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SIDOINE APOLLINAIRE

LETTRES

 

LIVRE IX

Étude sur Sidoine Apollinaire et sur la société gallo-romaine au cinquième siècle.

avant-propos

Notice sur Sidoine Apollinaire


lettres  livre I  lettres livre II  lettres livre III  lettres livre IV

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poésies 1

 l

 

 

LIBER NONUS

LIVRE NEUF

EPISTOLA PRIMA.

Sidonius Firmino suo salutem.

LETTRE I.

SIDONIUS A SON CHER FIRMINUS SALUT.

Exigis, domine fili, ut epistolarum priorum limite irrupto, stylus noster in ulteriora procurrat, numeri supra dicti privilegio non contentus includi. Addis et causas, quibus hic liber nonus octo superiorum voluminibus accrescat: eo quod C. Secundus, cujus nos orbitas sequi hoc opere pronuntias, paribus titulis opus epistolare determinet. Quæ jubes non sunt improbabilia: quanquam et hoc ipsum quod pie injungis, arduum existat, ac laudi quantulæcunque jam semel partæ non opportunum. Primum, quod opusculo prius edito præsentis augmenti sera conjunctio est; deinde quod arbitros ante quoscunque, nisi fallimur, indecentissimum est, materiæ unius simplex principium, triplices epilogos inveniri. Pariter et nescio qualiter fieri veniabile queat, quod cœrceri nostra garrulitas nec post denuntiatum terminum sustinet; nisi quia forsitan qui modus paginis non potest poni ipse amicitiis. Quapropter esse te in quadam tuendæ opinionis meæ quasi specula decet, curiosisque facti hujusce rationem manifestare: quidve ad hoc sentiant optimi quique, rescripto quam frequentissimo mihi pandere. Porro autem, si, me garrire compulso, ipse reticere perseverabis, te quoque silentii nostri talione ad vicem plecti non perinjurium est. Itaque tu primus, maxime ignosce negotio quod imponis, ac ministerio. Nos vero, si quod exemplar manibus occurrerit, libri marginibus octavi celeriter addemus: et si Apollinaris tuus, cui studium in cæteris rebus, est in hac certe negligentissimus: quippe qui perexiguum lectione teneatur, vel coactus, vel voluntarius: quantum tamen mihi videtur, qui patribus iis jungi non recusaverim, quorum studio, voto, timori laudabile aliquid in filiis, licet difficile persuadeatur, difficilius sufficit. Vale.

Tu exiges, seigneur fils, que, dépassant les bornes dans lesquelles sont renfermées mes lettres précédentes, ma plume aille plus loin, et ne se contente pas du nombre de livres qu’elle a écrits. Le motif, selon toi, qui doit me porter à augmenter d’un livre neuvième les huit volumes précédents, c’est que C. Sécundus, dont tu dis que je suis les traces dans mon ouvrage, assigne les mêmes limites à son recueil épistolaire. Je ne saurais désapprouver la demande que me fait ton affection, malgré les difficultés que présente un pareil travail, et le peu de gloire qu’il ajouterait à celle que je puis avoir acquise déjà. Il est assez tard, du reste, pour augmenter des présentes lettres un ouvrage qui a vu le jour depuis longtemps. Et, si je ne me trompe, il n’est pas convenable, au tribunal de qui que ce soit, qu’un seul et même ouvrage présente trois épilogues. Je ne sais pas jusqu’à quel point je serais excusable de ne pouvoir retenir ma langue alors même que j’ai annoncé la fin d’une chose, à moins par hasard qu’on ne veuille croire qu’en sachant mettre des bornes à mes écrits, je n’en sais pas mettre à mes amitiés. Il convient donc que tu te places, en quelque sorte, comme une sentinelle, pour défendre ma réputation, que tu rendes compte aux curieux des motifs qui m’ont porté à en agir ainsi, et que tu me fasses connaître par de fréquentes lettres ce que pensent à cet égard les hommes de bien. Mais si, après m’avoir poussé à rompre le silence, tu continues à te taire, il n’y aura pas d’injustice à ce que je te fasse subir la peine du talion, en me taisant également. Toi donc le premier, toi surtout, sois indulgent pour l’œuvre que tu m’imposes, pour le ministère dont tu me charges. S’il me tombe sous la main quelque lettre, je me hâterai de l’ajouter à la suite du huitième livre, quoique ton Apollinaris, qui ne manque pas de diligence pour d’autres choses, soit en ceci du moins très négligent; car il lit peu, qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas contrainte, autant néanmoins que j’en puis juger, moi qui ne refuserais pas d’être compté au nombre de ces pères dont le zèle, les vœux et la crainte se laissent difficilement persuader qu’il y a quelque chose de louable dans leurs enfants, et l’approuvent plus difficilement encore. Adieu.

EPISTOLA II.

Sidonius domino papæ Euphronio salutem.

LETTRE II.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE EUPHRONIUS, SALUT.

Albiso antistes, Proculusque levites, ideo nobis morum magistri pronuntiandi, quia vestri merentur esse discipuli, litteras detulerunt, quarum me sacrosancto donastis affatu; quæ tamen litteræ plurimum nobis honoris, plus oneris imponunt. Unde et ipsarum sic benedictione lætor, quod injunctione confundor: quippe qui ex asse turbatus, vel ex parte non pareo. Jubetis enim tam diversa quam minima: explicarique decernitis opus, quod ab extremitate mea tam difficile completur, quam impudenter incipitur. Sed si amplitudinem in vobis pietatis expertæ bene metior, plus laborastis ut affectus cordis vestri, quam nostri operis effectus publicaretur. Neque enim cum Hieronymus interpres, dialecticus Augustinus, allegoricus Origenes gravidas tibi spiritualium sensuum spicas doctrinæ salubris messe parturiant, non scilicet tibi partibus meis arida jejunantis linguæ stipula crepitabit? Hoc more tu et olorinis cantibus anseres ravos, et modificatis lusciniarum querelis improborum passerum fringultientes susurros jure sociaveris. Quid quod quoque arroganter fieret indecenterque, si negotii præcepti pondus aggrederer, novus clericus, peccator antiquus, scientia levi, gravi conscientia? videlicet ut si scriptum quocunque misissem, persona mea nec tunc abesset risui judicantum, cum defuisset obtutui. 

Ne quæso, domine papa, nimis exigas verecundiam meam, qualitercunque latitantem, cœpti operis hujusce temeritate devenustari: quia tantus est livor derogatorum, ut materia quam mittis, velocius sortiatur inchoata probrum, quam terminata suffragium. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Le pontife Albiso et le lévite Proculus, que je dois regarder comme la règle de mes mœurs, parce qu’ils méritent d’être vos disciples, m’ont remis la sainte lettre dont vous m’avez gratifié, lettre néanmoins qui, en me faisant beaucoup d’honneur, m’impose beaucoup plus d’obligation. Autant je suis charmé des bénédictions dont elle est pleine, autant je suis épouvanté de l’ordre qu’elle m’intime; dans le trouble où me voilà, je n’obéis qu’en partie. Vous me demandez un travail aussi étendu que minutieux, et vous voulez que j’explique un ouvrage qu’il serait aussi difficile à ma médiocrité d’achever, que téméraire d’entreprendre. Mais si je juge bien de la grandeur de votre affection qui m’est connue, vous avez cherché plutôt à manifester les sentiments de votre âme, qu’à obtenir le résultat de mon travail. Et, en effet, lorsque l’interprète Jérôme, le dialecticien Augustin, l’allégoriste Origène te présentent les riches épis du sens spirituel dans la moisson de leur doctrine salutaire, voudrais-tu encore que je t’apportasse la paille stérile de mon esprit aride? Ce serait alors associer aux cygnes mélodieux les oies enrouées, aux accents plaintifs et mélodieux des rossignols les cris fatigants des moineaux importuns. N’y aurait-il pas aussi de l’arrogance et de la témérité à entreprendre la pénible tâche que vous m’imposez, à moi qui suis un clerc nouveau, un pécheur ancien, d’un savoir léger, d’une conscience pesante? Si j’envoyais un écrit quelque part, ma personne, pour être absente, n’encourrait pas moins la risée de ceux qui me jugeraient.

 

Je t’en supplie, seigneur Pape, ne force point trop ma réserve, de quelque voile qu’elle s’enveloppe, à perdre de sa grâce en ayant la témérité d’entreprendre une œuvre pareille; car l’envie est si misérable qu’elle se hâte plus de blâmer un ouvrage entrepris, que de lui accorder son suffrage lorsqu’il est terminé. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA III.

Sidonius domino papæ Fausto salutem.

LETTRE III.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE FAUSTU8 SALUT.

Servat consuetudinem suam tam facundia vestra quam pietas; atque ob hoc granditer, quod diserte scribitis, eloquium suscipimus, quod libenter affectum. Cæterum ad præsens, petita venia prius impetrataque, cautissimum reor ac saluberrimum, per has maxime civitates quæ multum si tu segreges agunt, dum sunt gentium motibus itinera suspecta, stylo frequentiori renuntiare; dilataque tantisper mutui sedulitate sermonis, curam potius assumere conticescendi. Quod inter obstrictas affectu mediante personas asperrimum quanquam atque acerbissimum est, non tamen causis efficitur qualibuscunque, sed plurimis, certis et necessariis, quæque diversis proficiscuntur ex originibus. Quarum ista calculo primore numerabitur, quod custodias aggerum publicorum nequaquam tabellarius transit irrequisitus: qui etsi periculi nihil, ut pote crimine vacans, plurimum sane perpeti solet difficultatis; dum secretum omne gerulorum pervigil explorator indagat. Quorum si forte responsio quantutumcunque ad interrogata trepidaverit, quæ non inveniantur scripta, mandata creduntur: ac per hoc sustinet injuriam plerumque qui mittitur; qui mittit, invidiam: plusque in hoc tempore, quo æmulantum invicem sese pridem fœdera statuta regnorum denuo per conditiones discordiosas ancipitia redduntur. 

 

 

Præter hoc, ipsa mens nostra domesticis hinc inde dispendiis saucia jacet. Nam per officii imaginem vel (quod est verius) necessitatem, solo patrio exactus, hoc relegatus, variis quaquaversum fragoribus, quia patior hic incommoda peregrini, illic damna proscripti. Quocirca solvere modo litteras paulo politiores aut intempestive petor, aut impudenter aggredior: quas vel joco lepidas, vel stylo cultas alternare, felicium est. Porro autem quidam barbarismus est morum, sermo jucundus et animus afflictus. Quin potius animam male sibi consciam, et per horas ad recordata pœnalis vitæ debita contremiscentem, frequentissimis tuis illis et valentissimis orationum munerare suffragiis, precum peritus insulanarum, quas de palæstra congregationis eremitidis, et de senatu Lirinensium cellulanorum, in urbem quoque cujus Ecclesiæ sacra superinspicis, transtulisti, nil ab abbate mutatus per sacerdotem: quippe cum novæ dignitatis obtentu, rigorem veteris disciplinæ non relaxaveris. His igitur, ut supradixi, precatibus efficacissimis obtine ut portio nostra sit Dominus; atque ut ascripti turmis contribulium levitarum, non remaneamus terreni, quibus terra non remanet: inchœmusque, ut a sæculi lucris, sic quoque a culpis peregrinari.  

 

 

Tertia est causa vel maxima, exinde scribere tibi cur supersederim: quod immane suspicio dictandi istud in vobis tropologicum genus ac figuratum, limatisque plurifariam verbis eminentissimum, quod vestra, quam sumpsimus, epistola ostendit. Licet enim prædicationes tuas, nunc repentinas, nunc cum ratio poposcisset elucubratas, raucus plosor audierim; tunc præcipue, cum in Lugdunensis ecclesiæ dedicatæ festis hebdomadalibus, collegarum sacrosanctorum rogatu exorareris ut perorares: ibi te inter spiritales regulas, vel forenses medioximum quiddam concionantem, quippe utrarumque doctissimum disciplinarum, pariter erectis sensibus auribusque curvatis ambiebamus, hinc parum factitantem desiderio nostro, quia judicio satisfeceras. 

His de causis temperavi stylo temperahoque, breviter locutus ut paream, longum taciturus ut discam. Sunt de cætero tuæ partes, domine papa, doctrinæ salutaris singularisque, victuris operibus incumbere satis. Neque enim quisquis auscultat docentem te disputantemque, plus loqui discit, quam facere laudanda.  

 

Nunc vero, quod restat, donate venia paginam rusticantem, vobis obsecundantem: cui me quoque auctore, si vestris litteris comparetur, stylus infantissimus inest. Sed ista quorsum stolidus allego? Nam nimis deprecari ineptias ipsas est ineptissimum: in quibus tu merus arbiter, si rem ex asse discingas, ridebis plurima, plura culpabis. Sed et illud amplector, si pro caritate qua polles, non fueris usquequaque censendi continentissimus; id est, si sententia tua quippiam super his apicibus antiquet. Tunc enim certius te probasse reliqua gaudebo, si liturasse aliqua cognovero. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Votre éloquence, aussi bien que votre bonté, est fidèle à ses habitudes, et je reçois avec grand plaisir vos lettres, parce qu’elles sont éloquentes; l’expression de votre amitié, parce qu’elle est volontaire. Au reste, pour le moment, j’ose vous dire, et vous reconnaîtrez que, surtout en des villes fort éloignées l’une de l’autre, et pendant que les invasions des ennemis rendent les chemins suspects, il est très sage, très salutaire de renoncer à une correspondance bien suivie, et de mettre plutôt nos soins à garder le silence, en cessant quelque peu de nous écrire assidûment. Entre des personnes liées d’une étroite amitié, ce parti, quelque dur, quelque pénible qu’il puisse être, n’est pas nécessité cependant par des motifs ordinaires, mais par des motifs nombreux, déterminés, puissants, et qui remontent à diverses causes. Le premier sans contredit de ces motifs, c’est que le messager ne saurait passer au milieu des sentinelles qui gardent les grandes routes, sans être questionné; et s’il ne court aucun danger, comme n’étant pas coupable, il éprouve au moins beaucoup. de difficultés, parce qu’un inquisiteur vigilant cherche à pénétrer tous les secrets des porteurs. Paraissent-ils trembler un peu devant les questions qu’on leur adresse, on s’imagine que ce qui ne leur a pas été remis par écrit, leur a été confié verbalement. Dès lors ces pauvres courriers essuient les premiers la bourrasque, et ceux qui les ont envoyés deviennent suspects. Ces vexations s’exercent principalement aujourd’hui que les traités conclus entre deux puissances depuis longtemps rivales deviennent un sujet de discorde, à cause de quelques conditions équivoques.

 

Indépendamment de cela, mon âme languit en proie à des chagrins domestiques; car, chassé de ma patrie, sous le prétexte d’une fonction à remplir, mais, pour dire vrai, devenu victime d’une rude contrainte, je me vois ici relégué, ne trouvant de tous côtés que de pénibles secousses, et souffrant ici les désagréments que petit éprouver un étranger, là-bas les dommages que peut essuyer un proscrit. Ainsi, il serait hors de saison d’exiger à présent de moi des lettres un peu soignées, il serait de ma part téméraire de songer à en écrire de pareilles; échanger des lettres ou badines ou élégantes, c’est une chose qui n’appartient qu’à ceux qui sont heureux. Or c’est une sorte de barbarisme dans les mœurs, qu’un langage enjoué et un cœur triste. Accorde plutôt à une âme qui est mal avec elle-même, et qui tremble sans cesse. au souvenir des fautes d’une vie coupable, accorde-lui le suffrage de tes prières assidues et puissantes, de ces prières auxquelles tu t’es exercé dans ton île, et que tu as transportées du milieu de l’assemblée érémitique et du sénat des religieux de Lérins, dans la ville dont tu gouvernes l’église, sans que le pontife ait rien perdu en toi de l’abbé; car, à l’occasion de ta dignité nouvelle, tu n’as point diminué la rigueur de ton ancienne discipline. Comme je viens de te le demander, obtiens donc, par l’efficacité de tes prières, que le Seigneur devienne ma portion; qu’ayant placé dans la tribu des Lévites, je ne sois point un homme terrestre, moi pour qui la terre n’est plus;. et que si je renonce aux gains du siècle, je commence également de renoncer au péché.

 

Le troisième motif et le plus grand aussi, qui m’a déterminé à ne plus vous écrire, c’est que j’admire extraordinairement en vous ce style brillant, figuré et d’une élégance merveilleuse, tel qu’il se fait remarquer dans votre dernière lettre. Quoique j’aie écouté avidement et applaudi avec transport tes discours tantôt improvisés, tantôt soigneusement travaillés, quand les circonstances le demandaient, je t’ai surtout admiré lorsque, durant les huit jours de fêtes célébrées pour la dédicace de l’Eglise de Lyon, tu cédas aux prières de tes pieux collègues qui te pressaient de prendre la parole. Ton éloquence alors savait tenir un milieu entre les règles de la tribune sainte et celles de la tribune profane, car toutes deux te sont également familières, et nous t’écoutions, l’esprit attentif, la tête penchée, et, à notre gré, tu ne prêchais point assez souvent, parce que tes discours nous entraînaient.

 

Voilà pour quelles raisons je me suis abstenu et m’abstiendrai de t’écrire; si je m’entretiens encore quelque peu avec toi, c’est afin de t’obéir, bien décidé que je suis à garder longtemps le silence, pour profiter de tes leçons. C’est à toi, du reste, seigneur Pape, qu’il appartient d’enseigner une doctrine salutaire et profonde en des ouvrages destinés à être immortels. Celui qui t’écoute, lorsque tu enseignes ou que tu discutes, n’apprend pas moins à bien faire qu’à bien dire.

 

Il me reste maintenant à vous prier d’user d’indulgence pour cette page d’un style simple, mais docile à vos ordres; ce style, même selon moi, s’il est comparé à celui de vos lettres, se trouve bien médiocre. Mais à quoi bon me jeter follement dans ces détails? Demander grâce avec trop d’instance pour des bagatelles, c’est de toutes les bagatelles la plus grande; si tu veux, juge habile, examiner la chose à fond, tu auras beaucoup à rire, plus encore à blâmer. Je me résous volontiers à ce que tu ries, pourvu que tu veuilles, avec la charité qui te distingue, ne m’épargner en rien, c’est-à-dire effacer beaucoup dans ces lignes; car si je vois que tu aies biffé quelque chose, je pourrai me dire avec assurance que tu as approuvé le reste. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA IV.

Sidonius domino papæ Græco salutem.

LETTRE IV.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE GRæCUS, SALUT.

Viator noster ac tabellarius terit orbitas itineris assueti, spatium viæ regionumque quod oppida nostra discriminat, sæpe relegendo. Quocirca nos quoque decet semel propositæ sedulitatis officia sectari: quæ cum reliquis commeantibus, tum præcipue Amantio intercurrante, geminare cum quadam mentis intentione debemus: ne forte videatur ipse plus litteras ex more deposcere, quam nos ex amore dictare.  

 

Ideo domine papa, vestrorum plus mementote, quos inter præsumimus computari: quique sicut vestris erigimur secundis, ita deprimimur adversis. Nam quod nuper quorumpiam fratrum necessitate multos pertuleritis angores, flebili ad flentes relatione pervenit. Sed tu, flos sacerdotum, gemma pontificum, scientia fortis, fortior conscientia, minas undasque mundialium sperne nimborum: quia frequenter ipse docuisti, quod ad promissa convivia patriarcharum, vel ad nectar cœlestium poculorum, per amaritudinum terrenarum calices perveniretur. Velis nolis, quisque contempti mediatoris consequitur regnum, sequitur exemplum. Quantaslibet nobis anxietatum pateras vitæ præsentis propinet afflictio, parva toleramus, si recordamur quid biberit ad patibulum, qui invitat ad cœlum. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Notre voyageur et messager reprend sa route accoutumée, et revoit souvent les chemins, les pays qui séparent nos deux villes. C’est pourquoi il nous convient de continuer les relations assidues que nous nous sommes promises et que nous devons poursuivre avec une certaine application, soit par le moyen des différents voyageurs, soit par le moyen d’Amantius principalement; car sans cela il semblerait plutôt demander des lettres par habitude, que je n’aurais l’air de les écrire par amitié.

 

Ainsi donc, seigneur Pape, souvenez-vous un peu plus de vos amis, au nombre desquels j’ose me compter; de même que votre bonheur fait notre joie, de même aussi votre malheur fait notre tristesse. Dernièrement, la perte de quelques-uns de vos frères vous a causé un grand chagrin; c’est une douloureuse nouvelle que nous avons apprise les larmes aux yeux. Mais toi, fleur des prêtres, perle des pontifes, fort par le savoir, plus fort par la conscience, brave le courroux et les menaces des tempêtes de ce monde, car tu nous as dit souvent que, pour arriver aux festins promis des patriarches, que pour boire le nectar dans la céleste coupe, il faut avoir épuisé le calice d’amertume d’ici-bas. il n’ya pas de milieu, quiconque veut obtenir le royaume d’un médiateur qui essuya les mépris, doit suivre son exemple. Si profonde que soit la coupe de douleurs que nous offre la vie présente, nous souffrons peu de chose, quand nous nous rappelons ce qu’il a bu sur le gibet, celui qui nous appelle au ciel. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA V.

Sidonius domino papæ Juliano salutem

LETTRE V.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE JULIANUS SALUT.

Etsi plusculum forte discreta, quam communis animum optabat, sede consistimus, non tamen medii itineris objectu, quantum ad solvendum spectat officium, nostra sedulitas impediretur, nisi per regna divisi, a commercio frequentioris sermonis, diversarum sortium jure revocaremur: quæ nunc saltem, post pacis initam pactionem, quia fidelibus animis fœderabuntur, apices nostri incipient commeare crebri, quoniam cessant esse suspecti. Proinde, domine papa, cum sacrosanctis fratribus vestris pariter Christo supplicaturas jungite preces: ut dignatus prosperare quæ gerimus, nostrique dominii temperans lites, arma compescens, illos muneretur innocentia, nos quiete, totos securitate. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Quoique nos sièges soient un peu plus éloignés, que nous ne souhaiterions l’un et l’autre, notre correspondance, toutefois, et nos rapports d’amitié, n’auraient pas à souffrir de la distance qui nous sépare, si, vivant sous des lois différentes, nous ne trouvions un obstacle à un échange de lettres plus fréquentes, dans l’attitude respective des souverains. Maintenant, du moins, qu’on en est venu à des conditions de paix, et qu’ils s’unissent par une sincère alliance, nos lettres pourront se succéder plus nombreuses, puisqu’elles cesseront d’être suspectes. Ainsi donc, seigneur Pape, de concert avec vos saints frères, adressez de vives prières au Christ, afin que daignant faire prospérer nos entreprises, assoupir les querelles de nos princes, mettre fin à leurs luttes, il leur donne à eux des intentions pacifiques, à nous le repos, à tous la sécurité. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA VI.

Sidonius domino papæ Ambrosio salutem.

LETTRE VI.

SIDONIUS AU SEiGNEUR PAPE AMBROSIUS, SALUT.

Viguit pro dilectissimo nostro (quid loquar, nomen, personam? tu recognosces cuncta) apud Christum tua sanctitas intercessionis effectu: de cujus facilitatejuvenili sæpe nunc arbitris palam ascitis conquerebare, nunc tacitus ingemiscebas. Igitur hic proxime abrupto contubernio ancillæ propudiosissimæ cui se totum consuetudine obscena junctus addixerat, patrimonio, posteris, famæ, subita sui correctione consuluit. Namque per rei familiaris damna vacuatus, ut primum intelligere cœpit, et retractare, quantum de bonusculis avitis paternisque sumptuositas domesticæ charybdis abligurisset; quanquam sero resipiscens, attamen tandem veluti frenos momordit, excussitque cervices, atque Ulysseas, ut ferunt, ceras auribus figens, fugit, adversum vitia surdus, meretricii blandimenta naufragii: puellamque, prout decuit, intactam vir laudandus in matrimonium assumpsit, tam moribus natalibusque summatem, quam facultatis principalis. Esset quidem gloria, si voluptates sic reliquisset, ut nec uxori conjugaretur. Sed etsi forte contingat ad bonos mores ab errore migrare, paucorum est incipere de maximis: et eos qui diu totum indulserint sibi, protinus totum et pariter in cidere.  

Quocirca vestrum est, copulatis obtinere quamprimum prece sedula spem liberorum: et post consequens erit ut filio uno alterove susceptis (et nimis dixi) abstineat de cætero licitis, qui illicita præsumpsit. Namque et conjuges ipsi, quanquam nupti nuper, iis moribus agunt ac verecundis, vere ut agnoscas, si semel videris, plurimum esse, quod differat ille honestissimus uxorius amor, figmentis illecebrisque concubinalibus. Memor nostri esse dignare, domine papa

Ta sainteté s’est trouvée toute puissante dans ses intercessions auprès du Christ, pour notre bien-aimé (à quoi bon dire son nom, indiquer sa personne? tu me comprends suffisamment), pour notre bien-aimé dont souvent tu déplorais les écarts de jeunesse, tantôt en présence d’un petit nombre d’amis, tantôt dans le secret de ton âme. il vient donc de se séparer brusquement de cette esclave éhontée, à laquelle une honteuse habitude l’enchaînait tout entier, et, par ce changement soudain, il a consulté les intérêts de son patrimoine, de ses descendants, de sa réputation. Après avoir beaucoup dissipé de ses biens, lorsqu’une fois il s’est mis à réfléchir, et qu’il a vu tout ce que le luxe de ce gouffre domestique avait englouti du modeste héritage de ses aïeux et de son père, revenu enfin à lui-même, quoique un peu tard, il a, pour ainsi dire, mordu le frein, secoué la tête, puis se bouchant, comme Ulysse, les oreilles avec de la cire, il a été sourd à la voix flatteuse du crime, il s pu échapper au séduisant naufrage de la volupté, et s’est uni sagement, en mariage, à une jeune fille honnête, non moins recommandable par sa vertu et sa naissance que par sa fortune. Sans doute, il y aurait eu pour lui plus de gloire à renoncer aux voluptés, sans prendre une épouse; mais, en passant du vice à la vertu, il est assez rare que l’on commence par les choses les plus louables, et que l’on se retranche absolument tout, quand on s’est tout permis.

Vous devez donc, par vos prières assidues, obtenir à ces deux époux l’espérance d’avoir un ou deux enfants, c’est trop dire peut-être; et, après cela, il pourra désormais se priver des plaisirs même licites, celui qui s’est permis des plaisirs illicites; car ces deux époux, quoique unis depuis peu, se conduisent avec tarit de pudeur et de modestie, qu’à les voir une fois, l’on remarque sans peine tout l’intervalle qui sépare un amour honnête et conjugal, d’avec les charmes trompeurs du concubinage. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA VII.

Sidonius domino papæ Remigio salutem.

LETTRE VII.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE REMIGIUS SALUT.

Quidam ab Arvernis Belgicam petens (persona mihi cognita est, causa ignota, nec refert) postquam Remos advenerat, scribam tuum, seu bibliopolam, pretio fors fuat officiove demeritum, copiosissimo velis nolis declamationum tuarum schedio emunxit. Qui redux nobis atque oppido gloriabundus, quippe perceptis tot voluminibus, quidquid detulerat, quanquam mercari paratis (quod tamen utrivis nec erat injustum), pro munere ingessit. Curæ mihi e vestigio fuit, iisque qui student, cum merito lecturiremus, plurima tenere, cuncta transcribere. Omnium assensu pronuntiatum, pauca nunc posse similia dictari. Etenim rarus aut nullus est, cui meditaturo par assistat dispositio per causas, positio per litteras, compositio per syllabas. Ad hoc opportunitas in exemplis, fides in testimoniis, proprietas in epithetis, urbanitas in figuris, virtus in argumentis, pondus in sensibus, flumen in verbis, fulmen in clausulis. Structura vero fortis et firma, conjunctionumque perfacetarum nexa cæsuris insolubilibus; sed nec hinc minus lubrica et levis, ac modis omnibus erotundata: quæque lectoris linguam inoffensam decenter expediat, ne salebrosas passa juncturas, per cameram palati volutata balbutiat. Tota denique liquida prorsus et ductilis, veluti cum crystallinas crustas, aut onychintinas non impacto digitus ungue perlabitur: quippe si nihil eum rimosis obicibus exceptum tenax fractura remoretur. Quid plura? Non exstat ad præsens vivi hominis oratio, quam peritia tua non sine labore transgredi queat ac supervadere.  

Unde et prope suspicor, domine papa, propter eloquium exundans atque ineffabile (venia sit dicto) te superbire. Sed licet bono fulgeas ut conscientiæ, sic dictionis ordinatissimæ; nos tibi tamen minime sumus refugiendi, qui bene scripta laudamus, etsi laudanda non scribimus. Quocirca desine in posterum nostra declinare judicia, quæ nil mordax nihilque minantur increpatorium. Alioqui si distuleris nostram sterilitatem facundis fecundare colloquiis, aucupabimur nundinas involantum; et ultro scrinia tua, conniventibus nobis ac subornantibus, effractorum manus arguta populabitur: inchoabisque tunc frustra moveri spoliatus furto, si nunc rogatus non moveris officio. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Un de nos citoyens est allé dans la Belgique; je connais cet homme, j’ignore les motifs du voyage, ce qui, du reste, n’importe guère; arrivé à Reims, il gagna tellement ton copiste ou ton libraire, soit par argent, soit par amitié, qu’il en obtint, bon gré mal gré un exemplaire complet de tes Déclamations. De retour chez nous, et tout fier d’une aussi riche collection de volumes, quoi que nous fussions disposés à les acheter, il nous en fit présent, ce qui, du reste, valait bien mieux et n’était point injuste. Nous nous empressâmes aussitôt, moi et tous ceux qui cultivent les lettres, épris de cette lecture, d’en apprendre par cœur la plus grande partie, de transcrire le tout. Nous prononçâmes unanimement que peu de personnes aujourd’hui pourraient écrire de la sorte. Et de fait, il y a fort peu d’orateurs, peut-être n’en est-il point qui sache si bien prendre son sujet, qui l’arrange, qui le compose avec tant d’art. On remarque, ensuite qu’il y a de la justesse dans les exemples, de la fidélité dans les citations, de la propriété dans les épithètes, de l’élégance dans les figures, du poids dans les preuves, de la force dans les pensées ; de l’abondance dans les paroles, c’est un fleuve qui coule; de la véhémence dans les péroraisons, c’est une foudre qui frappe. La structure du discours est vigoureuse, ferme, unie par des liens puissants, par d’heureuses transitions, sans être pour cela moins coulante, moins polie, moins harmonieusement arrangée; tes mots se prêtent avec tant de grâce à la langue du lecteur, qu’elle n’est jamais arrêtée par des expressions raboteuses, et qu’elle roule dans le palais sans jamais balbutier. Ta phrase, souple et coulante, ressemble à la surface d’un cristal ou d’une cornaline qui laisse glisser le doigt sans que l’ongle soit retardé par le plus léger obstacle, par la moindre gerçure. Qu’ajouter encore Il n’est point d’orateur, aujourd’hui, que ton habileté ne puisse dépasser et vaincre aisément.

 

C’est pourquoi, je crains presque, seigneur Pape, que le don ineffable d’une aussi rare éloquence ne t’inspire de l’orgueil, pardonne-moi le terme. Mais quoique tu aies la conscience aussi pure que la diction, tu ne dois pas nous mépriser; nous savons louer ce qui est bien écrit, si nous n’écrivons pas des choses dignes d’être louées. Cesse donc à l’avenir de dédaigner nos jugements, car ils n’ont rien de malin, rien de satirique. Mais si tu diffères de féconder notre stérilité par tes éloquents entretiens, nous épierons les marchés des voleurs; à notre su, à notre instigation, la main rusée des larrons ira de force ouverte saccager tes portefeuilles; et alors, mais inutilement, tu seras sensible à ce larcin si tu ne l’es pas aujourd’hui à nos prières et à nos politesses. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape

EPISTOLA VIII.

Sidonius domino papæ Principio salutem.

LETTRE VIII.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE PRINCIPIUS SALUT.

Quanquam nobis non opinantibus, desiderantibus tamen, litteras tuas reddidit gerulus antiquus, idoneus inventus cui jure repetita credantur officia, quandoquidem prima sic detulit. Igitur affatu secundo, vel potius benedictione donatus, ipse quoquerepeto alterum salve, obsequia combinans, numeris æquata, non meritis. Et quia, domine papa, modo vivimus junctis abjunctisque regionibus, conspectibusque mutuis frui dissociatæ situ habitationis inhibemur; orate ut optabili religiosoque decessu, vitæ præsentis angoribus atque onere perfuncti, cum judicii dies sanctus obfulserit, cum resurrectione agminibus vestris famulaturi, vel sub Gabaoniticæ servitutis occasione, jungamur; quia secundum promissa cœlestia, quæ spoponderunt filios fidei de nationibus congregandos, si nos reos venia soletur, dum vos beatos gloria manet, et si per actionum differentiam, non tamen per locorum distantiam dividemur. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Ta lettre, que nous étions loin d’attendre, que nous désirions cependant, nous a été remise par le porteur habituel qui s’est montré digne d’exercer souvent un tel emploi, puisqu’il s’en est acquitté si bien jusqu’à présent. Gratifié d’une seconde lettre ou plutôt d’une seconde bénédiction, je te salue aussi de nouveau, proportionnant mes respects au nombre de tes lettres, sans pouvoir les égaler à tes mérites. Comme nous vivons, seigneur Pape, en des régions unies tout à la fois et séparées, et que cet éloignement nous empêche de jouir de notre présence réciproque, demandez en vos prières que délivrés, par un trépas désirable et pieux, des misères et du fardeau de cette vie, nous puissions, lorsque brillera le jour sacré du jugement, être, placés à votre suite, après la résurrection, même en une servitude semblable à celle des Gabaonites; car, suivant les célestes promesses, qui assurent que les enfants de la foi seront réunis de toutes les nations, pourvu que moi, coupable, j’obtienne le pardon, tandis qu’à vous, bienheureux, la gloire vous est assurée, si nous sommes séparés par la différence des mérites, nous ne le serons pas néanmoins par la distance des lieux. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape

EPISTOLA IX.

Sidonius domino papæ Fausto salutem.

LETTRE IX.

SIDONIUS AU SIUGNEUR PAPE FAUSTUS, SALUT.

Longum tacere, vir sacratissime, nos in commune dequestus es: cognosco vestræ partis hinc studium, nostræ reatum non recognosco. Namque jam pridem jussus garrire non silui, istas litteris antecurrentibus: quibus etiam recensendis cum Reios advenerant, qui tunc Aptæ fuistis, aptissime defuistis. Idque votivum mihi granditer fuit ac peroptatum ut epistola injuncta nec negaretur scripta amicitiæ, nec subderetur lecta censuræ. Ista omittamus. Mitti paginam copiosam denuo jubes. Parere properanti adsunt vota, causæ absunt. Nam salutatio, nisi negotium aliquod activa deportet materia, succincta est: quam qui porrigit verbis non necessariis, a regula Sallustiani tramitis detortus exorbitat, qui Catilinam culpat habuisse satis eloquentiæ, sapientiæ parum. Unde Ave dicto, mox Vale dicimus, orate pro nobis.  

Sed bene est, bene est, quia chartulam jam jamque complicaturo res fortis accurrit, de qua exprobranda, si diutius vel lætitia sese mea vel ira cohibuerit, ipse me accepta dignum contumelia judicabo. Venisti, magister, in manus meas, nec exsulto tantum, verum insulto, venisti: et quidem talis qualem ab hinc longo jamdiu tempore desideria nostra præstolabantur. Dubito sane utrum et invitus, at certe similis invito; quippe quo providente, vel (si tamen hoc nimis abnuis) acquiescente, sim tuis libris insalutatus, iisque, quod multo est injuriosius, territorium Arvernum cum præterirent, non solum mœnia mea, verum etiam latera radentibus. An verebare ne tuis dictis invideremus? Sed Dei indultu, vitio nulli minus addicimur: cui si ita ut cæteris a mea parte subjaceretur, sic quoque auferret congrediendi æmulationem desperatio consequendi. An supercilium tanquam difficilis ac rigidi plosoris extimescebas? Et quænam est cuiquam peritiæ cervix tanta, quive hydrops, ut etiam tepida vestra non ferventissimis laudibus prosequatur? An ideo me fastidiendum negligendumque curasti, quia contemneres juniorem? quod parum credo. An quia indoctum? quod magis fero; ita tamen, ut qui dicere ignorem, non et audire: quia et qui circensibus ludis abfuerunt, sententiam de curribus non ferunt. An aliquo casu dissidebamus, ut putaremur iis libellis quos edissetis derogaturi? atqui præsule Deo, tenues nobis esse amicitias, nec inimici fingere queunt.  

Ista quorsum? inquis. Ecce jam pando, vel quid indagasse me gaudeam, vel quid te celasse succenseam. Legi volumina tua, quæ Riochatus antistes ac monachus, atque istius mundi bis peregrinus, Britannis tuis pro te reportat; illo jam impræsentiarum Fausto potius qui non senescit, quique viventibus non defuturus post sepulturam, fiet per ipsa quæ scripsit sibi superstes. Hic igitur ipse venerabilis, apud oppidum nostrum cum moraretur, donec gentium concitatarum procella defremeret (cujus imaginis hinc et hinc turbo tunc inhorruerat) sic reliqua dona vestra detexit, ut perurbane quæ præstantiora portabat operuerit, spinas meas illustrare dissimulans tuis floribus. Sed post duos aut iis amplius menses, sic quoque a nobis cito profectum, cum quipiam prodidissent de viatoribus, mysticæ gazæ clausis involucris clam ferre thesauros, pernicibus equis insecutus abeuntem, qui faciles possent itineris pridiani spatia prævertere, osculo in fauces occupati latronis insilui, humano joco, gestu ferino; veluti si excussura quemcunque catulorum Parthi collo raptoris pede volatico tigris orbata superemicet. Quid multa? capti hospitis genua complector, jumenta sisto, frena ligo, sarcinas solvo, quæsitum volumen invenio, produco, lectito, excerpo, maxima ex magnis capita defrustans. Tribuit et quoddam dictare celeranti scribarum sequacitas saltuosa compendium, qui comprehendebat signis, quod litteris non tenebant. Quibus lacrymis sane maduerimus, mutuo vicissim fletu rigati, tunc cum ab amplexu sæpe repetito separaremur, longum est dixisse, nec refert: quod triumphali sufficit gaudio, spoliis onustum caritatis, et spiritualis compotem prædæ me domum retuli.  

 

 

 

 

 

 

Quæris nunc quid de manubiis meis judicem? nollem adhuc prodere, quo diuturnius exspectatione penderes: plus me enim ulciscerer, si quod sensi tacerem. Sed jam nec ipse frustra superbis; ut pote intelligens, tibi inesse virtutem sic perorandi, ut lectori tuo seu reluctanti, seu voluntario, vis voluptatis excludat præconii necessitatem. Proinde accipe, quid super scriptis tuis et injuriam passi censeamus.

 

 

 

Legimus opus operosissimum, multiplex, acre, sublime, digestum titulis, exemplisque congestum, bipartitum sub dialogi schemate, sub causarum themate quadripartitum. Scripseras autem plurima ardenter, plura pompose; simpliciter ista, nec argute illa, nec callide; gravia mature, profunda sollicite, dubia constanter, argumentosa disputatorie, quædam severe, quæpiam blande, cuncta moraliter, lecte, potenter, eloquentissime. Itaque per tanta te genera narrandi toto latissimæ dictationis campo secutus, nihil in facundia cæterorum, nil in ingeniis facile perspexi juxta politum. Quæ me vera sentire satis approbas, cum nec offensus aliter judico. Denique absentis oratio, quantum opinamur, plus nequit crescere, nisi forsitan aliquid his addat coram loquentis auctoris vox, manus, motus, pudor, artifex. His igitur animi litterarumque dotibus præditus, mulierem pulchram, sed illam Deuteronomio astipulante nubentem, domine papa, tibi jugasti: quam tu adhuc juvenis inter hostiles conspicatus catervas, atque illic in acie contrariæ partis adamatam, nihil per obstantes repulsus præliatores desiderii brachio vincente rapuisti. Philosophiam scilicet, quæ violenter e numero sacrilegarum artium exempta, raso capillo superfluæ religionis, ac supercilio scientiæ sæcularis, amputatisque pervetustarum vestium rugis, id est, tristis dialecticæ flexibus, falsa morum et illicita velantibus, mystico amplexu jam defæcata tecum membra conjunxit. Hæc ab annis vestra jam dudum pedissequa primoribus; hæc tuo lateri comes inseparabilis, sive in palæstris exercereris urbanis, sive in abstrusis macerarere solitudinibus: hæc athenæi consors, hæc monasterii, tecum mundanas abdicat, tecum supernas prædicat disciplinas. Huic copulatum te matrimonio qui lacessiverit, sentiet Ecclesiæ Christi Platonis Academiam militare, teque nobilius philosophari. Primum, ineffabilem Dei Patris asserere cum sancti Spiritus æternitate sapientiam. Tum præterea non cæsariem pascere, neque pallio aut clava, velut sophisticis insignibus, gloriari, aut affectare de vestium discretione superbiam, nitore pompam, squalore jactantiam: neque te satis hoc æmulari, quod per gymnasia pingantur Areopagitica vel Prytaneum, curva cervice Zeusippus, Aratus panda, Zenon fronte contracta, Epicurus cute distenta, Diogenes barba comante, Socrates coma cadente, Aristoteles brachio exserto, Xenocrates crure collecto, Heraclitus fletu oculis clausis, Democritus risu labris apertis, Chrysippus digitis propter numerorum indicia constrictis, Euclides propter mensurarum spatia laxatis, Cleanthes propter utrumque corrosis. Quin potius experietur quisque conflixerit, Stoicos, Cynicos, Peripateticos, hæresiarchas, propriis armis, propriis quoque concuti machinamentis. Nam sectatores eorum, Christiano dogmati ac sensui si repugnaverint, mox te magistro ligati, vernaculis implicaturis in retia sua præcipites implagabuntur, syllogismis tuæ propositionis uncatis volubilem tergiversantum linguam inclamantibus, dum spiris categoricis lubricas quæstiones tu potius innodas, acrium more medicorum, qui remedium contra venena, cum ratio compellit, et de serpente conficiunt.  

 

 

 

 

 

 

Sed hoc temporibus istis, sub tuæ tantum vel contemplatione conscientiæ, vel virtute doctrinæ. Nam quis æquali vestigia tua insequatur gressu; cui datum est soli, loqui melius quam didiceris, vivere melius quam loquaris? Quocirca merito te beatissimum boni omnes, idque supra omnes tua tempestate concelebrabunt: cujus ita dictis vita factisque dupliciter inclaruit, ut quandoquidem tuos annos jam dextra numeraverit, sæculo prædicatus tuo, desiderandus alieno, utraque laudabilis actione decedas, te relicturus externis, tua proximis. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Tu te plains souvent, très sain personnage, du long silence que je garde; je reconnais ici votre amitié, mais j’e n’avoue pas qu’il y ait faute de ma part. Vous m’aviez ordonné déjà de vous écrire, je vous ai obéi et vous ai envoyé une lettre avant celle que vous tenez; et lorsqu’elle est arrivée à Riez, vous n’avez pu la lire, puisque vous étiez pour lors à Apt. Je désirais grandement ne pas refuser d’écrire à mon ami la lettre qu’il avait demandée, mais je désirais aussi qu’elle ne fût point soumise à a censure. Ne parlons plus de cela. Tu m’ordonnes derechef de t’envoyer une lettre bien pleine; je serais jaloux de me rendre à tes vœux, mais le sujet me manque, et toute lettre qui n’offre rien d’important doit être succincte; lui donner de l’étendue par des paroles inutiles, c’est perdre de vue la règle de Salluste, qui blâme Catilina d’avoir beaucoup de verbiage et peu de profondeur; Ainsi, après vous avoir dit bonjour, je vous dis aussitôt adieu, priez pour nous.

Mais voici, voici qui est bien. Au moment où j’allais plier ma lettre, une chose se présente tout-à-coup à mon esprit, et si je pouvais plus longtemps contenir ma joie ou ma colère, si je ne te faisais pas de reproches à cet égard, je me croirais digne de l’affront que j’ai reçu. Tu es venu en mes mains, ô maître, et je ne me réjouis pas seulement de cela, mais encore je t’adresse mes reproches; oui, tu es venu en mes mains, et je t’ai trouvé tel que depuis longtemps mes désirs te demandaient. J’ignore sans doute si c’est contre ton gré, du moins la chose parait être telle; car tu as fait en sorte, ou si tu aimes mieux, tu as permis que je ne fusse pas salué par tes livre, et, ce qui est plus injurieux, lorsqu’en traversant le territoire des Arvernes, non seulement ils touchaient mes murs, mais encore me coudoyaient en quelque façon. Craignais-tu que ton ouvrage n’excitât ma jalousie? Dieu merci, je ne suis sujet à rien moins qu’à un tel vice. Fussé-je l’esclave de ce défaut comme de tant d’autres, le désespoir de t’égaler m’ôterait assurément l’envie de me mesurer avec toi. Est-ce que tu redoutais en moi le jugement d’un censeur difficile et rigide? Quel est l’homme assez épris de son mérite, assez insensible pour n’applaudir pas avec la plus vive chaleur les endroits mêmes les moins brûlants de tes ouvrages? As-tu voulu m’oublier et me laisser de côté, par mépris pour ma jeunesse? Je suis peu disposé à le croire. Me regardes-tu comme un ignorant? Je consens encore à cela; toutefois, si je ne sais pas écrire, je sais pourtant écouter, et ceux qui n’ont pas assisté aux jeux du cirque ne se mêlent pas de juger de la course des chars. Etions-nous en contestation sur quelque point, de manière à faire croire que je pouvais censurer ton nouvel ouvrage? Grâce à Dieu, mes ennemis ne pourraient pas supposer que je suis un inconstant ami.

 

 

 

A quoi bon cela, diras-tu? — Voici que je te déclare ce que je me réjouis d’avoir découvert, ce que je t’accuse de m’avoir caché. J’ai lu ces livres que Riochatus, prêtre et moine, et par-là doublement pèlerin, porte pour toi à tes Bretons. Il mérite bien, dès à présent, le nom de Faustus (heureux) celui qui ne vieillit pas, et qui, sans abandonner les vivants, se survivra à lui-même, après la mort, dans ses écrits. Cet homme vénérable séjournait donc en notre ville, jusqu’à ce que les orages de la guerre fussent apaisés; car alors un affreux tumulte régnait de toutes parts: il me montra les divers présents que tu lui avais faits, et me cacha du reste très poliment le plus précieux de tous, ne voulant pas embellir mes épines avec tes fleurs. Au bout de deux ou trois mois, il nous quitta subitement; quelques voyageurs vinrent me dire qu’il emportait des trésors mystiques soigneusement cachés; je monte aussitôt sur un cheval rapide, qui pouvait facilement atteindre le fugitif, malgré ce qu’il avait déjà fait de chemin; j’atteins mon voleur, je lui saute au cou, je l’embrasse avec une douce plaisanterie mais avec un air farouche, semblable à une tigresse qui se précipite sur le Parthe pour arracher de ses mains ses petits qu’il vient d’enlever. Qu’ajouter encore? je me jette aux genoux de mon hôte captif, j’arrête son cheval, je m’empare des rênes, j’ouvre son bagage. je trouve le volume précieux, je le prends, je le dévore et j’en extrais de longs chapitres. Des scribes, à qui je dictais en toute hâte, savaient, à l’aide d’abréviations merveilleuses, retracer avec des signes ce qu’ils n’écrivaient pas avec des lettres. Les larmes que nous versâmes l’un et l’autre, les pleurs que nous répandîmes, lorsqu’il fallut nous séparer après des embrassements réitérés, c’est là ce qu’il, serait trop long de dire, et qui n’importe pas. Triomphant de joie, chargé des dépouilles de l’amitié, devenu maître d’un butin spirituel, je revins chez moi.

 

 

 

Veux-tu savoir maintenant ce que je pense de ma conquête? Je ne voudrais point encore te l’apprendre, pour te laisser plus longtemps en suspens : car ma vengeance serait plus complète, si je te cachais le jugement que j’ai porté. Ce n’est pas sans raison que tu t’enorgueillis: car tu sens bien que tu as un talent d’écrivain capable de forcer ton lecteur charmé à t’applaudir, qu’il le veuille, qu’il ne le veuille pas. Voici donc ce que je pense de tes écrits, même après l’affront que tu m’as fait.

 

 

 

J’ai lu cet ouvrage, fruit de nombreuses veilles, cet ouvrage si plein, si fort, si élevé, si bien divisé, si riche d’exemples, offrant deux parties sous la forme dialogique, et quatre parties sous le rapport des matières. Tu as écrit souvent avec chaleur, plus souvent avec pompe ; avec simplicité, mais sans être vulgaire; avec finesse, mais sans être captieux; tu as traité avec maturité des sujets graves, avec soin des questions profondes, avec fermeté des matières douteuses, avec une solide logique des points contestables; certaines choses avec une touche sévère, certaines autres avec une touche gracieuse; tu as su toujours avoir une façon d’écrire morale, judicieuse, puissante, éloquente. Aussi, après t’avoir suivi dans ‘ces différents genres à travers le vaste champ d’une immense composition, je puis assurer n’avoir trouvé chez les autres auteurs, en fait d’éloquence ou de génie, rien qui approche de cette perfection. Tu peux croire que ce jugement est sincère, puisqu’il vient d’un homme offensé. Enfin, le mérite de l’ouvrage ne peut s’élever plus haut, ce me semble, à moins que la voix, de l’auteur, son débit, son geste, son maintien, ne viennent y ajouter quelque chose. Riche de ces qualités du cœur et de l’esprit, tu as épousé, seigneur Pape, une femme belle, une femme voilée, suivant le conseil du Deutéronome; jeune encore, tu l’avais aperçue dans les rangs ennemis, et alors tu t’en étais épris; sans être repoussé par les combattants dont tu étais environné, tu l’enlevas avec le bras victorieux du désir: je veux parler de la philosophie, qui, après s’être laissé arracher violemment aux arts sacrilèges, après avoir rejeté la chevelure d’une religion vaine, l’orgueil d’une science profane, les plis d’un costume suranné, c’est-à-dire, les détours d’une dialectique sombre, habile à voiler des mœurs hypocrites et corrompues, s’est unie à toi en de mystiques embrassements, purifiée qu’elle était alors. Dès tes plus jeunes années, tu en avais fait ta suivante, ta compagne inséparable, soit lorsque tu t’exerçais dans la palestre des villes, soit lorsque tu te macérais au sein des solitudes profondes. Elle a été avec toi à l’Athénée, avec toi au monastère; avec toi elle renonce aux sciences mondaines, avec toi elle célèbre les sciences d’en haut. Maintenant que tu es uni à cette épouse, quiconque voudra 1e combattre sentira qu’il s’attaque à l’Académie du Platon de l’Eglise du Christ, et que ta philosophie et pleine de noblesse il sentira d’abord que tu établis la sagesse ineffable de Dieu le Père avec l’éternité du Saint-Esprit; il sentira encore que tu ne nourris pas ta chevelure, que tu ne mets point ta gloire à porter le manteau ou le bâton, ces insignes des sophistes, que tu ne cherches point l’orgueil sous un costume affecté, que tu ne cherches point à briller sous des habits pompeux, que tu ne laisses pas percer une vanité méprisable sous des vêtements négligés, et que tu n’es pas jaloux de voir représentés dans les gymnases de l’Aréopage, ou dans le Prytanée, Zeusippe la tête penchée, Aratus la tête renfoncée, Zénon le front étroit et sombre, Epicure la peau fraîche et tendue, Diogène la barbe longue et épaisse, Socrate les cheveux blancs, Aristote le bras découvert, Xénocrate la jambe élevée et nue, Héraclite les yeux fermés par les pleurs, Démocrite les lèvres entr’ouvertes par le rire, Chrysippe joignant les dix doigts pour indiquer les nombres, Euclide les séparant pour désigner l’espace et la mesure, Cléanthe les rongeant pour marquer l’un et l’autre; bien plus, quiconque voudra se mesurer avec toi, verra que les Stoïciens, les Cyniques, les Péripatéticiens, les Hérésiarques sont battus par leurs propres raisonnements, défaits par leurs propres armes. Car, si. leurs sectateurs se révoltent contre le dogme et le sentiment chrétien,. bientôt liés par toi, ils seront enveloppés dans leurs flets; la langue mobile de ces hommes inconstants se prendra à l’hameçon de tes syllogismes acérés, tu entoureras des spirales de ta logique ces questions glissantes, à peu près comme font ces médecins habiles qui, du serpent même, savent tirer, lorsque l’occasion le demande, un remède contre le poison.

 

 

 

Mais c’en est assez pour, le moment, sur le mérite de ta vertu et sur la force de ton savoir. Quel homme, en effet, pourrait te suivre d’un pas égal, toi à qui seul il a été donné de parler mieux que tu n’as appris, de vivre mieux que tu ne parles? Voilà pourquoi tous les gens de bien et surtout ceux de notre siècle, vanteront à bon droit ton bonheur, toi dont la vie brille du double éclat de l’éloquence et de la vertu, toi qui comptant déjà tes années de la main droite, toi qui loué par tes contemporains et un jour désiré par nos neveux, sortiras de la vie après une carrière honorable en toutes choses, te léguant aux étrangers, laissant tes biens à tes proches. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA X.

Sidonius domino papæ Aprunculo salutem.

LETTRE X.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE APRUNCULUS SALUT.

Reddidit tibi epistolas meas, quem mihi tuas offerre par fuerat: nam frater noster Cœlestius, nuper ad te reversusde Biterrensi, quoddam mihi super statu injuriosi nostri vinculum cessionis elicuit. Quod quidem scripsi, non minus tua verecundia fractus quam voluntate. Namque nos ultro vestro pudori quasi quibusdam pedibus obsequii decuit occurrere. Quocirca me quoque volente posside indultum, sed liberaliter; nec enim, ut suspicor, plus aliquid hoc genere solatii vel ipse quæsisti. Quem litteris istis non commendatoriis minus quam refusoriis, jam placatus insinuo: sic tamen ut tibi assistat, tibi pareat, te sequatur; atque ut si permanserit tecum, neutri nostrum judicetur famulus; si forte discesserit, quæratur utrique fugitivus. Memor nostri esse dignare, domine papa.

Tu as reçu ma lettre des mains de celui qui aurait dû me remettre la tienne; car notre frère Cœlestius, revenu naguère de Béziers vers toi, a su m’arracher en faveur de notre Injuriosus un écrit dimissorial, que je lui ai donné autant par respect pour toi que par égard pour tes volontés; je devais, du reste, aller, en quelque sorte, avec les pieds de la condescendance, au-devant de la gêne que tu éprouvais. Je le veux bien, qu’il t’appartienne, mais reçois-le avec bonté, car tu ne t’es pas sans doute proposé d’autre but que de le traiter affectueusement. Par cette lettre, qui n’est pas moins une lettre de recommandation qu’une lettre dimissoriale, je te prie d’avoir soin d’Injuriosus, contre lequel je ne ressens plus rien; je veux cependant qu’il soit toujours auprès de toi, qu’il t’obéisse, qu’il te suive; je veux encore que, s’il reste avec toi, il ne soit pas regardé comme notre esclave, mais que s’il vient à s’échapper, nous ayons chacun le droit de le poursuivre comme fugitif. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA XI.

Sidonius domino papæ Lupo salutem.

LETTRE XI.

SIDONIUS AU SEIGNEUR PAPE LUPUS, SALUT.

Propter libellum quem non ad vos magis quam per vos missum putastis, epistolam vestram non ad me magis quam in me scriptam recepi. Ad exprobrata respondeo pro æquitate causæ, non pro æqualitate facundiæ: quanquam quis nunc ego, aut quantus, qui agere præsumam vobis imputantibus innocentem? Quocirca delicto huic, quantulumcunque est, inter principia confestim supplico ignosci, diffidentiæ tantum, non et superbiæ fassus errorem. Nam cum mihi rigor censuræ tuæ in litteris æque ut moribus sit ambifariam contremiscendus, fateor tamen in voluminis ipsius operisque reseratu, illam mihi fuisse plus oneri, quam prætenditis caritatem. Nec citra justum ista conjicio: quandoquidem mortalium mentibus vis hæc naturalitus inest, ut si quid perperam fiat, minus indulgeant plus amici.  

 

Scripseram librum, sicut pronuntiatis, plenum onustumque vario causarum, temporum personarumque congestu: facturus rem videbar impudentissimam, si tantum mihi cuncta placuissent, ut nulla tibi displicitura confiderem. Huc item, quisquis judicii eventus foret, vidi partibus meis nequaquam pietatis ex solido constare rationem, si non saltem vobis esset anterius allatum volumen, et si non videretur oblatum: sub hoc videlicet temperamento, ut si forte placuissem, non vos arrogantia præteriisse; si secus, non vos improbitas expetisse judicaretur. Nec sane multo labore me credidi deprecaturum vitatas causas erubescendi. Pariter illud nosse vos noveram, quod auctores in operibus edendis pudor potius quam constantia decet; quodque tetricis puncta censoribus, tardius procacitas recitatoris, quam trepidatio excudit. Alioquin si quis est ille, qui cum fiduciæ prærogativa, thematis ante inauditi operam pervulgati incipit exspectationi publicæ, quamvis solverit multa, plura redhibere. Præterea quidquid super hujusce rescripti tenore censueris, malui factum confiteri simpliciter, quam trebaciter diffiteri. Dixisset alius, Neminem tibi prætuli, nullas ad ullum peculiares litteras dedi: quem prædatum suspicabare, unius epistolæ forma contentus abscessit, atque ea quidem nihil super præsenti negotio deferente. Tu, qui te quereris omissum, tribus loquacissimis paginis fatigatus, potius in nauseam concitaris, dum frequenter insulsæ lectionis verbis inanibus immoraris. Adde, quia etiam in hoc, quod forsitan non notasti, reverentiæ tuæ meritorumque ratio servata est, quod sicut tu antistitum cæterorum cathedris, prior est tuus in libro titulus: illius nomen vix semel tantum, et sibi ascripta pagina sonat: tuo, præter tibi deputatas, frequenter illustrantur alienæ. Illud his junge, quod si quid ibi vel causaliter placet, ut per consilium meum lectitas: ille quandoque per beneficium tuum; qui munusculi mei incassum pressus invidia, necdum ad facultatem legendi, ut suspicor, venit, cum jam diu ipse perveneris ad copiam transferendi. Aio, tanquam non sitholographas membranas arbitraturus; si tamen quod ante percurras, vel exemplar acceperit: neque enim in iis quæ tractaveris ulla culpabitur aut distinctionum raritas, aut frequentia barbarismorum. Nempe ad extremum palam videtur etiam tibi transmissa proprietas, cui usus absque temporis fixi præscriptione transmissus est, quique supradicio tandiu potes uti libello, ut eum non amplius zothecula tua, quam memoria includat.

Hæc et his plura fors aliquis. Ego vero cuncta prætereo, et malo precari veniam quam reatum, si hoc esse creditur, deprecari. Præsentum quoque negligentiam litterarum nunc nec excuso: primum, quod etsi cupiam, parum cultius scribere queo: dein, quod libellari opere confecto, animus tandem feriaturus, jam quæ propalare dissimulat, excolere detrectat. 

 

 

 

 

 

 

 

At tamen cum satis tibi, et quidem merito (quidnam enim simile)? in omnibus cedam, quippe qui in alio genere virtutum, jam per quinquennia decem, non æquævis sacerdotibus tantum, verum et antiquis quoties collatus antelatusque sis; noveris volo, quamvis quæstibus quatias astra, atque majorum cineres favillasque in testimonium læsæ caritatis implores, pedem me conflictui tuo, si mutuo super amore certandum est, non retracturum: quia cum in cæteris rebus, tum fœdissimum perquam est in dilectione superari. Quæ velis nolis certa professio conviciis tuis illis, cuncta sane blandimentorum mella vincentibus, non præter æquum reponderatur, Ecce habes litteras tam garrulas ferme, quam requirebas: quanquam sunt omnes (si quæ uspiam tamen sunt) loquacissimæ. Namque in audentiam sermocinandi quem non ipse compellas, qui omnium (de me enim taceo) litteratorum, licet oculi affectent, sic ingenia producis, ut solet aquam terræ in visceribus absconditam per atomos bibulos radius extrahere solaris? Cujus lucis aculeo non sola penetratur aut arena subtilis, aut humus sessilis; sed si saxei montis oppressu fontium conditorum vena celetur, aperit arcanum liquentis elementi secretorum cœlestium natura violentior. Ita si quos, vir sacrosancte, studiosorum senseris, aut quietos, aut verecundos, aut in obscuro jacentis famæ recessu delitescentes; hos eloquii tui claritas, artifice confabulatu dum compellat, et publicat.  

Sed quorsum ista, quid morarum est? redeamus ad causam, super cujus abundante blateratu, quia pareo, precor ut errata confessum veniæ clementis indultu placatus impertias: licet quæ lætitia tua sancta, quæque communio, copiosius hilarere, si meæ culpæ defensio potius tibi scripta feratur quam satisfactio. Memor nostri esse dignare, domine papa.

A cause du livre que vous avez cru être envoyé par vous plutôt que pour vous, il m’est venu de votre main une lettre que vous avez écrite contre moi bien plutôt qu’à moi. Je réponds à vos reproches pour me justifier, et non point pour rivaliser d’éloquence avec vous; qui suis-je, au surplus? qu’y a-t-il en moi pour que j’ose me dire innocent, lorsque vous m’accusez Ainsi donc, mon délit, si faible qu’il soit, je vous supplie d’abord de me le pardonner; il est, je l’avoue, l’effet de la défiance de moi-même plutôt que de l’orgueil. Je redoute également la rigueur de votre censure et en fait de lettres et en fait de mœurs; toutefois, je le confesse, à l’ouverture de mon livre, ce qui m’a été le plus pénible, c’est l’affection que vous me témoignez. Et je ne dis point ceci à tort, car telle est la nature de l’esprit humain que, s’il y a quelque chose de défectueux à juger, ce sont les meilleurs amis qui se montrent les moins indulgents.

 

J’avais écrit un livre, véritable pêle-mêle, comme vous le dites, de matières, d’époques et de personnes; il me semblait que c’eût été une extrême présomption de trouver toutes choses assez bonnes pour croire que rien ne pût vous paraître mauvais, et quel que pût être d’ailleurs votre jugement, j’ai pensé que je manquerais, jusqu’à un certain point, à l’affection e je vous dois, en ne vous envoyant pas d’abord le volume, quand même je n’aurais pas l’air de vous l’offrir; car alors, si par hasard j’avais pu vous plaire, il ne vous eût pas été possible de dire que je vous avais oublié par orgueil; et si je vous avais déplu, alors vous n’auriez pu m’accuser de vous avoir abordé avec importunité. J’ai pensé aussi qu’il ne me serait pas difficile de faire excuser les motifs pour lesquels je me suis dérobé à une certaine honte; d’un autre côté, je le savais bien, vous êtes persuadé que des auteurs doivent, en publiant leurs ouvrages, montrer de la réserve plutôt que de la hardiesse, et qu’avec de l’effronterie il est moins aisé d’arracher son suffrage à un austère censeur qu’avec de la timidité. Puis ensuite, dès qu’on publie avec grand bruit un livre sur une matière neuve, quand même on donnerait beaucoup à l’attente du public, il vous demande davantage. Au surplus, quoi que vous pensiez de ma réponse, j’ai mieux aimé avouer ingénument le fait que de le déguiser avec adresse. Un autre aurait dit : Je ne t’ai préféré personne, je n’ai donné à personne de lettre particulière; celui qui te paraissait le préféré n’a eu qu’une lettre, encore ne contenait-elle rien qui fût relatif à cette affaire. Toi qui te plains d’être oublié, on te fatigue de trois mortelles pages, capables de te donner la nausée, pendant que tu es là cloué sur des paroles vides et insignifiantes qu’il te faut dévorer. Et ce que tu n’as pas remarqué peut-être, c’est que l’on a eu tous les égards possibles pour ta personne et ton mérite; que si ton siège est au-dessus de celui des autres pontifes, tu occupes aussi le premier rang dans un de mes livres, tandis que celui que tu t’imagines avoir eu le pas sur toi, se trouve à peine une fois cité et encore dans une lettre qui lui est adressée, tandis que ton nom brille souvent dans les lettres mêmes qui ne sont pas à ton adresse. Ajoutons encore que s’il y a dans mon livre quelque chose qui soit capable de te plaire, tu le lis d’après ma demande, tandis que la personne dont nous parlons, si elle peut quelquefois me lire, ne le fait que grâce à toi; elle a contre elle tout l’odieux que tu vois dans mon présent, et n’a pu encore, du moins je le pense, lire ce que tu as eu déjà la facilité de transcrire. Je parle comme si cette personne ne devait pas s’imaginer qu’elle a vu mou manuscrit olographe, dans le cas néanmoins où elle aurait reçu une copie revue par toi; car, en ce que tu auras touché, on ne pourra blâmer ni une mauvaise ponctuation, ni des barbarismes. On dirait même que tu as la propriété de mon ouvrage, toi qui en as la jouissance illimitée et qui peux le garder assez longtemps pour le mettre dans ta mémoire mieux peut-être que dans tes tablettes. Un autre te dirait tout cela, et quelquefois même t’en dirait plus encore. Pour moi, sans insister davantage, j’aime mieux réclamer indulgence que de m’excuser de cette chose, si on la regarde comme coupable; je ne demande pas même grâce pour cette lettre peu soignée d’abord, parce que je ne peux, en dépit de mes désirs, donner à mon style qu’assez peu d’élégance; puis ensuite, parce que, après avoir terminé un écrit quelconque, mon imagination avide de repos refuse de polir ce qu’elle n’ose mettre au jour.

 

 

 

 

 

 

Cependant, comme tu l’emportes de beaucoup sur moi en toutes choses, et qu’il y a justice en cela, car où trouver un homme qui te ressemble, puisque depuis cinquante ans tu as été comparé et préféré tant de fois, non seulement aux pontifes de notre âge, mais encore à ceux des siècles passés, sache que malgré les plaintes dont tu fatigues le ciel, malgré l’appel que tu fais aux cendres des ancêtres pour les prendre à témoin de l’amitié violée, je ne reculerai pas devant toi s’il faut lutter d’affection; car s’il est honteux d’être vaincu en toute autre chose, il l’est bien plus de l’être en ceci. Que tu le veuilles, que tu ne le veuilles pas, je réponds avec justice, par cette déclaration, à tes reproches qui sont, du reste, bien au-dessus des plus douces flatteries. Voilà que tu as une lettre presque aussi causeuse que tu la désirais; au surplus, mes lettres sont toutes très babillardes, s’il en existe quelque part qui le soient. Car où est l’homme que tu ne forces pas à parler avec liberté? Les gens de lettres, je ne parle pas de moi, ont beau vouloir se cacher, tu les produis sur la scène, de même qu’un rayon du soleil attire, par sa force absorbante, l’eau cachée dans les entrailles de la terre. Et ce ne sont pas seulement les sables les plus fins ou la terre que pénètre ce rayon, niais s’il est des sources que recèle une montagne rocailleuse, il va, par un art merveilleux, trahir le secret du liquide élément. De même, ô saint personnage, quand il se trouve quelques hommes studieux qui sont inactifs, modestes, ou qui gisent dans l’obscurité, la splendeur de ta parole sait admirablement les prendre et les produire au grand jour.

Mais à quoi bon tout ceci? pourquoi s’arrêter plus longtemps? Revenons à notre sujet; aussi bien c’est assez causé; je me rends et te prie de te laisser fléchir et de me pardonner sur mon aveu sincère: telle est, du reste, ta bonté, ton amabilité que tu auras plus de plaisir à recevoir par écrit l’excuse de ma faute qu’à en recevoir la réparation. Daigne te souvenir de nous, seigneur Pape.

EPISTOLA XII.

Sidonius Oresio suo salutem.

LETTRE XII.

SIDONIUS A SON CHER ORESIUS, SALUT.

Venit in nostras a te profecta pagina manus, quæ trahit multam similitudinem de sale Hispano in jugis cæso Tarraconensibus. Nam recensenti lucida et salsa est, nec tamen propter hoc ipsum mellea minus: sermo dulcis et propositionibus acer; sic enim oblectat eloquio, quod turbat imperio: quippe qui parum metiens quid ordinis agam, carmina a nobis nunc novat petat. Primum ab exordio religiosæ professionis, huic principaliter exercitio renuntiavi: quia nimirum facilitati posset accommodari, si me occupasset levitas versuum, quem respicere cœperat gravitas actionum. Tum præterea constat omnem operam, si longa intercapedine quiescat, ægre resumi. Quisnam enim ignoret cunctis aut artificibus aut artibus maximum decus usu venire? cumque studia consueta non frequentantur, brachia in corporibus, ingenia pigrescere in artibus? Unde est et illud, quod sero correptus aut raro, plus arcus manui, jugo bos, equus freno rebellat. Insuper desidiæ nostræ verecundia comes ad hoc sententiam inclinat, ut me, postquam in silentio decurri tres olympiadas, tam pudeat novum pœma conficere, quam pigeat. Hoc item nefas, etiam difficilia factu tibi negari, cujus affectum tanto minus decipi decet, quanto constantius nil repulsam veretur. Tenebimus ergo quippiam medium: et sicut epigrammata recentia modo nulla dictabo, ita litteras, si quæ jacebunt versu refertæ, scilicet ante præsentis officii necessitatem, mittam tibi: petens ne tu sis eatenus justitiæ prævaricator, ut me opineris nunquam ab hujusmodi conscriptione temperaturum. Neque enim suffragio tuo minus augear, si forte digneris jam modestum potius quam facetum existimare. Vale.

Elle est venue en mes mains cette lettre écrite par toi, et qui a beaucoup de ressemblance avec le sel d’Espagne que l’on tire des mines de Tarragone; car elle est claire et piquante, sans avoir pour cela moins de douceur le style en est agréable et la teneur décourageante, car elle me charme autant par l’expression qu’elle me trouble par les ordres qu’elle contient, puisque faisant peu attention à ma profession elle me demande aujourd’hui de nouveaux vers. Depuis que j’ai embrassé l’état ecclésiastique, j’ai absolument renoncé à la poésie, parce que l’on pourrait m’accuser de légèreté si je m’adonnais encore à une chose frivole, quand je ne dois songer qu’à des occupations sérieuses. D’ailleurs, il est difficile, tu ne l’ignores pas, de reprendre un travail négligé depuis longtemps; qui ne sait, en effet, que l’on ne devient habile dans les arts que par un exercice continu, et que si l’on interrompt ses études accoutumées, on sent bientôt s’engourdir et l’habileté du corps et les forces de l’esprit? De là vient aussi qu’avec un exercice tardif ou peu fréquent l’arc se trouve rebelle à la main, le bœuf indocile au joug, le cheval impatient du frein. De plus, une certaine pudeur se joignant à ma paresse, me fait croire qu’après avoir passé silencieux trois olympiades, il n’y aurait pas moins de honte que de difficulté à composer encore des vers. D’autre part, c’est mal de te refuser les choses mêmes qui peuvent coûter le plus, et il est d’autant plus inconvenant de tromper ton affection, qu’elle est bien loin de s’attendre à un refus. Je prendrai donc un certain milieu, et sans composer aujourd’hui de nouvelles pièces, s’il me reste quelques lettres entremêlées de vers, écrites avant que je fusse astreint aux devoirs de ma profession actuelle, je te les enverrai, en te priant de ne point être assez injuste pour aller croire que jamais je ne cesserai d’écrire de semblables bagatelles. Je serai fier de ton suffrage, si tu daignes avoir de moi cette opinion que je suis plutôt un homme modeste, qu’un homme spirituel. Adieu.

EPISTOLA XIII.

Sidonius Tonantio suo salutem.

LETTRE XIII.

SIDONIUS A SON CHER TONANTIUS SALUT.

Est quidem, fateor, versibus meis sententia tua tam plausibilis olim, tam favorabilis, ut pœtarum me quibusque lectissimis comparandum putes, certe compluribus anteponendum. Crederem tibi, si non, ut multum sapis, ita quoque multum me amares. Hinc est, quod de laudibus meis caritas tua mentiri potest, nec potest fallere. Præter hoc poscis, ut Horatiana incude formatos Asclepiadeos tibi quospiam, quibus inter bibendum pronuntiandis exerceare, transmittam. Pareo injunctis, licet si unquam, modo maxime prosario loquendi genere districtus occupatusque. Denique probabis circa nos plurima ex parte metrorum studia refrigescere. Non enim promptum est, unum eumdemque probe facere aliquid, et raro.

 

Jam dudum teretes hendecasyllabos,
Attrito calamis pollice lusimus,
Quos cantare magis pro choriambicis
Excusso poteras mobilius pede.
Sed tu per Calabri tramitis aggerem
Vis ut nostra dehinc cursitet orbita;
Qua Flaccus lyricos Pindaricum ad melos
Frenis flexit equos plectripotentibus,
Dum metro quatitur chorda Glyconio,
Nec non Alcaico, vel Pherecratio,
Juncto Lesbiaco, sive anapæstico,
Vernans per varii carminis eclogas,
Verborum violis multicoloribus.
Istud (da veniam) fingere vatibus
Priscis difficule est, difficile et mihi,
Ut diversa sonans os epigrammata,
Nil crebras titubet propter epistolas,
Quas cantu ac modulis luxuriantibus
Lascivire vetat mascula dictio.
Istud vix Leo, rex Castalii Chori,
Vix hunc qui sequitur Lampridius queat,
Declamans gemini pondere sub styli,
Coram discipulis Burdegalensibus.
Hoc me, teque decet, parce, precor, jocis,
Quæso pollicitam servet ad extimum
Oratoris opus cura modestiam:
Quo nil deterius, si fuerit simul
In primis rigidus, mollis in ultimis.

Quinimo quoties epulo mensæ lautioris hilarabere, religiosis, quod magis approbo, narrationibus vaca: his proferendis confabulatio frequens, his redicendis sollicitus auditus inserviat. Certe si saluberrimis avocamentis, ut qui adhuc juvenis, tepidius inflecteris, Platonico Madaurensi saltem formulas mutuare convivalium quæstionum: quoque reddaris instructior, has solve propositas, has propone solvendas, iisque te studiis, et dum otiaris, exerce.

 

Sed quia mentio conviviorum semel incidit; tuque sic carmen nobis vel ad aliam causam personamque compositum sedulo exposcis, ut me ejus edendi diutius habere non possis hæsitatorem; suscipe libens, quod temporibus Augusti Majoriani, cum rogatu cujusdam sodalis ad cœnam conveniremus, in Petri librum magistri epistolarum subito prolatum subitus effudi, meis quoque contubernalibus, dum rex convivii circa ordinandum moras nectit oxygarum, Domnulo, Severiano atque Lampridio paria pangentibus, jactanter hoc dixi, imo meliora, quos undique urbium ascitos imperator in unam civitatem, invitator in unam cœnam forte contraxerat. Id moræ tantum, dum genera metrorum sorte partimur. Placuit namque pro caritate collegii, licet omnibus eadem scribendi materia existeret, non uno tamen epigrammata singulorum genere proferri: ne quispiam nostrum, qui cæteris dixisset exilius, verecundia primum, post morderetur invidia. Etenim citius agnoscitur in quocunque recitante, si quo cæteri metro canat, an eo quoque scribat ingenio. Tu vero tunc opportunius subjecta laudabis, cum totum te socio indulseris. Non enim justum est, ut censor incipias cum severitate discutere, quod non potuit amicus cum serietate dictare.

Age convocata pubes,
Locus, hora, mensa, causa,
Jubet ut volumen istud,
Quod et aure et ore discis,
Studiis in astra tollas.
Petrus est tibi legendus,
In utraque disciplina
Satis institutus auctor.
Celebremus ergo, fratres,
Pia festa litterarum.
Peragat diem cadentem
Dape, poculis, choreis,
Genialis apparatus.
Rutilum toreuma bysso,
Rutilasque forte blattas,
Recoquente quas aheno
Melibœa
fucat unda;
Opulentet ut meraco
Bibulum colore vellus.
Peregrina det supellex
Ctesiphontis ac Niphatis
a Juga texta, belluasque
Rapidas vacante panno,
Acuit quibus furorem
Bene ficta plaga cocco,
Jaculoque ceu forante
Cruor incruentus exit.
Ubi torvus, et per artem
Resupina flexus ora,
It equo, reditque telo,
Simulacra bestiarum
Fugiens, fugansque Parthus.
Nive pulchriora lina
Gerat orbis, atque lauris,
Hederisque, pampinisque
Viridantibus tegatur.
Cytisos, crocos, amellos,
Casias, ligustra, calthas,
Calathi ferant capaces,
Redolentibusque sertis
Abacum, torosque pingant.
Manus uncta succo amomi
Domet hispidos capillos,
Arabumque messe pinguis
Petat alta tecta fumus.
Veniente nocte nec non
Numerosus erigatur
Laquearibus coruscis
Cameræ in superna lychnus;
Oleumque nescientes,
Adipesque glutinosos,
Utero tumente fundant
Opobalsamum lucernæ.
Geruli caput plicantes
Anaglyptico metallo
Epulas superbiores
Humeris ferant onustis.
Pateræ, scyphi, lebetes,
Socient falerna nardo:
Tripodasque, cantharosque
Rosa sutilis coronet.
Juvat ire per corollas
Alabastra ventilantes,
Juvat et vago rotatu
Dare fracta membra ludo,
Simulare vel trementes
Pede, veste, voce Bacchas.
Bimari remittat urbe
Thymelem, Palemque doctas
Tepidas ad officinas
Citharistrias Corinthus:
Digiti quibus canentes,
Pariter sonante lingua,
Vice pectinis fatigent
Animata fila pulsu.
Date et æra fistulata
Satyris amica nudis:
Dateravulos choraulas,
Quibus antra per palati
Crepulis reflanda buccis.
Gemit aura tibialis;
Date carminata socco,
Date dicta sub cothurno,
Date quidquid advocati,
Date quidquid et pœtæ
Vario strepunt in actu:
Petrus hæc et illa transit.
Opus editum tenemus,
Bimetra quod arte texens,
Iter asperum, viasque
Labyrinthicas cucurrit.
Sed in omnibus laborans
Et ab omnibus probatus,
Rapit hinc et inde palmam.
Per et ora docta fertur.
Procul hinc et Hippocrenen,
Aganippicosque fontes,
Et Apollinem canorum
Comitantibus Camenis
Abigamus, et Minervam
Quasi præsulem canendi
Removete ficta fatu,
Deus ista præstat unus.
Stupuit virum loquentem
Diadematis potestas,
Toga, miles, ordo equester,
Populusque Romularis:
Et adhuc sophos volutant
Fora, templa, rura, castra.
Super hæc, fragorem alumno
Padus, atque civitatum
Dat amor Ligusticarum.
Similis favor resultat
Rhodanitidas per urbes,
Imitabiturque Gallos
Feritas Ibericorum.
Nec in hoc moratus axe,
Cito ad arva perget Euri,
Aquilonibusque et Austris,
Zephyrisque perferetur.

Ecce dum quæro quid cantes, ipse cantavi. Tales enim nugas in imo scrinii fundo muribus perforatas, post annos circiter viginti profero in lucem, quales pari tempore absentes, cum domum rediit, Ulysses invenire potuisset. Proinde peto ut præsentibus ludicris libenter ignoscas. Illud vero nec verecunde, nec impudenter injungo, ut quod ipse de familiaris mei integro libro pronuntiavi, hoc tu quasi sollicitatus exempli necessitate de meo sentias. Vale.

Ton jugement sur mes vers est, je l’avoue, si flatteur, si favorable depuis longtemps, que tu me compares aux plus grands poètes, et que tu m’accordes même la préférence sur plusieurs d’entre eux. Je serais bien disposé à te croire, si je ne savais que, malgré la délicatesse de ton goût, ton amitié pour moi n’a pas de bornes. Ainsi, elle peut se tromper sur mon compte, mais elle ne peut cesser d’être de bonne foi. Tu me pries donc de te faire passer quelques asclépiades, forgés sur l’enclume d’Horace, pour t’exercer à les déclamer à table. Je t’obéis, quoique maintenant je sois plus que jamais occupé d’un ouvrage en prose. Tu verras que j’ai perdu beaucoup de mon habileté poétique; il n’est pas aisé, quand on fait rarement une chose, de la faire bien.

 

« Depuis longtemps nous avions écrit, d’une main usée par la plume, des hendécasyllabes harmonieux, que tu pourrais chanter plus facilement pour des choriambes. Tu veux que désormais je porte mes pas sur le chemin du poète calabrais, dans les lieux où Flaccus, rival de Pindare, dirigea ses coursiers lyriques guidés par des rênes brillantes, et au son d’une lyre dont les cordes vibraient sous le glyconique, sous l’alcaïque, sous le phérécratien, sous le lesbien, sous l’anapeste, tandis que sa parole, au milieu de ces rythmes divers, se colorait de l’éclat des fleurs les plus belles. Il serait difficile pour les poètes anciens (pardonne mon expression), il est surtout difficile pour moi, en composant différents genres de vers, de ne pas trébucher quelquefois, accoutumé que je suis à écrire des lettres, dont le ton grave repousse l’exubérance des richesses poétiques. De tels obstacles seraient à peine surmontés par Léon, roi du chœur de Castalie, ou par Lampridius qui le suit de près, et qui, par sa prose comme par ses vers, se fait admirer de ses disciples à Bordeaux. Eh bien! ce qu’ils pourraient à peine, il nous faut l’essayer; ne va pas rire. Conservons jusqu’à la fin la modestie dont nous avons fait preuve, car il n’y a rien de plus déplacé, après s’être montré difficile d’abord, que de devenir ensuite trop facile.

 

 

J’aime mieux, lorsque tu seras au milieu des joies de quelque grand festin, que tu racontes des histoires pieuses; fais-en le sujet ordinaire de tes conversations; qu’on aime à te les entendre répéter. Du moins, si des amusements salutaires ne peuvent que faiblement captiver la jeunesse, emprunte au Platonicien de Madaure quelques formules de questions de table, et, pour devenir plus habile en cette matière, tâche de les résoudre quand elles te sont proposées, quelquefois de les proposer aux autres; exerce-toi à ce genre d’étude, même pendant tes loisirs.

Mais, puisqu’il est question de festins, et que tu. me demandes avec tant d’empressement des vers composés sur quelque sujet que ce soit, et pour une personne quelconque, je ne peux hésiter plus longtemps à satisfaire ton désir; reçois donc ceux que j’improvisai du temps de Majorianus Auguste, à l’occasion du livre de Pétrus, grand maître des lettres. Un de mes amis m’avait invité à souper avec Domnulus, Sévérianus et Lampridius, que l’empereur avait appelés de différents lieux en une même ville, et qui se trouvaient alors réunis en un même repas; tandis que le roi du festin donne ses ordres pour le premier service, mes trois convives écrivaient aussi des vers comme moi, que dis-je? c’est trop de présomption, ils écrivaient des vers meilleurs que les miens. La seule chose qui nous retarda, ce fut le temps que nous mîmes à tirer au sort le mètre qui devait échoir à chacun de nous. Par égard les uns pour les autres, quoique nous eussions à traiter le même sujet, nous convînmes pourtant de le traiter en des mètres divers, afin d’épargner à celui dont la pièce aurait été inférieure à celle des autres, l’humiliation d’abord, et ensuite l’envie ; car il est aisé, lorsque vous débitez des vers composés sur un rythme employé par un rival, de voir si vous avez le même talent que lui. Pour toi, tu pourras mieux juger de ce que je te soumets, lorsque tu te seras abandonné tout entier à la joie des festins. Il n’est pas juste, en effet, que tu examines en censeur sévère ce que ton ami n’a pu écrire avec un esprit parfaitement calme.

 

« Sus donc, brillante jeunesse rassemblée autour de moi; le lieu, l’heure, le moment, le sujet, tout vous nous tout ce que l’on récite avec le brodequin, donnez nous tout ce que l’on déclame avec le cothurne, donnez-nous tout ce que les orateurs, tout ce que les poètes ont produit de plus admirable: Pétrus est au dessus de tout cela. Nous avons enfin cet ouvrage écrit en prose et en vers, dans lequel il a pris un chemin difficile et des routes inextricables. L’auteur aborde tous les genres et obtient tous les suffrages; de côté et d’autre on le vante, les hommes plus doctes célèbrent sa louange. Loin d’ici et la source d’Hyppocrène, et les ondes Aganippiques, et Apollon qui chante accompagné des Muses, et Minerve qui préside à l’harmonie; loin de nous toutes ces fictions, un Dieu mortel les surpasse.

L’empereur, le sénat, l’ordre équestre et le peuple romain ont admiré la parole de cet homme; les places publiques, les temples, les cités, les campagnes retentissent encore d’applaudissements. Le Pô et les villes de la Ligurie s’enorgueillissent avec amour d’un tel nourrisson. Les cités que baigne le Rhône célèbrent aussi sa gloire, et l’Ibère sauvage imitera le Gaulois.

La renommée de Pétrus ne s’arrêtera pas dans ces régions, elle volera jusques aux lieux où soufflent l’Eurus, l’Aquilon, l’Auster et le Zéphyr. »

 

Voilà qu’en cherchant, quelque chose que tu puisses chanter, j’ai chanté moi-même. De semblables bagatelles qui reposaient au fond de mon coffre et que rongeaient les rats, je les mets au jour après vingt ans, dans l’état où Ulysse, qui fut absent un nombre égal d’années, eût pu les trouver à son retour. Je te prie donc de vouloir bien te montrer indulgent pour ce badinage. Mais je te le recommande sans modestie, comme sans impudeur; le jugement que j’ai porté sur tout le livre de mon ami, porte-le, toi aussi, à mon exemple, sur mes compositions. Adieu.

EPISTOLA XIV.

Sidonius Burgundioni suo salutem.

LETTRE XIV.

SIDONIUS A SON CHER BURGUNDIO SALUT.

Dupliciter excrucior quod nostrum uterque lecto tenetur. Nihil enim est durius quam cum præsentes amici dividuntur communione languoris. Quippe si accidat, ut nec intra unum conclave decumbant, nulla sunt verba, nulla sunt solatia, nulla denique mutui oratus vicissitudo. Itaque singulis mœror ingens, isque plus de altero: nam parum possis, quanquam et infirmus, periclitante quem diligas, tibi timere. Sed Deus mihi, fili amantissime, pro te paventi validissimum scrupulum excussit, quia pristinas incipis vires recuperare. Diceris enim jam velle consurgere, quodque plus opto, jam posse. Me certe taliter consulis, et sollicitudine prope præcoqua quæstiunculis litterarum, jam quasi ex asse vegetus exerces, audire plus ambiens, etsi adhuc æger, Socratem de moribus, quam Hippocratem de corporibus disputantem. Dignus omnino quem plausibilibus Roma foveret ulnis, quoque recitante crepitantis Athenæi subsellia cuneata quaterentur. Quod procul dubio consequebare, si pacis locique conditio permitteret, ut illic senatoriæ juventutis contubernio mixtus erudirere. Cujus te gloriæ pariter ac famæ capacem, de orationis tuæ qualitate conjecto: in qua decentissime te nuper pronuntiante, quæ quidem scripseras extemporaliter, admirabantur benevoli, mirabantur superbi, morabantur periti. Sed ne impudenter verecundiam tuam laudibus nimiis ultro premamus, præconia tua justius de te, quam tibi scribimus. Hoc potius, unde est causa sermonis, intromittamus.  

Igitur interrogas per pugillatorem, quos recurrentes asseram versus, ut celer explicem, sed sub exemplo. Ii nimirum sunt recurrentes, qui metro stante, neque litteris loco motis, ut ab exordio ad terminum, sic a fine releguntur ad summum. Sic est illud antiquum:

Roma tibi subito motibus ibit amor.

Et illud:

Sole medere pede, ede perede melos.

Necnon habentur pro recurrentibus, qui pedum lege servata, et si non per singulos apices, per singula tamen verba replicantur: ut est unum distichon meum (qualia reor equidem legi multa multorum) quod de rivulo lusi, qui repentino procellarum pastus illapsu, publicumque aggerem confragoso diluvio supergressus, subdita culta viæ inundaverat, quanquam depositurus insanam mox abundantiam, quippe quam pluviis appendicibus intumescentem, nil superna venæ perennis pondera inflarent. Igitur istic (nam viator adveneram) dum magis ripam quam vadum quæro, tali jocatus epigrammate, per turbulenti terga torrentis his saltem pedibus incessi.

Præcipiti modo quod decurrit tramite flumen,
Tempore consumptum jam cito deficiet.

Hoc si recurras, ita legitur:

Deficiet cito jam consumptum tempore flumen,
Tramite decurrit quod modo præcipiti.

Ecce habes versus, quorum syllabatim mirere rationem. Cæterum pompam quam non habent, non docebunt. Sufficienter indicasse me suspicor, quod tu requirendum existimasti. Simile quiddam facis et ipse si proposita restituas, æque diverso, quæ repeteris expedias. Namque eminet tibi thematis celeberrimi votiva redhibitio, laus videlicet peroranda, quam ediderat, Cæsaris Julii. Quæ materia tam grandis est, ut studentum si quis fuerit ille copiosissimus, nihil amplius in ipsa debeat cavere, quam ne quid minus dicat. Nam si omittantur quæ titulis dictatoris invicti scripta Patavinis sunt voluminibus; quis opera Suetonii, quis Juventii Martialis historiam, quisve ad extremum Balbi ephemeridem fando adæquaverit? Sed tuis ceris hæc reservamus. Officii magis nostri est auditoribus scamna componere, et præparare aures fragoribus intonaturis: dumque virtutes tu dicis alienas, nos moliamur tuas dicere. Neque vereare me quospiam judices Catonianos advocaturum, qui modo invidiam, modo ignorantiam suam fictæ severitatis velamine tegant: quanquam imperitis venia debetur. Cæterum quisquis ita malus est, ut intelligat bene scripta, nec tamen laudet, hunc boni intelligunt, nec tamen laudant. 

 Proinde curas tuas hoc metu absolvo: faventes audient cuncti, cuncti foventes, gaudiisque quæ facies recitaturus, una fruemur. Nam plerique laudabunt facundiam tuam, plurimi ingenium, toti pudorem. Non enim minus laudi feretur, adolescentem, vel quod est pulchrius, pene adhuc puerum, de palæstra publici examinis tam morum referre suffragia, quam litterarum. Vale.

Je suis doublement chagrin de ce que nous sommes tous deux alités. Il n’y a rien de si dur pour des amis présents que de se voir séparés l’un de l’autre par une même maladie; car s’ils ne couchent point dans la même chambre, ils ne peuvent ni s’entretenir, ni se consoler, ni s’entraider. Ils éprouvent donc chacun en particulier une grande affliction, et s’attristent l’un sur l’autre; car l’on ne peut guère, quoique malade, appréhender pour soi, quand celui que l’on aime se trouve en danger. Cependant, mon fils bien-aimé, Dieu vient de m’ôter une terrible inquiétude à ton sujet, car j’apprends que tu recouvres tes forces; l’on dit que tu veux te lever, et, ce qui m’est bien plus agréable, que tu le peux déjà. Tu me consultes, et, avec une sollicitude un peu hâtive, tu m’adresses quelques petites questions littéraires, comme si tu étais entièrement rétabli; quoique malade encore, tu aimes bien mieux entendre Socrate discourant sur l’âme, qu’Hippocrate dissertant sur les corps. Tu serais bien digne des tendres applaudissements de Rome, tu mériterais d’entendre les bancs de ‘‘Athénée retentir à ta parole, et tu pourrais obtenir sans doute cet honneur, si le temps et les lieux permettaient que tu te formasses dans les rangs de la jeunesse sénatoriale. Ce qui me fait penser que tu serais capable d’arriver à une telle gloire et à un tel renom, c’est le mérite de ce discours que tu avais écrit à la hâte et que tu débitas naguère avec une dignité qui te faisait applaudir par tes amis, admirer par les hommes difficiles, estimer par les connaisseurs. Mais je ne veux pas blesser ta modestie en te donnant des louanges outrées, et je fais ton éloge plutôt que je ne te l’adresse. Venons-en donc à ce qui fait l’objet de cette lettre.

Tu me pries, par le porteur, de t’expliquer au plus tôt ce que j’entends par des vers rétrogrades, et de t’en donner des exemples. On appelle ainsi des vers qui, sans que la mesure soit dérangée ni les lettres changées de place, présentent les mêmes mots, soit qu’on les lise dans leur ordre naturel, soit qu’on remonte de la fin au commencement. Tel est cet ancien vers:

Roma tibi subito motibus ibit amor.

Et cet autre:

Sole medere pede, ede perede melos.

 

On appelle encore vers rétrogrades ceux qui conservent la même mesure pour les pieds, en reprenant non pas chaque lettre, mais chaque mot, depuis le dernier jusqu’au premier; tel est ce distique (et j’ai lu beaucoup de vers de ce genre) que j’ai fait sur un petit ruisseau, qui, s’étant tout-à-coup grossi par un orage, avait inondé le grand chemin et les terres labourées des environs, mais qui devait bientôt perdre la folle exubérance de ses eaux gonflées par des pluies passagères, puisqu’il n’avait d’ailleurs aucune source féconde pour l’alimenter encore. J’arrivai là, et, tout en cherchant la rive plutôt. que le gué, je me mis à faire ces vers badins; ce fut du moins avec de tels pieds que je franchis ce torrent débordé:

Præcipiti modo quod decurrit tramite flumen,
Tempore consumptum jam cito deficiet.

En retournant ces vers, tu les liras ainsi:

Deficiet cito jam consumptum tempore flumen
Tramite decurrit quod modo præcipiti.

Voilà des vers dont tu peux examiner la disposition syllabe par syllabe; au reste, ne va pas leur demander l’élégance qu’ils sont loin d’avoir. Je crois t’avoir indiqué suffisamment ce que tu désirais savoir. C’est à toi maintenant de m’obliger en faisant ce que je te propose, et en m’envoyant ce que je viens à mon tour te demander. Tu as un magnifique devoir à remplir, car tu m’as promis de prononcer publiquement cet éloge de Jules César, que tu as mis au jour. La matière est si riche, que l’écrivain le plus fécond ne doit rien tant appréhender que de rester au-dessous du sujet. Quand on ne parlerait pas des éloges que l’historien de Padoue a décernés à l’invincible dictateur, qui pourrait jamais égaler le style de Suétonius dans ses œuvres, celui de Juventius Martialis, dans son Histoire, ou enfin celui de Balbus dans son Ephéméride? Mais ceci est un soin qui te concerne; mon devoir, à moi, c’est de préparer des bancs à tes auditeurs, de disposer les oreilles à entendre le fracas des applaudissements, et de célébrer ta louange pendant que tu prononceras l’éloge d’autrui. Ne crains pas que j’amène des juges graves comme Caton, et qui déguisent sous. le voile d’une sévérité simulée leur jalousie ou leur ignorance. L’on doit, il est vrai, de l’indulgence à l’inhabileté; cependant, s’il est des hommes assez méchants pour ne pas louer un ouvrage qu’ils savent trouver bien écrit, les gens de bien ne les louent pas eux non plus, tout en sachant les reconnaître pour habiles.

Ainsi donc, ne va pas te tourmenter d’une vaine crainte; tout le monde t’écoutera avec bienveillance, tout le monde applaudira, et nous jouirons ensemble du plaisir que ta parole nous procurera. La plupart loueront ton éloquence, beaucoup vanteront ton génie, tous s’émerveilleront de ta modestie; car, pour un jeune homme, ou, ce qui est plus beau, pour un enfant, en quelque sorte, il n’est pas moins glorieux d’obtenir les applaudissements du public à cause de son caractère, que de les obtenir à cause de ses talents. Adieu.

EPISTOLA XV.

Sidonius Gelasio suo salutem.

LETTRE XV.

SIDONIUS A SON CHER GELASIUS SALUT.

Probas, neque deprecor, me deliquisse: deliqui quippe, qui necdum nomine tuo ullas operi meo litteras junxerim. Sed tamen scribis tum quod erraverim veniabile fore: si quod et ipse decantes mittam ab exemplo: quia scilicet, Tonantio meo, ad parem causam futuras usui litteras bimetras miserim. Præter hoc quereris paginam meam, si resolvatur in lusum, solis hendecasyllabis frequentari. Qua de re trochaica garrulitate suspensa, senariolos aliquos plus requiris. Servio injunctis: tu modo placidus accipias: si veodam hanc ipsam mavis vocare, sive eclogam. Nam metrum diu infrequentatum durius texitur.  

Jubes, amice, nostra per volumina
Modis resultet incitatioribus
Ferox iambus, et trochæus hactenus,
Pigrasque bigas et quaterna tempora
Spondæus addat, ut moram volucripes
Habeat parum per insitam trimetria:
Resonetque mixtus ille pes celerrimus,
Bene nuncupatus quondam ab arte Pyrricha
,
Loco locandus undecunque in ultimo:
Spondam daturus et subinde versui,
Modo in priore parte, nunc in extima,
Anapæstus, ipse quanquam et absolutius
Pronuntietur, cum secuta tertia
Geminæ brevique longa adhæret syllaba.
Quæ temperare vix callet gregarius
Pœta, ut ipse cernis esse Sollium.
In pectine errat, nec per ora concava
Vaga lingua flexum competenter explicat.
Epos sed istud aptius paraverit
Leo, Leonis aut secutus orbitas
Cantu in Latino, cum prior sit Attico,
Consentiorum qui superstes est patri,
Fide, voce, metris, ad fluenta Pegasi
Cecinisse dictus omniforme canticum;
Quotiesque verba Graia carminaverit,
Tenuisse celsa junctus astra Pindaro,
Montemque victor isse per biverticem
Nulli secundus inter astra Delphica.
At uterque vatum, si lyræ pœticæ
Latiare carmen aptet absque Dorico,
Venusina Flacce plectra ineptus exseras,
Japygisque verna cycnus Aufidi,
Atacem tonare cum suis oloribus,
Cana et canora colla victus ingemas.
Nec ista sola sunt perita pectora,
Licet et peritis hæc peritiora sint:
Severianus ista rhetor altius,
Afer vaferque Domnulus politius,
Scholasticusque sub rotundioribus
Petrus camenis dictitasset acrius:
Epistolaris usquequaque nec stylus
Virum vetaret, ut stupenda pangeret
Potuisset ista semper efficacius,
Humo atque gente cretus in Ligustide
Proculus, melodis insonare pulsibus,
Limans faceta quæque sic pœmata,
Venetam lacessat ut favore Mantuam:
Homericæque par et ipse gloriæ,
Rotas Maronis arte sectans compari.
Ego corde et ore jure despicabilis,
Quid inter hosce te rogante garriam,
Loquacitatis impudentiam probans,
Animiquevota destituta litteris;
Sed quid negabo, nec pudore territus?
Amor timere nescit: inde parui.

Ignosce desueta repetenti, atque ob impleta quæ jusseras, nihil amplius quam raritatis indulgentiam præstolaturo. Cæterum mihi similia post si jusseris, quo queam magis fieri obsequens, curabis ad vicem carminis, aut dictare quæ cantem, aut saltare quæ rideam. Vale.

Tu prétends que je t’ai offensé, et c’est une chose que j’avoue franchement, car je t’ai offensé en ne mettant dans ce recueil aucune lettre qui porte ton nom. Tu ajoutes cependant que ma faute sera pardonnable, si je t’envoie quelque chose que tu puisses chanter, comme j’ai envoyé à mon ami Tonantius une lettre en prose et en vers pour le même usage. Tu te plains, en outre, de ce que mes pages, lorsqu’elles prennent le ton badin, n’admettent que des hendécasyllabes; tu veux donc que, renonçant à mes trochées, je t’adresse de préférence des vers de six pieds. Je t’obéis; reçois d’une manière bienveillante cette pièce que tu pourras appeler ode ou églogue, comme tu voudras. On a de la peine à écrire dans un genre que l’on n’a pas abordé depuis longtemps.

« Tu veux, ô mon ami, que je fasse retentir dans mon volume le cruel iambe et le trochée; tu veux que le spondée amène ses biges paresseux et ses quatre temps, afin que le rapide trimètre éprouve quelque retard; tu veux que je fasse résonner ce pied si léger qui jadis, à bon droit, emprunta son nom de la danse pyrrhique, et qu’il faut toujours mettre à la dernière place; tu veux que je fasse paraître l’anapeste qui doit quelquefois servir de limite au commencement ou à la fin du vers, et qui n’est anapeste que lorsqu’une troisième syllabe longue vient après deux syllabes brèves.

« Un poète ordinaire, comme tu vois que l’est ton ami Sollius, ne sait guère mélanger avec bonheur ces diverses espèces de pieds; ma voix impuissante n’enfante que des sons vagues et indécis. L’homme qui peut le mieux réussir dans ce genre de vers, c’est Léo; c’est encore celui qui, marchant à la suite de Léo, se trouve le second dans la poésie latine, et occupe le premier rang dans la poésie grecque; c’est celui qui survit au père des Consentius. il a écrit sur les bords de la fontaine de Pégase toutes sortes de vers admirables; dans ses poésies grecques, il s’élève jusqu’aux nues à côté de Pindare, et, sur la double colline, aucun poète ne brille autant que lui. Mais lorsque ces deux hommes manient la lyre latine seulement, la lyre de Flaccus parait muette, et le cygne de l’Aufidus vaincu gémira de voir le triomphe des cygnes harmonieux de l’Atax.

« Et ce ne sont pas là nos seuls poètes habiles, quoiqu’ils soient plus habiles que les autres. Le rhéteur Sévérianus montrerait plus d’élévation; l’Africain Domnulus, plus de politesse et d’élégance; le docte Pétrus, plus de vigueur et d’harmonie; et l’habitude du style épistolaire n’empêcherait point celui-ci de composer des vers admirables. Le Ligurien Proculus déploierait sur sa lyre mélodieuse des sons plus ravissants, lui qui, dans ses vers délicats, rivalise avec Mantoue la Vénète, et, se mettant au niveau de la gloire homérique, s’avance l’égal de Virgile, Moi qui n’ai rien de noble ni dans les pensées, ni dans le style, que pourrais-je dire, même à ta demande, au milieu de ces personnages illustres, sans tomber en un verbiage importun, et sans montrer que mon style est loin de répondre à mes désirs? Que te refuser, cependant, lorsque la honte elle-même ne peut m’arrêter? L’autour ne connait pas la crainte: voilà pourquoi je t’ai obéi. »

 

 

 

 

 

Ne sois pas difficile, car je me suis remis à un travail interrompu depuis longtemps; après avoir condescendu à ta demande, je n’ai d’autre droit à l’indulgence, que mon peu d’exercice dans cette matière. Du reste, si tu m’imposes par la suite une pareille obligation, tu auras soin, pour que je puisse te satisfaire plus facilement, ou de me dicter des choses que je puisse chanter, ou d’exécuter une danse qui puisse me faire rire. Adieu.

EPISTOLA XVI.

Sidonius Firmino suo salutem.

LETTRE XVI.

SIDONIUS A SON CHER FIRMINUS, SALUT.

Si recordaris, domine fili, hoc mihi injunxeras, ut hic nonus libellus, peculiariter tibi dictatus, cæteris octo copularetur, quos ad Constantium scripsi, virum singularis ingenii, salutaris consilii certe in tractatibus publicis cæteros eloquentes, seu diversa, sive paria decernat, præstantioris facundiæ dotibus antecellentem. Sponsio impleta est, non quidem exacte, sed vel instanter. Nam peragratis forte diœcesibus, cum domum veni, si quod schedium temere jacens chartulis putribus ac veternosis continebatur, raptim coactimque translator festinus exscripsi, tempore hiberno nil retardatus, quin actutum jussa complerem; licet antiquarium moraretur insiccabilis gelu pagina, et calamo durior gutta, quam judicasses imprimentibus digitis non fluere, sed frangi. Sic quoque tamen compotem officii prius agere curavi, quam duodecimum nostrum, quem Numæ mensem vos nuncupatis, Favonius flatu teporo, pluviisque natalibus maritaret. Restat ut te arbitro non reposcamus res omnino discrepantissimas, maturitatem celeritatemque. Nam quotiens liber quispiam scribi cito jubetur, non tantum honorem spectat auctor a merito, quantum ab obsequio. De reliquo, quia tibi nuper ad Gelasium virum sat benignissimum missos iambicos placuisse pronuntias, per hos te quoque Mitylenæi oppidi vernulas munerabor.  

 

Jam per alternum pelagus loquendi
Egit audacem mea cymba cursum;
Nec bipertito timuit fluento
Flectere clavum.
Solvit antennas, legit alta vela,
Palmulam ponit manus, atque transtris
Littori junctis, petit osculandum
Saltus arenam.
Mussitans quanquam chorus invidorum
Prodat irritu rabiem canino,
Nil palam sane loquitur, pavetque
Publica puncta.
Verberant puppem, quatiunt carinam.
Ventilant spondas laterum rotundas,
Arborem circa volitant sinistræ
Sibila linguæ.
Nos tamen rectam comite arte proram,
Nil tumescentes veriti procellas,
Sistimus portu, geminæ
potiti
Fronde coronæ:
Quam mihi indulsit populus Quirini,
Blattifer vel quam tribuit senatus,
Quam peritorum dedit ordo consors
Judiciorum.
Cum meis ponistatuam perennem
Nerva Trajanus titulis videret,
Inter auctores utriusque fixam
Bibliothecæ
.
Quamque post visus prope post bilustre
Tempus, accepi capiens honorem,
Qui patrum ac plebis simul unus olim
Jura gubernat.
Præter heroos, joca multa multis
Texui pannis; elegos frequenter
Subditos senis pedibus rotavi
Commate bino.
Nunc per undenas equitare suetus
Syllabas, lusi celer; atque metro
Sapphico creber cecini, citato
Rarus iambo.
Nec recordari queo quanta quodam
Scripserim primo juvenis calore:
Unde pars major utinam taceri
Possit et abdi.
Nam senectutis propiore meta,
Quidquid extremis sociamur annis,
Plus pudet, si quid leve lusit ætas,
Nunc reminisci.
Quod perhorrescens, ad epistolarum
Transtuli cultum genus omne curæ:
Ne reus cantu petulantiore,
Sim reus actu.
Neu puter solvi per amœna dicta,
Schema si chartis phalerasque jungam:
Clerici ne quid maculet rigorem
Fama pœtæ.
Denique ad quodvis epigramma posthac
Non ferar pronus, teneroque metro,
Vel gravi, nullum cito cogar exhinc
Promere carmen.
Persecutorum nisi, quæstiones
Forsitan dicam, meritosque cœlum
Martyres mortis pretio parasse
Præmia vitæ.
E quibus primum mihi psallat hymnus
Qui Tolosatem tenuit cathedram,
De gradu summo capitoliorum
Præcipitatum,
Quem negatorem Jovis ac Minervæ,
Et crucis Christi bona confitentem,
Vixit ad tauri latus injungati
Plebs furibunda:
Ut per abruptum bove concitato,
Spargere cursus lacerum cadaver,
Cautibus tinctis calida soluti
Pulte cerebri,
Post Saturninum, volo plectra cantent,
Quos patronorum reliquos probavi
Anxio duros mihi per labores
Auxiliatos.
Singulos quos nunc pia nuncupatim
Non valent versu cohibere verba,
Quos tamen chordæ nequeunt sonare,
Corda sonabunt.

Redeamus in finem ad oratorium stylum, materiam præsentem proposito semel ordine terminaturi: ne si epilogis musicis opus prosarium clauserimus, secundum regulas Flacci, ubi amphora cœpit institui, urceus potius exisse videatur. Vale.

Si tu te le rappelles, seigneur fils, tu m’avais ordonné d’ajouter ce neuvième livre, écrit spécialement pour toi, aux huit autres livres que j’ai adressés à Constantius, personnage d’un talent remarquable, d’une prudence salutaire, et qui, dans les affaires publiques, l’emporte par son éloquence merveilleuse sur les orateurs les plus habiles, soit qu’il soutienne le même avis, soit qu’il soutienne un avis contraire. Voilà ma promesse remplie, si ce n’est avec exactitude, du moins avec empressement. Car, après avoir parcouru mon diocèse, je me suis mis, une fois de retour chez moi, à chercher les lettres qui pouvaient se trouver çà et là dans mes vieux papiers, à les faire copier aussitôt et à la hâte, sans être empêché par l’hiver, qui régnait alors, d’accomplir ton ordre à l’heure même, quoique le copiste ft retardé par le froid qui ne permettait point à la page de sécher, et qui rendait les gouttes d’encre trop dures à la plume, de sorte qu’elles semblaient moins couler que se briser sous les doigts de l’écrivain. J’ai taché, toutefois, de mettre fin à l’œuvre avant que les zéphyrs, de leurs tièdes haleines et de leurs bienfaisantes rosées, vinssent féconder notre douzième mois, que vous appelez, vous, le mois de Numa. Ne va pas maintenant chercher dans ce livre des choses bien opposées, la perfection et la célérité; car, toutes les fois que l’on demande à un auteur de composer un ouvrage en peu de temps, il a droit à des éloges, moins sous le rapport du mérite que sous le rapport de l’obéissance. Au reste, puisque tu as été content, me dis-tu, des iambes que j’ai envoyés dernièrement à Gélasius, personnage si bon, je vais te récompenser par le don que je te fais de ces petits esclaves de Mitylène.

« Déjà, pilote audacieux, j’ai fait voler mon vaisseau sur la mer de la prose et sur celle de la poésie; je n’ai pas craint de diriger le gouvernail au sein des flots périlleux. L’antenne baissée, les voiles pliées, déjà ma main quitte l’aviron; déjà je touche au rivage fortuné, et je m’élance sur le sable et le baise avec transport.

La rage de mes ennemis pousse des murmures; semblables à des chiens qui menacent, ils grondent en grinçant des dents, et n’osent pourtant éclater, retenus par la crainte d’un public équitable.

Les sifflements de l’envie frappent la poupe, agitent la quille de mon vaisseau, en assiègent les flancs arrondis, et voltigent autour du mât.

Néanmoins, habile nocher, sans redouter la tempête, j’arrive au port la proue droite, et l’on ceint mon front d’une double couronne.

L’une m’a été donnée par le peuple romain, par le sénat qui revêt la pourpre, par l’avis unanime de juges habiles;

 Alors que Nerva Trajan voyait s’élever à mon honneur une statue glorieuse, placée entre les statues des fondateurs des deux bibliothèques.

L’autre couronne, je l’ai reçue, lorsque, après environ deux lustres, on m’a vu à Rome de nouveau, et que j’ai été honoré de la charge qui, seule à présent, maintient les droits du peuple et du sénat.

Auteur de vers héroïques, souvent je me suis exercé dans les poésies légères; souvent j’ai tourné des vers élégiaques, et de ces vers à double césure, qui marchent sur six pieds.

Souvent encore ma plume s’est familiarisée avec les vers de onze syllabes; souvent j’ai chanté en vers saphiques, mais j’ai rarement employé l’iambe rapide et précipité.

Je ne puis me rappeler combien d’ouvrages me sort échappés dans la première chaleur de la jeunesse. Plût à Dieu que la plus grande partie fût tombée dans un profond oubli !

Car, plus nous approchons de la limite dernière et des dernières années de la vie, plus aussi nous éprouvons de honte à la pensée des frivoles productions de notre jeunesse.

Moi-même, tout effrayé, e me suis consacré entièrement au genre épistolaire; coupable déjà par la liberté de mes chants, je craindrais de le devenir par celle de mes actions.

Je craindrais qu’on ne pensât que la gaîté de mes poésies influe sur mon âme, si je recherche les grâces et les charmes de l’art; je craindrais que la réputation du poète ne portât quelque atteinte à la vie pure et austère du ministre de Dieu.

Non, je ne me laisserai plus aller à écrire quelque pièce que ce soit; ni vers tendres, ni vers sérieux, je n’écrirai plus rien désormais. Je reprendrai peut-être mes chants, mais ce sera pour célébrer les martyrs, dont le courage, vainqueur des tortures, a mérité le ciel et gagné la récompense de l’éternelle vie.

Avant tout, je célébrerai dans mes hymnes le pontife qui occupa le siège de Toulouse, et qui fut précipité du haut du Capitole.

Refusant d’offrir de l’encens à Jupiter et à Minerve, il confessait hautement la croix salutaire du Christ; soudain la populace furieuse l’attache à la queue d’un taureau indompté, qui l’emporte dans sa course effrénée. Ses membres déchirés en pièces sont dispersés, et sa cervelle fumante rejaillit, brisée par les cailloux.

Après Saturnin, c’est vous que je chanterai, vous que j’ai choisis pour patrons, et qui m’avez secouru dans mes jours orageux.

Vous tous dont les noms sacrés ne sauraient se placer un à un dans mes vers; si les cordes de ma lyre ne peuvent pas vous célébrer, mon cœur du moins vous bénira. »

 

  

 

 

 

Revenons au style épistolaire; terminons cet ouvrage par le genre que nous avons adopté d’abord; car donner un épilogue en vers à un ouvrage de prose ce serait, comme dit Flaccus, faire un vase grossier après avoir commencé une amphore.

 

NOTES DU LIVRE IX.

 

LETTRE PREMIÈRE.

FIRMINUS, né dans la ville d’Arles, était d’une famille distinguée; les trois évêques, disciples de St. Césaire, qui ont écrit la vie de ce prélat, donnent de grands éloges à Firminus, parce qu’il reçut le jeune religieux, venu de Lérins à Arles pour y rétablir sa santé. « Erat igitur Firminus illustris et timens Deum, et proxima illius materfamilias Gregoria, illustrissima feminarum in urbe Arelatensi, quorum studio et vigilantia curaque circa clerum et monachos, circaque cives et pauperes civitatis prædictæ reddebatur illustrior ….. Qui S. Cæsarium ad se causa misericordiæ receperunt. » Act. Sanct., 27 Aug., pag. 65.

Sirmond conjecture que le Firminus des Bollandistes, et celui de notre auteur, est bien le même personnage; il pense encore que c’est à lui qu’Ennodius adresse la 8e lettre de son livre Ier, et la 7e du livre II. Voyez, pour de plus amples détails, l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 684.

C. SECUNDUS. — C. Plinius Cæcilius Secundus, que nous appelons Pline le Jeune. Il a composé dix livres de lettres, mais Sidonius n’en compte que neuf, parce que le dernier ne contient que la correspondance de Pline et de Trajan. Symmaque n’aurait également que neuf livres, à prendre ainsi les choses, car les lettres du dixième ne sont plus adressées à des particuliers. Des épistolographes se sont arrêtés, après Sidonius, au nombre neuf, comme Avite de Vienne, ainsi que l’atteste Grégoire de Tours ; Hist. II, 34. La même histoire nous apprend que Ferréolus, évêque d’Uzès, avait composé « libros aliquot epistolarum, quasi Sidonium secutus, » ibid. VI, mais il ne désigne pas le nombre de livres.

LETTRE II.

EUPHRONIUS, évêque d’Autun. Sid. Epist. VII, 8.

ORIGENES. — Origène est un des hommes qui ont fait le plus d’honneur au christianisme naissant; aussi fut-il cruellement persécuté par les païens et par les chrétiens. Il donna une preuve très douloureuse et très peu équivoque de la bonne foi avec laquelle il voulait garder sa virginité. Ses écrits, condamnés chez les Grecs, jouissaient de la plus haute estime dans les Gaules. Il me semble pourtant que St. Sidonius, en sa qualité d’évêque, pousse l’admiration un peu trop loin, quand il en fait un saint. L’Eglise a reproché à Origène d’être tombé dans plusieurs erreurs, et ne lui a point su gré d’avoir osé sur lui-même ce qu’Abélard ne subit qu’à son corps défendant.

Sauvigny, auteur de cette note, suppose très gratuitement que Sidonius fait un saint d’Origène.

LETTRE III.

FAUSTUS était originaire de la Grande-Bretagne; son éloquence lui avait acquis de la réputation au barreau. Il tâcha néanmoins d’enfouir tous ses talents dans la solitude, mais il ne put arriver à son but. On s’empressa d’autant plus de rendre justice à son mérite, que seul il paraissait le méconnaître. Il fut élu troisième abbé de Lérins, vers 433 ou 434, et, pendant environ vingt-sept ans qu’il gouverna ce monastère, il eu soutint la réputation et la régularité par sa vigilance et par ses exemples.

Faustus avait succédé à St. Maximus dans la dignité d’abbé de Lérins; il lui succéda aussi dans celle d’évêque de Riez, en 462, et mérita d’être exilé pour sa foi. Il avait eu le courage d’écrire contre les Ariens, malgré la tyrannie d’Evarix. C’est la persécution qui est la pierre de touche du vrai zèle. Faustus, rendu à la liberté en 484, se dévoua tout entier au bien de ses peuples, et mourut dans un âge avancé. On a de lui un traité De Gratia Dei et humanœ mentis libero arbitrio, divisé en deux livres, puis quelques opuscules et quelques heures, dans la Bibliothèque des Pères, tom. VIII, pag. 523-558. Quoique les écrits de Faustus aient été flétris avec justice, sa mémoire n’a pas été flétrie, parce qu’il écrivait avant que l’Eglise eût condamné comme hérétiques les sentiments qu’il a professés: son nom était autrefois dans le Catalogue des Saints, de Gennadius; mais Molanus, De Martyrologiis, cap. XIII, a montré qu’il n’a jamais été mis dans le Catalogue des Saints par l’Eglise romaine, et qu’il ne se trouve pas dans le Martyrologe d’Usuard. Simon Bartel, auteur d’un livre intitulé: Hislorica et chrvnologica prœsulum sanctœ Regiensis Ecclesica nomenclatura ; Aquis-Sextiis Et. David, 1636, in-8°, a mis à la fin de son ouvrage une Apologie de Faustus, que les curieux pourront consulter. Pour de plus amples détails, voyez l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 585 -619; — Longueval, Hist. de l’Eglise gallicane, tom. II., passim ; — et Tillemont, Mém., tom. XVI, pag. 408 et suiv.

PER HAS CIVITATES. — Sirmond et Savaron pensent que Sidonius écrivit cette lettre pendant son exil à Bordeaux, où il était auprès d’Euric, roi des Visigoths, en guerre alors avec les Romains. Sidon. Epist. VIII, 9.

BARBARISMUS MORUM. — St. Jérôme a dit: « Apud christianos solœcismus est magnus et vitium turpe quid narrare, vel facere. » In Helvidium.

LUGDUNENSIS ECCLESIÆ. — Celle dont il est parlé au IIe livre, lettre 10. Le P. Sirmond croit que, parmi les Homélies qui nous restent sous le nom d’Eusèbe, quelques-unes ont été composées par Faustus de Riez, et Sedulius Scotus en cite d’autres, dans son Recueil sur St. Matthieu, qui ont encore été attribuées à Faustus.

LETTRE IV.

« Le roi des Goths regardait Græcus comme le seul évêque qui lui eut donné des preuves essentielles de dévouement, surtout à l’occasion du traité conclu avec les Romains, quand ceux-ci lui sacrifièrent lâchement l’Auvergne. Les lecteurs peuvent se ressouvenir de la lettre de Sidonius à Græcus, laquelle a rapport à ce traité; tout ce que soupçonnait Sidonius alors était arrivé. Cependant Sidonius ne cessa d’écrire à Græcus les lettres les plus affectueuses; il porte même l’adulation jusqu’à lui dire qu’il est le plus vénérable des ministres du Seigneur. Il est vrai que Græcus était celui des évêques qu’Euric et son successeur considéraient le plus et que Sidonius ne laisse échapper aucune occasion de flatter ses persécuteurs. » (Note de Billardon de Sauvigny.)

LETTRE V.

On ne sait pas quel siège occupait Julianus, à qui cette lettre est adressée.

INITAM PACTIONEM. — Il s’agit de la paix entre Julius Népos et Euric; elle fut rompue par celui-ci.

LETTRE VI.

Le P. Sirmond pense que l’évêque Ambrosius est le même que celui auquel Ruricius adressa la 43e lettre du IIe livre de ses ouvrages.

ULYSSEAS CERAS. — Il était décrété que quand un homme aurait passé devant les Sirènes sans se précipiter vers elles, ces filles des eaux périraient. Ulysse amena pour elles ce jour fatal. Tout son équipage se boucha les oreilles avec de la cire; pour lui, les oreilles libres, il se fit attacher à un grand mât. Le navire passa ainsi le parage mélodieux, sans qu’il arrivât d’accident. Les matelots étaient privés de l’usage de l’ouïe, le chef de l’usage de ses jambes; les uns ne songeaient pas à se précipiter vers les cantatrices marines qu’ils n’entendaient pas; l’autre suppliait ses amis de le délier, mais il suppliait en pure perte. Biog. univ. partie. mythol., article Sirènes. — Odyssée, chant XII.

LETTRE VII.

REMIGIUS (Saint) évêque de Reims et apôtre des Français, naquit vers 438, de parents nobles, qui faisaient leur demeure à Laon ou dans les environs de cette ville. Dès sa première jeunesse il fit de rapides progrès dans les lettres, et se rendit recommandable par la sainteté de sa vie. Son mérite parut un motif suffisant pour le dispenser de l’âge prescrit par les canons, et, à vingt-deux ans, il fut placé malgré lui sur le siège pontifical de Reims (raptus potius quam electus; ce sont les termes de Hincmar), l’an 496. Hincmar de Reims et Flodoard, trompés par Frédégaire (Hist. Franc. Epitom., cap. XXI), disent: « Clovis reçut le baptême, et six mille Français le reçurent avec lui à la fête de Pâques du Seigneur. Avitus, contemporain, assure que ce fut à la fête de Noël; son témoignage st assurément plus décisif. Dubos a essayé d’expliquer cette contradiction; Hist. crit., etc., tom. II, pag. 76 et suiv. Le nouveau prélat s’occupa dès lors, avec une ardeur incroyable, des fonctions de son ministère. Il priait et méditait; il éclairait le peuple confié à ses soins. Rémigius dut à ses vertus la faveur de Khlovig, dans le temps que ce prince professait un culte étranger. Il parvint enfin, avec le secours de Ste. Khlotilde, à toucher le cœur de ce monarque, l’instruisit des mystères du christianisme, et le baptisa, dans l’église de Reims, la veille de Noël.

Trois mille seigneurs français suivirent l’exemple de leur maître; et bientôt, dans toutes les Gaules, on vit la croix s’élever sur les ruines du paganisme. Rérnigius, poursuivant son ouvrage, fonda des églises, les pourvut de pasteurs et de tous les objets nécessaires à la pompe du culte divin. En 499, un seigneur français, nommé Eulogius, fut condamné à mort et privé de ses biens, pour crime de lèse-majesté. Le Saint pontife obtint par ses prières la remise de la peine, et Eulogius reconnaissant voulut le forcer d’accepter un de ses domaines (c’était la terre d’Epernay, suivant les auteurs du Gallia christiana); mais Rémigius ne consentit à recevoir cette terre qu’en payant, pour sa valeur, cinq mille livres d’argent, et en fit don à sa cathédrale. On ne voit pas sans surprise que l’évêque de Reims n’ait assisté à aucun des conciles qui s’assemblèrent si fréquemment, de son temps, dans les Gaules. Toutefois, il tint en 517 un synode, dans lequel il eut le bonheur de ramener à la foi catholique un évêque arien, qui était venu pour disputer contre lui. Il écrivit, en 523, au pape Hormisdas, pour le féliciter de son élection; mais sa lettre ne nous est connue que par la réponse du pontife. Avec l’autorisation du Saint-Siège, il établit des évêques à Tournai, Laon, Arras, Térouanne et Cambrai. En 530, il consacra St. Médard évêque de Noyon. Le vénérable Rémigius mourut, suivant l’opinion la plus probable, le 23 janvier 533, à l’âge d’environ 95 ans, dont il avait passé plus de 70 dans l’épiscopat. Ses reliques furent placées, l’an 852, dans une église de Reims le 1er octobre, jour auquel l’Eglise célèbre sa fête. Les Normands ayant fait une irruption en Champagne, Hincmar se retira dans Epernay, emportant le corps de St. Rémigius. Enfin, le pape Léon IX, en 1099, le transféra dans l’abbaye qui porte le nom de ce glorieux apôtre. Biog. univ., art. REMI (ST.)

Sidonius ne pouvait trouver des termes assez énergiques pour exprimer l’admiration que lui causaient l’ardente charité et la pureté de cœur avec lesquelles Rémigius offrait les saints mystères. Sidon. Epist. VIII, 14. A ne considérer que ses talents naturels, il pourrait encore passer pour un des plus grands hommes de son temps. On loue particulièrement eu lui une éloquence solide et brillante, qui le rendait maître des cœurs. Il en donna des preuves dans un recueil de harangués, ou, comme on parlait alors, de déclamations qu’il rendit public. Cet ouvrage est perdu; mais Sidonius, bon connaisseur, nous en donne la plus noble idée dans la lettre par laquelle il en félicite l’auteur.

Il nous reste de Rémigius quatre lettres, insérées dans divers recueils de conciles et d’actes relatifs à l’histoire de France, ainsi que dans l’Histoire de la métropole de Reims, par Marlot.

La première, et aussi la plus intéressante, est celle qu’il écrivit à Khlovig pour le consoler de la perte de sa sœur Albofledis, morte presque aussitôt après son baptême, et que ce prince aimait d’une tendre affection. Cette lettre est un des plus anciens monuments de notre histoire; c’est le motif qui nous s portés à la traduire, et à mettre le texte à la suite de notre version.

Au Seigneur illustre par ses mérites, le roi Chlodovée, Rémigius Evêque.

« Je suis vivement affligé de la tristesse que vous inspire la perte de votre sœur de glorieuse mémoire, Albofledis. Mais nous pouvons nous consoler, parce qu’elle est sortie de ce monde si pure et si pieuse, que nos souvenirs doivent lui être consacrés bien plutôt que nos larmes. Elle a vécu de manière à laisser croire que le Seigneur, en l’appelant aux cieux, lui a donné place parmi ses élus. Elle vit pour votre foi; si elle est dérobée au désir que vous avez de sa présence, le Christ l’a ravie pour la combler des bénédictions qui attendent les vierges. Il ne faut pas la pleurer maintenant qu’elle lui est consacrée, maintenant qu’elle brille devant le Seigneur de sa fleur virginale, dont elle resplendit comme d’une couronne, récompense de sa virginité. A Dieu ne plaise que les fidèles aillent pleurer celle qui mérita de répandre la bonne odeur du Christ, afin de pouvoir, heureuse médiatrice, appuyer efficacement leurs demandes! Bannissez donc, Seigneur, la tristesse de votre âme; commandez à votre affliction, et, vous élevant à de plus hautes pensées; pour ramener la sérénité dans votre cœur, donnez-vous tout entier au gouvernement de votre royaume. Qu’une sainte allégresse réconforte vos membres; une fois que vous aurez dissipé le chagrin qui vous assiège, vous travaillerez mieux au salut, Il vous reste un royaume à administrer, à régir, sous les auspices de Dieu. Vous êtes le chef des peuples, et vous tenez en main le gouvernail de l’état. Que vos sujets ne voient pas leur prince se consumer dans l’amertume et le deuil, eux qui sont accoutumés, grâce à vous, à ne voir que des choses heureuses. Soyez vous-même votre propre consolateur, rappelez cette force d’âme qui vous est naturelle, et que la tristesse n’offusque pas plus longtemps vos brillantes qualités. Le trépas récent de celle qui vient d’être unie au chœur des vierges, réjouit, j’en suis sûr, le monarque des cieux.

« En saluant votre gloire, j’ose vous recommander mon ami le prêtre Maccolus, que je vous adresse. Excusez-moi, je vous prie, si, au lieu de me présenter devant vous, comme je le devais, j’ai eu la présomption de vous consoler en paroles. Néanmoins, si vous m’ordonnez par le porteur de cette lettre de vous aller trouver méprisant la rigueur de l’hiver, oubliant l’aspérité du froid, ne regardant pas aux fatigues de la route, je m’efforcerai, avec le secours du Seigneur, d’arriver jusqu’à vous. »

Du Chesne, Francorum Scriptores coœtanei, tom. I, pag. 849.

Albofledis, nous venons de le dire, mourut peu de jours après son baptême; les dernières lignes de la lettre de Rémigius montrent sensiblement que cette princesse et son frère Khlovig avaient été baptisés en hiver, et aux fêtes de Noël, comme l’atteste Avitus dans une lettre au prince franc, pour le féliciter sur sa conversion.

C’est le lieu, ce nous semble, de placer ici deux remarques de l’abbé Dubos. « Il est sensible, dit-il, en lisant les auteurs du sixième siècle, que par le mot regnum, qui se trouve dans le texte latin (de Rémigius) on n’entendait point toujours un règne, un royaume, ni régner par regnare, mais que souvent on entendait simplement, gouvernement et gouverner. — Quoiqu’il fallût entendre royaume par regnum dans la lettre de St. Rémy, on ne devrait point être surpris de lui voir traiter ailleurs le gouvernement de Clovis, d’administration, de gestion faite pour un autre. Jusqu’à la cession des Gaules que Justinien fit aux rois francs, saint Rémy et les autres Romains n’ont dû regarder ces princes que comme officiers de l’empire. » Dubos, Hast. crit., tom. II, pag. 16.

La seconde lettre de Rémigius est encore adressée à Khlovig; elle fut écrite à l’occasion de la guerre qu’il était sur le point d’entreprendre contre les Visigoths, commandés par Alaric II, en 507. Théodoric, roi d’Italie, qui était beau-père d’Alaric et beau-frère de Khlovig, n’avait rien omis pour éteindre les premières étincelles de division entre ces deux princes; toutes ses démarches furent inutiles; Khlovig voulait la guerre qu’il jugeait utile et à l’Etat et à la Religion : il la déclara.

Rémigius l’ayant appris, crut devoir lui donner quelques avis paternels, et lui écrivit eu ces termes

Au Seigneur illustre par ses mérites, le roi Chlodovée, Rémigius, salut.

« Il s’est répandu jusqu’à nous un grand bruit, que vous entreprenez une seconde expédition militaire. Ce n’est pas chose nouvelle que tu sois tel que tes pères ont toujours été. Tu dois surtout faire en sorte de ne te point écarter des vues du Seigneur, qui a récompensé ton mérite et ta modération, en t’élevant à une place éminente: on a coutume de dire, c’est la fin qui fait juger de l’action. Tu dois choisir des conseillers qui puissent donner de l’éclat à ta gloire. Tu dois mettre dans ton bénéfice militaire de la décence et de la retenue; tu dois honorer tes prêtres, et recourir en tout à leurs avis. Si tu vis en bonne intelligence avec eux, ta province restera plus ferme. Soulage tes peuples, console les affligés, protège les veuves, nourris les orphelins; par là tu leur apprendras à t’aimer et à te craindre. Que la justice vienne de ta bouche; il ne faut rien demander aux pauvres ni aux étrangers; ne reçois ni présent, ni quoi que ce soit. Que ton prétoire soit ouvert à tous, et que personne n’en sorte la tristesse dans le cœur. Tu possèdes les richesses paternelles; qu’elles te servent pour racheter les captifs, et les rendre à la liberté. Si quelqu’un paraît en votre présence, qu’il ne s’aperçoive pas qu’il est étranger. Montre-toi agréable avec les jeunes, traite les affaires avec les vieillards, si tu veux être obéi, si tu veux être regardé comme un homme digne de commander. (Du Chesne, ibid.)

Dubos suppose que cette lettre fut adressée à Khlovig, lors de son avènement au trône; nous ne savons sur quelles autorités il s’appuie. Tout ce qu’il y a d’historiens embrasse un autre sentiment; du reste, on peut voir son Hist. crit. de la Monarchie française, tom. I, pag. 620 et suiv.

Ce sont là, pour ainsi dire, les préparatifs de guerre que Rémigius proposait au roi, pour attirer sur ses armes la protection du Seigneur. La bataille se livra dans le champ de Voclade, à dix milles et au midi de Poitiers, près de Champagné St-Hilaire et de Vivonne, entre les deux petites rivières de Vonne et de Clouère. (Voyez la dissertation de l’abbé Lebœuf sur ce sujet, dans les Dissertations sur l’Histoire ecclésiastique de Paris, tom. I, pag. 304. Vouillé est trop près de Poitiers pour répondre à l’indication de Grégoire de Tours, Hist. des Francs, 24. ) Après un sanglant combat, où le fils d’Apollinaris Sidonius perdit la vie à la tête des nobles d’Auvergne, où Khlovig tua de sa propre main Alaric son rival, et où lui-même faillit périr d’un coup de lance, les Visigoths furent entièrement défaits.

La troisième lettre de Rémigius est une réponse à quelques évêques qui lui avaient reproché son indulgence à l’égard d’un prêtre nommé Claude, coupable d’une faute grave, et que Rémigius s’était contenté d’admettre à la pénitence, au lieu de le dégrader: elle respire la charité la plus vive. Dans la quatrième, enfin, Rémigius reproche à Falcon, évêque de Tongres, d’avoir méconnu les droits de son métropolitain. Ces lettres respirent non-seulement une fermeté et une vigueur épiscopale, mais elles conservent encore quel que traits des beautés du style que Sidonius admirait dans les autres écrits du pontife de Reims. Néanmoins, la diction se ressent de la décadence où l’on se précipitait si rapidement; elle est raide et contournée.

On a, sous le nom du saint prélat, un Testament, par lequel il institue l’Eglise de Reims son héritière. Dom Rivet regarde cette pièce comme supposée; Mabillon, Ducange et Ceillier en soutiennent l’authenticité. Quelques éditeurs attribuent à Rémigius un Commentaire sur les Epîtres de St. Paul, publié dès le XVI siècle, sous le nom de Hannon, évêque de Halberstad, puis de Primase, évêque en Afrique. Le savant Villalpandus l’a revendiqué pour l’archevêque de Reims, dans l’édition de Rome, 1598, in fol. On l’a donné depuis à St. Rémigius, évêque de Lyon; mais on sait que c’est l’ouvrage de Rémigius, moine de l’abbaye de St. Germain d’Auxerre.

Il existe un grand nombre de Vies de St. Rémigius de Reims; mais il n’en est malheureusement aucune qui puisse satisfaire un lecteur judicieux. Celle qu’on trouve dans les Œuvres de Fortunat est abrégée d’une plus ancienne, dont elle a peut-être causé la perte. On trouvera les titres de celles qu’ont publiées Hincmar, Marlot, Cerisiers, le P. Dorigny, etc., dans la Biblioth. hist. de France, tom. I, pag. 15, — 29, — 95; mais on doit consulter principalement l’Hist. litt. de France, tom. III, pag. 156, — 166; le Gallia christiana, le Recueil de Godescard; l’Histoire de l’Eglise Gallicane du P. Longueval, tom. II, pag. 110 à 521, et la Biog. univ., art. Rémy (St.).

Nous avons de l’abbé Clément un panégyrique de Rémigius, qui se fait lire avec intérêt.

LETTRE VIII.

JUNCTIS ABJUNCTISQUE REGIONIBUS. — Unies par la foi, séparées par la distance des lieux, suivant l’explication de Savaron.

GABAONITICÆ SERVITUTIS. — L’auteur fait allusion à ce qui est rapporté au IXe chapitre de Josué. Les habitants de Gabaon, pour se soustraire à la servitude, vinrent au-devant de Josué et des anciens d’Israël réclamer leur alliance, et dirent qu’ils arrivaient d’un pays lointain. Grâce à ce mensonge, les Gabaonites furent épargnés; mais Josué, quand il connut leur fourberie, les appela et leur parla ainsi

« Pourquoi avez-vous voulu nous tromper, disant : Nous habitons loin de vous, tandis que vous êtes au milieu de nous?

« C’est pourquoi vous serez maudits, et il n’y aura aucun de vous qui ne coupe du bois et qui ne porte de l’eau dans la maison de mon Dieu. »

LETTRE IX.

IN COMMUNE. — Sidonius emploie souvent ce mot, dont la signification est assez difficile à saisir en cet endroit. Epist. III, 2; VII, 4.

SATIS LOQUENTIA, SAPIENTIÆ PARUM. — Nous avons corrigé cet endroit d’après les meilleures éditions de Salluste, qui portent loquentiae et non pas eloquentiae. Voy. Cat. V. Il y a une grande différence entre ces deux mots, car autre chose est un discoureur, autre chose un orateur. « Julius Candidus non invenuste solet dicere aliud esse eloquentiam, aliud loquentiam; nam eloquentia vix uni aut alteri, hæc vero, quam Candidus loquentiam appellat, multis atque etiam impudentissimo cuique maxime contingit. » Plin. Epist. V, 20.

CIRCENSIBUS LUDIS ABFUERUNT. — Avec adfuerunt, qui se trouve dans Sirmond, il n’est pas possible d’avoir un sens raisonnable.

RIOCHATUS. — Il paraît qu’il venait d’être nommé à un évêché de Bretagne; peut-être était-il breton, comme Sidonius.

FAUSTO. — L’auteur joue sur le nom Faustus, qui signifie heureux.

OPUS OPEROSISSIMUM. — Nous n’avons plus cet ouvrage. Voy. l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 616.

DEUTERONOMIO ADSTIPULANTE. — Au Deutéronome, XXI, 11-13, il est dit :

 « Si vous voyez parmi les captifs une femme belle, que vous aime et que vous vouliez épouser,

« Vous l’introduirez dans votre maison elle rasera sa chevelure et se coupera les ongles;

« Et elle quittera le vêtement avec lequel elle a été prise, etc. »

PRYTANEUM. — Le Prytanée, édifice public d’Athènes, dans lequel étaient entretenus les prytanes, les administrateurs de la république. A une époque où l’on affectait de revêtir de noms anciens les institutions modernes (1795), on donna aux lieux d’instruction consacrés à la jeunesse le nom de Prytanée, qui ne convenait guère à des collèges. Courtin, Encyclopédie moderne.

ZEUSIPPUS. — Philosophe grec; Diogène Laërce le nomme Speusippe, liv. IV. Voy. la Biog. univ., art. SPEUSIPPE.

ANNOS JAM DEXTRA NUMERAVERIT. — Les anciens marquaient les nombres avec les doigts de la main gauche, depuis l’unité jusqu’à cent; pour exprimer les centaines et les mille, ils se servaient de la main droite. Voyez Pline, XXXIV, 7. — Juvénal, voulant marquer le grand âge de Nestor, a dit, Sat. X, 249:

...................... Suos jam dextra computat annos.

Nous croyons, du reste, avec le P. Sirmond, que Faustus n’était pas à sa centième année, mais que l’auteur fait une hyperbole.

LETTRE X.

APRUNCULUS, évêque de Langres. Greg. Turon. Hist. II, 23. Cœlestius, que Sidonius appelle votre frère, était-il clerc ou esclave, ou était-il en même temps l’un et l’autre? On sait que les esclaves étaient poursuivis comme fugitifs; les clercs étaient-ils poursuivis de la même manière? Je crois que oui, quand ils se trouvaient attachés au service particulier de la maison de l’église ou de l’évêque. Les évêques avaient certainement des clercs pour domestiques. Grégoire de Tours, avant même d’être évêque, se faisait servir par des clercs. Voyez le chapitre 33 du Ier livre des Miracles de saint Martin.

INJURIOSI. — C’est un nom propre; Sirmond écrit ce mot par une lettre minuscule.

LETTRE XII.

ORESIUS était Espagnol. Il y avait déjà douze ans (tres olympiadas) que Sidonius était évêque lorsqu’il lui écrivit, ce qui, selon Baronius, répond à l’année 484.

PLUS ARCUS MANUI, etc. — C’est une imitation de Claudien, qui a dit, in Paneg. Theodori, v. 185-188:

« Nec me quid valeat natura fortior usus

Præterit, aut quantum neglectæ defluat arti.

Desidis aurigæ non audit verbera currus,

Nec manus agnoscit, quem non exercuit, arcum. »

LETTRE XIII.

TONANTIUS était fils de Tonantius Ferréolus et de Papianilla.

PLATONICO MADAURENSI. — Madaure, ville d’Afrique, est la patrie d’Apulée, philosophe platonicien, célèbre par sa Métamorphose, hyperboliquement appelée l’Ane d’or. « Quæstiones convivales, dit Macrobe, Saturn. VII, 3, proponas, vel ipse dissolvas. » Ce genre d’amusement, ajoute-t-il, n’est pas tellement frivole que les anciens ne s’en soient occupés, comme on le voit par quelques écrits d’Aristote, de Plutarque et d’Apulée. » Trad. de Ch. de Rosoy.

PETRI LIBRUM, MAGESTRI EPISTOLARUM. — Sauvigny traduit cela par « Le livre des Lettres de maître Pierre. » D’aussi ridicules bévues ne sont pas rares chez lui. Dans la lettre 12 du VIIIe livre, il dit à Trigétius: « Un espace de douze milles à franchir est un obstacle qui vous arrête, vous qui avez suivi M. Caton dans les déserts sablonneux de Leptis? »

Pétrus était secrétaire d’état sous Majorianus; l’auteur lui donne de grands éloges, Carm. V. On ne sait quel est l’ouvrage dont il parle ici. Voy. l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 439 et suiv.

CIVITATEM. — La ville d’Arles où Majorianus et Sidonius se trouvaient en 46z.

MELIBŒA. — Virgile a dit, Enéide, v. 251

« Purpura Mæandro duplici Melibœa cucurrit. »

Et Lucrèce, De Nat. rerum, II, 4g9

..........................................Melibœaque fulgens

Purpura Thessalico concharum tincta colore.

Ce dernier auteur fait évidemment allusion à Mélibée, ville de Thessalie; quelques écrivains pensent que Virgile voulait parler de l’île Mélibée, dans l’Oronte, fleuve de Syrie, et ajoutent que le murex et la pourpre ne sont pas rares dans cette contrée.

CTESIPHONTIS AC NIPHATIS. — L’auteur veut parler des tapisseries babyloniennes, qui représentaient pour l’ordinaire des combats ou des chasses d’animaux féroces. Ammien Marcellin, racontant (Livre XXIV) le séjour de Julien dans le territoire de Ctésiphon, s’exprime ainsi: « Diversorium opacum et amœnum, gentiles picturas per omnes ædium parietes ostendens, regis bestias venatione multiplici trucidantis; nec enim apud eos pingitur aliud præter varias cædes et bella. » — Ctésiphon était une ville peu éloignée de Babylone; le Niphate est une montagne d’Arménie, qui désigne ici l’Arménie elle-même. Ctesiphontis ac Niphatis juga texta, est-il ici pour exprimer la représentation de la prise de Ctésiphon et de l’Arménie, ou bien seulement pour signifier les montagnes qui environnent Ctésiphon et les sommets du Niphate?

AMELLOS. — L’amelle est une fleur que Virgile décrit au IV. livre des Géorgiques.

THYMELEM, PALEMQUE. — C’est-à-dire : « Doctas artem pulsandorom instrumentorum, quibus in thymele utuntur. » Facciolato. — Le mot thymele désigne la tribune où étaient placés les joueurs d’instruments et les musiciens du théâtre.

Pale signifie lutte, palestre, etc. Sidonius dit, Carm. XXIII, 3o2 :

« Cannas, plectra, jocos, palem, rudentem. »

TEPIDAS AD OFFICINAS. — Nous avouons que nous ne comprenons pas ce vers. Les commentateurs sont muets; dans les endroits faciles, ils s’épuisent en citations et en notes.

ALUMNO. — Ceci ferait croire que Pétrus était né en Italie et non pas dans les Gaules, comme semblent le dire les savants auteurs de l’Hist. litt. de la France.

Servan de Sugny a imité ces vers:


 

Amis, célébrons une fête

En l’honneur du sacré vallon;

Quand le jour meurt sur l’horizon,

A la gaîté que tout s’apprête.

Etalons des vases brillants,

Déployons la pourpre éclatante

Que trois fois la chaudière ardente

Reçut dans ses flots pétillants.

Que les tissus de l’Arménie

Déroulent leurs riches tableaux:

J’aime à voir le tigre eu furie

Qui court devant les javelots,

Et de son sang, en noirs ruisseaux,

Colore au loin l’herbe fleurie;

J’aime à voir le Parthe guerrier,

Au front terrible, à l’œil sauvage,

La lance en main, sur son coursier,

Cherchant et fuyant le carnage.

Amis, sur un riche banquet

Plaçons cette étoffe ondoyante,

Et du safran et du muguet

Répandons la fleur odorante;

Mêlons le tendre serpolet

Et la tulipe à peine éclose;

Mêlons l’amelle et le vaciet,

Mêlons le troène et la rose;

Fixons nos mobiles cheveux;

Que sur la flamme frémissante

L’encens brille et s’élève aux cieux;

Qu’une lumière étincelante

De toutes parts frappe les yeux;

Dédaignons la graisse fumante,

Ne brûlons que l’encens des dieux.

Que douze valets hors d’haleine

Apportent, sur des plateaux d’or,

Ou sur le précieux ébène,

Des mets plus précieux encor.

Unissons au jus de la treille

L’amome et le nard odorant;

Que le thym, la rose vermeille

Ornent le cristal transparent.

Damons sur un lit de verdure,

Le front paré de mille fleurs;

Imitons la grotesque allure,

Le cri sauvage et les fureurs

De la bacchante échevelée;

Loin de nous longtemps exilée,

Que Polymnie, en ce beau jour,

Et Thalie enfin rappelée

Chantent nos jeux et leur retour. »


 

Archives du Rhône, tom. II.

LETTRE XIV.

MORABANTUR. — Nous ne comprenons pas le sens de ce mot dans cette phrase.

PUGILATONEM. — Qui fert pugillares, tabellarius. Voy. Facciolato.

PATAVINIS, etc. —Il ne nous reste plus rien aujourd’hui de ce que l’historien de Padoue a écrit sur Jules César. Ce travail existait du temps de Sidonius, et Symmaque rayait connu. Epist. IV, 17.

JUVENTIUS MARTIALIS. — D’autres écrivent Piventius. Peut-être est-ce Gargilius Martialis, auteur d’une Vie de César, et cité par Vopiscus, in Probo; par Lampridius, in Alexandro.

EPHEMERIDEM. —Plutarque et Servius, sur le XIe livre de l’Enéide, parlent bien d’une Ephéméride de Jules César; mais nous ne connaissons que notre auteur qui mentionne un livre écrit par Balbus, et intitulé Ephéméride. Hirtius dédia à Balbus le VIIIe livre qu’il ajouta aux Commentaires de César.

La fin de cette lettre nous donne une idée des exercices que l’on faisait soutenir aux jeunes gens, quand ils suivaient un cours d’éloquence.

LETTRE XV.

PYRRICHA. — La pyrrhique était une danse militaire des Grecs; on la nommait pyrrhique soit de Pyrrhus, fils d’Achille, « que l’on regarde comme un des premiers qui ait dansé tout armé, pour honorer les funérailles de son père; soit d’un certain Pyrrichus, crétois ou lacédémonien, que quelques autres font l’inventeur de cette sorte de danse; ou peut-être du mot grec pur, ignis, à cause du feu et de la vivacité qui en faisait le caractère... On appelait pyrrichius le pied qui dominait dans les poésies que l’on chantait en dansant la pyrrhique, et ce pied qui était composé de deux syllabes brèves, convenait parfaitement à la vitesse de cette danse. » Mém. de l’Acad. des Inscript. et Belles-Lettres, tom. I, pag. 119-120.

CONSENTIORUM. — Consentius III; voyez l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 653 et suiv.

FLUENTA PEGASI. — La source d’Hippocrène, que le cheval Pégase fit jaillir en frappant la terre d’un coup de pied.

AUFIDI. — Fleuve de la Pouille, aujourd’hui l’Offanto. Pour le mot verna, voyez Sidon. Epist. I, 8.

ATACEM. — L’Aude.

SEVERIANUS. — Voyez, sur ce poète et rhéteur, l’Hist. litt. de la France, tom. II, pag. 509.

PROCULUS. — Voy. le même ouvrage, tom. II, pag. 538.

LETTRE XVI.

DIŒCESIBUS. — Ce mot est mis ici dans le sens de parochia, comme dans plusieurs actes des conciles du même siècle, qui donnent quelquefois à parochia le sens de diœcesis. Notre auteur pourtant a distingué ailleurs ces deux expressions. « Nulla, dit-il, in desolatis cura diœcesibus parochiisque. » Epist. VII, 6.

MARITARET. — Dans Claudien, De Raptu Proserpinœ, II, 89, maritare signifie, comme ici, féconder:

……………………Glebas fecundo rore maritat.

MITYLENÆI OPPIDI VERNULAS. — S’imaginerait-on que ces petits esclaves de Mitylène ne sont autre chose que des vers saphiques? C’est pourtant la vérité. On sait que Sappho, qui a donné son nom au vers saphique, était de Mitylène. Voyez les Poésies de .Sappho, traduites en français, avec le texte en regard, précédées d’une Notice sur la vie de cette femme célèbre, et accompagnées de notes et d’un choix polyglotte d’imitations en vers des principales pièces; par C. Breghot du Lut, Lyon, imprim. de Louis Perrin, 1835, grand in-8°. Ce beau travail d’un de nos plus savants Lyonnais se trouve à la suite des Odes d’Anacréon, traduites en français et en prose par MM. Grégoire et Collombet; en vers français, par MM. St- Victor, Didot, Veissier Descombes, Fauche, Bignan, etc., édit. polyglotte, publiée sous la direction de M. Monfalcon; Paris, Crozet, Didot, Cormon et Blanc, 1835, grand in-8°.

GEMINÆ … CORONÆ. — La statue d’airain qui lui fut élevée à la préfecture de Rome.

UTRIUSQUE … BIBLIOTHECÆ. — La bibliothèque latine et la bibliothèque grecque.

TOLOSATEM. — St. Saturnin, premier évêque de Toulouse. Voy. Ballet, Vies des Saints, au 29 novembre. — Grégoire de Tours, Hist. I, 8, et Ruinart. Nous avons un excellent Panégyrique de St. Saturnin, par l’abbé Mac Carthy; voyez le tome IIIe de ses Sermons, pag. 150. Lyon, Rusand, 1835, in-8°.

CAPITOLIORUM. — Le Capitole de Toulouse.

FLACCI. —Horace, Epist., II, 3:

......................................Amphora cœpit

Institui, currente rota cur urceus exit?

Daru traduit ainsi ces deux vers:

« Tu promis une coupe, ignorant ouvrier,

Et ta roue, en tournant, donne un vase grossier. »