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texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER

Flavius Josèphe

ANTIQUITES JUDAÏQUES

 

LIVRE 3


Chapitre premier

Moïse, ayant fait sortir le peuple d’Égypte, le mène sur le mont Sinaï, après beaucoup de souffrances éprouvées pendant le voyage.

1. Marche pénible vers le Sinaï - 2. Les eaux de Mar. – 3-4. Souffrances à Élim. - 5. Miracle des cailles. - 6. La manne. - 7. Le rocher de Raphidim.

1[1]. Lorsque, contre toute espérance, les hébreux eurent ainsi été sauvés, ils furent de nouveau cruellement en peine, tandis qu'on les menait vers le mont Sinaï. La contrée était absolument déserte, dénuée de toute production propre à leur subsistance et extrêmement pauvre en eau ; non seulement elle ne pouvait rien fournir aux hommes, mais elle n'était même pas capable de nourrir aucune espèce animale ; en effet, c'est une terre sèche, d'où ne sort aucune humidité propice à la végétation. C'est par un tel pays qu'ils étaient contraints de cheminer, aucune autre route ne leur étant ouverte. Des lieux antérieurement parcourus ils avaient emporté de l'eau, selon l'ordre de leur chef, et, quand cette eau fut épuisée[2], ils essayèrent d'en retirer de puits. Ce fut un travail pénible à cause de la dureté du sol ; mais ce qu'ils trouvaient était amer, non potable et, au surplus, en quantité très minime.
En marchant ainsi, ils arrivèrent aux approches du soir à Mar, localité qu'ils appelèrent de ce nom à cause de la mauvaise qualité de l'eau - en effet, l'amertume[3] se dit mar - ; et là, épuisés par cette marche ininterrompue et par le manque de nourriture – à ce moment ils n'en avaient plus du tout -, ils font halte. Un puits se trouvait là, c'était une raison de plus pour y demeurer ; sans doute, il ne pouvait à lui seul suffire à une si grande armée, cependant c'était un léger encouragement pour eux de l'avoir trouvé dans de tels parages ; car ils avaient ouï dire à ceux qui allaient aux informations qu’ils n'en rencontreraient plus aucun en poursuivant leur route. Mais cette eau-là était amère, et non seulement les hommes ne pouvaient la boire, mais les bêtes de somme même ne la supportaient pas.

2. Moïse, voyant leur découragement et l'inefficacité des paroles en une telle circonstance, - car ce n'était pas une armée véritable, capable d'opposer à la contrainte de la nécessité la force virile ; l'élan généreux de leurs sentiments était enrayé par la foule des enfants et des femmes, qui n'étaient pas de force à recevoir les enseignements de la raison -, Moïse donc était dans le plus grand embarras, parce qu'il faisait siennes les souffrances de tous. En effet, on n'avait recours à personne qu'à lui ; tous l'adjuraient, les femmes pour leurs enfants, les maris pour leurs femmes, de ne pas se désintéresser d'eux, mais de leur procurer quelque moyen de salut. Il se met alors à supplier Dieu de débarrasser l'eau du mauvais goût qu'elle avait et de la rendre potable. Et comme Dieu consentit à lui faire cette faveur, ayant saisi l'extrémité d'un bâton qui se trouvait sur le sol à ses pieds, il le fendit par le milieu[4], dans le sens de la longueur, puis, l'ayant jeté dans le puits, il persuada aux hébreux que Dieu avait prêté l'oreille à ses prières et avait promis de rendre l'eau telle qu'ils la désiraient, pourvu qu'ils exécutassent ses ordres, non avec mollesse, mais avec ardeur. Ceux-ci demandant ce qu'il leur faudra faire pour que l'eau s'améliore, il ordonne à ceux qui étaient dans la force de l'âge de tirer l'eau du puits, en leur disant que ce qui resterait au fond, quand ils en auraient eu vidé la plus grande partie, serait potable. Ils se mirent à l’œuvre, et l'eau travaillée et purifiée par leurs coups incessants[5] devient bientôt bonne à boire.

3[6]. Partis de là, ils arrivent à Elis[7] ; de loin, cette localité avait belle apparence, car elle était plantée de palmiers, mais, quand on en fut près, on se convainquit, au contraire, que c'était un méchant lieu ; car ces palmiers, qui n'étaient pas plus de soixante-dix, croissaient péniblement et demeuraient tout au ras du sol, faute d'eau, tout l'endroit étant sablonneux. Même des sources qui se trouvaient là, au nombre de douze, il ne jaillissait pas assez d'eau pour les arroser ; et comme rien n'en pouvait sourdre ni s'élever en l'air, elles ne donnaient que de rares filets de liquide et l'on creusait le sable sans rien rencontrer ; encore le peu d'eau qu'ils parvenaient à recueillir goutte à goutte se trouvait impropre à tout usage, tant il était trouble. Et les arbres étaient trop débiles pour porter des fruits, faute d'eau pour leur donner de la vigueur et de l'élan. Aussi incriminait-on le chef et l'accablait-on d'injures : ces misères, ces épreuves malheureuses, c'était par lui qu'on les endurait, disaient-ils. Ils en étaient à leur trentième jour[8] de marche ; les provisions qu'ils avaient emportées était complètement épuisées[9], et, comme ils ne trouvaient rien en route, ils désespéraient complètement. Tout à la pensée de leur malheur présent, qui les empêche de se souvenir des bienfaits qu'ils doivent à Dieu d'une part, à la vertu et à l’intelligence de Moïse de l'autre, ils n'ont pour leur chef que de la colère, et s'élancent pour le lapider[10], comme s'il était le plus responsable de leur détresse actuelle.

4. Mais lui, devant cette foule ainsi surexcitée et animée contre lui de sentiments violents, fort de l'appui de Dieu et de la conscience qu'il a d'avoir veillé sur ceux de sa race, s'avance au milieu d’eux tandis qu'ils vocifèrent et tiennent encore des pierres dans leurs mains ; avec son aspect si agréable et son éloquence si persuasive pour la foule, il commence à apaiser leur colère, les exhorte à ne pas oublier, sous l'impression des difficultés actuelles, les bienfaits antérieurs, et à ne pas chasser de leurs pensées, parce qu'ils souffrent présentement, les grâces et les faveurs considérables et inespérées qu'ils avaient reçues de Dieu. Ils doivent compter qu'ils seront tirés aussi des embarras actuels, grâce à la sollicitude divine, car, vraisemblablement, c'était pour éprouver leur vertu, pour savoir de quelle force d'âme ils étaient doués, quelle mémoire ils conservaient des services déjà rendus, et s'ils n'y reporteraient point leur pensée sous l'influence des maux actuels, que Dieu les accablait maintenant de ces tourments. Il leur reproche de ne savoir ni les endurer, ni se souvenir d'un heureux passé, en faisant si peu de cas de Dieu et du dessein selon lequel ils ont quitté l'Égypte, et en montrant tant d'humeur contre lui-même, serviteur de Dieu, lui qui ne leur a jamais menti, ni dans ses discours, ni dans les ordres qu'il leur a donnés selon les instructions divines. Puis il leur énumère tout, comment les Égyptiens ont été détruits en voulant les retenir de force contre la volonté de Dieu, comment le même fleuve se changea pour ceux-là en sang, de sorte qu'ils ne purent boire de ses eaux, tandis que pour eux-mêmes elles restaient potables et douces, comment, traversant la mer qui s'écartait d'eux au loin en leur ouvrant un chemin tout nouveau, ils y trouvèrent le salut pour eux-mêmes, tandis qu'ils voyaient leurs ennemis périr ; comment, lorsqu'ils manquaient d'armes, Dieu leur en procura abondamment ; enfin il leur dit toutes les circonstances où, quand ils paraissaient à deux doigts de leur perte, Dieu les avait sauvés à l'improviste, quelle puissance était la sienne, qu'il ne fallait donc pas non plus désespérer maintenant de sa providence, mais patienter sans colère, en songeant que le secours ne peut tarder, même s'il ne vient pas immédiatement, avant toute épreuve fâcheuse, et considérer que ce n'est pas par indifférence que Dieu temporise, mais bien pour éprouver leur courage et leur amour de la liberté, « afin de savoir, dit-il, si, à l'occasion, vous pourriez supporter généreusement pour elle la privation d'aliments et le manque d'eau, ou si vous préférez l'esclavage, comme les bêtes que leurs maîtres domptent et nourrissent copieusement en vue des services qu'ils en attendent ». Il ajoute que, s'il craint quelque chose, ce n'est pas tant pour sa propre sécurité, - car ce ne sera pas un malheur pour lui de mourir injustement -, que pour eux-mêmes ; il a peur qu'en lançant des pierres contre lui, ils n'aient l'air de mépriser Dieu.

5. Il les calme ainsi, arrête leurs bras prêts à le lapider et les amène à se repentir de l'acte qu'ils allaient commettre : mais, ayant songé que cette agitation provoquée par la nécessité n'était pas déraisonnable, il réfléchit qu'il devait aller supplier et invoquer Dieu, et, monté sur un observatoire élevé, il lui demande de procurer quelque secours au peuple et de l'arracher à sa détresse, - car c'était en lui que se trouvait leur salut et en nul autre -, et de pardonner au peuple ce qu'il venait de commettre sous l'empire de la nécessité, car la race des hommes est naturellement portée à se plaindre et à récriminer dans la mauvaise fortune. Dieu promet[11] de prendre soin d'eux et de leur fournir ces ressources tant souhaitées. Moïse, ayant entendu cette réponse de Dieu, retourne auprès du peuple. Ceux-ci, en le voyant tout réjoui des promesses divines, passent de l'abattement à une humeur plus gaie, et lui, debout au milieu d'eux, dit qu'il vient leur apporter de la part de Dieu un secours contre les embarras présents. Et, peu après, une quantité de cailles[12] (cette espèce d'oiseaux abonde, plus que toute autre, dans le golfe Arabique) traverse ce bras de mer et vient voler au-dessus d'eux ; et, fatiguées de voler, habituées, d'ailleurs, plus que les autres oiseaux à raser la terre, elles viennent s'abattre sur les Hébreux. Ceux-ci, les recueillant comme une nourriture préparée par Dieu, soulagent leur faim. Et Moïse adresse des actions de grâce à Dieu pour les avoir secourus si vite et comme il l'avait promis.

6[13]. Aussitôt après ces premiers secours en vivres, Dieu leur en envoya une seconde fois. En effet, tandis que Moïse élève les mains en prière, une rosée tombe à terre, et, comme elle adhérait en se coagulant[14] à ses mains, Moïse, soupçonnant que c'était là un aliment envoyé par Dieu, la goûte, et, charmé, tandis que le peuple, dans son ignorance, la prend pour de la neige et l'attribue à l'époque de l'année où l'on se trouvait[15], il leur apprend que cette rosée descendue du ciel n'est pas ce qu'ils supposent, mais qu'elle est destinée à les sauver et à les nourrir ; en la goûtant, ils s'en convaincraient. Ceux-ci, imitant leur chef, eurent plaisir à manger de cette substance[16], car elle tenait du miel par sa saveur douce et délicieuse et ressemblait à cette espèce d'aromate nommée bdella[17] ; la grosseur était celle d'une graine de coriandre. Ils mirent à la récolte une ardeur extrême. Mais il leur était recommandé à tous également de n'en récolter chaque jour qu'un assaron[18] (c'est le nom d'une mesure), cet aliment ne devant jamais leur faire défaut ; c'était là une précaution afin que les faibles ne fussent pas empêchés d'en prendre par les forts, qui profiteraient de leur vigueur pour faire une récolte plus copieuse. Ceux qui, néanmoins, recueillaient plus que la mesure prescrite n'avaient aucun avantage pour la peine qu'ils se donnaient, car ils ne trouvaient rien de plus qu'un assaron ; et tout ce qu'on mettait de côté pour le jour suivant ne servait plus à rien : les vers et l'amertume l'abîmaient, tant cet aliment était divin et extraordinaire. Il remplaçait pour ceux qui en mangeaient tous les autres aliments absents[19]. Et encore aujourd'hui[20] tout ce lieu est arrosé d'une pluie semblable à celle que jadis, par faveur pour Moïse, Dieu envoya pour leur servir de nourriture. Les Hébreux appellent cet aliment manna[21], car le mot man est une interrogation dans notre langue et sert à demander : « Qu'est-ce que cela ?[22] » Ils ne firent donc que se réjouir de cet envoi du ciel et ils usèrent de cette nourriture pendant quarante ans, tout le temps qu'ils furent dans le désert.

7[23]. Lorsque, partis de là, ils arrivèrent à Raphidin[24], tourmentés par une soif extrême, -car après avoir dans les premiers jours rencontré quelques sources, ils se trouvaient maintenant dans un pays absolument dépourvu d'eau -, leur situation était pénible et ils recommençaient à s'irriter contre Moïse. Mais lui, échappant à grand peine aux transports de la foule, se met à prier Dieu, et lui demande, de même qu'il leur avait donné à manger dans le besoin, de leur procurer aussi à boire, car c'en était fait de leur reconnaissance pour la nourriture qu'ils avaient reçue, si la boisson leur faisait défaut. Dieu ne différa pas longtemps d'accorder cette faveur ; il promit à Moïse de produire une source abondante qui jaillirait d'un endroit imprévu. Et il lui commande de frapper de son bâton la roche qui se trouvait là devant leurs yeux ; c'était d'elle qu'ils recevraient en abondance tout ce qu'ils désiraient ; il veillerait aussi à ce que l'eau leur apparût sans peine ni travail. Moïse, ayant reçu ces promesses de Dieu, revient auprès du peuple, qui était dans l'attente et tenait les regards fixés sur lui ; car on l'avait déjà aperçu qui descendait vivement de la colline. Dès qu'il arrive, il leur dit que Dieu voulait les délivrer aussi de cette détresse et qu'il daignait même les sauver d'une façon inespérée ; de la roche jaillirait pour eux un courant d'eau. Tandis que cette nouvelle les stupéfie à la pensée d'être encore obligés, tout épuisés qu'ils sont par la soif et le voyage, à tailler dans le rocher, Moïse le frappe de son bâton ; celui-ci s'entrouvrant, il s'en échappe une eau abondante et parfaitement limpide. Eux sont frappés de l'étrangeté de ce spectacle et rien qu’à son aspect, leur soif se calme déjà ; ils en boivent, et ce liquide leur parait agréable et délicieux et tel qu'un vrai présent de Dieu. Ils en conçoivent aussi de l'admiration pour Moïse, si fort en honneur auprès de Dieu et ils offrent des sacrifices pour remercier Dieu de la providence dont il les a entourés. L'écrit[25] déposé dans le temple atteste que Dieu avait prédit à Moïse qu'il ferait ainsi sortir de l'eau du rocher.

Chapitre II

Les Amalécites et les peuples d’alentour, ayant fait la guerre aux Hébreux, sont défaits et perdent la plus grande partie de leur armée.

1. Préparatifs de guerre des Amalécites. - 2. Moïse encourage les Hébreux effrayés. - 3. Il les prépare au combat. - 4. Victoire des Hébreux ; butin considérable. – 5. Fêtes en l’honneur de cette victoire et arrivée au Sinaï.

1[26]. Comme le renom des Hébreux s'était déjà fort répandu partout et qu'on parlait beaucoup d'eux, il advint que les gens du pays ne furent pas médiocrement effrayés. S'envoyant mutuellement des députations, ils s'invitent à repousser et à tenter d'exterminer ces intrus. Les instigateurs de cette entreprise étaient les habitants de la Gobolitide et de Pétra[27], qui s'appellent Amalécites ; c'était le plus belliqueux des peuples de ce pays. Leurs rois, par des messages adressés des uns aux autres ainsi qu'aux peuples voisins, s'exhortent à faire la guerre aux Hébreux[28] ; une armée d'étrangers, disaient-ils, qui s'étaient dérobés à la servitude des Égyptiens, s'installait près  d'eux pour leur nuire : « On aurait tort de les mépriser ; c'est avant qu'ils se fortifient et que leurs ressources augmentent, et qu'ils commencent à nous attaquer, se sentant encouragés en ne nous voyant opposer aucune résistance, qu'il est prudent et sage de les défaire en les punissant de leur agression et de ce qu'ils y ont commis, et non lorsqu'ils auront mis la main sur nos villes et nos richesses. Ceux qui tentent de ruiner la puissance naissante de leurs ennemis font preuve de plus de sagacité que ceux qui s’opposent à son accroissement après qu'elle a déjà progressé ; car ceux-ci semblent ne s'indigner que de l'excès de leurs avantages, mais ceux-là ne leur laissent jamais prendre barre sur eux ». Après ces avis adressés aux peuplades voisines ainsi qu'entre soi, on décida d'entrer en lutte avec les Hébreux.

2. Comme Moïse ne s'attendait à aucune hostilité, il éprouva de l'embarras et de l'inquiétude devant cette attitude des gens du pays ; et, alors que ceux-ci étaient déjà prêts au combat et qu'il fallait affronter le péril, la foule des Hébreux se trouva dans une vive agitation ; manquant de tout, elle allait se battre avec des gens équipés de tout à merveille. Moïse alors entreprend de les consoler, les exhorte à reprendre courage en se fiant au suffrage de Dieu ; élevés par lui à la liberté, ils triompheraient de ceux qui se disposaient à les attaquer pour la leur disputer. Ils devaient considérer leur armée comme assez nombreuse et pourvue d'armes, d'argent, de vivres, de tout ce dont la présence enhardit l'homme qui va combattre, la seule assistance de Dieu leur donnait tout cela ; tandis que l'adversaire était peu nombreux, désarmé, faible, facile à vaincre même par de moins forts qu'eux, dès que Dieu le voulait[29]. Ils savaient quel secours Dieu procurait, d'après de nombreuses expériences, plus tragiques que la guerre ; car la guerre, on la fait contre des hommes ; mais les difficultés où ils s'étaient trouvés devant la faim et la soif, devant les montagnes et la mer quand ils ne savaient par où fuir, c'était grâce à la seule bienveillance divine qu'ils les avaient surmontées. Il les invitait aujourd'hui à montrer la plus grande ardeur, car ils auraient de tout en abondance s'ils triomphaient de leurs ennemis.

3[30]. C'est par ces discours que Moïse rendait courage à la foule, et, appelant les chefs de tribu et les magistrats séparément et tous ensemble, il engageait les plus jeunes à obéir aux plus anciens et ces derniers à écouter leur général. Ceux-ci, dont les âmes s'exaltaient en vue du danger, et qui, prêts pour la terrible affaire, espéraient qu’un moment viendrait où l'on serait délivré de ces maux, priaient Moïse de les conduire sur l'heure et sans retard contre leurs ennemis, tout délai pouvant arrêter leur ardeur. Moïse, après avoir choisi dans la foule tous ceux qui pouvaient se battre, met à leur tête Josué (Jésoûs)[31], fils de Noun (Navèchos), de la tribu d'Éphraïm, un homme très courageux, qui supportait vaillamment les fatigues, qui savait fort bien réfléchir et parler, honorait Dieu d'une piété singulière que Moïse lui avait enseignée, et possédait l'estime des Hébreux. Il rangea quelques hommes armés autour de l'eau pour la garde des enfants et des femmes et de l'ensemble du camp. Ils passèrent toute la nuit en préparatifs, à réparer les armes endommagées, le regard tendu vers leur chef, tout prêts à s'élancer au combat quand Moïse leur en donnerait le signal. Moïse aussi passe la nuit à enseigner à Josué comment il rangera l'armée en bataille. Quand le jour commence à paraître, il exhorte à nouveau Josué à ne pas se montrer dans l'action inférieur aux espérances fondées sur lui et à s'acquérir dans son commandement la considération de ses troupes pour ses exploits, il exhorte encore, chacun à part, les plus notables d'entre les Hébreux, et bientôt il donne l'élan à toute la foule réunie sous les armes. Lui-même, après avoir animé l'armée par ses paroles et tout ce travail préparatoire, se retire sur la montagne en confiant l'armée à Dieu et à Josué.

4. Les adversaires en viennent aux mains, le combat s'engage avec acharnement et l'on s'anime les uns les autres. Tout le temps que Moïse tient les bras levés en l'air, les Amalécites faiblissent devant les Hébreux. Mais Moïse, ne pouvant supporter la fatigue de cette tension des bras, et constatant que chaque fois qu'il les laissait retomber, régulièrement les siens se trouvaient avoir le dessous, il ordonne à son frère Aaron et au mari de sa sœur Mariamme, Our(os)[32], de se tenir de chaque côté de lui pour soutenir ses mains et ne pas le laisser se fatiguer dans son intervention tutélaire. Cela fait, les Hébreux remportent une victoire écrasante sur les Amalécites. Et ceux-ci eussent tous péri, si la nuit survenant n'eût arrêté le carnage. C'était une très belle victoire et très opportune que remportèrent là nos ancêtres, car ils triomphèrent de ceux qui s'étaient jetés sur eux et ils effrayèrent les peuples voisins tout en se procurant de nombreuses et magnifiques richesses pour prix de leurs efforts. S'étant emparés, en effet, du camp des ennemis, ils acquirent des ressources considérables tant pour l'usage public que pour leur usage particulier, eux qui précédemment avaient manqué même du nécessaire. Et ce leur fut, non seulement pour le présent, mais encore pour l'avenir, une source de bienfaits que le succès de ce combat car ils n'asservirent pas seulement la personne de leurs assaillants, mais aussi leur moral ; et pour tous les peuples voisins, après la défaite de ces premiers adversaires, ils devinrent redoutables. En même temps, ils s'emparèrent d'une grande quantité de richesses. Car beaucoup d'argent et d'or fut saisi dans le camp, ainsi que des vases d'airain qui servaient pour les repas, profusion aussi d'or et d'argent monnayés[33], puis tous les tissus et les ornements servant aux armures, d'autres objets de parure et d'équipement, un butin varié de bêtes de somme et tout ce qui suit habituellement une armée en campagne[34]. Les Hébreux conçurent une haute idée de leur propre valeur et leur vertu se retrempa ; désormais ils ne reculèrent devant aucun effort, estimant que par l'effort tout peut se conquérir.

5. C'est ainsi que se termina cette lutte. Le lendemain, Moïse fit dépouiller les cadavres des ennemis et réunir les armures laissées par les fuyards ; il distribua des récompenses aux vaillants et fit l'éloge de leur chef Josué, dont les exploits étaient attestés par l'armée tout entière. Chez les Hébreux personne n'avait péri, mais les ennemis avaient eu tant de morts qu'on ne pouvait même les compter. Après avoir offert des sacrifices d'actions de grâce, il érige un autel et appelle Dieu du nom de Donneur de victoire[35] et il prédit que les Amalécites périraient d'une ruine complète, que nul d'entre eux ne survivrait, parce qu'ils s'étaient jetés sur les Hébreux, alors qu'ils se trouvaient dans un pays désert, en pleine détresse ; puis il restaura l'armée par des festins.
Tel fut leur premier engagement, livré après leur sortie d'Égypte contre d'audacieux agresseurs. Après qu'ils eurent célébré la fête en l'honneur de leur victoire, Moïse, ayant attendu quelques jours, emmena, après ce combat, les Hébreux rangés en bon ordre. Déjà beaucoup d'entre eux étaient armés. Avançant par petites étapes, le troisième mois après la sortie d'Égypte, il arrive au mont Sinaï[36], où s'étaient passés le miracle du buisson et ses autres visions que nous avons déjà rapportés.

Chapitre III

Jéthro, son beau-père, étant venu le rejoindre au Sinaï, Moïse le reçoit avec joie.

1[37]. Ragouël[38], son beau-père, instruit de ses succès, s'en vient joyeusement à sa rencontre et fait bon accueil à Moïse, à Sapphora[39] et à leurs enfants. Moïse se réjouit de l'arrivée de son beau-père et, après avoir offert un sacrifice, il donne un festin[40] au peuple non loin du buisson qui avait échappé à la combustion du feu. Tout le peuple, rangé par familles, prenait part au festin ; Aaron et les siens, s'étant adjoint Ragouël, chantaient des hymnes à Dieu, auteur et dispensateur de leur salut et de leur liberté. Ils célébraient aussi leur général, dont le mérite avait tout fait réussir à souhait. Et Ragouël se répandit en éloges à l'adresse du peuple pour la reconnaissance que celui-ci témoignait à Moïse et il admira, d'autre part, Moïse pour l'ardeur virile qu'il avait mise à sauver les siens.

Chapitre IV

Jéthro lui suggère de diviser son peuple, qui n’était pas encore organisé, au moyen de chefs de 1 000 et de chefs de 100, et Moïse fait tout cela, selon le conseil de son beau-père.

1. Conseils de Ragouël à Moïse. - 2. Moïse s'y conforme.

1. Le lendemain, Ragouël aperçoit Moïse au milieu du tumulte des affaires ; il tranchait, en effet, les différends de tous ceux qui le lui demandaient, car tous venaient à lui, pensant que le seul moyen d'obtenir justice, c'était de l'avoir, lui, pour arbitre ; et aux vaincus mêmes la défaite semblait légère, persuadés qu'elle était due à la justice et non à la cupidité. Sur le moment, Ragouël garde le silence, ne voulant empêcher personne d'avoir recours aux talents du chef, mais, une fois le tumulte apaisé, il le prend à part, et, demeuré seul avec lui, il lui enseigne ce qu'il doit faire. Il lui conseille de laisser à d'autres le tracas des petites affaires et de garder toute sa vigilance pour les plus importantes et pour le salut du peuple ; pour ce qui était de juger, d'autres Hébreux s'en trouveraient capables ; mais, quant à veiller à la sécurité de tant de myriades d'hommes, nul autre ne le pourrait qu'un Moïse. « Ainsi conscient de ton mérite, dit-il, et du rôle que tu as joué en concourant avec Dieu au salut du peuple, laisse à d'autres le soin d'arbitrer les contestations : toi, consacre-toi sans cesse au seul culte de Dieu en cherchant les moyens de tirer le peuple de son dénuement actuel. Suivant mes avis sur les affaires humaines, tu dénombreras l'armée soigneusement et tu la diviseras par groupes de dix mille hommes[41], auxquels tu désigneras des chefs choisis, puis par groupes de mille. Ensuite tu les diviseras en groupes de cinq cents, puis de cent, puis de cinquante[42]... Ces groupes auront des chefs qui tiendront leur titre du nombre d'hommes qu'ils commanderont ; ils seront reconnus partout le peuple pour des gens de bien et des hommes justes, et connaîtront des différends des gens de leur groupe. Pour les affaires plus importantes, ils en référeront, au sujet de la décision à prendre, aux magistrats plus élevés ; et, si à ceux-ci également les difficultés de l'affaire échappent, c'est à toi qu'ils la renverront. Il en résultera ainsi deux choses : les Hébreux obtiendront justice, et toi, par ton commerce assidu avec Dieu, tu le rendras plus propice à l'armée ».

2[43]. Ragouël l'ayant ainsi exhorté, Moïse accepte avec plaisir ses avis et fait tout conformément à son plan, sans dissimuler l'origine d'une telle mesure et sans s’en approprier le mérite, mais en désignant clairement l'inventeur au peuple. Même il a inscrit dans les livres le nom de Ragouël comme l'inventeur de ladite organisation, estimant qu'on fait bien de rendre un fidèle témoignage au mérite[44], quelque gloire que puissent rapporter à celui qui les enregistre à son compte les inventions d'autrui ; c'est ainsi qu'on peut connaître jusqu'en ce trait les vertus de Moïse.
Mais nous aurons d'excellentes occasions de parler de ces vertus dans d'autres passages de notre ouvrage.

Chapitre V

Moïse, étant monté sur le mont Sinaï et ayant reçu de Dieu les lois, les transmet aux Hébreux

1. Moïse monte au Sinaï. - 2. Orage miraculeux sur la montagne. - 3. Discours de Moïse aux Hébreux. - 4. Transmission des dix commandements. - 5. Leur sens. - 6. Les Hébreux demandent des lois. - 7. Moïse remonte au Sinaï ; son absence inquiète les Hébreux. - 8. Il revient avec les Tables de la loi.

1[45]. Moïse, ayant convoqué le peuple, leur dit qu'il partait, lui, vers le mont Sinaï pour s'entretenir avec Dieu et qu'après avoir reçu de lui un oracle[46], il reviendrait le leur apporter ; quant à eux, il leur commanda de transférer leur campement près de la montagne, par préférence pour le voisinage de Dieu. Cela dit, il monte au Sinaï, qui était la montagne la plus haute de ces parages et dont les dimensions étaient si extraordinaires et les escarpements si abrupts que, non seulement elle était impossible à gravir, mais qu’on ne pouvait même la contempler sans se fatiguer le regard, d'autant plus que ce qu’on disait du séjour de Dieu la rendait redoutable et inaccessible. Cependant les Hébreux, conformément aux instructions de Moïse, changent leur camp de place et viennent occuper le pied de la montagne, s'exaltant à la pensée que Moïse reviendrait d'auprès de Dieu avec l'annonce de ces biens qu'il leur avait fait espérer. Tous en fêtes, ils attendent leur chef, observant toute pureté en général et, en particulier, s'abstenant du commerce des femmes durant trois jours, comme il le leur avait prescrit, et priant Dieu qu'après un accueil favorable, il donne à Moïse un présent qui les fasse vivre heureux. Ils font aussi des repas plus somptueux et mettent un soin particulier à se parer en même temps que leurs femmes et leurs enfants.

2[47]. Ils passent ainsi deux jours en festins. Le troisième avant le lever du soleil, une nue se pose sur tout le camp des Hébreux, qui n'avaient jamais vu encore pareil phénomène, et environne l'emplacement où ils avaient établi leurs tentes. Et, tandis que le reste du ciel restait serein, des vents impétueux, amenant des pluies violentes, font rage, des éclairs terrifient les regards, et la foudre qui s'abat atteste la présence d'un Dieu propice aux vœux de Moïse. Au sujet de ces événements chacun de mes lecteurs peut penser ce qu'il voudra ; quant à moi, je suis obligé d'en faire un récit conforme à ce qui est consigné dans les saints Livres. Pour ce qui est des hébreux, ce qu'ils virent et le fracas qui frappait leurs oreilles les mit dans une vive agitation, car ils n'y étaient pas accoutumés et la rumeur qui courait au sujet de cette montagne, qui passait pour le séjour de Dieu, frappait singulièrement leur imagination. Ils se tenaient contre leurs tentes, mornes, croyant que Moïse avait péri victime de la colère de Dieu, et s'attendant pour leur part au même sort.

3[48]. Tel était leur état d'esprit quand apparaît Moïse, rayonnant et plein de hautes pensées. Sa vue les délivre d'inquiétude et leur fait concevoir pour l'avenir de meilleures espérances ; l'air redevint serein et pur des récentes perturbations, quand Moïse arriva. La-dessus, il convoque le peuple en assemblée pour entendre ce que Dieu lui a dit. Dès qu'ils sont réunis, il se place sur une hauteur, d'où tous pouvaient l'entendre, et dit[49] : « Hébreux, Dieu, comme naguère, m'a accueilli avec bonté et, pour vous prescrire des règles de vie heureuse et un gouvernement ordonné, il va paraître lui même dans le camp. C'est pourquoi, par égard pour lui et tout ce qu'il a déjà fait pour vous, ne méprisez pas ce que je vais dire en me considérant, moi qui vous parle, ou sous prétexte que c'est une bouche humaine qui vous le transmet. Car, si vous considérez l'excellence de mes paroles, vous reconnaîtrez la grandeur de celui qui l'a conçu et qui, dans votre intérêt, n'a pas dédaigné de me les confier. Ce n'est pas Moïse, fils d'Amaram et de Jocabed, c'est celui qui a contraint le Nil à rouler en votre faveur des flots sanglants et dompté par toutes sortes de fléaux l'orgueil des Égyptiens, celui qui, à travers la mer, vous a ouvert un chemin, celui qui a fait descendre une nourriture du ciel quand vous étiez dans le besoin, celui qui a fait jaillir du rocher l'eau qui vous manquait, celui grâce à qui Adam reçut les produits de la terre et de la mer, grâce à qui Noé échappa au déluge, grâce à qui Abram, notre ancêtre, cessant d'errer, s'établit dans la Chananée, celui qui a fait naître Isac de parents d'âgés, qui orna Jacob des vertus de douze fils, grâce à qui Joseph gouverna la puissance des Égyptiens, c'est celui-là qui vous favorise de ses commandements en se servant de moi comme interprète. Qu'ils aient toute votre vénération ; soyez-en plus jaloux que de vos enfants et de vos femmes. Vous aurez une vie de félicité si vous les suivez ; vous jouirez d'un pays fertile, d'une mer à l'abri des orages, et vos enfants naîtront d'une façon normale et vous serez redoutables à vos ennemis. Car, admis à la contemplation de Dieu, il m'a été donné d'entendre sa voix immortelle, tant il prend souci de votre race et de sa conservation ! »

4[50]. Après ces paroles, il fait avancer le peuple avec les femmes et les enfants, pour entendre Dieu leur parler de leurs devoirs, afin que la vertu de ces paroles ne fût pas altérée par le langage humain, qui les eût affaiblies en les transmettant à leur connaissance. Tous entendent une voix venue d'en haut, elle leur parvient à tous, de manière qu'ils ne perdent aucune de ces dix paroles que Moïse a laissées écrites sur les deux tables. Ces paroles, il ne nous est plus permis[51] de les dire explicitement, en toutes lettres, mais nous en indiquerons le sens.

5. La première parole nous enseigne que Dieu est Un, qu'il ne faut vénérer que lui seul[52]. La deuxième nous commande de ne faire aucune image d'animal[53] pour l'adorer, la troisième de ne pas invoquer Dieu en vain, la quatrième d'observer chaque septième jour en nous abstenant de tout travail, la cinquième d'honorer nos parents, la sixième de nous garder du meurtre, la septième de ne point commettre d'adultère, la huitième de ne point voler, la neuvième de ne pas rendre de faux témoignages, la dixième de ne rien convoiter qui appartienne à autrui.

6[54]. Et le peuple, après avoir entendu Dieu lui-même leur dire ce que Moïse avait annoncé, se réjouit de ces paroles et l'assemblée fut dissoute. Les jours suivants, venant à maintes reprises vers la tente de Moïse, ils le prièrent de leur procurer aussi des lois de la part de Dieu. Moïse établit ces lois et il leur indiqua ultérieurement d'une façon complète comment on devait les pratiquer : j'en ferai mention en temps opportun. Mais, pour la majeure partie de ces lois, je les remets à un autre livre, car j'en ferai l'objet d'une exposition spéciale[55].

7[56]. Les choses en étaient là, quand Moïse gravit de nouveau le mont Sinaï, après en avoir averti les Hébreux. C'est sous leurs yeux qu'il effectua son ascension, mais, comme le temps passait - il y avait quarante jours qu'il s'était séparé d'eux -, la crainte saisit les Hébreux qu'il ne fût arrivé malheur à Moïse, et, entre toutes les infortunes qui les avaient atteints, rien ne les chagrinait comme de penser que Moïse avait péri. Il y avait contestation parmi les hommes : les uns disaient qu'il était tombé victime des bêtes fauves, - c'étaient principalement les gens dont les dispositions lui étaient hostiles qui émettaient cette opinion -, les autres disaient que la divinité l'avait retiré à elle. Mais les gens sensés, qui n'avaient de préférence personnelle pour aucun de ces deux avis, qui pensaient que mourir sous la dent des bêtes était un accident humain et qui estimaient vraisemblable aussi que, grâce à la vertu dont il était orné, il eût été transporté par Dieu auprès de lui, trouvaient dans ces pensées la quiétude. Pourtant, en songeant qu'ils étaient privés d'un patron et d'un protecteur tel qu'ils ne pourraient en trouver de semblable, ils ne cessaient de s'affliger extrêmement, et ni l'attente où ils étaient de quelque bonne nouvelle à son sujet ne les autorisait à prendre le deuil, ni ils ne pouvaient s'empêcher de pleurer et de montrer de l'abattement. Quant à lever le camp, ils n'osaient, Moïse leur ayant prescrit de l'attendre là.

8[57]. Lorsque quarante jours furent écoulés et autant de nuits, Moïse revint sans avoir goûté d'aucun aliment[58] de ceux qui sont en usage parmi les hommes. Son apparition remplit l'armée de joie ; il leur dévoila la sollicitude que Dieu témoignait à leur égard, disant qu'il lui avait montré pendant ces jours comment ils devraient s'administrer pour vivre heureux, et que Dieu voulait qu'on lui fît un tabernacle[59] où il descendrait quand il viendrait auprès d'eux, « afin que, dit-il, dans nos déplacements nous l'emportions avec nous et qu'il ne nous soit plus nécessaire de monter au Sinaï, mais que Dieu lui-même, fréquentant ce tabernacle, soit présent à nos prières. Ce tabernacle se fera dans les dimensions et avec l'aménagement qu'il a lui-même indiqués et vous vous mettrez à ce travail activement ». Cela dit, il leur montre deux tables[60] où se trouvaient gravées les dix paroles, cinq sur chacune d'elles[61]. EL l'écriture était de la main de Dieu[62].

Chapitre VI

Du tabernacle que Moïse édifia dans le désert en l’honneur de Dieu, pour servir de temple.

I. Les matériaux du tabernacle. - 2. Description de l'atrium (parvis). - 3. Le tabernacle proprement dit - 4. Son aménagement intérieur. - 5. L'arche. - 6. La table. - 7. Le candélabre. - 8. Les deux autels.

1[63]. Joyeux de ce qu'ils avaient vu et de ce qu'ils avaient ouï dire à leur chef, ils ne se lassèrent pas de déployer tout le zèle dont ils étaient capables. Ils apportent de l'argent, de l'or et du cuivre, des bois de la nature la plus précieuse et qui n'avaient rien à craindre de la putréfaction[64], du poil de chèvre, et des peaux de moutons, les unes teintes en violet d'hyacinthe, les autres en écarlate ; d'autres offraient l'éclat de la pourpre ; d'autres avaient la couleur blanche. Ils apportent aussi des laines teintes de ces mêmes couleurs, de fin lin byssus, avec des pierres encastrées dans leurs tissus, de celles que les hommes enchâssent dans l'or et qui leur servent de parure de prix, enfin une quantité d'aromates. C'est avec ces matériaux que Moïse construisit le tabernacle, qui ne différait en rien d'un temple portatif et ambulant. Tous ces objets ayant été rassemblés avec empressement, chacun ayant fait ce qu'il pouvait et au-delà, il prépose des architectes aux travaux, selon les instructions de Dieu, ceux-là mêmes que le peuple eût choisis s'il en eût eu le droit. Voici quels étaient leurs noms[65] - car on les trouve consignés dans les livres saints - : Béséléèl(os)[66], fils d'Ouri, de la tribu de Juda, petit-fils de Mariamme, la sœur du chef, et Eliab(os)[67], fils d'Isamach(os)[68], de la tribu de Dan. Mais le peuple mettait tant d'ardeur à s'engager dans cette entreprise que Moïse dut les écarter, en faisant proclamer qu'il y avait assez de monde[69] ; c'est ce que les artisans lui avaient dit. Ils se mettent donc à la confection du tabernacle. Et Moïse leur donna, conformément au plan de Dieu, les indications détaillées au sujet des mesures, au sujet de la grandeur du tabernacle et des objets qu'il devait contenir pour le service des sacrifices. Les femmes elles-mêmes[70] rivalisaient de zèle à fournir les vêtements sacerdotaux et tout ce qui était nécessaire encore à l'ornementation de l’œuvre et au service divin.

2. Quand tout fut prêt, l'or, [l'argent], l'airain, et les tissus, Moïse, après avoir prescrit une fête et des sacrifices selon les moyens de chacun, dresse le tabernacle[71]. Il commence par mesurer avec soin une cours[72] de cinquante coudées de large et de cent coudées de long ; il y plante des pieux de cuivre de cinq coudées de haut, vingt de chaque côté dans le sens de la longueur et dix dans la largeur du côté qui faisait le fond. Des anneaux étaient adaptés à chacun de ces pieux. Les chapiteaux étaient en argent, les socles, qui ressemblaient à des pieds de lance, étaient de cuivre et s’enfonçaient dans le sol[73]. Aux anneaux étaient fixées des cordes dont l’autre extrémité était attachée à des piquets de cuivre longs d'une coudée qui, pour chaque pieu, s'enfonçaient en terre de façon à rendre le tabernacle immobile sous la poussée des vents. Un voile de byssus extrêmement fin régnait sur tous ces pieux ; il pendait du chapiteau jusqu'au socle, se déployant avec ampleur et il environnait tout cet espace d'une enceinte qui ne paraissait pas différer d'un mur. Tel était l'aspect de trois faces de l'aire sacrée. Dans la quatrième (cette dernière, qui avait cinquante coudées, formait le front de l'ensemble) vingt coudées s'ouvraient en porte, où se trouvaient de part et d'autre deux pieux à l'imitation de pylônes ; ces pieux étaient entièrement revêtus d'argent[74] à l'exception des socles, lesquels étaient en cuivre. De chaque côté du porche[75], se dressaient trois pieux solidement introduits dans les montants qui soutenaient les portes et fortement ajustés ; autour de ces pieux aussi était tendu un voile tissé de byssus. Mais devant les portes, sur une longueur de vingt coudées et une hauteur de cinq, régnait un voile de pourpre et d'écarlate, tissé avec l'hyacinthe et le byssus, garni de quantité d'ornements de couleurs variées, mais sans rien qui représentât des formes d'animaux[76]. En dedans des portes se trouvait un bassin de cuivre[77] destiné aux aspersions, avec un fondement du même métal ; c'est là que les prêtres pouvaient se laver les mains et répandre de l'eau sur leurs pieds. C'est ainsi que l'enceinte de la cour sacrée était aménagée.

3[78]. Quant au tabernacle, Moïse le dresse au milieu en le tournant du côté de l'orient, afin que le soleil, aussitôt à son lever, lui envoyât ses rayons. Sa longueur s'étendait sur trente coudées, sa largeur sur dix ; l'un des murs était au sud, l'autre au nord ; derrière le fond se trouvait le couchant. Il fallait lui donner une hauteur égale à la largeur. Chaque flanc était formé de solives de bois au nombre de vingt[79], taillées en forme rectangulaire, larges d'une coudée et demie, avec une épaisseur de quatre doigts[80]. Elles portaient de tous les côtés un revêtement de lames d'or, sur les parties intérieures comme sur les parties extérieures. Chacune d'elles était pourvue de deux tenons s'enfonçant dans deux socles ; ceux-ci étaient en argent et avaient chacun une ouverture pour recevoir les tenons. Le mur occidental avait six solives, fixées toutes soigneusement les unes aux autres, de sorte que, les joints se trouvant bien clos, elles semblaient ne faire qu'un mur; elles étaient dorées sur la partie interne et externe. Ainsi le nombre des solives était en proportion de la longueur de chaque face. [Sur les grands côtés] il y en avait vingt et l'épaisseur de chacune d'elles était d'un tiers d'empan[81] [la largeur d'une coudée et demie][82], de sorte qu'elles remplissaient une longueur de trente coudées. Du côté du mur d'arrière, où les six solives réunies ne faisaient que neuf coudées, on fit deux autres solives chacune d'une [demi-] coudée[83] qu'on plaça aux angles et qu'on orna de la même façon que les solives plus larges. Toutes ces solives étaient garnies d'anneaux d'or sur leur face externe, bien encastrées comme par des racines, alignées et se correspondant mutuellement sur tout le pourtour ; par ces anneaux passaient des barres dorées d'une longueur de cinq coudées[84] servant à assembler les solives entre elles ; chaque barre entrait par son extrémité dans la suivante comme dans une vertèbre artificielle faite en forme de coquillage. Du côté du mur postérieur se trouvait une barre unique qui passait par toutes les solives et où pénétraient transversalement les extrémités des barres de chacun des deux grands côtés : ce qui les assujettissait comme par des charnières, la pièce mâle s'emboîtant dans la pièce femelle. Tout cela maintenait le tabernacle, en l'empêchant d'être agité par les vents ou par toute autre cause, et devait lui procurer l'immobilité et une stabilité parfaite.

4[85]. A l'intérieur, divisant sa longueur en trois parties, à dix coudées du fond il dressa quatre solives, fabriquées comme les autres, posées sur des socles identiques, en les espaçant un peu entre elles ; au-delà de ces solives c'était le sanctuaire secret ; le reste du tabernacle était ouvert aux prêtres. Il se trouva que cette division du tabernacle imitait la nature universelle[86]. En effet, la troisième partie, en dedans des quatre solives, qui était inaccessible aux prêtres, s’ouvrait comme le ciel à Dieu ; l'espace des vingt coudées, comme la terre et la mer sont accessibles aux hommes, était de même accordé aux seuls prêtres. Mais sur le front, où on avait fait l'entrée, se dressaient des solives d'or posées sur des socles d'argent, au nombre de cinq. On recouvrait le tabernacle de tissus où le byssus se mêlait à la pourpre, à l'hyacinthe et à l’écarlate. Le premier avait dix coudées de côté ; il était tendu devant les colonnes qui, divisant transversalement le temple, en interdisaient l'intérieur ; et c'est ce voile qui empêchait que personne pût y jeter les regards. L'ensemble du temple s'appelait Saint, mais la partie inaccessible en dedans des quatre solives, le Saint des Saints. Cette tenture était fort belle, parsemée des fleurs les plus diverses[87] que porte la terre, et portant dans son tissu tous les ornements propres à l'embellir, à l'exception des figures d'animaux[88]. Une autre[89],toute pareille par les dimensions, par le tissu et par la couleur, couvrait les cinq solives situées à l'entrée ; à l'angle de chaque solive un anneau la maintenait et elle pendait du sommet jusqu'à mi-hauteur de la solive ; le reste de l'espace livrait passage aux prêtres qui y pénétraient. Par dessus cette tenture, il y en avait une autre de mêmes dimensions faite de lin, qu'on tirait à l'aide de cordons d'un côté ou de l'autre ; des anneaux étaient adjoints au voile et au cordon pour le déployer ou le retenir, après qu'on l'aurait tiré dans l'angle, afin qu'il n'interceptât point la vue, surtout dans les jours exceptionnels. Les autres jours, et principalement quand le temps était neigeux, on le déployait et on en faisait ainsi un abri imperméable pour le voile de couleurs : de là l'usage s'est maintenu, même quand, nous avons construit le temple, d'étendre ainsi un rideau devant l'entrée. Dix autres[90] tentures de quatre coudées de large et de vingt-huit coudées de long, pourvues de charnières d'or[91], s'adaptaient ensemble par l'insertion des gonds dans les cylindres, de façon à présenter l'aspect d'une seule et même pièce[92]. Tendues ensuite par-dessus le sanctuaire, elles couvraient tout le haut ainsi que les parois latérales et postérieures jusqu'à une distance d'une coudée du sol. Il y avait encore d'autres tentures[93] d'égale largeur, plus nombreuses d'une pièce que les précédentes, et d'une longueur plus considérable : elles avaient, en effet, trente coudées. Elles étaient tissées de poil, mais présentaient la même finesse de travail que celles de laine : on les laissait pendre librement jusqu'à terre[94], et aux portes elles offraient l'aspect d'un fronton et d'un portique, la onzième pièce étant employée à cet effet. D'autres pièces recouvraient celles-ci, préparées avec des peaux ; elles servaient d'enveloppe et de protection aux tissus contre les ardeurs du soleil ainsi qu'en cas de pluie. On était tout à fait saisi quand on les regardait de loin : leur coloration paraissait toute semblable à celle qu'on peut voir dans le ciel. Les couvertures de poils et de peaux descendaient également sur le voile tendu contre la porte pour la défendre du soleil et des dégâts causés par les pluies.

5. C'est ainsi que fut construit le tabernacle. On fit aussi pour Dieu une arche[95] de bois solide et incapable de se putréfier[96]. Cette arche se nomme érôn[97] dans notre langue. Elle était constituée de la façon suivante : elle avait une longueur de cinq empans[98], une largeur et une hauteur égales de trois empans. En dedans et en dehors elle était toute recouverte d'or de façon à masquer la boiserie ; par des pivots[99] d'or un couvercle la fermait avec une merveilleuse exactitude ; il s'y adaptait partout également ; nulle part aucune saillie ne blessait cette heureuse correspondance. A chacun de ces grands côtés étaient fixés deux anneaux d'or qui traversaient tout le bois et dans ces anneaux passaient de petites barres dorées de chaque côté, pour permettre, quand il le faudrait, de mettre l'arche en mouvement et de la déplacer - car on ne la transportait pas à dos de bêtes, c'étaient les prêtres qui s'en chargeaient. Sur le couvercle se trouvaient deux figures, que les Hébreux appellent Cheroubeis[100]. Ce sont des êtres ailés, d'une forme telle que jamais on n'en a vu de semblable sous le ciel. Moïse dit qu'il les a vus sculptés en bas-relief sur le trône de Dieu[101]. C'est dans cette arche qu’il déposa les deux tables, où se trouvaient consignées les dix paroles, cinq sur chaque table[102] et deux et demie par colonne, et il plaça l'arche elle-même dans le sanctuaire.

6[103]. Dans le temple, il dressa une table pareille à celles de Delphes, de deux coudées de long, d'une coudée de large et de trois empans de haut. Elle reposait sur des pieds qui dans leur moitié inférieure étaient sculptés, avec un art achevé, pareils à ceux que les Doriens mettent à leurs lits ; dans la partie supérieure, près de la table proprement dite, on leur avait donné une forme quadrangulaire. Elle était évidée de chaque côté sur une profondeur d'environ quatre doigts[104] ; un liseré courait autour de la partie supérieure et de la partie inférieure du corps de la table. Chaque pied était muni d'un anneau, non loin du couvercle ; par ces anneaux passaient des barres dorées, intérieurement en bois, et qu'on pouvait retirer facilement. En effet, la partie du pied embrassée par l'anneau était creuse (?) ; les anneaux mêmes n'étaient pas tout d'une pièce ; au lieu de faire un cercle complet, leurs extrémités se terminaient en deux pointes, dont l'une s'insérait dans le rebord supérieur de la table et l'autre dans le pied. C'est par ces appareils qu'on la transportait en route. Sur cette table, qu'on plaçait dans le temple en la tournant vers le nord, non loin du sanctuaire, on disposait douze pains[105] azymes en deux séries opposées de six, faits de farine de froment parfaitement pure, dont on prenait deux assarôns, mesure hébraïque qui vaut sept cotyles attiques[106]. Au-dessus des pains on posait deux coupes d'or remplies d'encens. Au bout de sept jours, on apportait de nouveaux pains, le jour que nous appelons sabbat ; c'est ainsi que nous appelons le septième jour. Quant à la raison qui fit imaginer tout cela, nous en parlerons ailleurs[107].

7[108]. Vis-à-vis de la table, mais près de la paroi tournée vers le midi, se trouvait un candélabre d'or fondu en creux du poids de cent mines, poids que les Hébreux appellent kinchares[109] ; ce qui, traduit en grec, répond à un talent. Il était composé de petites sphères et de lis avec des grenades[110] et de petits cratères ; en tout, soixante-dix objets[111]. Il était constitué par ces objets depuis la base, qui était unique, jusqu'en haut. On lui avait donné autant de branches qu'on compte de planètes avec le soleil. Il se séparait en sept têtes disposées à intervalles égaux sur une rangée. Chaque tête portait une lampe, rappelant le nombre des planètes ; elles regardaient l'orient et le midi, le candélabre étant disposé obliquement.

8[112]. Entre ce dernier et la table, en dedans, se trouvait, comme j'ai déjà dit, un encensoir en bois, du même bois imputrescible qui les ustensiles précédents, avec une lame de métal massive incrustée tout autour. Il avait une coudée de large de chaque côté et deux coudées de haut. Sur cet encensoir était disposé un brasier d'or, pourvu à chaque angle d'une couronne[113] formant un cercle d'or ; à ces couronnes s'adaptaient des anneaux et des barres qui servaient aux prêtres à porter l'encensoir en route. On érigea aussi par devant le tabernacle un autel de cuivre[114], dont l'intérieur était aussi en bois ; il mesurait cinq coudées carrées de surface, et trois coudées de haut ; il était également orné d'or et soigneusement recouvert de lames de cuivre avec un foyer pareil à un réseau ; c'était, en effet, la terre qui recevait tout le feu qui tombait du foyer[115], la base ne s'étendant pas sous toute la surface de l'autel. En face de l'autel étaient placées des cruches à vin, des coupes, avec des cassolettes et des cratères d'or[116]. Tous les autres objets affectés au service sacré étaient faits de cuivre.
Tel était le tabernacle avec tous ses ustensiles.

Chapitre VII

Les vêtements des prêtres et ceux du grand-prêtre ; les différentes sortes de sanctifications ; des fêtes et des dispositions relatives à chacune d’elles.

1. Vêtements des prêtres ordinaires : le caleçon. - 2. La tunique ; la ceinture. - 3. Le bonnet. - 4. Vêtements du grand-prêtre : la tunique. - 5. L'éphoudès ; l'essèn avec les pierres précieuses ; la ceinture. - 6. Le bonnet et la couronne d'or. - 7. Symbolisme de ces vêtements.

1[117]. On fit aussi des vêtements pour les prêtres tant pour ceux qu'on appelle chaanées[118] que pour le grand-prêtre, qu'on intitule anarabaque[119], ce qui signifie grand-prêtre…[120] Quand le prêtre va accomplir les rites sacrés, après avoir accompli les purifications qu'exige la loi, il commence par revêtir ce qu'on appelle le machanasès[121]. Ce mot veut dire un vêtement étroitement ajusté ; c'est un caleçon qui couvre les parties naturelles et qui est tissé de fin lin ; on y introduit les jambes comme dans des braies ; il est coupé à mi-corps et se termine aux cuisses, autour desquelles il se serre[122].

2[123]. Par dessus, il revêt un vêtement de lin, fait d'un double tissu[124] de byssus. On l'appelle chéthoméné[125], c'est-à-dire : tissu de lin ; en effet, nous appelons le lin chéthôn. Ce vêtement est une tunique qui descend jusqu'aux talons[126] ; elle est ajustée au corps, avec de longues manches[127] serrées autour des bras ; on l'attache sur la poitrine et on l'enserre, un peu au-dessus de l'aisselle, d'une ceinture[128] large d'environ quatre doigts et faite d'un tissu ajouré[129] qui la rait ressembler à de la peau de serpent. Des fleurs se mêlent à son tissu, aux teintes variées d'écarlate, de pourpre, d'hyacinthe[130] ; la trame est uniquement de byssus. On commence à l'enrouler sur le sternum[131] ; puis après un nouveau tour on la noue et elle pend encore d'une grande longueur jusqu'aux talons, tant que le prêtre n'a rien à faire[132] ; car pour l’œil, c'est ainsi qu'elle présente un aspect agréable. Mais quand il lui faut vaquer aux sacrifices et faire son service, pour n'être pas gêné dans ses opérations par les mouvements de l'étoffe, il la rejette en haut et la porte sur l'épaule gauche. Moïse lui a donné le nom d'abaneth[133] ; nous, les Babyloniens nous ont appris à la nommer émian[134], car c’est ainsi qu'on la désigne chez eux. Cette tunique ne fait de plis nulle part ; elle présente une large ouverture à l'endroit du cou ; à l'aide de cordonnets pendant du bord du vêtement du côté de la poitrine et du côté du dos, on l'attache au-dessus de chaque épaule. Elle s'appelle mazabazanès[135].

3. Sur sa tête, le prêtre porte une calotte sans pointe et qui ne couvre pas la tête tout entière, mais se pose un peu au-dessus de sa partie médiane. Son nom est masanaemphthès[136] ; elle est arrangée de façon à ressembler à une couronne, consistant en un épais ruban fait d'un tissu de lin[137] ; car elle est repliée sur elle-même et cousue[138] plusieurs fois. Ensuite un tissu vient par en haut recouvrir la calotte en descendant jusqu'au front ; il cache la couture du ruban et tout ce qu'il présente de disgracieux et entoure tout le crâne d'une étoffe unie. On l'ajustait avec soin, de crainte qu'il ne roulât à terre pendant que le prêtre s'occupait du service sacré.

4[139]. Nous venons de montrer comment s'habille le commun des prêtres.
Quant au grand-prêtre, il se pare de la même façon, sans rien omettre de ce qui vient d'être dit, mais il revêt, en outre, une tunique faite d'hyacinthe. Elle descend également jusqu'aux pieds : on l'appelle méeir[140] dans notre langue ; elle est enserrée par une ceinture ornée des mêmes teintes variées qui fleurissaient la précédente, avec de l'or mêlé à son tissu. A son bord inférieur sont cousues des franges qui pendent et rappellent par leur couleur les grenades, et des clochettes d'or arrangées avec un vif souci de l'harmonie, de façon à insérer entre deux clochettes une grenade et entre deux grenades une clochette. Mais cette tunique n'est pas composée de deux pièces qui seraient cousues sur les épaules et sur les côtés ; c'est un seul morceau, d'un long tissu qui présente une ouverture pour le cou, non pas transversale, mais fendue dans le sens de la longueur depuis le sternum jusqu'au milieu de l'espace situé entre les deux épaules. Une frange y est cousue pour qu'on ne s'aperçoive pas de ce que la fente à de disgracieux. Il y a également des ouvertures par où passent les mains[141].

5[142]. Par-dessus ces vêtements, il en revêt un troisième, celui qu'on appelle éphoudès[143] ; il ressemble à l'épômis des Grecs. Il est fait de la façon suivante. Tissé sur une longueur d'une coudée, de couleurs variées et brodé aussi d'or, il laisse à découvert le milieu de la poitrine ; il est pourvu de manches et présente toute l'apparence d'une tunique[144]. Dans la lacune de ce vêtement s'insère un morceau de la largeur d'une palme, tout brodé d'or et des mêmes couleurs que l'éphoudès[145]. Il s'appelle essèn[146], mot qui se traduirait en grec par logion[147] (oracle). Il remplit exactement la place qu'on a laissée vide dans le tissu à l'endroit de la poitrine. Il s'y unit, grâce a des anneaux d'or qu'il porte à chaque angle, à des anneaux pareils de l'éphoudès qui leur correspondent, un fil d'hyacinthe passant dans ces anneaux pour les relier ensemble. Et pour qu'on ne vît pas de jour entre ces anneaux, on imagina d'y coudre un galon d'hyacinthe. Deux sardoines[148] agrafent l'épômis sur les épaules, car elles ont de part et d'autre des extrémités en or qui s’étalent et font office de crochets. Sur ces pierres sont gravés les noms des fils de Jacob dans notre langue et en caractères indigènes, six sur chaque pierre ; les noms des plus âgés[149] sont sur l'épaule droite - sur l'essèn se trouvent aussi des pierres au nombre de douze[150], d'une grandeur et d'un éclat extraordinaires, parure que les hommes ne pourraient se procurer à cause de sa valeur énorme. Ces pierres donc sont rangées trois par trois sur quatre lignes et insérées dans le tissu. Autour de ces pierres s'enroulent des fils d'or, qui font partie du tissu, et disposés de manière à les empêcher de s'échapper. La première triade comprend une sardoine, une topaze, une émeraude ; la seconde présente une escarboucle, un jaspe, un saphir ; la troisième a d'abord un morceau d'ambre, puis une améthyste, et, en troisième lieu, une agate, la neuvième pierre de l'ensemble ; dans la quatrième rangée est disposée d'abord une chrysolithe, après cela un onyx, puis un béryl pour finir[151]. Sur toutes ces pierres sont gravées des lettres composant les noms des fils de Jacob, que nous considérons comme des phylarques, chaque pierre étant décorée d'un de ces noms, selon l'ordre même de leur naissance respective[152]. Comme les anneaux sont trop faibles par eux-mêmes pour supporter le poids des pierres, on mit deux autres anneaux plus grands au bord de l'essèn le plus rapproché du cou, en les insérant dans le tissu et en les disposant de manière à recevoir des chaînes travaillées qui se rejoignent sur le haut des épaules et s'adaptent l'une à l'autre grâce à des ligaments d'or entrelacés. L'extrémité de ces chaînes, ramenée en sens inverse, allait se fixer dans l'anneau supérieur de la lisière dorsale de l'éphoudès, ce qui garantissait l'essèn de toute chute. A l'essèn était cousue une ceinture[153] garnie des mêmes ornements de couleur mêlés d'or dont j'ai déjà parlé ; cette ceinture, après avoir fait un tour, revenait se nouer par-dessus la couture, puis retombait et pendait. Quant aux franges, des étuis d'or[154] les recevaient à chaque extrémité de la ceinture et les tenaient toutes enfermées.

6[155]. Comme coiffure, le grand-prêtre avait d'abord un bonnet fait de la même façon que celui de tous les prêtres ; mais, par dessus, s'en trouvait cousu un second[156] de couleur d'hyacinthe ; une couronne d'or l'entourait, composée de trois cercles ; sur cette couronne fleurissait un calice d'or rappelant la plante que nous appelons chez nous saccharon[157], mais que les Grecs versés dans l'art de cueillir les simples appellent jusquiame. S'il y a des personnes qui tout en ayant vu cette plante, ignorant son nom, n'en connaissent pas la nature, ou bien, tout en sachant son nom, ne la connaissent pas de vue, pour celles-là je m'en vais la décrire. C'est une plante dont la hauteur dépasse souvent trois palmes, et qui ressemble par sa racine au navet - on pourrait sans inexactitude risquer cette comparaison, - et par ses feuilles à la roquette[158]. Du milieu de ses branches elle émet un calice qui tient fortement au rameau ; une enveloppe le recouvre qui se détache d'elle-même quand il commence à se transformer en fruit. Ce calice est grand comme une phalange du petit doigt et ressemble par son contour à un cratère. J'indique ceci également pour ceux qui ne l'ont pas appris : il présente dans sa partie inférieure la moitié d'une balle qui serait divisée en deux, car il est arrondi dès la racine, puis, après s'être un peu rétréci par une légère courbe rentrante d'une forme gracieuse, il s'élargit de nouveau insensiblement en sépales fendus comme l'ombilic d'une grenade. De plus, un opercule hémisphérique le recouvre, qu'on dirait soigneusement fait au tour et que surmontent les sépales découpés qui, je l'ai dit, se développent comme dans la grenade, garnis d'épines, aux extrémités, finissant tout à fait en pointe. La plante conserve sous cet opercule ses fruits, qui remplissent toute l'étendue du calice, fruits pareils à la semence de la plante dite sidérite, et elle produit une fleur qui parait comparable aux feuilles claquantes du pavot. C'est sur le modèle de cette plante qu’on garnit la couronne qui va de la nuque aux deux tempes ; quant au front, l'éphiélis ne le couvrait pas (c'est le nom qu'on peut donner au calice) ; il y avait là une lame d'or[159] qui portait gravé en caractères sacrés le nom de Dieu.

7. Telle était la parure du grand-prêtre. On peut trouver surprenante la haine que les hommes ont pour nous et qu'ils ne cessent de nous témoigner sous prétexte que nous méprisons la divinité, qu'eux-mêmes se flattent de révérer : car si on réfléchit à la construction du tabernacle et qu'on regarde les vêtements du prêtre et les ustensiles dont nous nous servons pour le ministère sacré, on découvrira que notre législateur était un homme divin et que ce sont de vaines calomnies dont nous sommes l'objet. En effet, la raison d'être de chacun de ces objets, c'est de rappeler et de figurer l'univers[160], comme on le verra si l'on consent à examiner sans haine et avec discernement. Ainsi pour le tabernacle, qui a trente coudées de long, en le divisant en trois parties et en en abandonnant deux aux prêtres comme un lieu accessible à tous, Moïse représente la terre et la mer, lesquelles sont, en effet, accessibles à tous ; mais la troisième partie, il l'a réservée à Dieu seul, parce que le ciel aussi est inaccessible aux hommes. En mettant sur la table les douze pains, il rappelle que l'année se divise en autant de mois. En faisant un candélabre composé de soixante-dix parties, il rappelle les dix degrés des planètes, et par les sept lampes qu'il porte les planètes elle-mêmes[161] ; car tel est leur nombre. Les voiles tissés des quatre espèces symbolisent les éléments naturels : ainsi le byssus paraît désigner la terre, puisque c'est d'elle que naît le lin ; la pourpre désigne la mer, parce qu'elle est rougie du sang des poissons ; l'air doit être désigné par l'hyacinthe, et l'écarlate serait le symbole du feu. Mais la tunique du grand-prêtre[162], faite de lin, désigne également la terre et l'hyacinthe le ciel ; elle ressemble aux éclairs par ses grenades, et au tonnerre par le bruit de ses clochettes. Et l'éphaptis[163] représente la nature universelle, parce que Dieu a voulu qu'elle fût faite de quatre substances ; elle est, de plus, tissée d'or, par allusion, j’imagine, à la lumière du soleil qui s'ajoute à tous les objets. L'essèn a été disposé au milieu de l'éphaptis à la manière de la terre, laquelle, en effet, se trouve à l'endroit le plus central. La ceinture qui en fait le tour représente l'océan ; car celui-ci environne tout étroitement. Le soleil et la lune sont figurés par les deux sardoines au moyen desquelles Moïse agrafe le vêtement du grand-prêtre. Quant aux douze pierres, qu'on veuille y voir les mois, ou bien les constellations qui sont en même nombre, - ce que les Grecs appellent le cercle du zodiaque -, on ne se méprendra pas sur ses intentions. Enfin, le hutinet d'hyacinthe me parait représenter le ciel, - autrement on n'aurait pas mis sur lui le nom de Dieu -, ce bonnet décoré d'une couronne, et même d'une couronne d'or à cause de sa couleur éclatante, qui plaît particulièrement à la divinité.
Qu'il me suffise d'avoir donné ces indications, car mon sujet me fournira encore souvent l'occasion de m'étendre longuement sur les mérites du législateur.

Chapitre VIII

1. Aaron est nommé grand-prêtre. - 2. Tentures protectrices du tabernacle ; contribution du demi-sicle. - 3. Les parfums de purification. – 4. Consécration du tabernacle. - 5. Apparition de la nuée divine. - 6. Cérémonies de l'inauguration. - 7. Mort des deux fils aînés d'Aaron. - 8. Rôle de Moïse. - 9. Les pierres précieuses du grand-prêtre. - 10. Sacrifices offerts par les douze phylarques ; entretiens de Moïse avec Dieu.

1[164]. Lorsque le tabernacle dont il vient d'être parlé fut achevé, avant que les offrandes fussent consacrées, Dieu, apparaissant à Moïse, lui prescrivit de conférer le sacerdoce à son frère Aaron, l'homme que ses vertus rendaient le plus digne de tous d'obtenir cette charge. Alors, réunissant le peuple en assemblée, il leur expose ses mérites et sa bonté ainsi que les dangers qu'il avait courus dans leur intérêt. Et comme eux témoignaient que tout cela était vrai et faisaient paraître leur vive sympathie pour lui : « Israélites, leur dit-il, voici que l’œuvre s'achève, telle qu'elle a plu à Dieu lui-même, et telle que nous avons pu l'accomplir. Mais comme il faut recevoir Dieu dans le tabernacle, quelqu'un nous est nécessaire au préalable pour faire fonctions de prêtre, pour s'acquitter des sacrifices et des prières en notre faveur. Et pour moi, si le soin d'en décider me revenait, je croirais mériter moi-même cette charge[165], d'abord parce que chacun à naturellement de l'amour-propre, ensuite parce que j'ai conscience de m'être donné beaucoup de mal pour votre salut. Mais enfin, Dieu lui-même a jugé qu'Aaron méritait cette dignité et c'est lui qu'il a choisi pour prêtre, sachant qu'il est le plus juste d'entre nous. Ainsi c'est lui qui revêtira la robe consacrée à Dieu, qui aura à s'occuper des autels et à veiller aux sacrifices, qui adressera des prières en votre faveur à Dieu qui les agréera, parce qu'il a souci de votre race et que, venant d'un homme qu'il a élu lui-même, il ne peut que les exaucer.
Les Hébreux furent satisfaits de ces paroles et acquiescèrent au choix divin. Car Aaron, à cause de sa famille, du don prophétique et des vertus de son frère, était le plus qualifié de tous pour cette dignité. Il avait quatre fils[166] en ce temps-là : Nabad(os), Abious[167], Eléazar(os), Itamar(os).

2[168]. Tout l'excédent[169] des matériaux affectés à la préparation du tabernacle, il ordonna de l'utiliser à faire des tentures protectrices pour le tabernacle lui-même, pour le candélabre, l'autel des parfums et les autres ustensiles, afin qu'en voyage ils ne subissent aucun dommage soit du fait de la pluie, soit par la poussière qu'on remuerait. Et après avoir réuni à nouveau le peuple, il leur imposa une contribution[170] qui se monterait à un demi-sicle par tête : le sicle, monnaie des Hébreux, équivaut à quatre drachmes attiques[171]. Ceux-ci obéirent avec empressement aux ordres de Moïse, et le nombre des contribuables fut de 605.550[172]. Apportaient l'argent tous les hommes libres âgés de vingt ans et au-delà jusqu'à cinquante, et tout ce qu'on réunit était dépensé pour les besoins du tabernacle.

3[173]. Il purifia le tabernacle et les prêtres, et voici comment il procéda à leur purification. Il fit broyer et pétrir 500 sicles de myrrhe choisie, autant d'iris et la moitié de ce poids de cinname et de calame[174] (c'est aussi une espèce de parfum), et, après les avoir mélangés et amollis par la cuisson avec un héïn d'huile d'olives, mesure de notre pays qui contient deux conges attiques, fit préparer selon l'art des parfums un onguent d'une suave odeur. Puis, l'ayant pris, il en oignit les prêtres en personne et tout le tabernacle et les mit en état de pureté ; et les parfums - il y en avait beaucoup et de toutes sortes - on les porta dans le tabernacle sur l'encensoir d'or, car ils avaient une grande valeur. Je me dispense d'exposer quelle était la nature de ces parfums, de crainte de fatiguer mes lecteurs. Deux fois par jour, avant le lever du soleil et à l'heure du coucher, on devait faire des fumigations et garder de l'huile purifiée pour les lampes, en faire luire trois sur le candélabre sacré devant Dieu durant tout le jour et n'allumer les autres que vers le soir[175].

4[176]. Tout dès lors étant achevé, les artisans qui parurent les plus excellents furent Béséléèl et Eliab. Car aux inventions déjà connues ils s'ingénièrent à en ajouter encore de meilleures et ils se montrèrent très capables d'imaginer ce qu'on ne savait pas fabriquer précédemment. Mais des deux, c'est Béséléèl qui fut estimé le plus habile. On ne mit en tout à l'ouvrage que sept mois[177] ; ce temps écoulé, la première année depuis leur départ d'Égypte se trouva achevée. Ce fut au début de la deuxième année[178], au mois de Xanthicos d'après les Macédoniens et de Nisan chez les Hébreux, et à la néoménie, que l'on consacra le tabernacle et tous ses ustensiles que j'ai décrits.

5. Dieu fit voir qu'il était satisfait de l’œuvre des Hébreux et, loin de rendre leur travail vain en dédaignant d'en faire usage[179], il consentit à pénétrer dans ce sanctuaire et à y habiter. Il y annonça sa présence comme il suit[180]. Tandis que le ciel était serein, au-dessus du tabernacle l'obscurité se fit, une nuée l'entoura qui n'était ni assez profonde ni assez dense pour qu'on se crût en hiver, ni cependant assez légère pour que la vue eût le pouvoir de rien percevoir au travers ; une rosée délicieuse en dégouttait[181] attestant la présence de Dieu pour ceux qui le voulaient et y croyaient.

6[182]. Moïse, après avoir gratifié de récompenses méritées les artisans qui avaient exécuté ces travaux, sacrifia dans le vestibule du tabernacle, selon les prescriptions de Dieu, un taureau, un bélier, et bouc pour les péchés. D'ailleurs, je me propose de dire, quand j'en serai aux sacrifices, les rites sacrés qui entourent leur accomplissement, j'y indiquerai ceux que la Loi ordonne de brûler en holocaustes et ceux dont elle permet de prélever des parties pour les consommer. Puis, avec le sang des victimes, il aspergea les vêtements d'Aaron et Aaron lui-même avec ses fils, en les purifiant avec de l'eau de Source et du parfum liquide afin de les donner à Dieu. Pendant sept jours donc, il s'occupa d'eux et de leurs costumes ainsi que du tabernacle et de ses ustensiles, en faisant d'abord des fumigations d'huile comme je l'ai déjà dit, avec le sang des taureaux et des béliers dont on immolait chaque jour un de chaque espèce ; le huitième jour, il annonça une fête pour le peuple et prescrivit qu'on offrit des sacrifices, chacun selon ses moyens. Les Hébreux, luttant de zèle et jaloux de se surpasser mutuellement par le nombre de leurs sacrifices respectifs, obéirent à ces instructions. Et quand les victimes furent déposées sur l'autel, un feu soudain en sortit[183], brûlant spontanément, et, pareil par sa flamme à la lueur d'un éclair, il consuma tout ce qui se trouvait sur l'autel.

7[184]. Mais ce fut cause aussi d'un malheur pour Aaron, pour l'homme et pour le père, malheur d'ailleurs vaillamment supporté par lui, car il avait l'âme affermie contre les accidents et il pensait que c'était par la volonté de Dieu que ce désastre lui arrivait. Deux d'entre ses fils, qui étaient au nombre de quatre, comme j'ai déjà dit, les plus âgés, Nabad et Abious, ayant apporté sur l'autel non les parfums qu'avaient prescrits Moïse, mais ceux dont ils s’étaient servis antérieurement, furent complètement brûlés, le feu s'étant élancé sur eux et s'étant mis à consumer leur poitrine et leur visage, sans que personne pût l'éteindre. C'est ainsi qu'ils moururent. Moïse ordonne à leur père et à leurs frères[185] de soulever leurs corps, de les emporter hors du campement et de les ensevelir en grande pompe. Le peuple les pleura, péniblement affecté par une mort survenue d'une façon si étrange. Moïse estima que seuls les frères et le père devaient s'abstenir de songer au chagrin de cette perte, en se souciant plus de rendre hommage à Dieu que de prendre une attitude désolée à cause de ces morts. Déjà, en effet, Aaron était revêtu des vêtements sacerdotaux.

8. Moïse, ayant décliné tous les honneurs qu'il voyait le peuple disposé à lui conférer, ne se consacra plus qu'au service de Dieu. Il avait cessé maintenant ses ascensions au Sinaï, mais, pénétrant dans le tabernacle, il y recevait réponse de ce qu'il demandait à Dieu. Il semblait un homme ordinaire par sa mise, et dans tout le reste il se donnait l'air de quelqu'un du commun ; il ne voulait pas que rien pût le distinguer de la foule, si ce n'est le seul souci de leur apparaître comme une providence. Au surplus, il écrivit une constitution et des lois, selon lesquelles ils mèneraient une vie agréable à Dieu, sans avoir rien à se reprocher les uns aux autres. Il organisa tout cela sous l'inspiration de Dieu.
Je vais m étendre maintenant sur la constitution et les lois.

9. Toutefois je veux rappeler d'abord un détail que j'avais laissé de côté touchant les vêtements du grand-prêtre. Moïse ne laissait aux coupables manœuvres des imposteurs aucune occasion de s'exercer, au cas où il y aurait eu des gens capables d'abuser de l'autorité divine, car il laissait Dieu absolument maître de présider aux sacrifices, quand il lui plaisait, ou de n'y pas assister. Et ce point, il a voulu qu'il apparût clairement non seulement aux Israélites, mais encore à tous les étrangers qui pourraient se trouver parmi eux. De ces pierres, en effet, que j'ai dit précédemment que le grand-prêtre portait sur ses épaules, - c'étaient des sardoines, et je crois superflu d'en indiquer les propriétés, qui sont parvenues à la connaissance de tout le monde -, il arrivait, lorsque Dieu assistait aux cérémonies sacrées, que celle qui servait d'agrafe sur l'épaule droite se mettait à briller[186], car une lumière en jaillissait, visible aux plus éloignés, et qui auparavant n'appartenait nullement à la pierre. Ce seul fait doit sembler merveilleux à ceux qui ne font pas les sages en décriant les choses divines. Mais voici qui est plus merveilleux encore : c'est qu'au moyen des douze pierres, que le grand-prêtre portait sur la poitrine insérées dans la trame de l'essèn, Dieu annonçait la victoire à ceux qui se disposaient à combattre. En effet, une telle lumière s’en échappait, tant que l'armée ne s'était pas ébranlée, qu'il était constant pour tout le peuple que Dieu était là pour les secourir. De là vient que ceux des Grecs qui vénèrent nos usages parce qu'ils n'ont rien à leur opposer appellent l'essèn logion (oracle). Mais essèn et sardoine ont cessé de briller deux cents ans avant que je composasse cet écrit[187], parce que Dieu s'est irrité de la transgression des lois. Mais nous aurons meilleure occasion d'en parler : pour l'instant je reviens à la suite de mon récit.

10[188]. Lorsque le tabernacle fut enfin consacré et qu'on eut bien préparé tout ce qui concernait les prêtres, le peuple se persuada que Dieu habitait avec lui dans la tente et se disposa à offrir des sacrifices et à se donner relâche, comme s’il avait écarté désormais toute perspective de malheur, prenant bon courage à l'égard d'un avenir qui s'annonçait favorable ; et dans chaque tribu on offrit des dons tant publics que privés à Dieu. Ainsi les phylarques s'en viennent par deux offrir un char et deux bœufs, - ce qui faisait en tout six chars, lesquels transportaient[189] le tabernacle dans les marches. En outre, chacun apporte pour son compte un gobelet, un plat et une cassolette[190], cette dernière d'une valeur de dix dariques[191] et remplie de parfums. Quant au plat et à la coupe, qui était en argent, les deux réunis pesaient 200 sicles ; mais pour la coupe on n'en avait employé que 70. Ils étaient pleins de farine de froment pétrie dans l'huile, de celle dont on se sert sur l'autel pour les sacrifices. Plus un veau et un bélier, avec un agneau âgé d'un an, destinés à être brûlés entièrement, et, en outre, un chevreau pour demander pardon des péchés. Chacun des chefs offrait encore d'autres sacrifices dits de préservation[192], chaque jour deux bœufs et cinq béliers et autant[193] d'agneaux d'un an et de boucs.
C'est ainsi qu'ils sacrifient pendant douze jours, chacun son jour complet. Quant à Moïse, qui avait cessé de gravir le Sinaï et qui entrait dans le tabernacle[194], il s'y renseignait auprès de Dieu sur ce qu'il fallait faire et sur la rédaction des lois. Ces lois, trop excellentes pour être l’œuvre de la sagesse humaine, ont été observées strictement à toute époque parce qu'on estimait qu'elles étaient un don de Dieu, si bien que, ni en temps de paix, par mollesse, ni en temps de guerre, par contrainte, les Hébreux n'ont transgressé une seule de ces lois. Mais je cesse de parler sur ce sujet, ayant résolu de composer un autre livre sur les lois.

Chapitre IX

1. Différentes sortes de sacrifices ; leur mode d'offrande. - 2. Sacrifices d'actions de grâce. - 3. Sacrifices d'expiation. - 4. Oblations et libations ; prescriptions relatives aux sacrifices.

1[195]. Pour le moment, je vais en mentionner quelques-unes relatives aux purifications et aux sacrifices[196] ; puisque aussi bien c'est de sacrifices que j'ai été amené à parler. Il y a deux sortes de sacrifices : les uns se font par les particuliers, les autres par le peuple[197], et ils ont lieu selon deux modes[198]. Dans les premiers, toute la bête offerte est brûlée en holocauste ; de là vient justement le nom qu'ils ont pris. Les autres sont des sacrifices d'actions de grâce ; ils sont destinés à fournir un festin à ceux qui les offrent. Je vais parler de la première catégorie. Un simple particulier qui offre un holocauste[199] immole un bœuf, un agneau et un bouc, ces derniers âgés d'un an ; les bœufs, on peut les immoler même plus âgés. Mais tous ces holocaustes doivent être d'animaux mâles[200]. Dés qu'ils sont égorgés[201], les prêtres aspergent de sang le pourtour de l'autel[202], puis, après les avoir nettoyés[203], ils les démembrent, y répandent du sel[204] et les déposent sur l'autel, qu'on a au préalable rempli de bois et allumé. Ils y mettent les pieds des victimes et les parties abdominales soigneusement nettoyées avec les autres parties pour y être consumés ; les peaux sont prises par les prêtres[205]. Tel est le mode d'offrande des holocaustes.

2[206]. Si l'on a des sacrifices d'actions de grâce à offrir, ce sont les mêmes bêtes qu'on immole, mais il faut qu'elles soient sans défaut, âgées de plus d'un an, mâles et femelles ensemble. Après qu'on les a immolées, on teint l'autel de leur sang ; les reins, la membrane qui couvre les intestins et toutes les graisses avec le lobe du foie, ainsi que la queue de l'agneau, sont disposés sur l’autel. Mais la poitrine et la jambe droite sont offertes aux prêtres et on célèbre des festins pendant deux jours avec le reste des chairs ; et, s'il en subsiste après, on le brûle.

3[207]. On sacrifie aussi pour les péchés[208], et le mode est le même que pour les sacrifices d'actions de grâce. Ceux qui sont dans l'impossibilité d'offrir des victimes sans défaut donnent deux colombes ou deux tourterelles, dont l'une est consacrée en holocauste à Dieu et dont l'autre[209] est donnée en nourriture aux prêtres. Mais je traiterai avec plus d'exactitude de l'immolation de ces animaux quand je parlerai des sacrifices. Celui[210] qui est induit au péché par ignorance[211] offre un agneau et une chèvre du même âge, et le prêtre arrose l'autel avec le sang, non pas comme précédemment, mais aux extrémités des angles[212]. Les reins, toute la graisse avec le lobe du foie, on les dépose sur l'autel. Les prêtres prennent pour eux les peaux et les viandes, qu'ils consommeront le jour même dans le sanctuaire ; car la loi ne permet pas d'en laisser jusqu'au lendemain. Celui qui a commis une faute et qui en a conscience[213], sans qu'il y ait personne pour l'accuser, immole un bélier ; ainsi l’exige la loi. Les prêtres en consomment également les chairs dans le sanctuaire le jour même. Les chefs[214] qui sacrifient pour leurs péchés apportent les mêmes victimes que les particuliers, mais ils s'en distinguent en ce qu'ils offrent en plus un taureau et un bouc mâles[215].

4[216]. La loi veut que dans tous les sacrifices privés et publics on offre de la farine de froment parfaitement pure[217], la mesure d'un assarôn pour un agneau, de deux pour un bélier et de trois pour un taureau. On brûle sur l'autel cette farine[218] pétrie dans l'huile. Car ceux qui font un sacrifice apportent également de l'huile, pour un bœuf un demi-héïn, pour un bélier, le tiers de cette mesure, et un quart pour un agneau. Le héïn est une antique mesure des Hébreux, de la capacité de deux conges attiques. On offrait la même mesure d'huile et de vin ; on versait ce vin en libations autour de l'autel. Si quelqu'un, sans faire de sacrifice, offrait en vœu de la fleur de farine[219], il en prélevait d'abord une poignée, qu'il répandait sur l’autel ; le reste, c'étaient les prêtres qui le prenaient pour le consommer, soit bouilli, car on le pétrissait dans de l'huile, soit à l'état de pains. Mais quand le prêtre l'offrait[220], quelle qu'en fût la quantité, elle devait être entièrement brûlée.
La loi défend[221] d'immoler le même jour et au même endroit une bête avec celle qui l'a engendrée, ni, d'une façon générale, avant que huit jours se soient écoulés depuis la naissance, il se fait encore d'autres sacrifices pour se préserver de maladies ou pour d'autres raisons. Dans ces sacrifices on offre des pâtisseries avec les victimes ; selon la loi, on n'en doit rien laisser jusqu'au lendemain, et les prêtres en prélèvent une part pour eux.

Chapitre X

1. Sacrifices quotidiens et de la néoménie. - 2. Sacrifices du 7e mois (1e jour). - 3. Sacrifices du 10e jour. - 4. Construction des tentes (le 15) ; cérémonies et sacrifices. - 5. Fêtes et rites de Pâque. - 6. La Pentecôte. - 7. Pains de proposition ; oblations du prêtre.

1[222]. La loi veut qu'aux frais publics[223] on immole chaque jour des agneaux du même âge au commencement et à la fin du jour[224] ; mais le septième jour, qui s'appelle sabbata, on en égorge deux à chaque sacrifice, le sacrifice se faisant, d'ailleurs, de la même façon. A la néoménie, outre les sacrifices quotidiens, on offre encore deux bœufs avec sept agneaux âgés d'un an et un bélier, plus un bouc pour le pardon des péchés, au cas où on aurait péché par oubli[225].

2[226]. Le septième mois, que les Macédoniens appellent Hyperbérétée[227], outre ce qui vient d'être dit, on immole encore un taureau, un bélier et sept agneaux, plus un bouc pour les péchés.

3[228]. Le dix du même mois lunaire, on jeûne jusqu'au soir et on[229] immole ce jour-là un taureau, deux béliers[230], sept agneaux et un bouc pour les péchés. On offre, en outre, deux boucs, dont l'un est envoyé vivant hors du pays vers le désert et à pour but de détourner et d'expier les péchés du peuple tout entier ; l'autre, on l'amène devant la ville, dans un endroit parfaitement pur, et là on le brûle avec la peau elle-même, sans rien nettoyer du tout. On brûle en même temps un taureau qui n'est pas offert par le peuple, mais qui est donné à ses frais[231] par le grand-prêtre. Une fois ce taureau égorgé, après avoir introduit dans le sanctuaire de son sang ainsi que du sang du bouc, il en asperge sept fois[232] de son doigt le plafond ainsi que le plancher, et autant de fois encore le sanctuaire même et les alentours de l'autel d'or[233] ; le reste, il l'apporte et le répand dans le vestibule. En outre, on dépose sur l'autel les extrémités, les reins, la graisse avec le lobe du foie[234]. Et le grand-prêtre offre encore pour son compte un bélier en holocauste à Dieu,

4[235]. Le quinze du même mois, comme la saison s'acheminait désormais vers l'hiver, Moïse ordonne qu'on construise des tentes[236] dans chaque famille afin de se mettre en garde et de se protéger contre le froid de l'année. Et lorsqu'ils auront leur patrie, une fois parvenus dans cette ville qu'ils tiendront pour métropole à cause du temple, pendant huit jours ils célébreront une fête, et offriront alors des holocaustes et des sacrifices de reconnaissance à Dieu, en portant dans leurs mains un bouquet de myrte[237] et de saule avec une branche de palmier et le fruit de la perséa[238]. Ils devront, le premier jour[239], sacrifier comme holocaustes treize bœufs, autant d'agneaux plus un, et deux béliers avec un bouc en sus pour le pardon des péchés. Pour les jours suivants, on sacrifie le même nombre d'agneaux et de béliers avec un bouc, en retranchant chaque jour un bœuf de façon à arriver à sept. On s'abstient de tout travail[240] le huitième jour, et l'on sacrifie à Dieu, comme nous l'avons déjà dit, un veau, un bélier, sept agneaux et un bouc pour le pardon des péchés. Tels sont les usages, consacrés par les ancêtres, que les Hébreux observent pour la fête des tentes.

5[241]. Au mois de Xanthicos, qui s'appelle chez nous Nisan et qui commence l'année, le quatorzième jour en comptant d'après la lune, quand le soleil est au Bélier, - car c'est en ce mois que nous avons été délivrés de l'esclavage des Égyptiens -,  il a institué qu'on devait chaque année offrir le même sacrifice que j'ai dit que nous avions offert jadis au sortir de l'Égypte, sacrifice dit Pascha. Nous l'accomplissons par phratries[242] ; rien des chairs sacrifiées n'est gardé pour le lendemain[243]. Le quinze, la fête des azymes fait suite[244] à la Pâque[245], fête de sept jours pendant laquelle on se nourrit d’azymes, et chaque jour on égorge deux taureaux, un bélier et sept agneaux. Tout cela s'offre en holocauste et on y ajoute encore un bouc pour les péchés, qui sert chaque jour au repas des prêtres. Le deuxième jour[246] des azymes, c'est-à-dire le seize, on prend -. une partie des fruits qu'on a récoltés, auxquels on n'a pas encore touché[247], et estimant qu'il est juste d'en faire hommage d'abord à Dieu à qui l'on doit la production de ce fruits, on lui offre les prémices de l'orge[248] de la façon suivante. Faisant griller une poignée d’épis qu'on broie, puis purifiant les grains d'orge pour les moudre, on en apporte pour Dieu un assarôn[249] sur l'autel, et après on avoir jeté une poignée unique sur l'autel, on abandonne le reste à l'usage des prêtres. Dès lors, il est loisible à tout le monde soit publiquement, soit individuellement de faire la récolte[250]. On offre aussi, outre les prémices des produits du sol, un agnelet en holocauste à Dieu.

6[251]. Quand la septième semaine qui suit ce sacrifice est passée, - toutes ces semaines font quarante-neuf jours -, le cinquantième jour, que les hébreux appellent Asartha[252] - ce mot désigne la Pentecôte -, on offre à Dieu un pain composé de deux assarôns de farine de froment mélangés de levain et, comme sacrifice, deux agneaux. Tout cela, offert selon la loi à Dieu, est destiné uniquement au repas des prêtres et il n'est pas permis d'en rien laisser pour le lendemain[253]. On immole aussi comme holocaustes trois veaux, deux béliers, quatorze agneaux et deux boucs pour les péchés[254]. Il n'est pas de fête où l'on n'offre d'holocaustes et où l'on ne donne de relâche aux fatigues du travail ; dans chacune la loi prescrit un genre de sacrifice et un repos exempt de toute peine, et c'est en vue de célébrer des festins qu'on fait ces sacrifices.

7[255]. C'est le peuple qui fournit le pain cuit sans levain ; on y emploie vingt-quatre assarôns. On les cuit deux par deux en les séparant la veille du sabbat ; le sabbat, au matin, on les apporte et on les pose sur la table sacrée en deux séries opposées de six pains. Et, après qu'on a en placé par-dessus deux planchettes chargées d'encens, ils y demeurent jusqu'au sabbat suivant. Alors à leur place on en apporte d'autres ; les premiers sont donnés aux prêtres pour leur nourriture, tandis qu'on fait fumer l’encens sur le feu sacré dont on se sert pour tous les holocaustes et l'on met à sa place d'autre encens au-dessus des pains. Le prêtre offre à ses propres frais[256], et il le fait deux fois par jour, de la farine pétrie dans de l'huile et durcie par une courte cuisson[257] ; il y entre un assarôn de farine dont une moitié est mise sur le feu le matin et l'autre vers le soir. Mais nous avons encore à nous expliquer sur ce sujet avec plus de détails : je crois que, pour le moment, ce que j'en ai déjà dit peut suffire.

Chapitre XI

1. Moïse intronise les Lévites. - 2. Lois alimentaires. - 3. Lois relatives aux lépreux. -4. Absurdité des légendes concernant la lèpre de Moïse et des Hébreux en Égypte. - 5. Impureté des femmes en couche. - 6. La femme adultère.

1[258]. Moïse, après avoir séparé la tribu de Lévi de la communauté du peuple, pour en faire une tribu sacrée, la purifia avec de l'eau de source d'un cours intarissable et avec les sacrifices que la loi prescrit dans ces circonstances d'offrir à Dieu ; et il leur confia le tabernacle et les ustensiles sacrés et tout ce qu'on avait fabriqué pour couvrir le tabernacle, afin qu'ils fissent leur service sous le commandement des prêtres ; car ces objets avaient déjà été consacrés à Dieu.

2[259]. Au sujet des animaux, il distingua en détail ceux dont on se nourrirait et ceux, au contraire, dont on ne cesserait de s'abstenir. A ce sujet, lorsque nous aurons l'occasion d'en traiter, nous nous expliquerons tout au long, en proposant les raisons qui l'ont déterminé à nous déclarer les uns comestibles, et à nous prescrire de nous abstenir des autres. Mais le sang[260], il nous l'a tout a fait interdit en tant qu'aliment, car il pense qu'il est l'âme même et le souffle vital. Il nous a défendu également[261] la consommation de la chair d'une bête morte d'elle-même, et nous a prescrit de nous abstenir de la membrane qui couvre les intestins, ainsi que du suif des chèvres, des brebis et des bœufs[262].

3[263]. Il bannit de la ville ceux qui ont le corps affligé de lèpre et ceux qui ont un flux séminal surabondant. Les femmes aussi chez qui surviennent des sécrétions naturelles, il les éloigne jusqu'au septième jour ; après quoi, considérées comme pures, elles peuvent revenir dans leurs maisons. Il en est de même pour ceux qui ont enseveli un mort[264] ; après le même nombre de jours, ils peuvent revenir au milieu des autres. Celui qui dépasse ce nombre de jours en état de souillure, la loi veut qu'il sacrifie deux agnelles, dont l'une doit être brûlée et dont l'autre est prise par les prêtres. On fait les mêmes sacrifices en cas de flux séminal[265] : celui qui a eu un flux séminal pendant le sommeil, sera, après s'être plongé dans l'eau froide, dans la même situation que ceux qui ont cohabité légitimement avec leurs femmes. Mais les lépreux, c'est d'une façon définitive qu'il les éloigne de la ville, sans qu'ils puissent avoir commerce avec personne ; ils ne sont pas autre chose que des cadavres[266]. Mais si quelqu'un par des prières adressées à Dieu est délivré de cette maladie et recouvre l'épiderme de la santé, il en remercie Dieu par divers sacrifices dont nous parlerons plus tard.

4. Tout cela permet de rire des gens[267] qui prétendent que Moïse, frappé de la lèpre, dut s'enfuir lui-même de l'Égypte et, s'étant mis à la tête de tous ceux qu'on avait chassés pour le même motif, les conduisit en Chananée. Car, si c'était vrai, Moïse n'aurait pas édicté, pour sa propre humiliation, de pareilles lois, contre lesquelles il est vraisemblable qu'il eût protesté, si d'autres les avaient promulguées, surtout quand chez beaucoup de nations les lépreux jouissent des honneurs et non seulement échappent aux injures et à l'exil, mais même occupent les fonctions militaires les plus en vue, administrent les charges publiques et ont le droit de pénétrer dans les lieux saints et dans les temples. De sorte que rien n'empêchait Moïse, si ou lui ou le peuple qui l'accompagnait avait eu la peau détériorée par un accident de ce genre, d'instituer au sujet des lépreux une législation des plus favorables, sans les condamner à la moindre peine. Mais il est clair que, s'ils s'expriment ainsi sur notre compte, c'est l'esprit de dénigrement qui les y incite ; pour Moïse, c'est en homme indemne de ces choses-là, au milieu d'un peuple indemne, qu'il a fait des lois à propos de ce genre de malades, et c'est en l'honneur de Dieu qu'il en usait ainsi. D'ailleurs, sur ce sujet chacun juge comme il l'entendra.

5[268]. Aux femmes qui ont accouché il interdit d'entrer dans le sanctuaire et de toucher à quelque chose de saint jusqu'après quarante jours, si c'est un enfant mâle ; le nombre se trouvait doublé, si c'était une fille. Mais elles y pénètrent, passé le terme précité, pour offrir des sacrifices, que les prêtres consacrent à Dieu.

6[269]. Si quelqu'un soupçonne sa femme d'avoir commis un adultère, il apporte un assarôn d'orge moulue et, après en avoir répandu une poignée en offrande à Dieu, on en donne le reste à manger aux prêtres[270]. Quant à la femme, un prêtre la place aux portes, qui sont tournées en face du temple et, lui enlevant son voile de la tête, il commence par écrire le nom de Dieu sur une peau[271] et il l'invite à déclarer par serment qu'elle n'a aucun tort envers son mari, mais que, si elle a violé les bienséances, sa main droite se désarticule, que sou ventre se consume et qu'elle périsse ainsi ; que si c’est par excès d’amour et conséquemment par jalousie que son mari s'est laissé entraîner témérairement à la soupçonner, qu'il lui naisse au dixième mois un enfant mâle[272]. Ces serments achevés, après avoir effacé le nom de Dieu de la peau, il la délaye dans une coupe, puis, prenant un peu de terre du sanctuaire, ce qu'il trouve sous la main, il l'y répand et le lui donne à boire. Alors, si elle a été injustement incriminée, elle devient enceinte et le fruit de ses entrailles parvient à terme ; mais, si elle a trompé son mari dans son mariage et Dieu dans son serment, elle pérît d'une mort ignominieuse, sa cuisse se déjetant et l'hydropisie gagnant ses entrailles. Voilà au sujet des sacrifices et de la purification qui s'y rapporte, ce que Moïse prescrivit à ceux de son peuple et voilà les lois qu'il leur a données.

Chapitre XII 

1. Unions prohibées. - 2. Dispositions spéciales aux prêtres - 3. Lois de la septième année et du jubilé. - 4 Dénombrement de l'armée. - 5. Disposition du camp. - 6. Les trompettes sacrées et les signaux.

1[273]. L'adultère il l'interdit absolument, pensant qu'il serait heureux que les hommes eussent des idées saines touchant le mariage et qu'il y allait de l'intérêt des cités et des familles que les enfants fussent légitimes. La loi défend aussi comme un très grand crime de s'unir à sa mère. De même, avoir commerce avec une épouse de son père, avec une tante, avec une sœur, avec la femme de son fils est un acte détesté comme une infamie abominable. Il interdit d'avoir commerce avec une femme à l'époque de ses souillures périodiques, de chercher à s'accoupler aux bêtes ou d'aspirer à s'unir avec un mâle, entraîné par leurs attraits à la poursuite d'une volupté immorale. Pour tous ceux qui oseraient violer ces lois il décrète la peine de mort.

2[274]. Pour les prêtres, il exige une double pureté ; il leur défend ce qui précède comme à tout le monde et, en outre, il leur interdit d'épouser les prostituées, il leur interdit aussi d'épouser une esclave ou une prisonnière de guerre[275] ainsi que les femmes qui gagnent leur vie en tenant un petit commerce ou une hôtellerie[276], ou celles qui se sont séparées de leurs premiers maris pour n'importe quel motif[277]. Quant au grand-prêtre[278], même une femme dont le mari est mort, il ne lui accorde pas de l'épouser, tandis qu'il le concède aux autres prêtres ; il n'y a qu'une vierge qu'il l'autorise à épouser, et il doit la garder[279]. Aussi le grand-prêtre ne s'approche pas non plus d'un mort[280], tandis qu'il n'est pas défendu aux autres prêtres de se tenir auprès d'un frère, d'un père, d'une mère ou d'un fils  défunt. Ils doivent être exempts de tout défaut corporel[281]. Un prêtre qui ne serait pas tout à fait sans défaut, il l'autorise à prendre sa part des viandes sacrées[282] avec les autres prêtres ; mais quant à monter sur l'autel et à pénétrer dans le sanctuaire, il le lui défend. Ce n'est pas seulement pendant l'accomplissement des sacrifices qu'ils doivent être purs, ils doivent veiller aussi à leur vie privée, tâcher qu'elle soit sans reproche. Et c'est pourquoi ceux qui portent la robe sacerdotale sont sans défaut, purs à tous égards et sobres, car le vin leur est défendu tant qu'ils portent la robe[283]. De plus ils n'immolent que des victimes entières et qui n'ont subi aucune mutilation.

3[284]. Telles sont les lois, déjà en usage à l'époque où il vivait, que Moïse nous a transmises ; mais il en est d'autres que, tout en vivant dans le désert, il institua par avance, afin qu'on les appliquât après la conquête de la Chananée. Pendant la septième année il fait reposer la terre du travail de la charrue et de la plantation, de même qu’il a prescrit aux hommes de cesser leurs travaux le septième jour. Quant aux produits spontanés du sol, la jouissance en est publique et libre, non seulement pour ceux du peuple, mais aussi pour les étrangers, car on n'en conserve rien. 0n devait également en user ainsi après la septième semaine d'années, ce qui fait en tout cinquante années. Les Hébreux appellent la cinquantième année Yôbel(os) ; à cette époque les débiteurs sont tenus quittes de leurs dettes[285], les esclaves sont renvoyés affranchis, du moins ceux qui sont du peuple et que pour une transgression d'une loi il a châtiés en leur imposant la condition servile, sans les condamner à mort[286], il restitue les champs à leurs propriétaires primitifs de la façon suivante. Quand survient le Yôbel - ce mot signifie liberté[287] -, arrivent ensemble le vendeur du champ et l'acquéreur, et, après avoir supputé les revenus et les frais occasionnés par le champ[288], s'il se trouve que ce sont les revenus qui l'emportent, le vendeur recouvre le champ ; mais si les dépenses excèdent, le vendeur doit combler le déficit, sous peine de perdre son bien. Mais si le chiffre est le même des revenus et des dépenses, le législateur rend la terre aux premiers possesseurs. Pour les maisons, il a voulu que la même loi fût en vigueur, s'il s'agit de maisons de village qu'on a vendues. Mais pour la vente de maisons de ville, il a statué différemment : si, avant la fin de l'année, on restitue l'argent, il oblige l'acquéreur à rendre la maison ; mais si une année pleine se passe, il confirme son acquisition à l'acquéreur. Telle est la constitution légale que Moïse, pendant le temps qu'il faisait camper l'armée au pied du Sinaï, reçut de Dieu et transmit par écrit aux Hébreux.

4[289]. Comme la législation lui paraissait bien réglée, il s'occupa ensuite du recensement de l'armée, songeant désormais à s'appliquer aux affaires relatives à la guerre. Il ordonne aux chefs de tribus, à l'exception de la tribu de Lévi, de faire le compte exact des hommes aptes au service militaire : les Lévites, eux, étaient consacrés et exempts de toute charge. Le recensement ayant eu lieu, il se trouva 603.650 hommes aptes à porter les armes, âgés depuis 20 ans jusqu'à 50[290]. A la place de Lévi, il choisit comme phylarque Manassé, fils de Joseph, et Ephraïm au lieu de Joseph, conformément à ce que Jacob avait sollicité de Joseph, à savoir de lui donner ses enfants en adoption, ainsi que je l'ai déjà rapporté.

5[291]. Quand ils dressaient le camp, ils plaçaient le tabernacle au milieu d'eux ; trois tribus s'installaient le long de chaque côté et des chemins s'ouvraient entre elles. On aménageait une agora, et les marchandises étaient rangées chacune à sa place ; les artisans de tout genre avaient leurs ateliers, et cela ne ressemblait à rien moins qu'à une ville déménageant d'ici pour aller s'installer là. L'emplacement autour du tabernacle était occupé d'abord par les prêtres[292], puis par les Lévites qui étaient en tout - car on les recensait aussi, tous les mâles depuis l'âge de trente jours - au nombre de 23.880[293]. Et pendant tout le temps[294] que la nuée se trouvait au-dessus du tabernacle, ils pensaient qu'ils devaient demeurer, comme si Dieu résidait là, et lever le camp, au contraire, quand la nuée se déplaçait.

6[295]. Moïse inventa une sorte de cor qu'il fit faire en argent. Voici en quoi il consiste. Sa longueur est d'un peu moins d'une coudée ; c'est un tube étroit, un peu plus épais qu'une flûte, avec une embouchure d'une largeur suffisante pour recevoir l'inspiration, et une extrémité en forme de clochette comme en ont les trompettes. Il s'appelle asôsra en hébreu. Il s'en fit deux : l'un servit à convoquer et a réunir le peuple en assemblée. Quand l'un de ces cors donnait le signal, il fallait que les chefs se réunissent pour délibérer sur leurs affaires à eux ; avec les deux ensemble on rassemblait le peuple. Quand le tabernacle se déplaçait, voici ce qui arrivait : au premier signal, ceux qui avaient leur campement à l'est se levaient, au second c'étaient ceux qui étaient installés au sud. Ensuite, le tabernacle démonté était porté entre les six tribus qui marchaient en avant et les six qui suivaient. Les Lévites étaient tous autour du tabernacle. Au troisième signal, la partie du campement située à l'ouest s'ébranlait et, au quatrième, la partie nord. On se servait aussi de ces cors dans les cérémonies des sacrifices[296] ; on en sonnait pour faire approcher les victimes, tant aux sabbats[297] qu'aux autres jours. Ce fut à ce moment pour la première fois[298] depuis le départ d'Egypte qu’il fit le sacrifice dit Pascha dans le désert.

Chapitre XIII

Nouvelles plaintes des Hébreux ; pluie de cailles ; les Tombeaux de la concupiscence.

1[299]. Après avoir attendu quelque temps, il lève le camp pour s'éloigner du mont Sinaï, et, après quelques étapes dont nous parlerons, il parvient en un endroit nommé Esermôth [300]. Là, le peuple recommence à se révolter et à reprocher à Moïse les épreuves subies pendant leurs pérégrinations : après qu'il les avait persuadés de quitter un pays fertile, non seulement ce pays était perdu pour eux, mais, au lieu de la félicité qu'il s’était engagé à leur procurer, voilà au milieu de quelles misères ils vagabondaient, manquant d'eau, et, si la manne venait à faire défaut, destinés à périr tout net. Au milieu de ce flux de paroles violentes contre cet homme, quelqu'un les suppliait de ne pas méconnaître Moïse et ce qu'il avait souffert pour le salut de tous et de ne pas désespérer du secours de Dieu. Mais cela ne faisait qu'exciter le peuple davantage et il ne s'emportait qu'avec plus de tapage encore contre Moïse. Celui-ci, pour leur rendre courage dans ce grand désespoir, leur promet, bien qu'indignement outragé par eux, de leur procurer de la viande en quantité, non pour un jour seulement, mais pour plusieurs. Mais, comme ils n'y croyaient pas et que quelqu'un demandait d'où il assurerait à toutes ces myriades cette abondance annoncée[301] : « Dieu, dit-il, et moi-même, encore que mal jugés par vous, nous ne laisserons pas de faire effort pour voire bien, et le moment n'en est pas éloigné ». En même temps qu'il parlait, le camp tout entier se remplit de cailles[302] ; on les entoure et on les ramasse. Cependant Dieu, peu après, châtie les Hébreux de l'arrogance injurieuse qu'ils lui avaient témoignée : il en périt, en effet, en assez bon nombre. Et, encore aujourd'hui, cette localité porte le surnom de Kabrôthaba[303], c'est-à-dire Tombeaux de la concupiscence.

Chapitre XIV

Moïse, parti de là, conduit le peuple jusqu’aux frontières des Chananéens et fait partir des hommes pour observer leur pays et la grandeur de leurs villes. Les envoyés, revenus après quarante jours, déclarent qu’on n’est pas capable de vaincre et vantent avec exagération la force des Chananéens ; le peuple bouleversé et en proie au désespoir, s’élance sur Moïse, qui faillit être lapidé, et décide de retourner en Égypte dans la servitude.

1. Discours de Moïse au peuple. - 2. Voyage et rapport des douze explorateurs. - 3. Découragement et plaintes des Hébreux. - 4. Josué et Galeb essayent de les rassurer. Apparition de la nuée divine.

1[304]. Après les avoir menés de là vers l'endroit appelé Pharanx[305], situé près des frontières des Chananéens et d'un séjour pénible, Moïse réunit le peuple en assemblée et se dressant parmi eux : « Des deux biens, dit-il, que Dieu a résolu de nous procurer, la liberté et la possession d'un pays fertile, le premier il vous l'a déjà donné ; vous le tenez, et le second vous allez le recevoir bientôt : nous sommes campés, en effet, sur les frontières des Chananéens et désormais dans notre marche en avant, non seulement ni roi, ni ville ne nous arrêteront, mais non pas même tout leur peuple réuni. Préparons-nous donc à l'œuvre : car ce n'est pas sans coup férir qu'ils nous céderont leur territoire, c'est après de grandes luttes qu'ils en seront dépossédés. Envoyons donc des explorateurs qui jugeront des qualités du pays et de quelles forces ils disposent. Mais, avant tout, soyons d'accord et honorons Dieu, qui, en toutes circonstances, nous secourt et combat avec nous. »

2. Moïse ayant ainsi parlé, le peuple lui rend hommage et choisit douze explorateurs des plus notables, un par chaque tribu. Ceux-ci, partis de la frontière d'Égypte, après avoir parcouru la Chananée tout entière, arrivent à la ville d'Amathé et aux monts Liban, et ayant étudié à fond la nature du pays et des gens qui l'habitaient, ils reviennent, n'ayant employé que quarante jours pour toute l'expédition, et apportant en outre avec eux des fruits du pays. La beauté de ces fruits[306] et l'abondance des bonnes choses que le pays renfermait, à les entendre, excitaient l'ardeur guerrière du peuple. Mais ils les effrayaient, en revanche, par les difficultés de la conquête, disant que les fleuve s'étaient infranchissables[307], tant ils étaient larges et profonds tout ensemble, que les montagnes étaient inaccessibles aux voyageurs, et que les villes étaient fortifiées par des remparts et de solides enceintes. Dans Hébron, ils prétendaient avoir retrouvé les descendants des géants. C'est ainsi que les explorateurs, ayant remarqué que les choses en Chananée avaient un aspect plus formidable que tout ce qu'ils avaient rencontré depuis le départ de l'Égypte, non seulement se montraient personnellement consternés, mais essayaient de faire éprouver au peuple les mêmes impressions.

3[308]. Ceux-ci, après ce qu'ils ont entendu, estiment impraticable la conquête du pays et, rompant l'assemblée, ils s'en vont se lamentant avec leurs femmes et leurs enfants, comme si Dieu ne leur apportait en fait aucun secours, se bornant à des promesses en paroles. Et, derechef, ils incriminaient Moïse et l'accablaient de reproches, lui et son frère Aaron, le grand-prêtre. Ce fut dans ces fâcheuses dispositions, en les chargeant tous deux d'injures, qu'ils passèrent la nuit. Le lendemain matin, ils courent tous se former en assemblée, avec le dessein, après avoir lapidé Moïse et Aaron, de s'en retourner en Égypte.

4[309]. Mais deux des explorateurs, Josué, fils de Noun, de la tribu d'Éphraïm, et Chaleb(os) de la tribu de Juda, effrayés, s'avancent au milieu d'eux et contiennent le peuple, le suppliant de reprendre courage, de ne pas accuser Dieu de dires mensongers et de ne pas avoir foi en ceux qui les avaient terrifiés par de faux récits au sujet des Chananéens, mais dans ceux qui les exhortent à marcher vers la prospérité et la conquête du bonheur. Car ni la hauteur des montagnes, ni la profondeur des fleuves, s'ils étaient hommes d’une valeur exercée, ne feraient obstacle à leur activité, surtout si Dieu joignait ses efforts aux leurs et combattait pour eux. « Marchons donc, disaient-ils, contre nos ennemis, sans aucune arrière-pensée, mettant notre confiance en Dieu, qui nous conduit et suivez-nous, nous qui vous montrons le chemin ». Par ces paroles, ils essayaient d'atténuer le ressentiment du peuple ; quant à Moïse et à Aaron, prosternés à terre, ils suppliaient Dieu, non pour leur propre salut, mais pour qu'il tirât le peuple de son ignorance, et rassit leurs esprits troublés par les difficultés et les souffrances actuelles. Alors apparut la nuée, qui, en se posant au-dessus du tabernacle, manifesta la présence de Dieu.

Chapitre XV

Moïse, rempli d’indignation, leur annonce que Dieu, dans sa colère, prolongera pendant quarante ans leur séjour dans le désert et qu’ils ne retourneront pas en Égypte ni ne s’empareront de la Chananée.

1. Punition des Hébreux, dont les enfants seulement occuperont Chanaan. - 2. Supplications du peuple ; Moïse les dissuade de tenter la conquête. - 3. Autorité durable de la législation de Moïse.

1[310]. Moïse, encouragé, s'approche du peuple et annonce que Dieu, ému de leurs injures, leur fera subir une punition, non pas sans doute proportionnée à leurs fautes, mais telle que les pères en infligent à leurs enfants pour les remettre à la raison. Comme il était entré, en effet, dans le tabernacle et qu'il suppliait Dieu de détourner la destruction que le peuple allait attirer sur lui, Dieu lui avait rappelé d'abord comment, après tout ce qu'il avait fait pour eux, après tant de bienfaits reçus de lui, ils en étaient venus à ne lui témoigner que de l'ingratitude ; comment, à présent, entraînés par la lâcheté des explorateurs, ils avaient jugé leurs rapports plus véridiques que sa propre promesse ; et voilà pourquoi, sans toutefois les perdre tous, sans anéantir entièrement leur race, dont il faisait plus de cas que du reste des humains, cependant il ne leur permettrait pas à eux de s'emparer du pays de Chanaan, et de jouir de sa prospérité. Il les forcerait, sans foyer, sans patrie, de végéter pendant quarante ans dans le désert, en expiation de leurs péchés. « Cependant[311] à nos enfants, dit-il, il promet de donner ce pays et de les faire maîtres de tout ce dont vous vous êtes privés vous-mêmes, faute d'empire sur vous. »

2. Quand Moïse leur eut ainsi parlé selon la pensée de Dieu, le peuple fut en proie au chagrin et à la douleur, et supplia Moïse de le réconcilier avec Dieu, et, les arrachant à cette vie vagabonde à travers le désert, de leur donner des villes. Mais il déclara que Dieu n'autoriserait pas pareille tentative : car ce n'était pas à la légère, comme les hommes, que Dieu avait été porté à se courroucer contre eux ; il avait pris une décision bien réfléchie à leur endroit. On ne doit pas juger invraisemblable que Moïse, à lui seul, ait calmé tant de myriades d'hommes on fureur et les fit amenées à plus de mansuétude ; c'est que Dieu, qui l'assistait, prépara le peuple à se laisser convaincre par ses paroles et que souvent, après avoir désobéi, ils se persuadaient de l'inutilité de leur rébellion [par les aventures fâcheuses où ils étaient précipités].

3. L'admiration que ce grand homme excitait par ses vertus et la puissance persuasive de ses discours, il ne l’inspira pas seulement à l'époque où il vécut, il en est digne encore aujourd'hui. Certes, il n'est pas un Hébreu qui n'obéisse, comme s'il était encore là et qu’il dût le châtier d'un manquement, aux lois que Moïse a promulguées, même s'il pouvait les violer en cachette. Et il est bien d'autres témoignages de sa puissance surhumaine : naguère quelques habitants d'au-delà de l'Euphrate, après un voyage de quatre mois entrepris par vénération pour notre temple, effectué au prix de beaucoup de dangers et de dépenses, ayant offert des sacrifices, ne purent pas prendre leur part des chairs sacrées, parce que Moïse, les a interdites à ceux qui n'ont pas nos lois ou qui ne sont pas en rapport avec nous par les usages de leurs pères. Les uns alors, sans avoir offert aucun sacrifice, les autres, laissant là leurs sacrifices à moitié accomplis, la plupart ne pouvant même d'aucune façon pénétrer dans le temple, s'en retournèrent, aimant mieux se conformer aux prescriptions de Moïse que d'agir selon leur propre désir, d'ailleurs, ne craignant pas que personne vint leur rien reprocher à ce sujet, mais redoutant seulement leur propre conscience. Ainsi cette législation qui parut émaner de Dieu eut pour effet de faire paraître cet homme encore plus grand que nature. Mais, bien mieux encore, un peu avant la guerre récente, quand Claude gouvernait les Romains et quand Ismaël(os)[312] était grand-prêtre chez nous, la famine ayant sévi dans notre pays, au point qu'un assarôn se vendait quatre drachmes, et qu'on avait apporté pour la fête des azymes 70 cors de larme - ce qui fait 31 (?) médimnes siciliens, ou 41 attiques[313] -, aucun des prêtres n'osa consommer un seul pain, alors qu'un tel dénuement pesait sur le pays, par crainte de la loi et du courroux que montre toujours la divinité même pour des péchés qui échappent à tout contrôle. Ainsi il ne faut pas s'étonner de ce qui s'accomplit alors, quand jusqu'à notre époque les écrits laissés par Moïse ont une telle autorité que les ennemis eux-mêmes conviennent que notre constitution a été établie par Dieu même par l'entremise de Moïse et de ses vertus.
Au reste sur ce sujet que chacun se fasse l'opinion qu'il lui plaira.

 

 



[1] Exode, XV, 23.
[2]
Pour ces détails ajoutés par Josèphe au récit de l'Exode, cf. Mechilta, éd. Weiss, p. 53. et Tanhouma sur le même passage : selon quelques commentateurs, les mots de l'Écriture : « Et ils ne trouvèrent point d'eau » feraient allusion aussi à l'épuisement de leurs provisions de route.
[3]
Josèphe traduit l'hébreu mar comme les LXX.
[4]
La Bible ne dit rien de tel.
[5]
Moyen rationnel substitué par Josèphe au phénomène miraculeux raconté par la Bible. Cf. Guerre, liv. IV, VIII, 3.
[6]
Exode, XV, 27.
[7]
En hébreu : Élim.
[8]
Exode, XVI, 1 ; on dit, dans ce passage, que les Israélites étaient au 15e jour du 2e mois, à compter de la sortie d'Égypte, laquelle s'était effectuée le 15 du 1e mois. Cf. les calculs du Talmud, Shabbat, 87 b.
[9]
Cf. Pseudo-Jonathan sur Ex., XVI, 2 : « la pâte qu'ils avaient emportée était épuisée ».
[10]
Dans la Bible, il n'est question de lapider Moïse que plus loin (Ex., XVII, 4)
[11]
Exode, XVI, 12.
[12]
Exode, XVI, 13.
[13]
Exode, XVI, 14.
[14]
Dans une interprétation midraschique (Mechilta, Weiss, p. 58) d'un verset des Psaumes (LXXVIII, 25) qui rappelle l'épisode de la manne, on attribue à Josué un fait analogue à celui qui est rapporté ici à propos de Moïse.
[15]
L'Écriture ne parle pas de neige (il ne neige guère dans le désert arabique), mais de gelée blanche. La comparaison avec la neige est déjà dans Artapanus. Dans la Mechilta (sur Ex., XVI, 14) R. Josué ben Hanania (Tanna de la fin du Ier et du commencement IIe siècle) dit que la manne était menue comme du givre, interprétation adoptée par le Pseudo-Jonathan.
[16]
Nombres, XI, 7.
[17]
Plus connu sous le nom de bdellium. Cette comparaison de la manne au bdellium, - pour la couleur -, n'est pas dans l'Exode, mais dans les Nombres (XI, 7). L'explication que donne Josèphe du mot hébreu bdôlah, qu'il traduit par « sorte d'aromate », n'est pas celle des LXX.
[18]
Josèphe substitue ici l'assaron (hébreu : issarôn) à une autre mesure, l'ômer, que donne l'Exode (XVI, 16). Les deux mesures sont, d'ailleurs, équivalentes. L'ômer, selon la Bible elle-même (Ex., XVI, 36), vaut un dixième d'éfa, et l'issarôn, comme son nom l'indique, vaut, de même, un dixième d'éfa (31,64).
[19]
La Sapience dit de même de la manne qu'elle renfermait tout ce qui est agréable au goût (XVI, 20) et qu'elle se changeait en tout ce qu'on désirait (21). Cette tradition se retrouve dans le Midrash. Exode Rabba (XXV) dit que la manne avait toutes les saveurs et que chaque Israélite y trouvait celle qui lui plaisait. Dans Yoma, 75 a, R. Abbahou (Amora de la fin du IIIe siècle) dit en jouant sur le terme hébreu (Nombres, XI, 8) : « De même que l'enfant trouve différentes saveurs au lait maternel, de même les Israélites trouvaient différentes saveurs à la manne ». R. Yosé ben Hanina (Amora du IIIe siècle) disait (ibid., 75 b) que la manne avait le goût du pain pour les jeunes gens, de l’huile pour les vieillards, du miel pour les petits enfants. Cf. des variantes des mêmes dires dans Sifré sur Nombres, XI, 8 ; Tanhouma (Sur Ex., XVI, 14) ; Ex. R., V ; Pesikta, 110 a.
[20]
Cette observation est confirmée par ceux qui ont visité cette partie de l'Arabie. Il existe une manne végétale provenant d'un arbrisseau, la Tamirix mannifera.
[21]
Manna est l'araméen de man.
[22]
Même étymologie que dans l’hébreu et les LXX.

[23]
Exode, XVII, 1.
[24]
En hébreu : Rephidim.
[25]
Il ne peut s'agir que de la Tora : cf. Antiquités, liv. V, I, 17.
[26]
Exode, XVII, 8.
[27]
Josèphe a déjà parlé précédemment (Antiquités, liv. II, I, 2) de la Gobolitide, habitée par les Amalécites. Ou ne trouve que chez lui cette expression géographique. Cependant on lit une expression analogue chez Stéphane de Byzance. Un passage de la Bible (Psaumes, LXXXIII, 8) fait mention d'une contrée nommée Gébal, dans la région de l'Arabie Pétrée ; elle est citée à côté d'Ammôn, d'Amalec et de Peleschet. C'est vraisemblablement la Gobolitide de Josèphe. Le terme paraît avoir été employé assez tard, et précisément le psaume précité ne paraît pas être plus ancien que l'époque macchabéenne. Pétra correspond à l'hébreu Séla (future capitale des Nabatéens).
[28]
Cf. Mechilta (ad. loc.), sur l'explication des mots : « Et Amalec vint » (Exode, XVII, 8)  d'après R. Yosé ben Halafta (Tanna du IIe siècle), Amalec serait « venu » avec un plan, c'est-à-dire qu'il aurait invité tous les peuples à s'associer avec lui pour combattre Israël ; d'ailleurs, les peuples auraient reculé devant les vainqueurs du roi d'Égypte.
[29]
Texte corrompu.
[30]
Exode, XVII, 9.
[31]
En hébreu : Yehôschoua bin Noun. La mention de la tribu d'Éphraïm est tirée de Nombres, XIII, 8.
[32]
En hébreu : Hour. Cette parenté entre Moïse et Hour est inconnue à la Bible ; la tradition fait de Hour, non le mari, mais le fils de Miriam, qui aurait épousé Caleb. C'est R Siméon b. Lakisch (dans Ex. Rabba, XL ; cf. Tanhouma, sur Ex., XXXI, 2) qui établit cette filiation (d'après II Chroniques, XI, 5, 19, 20, 24), pour expliquer la généalogie de Beçalel, petit-fils de Hour, et descendant de Juda (Ex., XXXI, 2).
[33]
Plaisant anachronisme.
[34]
L'Écriture ne parle pas de ce butin. Josèphe est probablement encore ici l'écho d'une tradition. Il s'agit pour lui d'expliquer comment plus tard les Hébreux auront à leur disposition les nombreux et riches matériaux nécessaires à l'érection du tabernacle.
[35]
Les mots de la Bible (Exode, XVII, 15) signifient « Dieu ma bannière » et s'appliquent non pas à Dieu, mais à l’autel.
[36]
Exode, XIX, 1. Josèphe place, comme on voit, cette étape avant l'épisode de Jéthro. C'est qu'en effet, Jéthro vient retrouver Moïse (Exode, XVIII, 5) près de « la montagne du Seigneur », c'est-à-dire du mont Horeb ou Sinaï. Mais dans la Bible le départ de la station de Rephidim n'est relaté qu'après la visite de Jéthro. Josèphe évite la difficulté en transposant.
[37]
Exode, XVIII, 1.
[38]
Dans tout cet épisode comme plus haut, Josèphe appelle le beau-père de Moïse Ragouël, au lieu qu'il est appelé partout Yithro dans l'hébreu. Ragouël est le premier des noms donnés par l'Écriture au beau-père de Moïse. V. Antiquités, liv. II, XI, 2 et XII, 1. Ce changement, d'ailleurs insignifiant, indique, du moins, que Josèphe ne suit pas toujours le texte de très près.
[39]
Dans la Bible, Jéthro vient chez Moïse accompagné de Séphora et de ses fils, dont Moïse s'était séparé. Josèphe simplifie en supposant que Moïse les avait toujours eus auprès de lui.
[40]
Le verset (Exode, XVIII, 2) ne parle pas d'un festin offert par Moïse : il y est dit seulement que Aaron et les anciens d'Israël vinrent prendre un repas avec le beau-père de Moïse. La Mechilta (ad. loc.) observe que Moïse n'est pas nommé parmi les convives, d'où elle conclut qu'il servait les autres.
[41]
La Bible ne nomme que des chefs de 1.000, de 100, de 50 et de 10 (Exode, XVIII, 21).
[42]
Les mots qui suivent sont peu intelligibles : « Puis tu leur donneras des chefs qui les rangeront par sections de 30, de 20 et de 10 ». Comment concilier des groupes de 30 et de 20 avec des groupes de 50 ? Peut-on admettre que chaque cinquantaine se divisait en un groupe de 30 et un de 20 ? Seuls les groupes de 10 sont confirmés par le texte biblique.
[43]
Exode, XVIII, 24.
[44]
La tradition insiste également sur l'honneur que Moïse fait à Jéthro en lui laissant tout le mérite de cette organisation juridique (v. Sifré sur ce passage).
[45]
Exode, XIX, 1.
[46]
Nous lisons « un oracle ». Le Laurentianus a « quelque chose d'utile », leçon très défendable (voir plus bas).
[47]
Exode, XIX, 16.
[48]
Exode, XIX, 14.
[49]
Tout ce discours est un hors-d’œuvre, malgré les prétentions d'exactitude formulées plus haut.
[50]
Exode, XX, 1.
[51]
Scrupule assez singulier que nous ne retrouvons pas dans la littérature rabbinique. - Josèphe croit voir dans le texte sacré, d'ailleurs obscur à cet égard (cf. Ex., XX, 16), que les Israélites auraient entendu toutes les dix paroles. La tradition n'est pas absolument fixée à ce sujet. Voir Ex. Rabba, XXX, Mekkot, 21 a : selon une opinion talmudique, citée dans ce traité, les Hébreux n'auraient perçu que les deux premières.
[52]
Comme on voit, cette première parole correspond dans l'Exode aux versets 2 et 3 du ch. XX. Cette manière de classer les phrases initiales du Décalogue n'est pas celle de tous les docteurs du Talmud. Celle qui semble prévaloir dans Makkot, 24a, consiste à faire de la phrase : « Je suis l’Éternel ton Dieu, etc. », (que Josèphe modifie beaucoup) le premier des dix commandements ; le second comprendrait la défense d'adorer un autre Dieu et de représenter Dieu par une image. Le classement adopté par Josèphe était sans doute celui des écoles palestiniennes, où il avait été instruit.
[53]
L'Écriture (Ex., XX, 4) interdit toute image quelconque de ce qui est dans le ciel, sur la terre ou dans les eaux. Il est visible que Josèphe, ici, n'indique pas simplement le sens du deuxième commandement. L'expression « aucune image d'animal » parait bien tendancieuse. Josèphe proteste déjà, avant de les réfuter dans son Contre Apion, contre les fables diffamatoires des Mnaséas, Posidonios, Apollonios Molon et autres pamphlétaires alexandrins, qui accusaient les Juifs d’adorer une tête d'âne dans le sanctuaire. C'est sans doute la même arrière-pensée qui fait dire à Josèphe un peu plus loin que les tissus des voiles du tabernacle avaient toute espèce d’ornements, sauf des figures d'animaux, alors que l'Écriture prescrit précisément les figures de keroubim.
[54]
Exode, XX, 18.
[55]
Voir Antiquités, liv. IV, VIII, 4.
[56]
Exode, XXXII, 1.
[57]
Exode, XXXII, 15.
[58]
Exode, XXXIV, 28.
[59]
Exode, XXV, 8.
[60]
L'omission de l'épisode du veau d'or qui remplit le XXXIIe chap. de l’Exode est très remarquable : Josèphe évite, ici encore, ce qui pourrait donner prise aux fables malveillantes des ennemis des Juifs.
[61]
L’Écriture ne dit rien au sujet de la disposition des dix commandements sur les tables ; mais la tradition s'en occupe. L'opinion de Josèphe est aussi celle qu'exprime R. Hanina ben Gamliel (Tanna du commencement du IIe siècle), tandis que d'autres docteurs pensent que les dix commandements étaient sur chacune des deux tables. Cette discussion se trouve dans Mechilta (sur Ex., XX, 16), j. Schekalim, VI, 1 ; j. Sota, 22 d ; Ex. Rabba, XLVII ; Cant. Rabba (sur Cant., V, 14). Josèphe ajoute plus loin que les cinq commandements de chaque table étaient gravés deux et demi par colonne. Cette disposition comportant deux colonnes par table ne paraît pas connue de la tradition rabbinique.
[62]
Exode, XXXI, 18 ; XXXII, 16.
[63]
Exode, XXV, 1 ; XXXV, 4.
[64]
Josèphe traduit l'hébreu Schittim (Exode, XXV, 5) de la même façon que les LXX. On peut rapprocher de cette exégèse une opinion rapportée dans une baraïta (Yoma, 724 ; Soukka, 45 b), selon laquelle les mots hébreux d’Exode, XXVI, 15, signifieraient : des bois de Schittim qui tiennent (indéfiniment).
[65]
Exode, XXXI, 2.
[66]
En hébreu : Baçalel. Nous lisons la même chose que Bernard dans les mss. En effet, dans l’Écriture on nomme son grand-père Hour. Or, précédemment, Josèphe a indiqué que Hour était le mari de Miriam. Voir la note sur ce passage.
[67]
En hébreu : Ohòliab.
[68]
En hébreu et LXX : Ahisamach. Les premières lettres sont peut-être tombées dans le texte de Josèphe, à moins qu'il ne les ait supprimées dans le souci de gréciser, séduit par l'allure grecque du mot ?
[69]
Exode, XXXVI, 5. Le grec emploie une expression assez obscure ; dans la Bible, les artisans viennent déclarer à Moïse que les offrandes du peuple sont surabondantes. La Version latine des Antiquités, où on lit ici : « ea quae data fuissent », semble refléter une leçon plus satisfaisante, en tout cas plus conforme à l'hébreu.
[70]
Exode, XXXV, 25.
[71]
Exode, XL, 17.
[72]
Exode, XXVII, 9. Josèphe emploie à dessein ce mot grec, équivalent du latin atrium, par souci de modernisme. L'hébreu haçèr (parvis) est traduit différemment dans les LXX.
[73]
Nous traduisons d’après Exode, XXVII, 10. Le texte de Josèphe est altéré.
[74]
Il n'est pas question dans l'hébreu (XXVII, 16) de ce revêtement d’argent.
[75]
C'est-à-dire aux deux ailes de cette face antérieure, chacune de 15 coudées de large, ce qui, avec les 20 coudées de la porte, complétait les 50 coudées de la largeur totale.
[76]
Détail étranger à la Bible. Voir plus loin 4.
[77]
Exode, XXX, 8
[78]
Exode, XXVI, 1
[79]
Exode, XXVI, 16 ; XXXVI, 21.
[80]
L'Exode ne dit rien à ce sujet. La tradition croit que ces planches ou solives avaient une coudée d'épaisseur (Schabbat, 98 b).
[81]
Ou d'une palme (tofah en hébreu), c'est-à-dire de 4 doigts, comme il a été dit plus haut.
[82]
La lacune est évidente.
[83]
Le texte a, en grec, une coudée, mais la largeur du pavillon devant être de 10 coudées, ces piliers placés aux angles ne pouvaient avoir qu'une demi-coudée de large, au lieu d'une coudée et demie comme les autres.
[84]
Cette donnée ne provient pas de l'Écriture, qui n’indique pas les dimensions de ces barres et déclare seulement qu’il y en avait cinq pour chaque face du tabernacle. D'après la tradition, ces cinq barres se départageaient ainsi : deux barres en haut bout à bout, et deux en bas, plus une au milieu qui passait à travers les solives elles-mêmes. Dans le système de Josèphe, cette disposition d'une barre qui passerait par toutes les solives est spéciale à la paroi postérieure (côté ouest) du tabernacle.
[85]
Exode, XXVI, 31.
[86]
Voir plus loin (VII, 7) la même comparaison, reprise avec plus de détails.
[87]
Le texte hébreu n’en dit rien.
[88]
Il est très remarquable que Josèphe, non seulement ne mentionne pas ici les keroubim, figures d'animaux ailés, qui étaient, selon Exode XXVI, 31, entre-tissées dans ce voile et que les LXX, eux, reproduisent, mais même les exclue formellement. Le but de Josèphe paraît être, comme plus haut, de proclamer l'éloignement du judaïsme pour toute représentation d'être animé. Il ne peut pas cependant ne pas mentionner plus loin les keroubim de l'arche sainte ; mais il se tire d'affaire en disant que ces êtres ailés ne ressemblaient à rien sous le ciel. Notons encore, pour le présent passage, que la Vulgate ne parle pas non plus d'êtres ailés, de chérubins : elle traduit le mot keroubim (XXVI, 1 et 31) par variatas et et pulchra varietate contextum.
[89]
Exode, XXVI, 36.
[90]
Exode, XXVI, 1.
[91]
Dans l'hébreu et les LXX, il est question de nœuds bleu azur et d'agrafes d'or.
[92]
L'Écriture parle de deux pièces formées chacune de cinq tentures.
[93]
Exode, XXVI, 7.
[94]
D'après le Talmud (Sabbat, 98 b), les tentures traînaient même sur le sol. Un docteur de l'école d'Ismaël (IIe siècle) compare le tabernacle à « une femme qui se promène avec une robe à traîne ».
[95]
Exode, XXV, 10 ; XXXVII, 1.
[96]
Voir le § 1 de ce chapitre.
[97]
En hébreu : aron.
[98]
Ce qui équivalait aux 2 coudées et demie de la Bible, la coudée (en hébreu : ammet) valant 2 empans (en hébreu : zéret, cf. I Samuel, XVII, 4).
[99]
Détail personnel à Josèphe.
[100]
Exode, XXV, 18 ; XXXVII, 7. Voir plus haut la note sur le représentation des animaux.
[101]
Quoi qu'en dise Josèphe, on ne trouve rien de semblable dans le Pentateuque. Il y a peut-être ici un souvenir de la vision d'Ezéchiel.
[102]
Voir plus haut la note sur ce sujet.
[103]
Exode, XXV, 23; XXXVII, 10.
[104]
Ou une palme. Dans la description que donne l'Exode, la table n'est pas évidée  elle est entourée d'un châssis d'une palme de longueur ; un liséré d'or court autour de la table même ; un autre entoure le châssis.
[105]
Lévitique, XXIV, 5 ; Exode, XXV, 30.
[106]
Cette assimilation paraît erronée. Le cotyle vaut 0,27 l et l’assarôn 3,64 l (cf. J. Benzinger, Hebraïsche Archaeologie, 1894, p. 179) ; or 7 cotyles ne levaient en tout que 1,89 l. Peut-être faut-il lire dans le grec 27 cotyles (27 x 0,27 = 7,29 ; = 2 x 3,64)
[107]
Josèphe fait allusion à l'ouvrage qu'il méditait de composer sur les motifs rationnels des prescriptions mosaïques (cf. le Préambule des Antiquités).
[108]
Exode, XXV, 31.
[109]
En hébreu : kikkar. Mais le talent grec vaut 60 mines et non 100.
[110]
Dans l'Écriture, le mot correspondant signifie : branche, roseau.
[111]
La tradition (Menahot, 28 b) essaye également d'énumérer les différentes parties de la menora (candélabre). Elle trouve 22 calices, 11 sphères et 9 fleurs. Le chiffre de 70 parait arbitraire, en ce qui concerne le tabernacle mosaïque. Mais Josèphe songe toujours, dans sa description, au temple de Jérusalem et il n’est pas impossible que le candélabre pris par les Romains ait compté 70 ornements. Reland croit pouvoir retrouver ce nombre sur le bas-relief de l'arc de Titus. On pourrait encore prétendre que le chiffre de 70 est imaginé par Josèphe pour les besoins du symbolisme ; il dit, en effet, plus loin, que les 70 parties du candélabre rappellent les 10 degrés des 7 planètes.
[112]
Exode, XXX, 1.
[113]
Tous les traducteurs de la Bible, y compris les LXX, rendent la même traduction de l’hébreu. L’opinion de Josèphe ne se retrouve nulle part ailleurs. La tradition ne nous dit rien sur la forme des cornes de l'autel d'or, quant à l'autel de cuivre, ses cornes, selon Maimonide (Misehné Torah, H. Ben Habehira, II, 8), étaient des parallélépipèdes creux de 5 palmes de haut et de 1 coudée carrée de surface.
[114]
Exode, XXVII, 1 et XXXV, 16.
[115]
Josèphe simplifie la description donnée par l'Écriture, description d'ailleurs peu claire et favorisant la diversité des interprétations. Le foyer dont parle Josèphe correspond évidemment au mikhbar. Josèphe ne parle pas du karkob, sorte de plate-forme ou d'entablement (voir Talmud, Zebahim, 32 b). Ce karkob, qui était en cuivre, était probablement destiné, selon l'interprétation de Pseudo-Jonathan sur Exode, XXVII, 5, à recevoir les charbons et les cendres qui tombaient du foyer proprement dit.
[116]
Les objets correspondants mentionnés dans Exode, XXVII, 3, ne sont pas compris de la même façon par tous les traducteurs ; cf. LXX ad loc., et les Targoumim.
[117]
Exode, XXVIII et XXIX.
[118]
Ce mot est l'équivalent araméen kahanaya, de l'hébreu kohanim.
[119]
On a vu avec raison dans ce mot étrange une altération de l'araméen kahana rabba, grand-prêtre. La première syllabe ka a-t-elle été transposée à la fin du mot par une erreur de copiste, ou Josèphe a-t-il pensé que la forme anarabaque ou arabaque avait une allure plus grecque, il est difficile de le déterminer. L'origine araméenne du mot est, en tout cas, indiscutable.
[120]
Les mots qui suivent et qui, en bon grec, ne peuvent s'appliquer qu'à une description déjà faite, ne sont pas à leur place et paraissent faire double emploi avec le § 4 ci-dessous, à moins qu'il n'y ait ici une lacune [T. R.]
[121]
Exode, XXVIII, 42. En hébreu : michneçaïm. C'est bien l'ordre qu'indique, de son côté, la tradition rabbinique résumée clairement dans Maimonide, M. Torah, H. Kelè Hamikdasch, X, 1. Dans le Talmud, Yoma, 25 a, il est dit que le caleçon de lin est la première pièce de l'habillement des prêtres, d'après Lévitique, XVI, 4.
[122]
Cf. la description un peu différente qui en est donnée dans Nidda, 13 b. Josèphe parait admettre implicitement que ce caleçon est tout d'une pièce, comme le Talmud l’exprime d'après la prescription de l'Exode (XX, 36).
[123]
Exode, XXVIII, 4.
[124]
D'après la tradition également (Yoma, 71 b), dans le tissu des vêtements sacerdotaux chaque fil était doublé plusieurs fois.
[125]
En hébreu : koutônet, qui paraît être la même chose que le chitôn grec. Josèphe ne semble pas se douter de la parenté de ces deux mots. L'étymologie qu'il propose lui est inspirée par la traduction araméenne kitôuna de l'hébreu koutônet ; ce n'est qu'en araméen que ce mot signifie lin. Voir Yoma, 71 b.
[126]
D'après Maimonide, qui résume les traditions talmudiques, la tunique allait également jusqu'aux talons (M. Tora, Hil. Kelè Hamikdasch, VIII, 17).  
[127]
D'après le Talmud, Yoma, 72 b, les manches étaient cousues par exception à la tunique.
[128]
Pour cette ceinture, dont Josèphe dit plus loin le nom, la Bible donne peu d'indications. D'après le Talmud (Yoma, 72 a et b), cette ceinture est la même, qu'il s'agisse d'un grand-prêtre ou d'un prêtre ordinaire. Quant aux dimensions, la tradition, au contraire de Josèphe, n'indique que la longueur, non la largeur. D'après le Talmud (Yoma, 44), la ceinture de la tunique aurait eu 32 coudées de long ou 32 plis, selon la leçon de Rapoport (Ereck Millin). Maimonide, H. Kelè Hamikdasch, VIII, 19, indique une largeur de 3 doigts, ce qui se rapproche de l'opinion de Josèphe.
[129]
C'est là sans doute le taschbeç, tissu à mailles dont parle l'Écriture, Exode, XXVIII, 4, mais en l'attribuant seulement à la tunique.
[130]
Nous supprimons le byssus qui n'est pas une teinture, mais sert de fond aux trois autres couleurs. Cf. plus bas § 7.
[131]
Selon la tradition (Zebahim, 18 b), l'abnet ne devait pas s'enrouler plus bas que les hanches, ni plus haut que l'aisselle. Le Targoum Jonathan sur Ézéchiel, XLIV, 18, emploie l'expression « sur leur cœur », ce qui répond à l’expression employée par Josèphe.
[132]
Josèphe semble contredire ici la règle qui veut que les prêtres ne portent l'abnet que pendant le service, car cette étoffe contient de la laine et du lin, autrement dit du schaatnèz, mélange interdit dans le texte du Deutéronome, XXII, 11, que Josèphe lui-même reproduit plus loin (liv. IV, VIII, 11). Comme Josèphe était de souche pontificale et ne peut ici être suspect d'erreur, on est porté à croire qu'on admettait de son temps l'opinion que le Talmud (Yoma, 12 b) met dans la bouche de R. Eléazar ben Simon (Tanna de la fin du IIe siècle), à savoir que la ceinture des prêtres ordinaires ne contenait pas de laine, mais seulement du byssus.
[133]
Exode, XXVIII, 39 ; XXXIX, 29. En hébreu : abnet.
[134]
C'est la traduction araméenne du mot abnet, qu'on trouve, d'ailleurs, dans les Targoumim. Le mot hémydn est un mot persan.
[135]
Ce mot correspond à l'hébreu mischbéçeth, substantif tiré du verbe shabbeç, que l'Écriture emploie pour expliquer le tissu de la tunique. D'après Josèphe, le tissu de la tunique des prêtres ordinaires et de la tunique du grand-prêtre serait le même, ce qui concorde avec l'opinion du Talmud (Yoma, 12 b) pour lequel l'abnet seul est tissé différemment, selon qu'il s'agit du grand-prêtre ou du prêtre ordinaire (laine et lin pour le premier, lin seulement pour le second). Ce qui prouve que Josèphe se réfère ici à la tradition, c'est que de l'examen des versets (Exode, XXVIII, 4, 39) il semble résulter que le mot shabbeç s'applique exclusivement à la tunique du grand-prêtre.
[136]
En hébreu : miçnéfet. Josèphe attribue aux prêtres ordinaires la coiffure qui, d’après Exode, XXVIII, 4, est celle du grand-prêtre seul. Les prêtres ordinaires avaient, selon la Bible, la migba’a. L'erreur ou la confusion est d'ailleurs insignifiante, car ces deux sortes de coiffure étaient formées de bandes analogues, qui toutefois s'enroulaient autour de la tète de deux façons différentes (cf. Maimonide, R. Kelè Hamikdasch, VIII, 2, d'après Yoma, 71 b. Voir ce que dit Josèphe plus loin au § 6 de ce chapitre).
[137]
Texte corrompu.
[138]
Tous ces détails, inconnus à la Bible et à la tradition, contredisent de plus la Halacha (Yoma, 72 b, et Zebahim, 88 b), selon laquelle les vêtements des prêtres n'étaient pas cousus, à l'exception des manches de la tunique. Cependant ce passage, par sa précision, fait croire à l'exactitude des souvenirs de Josèphe qui rapporte, sans doute, ce qu'il a vu lui-même.
[139]
Exode, XXVIII, 31 ; XXXIX, 22.
[140]
En hébreu : meîl. Les LXX traduisent aussi, en grec, ce mot par « qui descend jusqu'aux pieds ».
[141]
Pour l'absence des manches, l'opinion de Josèphe est conforme à celle de Maimonide (H. Kelè Hamikd., IX, 4) et de Nahmanide dans son commentaire sur le Pentateuque (sur Exode, XVIII, 31) ; l'accord de ces deux derniers fait croire à un commentateur de Maimonide qu'ils se fondent sur une baraïta qu'ils sont seuls à connaître. On voit que Josèphe possédait une tradition identique. Quant au détail de la description, il y a des divergences. Pour ce que Josèphe dit de la frange, voir plus haut, § 3, et la note. Sur le nombre des clochettes et grenades, ni Josèphe, ni l'Écriture ne disent rien. Selon le Talmud, Zebahim, 88 b, il y en avait en tout 72.
[142]
Exode, XXVIII, 6 ; XXXIX, 2.
[143]
En hébreu : éphod.
[144]
L'Écriture ne donne pas de détails sur la façon de l'éphod. La tradition ne dit pas que l'éphod ait été pourvu de manches.
[145]
Exode, XXVIII, 15 ; XXXIX, 8.
[146]
En hébreu : hôschen.
[147]
Josèphe ne parle pas en particulier des oracles appelés Ourim et Toumim (Exode, XXVIII, 30). Ces objets, qu'on n'a jamais su définir, se mettaient sur le hôschen (pectoral). Josèphe a préféré attribuer la faculté de rendre des oracles aux pierres même du pectoral (voir plus loin, VIII, § 9 et la suite).
[148]
Exode, XXVIII, 9 ; XXXIX, 6. Ce sont les pierres de schôham de la Bible. Le texte de Josèphe est altéré.
[149]
Le verset (Exode, XXVIII, 10) dit : « selon leurs naissances ».
[150]
Exode, XXVIII, 17 ; XXXIX, 10.
[151]
La liste des LXX est, à peu de chose près, identique.
[152]
Cf. sur les noms des phylarques et leur ordre Sota, 36 a et b.
[153]
Exode, XXVIII, 8.
[154]
Il n'en est question ni dans l'Écriture, ni dans le Talmud.
[155]
Exode, XXVIII, 36; XXXIX, 30.
[156]
On trouve dans le Talmud (Houllin, 138 a), une baraïta d'où il résulterait qu'en effet, par dessus le bonnet, le grand-prêtre se coiffait encore d'une sorte de turban de laine sur lequel se posait le ciç d'or et ainsi, dit ce texte, se trouvait réalisé le commencement du verset, Exode, XXVIII, 37 : « et tu le placeras sur le tissu d'hyacinthe ».
[157]
C'est de l'araméen. Voir, sur ce nom de plante, Immanuel Lôw, Aramaeische Pflanzennamen, Leipzig, 1881, n° 326, p. 381. Il n'est question de cette couronne et de ce calice ni dans le Pentateuque, ni dans les sources rabbiniques. L'Écriture ne parle que d'un ciç, appelé en quelques passages nézer hakkôdesch ; ce ciç est partout traduit par plaque, lame. Le Talmud parle bien quelquefois (Kiddouschin, 66 a) de couronne pontificale, mais seulement par métaphore. Si Josèphe ajoute au ciç une couronne d'or, c'est qu'il avait dans l'esprit la couronne que le grand-prêtre portait certainement à son époque. Il n'est pas seul, d'ailleurs, à rapporter au passé un usage de date récente. Déjà l'Ecclésiastique (commencement du IIe siècle av. J.-C.) parle d'une couronne d'or portée par Aaron (XLV, 14), et non de la simple plaque de l'Exode.
[158]
Le ciç proprement dit.
[159]
D'après la Bible, il y avait deux mots, lesquels, selon le Talmud (Soukka, 5a; Sabbat, 63b) étaient gravés dans la plaque d'or sur deux lignes : le tétragramme en haut (nom de Dieu) et les quatre autres lettres (Consacré ou Sainteté) en bas.
[160]
Cet essai d'une symbolique du Tabernacle, déjà esquissée plus haut, est dans le goût des Alexandrins et rappelle en particulier Philon (II, M., 148 à153, 155). Josèphe lui-même en avait précédemment donné quelques traits (Guerre, V, 5). Il faut croire que ce genre d'explications allégoriques s'était répandu, car on trouve dans les Midraschim des exemples curieux d'interprétations analogues. Le Livre des Jubilés, inspiré de Philon, paraît avoir comparé également, - dans la version primitive -, le Sanctuaire à l’œuvre de la création (voir Epstein dans Rev. Ét. juiv., t. XXI, p. 94). Un écrit qui a beaucoup de rapports avec le précédent, le Midrash Tadsché, s’étend aussi (ch. II) sur les correspondances entre la création et le tabernacle (en y joignant le temple de Salomon) : « le Saint des Saints répond aux cieux supérieurs, l'autre partie du sanctuaire à la terre, le parvis à la mer..., le candélabre aux astres, etc. » La liturgie samaritaine connaît aussi la signification allégorique du tabernacle (v. Heidenheim, Samarat. Liturgie, p. 16). Dans Tanhouma sur Exode, XXXVIII, 21, le tabernacle est comparé à l’œuvre de la création ; l'enceinte faite de tentures correspond au ciel et à la terre ; le voile qui sépare le sanctuaire du Saint des saints est assimilé au firmament, qui sépare les eaux supérieures des eaux inférieures, etc.
[161]
Dans le Bellum, VII, 5, Josèphe, parlant du candélabre du temple de Jérusalem, dit que les sept lampes symbolisaient la sainteté de la semaine.
[162]
Cf. Philon, Vita Mosis, II, M.. p. 148 fin et 149.
[163]
Autre nom attribué par Josèphe à l'éphod, qu'il a déjà appelé plus haut épômis.
[164]
Lévitique, VIII, 1.
[165]
Dans le Midrash également, Moïse passe pour avoir désiré lui-même la charge du grand-prêtre (Lévit. Rabba, XI ; Tanhouma sur Lev., IX, 1). On y représente aussi Dieu invitant Moïse à consacrer Aaron devant les anciens et le peuple pour que sa nomination ait un caractère public.
[166]
Exode, VI, 23.
[167]
En hébreu : Nadab, Abihou.
[168]
Exode, XXXI, 10 ; XXXV, 19 ; XXXIX, 1.
[169]
Il se pourrait qu'en employant l'expression « le superflu, l'excédent », Josèphe ait entendu traduire l'hébreu dans l'expression difficile bigdè serad et ait vu dans ce mot la même racine qui a formé « superstes », (Nombres, XXI, 35 ; Josué, X, 20, etc.). Cette exégèse, d’ailleurs peu plausible, se retrouve dans le recueil Bikkouré Haittim, année 1825, p. 59.
[170]
Exode, XXX, 11.
[171]
Ce n'est pas exact. La drachme attique pèse 4,37g, le sicle hébraïque ou tyrien 14 grammes. C'est, en réalité, un tétra drachme phénicien [T. R.]
[172]
Chiffre erroné, la Bible et les LXX ont 603.550 (Exode, XXXVIII, 26).
[173]
Exode, XXX, 22.
[174]
Josèphe donne les mêmes noms de parfums qu'on trouve dans les LXX (Exode, XXX, 22-24).
[175]
Les versets du Pentateuque où il est question de l'éclairage du candélabre ont donné lieu à des interprétations diverses de la part du Talmud et des commentateurs. Ces versets sont : Exode, XXV, 37; XXVII, 20; XXX, 8; Lévitique, XXIV, 14 ; I Samuel, III, 3; II Chroniques, XIII, 11. Ils sont discutés dans Menahot, 98 b. L'opinion de Josèphe est conforme à celle du Sifré (p. 16 a).
[176]
Exode, XXXVIII, 22.
[177]
Dans Tanhouma (sur Exode, XI, fin), R. Samuel bar Nahman (Amora palestinien du IIIe siècle) exprime l'opinion que le tabernacle a été érigé le septième mois après que les travaux avaient commencé. Cette opinion se rapproche de celle de Josèphe.
[178]
Exode, XL, 17.
[179]
Nous traduisons d'après le sens général de la phrase, mais le texte est sûrement corrompu [T. R.]
[180]
Exode, XL, 34.
[181]
La Bible ne parle pas de cette rosée.
[182]
Lévitique, VIII, 14.
[183]
Lévitique, IX, 24.
[184]
Lévitique, X, 1.
[185]
Dans l'Écriture, c'est Miçaël et Elçaphan, fils d'Ouziel, oncle d'Aaron, qui sont chargés d'emporter hors du camp les corps de Nadab et d'Abihou.
[186]
Il est fait allusion, ici et dans les paragraphes suivants, aux Ourim et Toumim. Le Talmud (Yoma, 73 b) explique justement le mot Ourim par lumière. Sur le fonctionnement de ces oracles, qui, d'ailleurs, selon le Talmud (Sota, 48 b) et Josèphe lui-même (plus loin) n'existaient plus dès l'époque du second temple, les opinions les plus diverses avaient cours. En tout cas, contrairement à l'opinion de Josèphe, la tradition (cf. aussi Philon, De vita Mos., II, M., p. 154) croit que ces Ourim et Toumim étaient distincts des pierres du pectoral. L'oracle était rendu, d'après une opinion talmudique, au moyen des lettres gravées sur les pierres, lesquelles lettres se réunissaient miraculeusement pour former des mots.
[187]
Donc environ depuis la mort de Jean Hyrcan et l'abolition de la théocratie. D'après la tradition, l'oracle des Ourim et Toumim a cessé bien avant, « depuis la mort des premiers prophètes », dit la Mishna de Sota, IX, 14, c'est-à-dire, comme il résulte de la discussion du Talmud (ibid., 48 b), depuis l'époque du second temple, Aggée, Zacharie et Malachie étant seuls considérés comme « derniers prophètes ».
[188]
Nombres, VII, 1.
[189]
Ce sont les Lévites et non les phylarques qui auront la garde de ces chars et la mission d'emporter les pièces du tabernacle (Nombres, VII, 6, 7, 8).
[190]
Les LXX emploient les mêmes termes que Josèphe (Nombres, VII, 13).
[191]
Dans la Bible, 10 pièces d'or.
[192]
En hébreu : schelamim. Les mêmes sont appelés plus loin « sacrifices d'actions de grâce ».
[193]
Nombres, VII, 17.
[194]
Nombres, VII, 89.
[195]
Lévitique, I, 1 ; cf. Contre Apion, II, 23.
[196]
Dans le Contre Apion (II, § 195), Josèphe explique le but et la raison d'être de ces sacrifices qu'il ne fait ici qu'énumérer.
[197]
Philon (De victimis, § 3, II, M., p. 238) distingue comme Josèphe les sacrifices publics et les sacrifices privés.
[198]
D'après le Lévitique et la tradition (v. Maimonide, M. Tora, H. Maacé Hakorbanot, I, 1), il y a quatre sortes de sacrifices : ôla (holocaustes), hattat, ascham (deux sortes de sacrifices expiatoires), schelanîm (sacrifices d'actions de grâce) sans compter les subdivisions. Josèphe, qui traite très brièvement des sacrifices, ne parle ici que de deux sortes, mais il mentionne également plus loin les sacrifices expiatoires.
[199]
Lévitique, I, 3.
[200]
Pour ces détails qui ne sont pas formellement dans la Bible, Josèphe suit la tradition, mais en simplifiant. Les holocaustes de quadrupèdes, selon les sources rabbiniques, sont seuls soumis à la règle qui exige qu'on n'emploie que des animaux mâles ; pour les holocaustes d'oiseaux on se servait indifféremment de mâles ou de femelles. Quant à l'âge des victimes, d'après la tradition (Para, I, 3), non seulement les bœufs, mais aussi les agneaux et les boucs pouvaient être immolés quand ils étaient « grands », c'est-à-dire entre un an et deux ans ; pour les bœufs, on pouvait même aller jusqu'à trois ans.
[201]
Par qui ? Josèphe ne le dit pas expressément. Cependant il semble, d'après lui, que ce sont les prêtres qui s'acquittaient de ce soin. Primitivement, les simples particuliers pouvaient en être chargés (I Chroniques, XXIX, 21). Plus tard, on le confia aux prêtres ordinaires (cf. II Chroniques, XXIX, 21-24 ; XXX, 1, 11). Pendant l'époque du second temple, les laïques eurent le droit d'immoler les victimes, comme on le voit par la 1ère Mishna du ch. III de Zebahim.  
[202]
Josèphe prend à la lettre les mots de Lévitique, I, 5. Selon la Halacha (Sifra sur ce passage ; Zebahim, 53 b), on ne faisait d'aspersions pour les holocaustes que sur les deux angles nord-est et sud-ouest de l'autel, de façon à mettre du sang sur les quatre côtés, mais sans en jeter tout autour.
[203]
Selon Lévitique, I, 13, on ne lavait que les pieds et les intestins, mais, d'après II Chroniques, IV, 6, le nettoyage des holocaustes paraît avoir été complet. Josèphe dit, d'ailleurs, plus loin que les pieds et les intestins étaient lavés avec un soin particulier (cf. Sifra sur Lévitique, I, 6; Tamid, IV, 3).
[204]
La prescription qu'on lit dans Lévitique, II, 13 : « Sur tous tes sacrifices tu offriras du sel » est donnée à propos des oblations ; mais le principe est appliqué en effet, selon la Halacha, à toute espèce de sacrifices (Tamid, IV, 3 ; Menahot, 21 b).
[205]
D'après Lévitique, I, 8, le dépouillement des peaux n'a lieu que pour les holocaustes de gros bétail ; mais le Sifra (ad loc.) l'étend à tous les holocaustes. Cf. aussi Lévitique, VII, 8 ; Zebahim, II, 4 ; Philon, M., II, p. 235.
[206]
Lévitique, III, 1.
[207]
Lévitique, V, 1.
[208]
Dans la Bible, il y a deux noms pour cette sorte de sacrifices : hattat et ascham ; mais la définition précise de chacun de ces termes est malaisée à fournir. Josèphe, dans sa brève notice, mélange beaucoup de textes du Lévitique qui traitent en détail des sacrifices publics ou privés et des divers péchés qui en nécessitent l'offrande (voir là-dessus, Maimonide, M. T., H. Maacé Hakorbanot). Le mot grec employé par Josèphe, se trouve aussi dans les LXX1 correspondant à l'hébreu : hattat. Le mot grec qu'on trouve plus loin, se rencontre également dans les LXX avec un autre pour désigner plutôt le sacrifice nommé ascham. Josèphe, qui se réserve de parler ailleurs plus amplement des sacrifices, est ici trop bref pour être exact. Il dit que le cérémonial des sacrifices d'expiation est le même que celui des sacrifices d'actions de grâce. Il devait en excepter les hattaot mentionnés dans Lévitique, IV, 1-22, série de sacrifices où les victimes sont presque entièrement consumées.
[209]
D'après la Halacha (Sifré sur Lévitique , V, 8 ; Pesahim, 59 a), l'holocauste n'est offert qu'après le hattat.
[210]
Lévitique, IV, 27; VII, 1.
[211]
Soit ignorance de l'acte commis, soit ignorance de la loi telle est la Halacha (Sabbat, 67 b sqq.).
[212]
Ce que l'Écriture appelle les cornes de l'autel.
[213]
Lévitique, V, 21.
[214]
Lévitique, IV, 22.
[215]
Le Lévitique dit que le naci (prince) n'a qu'un bouc mâle à offrir. Le taureau n'est exigé, selon Lévitique, IV, 3, que du grand pontife et (V 14) de l'assemblée d'Israël. Mais Josèphe, en employant le même mot grec que dans d'autres passage (Bellum, II, § 627), désigne les membres du sanhédrin, qui représentent la communauté, selon la tradition (cf. Sifra sur Lévitique, IV, 13 : Horayot, 4 b).
[216]
Nombres, XV, 4.
[217]
L'obligation d'employer du froment est énoncée aussi dans Sota, II, 1.
[218]
C'est là l'oblation que le Talmud appelle minhat neçachim ; elle était, en effet, brûlée tout entière sur l'autel (Menahot,  VII). Parmi les Sadducéens régnait une doctrine différente (v. Meguillat Taanit, VIII) : une seule poignée était offerte ; le reste appartenait aux prêtres.
[219]
Lévitique, II, 1 ; IV, 13.
[220]
Lévitique, VI, 16.
[221]
Lévitique, XXII, 26 ; II, 4.
[222]
Nombres, XXVIII, 2.
[223]
C'est l'opinion des Pharisiens, fondée sur Nombres, XXVIII, 2 : « Vous observerez pour me l'offrir, etc. » Les Sadducéens croyaient que les sacrifices quotidiens pouvaient être offerts par un particulier à cause du verset 4, qui emploie le singulier : « Tu prépareras le premier agneau, etc. »  Cf. Mehanot, 65 ; Meguillat Taanit, I.  
[224]
Dans Antiquités, XIV, 4, 3, Josèphe précise l'heure du soir ; il dit « vers la neuvième heure ». La même heure environ est indiquée dans la Mishna de Pesahim, V, 1 : « Le sacrifice perpétuel, dit ce texte, est immolé à la 8e heure et demie et offert à la 9e heure et demie ». Cf. aussi C. Apion, II, § 105.
[225]
D'après le Talmud (Schebouot, I, 1, et 9 a), le bouc offert aux néoménies (et aux trois fêtes) est destiné à expier les péchés dont on n'aurait eu jamais nulle connaissance et que Dieu seul connaît.
[226]
Nombres, XXIX, 1.
[227]
Le premier du mois ; les mots qui expriment cette date ont dû être sautés par les copistes. Josèphe ne donne pas non plus ici le nom hébreu du septième mois, à savoir Tisri ; mais on le trouve ailleurs (Antiquités, VIII, § 100).
[228]
Nombres, XXIX, 7 ; Lévitique, XVI, XXIII, 26.
[229]
Ce que Josèphe rapporte – succinctement - c'est le cérémonial tel qu'il a pu le voir encore au temple de Jérusalem. De son temps, le grand-prêtre n'offrait que les sacrifices propres à la solennité ; les prêtres ordinaires faisaient le reste. Mais d'après les sources rabbiniques, tout le service était effectué anciennement par les grands-prêtres (baraïta de Toma, 32 b ; Houllin, 29 b ; Horayot, 22 b).
[230]
Celui dont il est parlé dans Lévitique, XVI, 5, et celui qui est offert pour le peuple, selon Nombres, XXIX, 8. Josèphe se trouve résoudre ainsi comme R. Eléazar bar R. Simon, contre Rabbi, la question de savoir si ces deux passages désignent le même sacrifice ou deux sacrifices différents (voir la baraïta citée dans Toma, 3 a et 70 b). La tradition ultérieure a, au contraire, accepté plutôt l'opinion de Rabbi (v. Maimonide, Hil. Abodat Yom Hakkippourim, I, 1).  
[231]
Telle est aussi l'opinion du Talmud (Shebouot, 14 a) : « Le kohen l'offre à ses frais, et non aux frais de la communauté » ; cette règle est fondée sur la triple répétition des mots ascher lô (Lévitique, XIII, 6 et fin), que les LXX traduisent chaque fois par : « pour ses fautes ».
[232]
La Halacha (Yoma, V, 4, 5) dit que l'aspersion se faisait une fois seulement en haut et sept fois en bas.
[233]
Le verset (Lévitique, XVI, 18) dit : « l’autel qui est en face de l'Éternel ». La Mishna de Yoma (V, 5) explique aussi que ces mots désignent l'autel d'or.
[234]
Le verset (Lévitique, XVI, 25) dit seulement que le grand-prêtre faisait fumer les graisses du hattat sur l'autel. L'énumération est empruntée à Lévitique, IV, 8-10.
[235]
Lévitique, XXIII, 34.
[236]
Josèphe parait faire de l'obligation de construire des tentes une prescription momentanée et omettre ainsi le verset du Lévitique (XXIII, 42). D'après ce qu'il dit plus loin et ce qu'il dit ailleurs de la fête de la scénopégie ou construction des tentes (Antiquités, VIII, § 100), l'on voit que la rédaction est ici inexacte. Selon le Midrash (Tanhouma sur le même verset), Moïse aurait aussi ordonné aux Israélites dans le désert de construire des tentes pour s'abriter contre le froid.
[237]
Lévitique, XXIII, 40. Josèphe est conforme a la tradition (Soukka, 32 b), qui explique l'hébreu anaf èç abot par haddas = myrte. Les LXX sont moins exacts.
[238]
La tradition appelle ce fruit, - désigné vaguement dans l’Écriture -, etrog, qu'on traduit par cédrat, sorte de citron. Le bouquet formé des quatre espèces devait être porté dans la main, selon l'opinion des Pharisiens, qui est celle de Josèphe ; selon les Sadducéens, il servait à orner la tente (v. Graetz, Geschitche der Juden, III, note 10).
[239]
Nombres, XXIX, 13.
[240]
Lévitique, XXIII, 36 ; Nombres, XXIX, 35. En hébreu, açéret = clôture ou arrêt
[241]
Lévitique, XXIII, 5
[242]
C'est-à-dire par groupes d'au moins dix personnes, selon la tradition (haboura). Voir Pesahim, 91 a. Josèphe donne lui-même des détails conformes à la tradition (Pesahim, V, 1) dans le Bellum, VI, 9, 3, § 423.
[243]
Lévitique, XXIII, 5 ; Nombres, XVIII, 17.
[244]
Il ne faut pas conclure de ce passage que Josèphe ait cru que l'obligation de se nourrir d'azymes ne s'applique pas au 14 Nisan, car il a dit précédemment que la fête des azymes durait huit jours. Ici, d'ailleurs, il insiste surtout sur la cérémonie de l'agneau pascal, qui a lieu le 14, déjà avant la nuit, tandis que la fête proprement dite des azymes ne commence que le soir, qui compte, au surplus, avec le jour suivant.
[245]
Lévitique, XXIII, 9.
[246]
Josèphe est d'accord avec la tradition pharisienne pour la date de l'offrande de l'ômer d'orge. Selon lui, les mots obscurs des versets du Lévitique (XXIII, 11, 15) : « le lendemain du sabbat » doivent s'entendre du lendemain du premier jour de fête. Les Sadducéens, au contraire (voir la discussion dans Menahot, 65 a, sqq.), estimaient qu'il fallait prendre ces mots à la lettre, de sorte que l'offrande de l'ômer avait lieu toujours un dimanche, de même que la fête de Schabouot, qui survient cinquante jours après ; opinion adoptée ou conservée plus tard par les Juifs Caraïtes. Philon (II, M.. p. 294) est d'accord avec Josèphe et la Halacha; il emploie également le même mot pour l'orge.
[247]
La Mishna de Menahot (VI, 8) compte seulement cinq espèces de céréales dont il n'est pas permis d'user avant Pâque.
[248]
Ce n'est pas l'Écriture, mais la tradition qui établit qu'on offrait de l'orge (voir Menahot, 84 a). La manière de préparer l'ômer est indiquée dans la Mishna de Menahot, VI, 4.
[249]
= ômer.
[250]
Conforme à Menahot, VI, 8.
[251]
Lévitique, XXIII, 15 ; Nombres, XXVIII, 26.
[252]
Asartha est le mot araméen açarta = héb. acéret, par lequel on désigne dans la littérature post-biblique la fête de la Pentecôte.
[253]
D'après la Mishna de Menahot (XI, 9), les deux pains faits la veille de la fête ne pouvaient durer que ces deux jours, à moins que la fête ne survint le lendemain d'un samedi : en ce cas, les pains duraient trois jours.
[254]
Josèphe parait avoir additionné à peu près les données divergentes des deux passages du Lévitique et des Nombres relatifs aux sacrifices de la Pentecôte. Le Lévitique énumère sept agneaux, un bœuf, deux béliers, un bouc expiatoire, et deux agneaux d'actions de grâces. Les Nombres ont sept agneaux, deux bœufs, un bélier, un bouc expiatoire. Josèphe signale d'abord les deux agneaux qui finissent la première liste comme sacrifice spécial de la fête concurremment avec les pains ; puis il additionne les agneaux des deux listes, ainsi que les bœufs (ou les veaux) et les boucs expiatoires ; il ne garde que les deux béliers du Lévitique. C'est ainsi qu'il résout la difficulté qui naît de la comparaison de ces deux passages du Pentateuque. Le système de Josèphe est, d'ailleurs, parfaitement d'accord avec celui de R. Akiba (Menahot, 45 b), qui discute contradictoirement avec R. Tarfon (Tannaïm du commencement du IIe siècle) sur nos deux textes et qui admet que les sacrifices énumérés dans le Lévitique sont prescrits comme accompagnement aux deux pains, tandis que ceux des Nombres sont additionnels (mousafim) et, par conséquent, indépendants des premiers.
[255]
Lévitique, XXIV, 5.
[256]
C'est ce que la Halacha (Menahot, IV, 6) nomme havité kohen gadôl.
[257]
Le Sifra (sur Lévitique, VI, 14) explique le mot hébreu du verset comme s'il y avait « elle sera bouillie » : il semble résulter de là, contrairement à Josèphe, que le gâteau en question se cuisait longtemps et devait avoir plutôt une consistance molle.
[258]
Nombres, III, 5.
[259]
Lévitique, XI, 1 ; Deutéronome, XIV, 3.
[260]
Lévitique, XVII, 10.
[261]
Lévitique, XI, 39.
[262]
Lévitique, VII, 22.
[263]
Lévitique, XIII-XV. Mais, dans le texte, il n'est nullement question de chasser de la ville ou de leur maison les femmes menstruelles.
[264]
Nombres, XIX, 14 ; XXI, 19 ; cf. C. Apion, II, 28. Cette prescription n'est pas dans le premier des passages bibliques indiqués, où on l'attendrait plutôt ; elle est promulguée incidemment, quand les Israélites reviennent de leur campagne contre les Madianites. Moïse dit à ceux qui ont versé le sang et touché des cadavres : « Et vous, demeurez hors du camp pendant sept jours ». C’est de ces mots que la Halacha tire la règle générale (Sifré sur Nombres, XIX, 14). Josèphe est conforme à la tradition.
[265]
Lévitique, XV, 16.
[266]
Cf. Nombres, XII, 12 : dans ce passage, Aaron dit à Moïse que sa sœur, frappée de lèpre, est comme une morte. Sur la législation des lépreux, cf. Kélim, I, 7-8.
[267]
Allusion aux écrivains comme Manéthon, qui publiaient sur les origines des Juifs des relations injurieuses. Voir, d'ailleurs, le C. Apion, I, § 287, où Josèphe prend Manéthon directement à parti sur cette même question.
[268]
Lévitique, XII, 2.
[269]
Nombres, V, 12
[270]
Selon la tradition (Sota, III, 1), cette offrande avait lieu après la cérémonie décrite plus loin ; mais on sait qu'à l'époque de Josèphe, toute cette procédure était abolie (Tosefta de Sota, éd. Zuckermandel, p. 320). Sur la date de l'abolition, cf. M. Olitzki, Fl. Josephus und die Halacha, p. 22, note 27.  
[271]
Le mot utilisé par Josèphe est cité, au contraire, dans la Mischna de Sota (II, 4) comme un des objets sur lesquels on ne doit point écrire. La confusion faite par Josèphe peut s'expliquer par cette circonstance que la procédure n'était plus usitée de son temps. Selon la Halacha, il fallait un rouleau de parchemin (meguilla) ; on n'y écrivait pas uniquement le nom de Dieu, comme le déclare Josèphe, mais bien les phrases même de l'imprécation ; voir Sota, II, 3.
[272]
La Bible dit seulement (Nombres, V, 28) que la femme justifiée aura une prospérité. Le Sifré (ad loc.) rapporte une discussion entre R. Akiba et R. Ismaël (commencement du IIe siècle) : selon le premier, le verset signifierait que même la femme jusque là stérile deviendra féconde ; le second explique que si elle avait eu jusque-là un enfantement laborieux, dorénavant elle enfantera aisément et que si elle n'avait eu précédemment que des filles, elle aura désormais des enfants mâles.
[273]
Lévitique, XI, 40 ; Deutéronome, XXII, 22.
[274]
Lévitique, XXI, 7 ; cf. C. Apion, I, 7.
[275]
Si le texte est exact, Josèphe ici ajoute quelque chose aux prescriptions de l'Écriture, qui défend aux prêtres d’épouser trois sortes de femmes : zona (prostituée), halala (femme indigne, née d'une union illicite, comme l'explique la tradition, Kiddouschin, 77 a) et la guerouscha (femme répudiée) ; voir là-dessus les notes suivantes. Pour l'esclave (cf. Antiquités, liv. IV, VII, 23, où l'interdiction est appliquée même aux laïques), la tradition en parle dans Yebamot, 61 a : « Le prêtre ne peut épouser ni une esclave, ni une affranchie ». Quant à la prisonnière de guerre, la Mishna de Ketoubot (II, 9) dit que les femmes de prêtres qui se sont trouvées dans une ville conquise par l'ennemi ne peuvent plus reprendre la vie conjugale avec leurs maris, à moins de prouver qu'elles sont restées pures. Josèphe lui-même donne de plus amples détails sur ces interdictions dans le C. Apion, I, 7, § 30 et suivants ; cf. aussi Antiquités, liv. XIII, 10, 5 fin (histoire de Jean Hyrcan).
[276]
On a beaucoup commenté Ces mots singuliers et qui répondent malaisément à la zona ou à la halala de l'Écriture. Il faut croire qu'à l'époque de Josèphe le métier d'hôtelière était mal famé. Chose remarquable, on trouve dans les Targoumim le mot pandokita, hôtelière, comme traduction de l'hébreu zona (cf. Lévitique, Chaldaisches Wörtenbuch, 11, 272 : ex. Juges, XI, 1 ; I Rois, III, 16 ; Ezéchiel, XXIII, 44). Cette traduction suppose sans doute dans le mot zona la racine zoun, qui signifie nourrir. Un passage de Josèphe viendrait à l'appui de cette observation : au livre V, I, 2, les explorateurs envoyés par Josué s'en vont chez une femme, nommée Rachab, qui est représentée comme une aubergiste ; or la Bible l'appelle précisément zona (Josué, II, 1). - Le mot grec employé par Josèphe parait correspondre à l'hébreu halala.
[277]
Voir livre IV, VIII, 23 et note.
[278]
Lévitique, XXI, 10.
[279]
C'est-à-dire ne la point répudier, ou bien veiller sur ses mœurs, si la leçon est exacte ; mais ces mots ont paru, non sans raison, un peu étranges, et Mangey (II, p. 212, n, i) a ingénieusement proposé de lire : « une femme de sa tribu », c'est-à-dire de souche sacerdotale, ce qui concorderait avec le passage du texte de Philon « non seulement une vierge, mais une prêtresse issue de prêtres ». Cette leçon parait cependant devoir être écartée, car la tradition (Sifra sur Lévitique, XXI, 14; Yebamot, VI, 4 ; 77 b) admet que le grand-prêtre peut épouser une laïque ; or Josèphe, issu d'une famille pontificale, devait être renseigné sur ce point. D'ailleurs, il dit lui-même, dans le C. Apion, I, 7. § 31 : « il doit prendre une femme de sa nation », ce qui ne veut pas dire de souche pontificale. En revanche, le mot grec employé, s'il voulait dire une simple Israélite, serait impropre. Voir, pour plus de détails, Grünebaum, Die Priestergesetze bei Fl. Josephus, Halle, 1887, p. 26 sqq.  
[280]
Lévitique, XXI, 2.
[281]
Ibid., 17 ; cf. Bellum, V, 5-7, et C. Apion, I, 31.  
[282]
Le Sifra sur Lévitique, VI, 1, déduit de même des mots du verset : « tout mâle parmi les fils d'Aaron en consommera » que ce privilège s'étend même aux prêtres affligés de défauts corporels qui les rendraient, d'ailleurs, impropres au ministère sacré. Cela ressort, d'autre part, de Lévitique, XXI, 22. Cf. Mishna de Zebahim, XII, 1 ; Philon, De Monarchia, II, 13.
[283]
Lévitique, X, 9 ; XXII, 17-26. La tradition (Keritot, 13 b), interprétant le verset Lévitique, X, 9, explique que le vin n'était pas défendu d'une façon absolue ; elle fixe la quantité minima susceptible d'entraîner l'ébriété. Les mots grecs employés par Josèphe doivent pas être pris sans doute tout à fait à la lettre ; ils signifient vraisemblablement « tant que le prêtre est de service » ; car il avait le droit de porter les vêtements sacerdotaux même en dehors du temple.
[284]
Lévitique, XXV, 1.
[285]
Josèphe commet là une inexactitude. Le Jubilé avait pour effet de rendre les propriétés aux possesseurs primitifs et d'émanciper les esclaves, mais nullement d'abolir les dettes ; c'est l'année de la Schemita (7e année) qui a seule ce privilège, comme l'explique le Sifré (97 b). L'erreur de Josèphe s'explique peut-être par cette circonstance qu'à son époque l'annulation des dettes ne se pratiquait plus, grâce à l'institution du prosbol, inventé par Hillel pour tourner une loi qui favorisait des abus (voir Schebiit, X, 3).
[286]
Cf. livre IV, VIII, 28.
[287]
Le mot yobel est assez obscur ; on le traduit généralement par « cor » ou « trompette au son retentissant » ; quelle que soit l'origine du mot, il ne peut signifier « liberté » ; c'est le mot deror du même verset (Lévitique, XXV, 10) qui a ce sens ; c'est sans doute ce qui a suggéré à Josèphe de traduire ainsi yobel. Philon (De Decalogo, 30, II, M., p. 207) appelle le Jubilé : « rétablissement », ce qui fait penser à la racine hébraïque qui, au hiphil, signifie « ramener, rapporter ». Les LXX traduisent yobel par « signal (donné par la trompette) ».
[288]
Lévitique, XXV, 14.
[289]
Nombres, I, 1.
[290]
Comme plus haut (VIII, 2), Josèphe donne un chiffre un peu différent de celui des Nombres, qui est 503.550 (I, 46). Les LXX sont conformes à l'hébreu.
[291]
Nombres, II, 1.
[292]
Ibid. III, 39.
[293]
Le texte n'est pas sûr, certains mss. donnent 22.880. En tout cas, Josèphe s’écarte beaucoup de l'Écriture, qui donne le chiffre de 22.000. On ne voit pas d'où Josèphe peut tirer le chiffre de 23.880. Les LXX sont conformes à l'hébreu.
[294]
Nombres, IX, 18.
[295]
Nombres, X, 1.
[296]
Ibid. 10.
[297]
L'Écriture ne parle pas en particulier du sabbat. Mais le Sifré (sur Nombres, X, 10) explique que les mots : « En vos jours de réjouissance et vos époques fériées » désignent particulièrement le sabbat.
[298]
Nombres, IX, 1.
[299]
Nombres, XI, 4.
[300]
Ce nom, qui doit être la transcription de l'hébreu rappelle plutôt par les consonnes un autre nom propre hébreu, qui désigne dans la Bible un homme (Genèse, X, 26), mais a été appliqué ensuite à une localité en Arabie.
[301]
Dans la Bible, c'est Moïse qui tient ce langage sceptique et à Dieu lui-même (Nombres, XI, 21, 22), et la littérature midraschique ne se fait pas faute de l'en blâmer ; on voit encore ici un exemple de la manière dont Josèphe altère ce qui peut paraître défavorable à son personnage.
[302]
Nombres, XI, 31.
[303]
En hébreu : kibrot hattaawa. Les LXX ont la même traduction que Josèphe.
[304]
Nombres, XIII, 1.
[305]
En hébreu : Pharan (Nombres, XII, 16).
[306]
Nombres, XIII, 27.
[307]
Ce détail ne se lit pas dans l'Ecriture.
[308]
Nombres, XIV, 1.
[309]
Nombres, XIV, 6.
[310]
Nombres, XIV, 11.
[311]
Ibid. 33.
[312]
Il s'agit ici d'Ismaël ben Phiabi, dont Josèphe reparlera plus loin (Antiquités, XVIII, 2, 2 ; XX, 8, 8) et qui fut grand-prêtre, en effet, peu avant la guerre, de 59 à 61 environ. C'est par erreur, sans doute, que Josèphe place ce pontificat sous Claude, mort en 54. Quelques auteurs, ne pouvant croire à cette méprise de Josèphe, supposent qu'il y eut un autre Ismaël, grand-prêtre au temps de Claude, après Elionaios (44) ou qu'Ismaël n'est autre qu'Elionaios. Mais, outre que Josèphe ne connaît rien de pareil, lui qui est si bien informé sur la succession des grands-prêtres, il dit nettement que cette famine se produisit « peu de temps avant la guerre » : cet Ismaël est donc nécessairement Ismaël ben Phiabi. La Mishna et le Talmud représentent ce grand-prêtre comme un personnage très pieux (Mishna de Sota, IX, 15 ; Para, III, 5 ; Pesahim, 57 a, en bas).
[313]
Cette donnée ne concorde pas avec ce que dit Josèphe plus loin (Antiquités, XV, 9, 2) : d'après ce passage, un cor valait dix médimnes attiques.