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ANTIQUITES JUDAÏQUES

Flavius Josèphe

texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER

le texte grec a été vérifié et remis en UNICODE (F.-D. F)

Traduction de Julien Weill 
Sous la direction de
Théodore  Reinach Membre de l’Institut 
1900 Ernest Leroux, éditeur - Paris

 

 

LIVRE XII


I

Querelles successives d’Alexandre. Prise de Jérusalem par Ptolémée Sôter. Captifs et garnisaires juifs en Égypte ; disputes entres Juifs et Samaritains.

1. Alexandre, roi de Macédoine, après avoir brisé l'hégémonie des Perses et réglé de la façon qui a été dite plus haut les affaires de Judée, perdit la vie. Son empire étant tombé aux mains de nombreux successeurs, Antigone devint roi d'Asie, Séleucus de Babylone et des peuples environnants, Lysimaque gouverna l'Hellespont, Cassandre eut la Macédoine, et Ptolémée, fils de Lagos, reçut l'Egypte. Leurs discordes et leurs ambitions rivales, au sujet du pouvoir, causèrent de continuelles et longues guerres ; les villes en souffrirent et perdirent nombre de leurs habitants dans les combats : ainsi la Syrie tout entière, du fait de Ptolémée, fils de Lagos, alors appelé Sôter (Sauveur), supporta des maux qui démentaient le surnom de son roi. Celui-ci s'empara aussi de Jérusalem par ruse et par surprise : il vint en effet le jour du Sabbat dans la ville comme pour offrir un sacrifice, et sans que les Juifs fissent la moindre opposition, car ils ne le supposaient pas leur ennemi. Profitant de ce que, sans défiance et en raison du jour même, ils étaient inactifs et insouciants, il se rendit facilement maître de la ville et la gouverna durement. Ce récit est confirmé par Agatharchidès de Cnide, qui écrivit l'histoire des diadoques, et qui nous reproche notre superstition, prétendant qu'elle nous a fait perdre notre liberté : « Il y a, dit-il, un peuple appelé le peuple juif, qui, possédant une ville forte et grande, Jérusalem, la vit avec indifférence passer au pouvoir de Ptolémée, pour n'avoir pas voulu prendre les armes, et souffrit, grâce à une intempestive superstition, un maître rigoureux[1] ». Voilà ce qu'Agatharchidès a déclaré au sujet de notre peuple. Ptolémée fit de nombreux prisonniers dans la partie montagneuse de la Judée, dans les environs de Jérusalem, sur le territoire de Samarie et près du Garizim, et les emmena tous pour les établir en Égypte. Puis ayant appris, par leur réponse aux envoyés d'Alexandre après la défaite de Darius, que les gens de Jérusalem étaient les plus sûrs observateurs de la foi jurée et les plus fidèles, il en répartit un grand nombre dans les garnisons, leur donna à Alexandrie le même droit de cité qu'aux Macédoniens, et leur fit jurer de garder leur foi aux descendants de celui qui s'était fié à eux. Beaucoup d'autres Juifs allèrent s'établir en Égypte, tant à cause des avantages du pays qu'attirés par la bienveillance de Ptolémée[2]. Leurs descendants eurent cependant des démêlés avec les Samaritains, parce qu’ils voulaient conserver leurs coutumes nationales ; il y eut entre eux des guerres, ceux de Jérusalem assurant que le Temple qui était chez eux était saint et qu'on devait y envoyer faire les sacrifices, les Samaritains prétendant au contraire qu'il fallait aller au mont Garizim.

II[3]

1. Ptolémée Philadelphe, sur le conseil de Démétrius de Phalère, désire se procurer pour sa bibliothèque les livres des Juifs. - 2. Aristée exhorte le roi à délivrer les prisonniers juifs. - 3. Décret conforme du roi. – 4. Rapport de Démétrius au roi. – 5. Message du roi au grand-prêtre Eléazar. - 6. Réponse du grand-prêtre. - 7. Envoi des soixante-dix interprètes de la Loi. -8-10. Présents de Ptolémée au temple de Jérusalem. - 11. Réception des interprètes à Alexandrie. - 12. Banquet des Septante. - 13. Traduction de la Loi. - 14. Pourquoi les anciens auteurs grecs n'ont pas parlé de la Bible. - 15. Renvoi des Septante.

1. Alexandre avait régné douze ans ; après lui, Ptolémée Sôter en régna quarante et un. Le royaume d'Egypte passa ensuite au Philadelphe qui le conserva trente-neuf ans. Ce roi fit traduire la loi et délivra de leur captivité ceux des habitants de Jérusalem qui étaient prisonniers en Égypte, au nombre d'environ cent vingt mille. Voici la cause de cette mesure. Démétrius de Phalère, qui était conservateur des bibliothèques royales, essayait, s'il était possible, de rassembler tous les livres de la terre ; dès qu'il entendait signaler ou voyait[4] quelque part un ouvrage intéressant, il l'achetait, secondant ainsi les intentions du roi, qui montrait beaucoup de zèle pour collectionner les livres. Un jour que Ptolémée lui demandait combien de volumes il avait déjà réunis, Démétrius répondit qu'il y en avait environ deux cent mille, mais que bientôt il en aurait rassemblé cinq cent mille. Il ajouta qu'on lui avait signalé chez les Juifs de nombreux recueils de leurs lois, intéressants et dignes de la bibliothèque royale ; mais que ces ouvrages, écrits avec les caractères et dans la langue de ce peuple, donneraient beaucoup de peine pour être traduits en grec. Car leurs lettres, au premier abord, ressemblent aux caractères des Syriens et les sons de leur langue à ceux de ce peuple, mais en réalité il s'agit d'une langue bien distincte. Il n'y avait pourtant aucune difficulté à se procurer pour la bibliothèque la traduction des livres des Juifs, pourvu que le roi fît les frais nécessaires. Le roi trouva que Démétrius lui donnait une excellente idée pour satisfaire son désir de rassembler le plus grand nombre de livres possible, et écrivit à cet effet au grand-prêtre des Juifs.

2. Il y avait alors parmi les meilleurs amis du roi un certain Aristée, que Ptolémée aimait à cause de sa modestie, et qui avait déjà souvent projeté de demander au roi la mise en liberté de tous les Juifs captifs dans son royaume ; il jugea alors le moment favorable pour renouveler sa prière, et en parla tout d'abord aux commandants des gardes du corps, Sosibios de Tarente et Andréas, leur demandant de joindre leurs instances à celles qu'il allait faire au roi sur ce sujet. Après avoir pris leur avis, Aristée se rendit auprès du roi et lui parla en ces termes : « Il ne faut pas, ô roi, que nous vivions dans l'erreur sans nous soucier d'en sortir : nous devons au contraire chercher à connaître la vérité. Or nous avons décidé, pour te plaire, non seulement de faire transcrire, mais encore de faire traduire les lois des Juifs ; mais de quel droit le ferions-nous quand nombre de Juifs sont esclaves dans ton royaume ? N'écoutant que ta générosité et ta bienveillance, mets fin à leur misère, puisque le Dieu qui leur a donné leurs lois t'a donné en partage ton royaume, comme je l'ai appris par de sérieuses recherches : car eux et nous adorons le Dieu qui a tout créé, et nous l'appelons proprement Zên, tirant son nom de ce fait qu'il donne la vie (τὸ ζῆν) à tous les êtres. Aussi, en l'honneur de ce Dieu, restitue à ceux qui lui rendent un culte particulier leur patrie et la vie particulière qu'ils y mènent, biens dont les voilà privés. Sache cependant, ô roi, que si je t'adresse cette prière pour eux, ce n'est pas que des liens de race ou de nation m’unissent à ce peuple ; c'est parce que tous les hommes sont l’œuvre de Dieu, c'est parce que je sais que ceux qui font le bien lui sont agréables, que je te fais cette requête. »

3. Ainsi parla Aristée ; le roi le regarda d'un visage souriant et enjoué : « Combien, dit-il, penses-tu qu'il y ait de prisonniers à délivrer ? » Andréas, qui se trouvait là, prit la parole et dit qu'il y en aurait un peu plus de cent dix mille[5]. « Trouves-tu, Aristée, dit le roi, que tu nous demandes là peu de chose ? » Sosibios et ceux qui étaient là répondirent alors qu'il était digne de sa générosité de témoigner ainsi sa reconnaissance au Dieu qui lui avait donné son royaume ; et le roi, se laissant persuader par eux, leur donna l'ordre, quand ils distribueraient la solde aux soldats, d'y ajouter cent vingt drachmes[6] pour prix de chacun des prisonniers qu'ils détenaient. Quant aux mesures qu’ils le priaient de prendre, il promit de promulguer un décret comportant des dispositions libérales et conformes au désir d'Aristée, et, avant tout, à la volonté de Dieu, à laquelle, disait-il, il obéirait en délivrant non seulement ceux qui avaient été amenés par son père et par sa propre expédition, mais encore ceux qui se trouvaient auparavant déjà dans le royaume, et ceux qui pouvaient avoir été amenés depuis. Comme on lui disait que le rachat des captifs coûterait plus de quatre cents talents, il les accorda et l'on résolut[7] de conserver la copie du décret, pour bien montrer la générosité du roi. Le voici : « Que tous ceux qui ont accompagné mon père dans ses expéditions de Syrie et de Phénicie, et qui après avoir ravagé la Judée en ont ramené des prisonniers dans nos villes et notre pays, et les ont vendus, pareillement les détenteurs de prisonniers juifs qui se trouvaient antérieurement à ces faits dans le royaume ou qui ont pu y être amenés postérieurement, rendent la liberté à ceux qu'ils possèdent, moyennant une rançon de cent vingt drachmes que les soldats toucheront avec leurs vivres, les autres au trésor royal. Car je pense que c'est contre les intentions de mon père et contre toute justice que ces hommes ont été faits prisonniers, que leur pays a été dévasté par l'arrogance des soldats, et que ceux-ci, en les amenant en Égypte, en ont tiré grand profit[8]. Considérant donc la justice et prenant pitié de ces hommes réduits en servitude contre tout droit, j'ordonne de remettre en liberté les Juifs esclaves, contre paiement à leurs maîtres de la somme fixée plus haut ; que personne ne fasse de chicane à ce sujet, que tous obéissent à l'ordre donné. Et je veux que chacun, dans les trois jours qui suivront cette ordonnance, fasse devant les autorités la déclaration des esclaves qu'il détient et les produise en personne ; car je juge cette mesure utile à mes intérêts. Ceux qui n'exécuteront pas ce décret, pourront être dénoncés par qui voudra ; et je veux que leurs biens soient confisqués au profil du trésor royal ». Cette ordonnance fut soumise au roi  elle était parfaite de tous points, mais il y manquait une mention expresse des Juifs amenés antérieurement et postérieurement aux expéditions[9] ; le roi lui-même étendit généreusement jusqu'à eux les bénéfices de cette mesure, et, pour accélérer la distribution des indemnités[10], il ordonna de répartir le travail entre les agents du gouvernement et les banquiers royaux. Ainsi fut fait, et en sept jours en tout les ordres du roi furent entièrement exécutés. Les rançons coûtèrent quatre cent soixante talents[11] : car les maîtres se firent aussi payer pour les enfants les cent vingt drachmes par tête, sous le prétexte que le roi les avait désignés également en prescrivant qu'on percevrait « par tête d'esclave » la somme fixée.

4. Quand tous ces ordres eurent été exécutés, suivant la généreuse volonté du roi, celui-ci chargea Démétrius de publier aussi le décret concernant la copie des livres des Juifs  car ces rois ne laissaient au hasard rien de leur gouvernement et tout était l'objet de soins minutieux. On a donc consigné[12] la copie du rapport et des lettres, la liste des présents envoyés, le détail des ornements de chacun d'eux, afin que l'habileté de chaque ouvrier put être exactement appréciée par ceux qui le liront, et que leur admirable exécution rendît célèbre chacun des auteurs[13]. Voici la copie du rapport : « Au grand Roi de la part de Démétrius. Sur ton ordre, ô roi, me chargeant de réunir tous les ouvrages qui manquent encore pour compléter ta bibliothèque, et de réparer avec soin ceux qui sont mutilés, je me suis activement occupé de cette tâche ; et je t'informe qu'entre autres, les livres contenant les lois des Juifs nous manquent. Ecrits en caractères hébreux et dans la langue de ce peuple, ils sont incompréhensibles pour nous. En outre, ils ont été transcrits avec moins de soin qu’ils ne méritent parce qu'ils n'ont pas encore bénéficié de la sollicitude royale. Il est cependant nécessaire que Ces livres se trouvent chez toi, dans des exemplaires corrects : car la législation qu'ils contiennent est sage et pure, puisqu’elle vient de Dieu. Aussi Hécatée d'Abdère dit-il que ni les poètes ni les historiens n'en ont fait mention, non plus que des hommes qui se gouvernent d'après ses préceptes, parce qu'elle est sainte et ne doit pas être expliquée par des bouches profanes[14]. Si donc tu le juges bon, ô roi, tu écriras au grand prêtre des Juifs pour qu'il t'envoie six anciens de chaque tribu, ceux qui connaissent le mieux ces lois ; afin que, ayant obtenu d'eux le sens clair et concordant et une traduction exacte de leurs livres, nous arrivions avec leur concours à un résultat digne du sujet et de ton dessein. »

5. A la suite de ce rapport, le roi fit écrire au grand-prêtre Eléazar à ce sujet, l'avisa en même temps du renvoi des Juifs esclaves en Égypte, et lui envoya un poids d'or de cinquante talents pour la confection de cratères, de phiales, de vases à libation[15], ainsi qu'une prodigieuse quantité de pierres précieuses. Il ordonna de plus à ceux qui avaient la garde des coffrets où se trouvaient ces pierres, de laisser les artistes choisir eux-mêmes les espèces qu'ils voudraient. Et il fit remettre au Temple, pour les sacrifices et les autres besoins, une somme de près de cent talents en numéraire. Je parlerai des oeuvres d'art qui furent faites et de la façon dont elles furent exécutées, quand j'aurai donné le texte de la lettre écrite au grand-prêtre Eléazar. Celui-ci avait pris la grande-prêtrise dans les conditions suivantes. A la mort du grand-prêtre Onias, son fils Simon lui succéda, qui fut surnommé le Juste à cause de sa piété envers Dieu et de sa bonté envers ses compatriotes. Simon étant mort ne laissant qu'un fils encore enfant nommé Onias, son frère Eléazar, celui-là même dont il est ici question, obtint la grande-prêtrise[16]. C'est à lui que Ptolémée écrivit en ces termes : « Le roi Ptolémée au grand-prêtre Éléazar, salut. De nombreux Juifs habitaient le royaume, amenés comme prisonniers par les Perses, du temps de leur domination; mon père les traita avec égards, plaça les uns dans son armée avec une haute solde, confia à d'autres, venus avec lui en Égypte, les places fortes, avec mission de les garder, pour inspirer la crainte aux Egyptiens. Quand j'ai pris moi-même le pouvoir, j'ai traité tout le monde avec humanité, et en particulier tes concitoyens ; j'en rendis a la liberté plus de cent mille retenus prisonniers, en payant sur mon propre trésor leur rançon à leurs maîtres. Ceux qui étaient à la fleur de l'âge, je les ai inscrits sur les rôles de mon armée ; j'ai attaché à ma personne et à ma cour quelques-uns d'entre eux, dont la fidélité me paraissait éprouvée, car j'ai pensé que c'était là une offrande agréable à Dieu et magnifique entre toutes, en retour de sa bienveillance pour moi. Voulant de plus être agréable à ces hommes et à tous les Juifs de la terre, j'ai décidé de faire traduire vos lois et de les placer dans ma bibliothèque, transcrites des caractères hébreux en caractères grecs. Tu feras donc bien de choisir dans chaque tribu six hommes sages et déjà âgés, qui, grâce à leur expérience, connaissent bien vos lois et soient capables d'en donner l'exacte interprétation ; car je crois que lorsqu'ils auront terminé, cette oeuvre, nous en retirerons la plus grande gloire. Je t'envoie pour traiter de ces choses Andréas, chef de ma garde, et Aristée, que je tiens tous deux en haute estime ; je les charge de porter des prémices d'offrandes au Temple, et, en vue de sacrifices et autres usages, cent talents d'argent. Quant à toi, en réponse, tu nous feras plaisir de nous informer de tes désirs. »

6. Lorsqu'il eut reçu la lettre du roi, Eléazar y fit une réponse pleine d'empressement : « Le grand- prêtre Eléazar au roi Ptolémée, salut. Puisque toi, la reine Arsinoé et les enfants êtes en bonne santé, tout est bien pour nous. En recevant ta lettre, nous avons ressenti une grande joie de ton dessein ; ayant alors réuni le peuple, nous lui en avons donné connaissance et nous lui avons rendu manifeste ta piété envers Dieu. Nous lui avons aussi montré les vingt phiales d'or et les trente d'argent, les cinq cratères et la table à offrandes que tu as envoyés et les cent talents destinés à offrir des sacrifices et à subvenir à tous les besoins du Temple, qu'ont apportés Andréas et Aristée, les plus estimés de tes amis, hommes excellents, d'une instruction supérieure, et dignes de La haute valeur. Sache que de notre côté nous ferons tout ce qui peut t'être utile, dût-il dépasser l'ordre naturel des choses ; car nous te devons beaucoup, en retour des bienfaits de toutes sortes que tu as dispensés à nos concitoyens. Nous avons donc offert immédiatement des sacrifices pour toi, pour ta sœur, pour tes enfants et tes amis, et le peuple a fait des vœux pour que tes affaires marchent à ton gré, que la paix règne dans ton royaume, et que la traduction de nos lois ait pour toi le bon résultat que tu souhaites. Nous avons choisi dans chaque tribu six hommes déjà âgés, et nous les envoyons porteurs de la loi. Nous comptons sur ta piété et ta justice pour que, la loi une fois traduite, tu nous la renvoies avec ceux qui te l'apportent, en veillant à leur sûreté. Adieu. »

7. Telle fut la réponse du grand-prêtre. Je ne crois pas nécessaire de donner les noms des soixante-dix[17] anciens envoyés par Eléazar, qui apportèrent la loi, bien qu'ils fussent énumérés à la fin de la lettre. Mais il n'est pas inutile, je pense, de décrire les riches et admirables présents envoyés à Dieu par le roi, afin que tous connaissent le zèle du roi envers Dieu : car il dépensa sans compter, et sans cesse auprès des artistes, inspectant leur ouvrage, il ne souffrit dans l'exécution ni négligence ni mollesse. Bien que mon récit ne demande peut-être pas cette description, je passerai cependant toutes ces oeuvres en revue, décrivant, dans la mesure de mes forces, leur magnificence ; j'espère ainsi faire comprendre à mes lecteurs le goût et la générosité du roi.

8. Je commencerai par la table. Le roi songea d'abord à la faire colossale ; il fit prendre la dimension de celle qui était à Jérusalem, et demanda si l'on pouvait en fabriquer une plus grande. Quand il sut comment était celle qui se trouvait dans le Temple, et que rien n'empêchait d'en faire une plus grande, il déclara qu'il en aurait volontiers fait faire une de dimensions quintuples, mais qu'il craignait qu'elle ne fût inutilisable pour le culte à cause de ses proportions exagérées : or il désirait faire des présents, non seulement dignes d'être admirés, mais d'un bon service dans les cérémonies. Considérant donc que c'était pour cette raison, et non par économie d'or, qu'on avait donné à l'ancienne table une proportion médiocre, il décida de ne pas surpasser en grandeur celle qui existait déjà, mais il voulut que la nouvelle l'emportât par le décor et la beauté des matériaux. Comme il avait l'esprit prompt à saisir la nature de toutes choses et capable de deviser des oeuvres neuves et originales, il inventa lui-même, avec beaucoup d'ingéniosité, et fournit aux artistes, pour toutes les parties non décrites (dans la Bible)[18], des modèles qu'il les chargea d'exécuter ; quant aux parties dont on avait la description, il leur ordonna de se conformer rigoureusement aux indications du texte et de faire une copie exacte.

9. Les ouvriers chargés de confectionner la table, qui mesurait deux coudées et demie de long, une de large[19] et une et demie de haut, firent en or massif tout le gros de l’œuvre. Elle était couronnée d'une corniche large d'une palme, ornée d'une cymaise entrelacée, dont le relief en forme de corde était ciselé merveilleusement sur les trois faces à l'imitation de la nature. La table étant, en effet, triangulaire, on reproduisit sur les trois côtés la même disposition, afin que, en quelque sens qu'on la tournât, elle présentât toujours un seul et même aspect. Pour la corniche, la partie tournée vers la table reçut une exécution soignée, mais la face externe l'emportait de beaucoup par la beauté et le fini du travail, car c'était la partie exposée au regard et à l'attention. C'est pourquoi aussi l'arête des deux versants (de la corniche) était à angle vif[20], et qu'aucun des angles, qui étaient au nombre de trois, comme nous l'avons dit, ne paraissait, si l'on déplaçait la table, plus petit que les autres[21]. Dans les entrelacs de la corde ciselée étaient enchâssées symétriquement des pierres précieuses, fixées par des agrafes d'or qui les traversaient. Les rampes de la corniche, exposées au regard, reçurent une décoration d'oves faites de pierres de toute beauté, assez semblables dans leur relief à une ligne de rais serrés, et qui faisaient le tour de la table. Au dessous de cette rangée d'oves, les artistes ciselèrent une guirlande de fruits de toutes sortes : grappes de raisins pendantes, épis dressés, grenades fermées. Les pierres furent assemblées suivant les différentes espèces de fruits que nous avons cités, de façon à en reproduire la couleur naturelle, et fixées dans l'or tout autour de la table. Au dessous de cette guirlande, on fit une nouvelle rangée d'oves et de rais en relief ; la table, dans les deux sens[22], présentait ainsi à la vue la même variété et le même fini de travail ; fût-elle retournée, ni la disposition de la cymaise ni celle de la corniche ne changeaient. Jusqu'aux pieds l'exécution était également soignée : on disposa, en effet, une lame d'or, de quatre doigts d'épaisseur, sur toute la largeur de la table ; on y inséra les pieds, qui furent ensuite fixés vers la corniche, par des clous et des attaches, de façon que, dans quelque sens qu'on plaça la table, la nouveauté et la richesse du travail parussent les mêmes. Sur le plateau, on sculpta un méandre, dans le milieu duquel furent enchâssées des pierres admirables, brillantes comme des astres, de différentes espèces, telles que des escarboucles et des émeraudes, qui frappent, entre toutes, l’œil par leur éclat, et d'autres pierreries de toutes sortes, races et universellement recherchées pour leur valeur. Autour du méandre, était ciselée une tresse enfermant des espaces libres en forme de losanges, incrustés de morceaux de cristal de roche et d'ambre, dont le rapprochement en dessin régulier était pour l’œil un véritable enchantement. Les pieds avaient des chapiteaux en forme de lis dont les feuilles étaient repliées sous la table, tandis que la floraison interne surgissait toute droite. Ils reposaient chacun sur une base d'escarboucle, de la hauteur d'une palme, large de huit doigts, en forme de stylobate, qui supportait toute la charge du pied. Chacun des pieds reçut une fine et délicate décoration en relief représentant du lierre et des sarments de vigne portant leurs grappes, imités avec une étonnante vérité  les feuilles étaient si légères et si effilées qu'elles tremblaient au souffle du vent et donnaient l'illusion de la réalité plutôt que l'impression d'une oeuvre d'art. Les artistes s'ingénièrent à donner à l'ensemble de la table l'aspect d'un triptyque, et la liaison des différentes parties entre elles était si admirablement faite, qu'il était impossible de voir, et même de soupçonner les joints. Le plateau de la table n'avait pas moins d’une demi-coudée d'épaisseur. Telle était cette offrande, témoignage de la libéralité du roi, oeuvre remarquable par la richesse      de la matière, la variété de l'ornementation, l'exactitude de l'imitation qu'apportèrent les artistes dans la ciselure ; le roi avait mis ses soins à ce que, tout en reproduisant par ses dimensions la table consacrée auparavant à Dieu, elle fût, par l'art, la nouveauté et la beauté du travail, de beaucoup supérieure et digne de l'admiration générale.

10. Parmi les cratères, il y en avait deux en or, ornés de la base à la ceinture d'imbrications ciselées ; entre les écailles étaient serties des pierres variées, au dessus était un méandre haut d'une coudée[23], et fait d'un assemblage de pierres de toutes sortes, puis une rangée de rais, surmontée elle-même d'un lacs de losanges, semblables aux mailles d'un filet, et couvrant le vase jusqu'à l'orifice. Les intervalles furent remplis de très belles pierres de quatre doigts en forme de cabochons. Tout autour des bords du cratère étaient des enroulements de tiges et de fleurs de lis, des sarments de vigne disposés en cercle. Telle était la structure des deux cratères d'or, dont chacun avait la capacité d'une amphore. Les cratères d'argent avaient beaucoup plus d'éclat que des miroirs, l'image de ceux qui s'en approchaient s'y réfléchissait plus nettement. Le roi fit encore faire trente phiales où toutes les parties d'or qui n'étaient pas ornées de pierres précieuses reçurent une décoration de guirlandes de lierre et de feuilles de vignes ciselées. Voilà les oeuvres qui furent exécutées et dont la perfection était due sans doute à l'habileté des artistes admirables qui en furent les auteurs, mais bien plus encore au goût et à la générosité du roi. Car non seulement il donna aux ouvriers sans compter et libéralement tout l'argent nécessaire, mais encore, négligeant le soin des affaires publiques, il était souvent auprès d'eux et surveilla toute l'exécution : ce qui fut cause du soin qu'y apportèrent les artistes, car voyant l'intérêt qu'y prenait le roi, ils mirent à leur ouvrage un bien plus grand zèle.

11[24]. Telles furent les offrandes envoyées à Jérusalem par Ptolémée. Le grand-prêtre Éléazar les consacra dans le Temple, puis, après avoir comblé d'honneurs ceux qui les avaient apportées et les avoir chargés de présents pour le roi, il les renvoya. Quand ils furent revenus à Alexandrie, Ptolémée, ayant appris leur retour et l'arrivée des soixante-dix anciens, fit appeler ses envoyés Andréas et Aristée. Ceux-ci vinrent aussitôt, lui remirent les lettres qu'ils lui apportaient de la part du grand-prêtre et répondirent de vive voix à toutes ses questions[25]. Dans sa hâte de voir les vieillards venus de Jérusalem pour interpréter la loi, il fit renvoyer tous ceux qui se trouvaient là pour affaires de service, chose de sa part extraordinaire et inusitée ; car ceux qu'amenaient des motifs de ce genre étaient d’ordinaire reçus dans les cinq jours, et les ambassadeurs dans le mois. Ayant donc congédié tous ceux qui avaient affaire à lui, il attendit les envoyés d'Éléazar. Quand les vieillards eurent été introduits, avec les présents que le grand-prêtre les avait chargés de porter au roi, et les membranes sur lesquelles la loi était écrite en lettres d'or, il les interrogea sur leurs livres. Et lorsqu'ils les eurent sortis de leurs étuis et les lui eurent montrés, le roi admira combien les membranes étaient minces et les coutures invisibles (tant était parfait le mode d'assemblage des feuilles). Après les avoir longtemps contemplées, il leur dit qu'il les remerciait d'être venus, plus encore Eléazar qui les avait envoyés, et par dessus tout Dieu, dont ces livres contenaient la loi. Et comme les vieillards et les assistants s'écrièrent tout d'une voix qu'ils souhaitaient au roi toutes sortes de prospérités, l'excès de bonheur lui fit verser des larmes, signe naturel des grandes joies comme des grandes douleurs. Puis il commanda qu'on remît les livres à ceux qui en avaient la garde[26], embrassa les envoyés et leur dit qu'il avait cru juste de les entretenir d'abord de l'objet de leur mission ; ensuite, de les saluer eux-mêmes. Il ordonna que ce jour où il les avait reçus fût célébré et marqué entre tous dans l'année pour tout le reste de sa vie  car il se trouva que c'était l'anniversaire même de celui où il avait battu Antigone dans un combat naval[27]. Il les fit manger avec lui et recommanda qu'on leur donnât les meilleurs logements près de la citadelle.

12. L'officier chargé de recevoir les étrangers[28], Nicanor, appela Dorothéos, l'intendant de ce service, et lui commanda de préparer pour chacun des envoyés tout ce qui était nécessaire à sa subsistance. Voici quel était le système adopté par le roi. Pour les envoyés de chaque ville, ayant un régime de vie spécial, il y avait un fonctionnaire chargé de s'en occuper[29] ; à leur arrivée il leur fournissait, suivant leurs coutumes, tout ce qu'il fallait pour que, bien traités, vivant de leur genre de vie ordinaire, ils fussent plus à leur aise, et n'eussent aucun ennui provenant d'un changement d'habitudes. C'est ce qui fut fait pour les envoyés d'Eléazar ; Dorothéos, maître d'hôtel fort exact, avait été préposé à cette tâche. Il régla tout ce qu'il fallait pour des réceptions de ce genre[30] et prépara pour eux deux rangées de places à table, comme l'avait ordonné le roi : celui-ci, en effet, voulant leur prodiguer tous les honneurs, fit placer la moitié d'entre eux à côté de lui, les autres à une table placée derrière la sienne. Après qu'ils eurent pris place, il ordonna à Dorothéos de les servir suivant les habitudes de tous ceux qui lui arrivaient de Judée. C'est pourquoi il congédia les hérauts sacrés, les sacrificateurs et tous ceux qui disaient d'ordinaire les prières, et comme parmi les envoyés se trouvait un prêtre, nommé Elisée[31], le roi le pria de faire les prières. Elisée, debout au milieu de tous, pria pour la prospérité du roi et de ses sujets ; puis tous avec joie poussèrent une bruyante acclamation ; après quoi ils ne songèrent plus qu'à festoyer et à manger les mets préparés pour eux. Le roi, après un intervalle qu'il jugea suffisamment long, se mit à causer philosophie et posa à chacun quelque question sur un problème naturel ; et comme les convives donnaient des explications claires et précises sur tout sujet qui leur était proposé[32], le roi, enchanté, prolongea le festin pendant douze jours ; si l'on veut savoir en détail ce qui fut dit dans ce banquet, on peut se renseigner dans le liste qu'Aristée écrivit à ce sujet[33].

13. Le roi les admira fort, et le philosophe Ménédémos lui-même dit que la Providence gouvernait tout, ce qui expliquait l'éloquence et la beauté de leurs discours. Puis ils cessèrent de les interroger. Le roi déclara que leur présence seule lui avait fait déjà le plus grand bien, puisqu'il avait appris d'eux comment il fallait régner ; puis il commanda de leur donner à chacun trois talents, et de les conduire à leurs logements pour les faire reposer[34]. Au bout de trois jours, Démétrius les emmena, leur fit traverser la jetée de sept stades, passa le pont, puis remonta au nord, et les réunit dans une maison bâtie au bord de la mer, et dont la solitude était bien propre à l'étude. Quand il les eut amenés là, il les pria, comme ils étaient pourvus de tout ce dont ils avaient besoin pour traduire la loi, de procéder sans relâche à cette besogne. Ils mirent toute leur attention et tout leur zèle à la traduction de la loi. Ils s'en occupaient jusqu’à la neuvième heure ; puis ils la laissaient pour s'occuper des soins du corps : tout le nécessaire leur était abondamment fourni, et Dorothéos leur donnait de plus beaucoup de choses préparées pour le roi, par ordre de celui-ci. Le matin, ils venaient à la cour saluer Ptolémée, puis retournaient au même endroit, et, après s'être lavé les mains dans la mer et avoir fait leurs ablutions, ils se remettaient à la traduction de la loi.

Quand la loi fut traduite et le travail de traduction terminé, ce qui dura soixante-douze jours, Démétrius rassembla tous les Juifs dans le lieu où les lois avaient été traduites, et, en présence également des interprètes, donna lecture de celles-ci. La multitude applaudit les vieillards qui avaient traduit la loi, et loua l’idée qu'avait eue Démétrius à qui ils étaient redevables ainsi de grands biens ; elle demanda qu'on donnât aussi la loi à lire à ses chefs. Et le prêtre[35], les anciens[36] et les chefs de la communauté, trouvant que la traduction était parfaite, demandèrent qu'elle restât telle, sans que rien y fût changé. Tous furent de cet avis, et l'on décida que si jamais quelqu'un découvrait quelque passage ajouté ou retranché à la loi, après nouvel examen et démonstration faite, il le corrigerait ; sage mesure, grâce à laquelle ce qui aurait été une fois jugé bon serait maintenu pour toujours[37].

14. Le roi se réjouit vivement de la réalisation et des bons résultats de son projet. Mais quand les lois lui eurent été lues, sa satisfaction grandit de toute son admiration pour l'intelligence et la sagesse du législateur ; et il se mit à demander à Démétrius comment il se faisait qu'aucun des historiens ou des poètes n'avait parlé de ces lois si admirables. Démétrius répondit que personne n'avait osé en aborder la description à cause de leur origine divine et de leur sainteté, et que quelques-uns pour l'avoir tenté avaient été frappés par Dieu. Il cita Théopompe, qui, ayant voulu en parler, avait eu l'esprit troublé pendant plus de trente jours, puis avait apaisé Dieu pendant ses intervalles de lucidité, jugeant bien que c'était là l'auteur de sa folie ; il fut averti, d'ailleurs, en songe que ce malheur lui était arrivé parce qu'il avait touché à des choses divines et voulu les mettre à la portée du vulgaire ; quand il renonça à son projet, il reprit tout son bon sens. Démétrius dit encore au roi que l'on rapportait du poète tragique Théodecte qu'ayant voulu dans un de ses drames mentionner quelques paroles des livres saints, il avait été atteint de glaucome aux yeux et qu'après avoir reconnu la cause de ce mal, il en avait été délivré, une fois Dieu apaisé.

15. Le roi instruit de ces faits par Démétrius, comme on vient de le raconter, vénéra profondément ces livres et ordonna qu'on en prit le plus grand soin afin qu'ils demeurassent intacts. Il invita les traducteurs à revenir souvent de Judée pour le voir : leur visite leur serait profitable, tant pour les honneurs que pour les présents qu'elle leur rapporterait de sa part[38]. Il lui paraissait, en effet, juste, pour le moment, de leur rendre leur liberté, mais s'ils revenaient d'eux-mêmes, ils trouveraient un accueil aussi empressé que le méritait leur sagesse et que sa propre générosité serait capable de le leur faire. Il les congédia donc après avoir donné à chacun trois très beaux vêtements, deux talents d'or, une coupe d'un talent et la couverture de leur lit de banquet. Tels furent les présents qu'ils reçurent de lui. Au grand-prêtre Éléazar il envoya par leur entremise dix lits à pieds d'argent avec leur garniture, une coupe de trente talents, et de plus dix vêtements, une robe de pourpre, une riche couronne, cent pièces de toile de lin, et enfin des phiales, des plats, des vases à libation et deux cratères d'or destinés à être déposés dans le Temple. Il le pria par lettre, si quelques-uns des envoyés voulaient revenir le voir, de les y autoriser, car il attachait le plus grand prix au commerce des hommes instruits, et se trouvait heureux de dispenser ses dons à de tels personnages. Tels furent les honneurs et la gloire que reçurent les Juifs de Ptolémée Philadelphe.

III[39]

1. Séleucus Ier. Privilèges des Juifs d'Antioche, maintenus par Vespasien. - 2. Antiochus II. Les Juifs d'Ionie et Agrippa. – 3-4. Antiochus III conquiert la Palestine. Ses rescrits favorables aux Juifs.

1. Ils reçurent aussi des marques d'honneur des rois d'Asie, en récompense du concours qu'ils leur prêtèrent à la guerre. Séleucus Nicator, dans les villes qu'il fonda en Asie et dans la basse Syrie, et dans sa capitale même d’Antioche, leur donna droit de cité ; il les déclara égaux en droits aux Macédoniens et aux Grecs établis dans ces villes, et ce régime dure encore. En voici la preuve : comme les Juifs ne veulent pas employer d'huile étrangère, ils touchent des gymnasiarques une certaine somme déterminée pour acheter de l'huile. Ce privilège, dont l'abolition fut demandée par le peuple d'Antioche dans la dernière guerre, leur fut conservé par Mucien, qui gouvernait alors la Syrie[40]. Puis, quand Vespasien et son fils Titus furent devenus les maîtres du monde, les habitants d'Antioche et d'Alexandrie ne purent obtenir, malgré leurs démarches, que le droit de cité fût enlevé aux Juifs. C'est là un bel exemple de l'équité et de la générosité des Romains, et surtout de Vespasien et de Titus, qui, malgré tout le mal que leur avait donné la guerre contre les Juifs, malgré le ressentiment qu'ils leur conservaient pour leur refus de rendre leurs armes et la résistance acharnée qu'ils opposèrent jusqu'à la dernière extrémité, ne leur enlevèrent aucun des droits que leur conférait le régime dont je viens de parler ; ils imposèrent au contraire silence à leur colère et aux réclamations de peuples aussi importants que ceux d'Antioche et d'Alexandrie, et ne cédèrent ni à leur bienveillance pour les uns, ni à leur rancune contre leurs adversaires, pour enlever aux Juifs aucun de leurs anciens privilèges ; ils répondaient, en effet, que ceux qui avaient pris les armes et combattu contre eux, avaient reçu leur châtiment, et qu'ils trouvaient injuste de priver de leurs droits ceux qui n'étaient en rien coupables[41].

2. Nous savons que Marcus Agrippa témoigna des sentiments analogues envers les Juifs. Comme les Ioniens s'agitaient contre eux, sollicitant d'Agrippa pour eux seuls la jouissance du droit de cité que leur[42] avait donné Antiochus, petit-fils de Séleucus, que les Grecs appellent Théos (Dieu), et demandaient que les Juifs s'ils étaient leurs compatriotes, adorassent aussi leurs dieux, un procès eut lieu, et les Juifs obtinrent de conserver leurs usages, sur le plaidoyer de Nicolas de Damas ; Agrippa déclara, en effet, qu'il n'avait pas le droit de ne rien innover. Si l'on veut se renseigner exactement sur cette affaire, il faut lire les livres CXXIII et CXXIV de Nicolas[43]. Du jugement d’Agrippa, il n'y a peut-être pas lieu de s'étonner, car notre peuple n'était pas alors en lutte contre les Romains ; mais on peut à bon droit admirer la générosité de Vespasien et de Titus et la modération dont ils firent preuve, après des guerres et des combats comme ceux qu'ils avaient soutenus contre nous. Je reprends mon récit au point où je l'avais laissé.

3. Sous Antiochus le Grand, roi d'Asie, les Juifs et les habitants de la Cœlésyrie eurent beaucoup à souffrir du ravage de leur territoire. Ce prince, en effet, étant en guerre avec Ptolémée Philopator et avec le fils de celui-ci, Ptolémée surnommé Epiphane, ses victoires comme ses défaites furent désastreuses pour ces peuples, dans les deux cas aussi maltraités ; semblables à un navire ballotté par la tempête et battu par le flot des deux côtés, ils se trouvaient placés entre les succès d'Antiochus et les retours en sens contraire de sa fortune. Antiochus cependant, ayant battu Ptolémée, gagna la Judée à sa cause[44]. Mais, à la mort de Ptolémée Philopator, son fils envoya contre les habitants de la Cœlé-Syrie une forte armée commandée par Scopas, qui s'empara de plusieurs de leurs villes et obtint par la force la soumission de notre peuple. Peu de temps après, Antiochus, rencontrant Scopas près des sources du Jourdain, le vainquit et détruisit une grande partie de son armée[45]. Plus tard, Antiochus s'étant emparé des villes de la Cœlé-Syrie que Scopas avait occupées et de Samarie, les Juifs se donnèrent à lui d'eux-mêmes, le reçurent dans leur ville, lui fournirent tout le nécessaire pour son armée et ses éléphants, et se joignirent à lui avec ardeur pour assiéger et combattre la garnison laissée par Scopas dans la citadelle de Jérusalem. Antiochus, jugeant donc juste de reconnaître le zèle et l'empressement que lui montraient les Juifs, écrivit à ses préfets et à ses amis, pour rendre témoignage aux Juifs des services qu'ils lui avaient rendus, et annoncer quels présents il avait résolu de leur faire en retour. Je citerai la lettre écrite à ce sujet aux préfets ; mais auparavant je veux indiquer comment Polybe de Mégalopolis confirme notre récit : en effet, dans le XVIe livre de son Histoire, voici ce qu'il dit[46] : « Le général de Ptolémée, Scopas, remonta vers le haut pays, et soumit, pendant l'hiver, le peuple juif ». Dans le même livre, il dit que, Scopas ayant été battu par Antiochus, « celui-ci s'empara de la Batanée, de Samarie, d'Abila et de Gadara, et peu après se donnèrent à lui ceux des Juifs qui habitent autour du sanctuaire qu'on appelle Jérusalem. Ayant beaucoup de choses à dire là-dessus, ajoute-t-il, et surtout en raison de la célébrité de ce sanctuaire, j'en remets le récit à un autre moment ». Tel est le langage de Polybe. Je reviens à mon propre récit après avoir mis tout d'abord sous les yeux du lecteur les lettres du roi Antiochus :

« Le roi Antiochus à Ptolémée[47], salut. Comme les Juifs, dès que nous sommes entrés dans leur territoire, nous ont témoigné leurs bonnes dispositions à notre égard, comme à notre arrivée dans leur ville ils nous ont reçus magnifiquement et sont venus à notre rencontre avec leur sénat, ont abondamment pourvu à la subsistance de nos soldats et de nos éléphants et nous ont aidé à chasser la garnison égyptienne établie dans la citadelle, nous avons jugé bon de reconnaître de notre côté tous ces bons offices, de relever leur ville ruinée par les malheurs qu'entraîne la guerre, et de la repeupler en y faisant rentrer les habitants dispersés. Tout d'abord nous avons décidé, en raison de leur piété, de leur fournir pour leurs sacrifices une contribution de bestiaux propres à être immolés, de vin, d'huile, et d'encens, pour une valeur de vingt mille drachmes, ... artabes sacrées de fleur de farine de froment, mesurées suivant la coutume du pays, quatorze cent soixante médimnes de blé[48], et trois cent soixante-quinze médimnes de sel. Je veux que toutes ces contributions leur soient remises, suivant mes instructions, que l'on achève les travaux du Temple, les portiques, et tout ce qui pourrait avoir besoin d'être réédifié. Les bois seront pris en Judée même ou chez les autres peuples, et au Liban, sans être soumis à aucune taxe ; de même les autres matériaux nécessaires pour enrichir l'ornementation du Temple. Tous ceux qui font partie du peuple juif vivront suivant leurs lois nationales ; leur sénat, les prêtres, les scribes du Temple, les chanteurs sacrés, seront exemptés de la capitation, de l'impôt coronaire et des autres taxes. Et pour que la ville soit plus vite repeuplée, j'accorde à ceux qui l'habitent actuellement et à ceux qui viendront s'y établir jusqu'au mois d'Hyperberotaios une exemption d'impôts pendant trois ans. Nous les exemptons en plus pour l'avenir du tiers des impôts, afin de les indemniser de leurs pertes. Quant à ceux qui ont été enlevés de la ville et réduits en esclavage, nous leur rendons la liberté à eux et à leurs enfants, et nous ordonnons qu'on leur restitue leurs biens[49].

4. Tel était le contenu de cette lettre. De plus, dans sa vénération pour le Temple. Antiochus publia dans tout le royaume un décret ainsi conçu : « Aucune personne étrangère ne pourra pénétrer dans l'enceinte du Temple interdite aux Juifs eux-mêmes, sauf à ceux qui se sont purifiés selon l'usage et leur loi nationale[50]. Défense est faite d'introduire dans la ville ni chair de cheval, ni chair de mulet, d'âne sauvage ou apprivoisé, de panthère, de renard, de lièvre, et en général d'animaux interdits aux Juifs ; on ne pourra ni introduire les peaux de ces animaux, ni en élever aucun dans la ville. Seuls sont autorisés les sacrifices offerts suivant les rites traditionnels et qui doivent rendre Dieu favorable. Quiconque transgressera ces ordres, paiera aux prêtres une amende de trois mille drachmes d'argent[51].

Le roi nous donna aussi un témoignage de bienveillance et de confiance, lorsque, au moment où il se trouvait dans les satrapies de la Haute Asie, il eut connaissance d’un soulèvement en Phrygie et en Lydie ; il ordonna alors à Zeuxis, son général et l'un de ses amis intimes, de transporter quelques-uns des nôtres de Babylone en Phrygie[52]. Il lui écrivit en ces termes : « Le roi Antiochus à Zeuxis son père, salut[53]. Si tu es en bonne santé, c'est bien ; moi-même, je me porte bien. Ayant appris que les habitants de Lydie et de Phrygie se livraient à des mouvements séditieux, j'ai pensé que le fait méritait une grande attention de ma part ; j'ai pris conseil de mes amis sur ce qu'il convient de faire, et j'ai décidé de tirer de Mésopotamie et de Babylone, pour les envoyer dans les garnisons et les places les plus importantes, deux mille familles juives avec leur équipement. Je suis persuadé, en effet, qu'ils seront de bons gardiens de nos intérêts à cause de leur piété envers Dieu, et je sais que mes ancêtres ont éprouvé leur fidélité et leur prompte obéissance aux ordres reçus. Je veux donc, bien que la chose soit difficile, qu'on les transporte, avec la promesse de les laisser vivre suivant leurs propres lois. Quand tu les auras amenés dans les lieux indiqués, tu donneras à chaque famille un emplacement pour bâtir une maison, un champ pour labourer et planter des vignes, et tu les laisseras pendant dix ans exempts de tout impôt sur les produits de la terre. Et jusqu'à ce qu'ils récoltent les produits de la terre, qu'on leur distribue du blé pour la nourriture de leurs esclaves. Que l’on donne aussi tout ce qui est nécessaire à ceux qui pourvoient à ce service (?)[54] afin qu'en reconnaissance de notre bonté ils montrent plus de zèle pour nos intérêts. Veille aussi avec tout le soin possible sur ce peuple, afin qu'il ne soit molesté par personne[55] ». - Ces témoignages suffiront, je pense, pour établir l'amitié d’Antiochus le Grand envers les Juifs[56].

IV[57]

1. La Judée rendue à l'Égypte. Le grand-prêtre Onias II. - 2-5. Histoire du fermier d'impôts Joseph, neveu d'Onias. - 6-9. Histoire d'Hyrcan, fils de Joseph. - 10. Les grands-prêtres Simon II et Onias III. Lettre du roi de Sparte Areios. - 11. Fin d'Hyrcan.

1. Antiochus fit ensuite amitié avec Ptolémée et traita avec lui ; il lui donna en mariage sa fille Cléopâtre, et lui abandonna à titre de dot la Cœlé-Syrie, Samarie, la Judée, la Phénicie[58]. Le produit des impôts ayant été partagé entre les deux souverains[59], les principaux de chaque pays affermèrent la levée des taxes, chacun dans leur patrie, et payèrent aux souverains la somme fixée. Vers ce même temps, les Samaritains, que la fortune favorisait, firent beaucoup de tort aux Juifs, dévastant leur territoire, et enlevant des prisonniers[60] ; ces événements se passèrent sous le grand-prêtre Onias. Après la mort d'Eléazar, en effet, son oncle Manassès lui avait succédé dans la charge de grand-prêtre ; celui-ci mort, elle passa à Onias, fils de Simon surnommé le Juste[61]. Simon était le frère d'Eléazar, comme je l'ai dit plus haut. Cet Onias était d'intelligence courte et dominé par l'amour de l'argent ; aussi, comme il n'avait pas acquitté l'impôt de vingt talents d'argent que ses pères payaient aux rois, sur leurs propres revenu', au nom du peuple, il fût cause que le roi Ptolémée[62] entra dans une grande colère. Ptolémée envoya un messager à Jérusalem, reprochant à Onias de n'avoir pas payé l'impôt, et menaçant, s'il ne recevait pas cette somme, de partager le territoire juif en lots et d'y envoyer des soldats en guise de colons. Les Juifs, en entendant ces menaces du roi, furent épouvantés, mais rien ne put émouvoir Onias, aveuglé par son avarice.

2. Il y avait alors un certain Joseph, jeune encore, mais jouissant déjà auprès des habitants de Jérusalem de la réputation d'un homme grave, prudent et juste ; il était le fils de Tobie et d'une sœur du grand-prêtre Onias. Sa mère lui avait fait savoir la présence de l'envoyé - car il se trouvait alors en voyage à Phichola[63], village auquel il appartenait, - il revint à la ville et reprocha à Onias de ne pas se soucier du salut de ses concitoyens, et de vouloir mettre le peuple en danger, par son refus de payer les sommes en considération desquelles il avait été placé à la tête du peuple et nommé grand-prêtre[64]. S'il était attaché à l'argent, au point de supporter, par avarice, de voir sa patrie en danger et ses compatriotes exposés à n'importe quelles souffrances, il n'avait qu'à se rendre auprès du roi et lui demander la remise soit du tout, soit de partie de la somme. Onias répondit qu'il ne tenait pas au pouvoir et qu'il était prêt, si la chose était possible, à déposer la grande-prêtrise, refusant d'ailleurs de se rendre auprès du roi, car il ne se souciait nullement de cette affaire ; Joseph lui demanda alors la permission de partir en ambassade auprès de Ptolémée au nom de la nation ; Onias l'accorda. Joseph monta donc au Temple, appela le peuple à l'assemblée et pria les citoyens de ne se laisser ni troubler ni effrayer par l'indifférence de son oncle Onias à leur égard; mais, tout au contraire1 d'avoir l'esprit tranquille et de bannir leurs tristes prévisions[65] ; il promettait, en effet, de se rendre en ambassade auprès du roi et de le persuader qu'ils n'avaient rien fait de mal. La foule, à ces paroles, remercia Joseph ; celui-ci, descendant du Temple, donna chez lui l'hospitalité à l'envoyé de Ptolémée, le combla de riches présents, et après l'avoir généreusement traité pendant plusieurs jours, le renvoya au roi, ajoutant qu'il le suivrait de près lui-même. Car il était d'autant plus disposé à ce voyage auprès du roi que l'envoyé l'y poussait et l'encourageait à aller en Égypte, l'assurant qu'il obtiendrait de Ptolémée tout ce qu il demanderait : cet homme en effet s'était épris de la droiture et de la dignité de caractère de Joseph.

3. L'envoyé, de retour en Egypte, raconta au roi l'entêtement d'Onias, et lui parla de la haute valeur de Joseph qui allait venir pour excuser le peuple, dont il était le patron[66], des fautes qu'on lui reprochait ; il fit du jeune homme tant d'éloges, qu'il disposa le roi et sa femme Cléopâtre à la bienveillance pour Joseph, avant même que celui-ci fût arrivé. Joseph envoya auprès de ses amis de Samarie[67] pour emprunter de l'argent, et après avoir préparé tout ce qu'il fallait pour son voyage, vêtements, vaisselle, bêtes de somme, ce qui lui coûta environ vingt mille drachmes, il se rendit à Alexandrie. Il se trouva qu'à ce même moment tous les principaux citoyens et les magistrats des villes de Syrie et de Phénicie s'y rendaient aussi pour la ferme des impôts, que chaque année le roi vendait aux plus puissants, dans chaque ville. Ceux-ci, lorsqu'ils virent Joseph sur la route, raillèrent sa pauvreté et sa simplicité. Mais Joseph, à son arrivée à Alexandrie, ayant appris que Ptolémée était à Memphis, s'avança à sa rencontre. Le roi était assis dans son char avec sa femme et son ami Athénion, celui-là même qui avait été envoyé à Jérusalem et hébergé par Joseph ; quand Athénion vit ce dernier, il le fit aussitôt connaître au roi, disant que c'était là le jeune homme dont, à son retour de Jérusalem, il lui avait vanté la bonté et la générosité. Ptolémée l'embrassa alors le premier, le fit monter dans son char, et, dès que Joseph fut assis, se répandit en reproches sur les procédés d'Onias. « Pardonne-lui, dit alors Joseph, en considération de sa vieillesse ; car tu sais certainement que vieillards et enfants ont souvent pareille intelligence. Mais nous, les jeunes, nous te donnerons pleine satisfaction, et tu n'auras aucun reproche à nous faire ». Le roi, charmé de la grâce et de l'enjouement du jeune homme, se prit pour lui d'affection comme s'il le connaissait déjà depuis longtemps ; il l'invita à s'installer dans son palais et à partager chaque jour son repas. Quand le roi fut revenu à Alexandrie, les grands de Syrie, voyant Joseph assis à ses côtés, en conçurent un vif dépit.

4. Lorsque le jour fut venu où l'on devait affermer aux enchères les impôts des villes, ceux qui par leurs dignités occupaient le premier rang dans leur patrie se présentèrent pour les acheter. Les offres s'élevèrent à huit mille talents pour les impôts de la Cœlé-Syrie, de la Phénicie, de la Judée avec Samarie ; Joseph s'approchant alors reprocha aux acheteurs de s'être concertés pour offrir au roi un prix aussi faible des impôts il déclara que lui-même se faisait fort de donner le double, et en outre de livrer au roi les biens de ceux qui auraient manqué envers sa maison ; en effet, ces biens étaient adjugés avec les impôts. Le roi l'écouta avec plaisir et se déclara prêt à lui adjuger la ferme des impôts, puisqu'il y gagnerait une augmentation de revenus, mais demanda s'il avait des garants à lui fournir. Joseph répondit avec beaucoup d'esprit : « Je vous fournirai de braves gens dont vous ne pourrez pas vous défier ». Le roi l'ayant prié de dire qui ils étaient : « Je vous donne comme garants, ô roi, toi-même et ta femme, chacun pour la part qui revient à l'autre ». Ptolémée rit, et lui permit de prendre les impôts sans caution. Cette faveur chagrina vivement ceux qui étaient venus des villes en Egypte, car ils se sentirent relégués au second rang. Et ils retournèrent chacun dans leur patrie, avec leur courte honte.

5. Joseph obtint du roi deux mille soldats d'infanterie, car il avait demandé de la force pour mettre à la raison ceux qui dans les villes mépriseraient son autorité ; et après avoir emprunté à Alexandrie, aux amis du roi, cinq cents talents, il partit pour la Syrie. Arrivé à Ascalon, il réclama le paiement de l'impôt aux habitants ; ceux-ci refusèrent de rien donner et même l'insultèrent ; alors il s'empara des principaux d'entre eux, en tua une vingtaine, saisit leurs biens, environ mille talents, et les envoya au roi en lui faisant savoir ce qui était arrivé. Ptolémée admira sa décision, loua sa conduite et lui donna carte blanche. Les Syriens, à cette nouvelle, furent épouvantés, et, ayant sous les yeux, comme un exemple bien fait pour décourager la désobéissance, le sort des victimes d'Ascalon, ils ouvrirent leurs portes, reçurent Joseph avec empressement et payèrent les tributs. Les habitants de Scythopolis cependant essayèrent de l'insulter et de lui refuser les impôts, qu'ils payaient auparavant sans difficulté ; là aussi il fit mettre à mort les principaux et envoya leurs biens au roi. Quand il eut rassemblé beaucoup d'argent et fait de gros bénéfices sur la ferme des impôts, il en usa pour affermir la puissance qu'il possédait, jugeant prudent de faire servir les biens qu'il avait acquis à conserver ce qui avait été la source et l'origine de sa présente fortune ; il envoya donc sous main de nombreux présents au roi, à Cléopâtre, à leurs amis, et à tous ceux qui étaient puissants à la cour, achetant ainsi leur bienveillance.

6. Il jouit de cette prospérité pendant vingt-deux ans, et devint père de sept fils, d'une première femme, et, de la fille de son frère Solymios, d'un fils appelé Hyrcan. Voici à quelle occasion il épousa sa nièce. Il vint un jour à Alexandrie en compagnie de son frère et de la fille de celui-ci qui était en âge d'être mariée, et que Solymios voulait faire épouser par quelque Juif occupant une haute situation. A un souper chez le roi, une danseuse entra dans la salle du banquet, si belle que Joseph s'en éprit et fit part de son amour à son frère, le priant, puisque la loi interdisait aux Juifs de s'unir à une femme étrangère, de l'aider à cacher sa faute et de se faire son complice pour lui permettre de satisfaire sa passion. Le frère accepta volontiers cette mission ; puis, ayant paré sa fille, il la conduisit la nuit venue à Joseph et lui fit partager sa couche. L'ivresse empêcha Joseph de reconnaître la vérité, il passa donc la nuit avec la fille de son frère ; et la chose s'étant renouvelée plusieurs fois, sa passion ne fit que croître. Il déclara alors à son frère que son amour pour cette danseuse risquait de lui faire perdre la vie, car peut-être le roi ne voudrait pas la lui céder. Son frère lui répondit de ne pas se mettre en peine : il pouvait posséder en toute sécurité celle qu'il aimait et la prendre pour femme ; et il lui révéla la vérité, ajoutant qu'il avait mieux aimé voir sa propre fille déshonorée que de regarder d'un oeil indifférent Joseph tomber dans la honte. Joseph le loua de son amour fraternel et épousa sa nièce, dont il eut un fils appelé Hyrcan, comme nous l'avons dit plus haut. A peine âgé de treize ans, cet enfant montra un courage et une intelligence naturels tels que ses frères conçurent contre lui une violente jalousie, car il était très supérieur à eux et bien digne d'exciter l'envie. Joseph, voulant savoir lequel de ses fils était bien doué, les envoya successivement aux maîtres qui passaient alors pour les meilleurs : tous les aînés, par suite de leur paresse et de la mollesse qu'ils apportaient au travail, lui revinrent bornés et ignorants. Après cela, il envoya le plus jeune de tous, Hyrcan, avec trois cents paires de bœufs, à deux jours de marche dans le désert, pour ensemencer un terrain ; il avait auparavant caché les courroies d'attelage. Hyrcan, arrivé à l'endroit désigné et n'ayant pas les courroies, refusa de suivre l'avis des toucheurs de bœufs, qui lui conseillaient de les envoyer chercher auprès de son père : il jugea qu'il ne devait pas perdre son temps à attendre les envoyés, et imagina un coup de maître, bien au-dessus de son âge. Il tua dix paires de bœufs, distribua les chairs aux ouvriers, puis, découpant les peaux, en fit des courroies avec lesquelles il lia les jougs ; ayant ainsi ensemencé le terrain, comme l'en avait chargé son père, il revint auprès de celui-ci. A son retour, son père, charmé de sa présence d'esprit, loua son intelligence éveillée et sa hardiesse, et l'aima encore davantage, comme s'il était seul véritablement son fils, au grand dépit des frères d'Hyrcan.

7. Vers ce temps Joseph apprit qu'un fils était né au roi Ptolémée[68], et que tous les grands de Syrie et du pays soumis au roi, voulant célébrer par des fêtes le jour de la naissance de l'enfant, se rendaient en grand appareil à Alexandrie. Retenu lui-même par la vieillesse, il pressentit ses fils pour savoir si l'un d'entre eux voulait se rendre auprès du roi. Les aînés refusèrent, alléguant qu'ils se trouvaient trop sauvages pour paraître en pareille compagnie, et lui conseillèrent d'envoyer leur frère Hyrcan. Le conseil plut à Joseph ; il fit appeler Hyrcan et lui demanda s'il pouvait se rendre auprès du roi et s'il y était disposé. Hyrcan promit d'y aller et assura qu'il ne lui faudrait pas beaucoup d'argent pour le voyage : il vivrait si économiquement que deux mille drachmes lui suffiraient ; Joseph se réjouit de l'esprit de modération de son fils. Peu après le jeune homme conseilla à son père de ne pas envoyer au roi des présents de Jérusalem même, mais de lui donner seulement une lettre pour son intendant à Alexandrie, afin que celui-ci lui remit de l'argent pour acheter ce qu'il trouverait de plus beau et de plus riche. Joseph, estimant la dépense nécessaire pour les présents du roi à dix talents, et louât le sage conseil de son fils, écrivit à son intendant Arion, qui avait à Alexandrie la gestion de tous ses biens, dont le montant n'était pas moindre de trois mille talents ; car Joseph envoyait à Alexandrie l'argent qu'il gagnait en Syrie, et, quand arrivait le terme fixé pour payer au roi les impôts, il écrivait à Arion de faire le versement. Hyrcan, muni de la lettre qu'il avait demandée à son père pour Arion, se mit donc en route pour Alexandrie. Dès qu'il fut parti, ses frères écrivirent à tous les amis du roi de le tuer.

8. Arrivé à Alexandrie, Hyrcan remit à Arion sa lettre et celui-ci lui demanda combien de talents il voulait, pensant qu'il allait lui en demander dix ou au peu plus ; mais Hyrcan répondit qu'il lui en fallait mille. Arion s'emporta, lui reprocha de vouloir mener une vie de prodigue, lui remontra comment son père avait amassé cette fortune, aux prix de quelles peines et de quelle résistance à ses convoitises, et l'adjura d'imiter celui auquel il devait le jour ; il ajouta qu'il ne lui donnerait pas plus de dix talents, et encore devaient-ils être employés aux présents du roi. Le jeune homme se mit en colère et fit jeter Arion aux fers. La femme d'Arion raconta la chose à Cléopâtre, auprès de qui Arion était en grande faveur, et la pria de faire des remontrances au jeune homme ; Cléopâtre rapporta tout au roi. Ptolémée dépêcha alors un messager à Hyrcan pour lui dire qu'il s'étonnait qu'envoyé auprès de lui par son père, il ne se fût pas encore présenté devant lui, et de plus qu'il eût fait enchaîner son intendant ; il lui ordonnait de venir s'expliquer. Hyrcan répondit, assure-t-on, à l'envoyé du roi qu'il y avait dans son pays une coutume défendant à celui qui célèbre une fête de naissance[69] de goûter aux viandes avant d'être allé au Temple et d'avoir sacrifié à Dieu ; par analogie, s'il ne s'était pas encore rendu auprès du roi, c'est qu'il attendait de pouvoir porter les présents de son père à celui qui l'avait comblé de bienfaits. Quant à l'esclave, il l'avait châtié pour n'avoir pas exécuté ses ordres ; car peu importait qu'un maître fût grand ou petit : « Si nous ne châtions pas les gens de cette sorte, ajouta-t-il, prends garde toi-même de voir ton pouvoir méprisé par tes sujets ». Cette réponse fit rire Ptolémée, qui admira la fierté du jeune homme.

9. Arion, ayant appris les dispositions du roi pour Hyrcan et comprenant qu'il n'avait plus de secours à en espérer, donna les mille talents au jeune homme et fut délivré de ses chaînes. Trois jours après Hyrcan vint saluer les souverains. Ceux-ci le virent avec plaisir et l'invitèrent gracieusement à leur table en l'honneur de son père. Mais Hyrcan, s'étant rendu secrètement chez les marchands d'esclaves, leur acheta cent jeunes hommes instruits, à la fleur de l'âge, au prix d'un talent chacun, et cent jeunes filles au même prix. Quand il fut invité à dîner chez le roi, il s'y trouva avec les premiers du pays, et fut relégué au bout de la table, traité comme un enfant sans importance par ceux qui distribuaient les places suivant le rang de chacun. Et tous ceux qui assistaient au repas se plurent à accumuler devant lui les os de leurs portions, après en avoir enlevé les chairs, au point d'en remplir sa table ; Tryphon, qui était le bouffon du roi chargé d'égayer les banquets par les rires et les facéties, s'approche alors de la table du roi, à l'instigation des convives, et lui dit : « Tu vois, ô maître, tous les os amoncelés devant Hyrcan ? Cela peut te donner une idée de ce que son père a fait de la Syrie ; il l'a dépouillée tout entière, comme celui-ci les os de leur chair ». Le roi rit de la boutade de Tryphon et demanda à Hyrcan pourquoi il avait tant d'os devant lui ? « Rien de plus naturel, seigneur, répondit Hyrcan, car les chiens mangent les os avec la chair, comme ont fait ceux-ci (et il désignait les convives qui n'avaient rien devant eux), tandis que les hommes mangent la chair et rejettent les os, ce que je viens de faire, en ma qualité d'homme ». Le roi admira l'habileté de cette réponse et voulut que tous, à son exemple, applaudissent tant d'esprit. Le lendemain, Hyrcan s'étant rendu chez tous les amis du roi et les hommes importants de la cour, les salua, et s'informa auprès de leurs serviteurs du présent que chacun d'eux avait l’intention de faire au roi pour fêter la naissance de son fils. Les serviteurs répondirent que les uns devaient donner dix talents par tête, les gens en place plus ou moins, suivant la fortune de chacun d'eux ; Hyrcan feignit d'avoir un vif chagrin de ne pouvoir apporter un présent aussi considérable : car il n'avait pas plus de cinq talents, disait-il. Les serviteurs s'empressèrent de rapporter ce propos à leurs maîtres, et ceux-ci se réjouirent à la pensée que Joseph allait être mal vu et tomber en disgrâce auprès du roi pour l'insuffisance de son présent. Au jour fixé, tous apportèrent au roi leur offrande : ceux qui croyaient faire un très beau présent n'apportèrent pas plus de vingt talents ; Hyrcan prit les cent jeunes gens et les cent jeunes filles qu'il avait achetés, leur donna à chacun à porter un talent et les conduisit, les garçons au roi, les filles à Cléopâtre. Tous furent émerveillés, et les souverains eux-mêmes, de la richesse de ce présent qui dépassait toute attente ; Hyrcan fit aussi aux amis et aux domestiques du roi des présents d'une valeur de plusieurs talents, afin d'échapper au périt qui le menaçait de leur part : car ses frères leur avaient mandé de le faire périr. Ptolémée, ayant admiré la générosité du jeune homme, l'invita à choisir la récompense qu'il voudrait. Hyrcan ne lui demanda que d'écrire à son sujet à son père et à ses frères. Après l'avoir comblé d'honneurs et de riches présents, Ptolémée écrivit donc à son père, à ses frères, à tous ses généraux et intendants, et le congédia. Quand les frères d'Hyrcan apprirent comment il avait été traité par le roi, et qu'il revenait couvert d'honneurs, ils allèrent à sa rencontre pour le tuer, à la connaissance de leur père. Car Joseph, irrité des dépenses qu'il avait faites pour les présents, ne se souciait pas de le sauver ; il cachait sa colère cependant contre son fils, par crainte du roi. Ses frères l'avant donc attaqué, Hyrcan tua plusieurs de ceux qui les accompagnaient, et deux d'entre eux ; les autres se sauvèrent à Jérusalem auprès de leur père. Mais quand il arriva à la ville, voyant que personne ne venait le recevoir, il prit peur et se retira au delà du Jourdain, où il s'établit, et vécut des taxes qu'il levait sur les barbares.

10. A cette époque régnait en Asie Séleucus, surnommé Sôter (le Sauveur), fils d'Antiochus le Grand[70]. C'est alors que le père d'Hyrcan, Joseph, mourut ; c'était un homme honnête, de grand caractère, qui avait retiré le peuple juif de la pauvreté et d'une situation précaire[71] et l'avait élevé à une plus brillante fortune, en percevant pendant vingt-deux ans les impôts de la Syrie, de la Phénicie et de Samarie. Son oncle Onias mourut aussi, laissant la grande-prêtrise à son fils Simon.

A la mort de ce dernier, son fils Onias hérita de sa charge ; c'est à lui que le roi des Lacédémoniens Areios envoya une ambassade et une lettre, dont voici la copie[72] : « Le roi des Lacédémoniens, Areios, à Onias, salut. Nous avons par hasard trouvé un écrit d'après lequel les Juifs et les Lacédémoniens seraient de même race et de la famille d'Abraham. Il est donc juste qu'étant nos frères vous envoyiez vers nous pour nous faire connaître vos désirs. Nous en ferons autant nous-mêmes, nous confondrons désormais vos intérêts avec les nôtres, nous considérerons nos affaires comme les nôtres. Démotelès, le courrier, vous transmettra cette lettre. L'écriture est carrée : le cachet représente un aigle enserrant un serpent[73]. »

11[74]. Tel était le contenu de la lettre envoyée par le roi des Lacédémoniens. Après la mort de Joseph, ses fils provoquèrent la discorde dans le peuple. Les aînés ayant déclaré la guerre à Hyrcan, qui était le plus jeune fils de Joseph, le peuple se divisa. Le plus grand nombre des citoyens prirent le parti des aînés, avec le grand-prêtre Simon, que décida sa parenté avec eux[75]. Hyrcan renonça à revenir jamais à Jérusalem ; il s'établit donc au delà du Jourdain et guerroya sans trêve contre les Arabes, dont il tua ou fit prisonniers un grand nombre. Il se bâtit une forteresse fort solide, tout en marbre blanc jusqu'au toit, la décora d'énormes figures sculptées et l'entoura d'un fossé large et profond. Dans la montagne située en face, il ménagea, en creusant les rochers qui faisaient saillie, des cavernes de plusieurs stades de longueur : dans ces cavernes, il disposa des chambres, les unes pour les repas, les autres pour dormir et habiter, et amena des eaux courantes qui faisaient le charme et l'ornement de cette résidence. Il fit cependant l'entrée de ces cavernes assez petite pour ne livrer passage qu'à un homme seulement à la fois, sans plus ; il prit toutes ces précautions en vue de sa propre sûreté, pour n'être pas en danger d'être pris par ses frères s'ils l'assiégeaient. Il construisit aussi des fermes de grandes dimensions, qu'il orna de vastes parcs. Ayant ainsi disposé cet endroit, il l'appela Tyr. Ce lieu se trouve entre l'Arabie et la Judée, au delà du Jourdain, non loin de l'Hesbonitide[76]. Il resta le maître de cette région pendant sept ans, tout le temps que Séleucus régna en Syrie[77]. A la mort de ce roi, son frère Antiochus, surnommé Epiphane, lui succéda sur le trône. Ptolémée, roi d'Égypte, surnommé aussi Epiphane, mourut également[78], laissant deux enfants encore en bas âge, dont l'aîné était surnommé Philométor et le plus jeune Physcon. Hyrcan, voyant la puissance d'Antiochus et craignant, s'il était fait prisonnier par lui, d'être puni pour sa conduite à l’égard des Arabes, se donna la mort de ses propres mains. Sa fortune entière fut confisquée par Antiochus[79].

V [80]

1. Les grands-prêtres Jason et Ménélas. Hellénisation de Jérusalem. - 2. Antiochus Épiphane et l'Égypte. - 3. Premier pillage de Jérusalem. - 4. Deuxième pillage. Abolition du culte juif. - 5. Le temple des Samaritains consacré à Zeus Hellénios.

1[81]. Vers le même temps, Onias, le grand-prêtre, étant mort aussi, son frère reçut d'Antiochus la grande-prêtrise ; car le fils que laissait Onias était encore en bas âge. Nous raconterons en temps voulu tout ce qui a trait à cet enfant[82]. Jésus, - c'était le frère d'Onias, - fut bientôt privé de la grande-prêtrise : le roi, s'étant irrité contre lui, donna la charge à son plus jeune frère, qui s'appelait Onias ; Simon avait eu, en effet, trois fils, et tous trois furent grands-prêtres, comme je l'ai montré. Jésus changea son nom en celui de Jason, et Onias fut appelé Ménélas. Jésus, le précédent grand-prêtre, se révolta contre Ménélas, qui avait été nommé après lui ; le peuple s'étant divisé entre les deux, les fils de Tobie embrassèrent le parti de Ménélas, mais la plus grande partie de la nation prit fait et cause pour Jason. Ménélas et les fils de Tobie, maltraités par Jason, se réfugièrent auprès d'Antiochus et lui déclarèrent qu'ils étaient décidés à abandonner leurs lois nationales et leur propre constitution, pour suivre les volontés du roi et adopter une constitution grecque. Ils lui demandèrent donc de leur permettre de construire un gymnase à Jérusalem ; l'autorisation obtenue, ils se mirent aussi à dissimuler leur circoncision, afin que, même nus, ils ressemblassent aux Grecs ; et en tout, renonçant à leurs usages nationaux, ils se mirent à imiter les autres peuples[83].

2[84]. Antiochus, voyant les affaires de son royaume marcher à souhait, résolut de faire une expédition contre l'Egypte, dont il convoitait la possession, méprisant les fils de Ptolémée, encore trop faibles, et incapables de gouverner un pareil royaume. Il marcha donc avec des forces considérables contre Péluse, et, après avoir circonvenu par la ruse Ptolémée Philométor, envahit l'Egypte ; arrivé dans les environs de Memphis, il prit la ville et marcha sur Alexandrie pour l'assiéger, s'en emparer et mettre la main sur Ptolémée qui y régnait. Mais il fut repoussé non seulement d'Alexandrie, mais de l'Egypte entière, les Romains l'ayant averti d'avoir à quitter le pays, comme je l'ai déjà rapporté ailleurs[85]. Je raconterai en détail ce qui concerne ce roi, et comment il s'empara de la Judée et du Temple, car, ayant déjà parlé de ces faits sommairement dans mon premier ouvrage[86], je trouve bon d'en reprendre maintenant le récit plus exact.

3. Revenu d'Egypte, par crainte des Romains, Antiochus marcha contre la ville de Jérusalem; il y arriva la cent-quarante-troisième année du règne des Séleucides, et s'empara de la ville sans combat, les portes lui ayant été ouvertes par ses partisans. Devenu ainsi maître de Jérusalem, il fit mettre à mort beaucoup de ceux qui lui étaient opposés, et, chargé de richesses, produit du pillage, revint à Antioche[87].

4[88]. Deux ans après, la cent-quarante-cinquième année, le vingt-cinquième jour du mois appelé chez nous Chasleu et chez les Macédoniens Apellaios, la cent cinquante troisième olympiade, le roi marcha sur Jérusalem à la tête d'une forte armée, et, en simulant des intentions pacifiques, s'empara de la ville par ruse[89]. Séduit par les richesses enfermées dans le Temple, il n’épargna même pas ceux qui l'avaient reçu. Par convoitise, voyant l'or prodigué dans le Temple et la masse des offrandes précieuses qui l'ornaient, afin de pouvoir tout piller, il n'hésita pas à violer les conventions faites avec eux. Il dépouilla donc le Temple jusqu'à emporter les ustensiles sacrés, les chandeliers d'or, l'autel d'or, la table, les encensoirs, sans oublier même les voiles, qui étaient de lin et d'écarlate, vida les trésors cachés, ne laissa absolument rien. Ce désastre jeta les Juifs dans le plus grand désespoir. Antiochus interdit, en effet, les sacrifices qu'ils offraient chaque jour à Dieu, suivant la loi, et, après avoir livré au pillage la ville entière, fit mettre à mort une partie des habitants, emmena les autres prisonniers avec les femmes et les enfants, si bien que le nombre des  captifs fut d'environ dix mille. Il mit le feu aux plus beaux quartiers de la ville, jeta bas les remparts et construisit la citadelle de la ville basse ; elle était fort élevée et dominait le Temple ; en raison de cette situation, il la ceignit de hautes murailles et de tours, et y plaça une garnison macédonienne[90]. La citadelle n'en resta pas moins le refuge do tous ceux du peuple qui étaient impies ou méchants, et qui firent endurer aux citoyens bien des souffrances cruelles. Après avoir élevé un autel sur l'emplacement de l'ancien autel des sacrifices, le roi y immola des porcs, offrande interdite par la loi et les coutumes du culte des Juifs. Il obligea ceux-ci, abandonnant le culte de leur Dieu, à adorer les divinités auxquelles il croyait lui-même, à leur bâtir dans chaque ville et dans chaque village des sanctuaires, à leur ériger des autels où ils leur sacrifieraient chaque jour des porcs. Il leur interdit aussi de circoncire leurs enfants, menaçant de châtiment quiconque serait surpris à transgresser cette défense. Il établit des inspecteurs chargés de veiller à l'exécution de ses ordres. Beaucoup de Juifs, les uns spontanément, les autres par crainte du châtiment annoncé, se soumirent aux ordres du roi ; mais les plus considérés et les plus fiers méprisèrent son autorité, et, tenant plus grand compte de leurs coutumes nationales que du châtiment dont il les menaçait en cas de désobéissance, durent à leur courage d'être tous les jours en butte aux mauvais traitements, et périrent après avoir passé par les plus dures épreuves. Frappés à coups de fouet, mutilés, ils étaient mis en croix vivant et respirant encore ; leurs femmes, leurs fils, qu'ils avaient circoncis malgré la défense du roi, étaient étranglés ; on pendait les enfants au cou de leurs parents crucifiés. Tout livre sacré, tout exemplaire de la loi qu'on découvrait était détruit, et les malheureux chez qui il avait été trouvé périssaient eux aussi misérablement.

5[91]. Les Samaritains, voyant le traitement infligé aux Juifs, cessèrent de se donner pour leurs parents et de prétendre que le temple du Garizim était celui du Dieu tout-puissant, en quoi ils suivaient leur naturel, que j'ai décrit déjà ; mais ils se dirent descendants des Mèdes et des Perses, ce qu'ils sont en effet. Ils envoyèrent donc à Antiochus des ambassadeurs avec une lettre, et voici les déclarations qu'ils lui firent : « Mémoire des Sidoniens de Sichem[92] au roi Antiochus Théos Epiphane. Nos ancêtres, à la suite de sécheresses qui désolèrent le pays, obéissant à une vieille superstition, adoptèrent la coutume de célébrer le jour que les Juifs appellent sabbat ; ils élevèrent sur la montagne appelée Garizim un temple sans dédicace et y offrirent les sacrifices prescrits. Aujourd'hui que tu traites les Juifs comme le méritait leur méchanceté, les officiers du roi, pensant que c'est par suite de notre parenté avec eux que nous suivons les mêmes pratiques, portent contre nous les mêmes accusations, alors que, depuis l'origine, nous sommes Sidoniens, comme le démontrent clairement nos annales publiques. Nous te supplions donc, toi le bienfaiteur et le sauveur, d'ordonner à Apollonios, sous-préfet, et à Nicanor, agent royal[93], de ne pas nous faire de tort en nous accusant des mêmes crimes que les Juifs, qui nous sont étrangers par la race comme par les coutumes, et de consacrer notre temple anonyme au culte de Zeus Hellénios : ainsi nous ne serons plus molestés, et pouvant désormais vaquer en toute sécurité à nos travaux, nous te paierons des tributs plus considérables ». A cette requête des Samaritains, le roi fit la réponse suivante : « Le roi Antiochus à Nicanor. Les Sidoniens de Sichem nous ont adressé le mémoire ci-inclus. Puisque leurs envoyés, devant nous et nos amis réunis en conseil, ont établi qu'ils n’ont rien fait de ce qui est reproché aux Juifs, mais qu'ils désirent vivre suivant les coutumes des Grecs, nous les tenons quittes de toute accusation, et ordonnons que leur temple, comme ils l'ont demandé, soit consacré à Zens Hellénios ». Il envoya également cette lettre au sous-préfet Apollonios, la [cent] quarante-sixième année, le dix-huitième jour du mois d'Hécatombéon Hyrcanios[94].

VI

1. Mattathias et ses fils. - 2. Révolte et succès de Mattathias. - 3-4. Sa mort. Judas Macchabée lui succède.

1[95]. Vers le même temps, habitait au bourg de Modéï, en Judée, un certain Mattathias, fils de Jean, fils de Siméon, fils d'Asamonée[96], prêtre de la classe de Joarib, de Jérusalem. Il avait cinq fils, Jean, appelé Gaddès, Simon, appelé Thatis, Judas, appelé Macchabée, Eléazar, appelé Auran, et Jonathas, appelé Apphous. Ce Mattathias déplorait devant ses enfants l'état des affaires, le pillage de la ville et du Temple, les malheurs du peuple, en leur disait qu'il valait mieux pour eux mourir fidèles aux lois nationales que de vivre dans une pareille ignominie.

2[97]. Les agents chargés par le roi de forcer les Juifs à accomplir ses ordres vinrent au bourg de Modéï, et ordonnèrent aux habitants de sacrifier, suivant les prescriptions royales. Comme Mattathias était fort considéré pour plusieurs raisons et notamment pour sa belle famille, ils l'invitèrent à offrir le premier un sacrifice ; ils assuraient qu'il serait aussitôt imité par ses concitoyens, et que le roi l'en honorerait. Mattathias refusa, déclarant que, quand bien même tous les autres peuples. par crainte ou par complaisance, obéiraient aux ordres d'Antiochus, jamais on ne le persuaderait, lui ni ses enfants, d'abandonner le culte de leurs pères. A peine s'était-il tu, qu'un autre Juif s'avança et sacrifia suivant les prescriptions d'Antiochus ; Mattathias furieux se jeta sur lui avec ses enfants armés de coutelas et le tua ; il mit à mort aussi le général du roi, Apellès[98], qui voulait les forcer à sacrifier, et quelques-uns de ses soldats, puis, jetant bas l'autel, s'écria : « Que tous ceux qui sont attachés aux coutumes de nos pères et au culte de Dieu me suivent ! » A ces mots, accompagné de ses fils, il s'enfuit dans le désert, abandonnant dans le bourg tous ses biens. Beaucoup d'autres en firent autant, et s'enfuirent aussi avec leurs femmes et leurs enfants dans le désert où ils s'établirent dans les cavernes. A cette nouvelle, les généraux du roi, prenant dans la citadelle de Jérusalem tout ce qui s'y trouvait de troupes, se mirent à la poursuite des Juifs dans le désert ;quand ils les eurent rejoints, ils essayèrent d'abord de les faire changer d'avis et de les persuader de se guider sur leur intérêt, afin de ne pas forcer les soldats à leur appliquer les lois de la guerre. Les Juifs refusèrent et persistèrent dans leur résistance ; on les attaqua donc le jour du Sabbat, et on les brûla dans les cavernes, comme ils s'y trouvaient, sans qu'ils se défendissent ou qu'ils eussent même essayé de fermer les issues : la solennité du jour leur interdisait de se défendre, et ils ne voulurent pas, même en si critique circonstance, transgresser la loi de la sanctification du Sabbat ; car il nous est prescrit de ne rien faire ce jour-là. Ils moururent donc étouffés dans les cavernes avec leurs femmes et leurs enfants, au nombre d'environ un millier[99]. Beaucoup cependant se sauvèrent, vinrent rejoindre Mattathias et le prirent pour chef. Celui-ci les instruisit à combattre même le jour du Sabbat, assurant que s'ils ne le faisaient pas, pour se conformer à la loi, ils seraient leurs propres ennemis ; leurs adversaires, en effet, choisissant ce jour pour les attaquer, s'ils ne se défendaient pas, rien n'empêcherait qu'ils ne périssent ainsi tous sans combattre. Cet argument les convainquit, et jusqu'aujourd'hui, l'usage subsiste chez nous de combattre même le jour du Sabbat, s'il est nécessaire[100]. Mattathias, ayant donc réuni une troupe assez nombreuse, renversa les autels, tua tous ceux des coupables dont il put s'emparer (car beaucoup, par prudence, s'étaient dispersés chez les peuples voisins); puis il ordonna que tous les enfants qui n'avaient pas été circoncis le fussent, et chassa ceux qui avaient été chargés de s'opposer à cette mesure.

3[101]. Après avoir exercé le commandement pendant un an, Mattathias tomba malade ; il fit alors venir ses fils, et quand il les vit réunis autour de lui : « Mes enfants, leur dit-il, je pars pour le voyage fixé par le destin ; je vous laisse dépositaires de ma pensée, et vous prie de ne pas en être les gardiens infidèles, mais d'avoir toujours devant les yeux le but poursuivi par celui qui vous a engendrés et élevés : sauver les coutumes nationales, restaurer notre vieille constitution menacée de disparaître, et ne pas faire cause commune avec ceux qui, de gré ou de force, la trahissent. En dignes fils de votre père, restez au dessus de toute violence et de toute contrainte, préparez vos âmes à mourir pour nos lois, s'il le faut ; songez que la divinité, vous voyant tels, ne vous oubliera pas, mais que, admirant votre courage, elle saura le récompenser, et vous rendra la liberté, dans laquelle vous vivrez enfin, jouissant en toute sécurité de vos coutumes, Car notre corps est mortel et périssable, et c'est par le souvenir de nos actions que nous conquérons l'immortalité ; je veux qu'épris d'elle vous en recherchiez la gloire, vous attachant aux plus nobles desseins, et n'hésitant pas à y sacrifier votre vie. Je vous conjure surtout de rester unis, et si l'un de vous se trouve avoir sur les autres quelque supériorité en un point, de le seconder volontiers, de manière a utiliser vos talents respectifs. Vous choisirez pour père votre frère Simon, le plus intelligent d'entre vous, et vous suivrez ses conseils ; vous prendrez comme général Macchabée, pour son courage et sa vigueur ; car il défendra le peuple et écartera l'ennemi, Admettez auprès de vous les hommes justes et pieux, et vous augmenterez ainsi votre force. »

4[102]. Après avoir ainsi parlé à ses fils et prié Dieu de combattre avec eux et de rendre à son peuple ses coutumes, il mourut ; il fut enterré dans le bourg de Modéï et l'affliction du peuple fut profonde. Son fils Judas, appelé aussi Macchabée, prit la direction des affaires : c'était en l'année cent quarante-six[103]. Avec l'aide dévouée de ses frères et des autres citoyens, il chassa l'ennemi du pays, fit périr ceux de ses compatriotes qui avaient violé la loi et purifia la terre de toute souillure.

VII

1. Judas Macchabée bat Apollonios, puis Séron. - 2-4. Lysias régent. Victoire de Judas à Emmaüs. - 5. Lysias battu à Bethsoura. – 6-7. Restauration du culte du Temple. Institution de la fête de Hanoucca.

1[104]. A ces nouvelles, Apollonios, gouverneur de Samarie[105], marcha contre Judas avec ses forces. Judas vint à sa rencontre, l'attaqua et tua un grand nombre d'ennemis, parmi lesquels le général Apollonios lui-même, auquel il enleva l'épée dont celui-ci se servait d'ordinaire[106] ; il en blessa un plus grand nombre et revint chargé d'un important butin provenant du pillage de leur camp. Séron, gouverneur de Cœlé-Syrie[107], ayant appris que nombre d'habitants s'étaient ralliés à Judas, et que celui-ci avait rassemblé des forces considérables pour livrer bataille et soutenir la guerre, résolut de faire une expédition contre lui ; car il convenait, pensait-il, d'essayer de châtier ceux qui transgressaient les ordres du roi. Il réunit donc toutes les troupes qu'il avait à sa disposition, et s'étant adjoint les Juifs fugitifs et renégats, marcha contre Judas ; il s'avança jusqu'à Baithora, bourg de Judée, où il campa[108]. Judas, qui s'était porté à sa rencontre dans l'intention d'en venir aux mains, vit ses soldats peu disposés au combat, à cause de leur petit nombre et de l'abstinence que venait de leur imposer un jeûne[109] ; il les encouragea en leur disant que la victoire et la supériorité sur l'ennemi ne dépendent pas du nombre, mais de la piété et de la confiance dans la divinité ; leurs pères en avaient donné la plus éclatante preuve, eux qui, combattant pour la justice et pour leurs lois et leurs enfants, avaient souvent vaincu des armées de plusieurs myriades d'hommes, car l'innocence est une grande force. Il parvint ainsi à persuader ses compagnons de mépriser le nombre de leurs adversaires et de marcher contre Séron ; il livra le combat, et mit en fuite les Syriens  leur général étant en effet tombé[110], ils se débandèrent, comme si leur salut avait résidé en lui seul. Judas les poursuivit jusqu'à la plaine, et en tua environ huit cents ; le reste se sauva du côté de la mer.

2[111]. A ces nouvelles le roi Antiochus, vivement irrité de ce qui s'était passé, réunit toutes les troupes de son royaume, leva de nombreux mercenaires dans les îles, et se prépara à envahir la Judée au commencement du printemps. Mais lorsque, après avoir payé la solde, il vit ses trésors vides et qu'il manquait d'argent (car tous les impôts n'avaient pas été payés à cause des soulèvements de certains peuples[112], et d'autre part les générosités et largesses du roi rendaient ses ressources insuffisantes), il résolut tout d'abord de marcher vers la Perse et de lever les impôts de ce pays. Il laissa à la tête des affaires un certain Lysias, qui avait beaucoup de crédit auprès de lui et [lui confia] le territoire s'étendant jusqu'aux frontières de l'Egypte et de l'Asie inférieure à partir de l'Euphrate, avec une partie des troupes et des éléphants ; il lui recommanda de veiller attentivement à l'éducation de son fils Antiochus jusqu'à son retour, et le chargea de dévaster la Judée, de réduire en esclavage les habitants, de raser Jérusalem et de faire disparaître la race juive. Ces instructions données à Lysias, le roi Antiochus partit pour la Perse, la cent quarante-septième année[113], traversa l'Euphrate, et marcha vers les satrapies du haut pays.

3[114]. Lysias choisit Ptolémée, fils de Doryménès, Nicanor et Gorgias, personnages puissants parmi les amis du roi, leur donna quarante mille hommes d'infanterie, sept mille de cavalerie, et les envoya contre la Judée. Arrivés à la ville d'Emmaüs[115], ils établirent leur camp dans la plaine. Il leur arriva encore des renforts de Syrie et de la contrée environnante, beaucoup de Juifs transfuges, et de plus des marchands qui venaient pour acheter les futurs prisonniers, apportant des entraves pour lier les captifs, de l'or et de l'argent pour       en payer le prix. Judas, quand il eut reconnu le camp et le nombre de ses adversaires[116], exhorta ses soldats au courage, leur dit de mettre en Dieu l'espoir de la victoire, et de le prier, suivant les usages de leurs pères, recouverts de cilices, en sorte que cette supplication démonstrative, dans le costume usité pour les cas de grands dangers, le persuadât de leur donner la force contre leurs ennemis. Puis, suivant la vieille coutume nationale, il les rangea sous les ordres des chiliarques et des taxiarques, et renvoya ceux qui étaient mariés depuis peu, qui avaient fait récemment fortune, dans la crainte que, trop attachés à la vie par le désir de ces jouissances, ils ne combattissent trop mollement ; il exhorta alors ses soldats en ces termes : « Jamais meilleure occasion, camarades, ne se présentera de montrer votre grandeur d'âme et votre mépris du danger aujourd'hui, en effet, si vous combattez avec ardeur, vous pouvez conquérir cette liberté, qui est précieuse à tous pour elle-même, et que nous rend encore plus désirable, à nous, le droit qu'elle nous donnera d'adorer Dieu. Les circonstances sont telles que vous pouvez ou la recouvrer et reconquérir la vie honorée et heureuse, c'est-à-dire conforme aux lois et coutumes nationales, ou, tout au contraire, si vous vous montrez lâches dans le combat, subir les pires malheurs et voir disparaître notre nation jusqu'à la racine.   Courez à l'ennemi dans ces dispositions, et sachant que, même si vous ne combattez pas, vous êtes voués à la mort, soyez persuadés que la mort pour de pareils objets, - la liberté, la patrie, les lois, la religion, - vous procurera une gloire éternelle. Préparez donc vos âmes à vous jeter sur l'ennemi demain, au point du jour. »

4[117]. Tel fut le discours de Judas pour exhorter sou armée. Les ennemis envoyèrent Gorgias avec cinq mille hommes d'infanterie et mille cavaliers pour tomber de nuit sur Judas, et Gorgias prit pour guides quelques-uns des Juifs transfuges ; le fils de Mattathias, comprenant leur plan, résolut d'attaquer lui-    même les ennemis restés dans le camp au moment où leurs forces seraient divisées. Ayant donc soupé en temps opportun, il partit laissant de nombreux feux allumés dans son camp, et marcha toute la nuit vers ceux des ennemis qui étaient campés à Emmaüs. Gorgias, ne trouvant pas les Juifs dans leur camp et supposant qu'ils s'étaient retirés dans les montagnes pour s'y cacher, résolut de partir à leur découverte. Au point du jour cependant Judas arriva en présence des ennemis restés à Emmaüs ; il n'avait que trois mille hommes mal armés, à cause de la pénurie où ils se trouvaient. Lorsqu'il vit les ennemis bien fortifiés dans un camp savamment tracé, il exhorta les siens, leur disant qu'il fallait combattre, fût-ce sans armes ; que Dieu en pareil cas avait déjà souvent donné à des vaillants, par admiration pour leur courage, la victoire sur des ennemis plus nombreux et bien armés ; puis il ordonna aux trompettes de donner le signal. Tombant alors à l'improviste sur les ennemis, il les frappa de terreur, jeta le trouble parmi eux, en tua un grand nombre qui essayaient de résister, et poursuivit le reste jusqu'à Gazara et aux plaines d'Idumée[118], à Azotos et à Iamnée ; il y eut environ trois mille morts. Judas défendit à ses soldats de chercher à faire du butin, car ils avaient encore à combattre Gorgias et ses troupes : quand ils auraient aussi triomphé de cette armée, ils pourraient alors, dit-il, piller à leur aise, puisqu'ils n'auraient plus rien à faire, ni aucun péril nouveau à redouter. Tandis qu'il haranguait ainsi ses soldats, les troupes de Gorgias virent des hauteurs la déroute des forces qu'elles avaient laissées dans le camp et l'incendie du camp lui-même, car la fumée leur apporta à distance la nouvelle des événements. Quand ils reconnurent la situation et virent les compagnons de Judas prêts à livrer bataille, les soldats de Gorgias prirent peur à leur tour et s'enfuirent. Judas, ayant ainsi vaincu sans combat les forces de Gorgias, revint s'emparer du butin, et rentra chez lui chargé d'or, d'argent, d'étoffes de pourpre ou d'hyacinthe, plein de joie et remerciant Dieu de son succès; car cette victoire ne contribua pas peu à leur rendre la liberté.

5[119]. Lysias, confondu de la défaite des troupes qu'il avait envoyées, réunit l'année suivante[120] soixante mille hommes d'élite et cinq mille cavaliers avec lesquels il envahit la Judée ; il remonta vers la montagne et campa à Bethsoura, bourg de Judée[121]. Judas avec dix mille hommes se porta à sa rencontre, et, à la vue de la multitude des ennemis, pria Dieu de combattre avec lui ; puis il attaqua l'avant-garde des ennemis, la vainquit, tua environ cinq mille hommes et jeta la terreur parmi les autres, Lysias comprit aussitôt la résolution des Juifs, prêts à mourir s'ils ne pouvaient vivre libres ; il eut peur de leur désespoir, et, sans insister, avec ce qui restait de son armée, il revint à Antioche, où il s'occupa à recruter des mercenaires et se prépara à envahir la Judée avec des forces supérieures.

6[122]. Après avoir vaincu si souvent les généraux du roi Antiochus, Judas réunit une assemblée et déclara que, à la suite de toutes les victoires que Dieu leur avait accordées, il fallait monter à Jérusalem, purifier le Temple et offrir les sacrifices ordonnés par la loi. Il se rendit donc à Jérusalem avec tout le peuple ; il trouva le Temple vide, les portes brûlées, le sanctuaire envahi par les plantes qui, par suite de l'abandon, y avaient poussé spontanément ; et couvert de confusion à la vue du Temple, il se mit à gémir avec les siens. Il choisit alors quelques-uns de ses soldats, et les chargea d'attaquer la garnison de la citadelle[123] pendant que lui-même purifierait le Temple. Il l'appropria soigneusement, y plaça de nouveaux objets sacrés, chandelier, table, autel, tout en or, suspendit de nouveau des voiles aux portes, et remit en place les portes elles-mêmes ; renversant l'autel aux sacrifices, il en construisit un nouveau, en pierres assemblées sans aucun lien de fer entre elles. Et le vingt-cinquième jour du mois de Chasleu, que les Macédoniens nomment Apellaios, le chandelier fut allumé, l'encens brûlé sur l'autel, les pains placés sur la table, un holocauste offert sur le nouvel autel aux sacrifices. Il se trouva que ces cérémonies eurent lieu le jour anniversaire de celui où les Juifs avaient changé leur culte saint pour un culte impur et adopté les mœurs des autres peuples, trois ans auparavant ; le Temple, dévasté par Antiochus, était en effet resté trois ans[124] dans cet abandon : car ces événements s'étaient passés la cent quarante-cinquième année, le vingt-cinquième jour du mois Apellaios, en la cent cinquante-troisième olympiade, et le Temple fut remis en état le même vingt-cinquième jour du mois Apellaios, la cent quarante-huitième année, en la cent cinquante-quatrième olympiade[125]. Le Temple avait été dévasté suivant la prophétie faite par Daniel quatre cent huit ans auparavant : il avait, en effet, prédit que les Macédoniens le détruiraient[126].

7. Les fêtes célébrées par Judas et ses concitoyens, en l'honneur du rétablissement des sacrifices dans le Temple, durèrent huit jours ; il n'omit aucune sorte de réjouissance ; il traita ses compatriotes avec de riches et magnifiques sacrifices, fit chanter des hymnes et des psaumes destinés à la fois à exalter la gloire de Dieu et à réjouir le peuple. Ils furent si heureux de pouvoir reprendre leur coutumes, et de recouvrer après un aussi long temps et d’une manière aussi inespérée la liberté de leur culte, qu'ils firent une loi pour que leurs descendants célébrassent chaque année pendant huit jours la restauration du Temple. Et depuis ce temps jusqu'aujourd’hui, nous célébrons cette fête, que nous appelons fête des Lumières, d'un nom qui lui fut, je pense, donné parce que cette liberté avait lui pour nous d'une manière inespérée[127]. Judas entoura la ville[128] d'une enceinte de murailles, construisit des tours élevées pour surveiller les incursions de l'ennemi, et y plaça des gardiens ; puis il fortifia la ville de Bethsoura, pour servir de boulevard contre les agressions de l'ennemi.

VIII

1. Guerre contre les Iduméens et les Ammonites. - 2. Expédition de Simon en Galilée.   3-5. Campagne de Judas et de Jonathan en Galaad. - 6. Echec contre Iamnée.

1[129]. Ces événements indisposèrent les peuples voisins ; mécontents de voir les Juifs se relever et retrouver leur force, ils s'unirent contre eux et en tuèrent un certain nombre dont ils s'emparèrent dans des embuscades et des guets-apens. Judas dirigea contre eux des expéditions continuelles et essaya de mettre un terme à leurs incursions et à leurs vexations à l'égard des Juifs. Il tomba dans l’Acrabatène[130] sur les Iduméens, fils d'Esaü, en tua un grand nombre et rapporta leurs dépouilles. Ayant ensuite bloqué les fils de Baanos[131], qui dressaient des embûches aux Juifs, il les assiégea, incendia leurs tours et détruisit les hommes. Puis il marcha contre les Ammonites, qui avaient une armée puissante et nombreuse, commandée par Timothée. Il les battit, s'empara de leur ville d'Iazoron[132], fit prisonniers leurs femmes et leurs enfants, brûla la ville et revint en Judée. Les peuples voisins, à la nouvelle de son retour, réunirent leurs forces dans le pays de Galaad, contre les Juifs établis sur leur territoire. Ceux-ci se réfugièrent dans la place forte de Dathema[133] et firent avertir Judas que Timothée essayait de s'emparer de la place où ils s'étaient enfermés. Au moment où Judas prenait connaissance de cette lettre, survinrent aussi des messagers de Galilée, annonçant une ligue des habitants de Ptolémaïs, de Tyr, de Sidon, et des autres étrangers de Galilée.

2[134]. Judas examina le parti qu’il convenait de prendre pour faire face aux difficultés signalées ainsi de deux côtés à la fois. Il chargea son frère Simon, à la tête de trois mille hommes d'élite, de se porter aux secours des Juifs de Galilée. Lui-même et Jonathas, son autre frère, avec huit mille soldats, marchèrent sur le pays de Galaad. Il laissa à la tête du reste de ses forces Joseph, fils de Zacharie, et Azarias, avec ordre de veiller avec soin sur la Judée, et de n'attaquer personne jusqu'à son retour. Simon, arrivé en Galilée, rencontra les ennemis, qu'il mit en fuite ; il les poursuivit jusqu'aux portes de Ptolémaïs, leur tua environ trois mille hommes, et chargé les dépouilles des morts, ramenant les Juifs prisonniers[135] et leurs bagages, il revint chez lui.

3[136]. Judas Macchabée et son frère Jonathas traversèrent le Jourdain, et à trois jours de marche de là trouvèrent les Nabatéens, qui venaient à leur rencontre avec des intentions pacifiques. Ils leur donnèrent des nouvelles des Juifs de Galaad, rapportèrent qu'un grand nombre de ceux-ci, emmenés dans les forts et les villes du pays, subissaient de mauvais traitements[137], et conseillèrent à Judas de marcher en toute hâte contre les étrangers et d'essayer de délivrer de leur joug ses compatriotes. Judas, persuadé par eux, se tourna vers le désert, tomba d'abord sur les habitants de Bosorra[138], dont il s'empara, mit à mort toute la population ma,le en état de combattre, et brûla la ville. La nuit venue, il ne s'arrêta pas, mais profita de l'obscurité pour marcher contre la forteresse[139], où les Juifs étaient enfermés, assiégés par Timothée et son armée, Il y arriva au matin, juste au moment où les ennemis donnaient l'assaut, approchant des murailles les uns des échelles pour les escalader, les autres des machines de siège ; il ordonne au trompette de donner le signal, exhorte ses soldats à risquer courageusement leur vie pour leurs frères et leurs parents, partage son armée en trois corps et fond sur l'ennemi par derrière. Les troupes de Timothée, comprenant que c'était Macchabée, dont elles avaient déjà éprouvé le courage et l'audace à la guerre, se débandèrent. Judas les poursuivit avec son armée et en tua environ huit mille, Puis il se tourna vers la ville étrangère appelée Maapha[140], s'en empara, mit à mort toute la population mâle et brûla la ville elle-même. De là il conquit Chasphotha, Maked, Bosor[141] et bien d'autres villes de Galaad et les mit à sac.

4[142]. Peu de temps après, Timothée, ayant rassemblé des forces importantes et soudoyé à prix d'argent divers auxiliaires, notamment des Arabes, fit traverser à son armée le torrent qui est en face de Raphon[143] (c'était une ville) ; il recommanda à ses soldats, s'ils engageaient le combat contre les Juifs, de se défendre courageusement et de les empêcher de passer le torrent[144], car s'ils le passaient, disait-il, on serait vaincu. Judas, à la nouvelle que Timothée se préparait au combat, marcha en toute hâte, avec toutes ses forces, sur l'ennemi, traversa le torrent, tomba sur eux, tua ceux qui résistaient, et jeta la panique parmi les autres qui prirent la fuite en abandonnant leurs armes. Quelques-uns s'échappèrent, et, s'étant réfugiés dans le sanctuaire appelé En Karnaïn[145], crurent être sauvés, mais Judas s'empara de la ville, les tua, brûla le sanctuaire, et consomma par tous les moyens la ruine de l'ennemi.

5[146]. Après Cet exploit, il se mit en route pour la Judée, emmenant tous les Juifs de la Galaaditide avec leurs femmes, leurs enfants et tout ce qu'ils possédaient. En arrivant à une certaine ville appelée Ephrôn[147], qui se trouvait sur sa route, comme il ne pouvait pas se détourner pour l'éviter et ne voulait pas, d'autre part, revenir sur ses pas, il envoya des messagers aux habitants pour les prier d’ouvrir les portes et de lui permettre de traverser leur ville ils avaient, en effet, barricadé les portes avec des rochers et coupé le passage. Sur leur refus, il exhorta ses hommes, développa son armée en cercle et investit la ville ; il s'en empara après un jour et une nuit de siège, tua toute la population mâle, brûla la ville et s'ouvrit ainsi un passage. Le carnage fut si grand que les Juifs marchaient sur des cadavres. Après avoir traversé le Jourdain, ils arrivèrent à la grande plaine en face de la ville de Bethsané, appelée chez les Grecs Scythopolis. De là ils rentrèrent en Judée, au son des instruments et des chants, avec toutes les réjouissances usitées pour célébrer les victoires ; ils offrirent à Dieu des sacrifices d'actions de grâces pour leurs succès et le salut de l'armée ; car, dans toute cette campagne, il n'y eut pas un seul Juif tué.

6[148]. Cependant Joseph, fils de Zacharie, et Azarias - auxquels Judas avait laissé le commandement pendant que Simon était en Galilée, occupé à combattre les habitants de Ptolémaïs, et Judas lui-même en Galaad avec son frère Jonathas, - voulurent de leur côté s'acquérir une réputation de généraux valeureux, et partirent avec leurs troupes pour Iamnée. Gorgias, qui commandait à Iamnée, s'étant porté à leur rencontre, le combat s'engagea ; ils perdirent deux mille hommes et s'enfuirent, poursuivis par l'ennemi jusqu'à la frontière de la Judée. Ce revers fut le résultat de leur désobéissance aux instructions que leur avait laissées Judas, de n'attaquer personne avant son retour ; car, outre les talents militaires déployés par lui en d'autres circonstances, on peut admirer chez Judas la perspicacité avec laquelle il avait prévu la défaite de Joseph et d'Azarias, s'ils s'écartaient de ses instructions. Cependant Judas et ses frères combattirent sans relâche les Iduméens ; ils les pressèrent de tous côtés, s'emparèrent de la ville de Hébron, en détruisirent les fortifications, brûlèrent les tours, ravagèrent le territoire étranger et la ville de Marissa[149] ; puis, arrivés devant Azôtos, ils la prirent et la pillèrent. Ils revinrent en Judée chargés de dépouilles et de butin.

IX

1. Mort d'Antiochus Épiphane. Avènement d'Antiochus Eupator. – 3. Siége de la citadelle de Jérusalem par Judas. - 4. Combat de Bethzacharia, mort héroïque d’Eléazar. - 5-6. Siège du Temple par Lysias. - 7. Antiochus traite avec les Juifs. Alkimos grand-prêtre.

1[150]. Vers le même temps, le roi Antiochus, au cours de son expédition dans le haut pays, apprit qu'il y avait en Perse une ville extrêmement riche, appelée Elymaïs[151], dans laquelle se trouvait un temple magnifique d'Artémis, plein d'offrandes de toutes sortes, et un dépôt d'armes et de cuirasses que l'on croyait avoir été laissées par le fils de Philippe, Alexandre, roi de Macédoine. Alléché par cette nouvelle, il marcha sur Elymaïs, l'attaqua et en fit le siège. Mais les habitants ne se laissèrent effrayer ni par son arrivée ni par le siège ; ils se défendirent courageusement et le roi fut frustré dans son espoir : ils repoussèrent, en effet, ses attaques contre la ville, firent une sortie et le poursuivirent, si bien qu'il dut s'enfuir jusqu'à Babylone et perdit beaucoup de monde. Il était encore sous le coup de cet échec quand on vint lui annoncer la défaite des généraux qu'il avait laissés pour faire la guerre aux Juifs, et la force acquise déjà par ceux-ci. Cette déception venant s’ajouter à la précédente, il se laissa abattre par le découragement et tomba malade. La maladie se prolongeant et ses souffrances augmentant, il comprit qu'il allait mourir ; il appela alors ses amis, leur dit combien sa maladie était douloureuse et donna à entendre qu'il souffrait tous ces maux pour avoir maltraité les Juifs, pillé le Temple et méprisé Dieu ; à ces mots il expira. Aussi je m’étonne de voir Polybe de Mégalopolis, qui était un honnête homme, dire qu'Antiochus mourut pour avoir voulu piller en Perse le temple d'Artémis ; car une simple intention, non suivie d'exécution, ne mérite aucun châtiment. Si Polybe croit qu'Antiochus est mort pour une raison de ce genre, il est beaucoup plus vraisemblable de penser que c'est le pillage sacrilège du temple de Jérusalem qui causa la mort du roi. Mais sur ce point je ne veux pas engager de discussion avec ceux qui croient l'explication de l'historien mégalopolitain plus proche que la nôtre de la vérité[152].

2[153]. Antiochus, avant de mourir, appela Philippe, un de ses compagnons, et lui confia la garde du royaume ; il lui remit son diadème, ses vêtements royaux et son anneau, et le chargea de les emporter et de les remettre à son fils Antiochus, dont il le pria de surveiller l'éducation et de conserver le trône. Antiochus mourut la cent quarante-neuvième année[154]. Lysias annonça sa mort au peuple, et proclama son fils Antiochus, dont il avait lui-même la garde, roi sous le surnom d'Eupator.

3[155]. Cependant la garnison de la citadelle de Jérusalem et les Juifs transfuges molestèrent beaucoup les Juifs. Ceux qui montaient au Temple et qui voulaient sacrifier étaient aussitôt poursuivis par les soldats, qui les tuaient ; car la citadelle dominait le Temple. Judas, voyant cela, résolut de chasser la garnison, et, réunissant tout le peuple, il assiégea résolument la citadelle. C'était la cent cinquantième année du règne des Séleucides[156]. Il prépara donc des machines, éleva des terrassements, et mit tous ses efforts à s'emparer de la citadelle. Mais plusieurs des transfuges qui s'y trouvaient s'échappèrent de nuit dans la campagne, et, réunissant quelques renégats comme eux, se rendirent auprès du roi Antiochus ; ils lui demandèrent de ne pas regarder d'un oeil indifférent les mauvais traitements dont les accablaient leurs compatriotes, alors qu'ils les supportaient à cause de son père, pour avoir abandonné leur culte national et l'avoir changé contre celui qu'il leur avait imposé. La citadelle risquait d'être prise par Judas et ses soldats, de même que la garnison placée par le roi, à moins qu'Antiochus n'envoyât quelque secours. A cette nouvelle, le jeune Antiochus se mit en colère, fit venir ses généraux et ses amis, et ordonna de lever des mercenaires et ceux qui, dans le royaume, étaient en âge de porter les armes. On réunit ainsi une armée d'environ cent mille hommes d'infanterie, vingt mille de cavalerie et trente-deux éléphants[157].

4[158]. A la tête de ces troupes, il partit d'Antioche avec Lysias, qui avait le commandement en chef de l'armée. Arrivé en Idumée, il marcha sur Bethsoura, ville bien défendue et difficile à prendre, l'investit, et en commença le siège. Les habitants de Bethsoura résistèrent vigoureusement et incendièrent, dans des sorties, ses machines de guerre, en sorte que beaucoup de temps fut perdu à ce siège. Judas, à l'annonce de l'arrivée du roi, interrompit le siège de la citadelle, se porta à sa rencontre et posa son camp à l'entrée des défilés, en un endroit appelé Bethzacharia, distant des ennemis de soixante-dix stades[159]. Le roi, quittant Bethsoura, dirigea son armée vers le défilé et le camp de Judas, et dès le point du jour disposa ses troupes pour le combat. Il plaça les éléphants les uns derrière les autres, à cause de l'étroitesse des lieux, qui ne permettait pas de les mettre sur une seule ligne[160]. Autour de chaque éléphant s'avançaient mille fantassins et cinq cents cavaliers ; les éléphants portaient des tours élevées et des archers. Quant au reste des troupes, le roi les fit monter de chaque côté sur les collines, en plaçant les troupes légères au premier rang[161]. Puis il donna à l'armée l'ordre de pousser des cris, et s'élança contre l'ennemi, en faisant enlever les enveloppes des boucliers d'or et d'airain[162], afin qu'il en partit des reflets éblouissants ; les montagnes renvoyaient l'écho des clameurs. Cette mise en scène ne troubla nullement Judas ; il reçut les ennemis de pied ferme et tua environ six cents hommes de l'avant-garde. Son frère Eléazar, qu'on appelait Auran, voyant que le plus grand des éléphants était armé de cuirasses d'un luxe royal, et pensant que le roi le montait, se jeta de ce côté plein d'ardeur, tua plusieurs de ceux qui entouraient l'éléphant, dispersa les autres, et s'étant glissé sous le ventre de l'animal, le frappa à mort. L'éléphant en tombant sur lui l'écrasa sous son poids. C'est ainsi que mourut Eléazar après avoir vaillamment tué un grand nombre d'ennemis.

5[163]. Judas, voyant la force des ennemis, se retira à Jérusalem et se prépara à soutenir un siège[164]. Antiochus envoya une partie de son armée contre Bethsoura pour s'en emparer et vint lui-même à Jérusalem avec le reste. Les habitants de Bethsoura, effrayés de la force de l'ennemi et voyant leurs ressources s'épuiser, se rendirent sur le serment qu'ils n'auraient à supporter aucun mauvais traitement de la part du roi. Antiochus, une fois la ville prise, se borna à les chasser désarmés de la ville, où il mit garnison. Mais le siège du Temple de Jérusalem l'arrêta longtemps, grâce à la vigoureuse résistance des Juifs qui y étaient enfermés. A chaque machine par laquelle le roi essayait de les surprendre, ils en opposaient une de leur côté. Cependant la nourriture leur faisait défaut : leurs approvisionnements de blé étaient épuisés, et la terre cette année-là n'avait pas été labourée, car c'était la septième année, pendant laquelle la loi nous prescrit de laisser reposer le sol, et l'on n'avait pas ensemencé. Beaucoup des assiégés s'enfuirent donc parce qu'ils manquaient du nécessaire, en sorte qu'il n'en resta plus qu'un petit nombre dans le Temple.

6[165]. Telle était la situation des Juifs assiégés dans le Temple. Mais Lysias, le général en chef, et le roi Antiochus, à la nouvelle que Philippe arrivait de Perse avec l'intention manifeste de s'emparer du pouvoir pour lui-même, résolurent d'abandonner le siège et de marcher contre lui ; ils ne voulurent[166] cependant pas dévoiler leur projet aux soldats et aux chefs. Le roi ordonna donc à Lysias de prendre la parole en sa présence et devant les chefs assemblés, et, sans rien dire de Philippe, de déclarer que le siège menaçait de traîner en longueur, que le Temple était bien fortifié, que les vivres allaient manquer à l'armée ; que, d'autre part, il y avait bien des choses à régler dans le royaume ; qu'il paraissait donc préférable de traiter avec les assiégés, de faire amitié avec tout le peuple juif et de lui permettre le libre usage de ses lois nationales, dont la privation l'avait entraîné dans cette guerre ; puis de rentrer à Antioche. Ce discours de Lysias reçut l'assentiment de l'armée et des chefs.

7[167]. Le roi envoya donc auprès de Judas et des assiégés, et leur offrit la paix avec la liberté de vivre conformément à leurs coutumes nationales. Les Juifs accueillirent ces propositions avec joie, et, les serments échangés et les garanties reçues, sortirent du Temple. Antiochus y entra alors, et voyant combien la place était forte, viola son serment et ordonna aux troupes qui l'accompagnaient de détruire les murs jusqu'aux fondations. Après quoi il retourna à Jérusalem, emmenant le grand-prêtre Onias, qu'on appelait aussi Ménélas. Lysias, en effet, lui avait conseillé de faire mourir Ménélas s'il voulait que les Juifs se tinssent tranquilles et ne lui créassent plus de difficultés ; car le grand-prêtre avait été seul cause de tout, pour avoir persuadé au père du roi de forcer les Juifs à quitter le culte de leurs pères. Le roi envoya donc Ménélas à Béroia, en Syrie, et le fit tuer. Il avait été grand-prêtre dix ans ; c'était un homme méchant et impie, qui, pour exercer lui-même le pouvoir, avait forcé le peuple à violer ses lois traditionnelles. Après Ménélas, Alkimos, qu'on appelait aussi Iakim, devint grand-prêtre. Le roi Antiochus cependant trouva Philippe déjà maître du pouvoir ; il lui déclara la guerre, le fit prisonnier, et le mit à mort. Lorsque le fils du grand-prêtre Onias - qui, comme nous l'avons déjà dit[168], avait été, en raison de son bas âge, laissé de côté après la mort de son père, - vit que le roi, après avoir tué son oncle Ménélas, avait donné la grande-prêtrise à Alkimos, qui n'était pas de la famille des grands-prêtres, suivant en cela le conseil de Lysias de transférer la charge de cette famille à une autre, ce jeune homme s'enfuit auprès de Ptolémée, roi d'Égypte. Celui-ci et sa femme Cléopâtre lui prodiguèrent les honneurs, et il obtint dans la province d'Héliopolis un emplacement où il bâtit un temple semblable à celui de Jérusalem. Mais nous aurons une meilleure occasion d'en parler[169].

X

1-2. Avènement de Démétrius Soter. Mission de Bacchidès en Judée. - 3. Lutte d'Alkimos et de Judas. - 4-5. Expédition de Nicanor. Bataille d'Adasa. - 6. Mort d'Alkimos. Judas grand-prêtre. Son alliance avec Rome.

1[170]. Vers ce même temps[171], Démétrius, fils de Séleucus, s’étant enfui de Rome et s'étant emparé de Tripolis de Syrie[172], ceignit le diadème ; puis, à la t~te de quelques mercenaires, il pénétra dans le royaume, partout bien reçu par les habitants, qui lui faisaient leur soumission. Ils s'emparèrent même du roi Antiochus et de Lysias et les lui livrèrent vivants. Sur l'ordre de Démétrius, ils furent immédiatement mis à mort. Antiochus avait régné deux ans, comme il a été déjà dit ailleurs[173]. Beaucoup de Juifs renégats et transfuges se rassemblèrent autour de Démétrius, entre autres le grand prêtre Alkimos, et portèrent des accusations contre le peuple entier, Judas et ses frères. Ils prétendaient que ceux-ci avaient tué tous les amis de Démétrius, et que tous ceux qui dans le royaume étaient de son parti et l'attendaient avaient été détruits par eux ; eux-mêmes avaient été chassés de leur patrie, réduits à l'exil ; ils demandaient au roi d'envoyer un de ses amis qui le renseignerait sur tout ce qu'avait osé faire Judas.

2[174]. Démétrius irrité envoya Bacchidès, ami du roi Antiochus Epiphane, homme de mérite[175], qui avait le gouvernement de toute la Mésopotamie ; il lui donna une armée, lui confia le grand-prêtre Alkimos, et lui ordonna de tuer Judas et les siens. Bacchidès quitta Antioche avec ses troupes, et, arrivé en Judée, envoya à Judas et à ses frères un messager porteur de paroles de paix et d'amitié, car il voulait s'emparer de lui par la ruse. Mais Judas se méfia : il voyait, en effet, que Bacchidès était venu avec une armée comme on en amène pour faire la guerre et non la paix. Cependant quelques-uns du peuple, ajoutant foi aux promesses qu'avait fait proclamer par héraut Bacchidès et pensant qu'ils  n'avaient rien à redouter de la part d'Alkimos leur compatriote, se rendirent auprès d'eux, et après avoir reçu de tous les deux le serment qu'ils n'auraient aucun mal, ni eux-mêmes, ni ceux qui étaient du même parti, firent leur soumission. Mais Bacchidès, sans se soucier de son serment, fit mettre à mort soixante d'entre eux et détourna par ce manque de parole à l'égard des premiers tous ceux qui avaient l'intention de se rallier à lui. Puis, après s’être éloigné de Jérusalem et établi au bourg appelé Bethzetho[176], il envoya chercher et arrêta plusieurs transfuges et quelques uns du peuple, les tua tous, et ordonna à tous les habitants de la région d'obéir à Alkimos ; après cela, laissant à celui-ci quelques troupes pour assurer sa domination sur le pays, il retourna à Antioche auprès du roi Démétrius.

3[177]. Alkimos, voulant consolider son pouvoir et comprenant qu'en gagnant la bienveillance du peuple il gouvernerait avec plus de sécurité, s'efforçait de rallier tout le monde à sa cause par d'habiles discours, propres à flatter et à plaire. Bientôt il eut autour de lui une troupe nombreuse de partisans et une armée considérable ; mais elle était surtout composée de Juifs renégats et transfuges, à la fois ses serviteurs et ses soldats, à la tête desquels il parcourait la contrée en tuant tous les partisans de Judas qu'il rencontrait. Judas, voyant qu'Alkimos devenait puissant et avait mis à mort nombre d'honnêtes et pieux citoyens, se mit lui-même en campagne, tuant les partisans d'Alkimos. Alkimos sentait qu'il ne pourrait pas résister à Judas, auquel il était inférieur en force ; il résolut de faire appel à l'alliance de Démétrius. Il se rendit donc à Antioche, et là il excita le roi contre Judas, qu'il accusait de lui avoir déjà fait beaucoup de mal ; il lui en ferait, disait-il, encore davantage si l'on ne prenait les devants en envoyant une forte armée pour le châtier.

4[178]. Démétrius, jugeant qu'il y aurait danger pour ses propres intérêts à laisser Judas devenir aussi puissant, envoya Nicanor, le plus dévoué et le plus fidèle de ses amis (celui-là même qui s'était enfui avec lui de Rome), et lui confia les forces qu'il pensait devoir suffire contre Judas ; il lui ordonna de n'avoir pour le peuple aucun ménagement. Nicanor, arrivé à Jérusalem, résolut de ne pas attaquer Judas tout de suite ; dans l'intention de s'emparer de lui par ruse, il lui envoya des assurances pacifiques, déclarant qu'il ne voyait pas la nécessité d'en venir aux mains et de s'exposer au péril, et qu'il était prêt à lui garantir par serment qu'il n'avait rien à craindre il n'était venu avec des amis que pour faire connaître les dispositions du roi Démétrius à l'égard de la race juive. Tel fut le message de Nicanor ; Judas et ses frères le crurent, et, sans soupçonner aucune trahison, lui donnèrent des sûretés et le reçurent avec ses troupes. Nicanor embrassa Judas et, tout en causant avec lui, donna à sa suite un signal convenu pour s'emparer de la personne de Judas. Mais l'autre comprit le guet-apens, s'élança dehors et s'enfuit auprès des siens. Nicanor, voyant son intention et sa ruse découvertes, résolut d'attaquer Judas ; celui-ci ramassa son armée, se prépara au combat, l'attaqua près du bourg de Kapharsalama[179], le battit et le contraignit à se réfugier dans la citadelle de Jérusalem[180].

5[181]. Un jour qu'il descendait de la citadelle pour aller au Temple, quelques-uns des prêtres et des anciens rencontrèrent Nicanor, le saluèrent et lui montrèrent les sacrifices qu'ils allaient, disaient-ils, offrir à Dieu pour le roi. Nicanor leur répondit par des blasphèmes et les menaça, si le peuple ne lui livrait Judas, de raser le Temple à son retour. Sur ces menaces, il quitta Jérusalem, et les prêtres, affligés par ses paroles, se mirent à verser des larmes et supplièrent Dieu de les arracher aux mains des ennemis. Nicanor, une fois sorti de Jérusalem, s'établit auprès du bourg de Béthoron[182], et y campa. pour attendre une autre armée qui lui arrivait de Syrie. Judas, qui avait environ mille[183] soldats en tout, s'en fût camper à Adasa[184], autre bourg, distant de 30 stades de Béthoron. Il exhorta les siens à ne pas se laisser effrayer par la multitude de leurs adversaires, à ne point calculer contre combien d'hommes ils allaient combattre, mais bien qui ils étaient et pour quelle noble cause ils risquaient leur vie, puis à marcher courageusement contre l'ennemi ; cela dit, il les mena au combat. Il attaqua Nicanor ; le combat fut violent, mais Judas eut le dessus, tua à l'ennemi beaucoup de monde ; finalement Nicanor lui-même tomba après s'être vaillamment battu. Lui mort, son armée ne résista même plus ; les soldats, ayant perdu leur général, s'enfuirent en jetant leurs armes. Judas les poursuivit, les massacra, et fit annoncer au son de la trompette dans tous les bourgs environnants sa victoire sur l'ennemi. Les habitants à cette nouvelle sortirent en armes, se portèrent au devant des fugitifs et les tuèrent un à un, en sorte qu'il n'échappa de ce combat pas un seul des neuf mille hommes de l'armée. Cette victoire fut remportée le treizième jour du mois appelé chez les Juifs Adar et chez les Macédoniens Dystros[185]. Chaque année on la célèbre dans ce même mois et l'anniversaire est regardé comme une fête[186]. Ce fut le commencement d'une courte période, pendant laquelle le peuple juif fut épargné par la guerre et put jouir de la paix ; puis il fut entraîné dans de nouvelles luttes et de nouveaux périls.

6[187]. Le grand-prêtre Alkimos ayant voulu jeter bas le mur du sanctuaire, qui était vieux et bâti par les anciens prophètes, Dieu le frappa subitement : il fut terrassé, perdit la parole, et après plusieurs jours de souffrances ininterrompues, il mourut, ayant été grand-prêtre quatre ans[188]. Après sa mort, le peuple donna la grande-prêtrise à Judas. Celui-ci, ayant appris la puissance des Romains, leurs conquêtes de la Gaule[189], de l'Ibérie, de Carthage en Libye, et de plus leurs victoires sur la Grèce, et sur les rois Persée, Philippe et Antiochus le Grand, résolut de faire amitié avec eux. Il envoya donc à Rome ses amis Eupolémos, fils de Jean, et Jason, fils d'Eléazar, et les chargea de demander aux Romains de s’allier aux Juifs et d’écrire à Démétrius de ne pas leur faire la guerre. Les ambassadeurs de Judas, arrivés à Rome, furent reçus par le Sénat qui, lorsqu'il connut le but de leur mission, consentit à l'alliance. Il fit un décret à ce sujet, en envoya une copie en Judée, et plaça l'original au Capitole, gravé sur des tables d'airain[190]. Il était conçu en ces termes : « Décret du Sénat au sujet de l'alliance et de l'amitié avec le peuple des Juifs. Aucun des sujets de Rome ne fera la guerre au peuple juif et ne fournira à ses ennemis des vivres, des navires ou de l'argent[191]. Si quelqu'un attaque les Juifs, les Romains leur porteront secours dans la mesure de leurs moyens, et, par contre, si quelqu'un attaque le territoire des Romains, les Juifs combattront avec eux. Si le peuple juif veut ajouter ou retrancher quelque clause à ce traité d'alliance, ce ne sera que d'un commun accord avec le peuple romain, et toute addition nouvelle fera autorité. » Ce décret fut rédigé par Eupolémos, fils de Jean, et Jason, fils d'Eléazar, Judas étant grand-prêtre de la nation, et Simon, son frère, général[192]. Tel fut le premier traité d'alliance et d'amitié entre les Romains et les Juifs.

XI

1. Nouvelle campagne de Bacchidès. - 2. Combat de Berzetho ; défaite et mort de Judas Macchabée.

1[193]. Démétrius, à la nouvelle de la mort de Nicanor et de la perte de son armée, renvoya Bacchidès en Judée avec de nouvelles troupes. Bacchidès partit d'Antioche, et, arrivé en Judée, campa à Arbèles[194], ville de Galilée : dans les cavernes se trouvaient de nombreux réfugiés, qu'il assiégea et fit prisonniers ; puis il quitta ces lieux et se dirigea en toute hâte sur Jérusalem. Ayant appris que Judas était campé dans un bourg appelé Berzetho[195], il marcha contre lui avec vingt mille fantassins et deux mille cavaliers. Judas avait en tout (trois) mille[196] hommes. Ceux-ci, à la vue des forces considérables de Bacchidès, prirent peur, et, quittant leurs rangs, s'enfuirent tous à l'exception de huit cents. Judas, abandonné par ses propres soldats, pressé par l'ennemi, qui ne lui laissait pas le temps de rassembler de nouvelles troupes, n'en était pas moins prêt à combattre Bacchidès avec ses huit cents hommes ; il exhorta donc ceux-ci à braver courageusement le danger, et leur donna l'ordre de marcher au combat. Mais ils lui répondirent qu'ils ne pouvaient tenir tête à une telle multitude, et lui conseillèrent pour l'instant de faire retraite et de les sauver, puis de revenir attaquer l'ennemi quand il aurait rallié les siens. « Puisse le soleil, dit-il, ne lamais me voir montrer le dos à l'ennemi. Et quand bien même les circonstances actuelles m'annoncent la fin et qu'il faille absolument périr si je combats, le resterai à mon poste, résolu à supporter courageusement tout ce qui peut m'arriver, plutôt que de ternir aujourd'hui, par la honte de la fuite, mes succès et ma gloire. » Après avoir encouragé en ces termes les soldats qui lui restaient, il leur dit de marcher à l'ennemi, pleins de mépris pour le danger.

2[197]. Bacchidès conduisit ses troupes hors du camp et se disposa au combat ; il plaça la cavalerie sur les deux ailes, les troupes légères et les archers sur tout le front de la phalange ; lui-même resta à l'aile droite. Avant ainsi rangé son armée, quand il fut près du camp ennemi, il ordonna au trompette de donner le signal et à l'armée de s'avancer en poussant des cris. Judas fit de même et attaqua l'ennemi. Des deux côtés on combattit avec acharnement et la bataille se prolongea jusqu'au coucher du soleil. A ce moment Judas, voyant que Bacchidès et le plus fort de ses troupes étaient à l'aile droite, prit les plus résolus de ses soldats, s'élança de ce côté, attaqua ceux qui s'y trouvaient et dispersa leur phalange. Puis il enfonça leur centre, les obligea à la fuite, et les poursuivit jusqu'à la montagne appelée Aza[198]. Mais l'aile gauche, voyant la déroute de l'aile droite, se mit à la poursuite de Judas, le cerna et l'enferma en le prenant à revers. Judas, ne pouvant fuir et enveloppé par les ennemis, combattit sur place avec les siens. Après avoir tué nombre de ses adversaires, enfin, épuisé, il succomba lui-même, et mourut ; sa fin ne fut pas moins glorieuse que tous ses précédents exploits. Judas mort, ses soldats, n'ayant plus personne sur qui se guider, et privés d'un pareil chef, s'enfuirent. Simon et Jonathas, ses frères, obtinrent de l'ennemi, par traité, son corps, l'emportèrent au bourg de Modéï, où leur père avait été aussi enterré, et l'ensevelirent après que le peuple eut mené pendant plusieurs jours de suite son deuil et l'eut honoré par les rites usuels. Telle fut la fin de Judas ; c'était un homme courageux, audacieux dans ses entreprises, et qui, fidèle aux instructions de son père Mattathias, avait tout fait et tout souffert pour la liberté de ses compatriotes. Doué de la plus haute valeur, il laissa la plus grande renommée et le plus grand souvenir, pour avoir rendu la liberté à son peuple en l'arrachant au joug des Macédoniens. Il était grand-prêtre depuis trois ans quand il mourut[199].


[1] Agatharchidès florissait vers le milieu du iie siècle av. J.-C. La citation ci-dessus est reproduite plus complètement dans le Contre Apion, i, 22, § 205-211. La date exacte de l'occupation de Jérusalem par Ptolémée Ier n'est pas connue.

[2] Pour les §§ 8-9, comparer la Lettre d'Aristée, § 12 suiv. (Wendland), qui mentionne également la transplantation de captifs et de colons juifs par Ptolémée et leur emploi comme garnisaires. Mais Josèphe ne paraît pas avoir eu ici le document sous les yeux : il indique avec plus de précision l'origine des captifs, parle d'émigrants volontaires (d'accord avec Hécatée, fr. 44 = Textes, p. 229), ne reproduit pas les chiffres fabuleux d'Aristée et mentionne un serment que celui-ci passe sous silence ; nous croyons donc qu'il a combiné ici des renseignements de source diverse et de valeur inégale. Ni la réponse des Juifs aux envoyés d'Alexandre (cf. liv. XI, viii, 3), ni l'octroi du droit de cité macédonien aux Juifs (quoique cette assertion soit répétée à satiété : C. Ap., II, 4 ; Ant., XIX, v, 2) ne peuvent être acceptés comme des faits historiques ; mais l'existence de garnisons juives dans le Delta est certaine et confirmée notamment par l'inscription d'Athribis (Ret. et. juives, XVII, 235).

[3] Ce chapitre est un résumé fidèle de la fameuse Lettre d'Aristée à Philocrate, ouvrage qui parait dater du Ier siècle av. J.-C. Comme ce document lui même, il est dénué de toute réalité historique ; en réalité la traduction des Septante est née des besoins religieux de la communauté juive d'Alexandrie. Le texte de ce chapitre a été reproduit et révisé dans l'édition d'Aristée par Wendland (1900), p. 96 suiv.

[4] Nous suivons la leçon de Wendland (mss. FLE) ἄξιον ἣ ἴδοι.

[5] Cent mille d'après Aristée, § 19.

[6] Vingt d'après Aristée, § 20, 22 et 27.

[7] ἔγνωσαν ou ἔγνω (W). Niese soupçonne une corruption. Whiston traduit comme s'il y avait ἔγνων « I have determined ».

[8] Josèphe n'a pas bien compris le texte d'Aristée (§ 23) qui oppose le profit tiré du ravage des terres au profil tiré de l'asservissement des hommes.

[9] En d'autres termes, les mots correspondants, cités plus haut Quand aux mesures…, ont été ajoutés après coup par le roi. Aristée, § 26, est plus clair.

[10] Texte incertain.

[11] Six cent soixante d'après Aristée, § 27. Mais les deux chiffres sont également impossibles, car 110.000 captifs (§ 24) à 120 dr. par tête (§ 25) l'ont 33.200.00 dr. ou 2.200 talents. On n'obtient pas un meilleur résultat avec le chiffre de 20 dr. par tête donné par Aristée (366 talents).

[12] κατατέτακτο corrigé en κατατέτακται, L. Whiston traduit  « I have subjoined », mais Josèphe copie sans réflexion la Lettre d’Aristée.

[13] Texte corrompu et inintelligible.

[14] Cette citation provient sûrement du Pseudo-Hécatée. Cf. Textes, p. 235.

[15] Aristée, § 33, ajoute 70 talents d'argent.

[16] Cette phrase ne provient pas du pseudo-Aristée, mais d'une source inconnue, sans doute une chronique des grands-prêtres. L'existence de Simon le Juste est attestée par l'Ecclésiastique, c. 50, et d'autres textes (Pirké Aboth, 2 ; Para, iii, 5; Tosepha Nazir, iv, 7 ; Sota, xiii, 6-7) ; toutefois Herzfeld et d'autres commentateurs croient que Josèphe s'est trompé et entendent par Simon le Juste Simon II, fils d'Onias (fin du iiie siècle). Cf. Schürer, II3, p. 356.

[17] En réalité 72. Les noms sont donnés par Aristée, § 47-50.

[18] Exode, xxv, 23 suiv.

[19] La largeur manque dans Aristée, § 57, et dans le texte hébreu de l'Exode.

[20] Nous ne comprenons pas ce détail, qui se lit dans Aristée.

[21] Addition peu intelligible de Josèphe.

[22] Kautzsch suppose que la table avait deux plateaux éloignés d'environ un pied et qu'il s'agit ici de la décoration du plateau inférieur ; mais cela ne résulte clairement ni du texte de Josèphe, ni de celui d'Aristée.

[23] Un pied dans Aristée, § 74.

[24] Pour ce qui suit, cf. Aristée, § 172 suiv. Wendland.

[25] Sens incertain, soit qu'on lise avec les mss. ἐπύθετο ou avec Niese ὑπέθετο.

[26] Aristée, § 179 : εἰς τάξιν ἀποδοῦναι, « déposer en ordre ». Josèphe n'a pas compris cet alexandrinisme.

[27] La guerre maritime entre ces deux rois se place aux environs de 265 av. J.-C. La tradition grecque n'y mentionne qu'une victoire d'Antigone, à Cos (Athénée, V, 209 E ; Plut. De se ipso, etc., 16, p. 545 B.) ; cf. Niese, Makedonische Stuaten, II, 130 suiv.

[28] C'est ainsi que Josèphe rend le terme ἀρχιδέατρος (mss. ἀρχιτητρὸς) d'Aristée, § 182. Cf. Letronne, J. des savants, 1828, p. 105.

[29] κατὰ γὰρ πόλιν ἑκάστην, ὅσαι (quelques mss. ont ὅσαι οὐ) τοῖς αὐτοῖς χρῶνται περὶ τὴν δίαιτιαν etc. Le texte est incertain, mais le sens résulte d'Aristée, § 182.

[30] Texte altéré.

[31] Eléazar d'après nos mss. d'Aristée, § 184. Les deux noms figurent dans la liste des envoyés, § 47 suiv.

[32] Les mots πρὸς τὴν ζητουμένων θεωρίαν sont altérés ou inutiles.

[33] Voir Aristée, § 188-292.

[34] Josèphe parait avoir mal compris Aristée, § 294, dont le texte est d'ailleurs douteux.

[35] Chez Aristée, § 310, « les prêtres ».

[36] Nous supprimons les mots absurdes τῶν ἐρμηνέων, quoique Josèphe les ait trouvés déjà dans Aristée.

[37] Josèphe a très mal paraphrasé le texte d'Aristée (§ 311), qui mentionne une malédiction contre quiconque toucherait au texte de la loi.

[38] Josèphe a lu dans Aristée, § 318, πολυδωρίας τεύξεται παρ' αὑτοῦ, mais le texte original portait sans doute πολυωρίας, « considération » (Mahaffy, CLass. Review, VIII, 349).

[39] Pour la période de plus d'un siècle embrassée par ce chapitre, Josèphe, faute de sources juives, a utilisé les historiens grecs (notamment Polybe) et un recueil d'actes officiels d'une authenticité douteuse.

[40] Sur l'aversion des Juifs de Syrie pour l'huile étrangère, cf. Guerre, II, § 591 ; Vie, § 74. - A l'époque de Josèphe les privilèges des Juifs d'Antioche sont consignés sur des tables de bronze (Guerre, VII, 5, 2), mais ces privilèges remontaient-ils, comme on te prétend ici, jusqu'à Séleucus Nicator ? On peut en douter en présence du texte (Guerre, VII, § 44) qui nous apprend que ce furent les derniers rois de la dynastie, les successeurs d'Antiochus Epiphane, qui accordèrent aux Juifs ἐξ ἵσου τῆς πόλεως τοῖς Ἕλλησι μετέχειν. Même cette formule n'implique pas précisément le « droit de cité » affirmé ici et dans le C. Apion, II, § 39.

[41] Pour la clémence de Titus envers les Juifs d'Antioche, cf. Guerre, VII, 5, 2 ; pour les rapports des Juifs d'Alexandrie avec Vespasien, ibid., VII, 10-11 (il n'est pas dit qu'il ait confirmé leurs privilèges).

[42] τῆς πολιτείας ἣν αὐτοῖς ἔδωκεν. Le mot αὐτοῖς est équivoque ; désigne-t-il les Juifs ou les Grecs ? Les libertés des villes d'Ionie avaient été confirmées ou rétablies par les premiers Séleucides (cf. Schürer, III3, 81), mais aucun texte ne vient confirmer l'affirmation du C. Apion, II, § 39, suivant laquelle les Juifs d'Ionie auraient reçu le droit de cité des successeurs d'Alexandre.

[43] Cf. Ant. jud., XVI, 2, 3-5. Le procès eut lieu l'an 14 av. J.-C.

[44] On ne sait où Josèphe a trouvé ce renseignement, dans sa première campagne contre l'Égypte (221) Antiochus ne dépassa pas les abords du Liban (Polybe, V, 45). Dans la seconde (219-7), il occupa la vallée du Jourdain et la Galilée (Polybe, V, 70-1), mais non la Judée, et toutes ces conquêtes furent abandonnées à la suite de la défaite de Raphia. La troisième guerre se place après la mort de Philopator.

[45] En 201 Antiochus se jette sur la Cœlé-Syrie et s'en empare. Pendant l'hiver 201-200 l'armée égyptienne, commandée par Scopas l'Etolien, reconquiert le pays. La défaite de Scopas (200 ?) eut lieu près d'un sanctuaire de Pan, πρὸς τὸ Πάνιον (Polybe, XVI, 18), plus tard la ville de Césarée Panias.

[46] Polybe, XVI. fr. 39 (Didot). Il faut noter que le texte de Polybe ne « confirme » que la partie du récit de Josèphe relative aux opérations militaires d'Antiochus et à la soumission des Juifs, mais nullement les autres faits énumérés ici (réception d'Antiochus à Jérusalem, rescrit en faveur des Juifs). Ces derniers faits n'ont d'autre garants que les documents suspects cités ci-après (Le roi Antiochus à Ptolémée…). En invoquant in globo le témoignage de Polybe, Josèphe a voulu jeter de la poudre aux yeux du lecteur, selon un procédé dont nous voyons plusieurs exemples dans le Contre Apion.

[47] Très probablement Ptolémée, fils de Thraséas, qui, après avoir été au service de Ptolémée Philopator (Polybe, V, 65), passa ensuite au parti d'Antiochus et devint gouverneur de Cœlé-Syrie et de Phénicie, comme l'atteste l'inscription suivante de Soli en Cilicie (Michel, Recueil, n° 1229 = Bull. cor. hell., XIV, 1890, p. 587) : Πτολεμαῖος Θρασέα στρατηγὸς καὶ ἀρχιερεὺς Συρίας Κοίλας καὶ Φοινίκας Ἑρμᾶι καὶ Ἡρακλεῖ καὶ βασιλεῖ μεγάλωι Ἀντιόχωι.

[48] Texte altéré, la distinction entre la farine (σεμίδαλις) et le blé (πυροί) est peu probable : les deux chiffres devaient se correspondre celui des artabes manque (Grotius a suppléé ἕξ). La mention d'artabes indique un rédacteur égyptien, non moins que le chiffre 1460 = 365 x 4, qui suppose une année solaire (Büchler).

[49] L'authenticité de ce rescrit est très contestée ; cf. Willrich, Juden und Griechen, p. 40 ; Judaica, p. 58 ; Büchler, Tobiaden und Oniaden, p. 143. Les arguments de détail invoqués (mention de la colonnade du Temple, omission du grand-prêtre, scribes et chantres privilégiés etc.,) ne sont pas très convaincants, mais il reste singulier que Josèphe n'indique pas la source où il a puisé ce document. Büchler a supposé sans grande vraisemblance qu'il aurait été forgé sous Jules César et visait Samarie, non Jérusalem (?).

[50] Sur cette enceinte interdite, cf. les textes réunis par Schürer, II2, 272.

[51] Il paraît inadmissible qu'à aucune époque on ait interdit d’introduire à Jérusalem des chevaux, des mulets et des ânes. Ici encore Büchler croit que le faussaire avait en vue le temple des Samaritains.

[52] Antiochus III a fait deux expéditions dans la Haute Asie : l'une dès les premières années de son règne (221-220), l'autre après la ruine d'Achéus (210-204). Il s'agit sûrement ici de la seconde, car, lors de la première, Zeuxis était avec le roi et l'Asie mineure appartenait à Achéus. Zeuxis est mentionné comme satrape de Lydie depuis 201 au moins (Polybe XVI, 1, 8 etc.). Quant à la révolte des Lydiens et des Phrygiens, elle n'est pas connue d'ailleurs et paraît assez peu vraisemblable.

[53] Cette expression de « père » adressée par le roi à un haut fonctionnaire se retrouve dans un autre document Séleucide, I Macchabées, xiii, 32. Cf. Strack, Rheinisches Museum, 1900, p. 170.

[54] οἱ εἰς τὰς χρείας ὑπορετοῦντες, sens très douteux.

[55] La transplantation par Antiochus en Asie mineure de Juifs de Babylonie serait un fait très intéressant pour l'histoire de la diaspora si l'authenticité du rescrit pouvait être tenue pour certaine. Elle est malheureusement très contestable, et les mesures analogues prêtées à Ptolémée Sôter par le Pseudo-Aristée et le Pseudo-Hécatée ne peuvent être alléguées en sa faveur. Les deux phrases plus haut (Je suis persuadé, …) sont particulièrement suspectes. Le document pourrait avoir été forgé à l'époque de César, pour appuyer les prétentions des colons juifs d'Asie mineure.

[56] Il faut rappeler ici que d'après Josèphe lui-même (Ant. jud., XIV, § 287) beaucoup de Grecs contestaient l'authenticité des actes judéophiles attribués aux Perses et aux Macédoniens, parce qu'ils n'étaient conservés que chez les Juifs eux-mêmes et « chez d'autres barbares ».

[57] La plus grande partie de ce chapitre, consacrée à l'histoire de Joseph fils de Tobie et de son fils Hyrcan, est la reproduction d'une chronique aujourd'hui perdue, dans le genre de la Lettre d'Aristée, et dont certains traits semblent attester l'origine samaritaine. Nous croyons avec Wellhausen (Jüdische Gechichte, 3e éd., p. 239), Mahaffy et Willrich que la valeur historique de cette chronique est à peu près nulle ; les impossibilités chronologiques dont elle fourmille, le caractère romanesque ou puéril des faits rapportés la condamnent. Il est certain qu'il y a eu à Jérusalem, dans la première moitié du iie siècle, une puissante famille des Tobiades, qui a joué un rôle important dans les querelles qui amenèrent l'intervention d'Antiochus Epiphane. L'un de ces fils de Tobie s'appelait Hyrcan et avait déposé des sommes considérables au temple de Jérusalem (II Maccabées, 3, 11) ; c'est à lui que se rapporte évidemment la section 11 de notre chapitre, qui raconte sa fin et doit être considérée comme historique. Mais si Hyrcan et ses frères sont fils de Tobie, comme le dit II Maccabées, ils ne peuvent pas être fils de Joseph et ce dernier personnage a tout l'air d’être entièrement imaginaire. Büchler, qui a étudié longuement tout notre chapitre (Die Tobiaden und die Oniaden, Vienne, 1899, p. 43-106), a tenté vainement de sauver l'historicité de Joseph en le transportant sous Ptolémée Philopator.

[58] Appien (Syr. 5) ne nomme que la Cœlé-Syrie : la clause ne fut d'ailleurs jamais exécutée. Les fiançailles eurent lieu selon Jérôme (sur Daniel, 11) l'an 7 de Ptolémée Epiphane ; malheureusement la date exacte de l'avènement d'Epiphane est discutée. Le canon alexandrin parait la fixer entre oct. 205 et 204 av. J.-C. tandis que l'inscription de Roscite et les fragments de Polybe conduisent à novembre 203. Cf. Holleaux, Rev. et. grecques, XIII, 190.

[59] Il faut entendre par « les deux souverains » (ἀμφοτέρους τοὺς βασιλεῖς) non pas comme on l'a fait longtemps - et comme le fait peut-être Josèphe lui même - Antiochus et Ptolémée, mais Ptolémée et Cléopâtre, qui sont appelés plus loin (section 9) τοὺς βασιλεῖς. Ce point a été démontré par M. Holleaux. Revue des études juives, 1899, XXXIX p. 161. Quant au fait même de l'attribution à l'Égypte des impôts de la Cœlé-Syrie, etc., il n'est confirmé par aucun texte et n'a été imaginé que pour rendre possible à l'époque indiquée (sous Ptolémée Epiphane) la présence d'un fermier d'impôts juif à la cour d'Alexandrie.

[60] On ne voit pas bien ce que vient faire ici ce renseignement, emprunté peut-être également à une chronique samaritaine. L’explication de Büchler (op. cit., p. 88) est peu vraisemblable.

[61] Nous croyons utile de dresser ici le tableau de la généalogie et de la succession des grands-prêtres juifs tel qu'il résulte de notre § combiné avec les §§ 44, 224 et 237 du livre XII, et XI § 121, 158, 297 sq., 302 sq., 347.

Le chiffre de 15 grands-prêtres depuis le retour de la captivité est également donné Ant., XX, § 234. Ce tableau, dérive en majeure partie d'une source unique, fourmille d'invraisemblances. Il faut noter en particulier ce qui est dit ici de la succession Eléazar, Manassès, Onias II. Büchler (op. cit., p. 41) a supposé avec vraisemblance qu'Eléazar, le pontife de la lettre d'Aristée, a été intercalé dans la série par Josèphe, et que, dans le document primitif, c'était Manassès qui figurait comme frère et successeur de Simon Ier, pendant la minorité d'Onias II.

[62] Quelques mss. intercalent ici la glose absurde Εὐεργέτην ὅς ἦν πατὴρ τοῦ Φιλοπάτορος.

[63] Localité inconnue.

[64] Le texte est probablement fautif ; nous suivons à peu près Whiston.

[65] Texte altéré.

[66] Προστάτης. Ce mot n'a pas ici un sens officiel (malgré l'emploi de προσταττεῖν dans l’Ecclésiastique, 45, 24) et l'on ne saurait admettre avec Büchler que Joseph ait été nommé gouverneur des Juifs à la place d'Onias. Ces fonctions étaient alors inséparables de la grande-prêtrise (Hécatée ap. Diodore, XL, 3).

[67] Cette phrase est une de celles qui trahissent l'origine samaritaine du récit.

[68] Le fils aîné de Ptolémée Epiphane - Ptolémée Philométor - est né vers 186 ; son fils cadet - Ptolémée Evergète II ou Physcon - entre 185 et 181. Comment peut-on admettre que Joseph, dont les débuts se placent après 196, et qui meurt sous Séleucus IV (187-175), eût avant 181 huit enfants en âge de voyager seuls ?

[69] Les mss ont τὸν γεννηθέντα. Nous lisons avec Herwerden τὸν γενεθλιάζοντα; mais rien n'est moins certain.

[70] Le fils d’Antiochus III, Séleucus IV (187-175), s’appelait en réalité Philopator ; Sôter est le surnom de Séleucus III (C. I. G. 4458).

[71] Ceci encore sent le rédacteur samaritain.

[72] Ἄρειος est une faute pour Ἄρευς (cf. XIII, v, 8). Les deux rois Lacédémoniens de ce nom appartiennent à la première moitié du iiie siècle, Josèphe s'est donc trompé en identifiant Onias avec Onias III ; il s'agirait plutôt d'Onias Ier (Schürer, I2, 237). Mais quoique la lettre d'Areus se retrouve en substance dans I Maccabées, 12, 20-23, on ne peut y voir qu'un faux à rapprocher du décret de Pergame (Ant. XIV, 10, 22) qui fait remonter au temps d'Abraham les relations entre Pergaméniens et Juifs.

[73] Ces derniers détails (depuis « Démotelès ») manquent dans I Maccabées et sont extrêmement bizarres. Le nom Démotelès parait emprunté à Xénophon (Hell., VII, i, 32, où il désigne précisément un héraut lacédémonien. Mais que faut-il entendre par « l'écriture carrée » ? Whiston parait avoir songé à la forme du pli.

[74] La section 11 parait avoir un caractère historique. La source en est inconnue.

[75] Cette indication est en contradiction avec le récit précédent, d'après lequel Simon est le cousin paternel de tous les fils de Joseph, et non pas seulement des aînés. Si, au contraire, Joseph est un personnage fictif, et que les Tobiades sont les fils de Tobie (les uns par la sœur d'Onias II, Hyrcan par une autre femme), l'observation du texte s'explique fort bien.

[76] On l'a identifié avec les ruines d'Arak el Emir, au N.-O. d'Hesbon, où se trouvent, en effet, de grandes figures de lions (Vogüé, Temple de Jérusalem, pl. 34-35 ; Schürer, II3, p. 49). M. L. Gautier y a découvert une inscription hébraïque (Au delà du Jourdain, 1896) où M. Clermont-Ganneau reconnaît de nom le Tobie (Archaeol. research in Palestine, II, 261 ; Rev. critique, 1897, II, p. 505), mais on ne saurait admettre avec ce savant que dans II Maccabées, 3, 11 Ὑρκανοῦ τοῦ Τωβίου doive s'interpréter « Hyrcan dit aussi Tobie ». Il faudrait toè xaÞ

[77] En réalité Séleucus IV a régné 12 ans (187-175).

[78] En 181 av. J.-C.

[79] La fortune « d'Hyrcan fils de Tobie » était déposée dans le Trésor du Temple (II Maccabées, 3, 11). Nous ignorons à quelle date précise elle fut confisquée par Antiochus.

[80] A partir d'ici jusqu'à chapitre XIII, Josèphe a pour source principale le Ier livre des Macchabées, qu'il n'a connu que jusqu'à 13, 42, mais sous la forme qui nous est familière, et qu'il a suivi très fidèlement en général. Pour compléter les données de cet ouvrage il a utilisé : 1° une chronique sacerdotale (seulement pour la succession des grands-prêtres) ; 2° pour les événements de l'histoire générale de Syrie, les historiens grecs, c'est-à-dire Polybe et Posidonius, ou peut-être un compilateur (Nicolas de Damas ?) qui les avait résumés ; enfin 3° pour l'histoire du pontificat de Simon, il parait avoir consulté un document grec, le même peut-être auquel il a puisé plus largement dans la Guerre des Juifs. (Les événements compris dans toute cette partie des Antiquités avaient déjà été racontés plus brièvement dans la Guerre, I, § 1-53) ; nous renvoyons à la traduction de cet ouvrage pour l'indication détaillée des divergences.) Josèphe n'a pas connu le 2e livre des Macchabées (Jason de Cyrène). Pour la critique des sources, on consultera, outre les ouvrages généraux de Bloch et de Destinon et les commentaires de Grimm et de Keil sur les livres des Macchabées, Nussbaum, Observationes in Fl. Josephi Antiq. libros. XII, 3-XIII, 14 (1875); Büchler dans la Rev. ét. juives, XXXII (1896), p. 179 suiv., et XXXIV (1897), p. 69 suiv., et dans Jewish Quarterly Review, tome IX ; Niese, Kritik der beiden Makkabäerbüchen (1900, t. à part de l'Hermes, tome XXXV).

[81] Les détails ici donnés sur la succession des grands-prêtres ne sont pas empruntés à I Macchabées mais probablement à la Chronique pontificale déjà plusieurs fois mentionnée. Ces détails diffèrent complètement de ceux de II Maccabées, 4, où l'on voit : 1° que Jason supplanta à prix d'argent Onias III, au lieu de lui succéder pacifiquement ; 2° que Ménélas n'était pas le frère d'Onias III et de Jason, mais un Benjaminite, frère de Simon le προστάτης du Temple. (Dans la Guerre, I, § 31 suiv., tout se réduit à une querelle entre les fils de Tobie et Onias « l'un des grands-prêtres »). Les renseignements de II Maccabées méritent incontestablement la préférence. Il est invraisemblable que Simon III ait eu deux fils appelés Onias et l'on comprend que le rédacteur de la Chronique pontificale ait retouché les faits pour donner à toute la succession des grands-prêtres un aspect légitime.

[82] Voir plus loin Livre XIII, iii, 1 suiv.

[83] Pour le gymnase, les faux prépuces etc., cf. I Maccabées, 1, 11-15, qui ne précise pas les dates. D'après II Maccabées, 4, 10-17, toutes ces tentatives d'hellénisation se placeraient déjà sous Jason (173-171?).

[84] Cette section est empruntée à des historiens grecs, mais Josèphe ne fait qu'un bloc des deux expéditions d'Antiochus en Egypte (170 et 168) que distinguent d'autres sources et notamment II Maccabées - I Maccabées ne parait également connaître qu'une expédition (1, 16.20).

[85] Josèphe emprunte cette formule au document grec qu'il copie. Sur cette étourderie, fréquente chez lui, cf. Destinon, p. 27 suiv.

[86] Guerre, I, § 31-40.

[87] Ce premier pillage de Jérusalem correspond pour la date à celui qui est raconté dans I Maccabées, 1, 20-28 sous l’an 143 Sél. (170-169 av. J.-C.), mais il faut remarquer que dans I Maccabées il n'est question que du pillage du temple (que Josèphe place deux ans après) et dans Josèphe seulement de celui de la ville. De plus, Josèphe fait une allusion évidente à des partisans et à des adversaires (égyptisants) de la domination d'Antiochus, ce qui rappelle Guerre, I, § 32, où le massacre porte sur les partisans de Ptolémée. On ne saurait donc douter que Josèphe n'ait abandonné ici son guide habituel (I Maccabées) pour suivre le document grec, mal informé, qu'il avait déjà utilisé dans la Guerre. Son récit renferme, en outre, un anachronisme évident en attribuant la première retraite d'Antiochus à l'intervention des Romains ; celle-ci ne se produisit qu'en 168.

[88] Cette section correspond en gros à I Maccabées, 1, 20-28 ; la date 143 Sél. = 168-7 av. J.-C. (deux ans après le premier pillage, § 29 Maccabées) concorde ; Ol. 153 = 168-4 av. J.-C. Toutefois il faut noter d’importantes différences entre les deux récits : 1° le jour donné par Josèphe pour l'entrée d'Antiochus à Jérusalem, 25 Chislev, est en réalité celui où fut célébré le premier sacrifice païen sur l'autel d'Antiochus (§ 59 Maccabées, cf. 4, 52) ; 2° Josèphe a mal compris le texte I Maccabées, 1, 29 d'où il résulte que toute cette opération ne fut pas exécutée par Antiochus en personne, mais par son lieutenant (sans doute l'Apollonios de II Maccabées, 5, 16) chargé de prélever les tributs dans les villes de Judée ; 3° le pillage du temple n'eut pas lieu à cette occasion, mais lors de la première entrée des Syriens à Jérusalem en 170-169 (I Maccabées, 1, 21 suiv.). Dans le détail des supplices infligés aux Juifs récalcitrants (§ 255 suiv.), Josèphe ajoute aussi au texte de I Maccabées et se rencontre en partie avec II Maccabées, 6, 18 et Guerre, I, 1, 2, (Büchler).

[89] Et non pas de force comme Josèphe le dit ailleurs, XIII, § 215, et Guerre, I, § 32.

[90] L'Acra était située sur la colline orientale, au sud du Temple, dont la séparait un ravin.

[91] Cette section ne dérive pas de I Maccabées, mais probablement d'un pamphlet hostile aux Samaritains, né dans les milieux juifs d'Egypte. Le mémoire et le rescrit eux-mêmes ont pu, à l'origine, être forgés dans l’intérêt des Samaritains ; la rédaction en est habile et tout à fait conforme au style de chancellerie que nous font connaître les papyrus égyptiens du iie siècle. Quant au fond historique, tout ce qu'on sait d'ailleurs (II Maccabées, 6,2) c'est qu'Antiochus fit consacrer le temple du Garizim à Zeus Xénios (Hospitalier) καθὼς ἐτύγχανον οἱ τὸν τόπον οἰκοῦντες (déjà les bons Samaritains !). L'authenticité de nos documents est défendue par Niese, op. cit., p. 107.

[92] Cf. XI, viii, 6.

[93] Apollonios est probablement le μυσάρχης (μεριδάρχης ?) de II Maccabées, 5, 24. Nicanor est inconnu (cf. vii, 3) ; il ne saurait être identifié au confident de Démétrius Soter dont il sera question plus loin,  x, 3.

[94] L'an 146 (cette correction s'impose) Sél. correspond à 167-6 av. J.-C. Le mois attique Hécatombéon (juillet) est étranger au calendrier macédonien, qui était celui de la chancellerie séleucide ; Hyrcanios est un nom de mois (?) totalement inconnu.

[95] I Maccabées, 2, 1-14.

[96] τοῦ Ἀσαμωναίου. Ces mots manquent dans notre texte de I Maccabées. On n'oubliera pas que Josèphe appartenait lui-même à cette famille (Vie, § 2). Nous n'insistons pas sur les variantes assez nombreuses que présentent les mss. de Josèphe pour les surnoms des fils de Mattathias (Γαδδίς, Μαθθίς, etc.).

[97] I Maccabées, 2, 15-48.

[98] Ce nom ne se trouve pas dans le texte de I Maccabées, § 25 (Guerre, I, § 35 et 37 nomme le phrourarque Bacchidès !) et celui que Josèphe appelle στρατηγός (général ou préfet) y est simplement qualifié de « homme du roi ».

[99] I Maccabées n'indique pas que les Juifs aient été asphyxiés. Josèphe s'accorde sur ce détail avec II Maccabées, 6, 11.

[100] Remarquez comment Josèphe insiste sur cet épisode et amplifie le texte de I Maccabées (où l'initiative en question n'est point attribuée à Mattathias). Est-ce parce que le reproche de ne pas combattre le jour du sabbat jouât un grand rôle dans la polémique païenne contre les Juifs, ou peut-être Josèphe voulait ici se justifier auprès de ses coreligionnaires d'avoir violé cette pratique pendant la guerre contre les Romains ?

[101] I Maccabées, 2, 49-68. Le texte de Josèphe est une paraphrase très libre et très banale de l'original, d'où toute la couleur biblique est effacée.

[102] I Maccabées, 2, 69-3, 9. Josèphe abrége ce texte poétique.

[103] 167-6 av. J.-C.

[104] I Maccabées, 3, 10-26.

[105] Probablement le même que le μυσάρχης (μεριδάρχης ?) Apollonios de II Maccabées, 5, 24, que nous avons déjà rencontré plus haut.

[106] Josèphe a mal compris le texte de Maccabées, 3, 12 : καὶ ἦν πολεμῶν ἐν πάσας τὰς ἡμέρας  : c'est Judas qui désormais se sert constamment de l'épée d'Apollonios.

[107] Dans Maccabées, § 13, il est appelé ὁ ἄρχων τῆς δυνάμεως Συρίας.

[108] A 18 kilomètres au N.-O. de Jérusalem.

[109] Maccabées, § 17, dit simplement qu'ils étaient à jeun.

[110] Le texte de Maccabées (§ 23) ne dit pas que Séron ait péri.

[111] I Maccabées, 3, 29-37.

[112] Josèphe généralise ce qui dans Maccabées § 29 ne parait s’appliquer qu'au soulèvement de la Judée.

[113] 166-5 av. J.-C.

[114] I Maccabées, 3, 38.59. Josèphe a abrégé les scènes de deuil et amplifié les discours de Judas.

[115] Emmaüs-Nicopolis, à 3 milles à l'ouest de Jérusalem.

[116] Dans Maccabées toute la scène suivante se passe à Mispah.

[117] I Maccabées 4, 1-25.

[118] Ἰδουμαίας est la leçon de la plupart des mss. de Josèphe et de I Maccabées 4, 15 ; d'autres ont Ἰουδαίας. Gazara (Gadara des mss.) est l'ancienne Gezer (auj. Tell Djezer), à 4 milles au N. O. d'Emmaüs.

[119] I Maccabées, 4, 26-35.

[120] 165-4 av. J.-C.

[121] A 20 milles au S. de Jérusalem, sur la route d'Hébron.

[122] I Maccabées, 4, 36-54.

[123] D'après Guerre, § 39, il commença par la chasser de la ville haute (colline de l'O.) pour la refouler dans la ville basse (colline de l'E. dont faisait partie l'Acra).

[124] Trois ans et 6 mois d'après Guerre, § 32.

[125] Décembre 165 av. J.-C. La 154e olympiade ne commence qu’en juillet 164. La date olympique a été d'ailleurs ajoutée par Josèphe.

[126] Daniel, xi, 31. On voit que Josèphe place Daniel en 573 av. J..C.

[127] I Maccabées, 4, 55-61. Josèphe ajoute le nom de la fête instituée par Judas, dont il donne d'ailleurs une explication fantaisiste. La fête des Lumières (Hanoucca) tire son nom des lumières qu'on y allume en signe de réjouissance (Baba  Kamma, VI, 6 etc.).

[128] Non pas la ville, mais le mont Sion (Maccabées, 4, 60), c'est-à-dire la colline E. et spécialement la partie N. de cette colline, où s'élevait le Temple.

[129] I Maccabées, 5, 1-16.

[130] Au Sud de la Judée.

[131] υἱῶν Βαιάν dans Maccabées Ce peuple est inconnu.

[132] Ville du territoire de Gad. Le texte de Maccabées (§ 8) dit : καὶ προκατέλαβεν τὴν Ιἀζὴρ καὶ τὰς θυγατέρας αὑτῆς  (les villes qui en dépendaient (métaphore biblique). Josèphe a fait un contresens et ajouté de son cru le détail de l'incendie.

[133] Localité inconnue.

[134] I Maccabées, 5, 17-23.

[135] Il ne s'agit pas, en réalité, de Juifs prisonniers (des païens), mais de Juifs établis dans la Galilée supérieure, qui ne pouvaient plus se maintenir au milieu je populations hostiles.

[136] I Maccabées, 5, 24-36.

[137] Josèphe lisait déjà le texte évidemment altéré de Maccabées § 26. La vérité parait être que les habitants des villes païennes (Bosorra, etc.) s'étaient coalisés pour assiéger les Juifs dans une forteresse unique, Dathema. Cf. Wellhausen, Jud. Geschichte, p. 212, note 1.

[138] Maccabées, 5, 28 donne Βοσόρ, c'est-à-dire Bezer dans le pays de Ruben, mais Josèphe paraît avoir lu Βόσσορα (comme dans Maccabées, 5, 26) c'est-à-dire Bosra de Moab (Jérémie, 48, 24).

[139] Dathema ; cf. supra, section 1, la note.

[140] D'autres mss. ont Mell‹ ; ceux de Maccabées, 5, 35 ont Μασφά ou Μααφά. C'est Mispah de Galaad (Juges, xi, 29),

[141] Le texte de Josèphe porte Χασφομάκη, καὶ Βοσόρ . Il faut rétablir, avec Maccabées, 5, 36, Χασφώθ (ou Χασφών), Μακέδ, Βοσόρ. Les deux premières villes sont inconnues. Sur Βοσόρ , cf. plus haut la note sur Bosorra.

[142] I Maccabées, 5, 37-44.

[143] Localité inconnue. Le torrent parait être le Yarmouk.

[144] Le texte de Maccabées 41 est plus clair ; Timothée dit que ce sont les Ammonites qui doivent prendre l'offensive et franchir le torrent.

[145] La ville paraît s'être appelée Καρναίν (Maccabées 5, 44). C'est la Karnaïm d'Amos, vi, 13.

[146] I Maccabées, 5, 45-54.

[147] Peut-être la Γιρροῦς de Polybe, V, 70, 12, aujourd'hui Ouad el-Ghafr (?).

[148] I Maccabées, 5, 55-68.

[149] Marescha, dans la plaine de Juda, entre Hébron et Asdod. Les mss. de Maccabées, 5, 66, ont ici Σαμάρειαν, qui est impossible. Μαρισά est d'ailleurs la leçon de II Maccabées, 12, 35.

[150] I Maccabées, 6, 1-13. Vers la fin, Polybe, peut-être à travers Nicolas. Le nom de la déesse Artémis provient déjà de Polybe.

[151] L'Elymaïde (Susiane) est une province et non une ville. Josèphe reproduit la grossière erreur de I Maccabées, 6, 1, alors qu'il lui eût été facile de se renseigner dans Polybe. De même, un peu plus loin, il fait mourir Antiochus à Babylone, tandis que Polybe (XXXI, 11) indiquait Tabae en Perse comme lieu de sa mort.

[152] Texte altéré ; nous traduisons au jugé. - Ces réflexions de Josèphe coïncident presque textuellement avec celles de saint Jérôme sur Daniel, xi, 36, qui a dû s'en inspirer.

[153] I Maccabées, 6, 14-17 (transcription presque littérale).

[154] 164-3 av. J.-C. (165-4 d'après Eusèbe. Ces deux dates ne sont pas nécessairement contradictoires, car il est probable que dans I Maccabées, l'année macédonienne commence en avril. Antiochus parait être mort dans le deuxième trimestre de 164).

[155] I Maccabées, 6, 18-30.

[156] 163-2 av. J.-C.

[157] Les chiffres de Guerre sont 50.000 fantassins, 5.000 chevaux, 80 éléphants.

[158] I Maccabées, 6, 31-46.

[159] Ruines a une lieue au sud de Bethlehem. La distance entre ce lieu et l'ennemi (Bethsoura) est ajoutée par Josèphe.

[160] Ce détail est de Josèphe.

[161] τοὺς ψιλοὺς est une ingénieuse et vraisemblable correction de Naber (les mss. ont τοὺς φιλοὺς, « les amis de Roi ». Mais pourquoi ne seraient-ils qu'aux ailes ?).

[162] Le détail des enveloppes ôtées est de Josèphe, mais parfaitement conforme à la pratique militaire de l'époque. Cf. Plutarque, Lucullus, 27.

[163] I Maccabées, 48-54.

[164] Guerre est plus explicite : Judas est battu et se retire, non à Jérusalem, mais dans la toparchie de Gophna. Ce dernier renseignement résulte d'ailleurs peut-être d'une confusion avec les évènements racontés plus loin, x, 5.

[165] I Maccabées, 5, 55-59,

[166] Josèphe a eu sous les yeux un ms. de I Maccabées, qui donnait (comme le ms. A) le pluriel κατέσπευδον, (au lieu de κατέσπευδεν ) et il en a conclu que le roi était d'accord avec Lysias. D'après Guerre, c'est réellement à cause de la pénurie de vivres que le roi lève le siège.

[167] I Maccabées, 5, 60-63, seulement pour le début jusqu’à « …fondations. » et la phrase « Le roi Antiochus cependant… ». Ce qui concerne les grands-prêtres n'est pas emprunté à I Maccabées et ne s'accorde pas avec cet ouvrage, d'après lequel (7, 9) Alkimos n'aurait été nommé grand-prêtre que sous Démétrius. Telle est aussi la version de II Maccabées, (14, 13), qui ajoute toutefois (14, 3) qu'Alkimos avait déjà été grand-prêtre. Sur l'exécution de Ménélas à Béroia Josèphe s'accorde avec II Maccabées, 13, 4 suiv., sans qu'il en résulte qu'il ait connu ce livre.

[168] Supra, v, 1.

[169] Livre XIII, iii, 1.

[170] I Maccabées, 7, 1-7.

[171] 162/1 av. J.-C. (151 Sél.). Démétrius (I Soter), fils de Séleucus IV Philopator (frère et prédécesseur d'Antiochus Epiphane), était l'héritier légitime du trône des Séleucides. Il était retenu en otage à Rome.

[172] I Macchabées indique simplement « une ville maritime » ; en revanche II Maccabées, 14, 1, nomme Tripolis.

[173] Cela n'a été dit nulle part.

[174] I Maccabées, 7, 8-20.

[175] Ni cet éloge inattendu de Bacchidès (ἄνδρα χρηστόν) ni le détail qu'il était un ami d'Epiphane ne se lisent dans I Maccabées.

[176] Βηζέθ dans I Maccabées. Cette localité pourrait être la même que celle qui est plusieurs fois nommée dans la Guerre (II et V) sous le nom de Βεζεθά et qui était un faubourg de Jérusalem. Voir cependant Schlatter, Zeitschrift des deutschen Palästina Vereins, XIX, 225.

[177] I Maccabées, 7, 21-25.

[178] I Maccabées, 7, 26-32.

[179] Site inconnu. Peut-être Carvasalim près de Ramleh, mentionnée au xie siècle.

[180] Le texte des mss. de Josèphe attribue la victoire à Nicanor, qui force Judas a se réfugier dans la citadelle. Mais ce texte est à la fois en contradiction avec I Maccabées et absurde, car la citadelle était encore aux mains des Syriens. Plusieurs corrections ont été proposées ; nous suivons la leçon de Naber.

[181] I Maccabées, 7, 33-50.

[182] Cf. vii, 1.

[183] 3.000 selon Maccabées, 7, 40.

[184] Au N.-E. de Beth-horon, près de Gophna (Eusèbe, Onomasticon, p. 220, Lagarde). La distance entre Adasa et Beth-horon n'est pas indiquée par Maccabées.

[185] Mars 161 av. J.-C.

[186] Le « jour de Nicanor » est également mentionné par II Maccabées, 15, 36, et par Magillath Taanith, § 30.

[187] I Maccabées, 8.

[188] Cet événement est placé par I Maccabées (9, 54-56) sous le gouvernement du Jonathan et naturellement il n'y est pas question de l'élévation de Judas au pontificat. Josèphe affirmera de nouveau ce dernier détail, mais il se contredit, Ant., XX, 10, où il déclare qu'après la mort d'Alkimos, la grande-prêtrise vaqua pendant 7 ans. Josèphe a dû avoir sous les yeux un exemplaire de I Maccabées falsifié dans un intérêt hasmonéen. Le mur du sanctuaire que veut abattre Alkimos est probablement le mur d'enceinte qui séparait la cour accessible aux païens du vestibule intérieur, réservé aux Israélites. Cf. Schürer, I3, p.225, note6.

[189] τὴν Γαλατίαν ; I Maccabées τοῖς Γαλάταις. S'agit-il des Gaulois (d'Italie ou de Provence) ou de la Galatie d'Asie Mineure ? La mention de la conquête de la Grèce (empruntée à I Maccabées) est un anachronisme ; celle de Carthage ne se trouve que chez Josèphe.

[190] Josèphe rectifie ici Maccabées d'après lequel c'est l'original sur bronze qui est envoyé à Jérusalem.

[191] Ici encore Josèphe améliore le texte très obscur de Maccabées. De même à la fin de la citation.

[192] Cette phrase (fait-elle encore partie du décret ?) manque dans I Maccabées. Elle est d'ailleurs absurde. Willrich en a conclu que le traité avait été signé sous Juda Aristobule (Judaica, p. 71).

[193] I Maccabées, 9, 1-10.

[194] Aujourd'hui Irbid ? (Wellhausen a retiré sa conjecture Ἀρβήδοις. Au lieu de la Galilée, I Maccabées nomme Γαλγάλα.

[195] Lieu inconnu (la plupart des mss. de I Maccabées ont Βερέαν. Peut-être Bir ez-Zeit au N. O. de Gophna. Dans Guerre, le combat où périt Judas a lieu à Ἀκέδασα (= Adasa du x, 5 ?).

[196] Les mss. ont χίλιοι qui est inadmissible d'après la suite ; Maccabées donne 3.000.

[197] I Maccabées, 9, 11-22.

[198] Ἄζωτος dans Maccabées.

[199] 161 av. J.-C. (le 1er mois de l'an 152 Sél. d'après I Maccabées, 9, 3).