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OPPIEN

intro

la chasse I

la chasse Il

la chasse III

la chasse IV

la pêche

OPPIEN

LA CHASSE
POÈME
CHANT PREMIER.

Divin mortel (1), c'est pour toi que je chante, glorieux soutien de la terre, astre chéri des belliqueux enfants d'Énée, tendre rejeton du Jupiter d'Ausonie, Antonin, heureux fruit (2) de l'hymen fortuné qui unit à l'illustre Sévère l'illustre Domna. Noble épouse d'un magnanime époux, cette aimable mère d'un fils rempli de grâce, est la Vénus d'Assyrie, c'est Phoebé (3), dont l'éclat lumineux n'est jamais éclipsé. O vous ! dont l'origine ne le cède en rien à celle du fils de Saturne, daignez m'être propices, Titan (4) rayonnant de gloire, et toi brillant Apollon, qui tiens de ton père l'empire de l'univers conquis par ses mains puissantes. C'est pour toi que la terre libérale produit de son sein fécond les fruits et la verdure, c'est pour toi que l'Océan paisible nourrit ses monstrueux habitants, c'est pour toi que tous les fleuves roulent leurs eaux limpides puisées au sein des mers (5), et que la gracieuse Aurore s'élance en souriant dans les cieux.
Je désire chanter les nobles plaisirs (6) de la chasse : Calliope me l'ordonne, et Diane le veut. J'ai entendu, -autant qu'il est permis à un mortel, - j'ai entendu la voix dle cette déesse. Je lui ai répondu. Elle me parla la première et me dit : 
D. Lève-toi, marchons dans un sentier pénible (7) où nul mortel guidé par les Muses n'ait encore porté ses pas.
O. Favorise mes chants, chaste déesse, et la voix d'un mortel secondera tes désirs.
D. Je ne veux point qu'en ce jour tu chantes Bacchus dont les fêtes triennales se célèbrent sur les montagnes (8), ni les danses de ce dieu sur les bords de l'Asope, dont les flots baignent l'Aonie (9).
O. Je ne parlerai point, puisque tu me l'ordonnes, des mystères nocturnes de Sabazius (10). J'ai souvent autrefois mené des choeurs de danse en l'honneur du fils de Thyonée (11).
D. Tu ne célébreras, ni la race des Héros, ni les courses maritimes de l'Argo, ni les guerres des mortels, ni le dieu destructeur qui y préside.
O. Je ne chanterai point les combats ni les funestes exploits de Mars. La défaite des Parthes (12), la prise de Ctésiphonte eussent cependant fourni un noble sujet à mes chants.
D. Garde sur les combats un silence profond. Ne parle pas non plus de la ceinture de Vénus, je hais ce qu'on nomme les jeux de cette fille de l'Océan.
O. Déesse, je le sais, tu n'es point initiée aux mystères de l'hymen.
D. Chante plutôt la guerre que les chasseurs courageux déclarent aux animaux sauvages. Chante les espèces variées et légères des chiens et des coursiers, les ruses subtiles, l'art ingénieux de suivre les bêtes à la piste (13), les haines des habitants des bois, leurs amours formées dans les montagnes, et dont les plaisirs sont exempts de larmes, chante leurs enfantements qui n'ont pas besoin des secours de Lucine.
Tels furent les ordres de la fille du puissant Jupiter, je les ai entendus et je chante. Puisse ma voix frapper au but qui m'est prescrit. Et toi, dont l'empire s'étend des portes de l'Aurore aux extrémités de l'Océan, daigne d'un front serein (14) sourire à mes vers, me tendre avec bonté cette main protectrice qui verse le bonheur sur la terre et sur ses cités, et qui peut assurer le succès de mes chants.
Jadis, un dieu fit présent (15) aux mortels de trois sortes de chasses (16) : l'une s'exerce sur la terre, l'autre dans les airs et la troisième au milieu des eaux, mais les travaux en sont bien différents. Comment pourrait-on comparer l'homme qui, des profondeurs de l'onde tire, avec le secours de la ligne, un poisson palpitant, ou précipite du haut des airs l'oiseau qui plane les ailes étendues, avec celui qui combat sur les montagnes des animaux farouches et sanguinaires ? Ni le pêcheur ni l'oiseleur ne sont assurément dispensés de travail, mais leur peine est toujours suivie d'un plaisir sans mélange : ils ne risquent point de répandre leur propre sang. Tranquillement assis sur les rochers qui bordent le rivage, armé de ses roseaux courbés et de ses cruels hameçons, le pêcheur enchaîne le poisson qui se joue dans les eaux. Quel plaisir pour lui lorsque d'un fer acéré il perce l'habitant de l'onde, l'arrache malgré ses bonds à sa profonde demeure, l'enlève (17) et le voit s'agiter en l'air avec la souplesse et l'agilité d'un danseur! Le travail de l'oiseleur est sans doute bien doux, il ne porte pour sa chasse, ni épée, ni glaive, ni javelots armés d'airain.  L'épervier, (18) compagnon de ses travaux le suit dans les bocages. De longues ficelles, l'humide glu dont la couleur imite celle du miel, des roseaux qui sillonnent les plaines de l'air (19), voilà tout son appareil. Qui oserait assimiler dans ses chants ces différents travaux (20), comparer l'aigle au lion, ce roi des animaux, la murène (21) aux panthères venimeuses (22), les thons aux éperviers, les rhinocéros aux hérissons de mer (23), le pluvier (24) aux chèvres sauvages, et tous les monstres des mers à un seul éléphant ?
Les chasseurs donnent le trépas aux loups, et les pêcheurs aux thons. Les brebis sauvages tombent sous les coups des chasseurs et les oiseleurs ravissent les colombes (25). L'ours est abattu par les hommes hardis qui le poursuivent et le mormyre est la proie de celui qui le guette sur le rivage. Les cavaliers triomphent du tigre et les pêcheurs des trigles. Les chasseurs prennent le sanglier en suivant ses traces, et l'oiseleur avec sa glu enchaîne les rossignols.
O Nérée ! ô divinités qui habitez le sein d'Amphitrite ! et vous, aimable choeur des Dryades qui chérissez les oiseaux, pardonnez ; déjà les Muses me rappellent sur mes pas.  Je vais chanter pour les dieux qui se plaisent à faire couler le sang des animaux sauvages.
Je veux premièrement que les jeunes chasseurs ne soient point chargés d'un embonpoint excessif. Souvent il faut au milieu des rochers s'élancer sur un cheval d'une taille élevée, franchir de larges fossés et poursuivre d'un pied vigoureux et léger les bêtes sauvages à travers les forêts. Que les hommes trop gras ne viennent donc point à la chasse, que ceux qui sont trop délicats s'en abstiennent aussi.  Quelquefois un chasseur passionné se trouve dans la nécessité de combattre corps à corps des animaux belliqueux. Allez porter la guerre dans les bois, vous qu'une heureuse constitution rend tout à la fois et légers à la course et robustes dans les combats. Que dans sa main droite le chasseur agite de longs javelots armés d'un fer à double tranchant, et qu'un glaive recourbé (26) soit passé dans sa ceinture, prêt à donner le trépas aux animaux féroces ou à repousser les attaques des brigands (27). De sa gauche, s'il est à pied, il guidera ses chiens, et s'il monte un cheval, il gouvernera le frein qui dirige le coursier. Sa tunique relevée avec grâce sera fixée au-dessus du genou par le double contour d'une courroie. Le manteau qui flotte en descendant du cou sur l'un et l'autre bras, doit être rejeté derrière les épaules.  Les mouvements du chasseur en seront plus libres. Ceux qui s'attachent à suivre les traces incertaines des habitants des bois, doivent marcher à nu, de peur que le bruit de la chaussure qui gémit pressée sous le pied, ne dissipe le sommeil épanché sur les yeux des animaux. Il vaudrait encore mieux ne point porter de manteau. Agité par le souffle de l'air, souvent il effraie le gibier timide et lui fait prendre la fuite. Que les chasseurs soient donc légèrement vêtus.  C'est ainsi que les aime la fille de Latone, cette déesse qui se plaît à lancer des traits.
L'heure de la chasse varie suivant les différentes saisons. On triomphe des bêtes sauvages lorsque le jour commence, et quand il est près de finir, à midi et quelquefois le soir, quelquefois aussi durant la nuit, à la clarté des rayons de la lune. Cependant le lever de l'aurore est l'instant le plus propice aux chasseurs. Les regards sereins de cette déesse répandent sur l'univers un calme favorable aux courses fatigantes, lorsque le printemps fait éclore les feuilles ou que l'automne sur son déclin les sème à nos pieds.
Les saisons tempérées secondent merveilleusement la vitesse des coursiers, des chasseurs et des chiens. Elles règnent lorsque le printemps répandant ses trésors sur la nature chasse au loin les nuages, pères des frimas, et que la mer aplanie, permet aux nautoniers de déployer sur les vaisseaux ces ailes éclatantes qui les font voler sur la surface de l'onde, lorsque la terre, souriant au cultivateur, délie les noeuds qui captivaient les fleurs, entrouvre les boutons de rose. Elles règnent à la fin de l'automne, au dernier solstice (28), lorsque la maison du laboureur est enrichie des présents de Pomone, qu'il a recueillis avec soin ; lorsque le fruit de Minerve remplit les vases de sa liqueur onctueuse, lorsque foulant la grappe (29), le vendangeur chante joyeusement l'hymne du dieu du vin, et que, par les soins de l'abeille les ruches sont chargées des rayons d'un miel odorant.
Si l'hiver est dans sa force, chassez au milieu du jour, à l'heure où retiré dans sa cabane, le berger allume une flamme passagère avec quelques bois secs ramassés dans les forêts et fait, assis près du feu, les apprêts de son repas. Mais en été, évitez les rayons enflammés et l'ardeur dévorante du soleil. Je vous invite à vous mettre en marche aux premiers traits du crépuscule, à la pointe du jour, lorsque le laboureur attelant ses boeufs sous le joug de la charrue déchire en longs sillons le sein de la terre ou sur le soir, lorsque le soleil inclinant son char, le berger donne à ses troupeaux le signal du retour : ils reviennent alors aux étables, courbés sous le poids de leurs mamelles gonflées de lait. Les petits, quittant leur retraite, se précipitent en foule au-devant de leurs mères et bondissent autour d'elles, les veaux bondissent autour des génisses, les agneaux bêlants appellent les brebis, les chevreaux courent auprès des chèvres et les poulains légers folâtrent aux cotés des juments.
(30) Voici les instruments et les armes de la chasse, ces armes qui ne respirent que le carnage, et que doivent porter dans les bois et sur les montagnes des chasseurs courageux et pleins d'ardeur pour ce noble travail : des rets, des fourches pour les supporter, des filets dans lesquels la proie gémira captive, des toiles, des osiers fortement tordus, une longue panagre (31), une lance à trois pointes (32), une pique toute de fer armée d'un large tranchant (33), un harpon (34), des pieux, des flèches ailées, des épées, des haches, un trident propre à donner le trépas aux lièvres, des crochets tortueux, des anneaux de plomb, des ficelles de sparte, des pièges, des noeuds (35), des perches et une gibecière faite d'un tissu de mailles nombreuses.
Menez avec vous à la chasse de généreux coursiers, mais n'y conduisez que des mâles.
Non seulement les cavales, trop faibles de jarret ne pourraient pas fournir une longue course à travers les forêts, mais il faut encore se tenir en garde contre le tempérament lascif du cheval et écarter loin de lui les juments de peur que les désirs amoureux ne le fassent hennir, et que saisis d'épouvante aux sons éclatants de sa voix, les faons, les chevreuils légers, les lièvres timides ne prennent aussitôt la fuite.
Les races des chevaux sont variées à l'infini. Le nombre des espèces égale celui des divers peuples que la terre nourrit de ses fruits. Je vais nommer les coursiers qui surpassent les autres par leur vigueur et qui dans un concours remportent le prix sur leurs rivaux.
Tels sont ceux de Tyrrhène, de Sicile, de Crète, de Mazace (36), d'Achaïe, de Cappadoce (37), les maures, les scythes, ceux de Magnésie, de Thessalie, d'Ionie, d'Arménie, les chevaux libiens, thraces et arabes.
Les gouverneurs des hippodromes et des harras, instruits de leur art, reconnaissent pour un excellent coursier celui dont le corps est embelli des formes que je vais décrire.
Sur son cou flexible s'élève une tête de médiocre grosseur. Sa taille est allongée, ses membres sont arrondis. Sa tête relevée ramène par ses mouvements sa mâchoire inférieure sur son poitrail. Son front, large et brillant, est couronné d'une crinière touffue (38) qui naît du sommet de la tête. Ses yeux vifs et pleins de feu semblent trop à l'étroit sous leurs paupières enflammées  Je lui veux de larges naseaux, une bouche médiocrement fendue, de courtes oreilles, une crinière flottante sur un cou arrondi comme le panache dont un casque est rehaussé. Que son poitrail soit fourni, son corps allongé, son dos large et garni d'une double épine qui donne de l'embonpoint à ses reins, qu'on en voie jaillir une queue longue et touffue. Ses cuisses doivent être pleines et musculeuses, mais sa jambe, vers le pied, sera mince, effilée, semblable à celle du cerf dont le front est orné de longs rameaux et qui court avec la rapidité des tempêtes. Que le talon du cheval soit recourbé, qu'une sole épaisse et dure enveloppe son pied et s'élève au-dessus de la terre.
Tel doit être un généreux coursier. Bouillant d'ardeur, ce belliqueux compagnon de vos travaux, ne respire que les combats de la chasse. Tels sont ceux de Toscane, d'Arménie, d'Achaïe et ceux que la Cappadoce nourrit au pied du mont Taurus. J'ai remarqué dans ces derniers une singularité surprenante : tant qu'ils conservent dans la bouche les dents de leur enfance et que leur corps est gonflé de lait, il n'ont aucune vigueur, mais plus ils vieillissent plus ils deviennent légers et prompts à la course. Voilà ceux qu'il faut dresser aux combats et à la chasse des bêtes féroces.  Ils s'élancent avec audace au-devant des armes, rompent les phalanges les plus serrées, attaquent les animaux les plus courageux.
Avec quelle fierté le coursier belliqueux entend, au milieu des batailles, le son martial de la trompette (39) ; signal des combats ! De quel oeil intrépide il fixe un épais bataillon de jeunes guerriers et soutient les éclairs foudroyants du fer et de l'airain ! il sait quand il doit rester immobile ou fondre sur l'ennemi. Il comprend l'ordre des généraux. Ombragé d'une aile d'airain, souvent il approche des remparts ennemis, lorsque, animés du désir de saccager une ville, les guerriers élèvent sur leurs têtes de larges boucliers obliquement affermis l'un sur l'autre, et forment par leur industrie une plaine au milieu des airs.  L'éclat éblouissant de l'astre du jour frappe l'airain qui le repousse en longs éclairs jusqu'aux voûtes célestes.
La nature qui produit tant de merveilles, entre mille belles qualités, a surtout donné au coursier le courage des humains (40) et un coeur capable de nos diverses affections. Il hennit en voyant son illustre cavalier. Il gémit (41) lorsque dans les combats il voit tomber le courageux compagnon de sa gloire. Quelquefois le cheval, au milieu des batailles, a rompu les liens du silence (42), et franchissant les lois de la nature, a pris une voix humaine et parlé comme les mortels : le belliqueux coursier du roi de Macédoine, Bucéphale, combattait avec ses armes naturelles ; un cheval courut légèrement sur la sommité des fleurs, un autre, sur les flots de l'Océan, sans toucher l'onde amère ; un cheval porta le vainqueur de la Chimère au-dessus des nuages ; un cheval, par ses hennissements et les ruses d'un écuyer, donna un souverain aux peuples de la Perse (43). Ces animaux respectent les liens de la nature et du sang. Il est inouï qu'ils aient jamais formé d'hymen illégitime. Ils ne brûlent que d'une pudique ardeur.
(44) On dit qu'autrefois un monarque, riche en troupeaux, possédait dans ses campagnes un superbe et nombreux haras. Une maladie funeste moissonna tous ses chevaux et n'en épargna que deux, une cavale et son jeune poulain qu'elle allaitait encore. L'âge eut à peine formé sa taille, que son maître, homme impie, tenta de faire passer la mère dans les bras du fils. Bientôt il s'aperçut de l'aversion qu'ils avaient pour un hymen incestueux que leur fait abhorrer la nature Alors il médite un dessein affreux et machine contre eux une ruse perfide, guidé par l'espoir de faire revivre la race de ses coursiers. Dans la profondeur de sa scélératesse, il commence par couvrir de peaux et le fils et la mère. Il les oint l'un et l'autre de parfums.  Il se flattait, sans doute, de dissiper l'odeur qui détruisait en eux l'amour. O dieux ! il ne vit pas qu'il commettait un crime. Enfin cet hymen abominable, détesté des coursiers, s'accomplit.  Tel autrefois, chez les mortels, se célébra l'hymen fatal du fugitif Oedipe.  Mais il ne sont pas plutôt dépouillés de leurs voiles que, connaissant cette noire trahison, et pénétrés d'une douleur profonde, ils se lancent des regards menaçants. La malheureuse cavale regarde avec horreur son fils, qui n'était plus son fils, et celui-ci, époux criminel, incestueux, sa déplorable mère, qui avait cessé de l'être. Ils se cabrent en frémissant de rage, rompent leurs liens, fuient à travers la plaine et, remplissant l'air de leurs hennissements, semblent prendre les Immortels à témoin de ce crime et former des imprécations contre l'auteur de cet excécrable hyménée. Gémissant enfin de leur sort, ils s'élancent avec fureur, se frappent la tête contre les rochers, se brisent le crâne et se privent volontairement de la vie. Ils expirent la tête penchée l'un vers l'autre. C'est ainsi qu'une antique renommée a consacré la gloire des coursiers.
De tous les chevaux que nourrissent les innombrables contrées de la terre, les plus légers à la course sont ceux de la Sicile, qui paissent dans les plaines de Lilybée et sur la triple montagne dont le poids fait gémir Encélade. Là, des flancs de l'Etna s'élève en bouillonnant et jaillit sans cesse dans les airs un fleuve de feu semblable à la foudre que vomit la nue. Les coursiers arméniens qui bondissent sur les rives de l'Euphrate, et les Parthes ornés d'une longue crinière, déploient encore plus de vitesse que ceux de Sicile. Cependant les chevaux d'Ibérie l'emportent de beaucoup sur les Parthes (45).  Dans leurs courses ils fort résonner la plaine sous un pied plus rapide (46). L'aigle qui s'élance dans les vastes champs de l'air, l'épervier qui plane les ailes étendues ou le dauphin bondissant sur les flots, peut seul leur être comparé. Mais ces chevaux sont petits, ils ont peu de force, encore moins de courage.  Une course de quelques stades épuise bientôt toute leur vigueur. D'ailleurs leur corps est embelli des formes les plus élégantes, mais leur sole a peu de consistance, elle est humide et molle et prend trop de largeur.
La race légère des coursiers de Mauritanie est préférable à toute autre pour les longues courses et les travaux fatigants. Après eux, ceux de la Libye, qui habitent les plaines sablonneuses de Cyrène, fournissent aussi une longue carrière. Ces deux espèces sont assez semblables, elles diffèrent seulement par la taille.  Les chevaux libyens sont plus grands et plus robustes, leur corps est allongé, et, comme les côtes de leurs flancs sont plus larges que celles des autres chevaux, ils paraissent d'une taille plus considérable et courent avec plus de vitesse. Ils supportent courageusement le poids de la chaleur et l'ardeur dévorante de la soif.
Les chevaux de Tyrrhène et les espèces innombrables que nourrit la Crète ont le double avantage de fournir avec vitesse une longue carrière. Les chevaux siciliens sont plus prompts que les maures, les parthes le sont plus que ceux de Sicile.  Ce sont les seuls qui, sans prendre la fuite, soutiennent le rugissement épouvantable du lion.
Ces diverses espèces sont propres à chasser les divers animaux. Leurs yeux vous instruiront du choix que vous en devez faire. Poursuivez les cerfs aux pieds tachetés avec les coursiers aux yeux bleus. Dressez contre les ours les chevaux aux yeux pers ; ceux dont l'oeil respire le sang, menez-les contre les léopards. Le coursier dont les regards font jaillir de longs traits de flamme doit poursuivre les sangliers, et celui dont la large prunelle étincelle de feu attaquera les lions aux yeux étincelants.
Mais le coursier dont la beauté suprême efface celle de tous les autres, c'est le coursier de Nisée (47). Il sert de monture aux riches souverains. Sa taille élégante charme les yeux. Il offre au cavalier un siège commode, et sa bouche délicate obéit promptement au frein. Sa tête est petite, il est vrai, mais couronnée d'une épaisse et longue crinière qui flotte orgueilleusement sur son cou et dont la couleur brillante le dispute à l'or du miel.
Il est encore une autre espèce de coursiers dont l'aspect gracieux flatte agréablement les regards, ils sont rayés et pleins de vivacité.  On les appelle orynges (48), soit parce qu'ils naissent et vivent sur les montagnes ombragées de forêts, soit parce qu'ils poursuivent leurs femelles avec impétuosité. La beauté des orynges, relevée par les plus vives couleurs, est de deux sortes. Les uns ont le cou et le dos peints de longues raies tracées l'une après l'autre. Tels sont les tigres légers enfants du léger Zéphyr. Les autres sont ornés, ainsi que les léopards, de taches circulaires semées en grand nombre sur tout le corps. L'industrie des humains a coloré ces derniers dès l'enfance, en leur brûlant le poil avec un fer ardent.
Depuis longtemps, les mortels ont imaginé les moyens ingénieux de peindre un jeune poulain dans les flancs mêmes de sa mère. Que le génie de l'homme est puissant ! Qu'il est fertile en inventions ! Tout ce qu'il projette, il l'accomplit ! Il imprime diverses couleurs sur les chevaux encore renfermés dans le sein maternel !
En effet quand l'aiguillon de Vénus presse la cavale amoureuse et qu'elle attend que le superbe étalon vienne bondir à ses côtés, alors on embellit ce noble époux en lui peignant le corps des couleurs les plus vives.  Tout fier de sa beauté on le conduit à son amante. Tel paré de riches vêtements, par les mains des matrones qui président aux mariages, couronné de fleurs exhalant les doux parfums de Palestine, un jeune homme s'avance vers la chambre nuptiale en chantant l'hymne des époux, tel le coursier bouillant d'ardeur annonce son hymen par ses hennissements. On retient quelque temps, en présence de son épouse, cet époux éclatant de beauté et tout écumant de désirs, puis on le laisse courir aux aimables caresses de l'amour. Bientôt la cavale dont les yeux ont reçu l'empreinte des vives couleurs dont brillait l'étalon attire dans ses flancs les germes producteurs, conçoit et met au jour un fils qui brille des riches couleurs de son père.
Par de semblables moyens, ceux qui s'appliquent à dresser des gluaux, les oiseleurs, ont aussi trouvé l'art de peindre de diverses nuances les petits des colombes. Lorsque ces oiseaux s'approchent pour goûter les plaisirs de l'hymen et confondent avec un doux murmure leurs becs amoureux dans celui de leurs épouses, le mortel qui nourrit ces oiseaux apprivoisés emploie une ruse ingénieuse. Il place auprès des femelles des vêtements feints dans la pourpre éclatante. L'aspect agréable de cette couleur charme les yeux des colombes au moment où leur coeur s'ouvre à la volupté et leur fait donner le jour à des petits revêtus de pourpre.
Les habitants de la Laconie usent envers leurs épouses d'un pareil stratagème. Lorsqu'elles portent dans le sein le fruit de leurs amours, on expose à leurs regards des tableaux où sont représentés les jeunes héros qui, par une rare beauté, brillèrent autrefois parmi les mortels : Nirée, Narcisse, le blond Hyacinthe, le belliqueux Castor et son frère Pollux, qui fit tomber sous ses coups le cruel Amycus, ou les aimables demi-dieux et les Immortels dont les grâces sont vantées, Phébus couronné de laurier et Bacchus entouré de lierre. Ces femmes prennent plaisir à considérer des images charmantes, et, frappées d'admiration pour la beauté, elles mettent au jour de beaux enfants.
Tels sont les préceptes que l'on peut donner sur les coursiers. 

ô
mon génie ! chantez à présent, mais d'un ton plus bas (49), les races légères des chiens (50).  Dites quels sont ceux qui par leur vigueur l'emportent sur les autres et que les chasseurs recherchent avec plus de soin. Ce sont les chiens de Péonie (51), d'Ausonie (52), de Carie, de Thrace, d'Ibérie, d'Arcadie, d'Argos, de Lacédémone (53) et de Taigète, les chiens sarmates  celtes et crétois, les magnésiens, les amorgéens (54), tous ceux qui sur les rivages sablonneux de l'Égypte gardent les grands troupeaux, les locriens et les molosses (55) aux yeux brillants.
Si vous voulez mêler et croiser ces races excellentes, c'est au printemps qu'il faut leur dresser le lit nuptial. C'est au printemps que les désirs de l'amour, plus chers à tous les coeurs, enflamment également les chiens et les reptiles odieux, les habitants de l'air et ceux des eaux. C'est au printemps que la vipère (56), chargée d'un venin mortel, se rend au rivage pour s'enlacer à sa maritime épouse. Au printemps, tout le vaste Océan frémit avec un doux murmure sous la loi de Cythérée. Les poissons agités par les désirs de l'hymen font rider en courant la surface unie de la mer. Au printemps, les ramiers amoureux poursuivent les colombes, les chevaux caressent de leurs pieds (57) les cavales qui paissent dans la prairie, les taureaux impétueux s'élancent sur les génisses, les béliers aux cornes recourbées saillissent les brebis, les sangliers enflammés d'amour fondent sur les laies, les boucs chevauchent (58) les chèvres velues. Les mortels eux-mêmes brillent au printemps d'une plus vive ardeur, tous les êtres enfin fléchissent en cette saison sous le joug de Vénus.
En unissant par l'hymen les différentes races, ayez soin d'accoupler ensemble celles qui ont des convenances et des rapports plus marqués (59). Aux chiens d'Élide mariez ceux d'Arcadie, ceux de Pannonie à ceux de Crète. Donnez à un époux sarmate une épouse ibérienne. Par ce moyen vous ferez d'heureux mélanges.  Toutefois les races excellentes ne doivent point être croisées (60). Elles en sont meilleures au jugement des chasseurs expérimentés.
Les races des chiens sont innombrables ; je vais néanmoins décrire la forme et la beauté de quelques-unes.
(61) Un beau chien doit avoir le corps nerveux et allongé, la tête médiocre, légère, ornée de grands yeux dans lesquels brillent des prunelles d'un bleu tendre. Sa gueule largement fendue est armée de fortes dents, ses oreilles sont courtes et revêtues d'une peau délicate. Il a le cou long, la poitrine large et fournie, les pattes de devant plus courtes que les autres, montées sur un tibia long et droit. Il lui faut de larges omoplates, les côtes des flancs arquées, des reins charnus sans être gras, et d'où jaillit une queue rude, épaisse, nerveuse et garnie de longs poils. Tels sont les chiens que l'on destine aux longues courses et à poursuivre les chevreuils, les cerfs et les lièvres rapides.
(62) Il en est d'autres dont un courage martial est l'apanage. Ils attaquent les taureaux, s'élancent sur les sangliers impétueux et leur donnent le trépas. Pleins de confiance en leurs propres forces, ils ne redoutent pas même les lions, leurs souverains. Une taille énorme les fait ressembler à des collines élevées. Ils ont le museau aplati et de vastes sourcils qui retombant sur les yeux leur donnent un air terrible. De brillantes prunelles étincellent dans leurs yeux enflammés. Leur corps robuste est revêtu d'un poil épais et présente un large dos. Ils ne sont pas légers à la course, mais leur courage est extrême, leur force ne saurait s'exprimer, et leur valeur indomptable ne redoute aucun danger.
Formez à la chasse ces chiens belliqueux, ils poursuivent tous les monstres des forêts. Cependant la couleur blanche ou bleue annonce en eux de mauvaises qualités. Les chiens de ce poil ne sont pas capables de supporter longtemps l'ardeur du soleil ni la rigueur des frimas. L'on doit préférer à tous les autres ceux qui par la couleur ou la forme ressemblent aux bêtes cruelles, aux loups meurtriers des brebis, aux tigres aussi légers que les zéphyrs, aux renards, aux panthères. Tous ceux qui portent la couleur de Cérès et du froment sont à la fois robustes et prompts à la course.
Si vous mettez vos soins à élever de jeunes chiens (63), ne permettez jamais qu'ils sucent la mamelle d'une chèvre, d'une brebis ou d'une chienne domestique. Ils deviendraient pesants et n'auraient aucun courage. Qu'ils tètent plutôt une biche, une lionne apprivoisée, une chevrette ou une louve qui se plaît aux courses nocturnes. Par là vous leur procurerez la force et la vitesse, et ils seront semblables aux nourrices qui les auront allaités.
(64) Donnez à vos chiens, lorsqu'ils sont dans l'enfance, des noms courts et qui se prononcent avec rapidité, afin qu'ils entendent rapidement votre voix. Accoutumez-les, dès leur tendre jeunesse, à chasser avec les coursiers dont ils doivent être les compagnons. Doux et amis de tous les humains, qu'ils n'aient de haine que pour les bêtes sauvages. Qu'ils ne soient point enclins à aboyer.  Le silence (65) est une loi sacrée pour les chasseurs, surtout pour ceux qui suivent les animaux à la piste.
Cette espèce de chasse, assez difficile, se fait de deux manières, ou par les hommes ou par les chiens. Les hommes, dont le génie est si fertile en inventions, reconnaissent à la vue et suivent les traces des animaux.  Les chiens les découvrent par le seul odorat. L'hiver est pour cette chasse la saison la plus favorable aux humains.  Ils suivent d'un oeil facile leur proie, dont tous les pas, tracés sur la neige ou imprimés dans la boue, frappent les regards. Le printemps est aussi ennemi de l'odorat des chiens que l'automne lui est propice. Au printemps, la terre se couvre de plantes et de fleurs de toute espèce. Elle exhale mille parfums. Les prairies, sans le secours de l'agriculture, se parent de l'éclat de la pourpre, et la campagne embaumée émousse entièrement l'odorat qui conduit le chien sur les traces du gibier. Mais lorsque l'automne sur son déclin mûrit les fruits et les raisins, alors les plantes desséchées (66) permettent aux chiens d'exercer sans obstacle le sens qui les guide à la chasse.
Parmi les chiens qui chassent à la piste, il est une espèce excellente (67), petite à la vérité, mais qui seule mériterait un long poème. Les peuples sauvages de la Bretagne (68) qui se peignent le corps de couleurs variées, élèvent ces animaux avec soin et les nomment agasses (69) en leur langage. Cette race, par sa grosseur, est assez semblable à ces chiens méprisés et gourmands, condamnés à travailler pour les plaisirs de la table. La taille des bassets est cambrée. Ils sont maigres et revêtus d'un poil épais,  ils ont peu de vivacité dans les yeux, mais leurs pattes sont armées d'ongles redoutables et leur gueule est hérissée d'un rempart de dents serrées, dont la morsure est venimeuse. C'est surtout par la délicatesse de son odorat que l'agasse l'emporte sur tous les autres chiens. Il excelle à aller en quête, et n'a pas moins de talent pour connaître par le flair la route que le rapide oiseau suit dans les airs que pour trouver la piste des animaux qui courent sur la terre.
Voulez-vous éprouver les dispositions de ces chiens ? portez loin des portes de votre habitation un lièvre vivant ou mort, mais imitez en marchant les sinuosités d'un sentier tortueux. Suivez d'abord une route droite, puis détournez obliquement vos pas. Allez ensuite à gauche, revenez à droite, et formez les replis d'un labyrinthe. Lorsque vous serez éloigné de la ville ou des portes de votre demeure, creusez une fosse et enterrez-y votre gibier. Retournez ensuite à votre logis, puis revenant sur vos pas amenez avec vous votre chien que l'inquiétude et le désir de la quête tourmentent déjà. A peine sera-t-il lancé dans la plaine que vous le verrez frémir de joie à l'odeur du lièvre et chercher ses traces sur la terre. Quelle que soit son ardeur, il ne peut d'abord les trouver ; il erre de tous côtés avec inquiétude, va, revient sur ses pas, se tourmente et s'agite. Telle une jeune épouse, lorsque la dixième lune amène le terme de son premier enfantement, frappée de l'aiguillon douloureux de Lucine, arrache la bandelette qui captivait sa chevelure, déchire le riche vêtement qui couvre son sein, presque nue, souffrante, et les cheveux épars, elle erre dans ses appartements, tantôt elle revient se jeter sur son lit, quelquefois se roulant sur la poussière, elle pousse des cris douloureux et flétrit de sa main les roses de ses joues, de même celui-ci, tourmenté d'un chagrin dévorant, court çà et là, et tour à tour interroge chaque pierre, chaque butte, redemande sa proie à tous les sentiers, aux arbres, aux vignes, aux buissons, aux guérets. Mais lorsqu'il en rencontre enfin la trace, il fait éclater sa joie par ses aboiements aigus. Comme une tendre génisse bondit autour de la mère qui l'allaite, il s'élance transporté de plaisir. Vainement vous chercheriez à le détourner en vous éloignant de lui.  Attiré par l'odeur qui le flatte, il poursuit sa quête sans relâche jusqu'à ce qu'il ait fourni sa carrière et qu'il soit parvenu au terme de ses travaux.
Si vous lancez ce chien sur des lièvres qui n'auront point encore été chassés, il s'approchera d'eux sans se laisser apercevoir, et posant ses pas sur leurs traces, il se glissera sous les vignes ou dans les roseaux, pour se dérober à leur vue. Tel un voleur, pour ravir un chevreau, guette l'instant où le berger sommeille et s'approche à pas de loup, le chien n'est pas plutôt parvenu en rampant au buisson où son lièvre est gîté, qu'il s'élance avec la rapidité d'un trait, ou plutôt d'un serpent qu'un moissonneur éveille lorsqu'il reposait auprès de son repaire venimeux, ainsi le chien se précipite avec ardeur. S'il atteint son gibier, il le terrasse, lui donne aussitôt le trépas avec ses ongles aigus, et, saisissant dans sa gueule cet énorme fardeau, il s'avance à votre rencontre.  Accablé sous le poids, haletant de fatigue, il s'empresse de vous apporter sa proie.
Vous avez vu en été un char traîner avec effort dans une métairie la moisson dont il est surchargé. Les rustiques villageois le voyant s'avancer de loin, courent en foule à sa rencontre.  Les uns pèsent sur les roues, d'autres poussent par derrière, ceux-là soulevant le timon secondent les efforts des boeufs.  Le char entre.  A l'instant on délie le joug, les boeufs couverts de sueur se reposent de leurs fatigues et leur conducteur ouvre son coeur à la joie. C'est ainsi que le chien s'avance portant à sa gueule le fardeau de sa proie.  Le chasseur joyeux s'empresse d'aller à sa rencontre et prenant dans ses bras et le gibier et celui qui l'a pris, il serre l'un et l'autre contre son sein.

NOTES SUR LA CHASSE D'OPPIEN,

PAR M. BELIN DE BALLU.

CHANT PREMIER

Nous avons joint parfois aux notes d'Oppien des fragments sur les animaux dont il parle, que nous avons puisés dans les oeuvres d'histoire naturelle d'Eldémiri, historien arabe.

(1) Divin mortel. Les Romains donnaient à leurs empereurs les titres de divus et de deus.  Oppien, pour les imiter, appelle le jeune Antonin makar, qui ne signifie pas seulement heureux, comme Turnèbe et Rittershuis l'ont interprété. Ce mot chez les Grecs équivalait à celui de dieu. Il paraît que les Romains ont puisé cet usage chez les Perses, qui prodiguaient à leurs souverains les titres les plus magnifiques et les appelaient des dieux, comme on le voit dans Eschile, tragédie des Perses, v. 154, où le choeur dit : "Respectable mère de Xerxès, je vous salue ; épouse de Darius, vous avez partagé le lit d'un dieu des Perses, et vous êtes la mère d'un de leurs dieux."

(2) Heureux fruit. Le texte dit à la lettre que "la grande Donna engendra au grand Sévère, mariée avec un heureux époux, grosse d'un heureux enfantement." Les Grecs aiment telle répétition d'épithètes, notre langue les évite avec soin.
Cette Domna est Julie Domna, fille de Basanius, prêtre du soleil, et Syrienne de nation. Sévère, lorsqu'il méditait la révolution qui le fit monter sur le trône, l'épousa après la mort de Marcia, sa première femme, parce que l'horoscope de Julie lui promettait un souverain pour époux. Julie aimait et cultivait les lettres,  elle accueillait les savants et les récompensait. C'est à sa sollicitation que Philostrate composa son roman intitulé : La Vie d'Apollonius de Thyane. Diogène de Laërte lui dédia son ouvrage sur la vie et les opinions des philosophes grecs.

(3) C'est Phoebé dont l'éclat. à la lettre : "C'est une lune qui n'est jamais éclipsée." Le surnom de Vénus Assyrienne fait allusion à la patrie de Julie, qui était de Syrie. Ainsi le poète la compare à la déesse Astarté, fameuse par le temple que les Syriens lui avaient élevé et par le culte qu'ils lui rendaient dans Hiérapolis.  Il nous reste sur cette déesse et sur son temple une dissertation écrite en ionien, que l'on attribue à Lucien, mais il ne paraît pas qu'il en soit l'auteur.

(4) Titan - Apollon. C'est Sévère et Antonin qu'Oppien désigne sous ces noms.

(5) Puisées au sein des mers. Si Oppien dit que les fleuves tirent leurs eaux de l'Océan, c'est que chez les poètes les plus anciens et les meilleurs mythologues, l'Océan est regardé comme le père de toutes les eaux. Cette doctrine fondée sur la saine physique est enseignée par Homère (Iliade, 1. 21, v, 195) et expliquée par Platon dans le Phédon (p. 112, édition de Serraunus).

(6) Les nobles présents. Le texte dit: "Les nobles inventions."

(7) Dans un sentier pénible. A la lettre : "Dans un rude sentier que nul mortel n'ait foulé dans ses chants." Oppien est le premier des Grecs qui ait écrit en vers sur la chasse.

(8) Les fêtes triennales. Le grec : "Bacchus des montagnes, triennal." Ce nom fut donné à Bacchus à cause des sacrifices qu'on lui offrait tous les trois ans dans les fêtes instituées par les Béotiens en mémoire de l'expédition de ce dieu dans les Indes et de son apparition aux hommes, laquelle dura trois ans. (Diodore de Sicile, liv. 4, p. 211.)

(9) Qui baignent l'Aonie. C'est la Béotie qui fut, comme on le sait, le berceau de Bacchus. L'Asopus et l'Ismenus traversaient la plaine de Thèbes.

(10) Sabazius. C'est le nom que les Thraces donnaient à Bacchus, selon le scholiaste d'Aristophane sur les Guêpes, v. g.  Selon Strabon (liv. 10, p. 324), c'est un dieu de Phrygie : "Sabazius, dit-il, tient aux mystères de Phrygie ; c'est en quelque sorte l'enfant de Rhéa ajouté au cortège de Bacchus." Lucien met aussi Sabazius au rang des dieux étrangers dans l'Icaroménippe, p. 783. Il fait dire à ce voyageur céleste : "L'heure du souper étant venue, Mercure me prit par la main et me fit asseoir à coté de Pan, à la table des Corybantes, d'Atis, de Sabazius et des divinités étrangères."  Mais Diodore de Sicile rapporte une opinion différente sur Sabazius : "Quelques personnes racontent, dit-il au liv. 4, p. 112, qu'il y eut un autre Bacchus plus ancien que celui-ci (le fils de Sémélé), fils de Jupiter et de Proserpine. C'est celui-là que quelques-uns nomment Sabazius ... Ses mystères, ajoute plus bas cet historien, n'ont été introduits que dans le plus grand secret à cause de la licence extrême de son culte." Il paraît par là que Diodore confond Bacchus Sabazius avec Bacchus Zagraeus, dont l'auteur des Dionysiaques donne l'histoire au 6e chant de son poème, et qu'il ne reconnaît que deux Bacchus, au lieu qu'il y en eut trois, comme le témoigne Nonnus Dionys (liv. 48, p. 1306, v. 1) : "Athènes célébra Bacchus par de triples mystères ; ses citoyens formant enfin des choeurs mystérieux, firent résonner l'airain en l'honneur de Zagraeus, de Bromius et d'Iacchus." Selon Orphée ou l'auteur des hymnes publiés sous son nom, Sabazius est Jupiter, père de Bacchus. Ce passage d'Oppien peut faire soupçonner que dans sa première jeunesse il avait composé des poésies dithyrambiques. 

(11) Fils de Thyonée. Surnom de Sémélé. Il signifie furieuse. Suivant le scholiaste d'Apollonius de Rhodes (liv. 1er, v. 636 du poème des Argonautes), Eschyle fut le premier qui donna ce nom à Sémélé dans une tragédie où il la représentait enceinte et transportée d'une fureur bacchique qui se communiquait aux femmes qui lui touchaient le ventre.  

(12) La défaite des Parthes. La prise de Ctésiphonte, leur ville capitale. Cet événement arriva, selon Baronius, l'an de Jésus-Christ 197, la troisième année du règne de Septime Sévère. Voici les détails que nous en a conservés Hérodien (liv. 3) : "Sévère, après quelques jours de marche, vint attaquer Ctésiphonte, où résidait le grand roi Artaban (les Romains comme les Perses donnaient ce titre à leurs souverains). Les Romains, qui avaient surpris les Barbares avant que ceux-ci eussent fait aucun préparatif pour se défendre, tuèrent tout ce qui s'offrait à leur rencontre, saccagèrent entièrement la ville, firent prisonniers les femmes, les enfants, les vieillards. Le roi eut bien de la peine à se sauver avec un petit nombre de cavaliers. Ses trésors tombèrent entre les mains des vainqueurs qui pillèrent toutes ses richesses et reprirent ensuite le chemin de Rome. Sévère, continue l'historien, dut plutôt cette victoire à son heureuse fortune qu'à sa bonne conduite et à sa prudence. Il manda ses succès au sénat, auquel il en écrivit en termes magnifiques. Il voulut mème qu'on consacrât le souvenir de ses combats et de ses victoires par des monuments et des inscriptions." Ce fut à cette occasion qu'on fit élever l'arc de triomphe sous le nom d'arc de Sévère, et l'un des plus beaux monuments de Rome.  Il subsiste encore.  On peut en voir la figure dans le quatrième tome de l'Antiquité expliquée de D. Montfaucon.  

(13) Les bêtes à la piste. à la lettre :  "Les travaux de la piste qui procurent un grand gain."  

(14) D'un front serein. Le texte porte : "De tes sourcils immortels."  Les Grecs plaçaient dans les sourcils l'expression de la joie ou de la douleur.  

(15) Un dieu fit jadis présent. Oppien suit ici l'opinion de Xénophon, qui commence ainsi son Traité de la chasse :  "L'art de chasser et d'élever les chiens est une des inventions des dieux Apollon et Diane."  

(16) Trois sortes de chasses. La vénerie, la pêche et l'oisellerie. Oppien en cet endroit donne à la pêche l'épithète d'aimable, parce que les Romains en faisaient plus de cas que de la chasse. Salluste même va jusqu'à nommer ce dernier exercice l'ouvrage d'un esclave (opus servile.) Mais les Grecs pensaient bien différemment.  Ils n'avaient au contraire que du mépris pour la pêche, et Platon, dans ses Lois, l'interdit expressément aux jeunes gens bien nés.

(17) L'enlève.  Le grec dit : "Enlève au travers des airs ce danseur marin."  Métaphore très singulière, mais véritable et dont il existe un grand nombre d'exemples dans les auteurs anciens. 

(18) L'épervier compagnon de ses travaux. Plusieurs savants, entre autres M. de La Cerne de Sainte-Palaie (Mémoires sur l'ancienne chevalerie, liv. 3, p. 182), ont pensé que la chasse à l'oiseau était inconnue aux anciens. Ce passage de notre poète s'élève contre leur sentiment, et plus encore ce que Pline dit d'après Aristote (liv. 9, chap. 36) : "En Thrace, dans le voisinage d'Amphipolis, les hommes et les éperviers chassent de compagnie : ceux-ci font partir les oiseaux des bois et des buissons, et les éperviers qui planent fondent sur eux au moment qu'ils s'envolent."  

(19) Qui sillonnent les plaines de l'air. A la lettre : "Des roseaux qui foulent le sentier de l'air." Ces roseaux d'oiseleur étaient enduits de glu et servaient principalement à la pipée pour abattre les oiseaux lorsqu'ils volaient autour du pipeur. La manière dont celui-ci les abattait en les frappant est décrite par Pétrone, chap. 40 de sa Satire. Dans le repas de Trimalcion on apporte un cochon dont le ventre était rempli d'oiseaux qui s'envolent aussitôt qu'on lui ouvre le flanc d'un coup de couteau de chasse. Des oiseleurs étaient là disposés de place en place, et avec des roseaux enduits de glu ils abattaient les oiseaux à leur passage. Ces roseaux s'allongeaient et se raccourcissaient à volonté, parce qu'on les adaptait les uns au bout des autres.  

(20) Assimiler ces différents travaux. A la lettre : "Chanter ces choses comme étant d'un poids égal." Telle est la force de l'expression grecque isotalanta.  

(21) La murène (la lamproie). Ce poisson, qui a la forme d'un serpent et le corps troué comme une flûte, est très avide de chair humaine. Il faisait autrefois les délices des tables somptueuses de Rome.  On le nourrissait à grands frais dans de superbes viviers dont un certain C. Hirrius, fameux par sa gourmandise, fut l'auteur. Cet homme dépensait chaque année des sommes immenses pour la seule nourriture de ses lamproies. Quelques-uns de ces voluptueux poussaient la barbarie jusqu'à faire jeter dans leurs viviers des esclaves vivants afin de mieux engraisser leurs poissons : "Crassus supporta, dit Porphyre (De abstinentia carnis, liv. 3, § 5 ), la mort de trois de ses enfants et fut plongé dans la plus grande affliction de la mort d'une de ses lamproies." L'histoire naturelle de ce poisson, celle du mormyre, appelé morme en français, et des mulets ou trigles sera traitée dans les remarques sur le poème de la pêche. 

(22) Les panthères venimeuses. Selon une opinion de l'Antiquité, les panthères recèlent un venin subtil dans leurs griffes.  Le texte porte simplement "Le poison des panthères", et au second chant le poète place ce poison dans leurs dents.  

(23) Aux hérissons de mer. Le hérisson de mer est le même que les naturalistes nomment orbis. 

(24) Le pluvier. L'oiseau que les Grecs appelaient laros et les Latins gavia est le goéland ou mouette, espèce d'oiseaux aquatiques, palmipèdes, dont le bec est fort, long, étroit, pointu, un peu courbé à l'extrémité. (Voyez le Dictionnaire de Bomare.) C'est par erreur que j'ai traduit ce mot par pluvier.  

(25) Ravissent les colombes. Les prennent à la volée par le moyen de leurs roseaux enduits de glu.

(26) Allez porter la guerre. La chasse, qui n'est chez nous qu'une course à cheval, était chez les anciens une véritable image de la guerre. Ils y prenaient un exercice violent capable de former le corps et de l'endurcir aux plus rudes fatigues. Pollux, dans la préface du 5e livre de son Onomasticon, recommande la chasse à son élève Commode, depuis empereur : "Il vous convient, lui dit-il, de vous appliquer à la chasse.  Ce plaisir est celui des Héros et des rois. C'est un exercice qui fortifie le corps, aiguise le courage.  La patience pacifique, l'audace belliqueuse y sont tour à tour employées. La bravoure s'accroît par les dangers.  On devient robuste, léger à la course, excellent cavalier. Cet art éveille l'intelligence et fait aimer le travail."  Et Porphyre remarque avec raison que les animaux chasseurs sont plus intelligents que les autres, parce que, dit-il, ils exercent un art qui en leur procurant la subsistance leur fait acquérir des forces et du courage. (Porphyre, De abstinentia, liv. 1, § 14.)  

(27) Les attaques des brigands. On ne doit pas être surpris de ce qu'Oppien dit ici des attaques des brigands : les anciens dans leurs chasses parcouraient une grande étendue de pays, étaient des mois entiers hors de leurs habitations, vivaient et couchaient dans les bois et sur les montagnes. On dit même que Mithridate, roi de Pont, passa sept ans de suite à la chasse sans entrer dans aucune ville ni dans aucune maison.  

(28) Au dernier solstice. Le texte dit : "Au solstice d'automne."  Ce que nous appelons solstice, d'après les Latins, qui croyaient que le soleil était immobile, les Grecs l'appelaient retour du soleil. Ils avaient connu et observé dès la plus haute antiquité  la marche rétrograde de cet astre, et Homère dit  qu'Atlas, père de Calypso, auquel il attribue une science universelle, avait élevé dans l'île d'Ogygie deux colonnes sur lesquelles étaient représentés le ciel et la terre (Odyss. liv. 1, v. 53). Il y avait aussi marqué les solstices (liv. 15, v. 403.)  

(29) En foulant la grappe. Le sens de ce vers était fort incertain, mais je crois l'avoir fixé par une correction assez probable d'après laquelle il faut traduire : "Lorsque le pressureur danse l'épilénion sur les grappes de la vigne." C'était en effet un usage dans l'antiquité de danser sur le pressoir et de fouler la vendange en sautant et en dansant.  Cette danse s'appelait épilénion, c'est-à-dire la danse du pressoir. Ainsi Théocrite, dans l'Idylle 7, v. 24, dit : "Allez-vous danser ou sauter sur le pressoir de quelque habitant de la ville ?" Cette danse était une pantomime qui représentait les différents travaux de la vendange. Voici la description qua nous en donne Longus dans sa charmante pastorale des Amours de Daphnis et Chloé (liv. 11, p. 61, édition de M. de Villoison) : " Charmés d'entendre la flûte de Philétas, les bergers gardaient un profond silence. Tout à coup Dryas se lève, il prie le vieillard de jouer un air bachique et se met à danser une danse de pressoir. On le voyait tantôt couper la grappe et vendanger, tantôt porter des paniers, ensuite fouler le raisin, remplir les tonneaux, boire du vin doux." On appelait aussi épilénion (la chanson du pressoir) l'air au son duquel on dansait cette pantomime. Athénée, dans la description de la pompe de Ptolémée Philadelphe (liv. 5, p. 119), en parle en ces termes : "Suivait un char à quatre roues, long de vingt coudées, large de seize, tiré par trois cents hommes et sur lequel était établi un pressoir de vingt-quatre coudées de long et de quinze coudées de large chargé de grappes de raisin que soixante satyres foulaient en chantant au son de la flûte un épilénion."  

(30) Voici les instruments. Il n'est pas possible de traduire avec exactitude les noms de ces divers instruments et de ces armes employées dans une espèce de chasse qui nous est peu connue et que depuis plusieurs siècles on a cessé de pratiquer. Contentons-nous d'en prendre une idée en rapprochant ce qu'en ont écrit les auteurs de l'Antiquité qui ont précédé ou suivi notre poète.  Nous parviendrons peut-être à fixer le véritable sens des termes dont il s'est servi.  D'ailleurs cette partie de l'Antiquité peut piquer la curiosité du lecteur, et comme elle n'a jamais été traitée par personne, j'ai cru devoir l'éclaircir autant que mes faibles lumières me le permettraient.
D'abord il faut observer que chez les anciens Grecs, du temps d'Homère, les instruments de chasse n'étaient que des instruments de guerre.  On se servait également contre les animaux et contre les ennemis de la hache, de l'arc, du javelot, de la pique, de la massue. Il paraît que ce fut beaucoup plus tard que les Grecs connurent les filets et les pièges. Il fallait alors forcer le gibier à la course ou le combattre corps à corps. Dans les chasses de Cyrus, décrites par Xénophon, il n'est point parlé de ces ruses que les chasseurs ont employées depuis, ni de ces instruments qui suppléent à la force et à la vitesse. Ce n'est pas qu'ils ne fussent déjà connus du temps de Xénophon, mais cet admirable historien, toujours fidèle au costume, n'a point voulu prêter au siècle de son héros des inventions qui n'avaient pris naissance que longtemps après. Virgile, il est vrai, n'a pas fait difficulté de parler de filets en décrivant au 4e livre de l'Éneide la chasse d'Enée et de Didon,  mais Virgile use en cet endroit du privilège des poètes.
Les filets de chasse en usage chez les Grecs étaient de trois espèces.  On les nommait diktua, arkues et enodia. (Je suis obligé d'employer les termes grecs, puisque notre langue n'en a point qui puissent les représenter.) Ces filets étaient faits avec du lin. Le meilleur se tirait d'Égypte, de Carthage, de Colchide et d'Espagne.  Celui des vallées de Cumes était encore fort estimé. Pour donner plus de solidité au tissu du filet, Xénophon veut que le lin dont il est fait soit composé de trois cordes formées chacune de trois fils réunis et tordus ensemble. La première espèce de filet, la plus grande, était le dikluon. Ses mailles étaient composées de seize fils réunis, au lieu que les autres n'en avaient que neuf. (Pollux, I. 5.) La longueur de ce filet était depuis dix jusqu'à trente brasses. Xénophon conseille de ne pas les faire plus longs de peur qu'ils ne soient trop difficiles à manier. Cependant le poète latin Gratius veut que le grand filet ait quarante pas d'étendue (environ deux cents pieds de roi) et dix mailles de hauteur, tandis que Xénophon en demande trente. Ces mailles pouvaient avoir jusqu'à quatre pouces de largeur, ce qui donnait au filet une hauteur assez considérable pour que les animaux ne pussent pas le franchir.
On ajoutait à ce grand filet une partie que n'avaient pas les autres et que l'on appelait sardonnes. Voici la définition qu'en donne Pollux : "On ajoute à ces filets des sardonnes qui sont la frange du filet et qui le soutiennent après le dernier rang de mailles à l'endroit où le péridrome et l'épidrome portent sur les fourches."  Ainsi ces sardonnes servaient à accrocher le filet sur les fourches. 
Les filets nommés archues étaient les plus petits.  Leur forme était celle d'un capuchon et se terminait en pointe. Ils ressemblaient en grand aux bourses dont on se sert aujourd'hui pour prendre des lapins et des renards. Les chasseurs anciens employaient les archues en les plaçant de distance en distance entre les diktua, qui, étendus à travers la plaine sur un long espace, empêchaient le gibier de passer. Alors les animaux cherchaient une issue en courant le long du filet, et quand ils trouvaient un archus, ils entraient dans la concavité de cette bourse, qui se fermait par les efforts que l'animal faisait pour passer outre et qui tiraient deux cordes appelées péridrome et épidrome.
L'archus était donc composé de deux parties principales : la bourse, que l'on appelait brochos, dont l'ouverture avait une forme rhomboïde, et le péridrome ou épidrome, corde passée dans la dernière rangée des mailles de cette bourse, tant dans celle d'en haut que dans celle d'en bas.  Elle dépassait le filet des deux côtés et servait à la fermer. Cette corde devait ètre sans noeuds afin de couler plus aisément.  Elle régnait le long du grand filet, passée dans des anneaux de corde que l'on ménageait en le faisant.  Ces anneaux s'appelaient strophia et stropheia.
Les anciens se servaient encore pour leurs chasses d'une troisième espèce de filets dont Oppien ne parle pas, mais qui n'étaient pas d'un moindre usage que les autres. On les plaçait sur les chemins, et pour cette raison ils étaient nommés enodia. Leurs mailles étaient composées de douze fils réunis.  Ils avaient une partie appelée mastoi (mamelles) dont j'ignore l'usage.
Quand ces filets ne servaient point, on les renfermait dans un sac de peau de veau ou de peau de chien.
Pour les dresser dans la plaine, on les appuyait sur des fourches que l'on nommait en grec staliches, schalides, schalidômata, en latin valli, vari, cervi. Elles étaient fermement plantées en terre, de distance en distance, mais un peu inclinées l'une vers l'autre pour leur donner plus de solidité. Ces fourches étaient de grandeur inégale, suivant l'inégalité du terrain.  Leurs pointes devaient être lisses et unies.  Il n'était pas besoin qu'elles fussent longues, on ne les faisait que par une incision peu profonde.  

(31) Une longue panagre. C'était encore une espèce de filet propre à prendre toute sorte d'animaux. On n'en sait rien de plus. 

(32) Une lance à trois pointes. L'arme qu'Oppien désigne ici est la même que la lance dont Pollux donne la description (liv. 5, segm. 21.)  Le fer de cette lance avait par sa forme quelque ressemblance avec nos hallebardes : il était composé de même de trois parties, dont celle du milieu s'appelait la langue.  Les deux autres étaient nommées les ailes. Voilà pourquoi Oppien lui donne le nom de lance à trois pointes. Il ne faut pas la confondre avec le trident à lièvre dont il est parlé plus bas.

(33) Une pique de fer. Cet instrument, que les Grecs appelaient sigunê ou zibunê, était une pique entièrement de fer en usage chez les Macédoniens et chez les Cypriotes.

(34) Un harpon. C'est ainsi que je rends arpalagon, sur lequel je n'ai trouvé aucun renseignement. L'étymologie de ce mot peut faire penser qu'il désigne un instrument propre à prendre les lièvres.

(35) Des noeuds. Ne serait-ce point des mailles dont il faut faire provision pour raccommoder les filets s'ils venaient à se rompre ?

(36) De Mazace ou de Mazie. Ce dernier nom est celui d'une contrée d'Afrique, voisine de la Mauritanie, dont les peuples étaient nommés par les Romains Mazices.

(37) De Cappadoce. Ces chevaux portaient une marque distinctive et particulière, un kappa ou un sigma imprimé sur la fesse ou sur l'épaule. Quelquefois on leur imprimait une marque différente, comme une tête d'animal, de boeuf, de singe, de loup, etc. Ces marques désignaient vraisemblablement leur qualité et leur prix.

(38) Une crinière abondante. Le grec porte : "Et de son toupet descendent et s'agitent sur son front les boucles touffues de ses crins."  Oppien appelle ces boucles chorumboi, mot qui signifie proprement les bouquets de lierre qui croissent en grappes et forment des guirlandes : "La crinière est, dit Xénophon dans son traité De re equestri, le plus bel ornement du cheval, c'est la parure que les dieux lui ont donnée."  Les chevaux en sont si fiers que, suivant le même auteur, il faut couper les crins aux juments que l'on veut accoupler avec les ânes,  sans quoi elles ne consentiraient jamais à déroger dans leurs amours.  - Ses yeux vifs et pleins de feu. Selon. Xénophon, les yeux du cheval doivent être saillants pour paraître plus vifs et avoir meilleure vue. - De larges naseaux : "Des naseaux larges, dit Xénophon, rendent la respiration du cheval bien plus facile que ceux qui sont qui sont étroits et donnent en même temps à l'animal un air plus vif et plus animé." - Une bouche médiocrement fendue. Xénophon est du même sentiment qu'Oppien. Les os de la tête doivent être saillants et la bouche doit être petite : "Il faut encore, ajoute-t-il, examiner si les joues sont douces et molles ou rudes, ou si elles ont d'autres qualités." - De courtes oreilles. "Le sommet de la tête étroit, de très courtes oreilles donnent un meilleur air au cheval, dit Xénophon."  Le mouvement des oreilles du cheval fait connaître suivant les anciens, les impressions qu'il ressent.- Sur un cou arrondi. La courbure du cou du cheval est très exactement décrite par Xénophon, le plus habile écrivain de l'antiquité sur l'hippiatrique : "L'encolure en sortant de la poitrine ne doit point tendre en avant comme celle du sanglier, mais, semblable à celle du coq, il faut qu'en s'élevant vers la tête elle soit arrondie avec grâce."
Voici un portrait du cheval tracé par Eldémiri dans son histoire arabe des animaux.
"Le cheval est naturellement fier, plein d'amour-propre et attaché à son maître. Une des marques de la grandeur et de l'élévation de son caractère, c'est qu'il ne touche point aux restes du fourrage qu'un autre a laissé. On dit que le calife Méronan avait un cheval qui ne se laissait approcher par le palefrenier qu'après le lui avoir permis. Le palefrenier, avant d'entrer dans l'écurie, faisait du bruit en remuant le sac dans lequel il lui donnait l'avoine. Si le cheval hennissait, c'était signe qu'il pouvait entrer,  et s'il entrait sans avoir pris cette précaution et s'être assuré par là de son consentement, l'animal se jetait sur lui.
La jument est d'un naturel très ardent ; c'est pour cela qu'elle s'accouple avec le mâle d'une autre espèce. Elle n'est que très peu sujette au flux périodique. Le cheval peut saillir à quatre ans.  Il vit quelquefois jusqu'à quatre-vingt-dix. On remarque qu'il rêve comme les hommes. Il ne boit que de l'eau trouble, et la trouble exprès quand elle est claire. On dit qu'il a la vue très perçante. S'il marche sur les traces d'un loup, ses jambes s'engourdissent au point qu'il peut à peine se remuer. On v voit souvent de la fumée s'élever de son corps. Le cheval, dit-on, n'a point de rate, comme le chameau n'a point de fiel. L'auteur qui fait cette remarque observe à cette occasion que pour se préserver de toute douleur dans cette partie du corps, il faut avoir soin de mettre toujours le soulier droit le premier et de l'ôter le dernier.
Mahomet a dit : « Entre l'instant où Dieu m'a envoyé et celui où j'ai commencé ma mission, il n'y a pas eu plus d'intervalle qu'entre deux chevaux qui courent le prix et dont le vainqueur devance à peine son camarade de l'oreille, c'est-à-dire j'ai obéi à l'instant même où Dieu m'a envoyé pour annoncer sa parole» On dit de même en proverbe : « Ils sont comme deux chevaux qui se disputent le prix de la course, c'est-à-dire ils vont de pair» On se sert aussi de ces comparaisons : « Avoir la vue plus perçante, être plus docile qu'un cheval. » Les Arabes disent encore : «Il est comme un cheval alezan ; s'il avance avec ardeur, il se fait égorger, s'il recule, on lui coupe les jarrets» Cette expression vient de ce que les Arabes regardent les chevaux alezans comme de mauvais augure et croient qu'ils portent malheur à ceux qui les montent."

PORTRAIT D'UN CHEVAL, EXTRAIT D'UN POETE ARABE. 

Moallaka de Amriolkays.

"Avant même que les oiseaux sortent de leurs nids, je saute sur un agile coursier dont le poil est court et luisant, qui devance les bêtes les plus légères et les arrête dans leur fuite. Plein de vigueur et de force, il se détourne, il fuit, il avance, il recule en un instant avec la rapidité d'un énorme caillou qu'un torrent impétueux détache et précipite du haut d'un rocher. La selle glisse sur son poil rougeâtre et luisant comme les gouttes d'eau qui tombent sur un marbre poli. Lors même que la fatigue a diminué ses forces, il brûle d'une noble impatience, et dans l'ardeur, qui l'anime, sa voix entrecoupée imite le bruit de l'eau qui bout dans un vase d'airain. Tandis que les coursiers les plus généreux, réduits aux abois, impriment profondément dans la poussière les traces de leurs pas, il précipite encore sa course légère.  Il renverse le cavalier jeune et léger et fait voltiger les habits de celui que l'âge a rendu plus pesant. Il a les reins d'une gazelle et les jambes d'une autruche.  Il trotte comme le loup et galope comme un jeune renard. Ses hanches sont larges et robustes. Sa queue touffue traîne presque jusqu'à terre et remplit tout l'espace qui est entre ses jambes sans incliner plus d'un côté que de l'autre. Lorsqu'il est debout auprès de ma tente, le poli éclatant de son dos est semblable à celui de la pierre sur laquelle on broie des parfums pour une jeune épouse au jour de ses noces et qui sert à piler les grains de la coloquinte. Le sang des bêtes sauvages qu'il a prises à la chasse, et dont ses naseaux sont souillés, imite la couleur d'une barbe flottante teinte avec du jus de hinna. (C'est une plante dont les Arabes expriment le jus pour teindre leur barbe. Il paraït que c'est le souchet ou curcuma qui donne une couleur de pourpre. Les Espagnols l'appellent alhena, nom qu'ils ont pris des Arabes. On l'appelle en latin cyperus.)

(39) De la trompette. Le texte porte : "Des longues flûtes." La flûte des anciens rendait un son militaire.  Plusieurs peuples s'en servaient dans les combats, soit pour donner le signal, soit pour exciter le courage des soldats ou pour régler leur marche : "Les Lacédémoniens, dit Lucien (Traité de la danse, p. 273), combattent au son de la flûte et en mesure ; ils marchent d'un pas réglé. Chez eux la flûte donne le premier signal du combat.  Aussi ont-ils toujours été vainqueurs quand ils ont été conduits par la musique et le rythme."  Athénée dit la même chose.  (p. 627)  Les Lacédémoniens combattent au son des flûtes, les Crétois au son de la lyre, les Lydiens au son des chalumeaux et des flûtes.

(40) Le courage des humains. Aussi, les Égyptiens représentaient un cheval pour exprimer dans leurs hiéroglyphes la bravoure et la franchise. C'est ce que nous apprend Clément d'Alexandrie au 5e livre de ses Stromales, p. 567.

(41) Il gémit. Les chevaux d'Achille pleurèrent la mort de Patrocle et celle d'Achille même. (Homère, Iliade, 17, v. 426, et Quintus Calaber, liv. 3, v. 470.)

(42) A rompu les liens du silence. Le cheval d'Achille, Xanthus, lui prédit que son jour fatal approche. (Iliade, liv. 19, v. 408.)

(43) Donna un souverain aux peuples de la Perse. Après que Darius, fils d'Hystapes, eut tué le mage Smerdis, qui avait usurpé le trône de Perse, les sept nobles persans résolurent d'élire pour roi celui dont le cheval hennirait le premier en entrant dans les faubourgs de la ville. Olbaarès, écuyer de Darius, attacha pendant la nuit, à l'endroit convenu, une jument qu'aimait le cheval de son maître  et la lui fit saillir.  Le lendemain ce cheval hennit en arrivant et Darius fut aussitôt salué roi.

(44) On dit qu'autrefois. Cette histoire se trouve dans Élien (De nat. anim., liv. 4, ch. 7), qui a suivi Oppien dans la marche de son récit. Aristote, Pline et Antigonus Carystius en font aussi mention et nous apprennent que le souverain auquel cette aventure arriva était roi de Scythie, mais aucun auteur ne l'a nommé.

(45) Les chevaux d'Ibérie. Les anciens donnaient le nom d'Ibérie à deux contrées fort différentes et fort éloignées l'une de l'autre, à l'Espagne ou plutôt à sa partie méridionale, qui s'étend depuis les colonnes d'Hercule jusqu'au fleuve Ibérus (l'Ébre).  La seconde Ibérie était située entre la Colchide et l'Albanie.  C'est la province que nous appelons aujourd'hui Géorgie.

(46) Ils font résonner la plaine. Oppien fait connaître par ce trait la bonté du pied des chevaux d'Ibérie car, suivant la remarque de Xénophon, le bruit que fait le cheval en courant est une preuve de la bonté de ses pieds. La comparaison suivante est tirée du poème des Bassariques de Dionysius de Samos

(47) Le coursier de Nisée. Il y eut deux villes célèbres dans l'antiquité qui portèrent le nom de Nisée, l'une située en Attique au-dessous de Mégare, l'autre en Asie dans la Médie.  C'est de cette dermère dont il s'agit ici. Ses chevaux passaient pour les plus beaux et les meilleurs de l'univers.  Elle nourrissait dans ses plaines un haras si nombreux que du temps d'Alexandre il se montait à cinquante mille chevaux.  Auparavant il était bien plus considérable. Ces chevaux étaient destinés au service des rois de Perse et à celui de leurs favoris, auxquels ils accordaient la permission d'en user. Le présent d'un tel cheval était si estimé que Lucien, en parlant de l'historien Ctésias, qui avait été médecin d'Artaxerxe, roi de Perse, dit que l'on ne doit point attendre la vérité d'un historien qui espère recevoir en présent du roi de Perse la robe persane, un collier ou un cheval de Nisée.

(48) On les appelle orynges. On ne peut pas douter, d'après la description qu'Oppien fait de cet animal, que ce ne soit le même que le zèbre décrit par Buffon.

(49) Mais d'un ton plus bas. Le texte dit : "O mon génie! descends maintenant dans le sentier des chiens."

(50) Dites quels sont ceux. Les anciens Grecs, c'est-à-dire ceux du temps de Xénophon, rappelaient à deux espèces générales toutes les espèces particulières de chiens propres à la chasse : la première était appelée castoride et la seconde alopécide. Castor, qui aimait beaucoup la chasse, avait dressé cette première espèce et lui avait donné son nom ; l'autre, produite, à ce que croyaient les Grecs, par une chienne et par un renard, portait le nom de cet animal. Mais les connaissances des Grecs s'accrurent depuis.  Plusieurs auteurs suppléèrent à ce qui avait échappé aux anciens, et Xénophon le jeune, plus connu sous le nom d'Arrien, malgré la précaution qu'il a prise de se nommer dans son ouvrage, composa un traité sur les chiens de chasse, surtout sur les chiens gaulois, qui n'avaient pas été connus du premier Xénophon. Les poètes qui ont écrit avant ou après Oppien reconnaissent comme lui un grand nombre d'espèces de chiens de chasse :
Mille canum patriae, ductique ab origine mores,
Cuique sua,
dit Gratius (Cynég., v. i54). Claudien (De Cons. Stilichonis, v. 297 et suivants) nomme avec des épithètes caractéristiques plusieurs espèces de chiens, et Pollux (Onom. liv. 5, ch. 1), donne une liste de ceux qui sont le plus estimés.  Les amateurs peuvent la consulter.
Voici le portrait du chien tracé par Eldémiri :
"Le chien semble former une classe intermédiaire entre les bêtes carnassières et les animaux connus sous le nom générique de bestiaux. Il tient des premières en ce qu'il se nourrit de chair, et des autres par ses moeurs et sa manière de vivre en société avec l'homme. On en distingue deux espèces, le chien domestique et celui qu'on nomme selouki du nom d'une ville de l'Arabie heureuse, mais ces deux espèces ont les mêmes caractères. On remarque que cet animal rêve durant son sommeil. La femelle est sujette à des écoulements périodiques.  Elle porte soixante jours ou environ.  Ses petits naissent aveugles, et leurs yeux ne s'ouvrent que douze jours après leur naissance. Le mâle sent les aiguillons de l'amour plutôt que la femelle.  Celle-ci peut être couverte à un an et quelquefois plus tôt. Le nombre de ses petits et la variété de leurs couleurs répondent au nombre des mâles qui l'ont couverte et à la couleur de leurs poils. Le chien a l'odorat plus fin que tous les autres animaux.  Il suit très bien à la piste, il préfère la charogne à la viande fraîche, mange des excréments et retourne à ce qu'il a vomi. Il y a antipathie singulière entre le chien et l'hyène. Le chien a l'instinct de défendre son maître et de garder sa maison en son absence comme en sa présence, la nuit comme le jour. Il n'y a pas d'animal qui veille avec plus d'exactitude lors même qu'il est pressé par le besoin de dormir. Il dort plus ordinairement durant le jour, où sa vigilance est moins nécessaire. Pendant son sommeil, il a l'oreille plus alerte au moindre bruit que le cheval, et il est plus difficile de le surprendre que la pie. Ses paupières demeurent toujours entrouvertes et ne pont point repliées l'une sur l'autre parce que son sommeil est très léger.  Ccela vient de ce que sa cervelle est froide en comparaison de celle de l'homme.
"La sagacité de cet animal est si grande qu'il connaît les personnes d'un état distingué, les respecte et n'aboie point contre elles, tandis qu'il aboie contre les nègres et les gens pauvres ou mal vêtus et les écarte de son chemin. Il témoigne son amitié par ses caresses et le mouvement de sa queue et s'attache si fortement à son maître que lorsqu'il l'appelle après l'avoir battu, il vient aussitôt à lui. Si l'on joue avec lui, il mord doucement sans faire aucun mal.  Ses dents sont si fortes qu'elles peuvent serrer une pierre et la retenir. Le chien est susceptible d'instruction. Il en est que l'on accoutume à tenir un chandelier sur leur tête sans se remuer même pour prendre la nourriture qu'on leur jette jusqu'à ce qu'on le retire. Cet animal dans certains temps est sujet à la mélancolie. 
Un écrivain arabe raconte l'aventure suivante : Un voyageur passant proche d'un bourg vit un tombeau d'une construction magnifique sur lequel était gravée cette inscription : "Si tu désires savoir à quelle occasion ce monument a été élevé, entre dans le bourg voisin : c'est là que tu l'apprendras."
Il y entra en effet, mais il ne se trouvait personne qui pût satisfaire sa curiosité ; enfin on l'adressa à un vieillard âgé de plus de deux cents ans qui lai raconta l'histoire suivante, qu'il disait tenir de son père : « Un roi de ce pays, lui dit-il, avait un chien qui ne le ne quittait jamais.  Il avait aussi une jeune esclave muette et entièrement percluse des deux jambes. Il sortit un jour pour se promener dans un de ses jardins et fit attacher le chien, ne voulant pas qu'il le suivît. Pendant son absence, son cuisinier lui prépara un mets fait avec du lait, suivant l'ordre qu'il lui en avait donné, l'apporta dans l'endroit où étaient l'esclave et le chien et l'y laissa sans couvrir le vase. Lorsqu'il se fut retiré, un énorme serpent s'approcha du vase, et après avoir bu, il y rejeta ce qu'il avait pris et se retira. Le roi, étant de retour, se disposait à prendre son repas et ne comprenait rien aux signes que l'esclave faisait pour l'empêcher de toucher au mets qu'on lui avait apprêté.  Le chien commença alors à aboyer en poussant des hurlements affreux et à s'agiter dans sa chaîne avec tant de violence qu'il semblait prêt à s'étrangler. Le prince, surpris de cette fureur, le fit détacher, et aussitôt le chien sautant sur sa main fit tomber le morceau qu'il portait déjà à sa bouche. Il voulait le faire battre à coups de fouet, mais l'animal enfonça sa tête dans le vase qui était devant le prince et n'eut pas plutôt goûté de ce qui était dedans qu'il fut renversé par terre et sa chair tomba en morceaux. Le roi comprit alors par les signes de l'esclave tout ce qui était arrivé. Il punit le cuisinier qui avait laissé le vase découvert et fit jeter ce qui était dedans.  En même temps il donna ordre d'enterrer le chien, d'élever ce monument sur le lieu de sa sépulture et d'y graver l'inscription que vous avez lue. »
On rapporte aussi ce trait remarquable d'un chien qui appartenait à un habitant de Bagdad. Cet homme, qui s'amusait à élever des chiens et à les dresser, en avait un auquel il était plus particulièrement attaché. Comme il sortait un jour de grand matin pour quelque affaire, ce chien le suivit et ne voulut point le quitter, quelque chose qu'il fît pour le renvoyer. Chemin faisant, il passa dans un lieu où demeuraient plusieurs de ses ennemis.  Ceux-ci profitèrent de ce qu'il était sans armes pour l'attaquer.  Ils se saisirent de lui, l'emmenèrent dans leur maison, le firent mourir et jetèrent son corps dans un puits dont ils bouchèrent l'ouverture. Le chien, qui les avait suivis, avait été témoin de tout ce qui était arrivé.  Ils le maltraitèrent et le mirent dehors. Aussitôt il retourna chez son maître en aboyant, mais on n'y fit aucune attention. La mère de celui qui avait été assassiné, voyant que son fils ne revenait point, ne douta pas qu'il ne fût péri, et après s'être acquittée de ce qu'elle devait à sa mémoire, elle chassa de sa maison tous les chiens qu'il élevait. Celui-ci ne voulut point s'éloigner et demeura près de la porte. Un jour qu'il était couché en cet endroit suivant sa coutume, un des assassins de son maître vint à passer.  Il l'aperçut, et sautant sur lui, il lui déchirait les jambes avec ses griffes et le mordait.  En vain cet homme faisait effort pour se débarrasser, il ne pouvait y réussir, non plus que les passants qui étaient accourus à son secours. La mère de celui qui avait été tué entendant un grand tumulte sortit pour voir quelle en était la cause.  Elle vit un des gardes de la porte de la ville qui s'était approché et disait :
" Sans doute ce chien n'attaquerait point cet homme s'il n'avait quelque sujet de haine contre lui." Cette femme, frappée de ces paroles et de la fureur avec laquelle le chien tenait cet homme, le regarda attentivement et le reconnut pour un des ennemis de son fils.  Elle soupçonna que c'était peut-être lui qui l'avait fait mourir et ne voulut point le laisser aller.  On les conduisit donc devant le calife Radhibillah, et elle l'accusa en sa présence du meurtre de son fils. Le calife l'envoya en prison après l'avoir fait battre de verges sans qu'il se fût avoué coupable. Le chien le suivit et demeura à la porte de la prison.  Quelques jours après, le calife fit mettre le prisonnier en liberté. Il ne fut pas plutôt sorti de la prison que le chien le saisit de nouveau comme il avait fait la première fois. Cet acharnement causa une grande surprise à ceux qui en furent témoins, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on parvint à le délivrer. Le calife, informé de ce fait, donna ordre de laisser aller l'accusé et chargea un de ses officiers de le suivre et de mener le chien avec lui. Quand il fut rentré chez lui, l'officier du calife se hâta de le joindre et y entra aussi avec le chien, mais quelque perquisition qu'il pût faire, il ne vit aucune trace du crime. Le chien cependant aboyait et cherchait avec inquiétude aux environs du puits où les meurtriers avaient jeté le cadavre.  On en donna avis au calife, qui ordonna de rouvrir le puits. Cet ordre fut exécuté et on y trouva le cadavre. Le maître de la maison, arrêté et conduit devant le prince, avoua son crime et déclara ses complices.  Il fut mis à mort.  Les autres s'enfuirent et on ne put pas découvrir le lieu de leur retraite."
Le chien est sujet à la rage (le nom de cette maladie dans la langue arabe est dérive de celui du chien ; kelb signifie un chien, et kéleb, la rage.) maladie qui est une espèce de folie accompagnée de fureur. On connaît l'animal qui en est atteint aux symptômes suivants. Ses yeux rougissent, sa vue s'obscurcit, ses oreilles deviennent flasques et pendantes, la langue lui sort de la bouche, sa salive est très abondante et il coule une humeur de ses narines,  il a la tête penchée, le milieu du dos relevé en bosse, l'épine du dos contournée et la queue toujours entre les jambes, il marche avec un air triste et craintif, on dirait qu'il est ivre. Quoique pressé de la faim et de la soif, il ne mange ni ne boit, et s'il voit de l'eau, il s'en éloigne avec fureur, quelquefois même il en meurt d'épouvante. Aperçoit-il quelque objet qui l'effraie, il saute dessus sans aboyer. Les autres chiens évitent sa rencontre, et s'il approche d'eux, ils remuent la queue et tremblent devant lui. Dans cet état, il attaque les hommes.
Celui qui a été mordu par un chien enragé tombe dans un état effrayant. Une des suites les plus funestes de sa maladie, c'est qu'il craint l'eau au point de se laisser mourir de soif plutôt que d'en approcher.  Il ne cesse de demander à boire, et lorsqu'on lui en présente, il ne veut point y toucher. Quand cette maladie a fait de grands progrès, on trouve dans l'urine du malade des matières qui ont la forme de petits chiens.
"L'auteur du livre intitulé Abrégé de médecine distingue deux espèces de maladies connues sous le nom de kéleb.  Il dit que l'une est une sorte de lèpre à laquelle sont sujets le chien, le loup, l'hyène, le chacal et le renard, et que l'autre est un genre de folie dont les chiens sont attaqués et qui leur donne la mort.  Il ajoute que la morsure du chien malade est mortelle pour tous les animaux, excepté pour l'homme, qui peut en guérir. L'âne et le chameau sont aussi sujets à cette maladie.
Alkazonini dit, dans son livre des Merveilles de la nature, qu'il y a dans un village du territoire d'Alep un puits, nommé le puits de la rage, dont les eaux guérissent les personnes mordues par des chiens enragés.  Ce puits est très fameux.  "J'ai appris, dit-il, d'un des habitants du lieu que ces eaux ne procurent la guérison que lorsqu'on en boit dans les quarante jours après l'accident, et j'en ai vu moi-même l'effet sur trois personnes qui, ayant été mordues par des chiens enragés, burent de cette eau : deux furent guéries, mais la troisième, qui n'en but que plus de quarante jours après sa blessure, en mourut. Ce puits fournit à la boisson des habitants."
Les chiens de l'espèce nommée sélouki ont cela de particulier que lorsqu'ils sentent de près comme de loin l'odeur d'une gazelle, ils discernent si elle vient devant ou derrière eux et savent distinguer le pas du mâle de celui de la femelle.  Ils connaissent aussi si un homme est véritablement mort ou s'il fait semblant de l'être.
Les Grecs n'enterrent point un mort qu'ils ne se soient assurés s'il l'est en effet par ce moyen : ils font approcher du mort un chien de cette espèce et connaissent par la manière dont il le flaire s'il est vivant ou mort. Quelques-uns disent que cette propriété n'appartient qu'au chien qu'on nomme kolthi ou chien chinois et qui est une variété du sélouki, dont le corps est petit et les jambes extrêmement courtes. La femelle du sélouki est plus aisée à dresser que le mâle ; c'est le contraire du fahd ou loup cervier.
On lit dans l'Alcoran cette expression proverbiale : « Semblable au chien, il aboie, soit qu'on l'attaque, soit qu'on le laisse tranquille. » On attribue aussi à Mahomet cette sentence : « Celui qui reprend ce qu'il a donné est comme le chien qui retourne à son vomissement»
Les Arabes ont plusieurs façons de parler prises des qualités de cet animal, telles que celles-ci : « Plus avare, plus docile, plus impudent, plus bas, plus reconnaissant qu'un chien » Ils ont encore un proverbe qui signifie à la lettre pisser plus souvent qu'un chien et qui peut s'entendre dans le sens littéral ou signifier une nombreuse postérité, car le mot qui désigne celle action dans le langage des Arabes indique dans le style figuré l'opération par laquelle les animaux se reproduisent, comme on le voit dans l'histoire du calife Abdelmelie ben Meronan. Il rêva qu'il était dans le sanctuaire où le prophète avait coutume de faire sa prière et qu'il profanait la sainteté de ce lieu en satisfaisant à ce besoin naturel.  Ce songe s'étant répété jusqu'à quatre fois, l'interprète qu'il consulta lui répondit qu'il signifiait que quatre de ses enfants recevraient la couronne après lui. Cette interprétation se vérifia par le règne consécutif de ses quatre fils, Wélid, Soliman, Hescham et Yezid.
On se sert aussi de ces expressions figurées : « Engraissez votre chien, il vous mordra ; laissez jeûner votre chien, il vous suivra. » La première revient à celle-ci : « Méfiez-vous de celui à qui vous aurez rendu quelque service;  » l'autre indique la conduite que l'on doit tenir vis-à-vis des gens qui n'ont que des sentiments bas et intéressés.
Les Arabes disent encore : « Lâchez le chien contre le cerf, c'est le moyen d'ètre tranquille, » c'est-à-dire « Laissez les hommes bons ou méchants se disputer entre eux, et pour vous prenez le chemin de la paix et du salut;  » ou bien : « Si l'occasion favorable se présente, saisissez-la et ne la négligez pas»
(51
) Les chiens de Péonie. Ces chiens forts et vigoureux ne servaient pas seulement à la chasse, on les dressait à la guerre aussi bien que ceux de Magnésie. Les anciens, comme nos aïeux les Gaulois, avaient l'usage barbare d'instruire les chiens à déchirer les hommes. Pline (H. nat., liv. 8, ch. 40) : 
"Propter bella Colophonii itemque Cartabalenses cohortes canum habuere; eae primae dimicabanl in acie nunquam detrectantes."  Au surplus, ces chiens sont ceux de Pannonie ; c'est ainsi qu'il faut traduire au lieu de Péonie.

(52) D'Ausonie, c'est-à-dire d'Italie, principalement ceux de Toscane, qui étaient les plus célèbres. Némésianus en parle dans son Cynégéticon, v. 231.

(53) De Lacédémone. Ces chiens étaient fort vantés chez les anciens à cause de leur vélocité et de leur courage. Aristote observe que la femelle de cette espèce et celle des chiens molosses sont d'un caractère plus heureux que le mâle, et suivant le même auteur, les chiens nés d'un mâle molosse et d'une mère de Laconie l'emportent sur les autres par leur courage. Les chiens de Laconie passaient pour avoir le flair excellent, puisque Sophocle (Ajax Mast., v. 7) compare Ulysse, qui observe toutes les démarches d'Ajax, au chien de Laconie qui suit le gibier à la piste. 
  Celtes, c'est-à-dire gaulois. Les anciens n'ont connu ces chiens qu'un peu tard. Xénophon n'en parle point, ce qui a engagé Xénophon le jeune, autrement Arrien, à faire son Traité de la chasse comme il le dit lui-même au ch. 2. Gratius parle des chiens celtes déjà célèbres de son temps, qui était celui d'Auguste (Cynég., v. 156) : Magnaque diversos extollit gloria Celtas
Mais il est douteux que les chiens dont Gratius parle soient les chiens gaulois, et Ulitius, commentateur de ce poète, ne le croit pas ; il ne croit pas non plus que ceux dont parle Xénophon le jeune soient les véritables chiens gaulois, mais il se trompe à cet égard. Ce Xénophon, au ch. 3, dit que ces chiens s'appelaient Egousiai du nom d'un peuple de la Gaule Or ce nom. est celui des Segusiani, habitants de la Bresse (Voyez César, De bello gall., liv. 7, p. 332, edit. varior,)  ou de Grenoble, suivant Henri Estienne (Schediasma 2, liv. 4). A l'égard de la forme et du caractère de ces chiens, Xénophon ou Arrien nous apprend qu'ils sont velus, désagréables à l'oeil, que les meilleurs sont les plus laids, que leur voix est plaintive, et que quand ils rencontrent la trace de la bête, ils la suivent, non pas avec colère comme les autres, mais en jetant des aboiements douloureux. Il est une autre espèce de chiens gaulois.  Ils excellent pour la course, on les appelle vertraga dans la langue du pays, nom qui exprime leurs qualités, suivant Arrien.  Ceux-là sont beaux, tout est agréable en eux, les formes du corps, les yeux, le poil, la couleur. Nous avons encore ces deux espèces : la première est celle des chiens moutonnés, différents des barbets, et dont les chasseurs font un grand cas, la seconde est celle de nos chiens courants ordinaires.
Crétois. Élien, dans son Traité sur la nature des animaux, fait ainsi le portrait du chien de Crète : "Il est léger, saute facilement, comme étant élevé dans les montagnes."  Il est rapide à la course, a le flaire excellent, suivant Arrien, ch. 3.

(54) Les Amorgéens. C'est-à-dire de l'île Amorgo, l'une des Cyclades.

(55) Les Molosses aux yeux brillants. La force, le courage et même la férocité forment le caractère de ce chien, dont Élien dit : "Le chien molosse est le plus colère de tous les chiens, comme les hommes de ce pays sont les plus colères de tous les hommes."   (Voyez De nat., an. liv. 3, ch. 2, et liv. 12, ch. 20.) Cette race descendait, selon les poètes, d'un chien d'airain que fabriqua Vulcain,  qu'il anima et dont il fit présent à Jupiter. Celui-ci le donna à Europe, Europe à Minos, Minos à Procris, Procris à Céphale. (Voyez Pollux, Onom. liv. 5, seg. 39.) Au surplus les naturalistes s'accordent assez à reconnaître notre mâtin dans le chien molosse.

(56) Les amours de la murène et de la vipère sont une fable de l'antiquité.

(57) Caressent à coups de pied. C'est de cette manière que les chevaux font l'amour ; on est même obligé de les déferrer alors pour qu'ils ne se blessent pas.

(58) Chevauchent. Le grec porte ephippeuousi et il m'a été impossible de traduire autrement

(59) Et des rapports plus marqués. « Junge pares, » dit Gratius, v. 263, Némésianus, v. 114: "Huic parilem submitte marem, "et dans les Géoponiques, livre 19, ch. 1 : "Unissez un mâle et une femelle de nature et de taille semblables, et prenez garde que des chiens sortis d'une même mère ne s'accouplent ensemble."

(60) Toutefois les races excellentes. Cette opinion n'est pas juste. Le véritable moyen de perfectionner les races, c'est de les croiser.

(61) Un beau chien. Il semble qu'Oppien n'ait fait ici que mettre en vers la description que Xénophon fait du chien courant (p. 570, ligne 41.)  Je vais la traduire afin qu'on puisse la comparer à celle de notre poète et faciliter en même temps l'intelligence de ce morceau, que le traducteur latin a singulièrement défiguré : "il faut d'abord au chien une tête longue, mais légère, camuse, nerveuse, et dont les muscles soient fortement prononcés dans la partie inférieure du front. Ses yeux doivent être noirs et brillants, son front sera large et grand, la séparation des sourcils profonde ; que ses oreilles soient petites, unies et minces à leur extrémité ; qu'il ait un cou long, flexible, arrondi, une poitrine large et fournie à l'endroit où elle quitte les épaules, les omoplates peu distantes ; à l'égard des pattes, celles de devant courtes, droites, arrondies et nerveuses ; que les jointures en soient saillantes ; les côtes doivent être peu rentrées et tournées obliquement à leur extrémité ; ses reins peu charnus ne seront ni trop longs ni trop courts, mais entre deux ; les flancs ne doivent être ni gras ni desséchés, les cuisses seront arrondies et charnues par derrière, bien ouvertes en haut, en dedans elles joindront les flancs." Xénophon veut encore aux chiens une queue droite qui batte sur les cuisses, peu rude au toucher et dont le poil crie sous la main. C'est ainsi du moins que j'explique ces mots, ouras makras, orthas, liguras, mêriaias, mê sklêras. J'ai rassemblé dans mes notes latines d'autres descriptions que l'on peut encore comparer à celle-ci.
Des prunelles d'un bleu cendre. "Les yeux du chien, selon Arrien, ch. 4, doivent être grands, élevés, nets, brillants et d'un regard imposant. Les meilleurs sont ceux en qui l'on voit briller plus de feux et qui lancent des éclairs comme ceux des panthères, des lions et des lynx. Les yeux noirs n'ont que le second rang ; on peut placer au troisième les yeux bleus (ta charôpa), car ces yeux ne sont point un mauvais signe dans les chiens, surtout lorsqu'ils sont clairs et vifs." Arrien dit ensuite, au ch. 5, qu'il avait un chien dont les yeux étaient de cette couleur et qui avait d'excellentes qualités ; il était si vif à la course et si ardent à la chasse qu'il pouvait prendre quatre lièvres par jour. Ces grands talents, la douceur de son caractère et son attachement pour son maître lui ont mérité, au jugement de celui-ci, que son nom parvînt à la postérité, qui saura, dit-il, que Xénophon l'Athénien (véritable nom d'Arrien) avait une chienne appelée Hormé, d'une vitesse extrême, parfaitement instruite et consacrée aux dieux.

(62) Il en est d'autres. Ceux-ci nous sont connus sous le nom de dogues de forte race  ou bouldogues, comme les appellent les Anglais, c'est-à-dire chiens à taureaux. Il est probable qu'Oppien indique ici la race des chiens d'Albanie et de l'Inde, célèbres dans l'Antiquité pour leur force et leur valeur. Élien dit de ces chiens, comme notre poète, qu'ils bravent toutes les bêtes féroces, combattent contre les lions, répondent à leurs rugissements en aboyant, soutiennent leur assaut, leur rendent morsure pour morsure, et sont quelquefois vaincus, quelquefois vainqueurs. Le même auteur dit encore qu'ils excellent à découvrir la trace des bêtes fauves, que les tigres s'accouplent avec eux, et qu'à la troisième génération, il en résulte des chiens assez doux pour être apprivoisés. Cette opinion fabuleuse se retrouve dans Aristote (Hist. an., liv. 8, ch. 38 ), mais ce philosophe ne la croyait pas. Strabon parle aussi de ces chiens de l'Inde, qui sont, dit-il (livre 15, p. 481), d'un courage et d'une force surprenants. Alexandre en reçut cent cinquante en présent de Sopilhès, roi d'Albanie.  Il en fit combattre deux contre un lion, qu'ils vainquirent. Xénophon (Cynég. p. 570) recommande ces chiens pour chasser le sanglier.

(63) Ne permettez jamais. Cette opinion de notre poète est mal fondée, et contraire à ce qu'enseigne Xénophon, Cynég., p. 576, où il dit expressément : "Lorsque les chiens sont nés, il faut les laisser sous la mère, car les soins d'une étrangère ne font point profiter, mais le lait des mères, leur haleine, leurs tendres caresses, sont très favorables." Arrien est aussi du même sentiment.

(64) Donnez à vos chiens. Ceci est encore pris de Xénophon l'ancien, qui donne pour exemple une liste de quarante-sept noms de deux syllabes.

(65) Le silence. Remarquez la douceur de cette transition, qui est des plus heureuses.

(66) Les plantes desséchées. Le texte dit : "Les plantes et les fleurs vieillissent."

(67) Il est une espèce. A la seule description de ces chiens, j'ai reconnu nos bassets, et je ne sais comment Bodin et Rittershuis ont pu y voir les dogues d'Angleterre.

(68) Les peuples sauvages de la Bretagne. Les anciens habitants de l'Angleterre se peignaient le corps avec le jus d'une herbe que les Grecs appellent isatis, de laquelle on exprime un suc d'un jaune verdâtre. Cette plante est, je crois, la même que l'herba lutes de Dalechamp, en français la gaude ou l'herbe aux teinturiers. Les Latins la nommaient vitrum, comme on le voit dans ce passage de César (De bello gall., liv. 5, p. 171, edit. variorum): "Omnes vero se Britanni vitro inficiunt, quod caeruleum efficit colorem, atque hoc horribiliori sunt in pugna adspectu." De là ces peuples ont été appelés Pictes par les Romains.

(69) Les nomment agasses. Guill. Cambden, dans son Histoire d'Angleterre, p. 190, prétend que ces chiens sont les mêmes que les Anglais appellent aujourd'hui a gase hond. Mais M. Schneider doute beaucoup que l'article a soit aussi ancien dans la langue anglaise.