleine seraient très propres à les amasser et assez forts pour les écraser.
Le nord-caper se nourrit de maquereaux, de thons, de morues et de harengs. M. de
Bréville, capitaine des vaisseaux de la compagnie des Indes, a observé que
quand une baleine de cette espèce rencontre un banc de harengs, elle frappe
l'eau avec sa queue et la fait bouillonner de manière à étourdir ces
poissons, et qu'alors elle en fait sa proie. Willugby a trouvé vingt ou trente
morues dans un individu de cette espèce, et Harrebows raconte que les Islandais
trouvèrent six cents morues vivantes et, outre cela, une grande quantité de
sardines et quelques oiseaux aquatiques dans l'estomac d'un nord-caper qui en
poursuivant des poissons s'était jeté sur le rivage. Toutes les autres espèces
de ce genre se nourrissent de harengs, de salmones arctiques et d'appâts de
vase.
Le narval choisit de préférence les cynoglosses et les actinies : à la vérité
il n'a point de dents pour saisir sa proie, mais des auteurs dignes de foi
assurent qu'il enfile ces poissons avec la dent qui sort de sa mâchoire supérieure,
et qu'après les avoir ainsi ramenés jusque sur le bord des lèvres, il les
suce et les détruit en y passant continuellement la langue.
Les cachalots donnent la chasse aux phoques, aux dauphins, aux cycloptères et
aux baleines à bec. Le grand cachalot poursuit avec acharnement le requin, dont
il fait sa nourriture ordinaire, et cet animal, d'ailleurs si formidable, est
saisi d'une telle frayeur à la vue de cet ennemi terrible qu'il va se cacher
dans la terre ou sous le sable pour se soustraire à sa dent meurtrière ;
quelquefois, se voyant assailli de toutes parts, il se précipite à travers les
rochers et se frappe avec tant de violence qu'il se donne lui-même la mort,
tant est grande la terreur dont il est pénétré ! "Cet effroi va même si
loin, ajoute M. Otho Fabricius, que ce chien de mer, qui recherche avec tant
d'avidité le cadavre des autres cétacés, n'ose pas même s'approcher de celui
du grand cachalot."
Le cachalot microps n'attaque guère que les phoques, qui prennent la fuite
aussitôt qu'ils l'ont aperçu : les uns gagnent précipitamment le rivage, les
autres grimpent sur les glaçons ; alors si le cachalot est seul, il se cache
sous les glaces et attrape les phoques à mesure qu'ils redescendent dans l'eau,
et lorsqu'il y a plusieurs cachalots réunis, ce qui arrive communément, ils
entourent le glaçon, le renversent et se saisissent de leur proie.
Les dauphins vivent de morues, d'aiglefins, de persèques, de pleuronectes et de
beaucoup d'autres poissons d'une grandeur médiocre. L'épaulard est, dit-on, le
plus hardi, le plus vorace et le plus fort de cette famille ; presque tous les
naturalistes s'accordent à dire qu'il attaque même les grosses baleines, qu'il
les met en fuite et qu'il est cause qu'elles viennent souvent échouer sur nos côtes.
» (Introduction p. 18.)
(d)
De là le nom de conducteur qu'on lui a donné, etc. Ce poisson est celui
que nous nommons le centronote pilote. Voici ce qu'en dit M. de Lacépède :
"Le centronote dont nous traitons dans cet article parvient très rarement
à la longueur de deux décimètres ; malgré les dents dont quelques parties de
son corps sont hérissées, il ne pourrait donc se défendre avec succès que
contre des ennemis peu redoutables ni attaquer avec avantage qu'une proie
presque invisible ; son espèce n'existerait donc plus depuis longtemps s'il
n'avait reçu l'agilité en partage. Il se soustrait par des mouvements rapides
au danger qui peut le menacer ; d'ailleurs sa petitesse fait sa sûreté et
compense sa faiblesse. Il n'est recherché ni par les pêcheurs ni par les
grands habitants des mers : l'exiguïté de ses membres le dérobe souvent à
leur vue ; le peu de nourriture qu'il peut fournir empêche qu'il ne soit
l'objet des désirs des marins ou des appétits des squales. Il en résulte pour
cette espèce cette sorte de sécurité qui dédommage le faible de tant de
privations : pressée par la faim, ne trouvant pas facilement à certaines
distances des rivages les œufs, les vers, les insectes, les mollusques qu'elle
pourrait saisir, elle ne fuit ni le voisinage des vaisseaux ni même la présence
des squales ou des autres tyrans des mers ; elle s'en approche sans défiance et
sans crainte, elle joue au-devant des bâtiments ou au milieu des terribles
poissons qui la dédaignent ; elle trouve dans les aliments corrompus que l'on
rejette des navires ou dans les restes des victimes immolées par le féroce
requin des fragments appropriés par leur ténuité à la petitesse de ses
organes. Elle précède ou suit avec constance la proue qui fend les ondes ou
des troupes carnassières de grands squales, et frappant vivement l'imagination
par la tranquillité avec laquelle elle habite son singulier asile, elle a été
bientôt douée par les amis du merveilleux d'une intelligence particulière :
on lui a attribué un instinct éclairé, une prévoyance remarquable, un
attachement courageux ; on l'a revêtue de fonctions très extraordinaires et on
ne s'est arrêté qu'après avoir voulu qu'elle partageât avec l'echénéis le
titre de conducteur du requin, de pilote des vaisseaux. Nous avons été bien
aise de rappeler cette opinion bizarre par le nom spécifique que nous avons
conservé à ce centronote avec le plus grand nombre des auteurs modernes.
Celui qui écrit l'histoire de la nature doit marquer les écueils de la raison,
comme l'hydrographe trace sur ses cartes ceux où ont péri les navigateurs. (Histoire
naturelle des poissons, t. 5, p. 403 et suivantes, édit. in-12.)
(e)
Ainsi qu'un jeune nomme que son pieux amour fait rendre à son vieux père, etc.
Cette comparaison est si touchante, si belle que je crois devoir mettre sous les
yeux du lecteur la traduction latine de Lippius, celle italienne de Salvini et
celle anglaise de John Jones, afin qu'il puisse les comparer à l'original et à
la version française. Voici celle de Lippius :
Ac veluti natus
confecto aetate parenti
Debitor officii jam praemia justa rependit,
Debilibus membris, caligantemque senectam
Luminibus servans, dextram pretendit eunti,
Et movet a cano cuncta impedimenta parente:
Sic nova longaevi sunt partis robora nati.
Voici celle de Salvini :
Qual fanciullo
carezza il vecchio padre,
Co'pensier governanti la viecchiezza,
Del nodire pagando le mercedi,
È quello infiebolito delle membra,
È degli occhi, con studio maneggiando,
L'abbracia, é per le vie la mano porge
E in tutte l'opre aita ; é al padre i figli
Invecchiato, valor sono novello.
Suit
la traduction anglaise de Joint Jones :
As whem some filial breast with tenderest
charme
Nurture repaying love, and duty warms,
The grateful youth, in life's declining stage
His sire deprest with joynt-enfeebling age
Supports, when dim diffusion veils his eyes
Sticks te his side, nor all the day denies
His guiding arm ; along the dang'rous street
The, glad old man with unsupplanled feet
Stalks on secure ; in sons of duteous mind
A secound youth reviving fathers find.
(Can.
5.)
(f)
Ils lui envoient de grandes outres remplies d'air, etc. Le grec dit
pnoiês andromeês (du souffle des hommes), c'est-à-dire de l'air qui sert
ou qui a servi à la respiration des hommes. Il n'était pas possible de
conserver cette expression dans la traduction française : "Les
Groenlandais, dit M. de Lacépède, par un usage semblable à celui qu'Oppien
attribue à ceux qui pêchaient de son temps dans la mer Atlantique, attachent
aux harpons, qu'ils lancent avec autant d'adresse que d'intrépidité contre la
baleine, des espèces d'outres faites avec la peau de phoques et pleines d'air
atmosphérique ; ces outres, très légères, non seulement font que les harpons
qui se détachent flottent et ne sont pas perdus, mais encore empêchent le cétacé
blessé de plonger dans la mer et de disparaître aux yeux des pêcheurs : elles
augmentent assez la légèreté spécifique de l'animal dans un moment où
l'affaiblissement de ses forces ne permet à ses nageoires et à sa queue de
lutter contre cette légèreté qu'avec beaucoup de désavantage pour que la
petite différence qui existe ordinairement entre cette légèreté et celle de
l'eau salée s'évanouisse et que la baleine ne puisse pas s'enfoncer." (Histoire
naturelle des cétacés, t. I, p. 134, édit. in-12.)
(g)
Les pêcheurs entonnent alors le grand péan de la victoire, etc. Le péan était
un hymne qui se chantait lorsque quelque grand et heureux avantage avait été
remporté ; cet usage tirait son origine du chant de joie que les habitants de
Delphes chantèrent en l'honneur d'Apollon après qu'il eut mis à mort à coups
de flèches le serpent Python, ce qui donna lieu aussi à l'institution des jeux
Pythiens.
(h)
Il la retourne et l'assoit sur sa carapace. On pêche les tortues de diverses
manières que M de Lacépède rapporte dans son histoire naturelle des quadrupèdes
ovipares.
" Malgré les ténèbres, dit-il, dont les tortues franches cherchent pour
ainsi dire à s'envelopper lorsqu'elles vont déposer leurs œufs, elle ne
peuvent se dérober à la poursuite de leurs ennemis. À l'entrée de la nuit,
surtout lorsqu'il fait clair de lune, les pêcheurs se tenant en silence sur la
rive, attendent le moment où les tortues sortent de l'eau ou reviennent à la
mer après avoir pondu ; ils les assomment à coups de massue et ils les
retournent rapidement sans leur donner le temps de se défendre et de les
aveugler par le sable qu'elles font quelquefois rejaillir avec leurs nageoires.
Lorsqu'elles sont très grandes, il faut que plusieurs hommes se réunissent et
quelquefois s'arment de pieux, comme d'autant de leviers, pour les renverser sur
le dos. La tortue franche a la carapace trop plate pour pouvoir se remettre sur
ses pattes lorsqu'elle est ainsi chavirée ; et on a dit que lorsqu'elles étaient
retournées hors d'état de se défendre et qu'elles ne pouvaient plus s'épuiser
qu'en vains efforts, elles jetaient des cris plaintifs et versaient un torrent
de larmes. Plusieurs tortues, tant marines que terrestres, font entendre souvent
un sifflement moins fort et même un gémissement très distinct lorsqu'elles éprouvent
avec vivacité ou l'amour ou la crainte : il peut donc se faire que la tortue
franche jette des cris lorsqu'elle s'efforce en vain de reprendre sa position
naturelle et que la frayeur a commencé à la saisir ; mais on a exagéré sans
doute les signes de sa douleur. Pour peu que les matelots soient en nombre, ils
peuvent dans moins de trois heures retourner quarante ou cinquante tortues qui
renferment une grande quantité d'œufs. Ils passent le jour à mettre en
pièces celles qu'ils ont prises la nuit ; ils en salent la chair et même les
œufs et les intestins ; ils retirent quelquefois de la graisse des grandes
tortues jusqu'à trente-trois pintes d'une huile jaune ou verdâtre qui sert à
brûler, que l'on emploie même dans les aliments lorsqu'elle est fraîche et
dont tous les os de ces animaux sont pénétrés, ainsi que ceux des cétacés
ou bien ils les traînent renversées sur leur carapace jusque dans les parcs où
ils veulent les conserver. On peut aussi prendre les tortues franches au milieu
des eaux : on se sert d'une varre ou d'une sorte de harpon pour cette pêche
ainsi que pour celle de la baleine. On choisit une nuit calme où la lune éclaire
une mer tranquille ; deux pêcheurs montent sur un petit canot que l'un d'eux
conduit. Ils reconnaissent qu'ils sont près d'une grande tortue à l'écume
qu'elle produit lorsqu'elle monte vers la surface de l'eau ; ils s'en approchent
avec assez de vitesse pour que la tortue n'ait pas le temps de s'échapper. Un
des pêcheurs lui lance aussitôt son harpon avec tant de force qu'il perce la
couverture supérieure et pénètre jusqu'à la chair ; la tortue blessée se précipite
au fond de l'eau, mais on lui lâche une corde à laquelle tient le harpon, et
lorsqu'elle a perdu beaucoup de sang, il est assez aisé de la tirer dans le
bateau ou sur le rivage.
On a employé dans la mer du Sud une autre manière de pêcher les tortues. Un
plongeur hardi se jette dans la mer à quelque distance de l'endroit où,
pendant la grande chaleur du jour, il voit les tortues endormies nager à la
surface de l'eau ; il se relève très près de la tortue et saisit sa carapace
vers la queue. En enfonçant ainsi le derrière de l'animal, il le réveille,
l'oblige à se débattre, et ce mouvement suffit pour soutenir sur l'eau la
tortue et le plongeur qui l'empêche de s'éloigner jusqu'à ce qu'on vienne les
pêcher.
Sur les côtes de la Guyane, on prend les tortues avec une sorte de filet nommé
la fole. Il est large de quinze à
vingt pieds, sur quarante à cinquante de long ; les mailles ont un pied
d'ouverture en carré, et le fil a une ligne et demie de grosseur. On attache de
deux en deux mailles deux flots d'un
pied et demi de longueur faits d'une tige épineuse que les Indiens appellent moucou-moucou
et qui tient lieu de liège ; on attache aussi au bas du filet quatre à
cinq grosses pierres du poids de quarante à cinquante livres pour le tenir bien
tendu. Aux deux bouts qui sont à fleur d'eau, on met des bouées,
c'est-à-dire de gros morceaux de moucou-moucou
qui servent à marquer l'endroit où est le filet ; on place ordinairement
les foles fort près des îlots, parce
que les tortues vont brouter les espèces de fucus qui croissent sur les rochers
dont ces petites îles sont bordées,
Les pêcheurs visitent de temps en temps les filets ; lorsque la fole
commence à caler, suivant leur langage, c'est-à-dire lorsqu'elle s'enfonce
d'un côté plus que de l'autre, on se hâte de la retirer. Les tortues ne
peuvent se dégager aisément de ces sortes de rets, parce que les lames d'eau,
qui sont assez fortes près des îlots, donnent aux deux bouts du filet un
mouvement continuel qui les étourdit ou les embarrasse. Si l'on diffère de
visiter les filets, on trouve quelquefois les tortues noyées. Lorsque les
requins ou les espadons, rencontrent des tortues hors d'état de fuir et de se défendre,
ils les dévorent et brisent le filet. Le temps de foler la tortue franche est
depuis janvier jusqu'en mai.
L'on se contente quelquefois d'approcher doucement dans un esquif des tortues
franches qui dorment et flottent à la surface de la mer. On les retourne, on
les saisit avant qu'elles n'aient eu le temps de se réveiller et de s'enfuir ;
on les pousse ensuite devant soi jusqu'à la rive, et c'est de cette manière
que les anciens les pêchaient dans les mers de l'Inde. Pline a écrit qu'on les
entend ronfler d'assez loin lorsqu'elles dorment en flottant à la surface de
l'eau. Le ronflement que ce naturaliste leur attribue pourrait venir du peu
d'ouverture de leur glotte, qui est étroite, ainsi que celle des tortues de
terre, ce qui doit ajouter à la facilité qu'ont ces animaux de ne point avaler
l'eau dans laquelle ils sont plongés.
Si les tortues demeurent quelque temps sur l'eau, exposées pendant le jour à
toute l'ardeur des contrées équatoriales, lorsque la mer est presque calme et
que les petits flots, ne pouvant point atteindre jusqu'en dessus de leur
carapace, cessent de la baigner, le soleil dessèche cette couverture, la rend
plus légère et empêche les tortues de plonger aisément, tant leur légèreté
spécifique est voisine de celle de l'eau et tant elles ont de peine à
augmenter leur poids, etc. » (T. 1er, p. 92 et suivantes, édit. in-12.)
(i)
Qui n'a connaissance de cette antique histoire du chanteur de Lesbos,
etc. C'est l'histoire assez connue d'Arion. "On a répété, dit éloquemment
M. de Lacépède, l'histoire de Phallante sauvé par un dauphin après avoir
fait naufrage près des côtes d'Italie. On a honoré le dauphin comme un
bienfaiteur de l'homme ; on a conservé comme une allégorie touchante, comme un
souvenir consolateur pour le génie malheureux l'aventure d'Arion, qui, menacé
de la mort par les féroces matelots du navire sur lequel il était monté, se
précipita dans la mer, fut accueilli par un dauphin, que le doux son de sa lyre
avait attiré, et fut porté jusqu'au port voisin par cet animal sensible et
reconnaissant.
On a nommé barbares et cruels les Thraces et les autres peuples qui donnaient
la mort aux dauphins." (Histoire
naturelle des cétacés, t. 2 ,p. 212.)
(j)
Peut-être aussi a-t-on présente à la mémoire celle affection si justement célèbre
d'un dauphin pour ce jeune berger de la Libye. Les dauphins ont toujours passé
pour avoir une affection particulière pour les jeunes individus de l'espèce
humaine. Pline (liv. 9, ch. 8) raconte plusieurs traits de ces poissons qui en
offrent des preuves multipliées. M. de Lacépède n'a pas manqué d'en
rapporter quelques-uns.
Les animaux de leur espèce, dit-il, ne sont pas les seuls pour lesquels ils
paraissent concevoir de l'affection ; ils se familiarisent du moins avec
l'homme. Pline a écrit qu'en Barbarie, auprès de la ville d'Hippodiarrhite, un
dauphin s'avançait sans crainte vers le rivage, venait recevoir sa nourriture
de la main de celui qui voulait la lui donner, s'approchait de ceux qui se
baignaient, se livrait autour d'eux aux mouvements d'une gaieté très vive,
souffrait qu'ils montassent sur son dos, et obéissait avec autant de docilité
que de précision." (Histoire
naturelle des cétacés, t. 2, p. 199.)
"Les anciens ont prétendu que la familiarité des cétacés était plus
grande avec les enfants qu'avec les hommes avancés en âge. Mécénas-Fabius et
Flavius-Alfius ont écrit dans leurs chroniques, suivant Pline, qu'un dauphin
qui avait pénétré dans le lac Lucrin recevait tous les jours du pain que lui
donnait un jeune enfant, qu'il accourait à sa voix, qu'il le portait sur son
dos, et que l'enfant ayant péri, le dauphin, qui ne revit plus son jeune ami,
mourut bientôt de chagrin. Le naturaliste romain ajoute des faits semblables
arrivés sous Alexandre de Macédoine ou racontés par Égésidème et par Théophraste.
Les anciens enfin n'ont pas balancé à supposer dans les dauphins, pour les
jeunes gens avec lesquels ils pouvaient jouer plus facilement qu'avec les hommes
faits, une sensibilité, une affection et une constance presque semblables à
celles dont le chien nous donne des exemples si touchants. » (Id.,
p. 202).
(k)
L'entière Aeolide conservera toujours le souvenir de cette tendre amitié qu'un
dauphin, etc. Le tableau que nous présente ici Oppien est si touchant, ces
exemples de l'amour des dauphins pour les jeunes gens ont un si vif intérêt
que nous croyons faire plaisir à nos lecteurs de mettre sous leurs yeux la
trente-troisième épître de Pline le jeune, qui nous rapporte un fait du même
genre dans un style qui en rend le récit plus piquant :
A Cavinius.
J'ai découvert un sujet de poème. C'est une histoire qui a tout l'air d'une
fable. Il mérite d'être traité par un homme comme vous, qui ait l'esprit agréable,
élevé, poétique. J'en ai fait la découverte à table, où chacun comptait à
l'envi son prodige. L'auteur passe pour très fidèle, quoique à vrai dire
qu'importe la fidélité à un poète ? Cependant c'est un auteur tel que vous
ne refuseriez pas de lui ajouter foi si vous écriviez l'histoire. Près de la
colonie d'Hippone, qui est en Afrique, sur le bord de la mer, on voit un étang
navigable d'où sort un canal qui, comme un fleuve, entre dans la mer ou
retourne à l'étang même, selon que le flux l'entraîne ou que le reflux le
repousse. La pêche, la navigation, le bain y sont des plaisirs de tous les âges,
surtout des enfants que leur inclination porte au divertissement et à l'oisiveté.
Entre eux ils mettent l'honneur et le mérite à quitter de plus loin le rivage
et celui qui s'en éloigne le plus et qui devance les autres est le vainqueur
dans cette sorte de combat. Un enfant, plus hardi que ses compagnons, s'étant
fort avancé, un dauphin se présente et tantôt le précède, tantôt le suit,
tantôt tourne autour de lui, enfin charge l'enfant sur son dos, puis le remet
à l'eau ; une autre fois le reprend, et l'emporte, tout tremblant d'abord, en
pleine mer ; mais peu après il revient à terre et le rend au rivage et à ses
compagnons. Le bruit s'en répand dans la colonie, chacun y court, chacun
regarde cet enfant comme une merveille ; on ne peut. se lasser de l'interroger,
de l'entendre, de raconter ce qui s'est passé. Le lendemain tout le peuple
court au rivage ; ils ont tous les yeux sur la mer ou sur ce qu'ils prennent
pour elle ; les enfants se mettent à la nage, et parmi eux celui dont je vous
parle, mais avec plus de retenue. Le dauphin revient à la même heure, il
s'adresse au même enfant ; celui-ci prend la fuite avec les autres. Le dauphin,
comme s'il voulait le rappeler et l'inviter, saute, plonge et fait cent tours
différents. Le jour suivant, celui d'après et plusieurs autres de suite, même
chose arrive, jusqu'à ce que ces jeunes gens, nourris sur la mer, se font une
honte de leur crainte : ils approchent le dauphin, ils l'appellent, ils jouent
avec lui ; ils le touchent, il se laisse manier. Cette épreuve les encourage,
surtout l'enfant qui le premier en avait couru le risque ; il nage auprès du
dauphin et saute sur son dos : il est porté et apporté ; il se croit reconnu
et aimé, il aime aussi. Ni l'un ni l'autre n'a de peur, ni n'en donne ; la
confiance de celui-là augmente, et en même temps la docilité de celui-ci ;
les autres enfants même l'accompagnent en nageant et l'animent par leurs cris
et par leurs discours. Avec ce dauphin en était un autre (ceci n'est pas moins
merveilleux) qui ne servait que de compagnon et de spectateur : il ne faisait,
il ne souffrait rien de semblable mais il menait et ramenait l'autre, comme les
enfants menaient et ramenaient leur camarade. Il est incroyable, mais pourtant
il n'est pas moins vrai que tout ce qui vient d'être dit, que ce dauphin qui
jouait avec cet enfant et qui le portait, avait coutume de venir à terre, et
qu'après s'être séché sur le sable, lorsqu'il venait à sentir la chaleur,
il se rejetait à la mer. Il est certain qu'Octavius Avitus, lieutenant du
proconsul, emporté par une vaine superstition, prit le temps que le dauphin était
sur le rivage pour faire répandre sur lui des parfums, et que la nouveauté de
cette odeur le mit en fuite et le fit sauver dans la mer. Plusieurs jours s'écoulèrent
depuis sans qu'il parût : enfin il revint d'abord languissant et triste ; et
peu après ayant repris ses premières forces, il recommença ses jeux et ses
tours ordinaires. Tous les magistrats des lieux circonvoisins s'empressaient
d'accourir à ce spectacle : leur arrivée et leur séjour engageaient cette
ville, qui n'est pas déjà trop riche, à de nouvelles dépenses et achevaient
de l'épuiser. Le concours du monde y troublait l'abord et y dérangeait tout.
On prit donc le parti de tuer secrètement le dauphin qu'on venait voir ! Avec
quels sentiments ne pleurerez-vous pas son sort ! Avec quelles expressions, avec
quelles figures ne relèverez-vous point cette histoire, quoiqu'il ne soit pas
besoin de votre art pour l'augmenter ou l'embellir et qu'il suffise de ne rien
ôter à la vérité ! Adieu." (Trad. de M. de Sacy.)
(l)
On a de petites nasses tissues de joncs très serrés, dont la forme est celle
des paniers connus sous le nom de talares, etc. Les talares étaient des paniers
oblongs où les personnes du sexe mettaient leur laine et qui servaient aussi à
d'autres usages.
(m)
Ils s'en servent ensuite pour faire passer sur de riches étoffes leur belle,
leur superbe teinte pourpre, etc. L'espèce de pourpre qui fournissait aux
anciens celle belle couleur du nom de ce mollusque est, à ce qu'on croit, celle
qui dans la nomenclature de ces animaux porte le nom de purpura patula. Il en existe une autre espèce nommée purpura
capillus dont on se sert maintenant dans le Nord pour colorer en rouge.
(n)
Je ne crois pas qu'il y ait de pêche qui présente de plus rudes combats, de
plus déplorables travaux à ceux qui s'y livrent que celle des éponges, etc.
Les éponges, dit M. de Lamarck, sont des polypiers polymorphes
constituant une masse flexible et poreuse, ayant une croûte, substance gélatineuse,
irritable dans l'état frais et se desséchant à la sortie de la mer, ayant le
plus grand rapport avec les alcyons et s'en distinguant en ce que dans l'état
sec, ils sont plus mous, moins encroûtés, qu'ils offrent dans l'état frais
une matière gélatineuse qu'on ne voit point dans les alcyons.
(o)
Princes chéris de Jupiter, ô mes souverains ! telles sont les diverses
merveilles, les scènes variées, ouvrages de la nature et de l'art, que nous
offrent les mers et dont j'ai recueilli la connaissance. Le grec dit seulement:
"Toss' edaên, skeptouche diotrephes,
erga thalessês." mot à mot : "Prince chéri de Jupiter, tel est
le grand nombre des travaux des mers quel j'ai connus" - Tot, princeps generose maris novimus artes, traduit Lippius. J'ai
cru devoir donner plus de développement au mot erga, le vers où il se trouve étant la péroraison de ce poème,
dont il exprime l'objet et le contenu. J'aurais pu me contenter de mettre :
"Tel est le grand nombre des merveilles des mers venues à ma
connaissance." Ce que j'ai ajouté me paraît terminer beaucoup mieux
l'ouvrage dans lequel il est réellement question de tout ce que la nature et
l'art présentent de curieux et d'utile concernant les animaux des mers. Je
craindrais sans cela que cette péroraison ne parût trop concise et trop
brusque.
FIN DES REMARQUES SUR LA PÊCHE D'OPPIEN.