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William Smith

Dictionnaire des auteurs

grecs et latins

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PANÉTIOS DE RHODES (Παναίτιος ὁ ῾Ρόδιος), disciple des stoïciens Diogène et Antipater, naquit vers 180 av. J.-C. Il vécut plusieurs années à Rome, commensal de Scipion et ami de Lélius. En 143, il accompagna le premier dans son voyage en Orient et à Alexandrie. Puis il succéda à Antipater dans la direction de l'école stoïcienne d'Athènes, où il mourut vers 110 av. J.-C.

On lui attribue sept écrits, sur le Devoir, dont Cicéron s'est beaucoup servi pour le De officiis et qui a ainsi indirectement inspiré le De officiis ministrorum de Saint Ambroise; sur les sectes philosophiques, sur la mantique, que rappelle en certains endroits le De divinatione de Cicéron; sur la politique, sur la Providence, à propos duquel se sont élevées de nombreuses discussions pour savoir si le De natura Deorum de Cicéron en reproduit les doctrines essentielles, etc.

À Athènes et à Rome, il eut de nombreux disciples, qu'énumère Zeller, et dont les plus célèbres sont Q. M. Scevola, Sextus Pompée, les Balbus, Mnésarque, son successeur à Athènes, Démétrios de Bithynie, Hécaton, Posidonios de Rhodes.

Panétios a introduit le stoïcisme à Rome, en le rendant pratique et éclectique. Il laisse de côté la dialectique et la physique, pour se tourner vers l'anthropologie, la morale ou la partie de la théologie qui traite des rapports de Dieu et de l'humain. Puis il se recommande de Platon et d'Aristote, de Xénocrate, de Théophraste, de Dicéarchos, autant, sinon plus, que de Zénon ou de ses successeurs. Aussi met-il en doute, après Boëthus, la conflagration universelle, qui doit, selon les stoïciens, ramener l'unité divine d'où sortira une nouvelle variété, et il trouve vraisemblable l'éternité du monde admise par Aristote. Peut-être encore se rapproche-t-il de certains disciples d'Aristote, en niant que l'âme survive, même pendant un certain temps, à ce que nous appelons la mort. En tout cas, il se souvenait du péripatétisme, lorsque, dans sa réduction à six des huit parties de l'âme humaine, il attribuait à la nature, et non plus à l'âme, la faculté reproductrice; lorsqu'il divisait la vertu en théorique et en pratique. Il se serait encore rapproché des platoniciens et surtout d'Aristote, s'il avait, comme l'affirme Diogène Laërce (VII, 128) - auquel Zeller d'ailleurs refuse d'ajouter foi - déclaré que la vertu ne suffit pas à elle seule, mais qu'il faut y joindre la santé, la force, la richesse. La même tendance se retrouve dans l'abandon de l'analgésie et de l'apathie; dans l'acceptation d'un plaisir conforme à la nature; lorsqu'il néglige le katorthôma pour s'attacher au kathèkon; qu'il s'adresse non pas au sage, mais à l'humain qui ne l'est pas (Sénèque, Ep. 116, 4), etc.

Avec Panétios s'établit à Rome une philosophie dont les tendances éclectiques atteindront leur complet développement avec Plotin, dont le caractère unificateur et pratique revivra dans le christianisme romain.

 

Παναίτιος, Ῥόδιος, ὁ πρεσβύτης, φιλόσοφος: οὗ πολὺς ἐν φιλοσόφοις λόγος. φέρεται αὐτοῦ βιβλία φιλόσοφα πλεῖστα. (SUIDAS)

Παναίτιος, ὁ νεώτερος, Νικαγόρου, Ῥόδιος, φιλόσοφος Στωϊκός, Διογένους γνώριμος, ὃς καθηγήσατο καὶ Σκηπίωνος τοῦ ἐπικληθέντος Ἀφρικανοῦ μετὰ Πολύβιον Μεγαλοπολίτην. ἐτελεύτησε δ' ἐν Ἀθήναις. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 2

 

PERSAIOS (Περσαος), surnommé le Kitien (Κιτιες), à cause de son lieu de naissance, Kition, ville située au sud de Chypre. Il était le disciple favori de Zénon le stoïcien, également originaire de Kition. Suidas (s. v.) nous dit qu'il s'appelait aussi Dorothéas, et que le nom de son père était Démétrios. Diogène Laërce affirme qu'il fut l'ami intime de Zénon, après avoir été l'esclave d'Antigonos Gonatas et le tuteur du fils de celui-ci, Alcyonéos ; il aurait été présenté à Zénon par le monarque pour qu'il lui serve de copiste : c'est alors qu'ils auraient sympathisé. L'opinion selon laquelle il aurait été l'esclave de Zénon est reprise par les auteurs postérieurs comme Aulu-Gelle (II, 18). Mais celle-ci est largement contredite par les détails de son existence et elle semble avoir été forgée à partir d'un commentaire de Bion Borysthénitès. En effet, Bion avait vu une statue en bronze de Persaios portant cette inscription, Περσαῖον Ζήνωνος Κιτιέα, en constatant qu'il y avait une faute à Περσαῖον Ζήνωνος οἰκιτιέα (Athénée IV, p. 162, d). Cependant la volonté de dénigrement qui caractérise les propos de Bion prouve bien plutôt qu'il méprisait Persaios, son rival à la cour d'Antigonos, dont la servilité tenait essentiellement à son comportement à l'égard de Zénon. Si Persaios avait été l'esclave de Zénon, le sarcasme aurait été beaucoup moins appuyé. Nous apprenons de Diogène Laërce que Zénon habita dans la même maison que Persaios, et il rapporte un incident qui doit être mis en rapport avec les insinuations de Bion. La même histoire est racontée par Athénée (XIII, p. 607, a. b), dans une version rapportée par Antigonos de Caryste, moins favorable à Zénon.

Persaios florissait durant la cent trentième Olympiade, vers 260 av. J.-C. Antigonos Gonatas l'avait envoyé à Zénon entre 277 et 271 (Clinton, F. H. vol. II, p. 368, note 1), alors que le philosophe avait déjà 81 ans. Fort apprécié par Antigonos, il le conseilla dans le choix de son entourage littéraire, comme l'affirme Bion, non sans ironie, dans le récit rapporté par Laërce. Malheureusement pour notre philosophe, il fut chargé de gouverner la ville de Corinthe ; de fait, il est classé par Élien parmi ces philosophes qui prirent une part active dans les affaires publiques. D'après Athénée (IV, p. 162, c), qui n'a pas une très haute opinion de sa moralité, son relâchement fut la cause de la perte de Corinthe, qui tomba dans l'escarcelle d'Aratos de Sicyone, en 243 av. J.- C. Pausanias (II, 8, VII, 8) dit qu'il fut mis à mort. Plutarque, sans en être tout à fait certain, le fait s'enfuir à Cenchreae. Dans sa mort, Athénée le fait parler : lui, qui avait appris de Zénon à  considérer les philosophes comme les seuls  à même de commander des armées, se voit contraint, une fois mort, à changer son opinion, ayant été vaincu par un jeune Sicyonien.

Nous trouvons la liste de ses écrits dans Laërce : nous commencerons par Θυέστης. Athénée (IV, 140, p. 6, e) d'accord avec Laërce pour lui attribuer cet ouvrage, l'intitulait Πολιτεία Λακωνική. Il nous donne également une vue d'ensemble d'un écrit portant son nom et qui est intitulé Συμποτικοὶ Διάλογοι (IV, p. 162, e). Mais que l'élève favori de Zénon et que l'ami intime d'Antigonos ait pu écrire un tel ouvrage est inconcevable. Il est l'auteur plus probable de ce livre appelé ῾Υπομνήματα Συμπότικα (comme en témoigne Laërce), sur le modèle du Συμπόσιον de Platon ; le  Περὶ Γάμου et le Περὶ ᾿Ερώτων, mentionnés par Laërce seraient deux traités séparés. En effet, ayant été l'ami d'Antigonos, il est impossible qu'il ait été un ennemi de la liberté de la Grèce ; C'est en raison de l'inimitié farouche de Ménédèmos (Diog. Laërce II, 143), que des œuvres apocryphes écrites sur un ton méprisant lui furent attribués. Toutefois, Lipsius (Manuduct. ad Stoic. Philosoph. XII, 1), semble être d'un avis contraire. Suidas et Eudoxia (p. 362) disent qu'il composa une Histoire qui peut être mise en rapport avec ses écrits politiques. Enfin, il serait l'auteur, selon Laërce, d'un ouvrage réfutant les Lois de Platon.

De ses opinions philosophiques, nous ne savons rien de particulier.  On pense qu'il adhéra complètement aux théories de Zénon. À cette occasion, il accusa Ariston, alors qu'il doutait, d'être en contradiction avec lui-même : or selon Zénon, l'homme sage n'a point à douter (ἀδόξαστος). Nous le trouvons aussi surpris lui-même par Antigonos dans ses contradictions - un fait qui été finement rapporté par Thémistios (Orat. XXXII, p. 358). Cicéron (de Nat. Deor. I, 15) critique son opinion selon laquelle la divinité était discernable non seulement à travers les hommes, créateurs des arts vitaux, mais aussi à travers les objets utilisés par ces mêmes hommes. Meursius (de Cypro, II, p. 167) pense que cette idée est formulée dans son ouvrage intitulé ᾿Ηθικαὶ Σχολαί,  cité par Laërce. Minucius Félix (Octav. p. 22, éd. Lugd. Bat. 1652), fait allusion à cette opinion, mais il semble l'avoir reçue de sa connaissance de  Cicéron, ses exemples étant romains et non point grecs. Dion Chrysostome (Orat. LIII) qui évoque, à la suite de Zénon, la figure de Persaios dans son commentaire sur Homère, ne dit rien de ses mérites en tant que général, mais s'efforce de démontrer qu'il avait écrit κατὰ δοξάν, et non pas κατὰ ἀληθείαν (Comp. Diog. Laërce VII, avec Lipsius, Meursius. ll. cc., et Fabric. Bibl. Graec, vol. III, p. 570). 

Περσαῖος, Κιτιεύς, φιλόσοφος Στωϊκός: ἐπεκλήθη δὲ καὶ Δωρόθεος. ἦν δὲ ἐπὶ τῶν χρόνων Ἀντιγόνου τοῦ Γονατᾶ υἱοῦ Δημητρίου, μαθητὴς καὶ θρεπτὸς Ζήνωνος τοῦ φιλοσόφου. Ἱστορίαν. (SUIDAS) 

 

Athénée XIII, 86

 

PHANODEMUS (Φανόδημος), auteur d'une de ces oeuvres sur les légendes et les antiquité de l'Attique connues sous le nom d'Atthides. L'époque et le leu de naissance de Phanodemus sont incertains . On peut conjecturer, par un passage de Proclus, (ad Platon. Tim. p. 30, ed. Basil.) que Théopompe écrivit contre lui, mais le passage de Proclus ne le prouve pas. Phanodemus vécut en tout cas avant l'époque d'Auguste, puisqu'il est cité par le grammairein Didymus (Harpocrat. s. v. γαμηλία) et Denys d'Halicarnasse (i. 61). Le lieu de naissance de Phanodemus pourrait être, suivant un passage d'Hesychius (s. v. Γαλεοί), Tarente, puisque ce dernier parle de  Phanodemus et de Rhinthon comme des Ταρεντῖνοι, mais on a bien conjecturé qu'on doit lire dans ce passage Ταρεντῖνος, parce que seul Rhinthon était de Tarente. Il est donc fort probable qu'il était natif de la petite île d'Icus, une des Cyclades, parce que nous savons qu'il a écrit un livre spécifique sur cette île. En tout cas il s'identifie avec l'Attique et parle avec enthousiasme de sa grandeur et de sa gloire.

Trois oeuvres de Phanodemus sont citées, mais la première était de loin la plus importante :

1. ᾿Ατθίς : on en a parlé plus haut . Ce doit être été un travail d'une ampleur considérable, car on mentionne le neuvième livre (Harpocrat. s. v. Λεωκόρειον). Nous citons en annexe quelques passages d'auteurs anciens qui le citent : une liste complète se trouve dans les oeuvres suivantes dont nous donnons les titres (Athen. iii. p. 114, c. ix. p. 392, d. x. p. 437, c, xi. p. 465, a.; Plut. Them. 13, Cim. 12, 19). 

2. Δηλιακά (Harpocrat. s. v. ῾Εκάτης νῆσος). Il n'y a pas de raison de changer le nom de Phanodemus en celui de Phanodicus dans le passage d'Harpocration, comme Vossius l'a fait, ni d'adopter la modification de Siebelis, qui asssigne cette oeuvre à Semus. 

3. Ἰκιακά, une histoire de lîle d'Icus (Steph. Byz. s. v. Ἰκός). 

Les fragments de Phanodemus ont été colléctés par Siebelis, Phanodemi, Demonis, &c., Fragmenta, Lips. 1812 (p. v. et pp. 3 - 14), et par C. et Th. Müller, Fragmenta Historicorum Graecorum, Paris, 1841 (pp. lxxxiii. Ixxxvii. and pp. 366 - 370). 

 

PHÉRÉCRATÈS (Φερεκράτης) d'Athènes fut l'un des meilleurs poètes de la comédie ancienne (Anon. de Com. p. XXVII). Il était le contemporain du poète comique Cratinos, de Cratès, d'Eupolis, de Platon, et d'Aristophane (Suid. s. v. Πλάτων), plus jeune que les deux premiers, et un peu plus âgé que les trois autres. L'une des sources les plus importantes le concernant est très corrompue mais peut être améliorée en partie ; il s'agit du texte qui suit (Anon, de Com. p. XXIX) : Φερεκράτης ᾿Αθηναῖος νικᾷ ἐπὶ θεάτρον γινόμενος, ὁ δὲ ὑποκριτὴς ἐζήλωκε Κράτηρα. Καὶ αὖ τοῦ μὲν λοιδορεῖν ἀπέστη πράγματα δὲ εἰσηγούμενος καινὰ ηὐδοκίμει γενόμενος εὑρετικὸς μύθων. Dobree corrige ce passage : Φερεκράτης ᾿Αθηναῖος νικᾷ ἐπὶ Θεοδώρου, γενόμενος δὲ ὑποκριτὴς ἐζήλωκε Κράτηρα. κ.τ.λ. ; cette modification est approuvée par Meineke et par les meilleurs critiques universitaires. Grâce à ce texte, nous apprenons que Phérécratès obtint sa première victoire sous l'archontat de Théodoros, en 438 av. J.- C. et qu'il imitait encore le style de Cratès dont il avait été l'acteur. En examinant la dernière partie de ce texte, mais aussi en nous basant sur un long passage tiré d'Aristote (Poet. 5), on comprend mieux que les transformations déjà opérées par Cratès se soient amplifiés avec Phérécratès ; tous deux ont atténué l'aspect satirique et le goût du quolibet que ce genre avait jusque-là toujours véhiculés (ce qu'Aristote appelle ἡ ἰαμβικὴ ἰδέα) ; ils ont construit leurs comédies sur la base d'une intrigue régulière en renforçant l'action dramatique. Néanmoins, cela n'a pas empêché Phérécratès de se livrer à des satires personnelles, si l'on regarde d'un peu près les fragments de ses pièces où il attaque allègrement Alcibiade, le poète tragique Mélanthios, et bien d'autres (Athénée VIII, p. 343, c, XII, p. 538, b.; Phot. Lex. p. 626, 10). Mais nos fragments montrent aussi que ce qui caractérisait surtout sa comédie était la fluidité de l'intrigue et l'élégance de la diction : c'est à juste titre qu'on l'appella ᾿Αττικώτατος (Athénée VI, p. 268, e ; Steph. Byz. p. 43 : Suid. s.v. ᾿Αθηναία ). Toutefois, sa langue n'était pas aussi strictement pure que celle d'Aristophane et des autres comiques de son temps, comme Meineke le démontre à travers de nombreux exemples.
   Il créa un nouveau mètre, nommé après lui, le Pherecratéen, invention dont il se fait gloire dans les vers suivants (ap. Hephaest. X, 5, XV, 15, Schol in Ar. Nub. 563) :

ἄνδρες, πρόσχετε τὀν νοῦν
ἐξευρήματι καινῷ
συμπτύκτοις ἀναπαίστοις

L'organisation du vers, comme le révèle cet exemple est :

_ _ _ UU _ _

qui ressemble à un choriambe, avec une spondée au début et une syllabe longue à la fin. Phérécratès semble lui-même l'appeler mètre anapestique ; on peut le considérer comme tel en effet : cela signifie que l'auteur l'utilisait dans les parabases, qu'on appelait souvent anapestes, parce que, à l'origine, ils étaient composés de vers anapestiques (en fait, on soutient généralement que le vers anapestique était jadis choriambique). Héphestion explique que ce mètre était heplithemimeral antispastic, ou, en utilisant d'autres mots, antispastic dimeter catalectio (Héphest. II, c ; comp. Gaisford's Notes). Le mètre est très fréquent dans les chœurs des tragédies grecques, et chez Horace également : pour exemple,
Grato Pyrrha sub antro.
    Au sujet du nombre de pièces composées par Phérécratès, nos sources diffèrent notablement. L'Auteur anonyme en comptabilise 18 ; Suidas et Eudoxia 16. Les titres subsistants, quand ils sont correctement écrits, sont au nombre de 18, mais il en est qui sont douteux. Meineke ne garde que 15 titres qui sont : ῎Αγριοι, Αὐτόμολοι, Γᾶες, Δουλοδιδάσκαλος, ᾿Επιπλήσμων ἢ Θάλαττα, ᾿Ιπνὸς ἢ Παννυχίς, Κοριαννώ, Κραπάταλοι, Λῆροι, Μυρμηκάνθρωποι, Πετάλη, Τυραννίς, Ψευδηρακλῆς. Le plus intéressant est le ῎Αγριοι, à cause de la référence qui en est faite dans le Protagoras de Platon (p. 327, d), et qui a prêté à discussion. Heinrichs s'est efforcé de montrer que le sujet de la pièce était la corruption de l'art musical à laquelle les poètes comiques avaient tant contribué, et dont le principal responsable était le Centaure Chiron, qui avait appliqué les lois de la musique ancienne à un chœur d'hommes sauvages, les Centaures ou les Satyres ; il note cependant que le terme employé, μισάνθρωποι, celui que Platon applique au Chœur, n'est pas destiné à décrire les Satyres, ni les Centaures, puisqu'il le transforme en ἡμιάνθρωποι (Demonstratio et Restitutio loci corrupti e Platonis Protagora, Kiliae, 1813, et aussi son ouvrage Epimenides aus Creta, &c. pp. 188, 192, foil.). Le même point de vue est adopté par Ast et Jacobs, mais avec moins de radicalité dans l'analyse du texte de Platon, μιξάνθρωποι. Une lecture plus commune est cependant défendue avec succès par Meineke, qui prouve qu'il n'y a aucune raison de supposer que Chiron apparaissait dans le ῎Αγριοι, ou que le Chœur, à travers le titre et l'allusion de Platon, était forcément composé d'hommes sauvages. la pièce semble plutôt avoir été une satire de la corruption sociale d'Athènes, exprimée à travers les réactions suscitées par le contraste entre les hommes policés et les ennemis de la part civilisée de l'humanité. La pièce fut jouée aux Lénéa, au mois de février 420 av. J. -C. (Plat. I. c.; Athénée V, p. 218, d). Les sujets des pièces restantes ont été âprement discutés par Meineke. Le nom de Phérécratès est parfois confondu avec Cratès et Phérécyde (Fabric. Bibl. raec. vol. II, pp. 473 - 476 ; Meineke, Frag. Com. Graec. vol. I, pp. 66 - 86, vol. II, pp. 252 - 360 ; Bergk, Reliq. Comoed. Att. Antiq. pp. 284 - 306). 

   Φερεκράτης, Ἀθηναῖος, κωμικός: ὃς Ἀλεξάνδρῳ συνεστράτευσεν. ἐδίδαξε δράματα ιζ'. Φερεκράτης Πετάλῃ γράφει.

 

Athénée XIII, 94

 

PHÉRÉCYDE (Φερεκύδης) d'Athènes, était le plus célèbre des logographes grecs. Suidas parle d'un Phérécyde de Léros, qui était historien ou logographe ; mais Vossius (De Hist. Graecis, p. 24, ED. Westermann) a démontré qu'il s'agissait du même personnage que l'Athénien.

Il était né dans l'île de Léros, mais il vécut la plus grande partie de sa vie à Athènes. Ajoutons que, hormis Suidas, on ne trouve qu'une seule fois son nom mentionné (Comp. Diog. Laërce I, 119 ; Strab. X, p. 487, b). Suidas fait également une erreur en disant qu'il était plus âgé que son homonyme de Syros.

L'époque où il vécut n'est pas déterminée ; Suidas le situe avant la soixante-quinzième Olympiade, vers 480 av. J.-C. ; mais Eusèbe et la Chronicon Paschale le fait naître durant la quatre-vingt-unième Olympiade, vers 456, enfin, Isidore (Orig. I, 41) durant la quatre-vingtième. On n'a toutefois aucun doute sur le fait qu'il ait vécu au cours de la première moitié du Ve siècle av. J.-C., et qu'il ait été le contemporain d'Hellanicos et d'Hérodote.

On a longtemps cru que cétait lui dont parlait Lucien dans ses exemples de longévité, puisqu'il aurait vécu jusqu'à l'âge de 85 ans. (Lucien, de Macrob. 22, où il s'appelle incorrectement ὁ Σύριος  au lieu de ὁ Λέριος.

Suidas attribue plusieurs ouvrages à l'Athénien ou au Phérécyde lérien. Le lexicographe rapporte que certains ont considéré Phérécyde comme un collecteur de textes orphiques. Mais cela n'a rapport qu'au philosophe. Il parle également de Παραινέσεις δι' ἐπῶ, qui, cependant, ne doit pas être attribué à l'Athénien. L'autre écrit évoqué par Suidas, Περὶ Λέρου, Περὶ ᾿Ιφιγενείας, Περὶ τῶν Διονύσου ἑορτῶν peut, en revanche, avoir été écrit par l'historien, mais aucun fragment n'a été conservé.

Sa grande œuvre, fréquemment citée par les Scholiastes et Apollodore, était une histoire mythologique en dix livres, qui portait des titres variés, en raison de la diversité de son contenu. Elle est appelée, soit ῾Ιστορίαι, soit Αὐτόχθονες, soit ᾿Αρχαιολογίαι ; les nombreux extraits que nous en possédons sont difficilement identifiables dans un livre ou dans un autre.

Cet écrit débutait avec une théogonie, puis relatait l'Age héroïque et les grandes familles de cette époque, celles qui forgèrent le sentiment religieux des anciens Grecs.

Les fragments de Phérécyde ont été recueillis par Sturtz, Pherecydis Fragmenta, Lips. 1824, 2e éd.; et par Car. et Théod. Müller in Fragmenta Historicorum Graecorum, p. XXXIV, &c., p. 70, &c. (CHAPITRE 4)

 

Φερεκύδης, Ἀθηναῖος, πρεσβύτερος τοῦ Συρίου, ὃν λόγος τὰ Ὀρφέως συναγαγεῖν. ἔγραψεν Αὐτόχθονας: ἔστι δὲ περὶ τῆς Ἀττικῆς ἀρχαιολογίας ἐν βιβλίοις ι#: Παραινέσεις δι' ἐπῶν. Πορφύριος δὲ τοῦ προτέρου οὐδένα πρεσβύτερον δέχεται, ἀλλ' ἐκεῖνον μόνον ἡγεῖται ἀρχηγὸν συγγραφῆς. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 4

 

PHILÉMON (Φιλήμων), le premier du point de vue chronologique et le second par la renommée est l'un des grands poètes comiques de la Comédie nouvelle. Fils de Damon, il naquit à Soles en Cilicie, selon Strabon (XIV, p. 671) ; certains auteurs lui donnaient pour patrie Syracuse. Mais il est un fait avéré qu'il vint très tôt à Athènes et qu'il y acquit la citoyenneté (Suid. Eudoxia, Hésych., Anon, de Com. p. XXX). Meineke a longtemps cru qu'il avait été considéré comme un natif de Soles, parce qu'il avait trouvé refuge dans cette cité après son banissement d'Athènes, un évènement sur lequel nous reviendrons plus loin ; mais il s'agit d'une simple supposition que Meineke écarte finalement dans un travail plus récent (Frag. Com. Graec. vol. II, p. 52).

Par contre, nous n'avons aucun doute sur le fait que Philémon est un représentant éminent de la Comédie nouvelle, bien que certaines sources le font appartenir à la Comédie moyenne (Apul. Flor. § 16). La chose s'explique par le fait que les premières manifestions de la Comédie nouvelle étaient contemporaines des dernières œuvres de la Comédie moyenne. Il fut intégré par les grammairiens alexandrins au sein du Canon des six auteurs de la Comédie nouvelle qui sont, dans l'ordre : Philémon, Ménandre, Diphilos, Philippidès, Posidippos, Apollodoros (Anon, de Com. p. XXX, Τῆς δὲ νέας κωμῳδίας γεγόνασι μὲν ποιηταἰ ξδ', ἀξιογώτατοι δὲ τούτων Φιλήμων, Μένανδρος, Δίφιλος, Φιλιππίδης, Ποσείδιππος, ᾿Απολλόδωρος; comp. Ruhnken, Hist. Crit. Orat. Graec. p. XCV). 

Il fut en pleine activité sous le règne d'Alexandre, un peu avant Ménandre (Suid.), quoiqu'il survécût longtemps à ce dernier. Il fit représenter sa première pièce avant la cent treizième Olympiade (Anon. I. c.), aux environs de 330 av. J.- C. Il est l'initiateur de la Comédie nouvelle, partageant cet honneur avec Ménandre qui, cependant, ne se fit connaitre que huit ans après lui. Il donna à ce genre une forme régulière. Certes, certains éléments propres à la Comédie nouvelle se trouvaient déjà contenus dans la moyenne et même dans l'ancienne, comme le confirme le Cocalos, pièce attribuée à Aristophane ou à son fils Araros. D'ailleurs, il est fort possible que la première pièce de Philémon relevant de la Comédie nouvelle, intitulée les Hypoboliméos, ait été imitée du Cocalos. (Clém. Alex, Strom. VI, p. 267 ; Anon, de Vit. Arist. pp. 13,14, s. 37, 38).

Philémon vécut juqu'à un âge très avancé, d'après le témoignage d'Élien, et il mourut durant la guerre qui opposa Athènes à Antigonos (ap. Suid. s. v.). Diodore (XXIII, 7) nous indique que sa mort survint au cours de la cent vingt-neuvième Olympiade, c'est-à-dire vers 262 av. J.- C. (cf. Wesseling, ad loc.), ce qui signifie qu'il fit représenter ses comédies pendant presque soixante-dix années. On pense qu'il vécut entre 96 et 101 ans (Lucien, Macrobe, 25 ; Diod. l c.; Suid. s. v.). De fait, on s'accorde à le faire naître aux alentours de 360 ; bref, il était de vingt ans l'aîné de Ménandre. Les circonstances de sa mort ont été diversement relatées : certains auteurs affirment qu'il mourut de rire (Suid., Hesych., Lucien, l. c.; Val. Max. IX, 12, ext. 6) ; d'autres disent qu'il mourut de joie en obtenant une victoire lors d'un concours théâtral (Plut. An Seni sit Respubl. gerend. p. 785, b) ; une légende raconte aussi qu'il mourut paisiblement, rappelé par les dieux qu'il servait, alors qu'il composait ou faisait représenter son ultime pièce, qui serait aussi la meilleure de son répertoire (Élien, ap. Suid. s. v. ; Apulée, Flor. 16). Son portrait nous est fourni par une statue romaine en marbre qui appartint à Raphaël. Nous avons aussi un camée le représentant et que l'on peut voir dans leThesaurus de Gronovius, vol. II, p. 99. Vois aussi Meineke, Men. et Phil Reliq. p. 47).

On sait que Philémon était inférieur à Ménandre en tant que poète, mais il fut plébiscité par les Athéniens, supplantant nettement son rival dans les concours dramatiques. Aulu-Gelle (XVII, 4) précise que ses victoires tenaient surtout à ses réseaux d'influence (ambitu gratiaque et factionibus), et il rapporte que Ménandre avait l'habitude de demander à Philémon s'il ne rougissait pas à l'idée de le vaincre. Nous avons d'autres témoignages de la rivalité qui existait entre Ménandre et Philémon par le simple comparaison du titre de leurs pièces et par une anecdote fournie par Athénée (XIII, p. 594, d). 

Philémon connut cependant quelques infortunes : il dut, semble-t-il, s'exiler un certain temps (Stob. Serm. XXXVIII, p. 232). Parmi les autres faits marquants de sa vie, on note un voyage qu'il effectua en Orient, sans doute à la suite d'une invitation du roi d'Egypte, Ptolémée, à se rendre à Alexandrie (Alciphr. Epist. II, 3) ; c'est au cours de ce voyage qu'il faut situer ses démêlés avec Magas, tyran de Cyrène et frère de Ptolémée Philadelphe. Philémon se moqua de Magas qui cherchait à se procurer, non sans peine, les copies d'une des comédies du poète. À son arrivée à Cyrène, Philémon fut surpris par un orage, ce qui fournit au roi l'occasion de prendre sa revanche : il ordonna à un soldat de toucher la gorge de Philémon avec un glaive, puis de retirer l'arme doucement sans le blesser. Peu après, il lui fit présent d'une collection de jouets d'enfants et le congédia (Plut. de Cohib. Ira, p. 458, a, de Virt. Mor. p. 449, e).

Philémon était probablement inférieur à Ménandre, n'ayant point la verve de ce dernier. On a longtemps considéré, sur la foi de nombreux arguments, que ses pièces étaient davantage destinées à la lecture qu'à la représentation (Démétrios de Phalère, de Eloc. § 193). Apulée (I. c) décrit finement les caractères de son art : "Reperias tamen apud ipsum multos sales, argumenta lepide inftexa, agnatos lucide explicatos, personas rebus competentes, sententias vitae congruentes ; joca non infra soccum, seria non usque ad cothurnum. Rarae apud ilium corruptelae: et, uti errores, concessi amores. Nec eo minus et leno perjurus, et amator fervidus, et servulus callidus, et amica iiludens, et uxor inhibens, et mater indulgens, et patruus objurgator, et sodalis opitulator, et miles prœliator (gloriator ?) : sed et parasiti edaces, et parentes tenaces, et meretrices procaces."

Les fragments qui subsistent de Philémon se distinguent par leur piquant, leur esprit, leur élégance, leur psychologie. Ses sujets favoris semblent avoir été des intrigues amoureuses ; quant aux personnages, ils corrrespondent tout à fait aux standards propres à la Comédie nouvelle, dont Plaute et Térence seront plus tard familiers. La raillerie envers Magas, relatée plus haut, prouve que la satire personnelle, qui était une des facettes de la Comédie ancienne, n'avait pas entièrement disparu dans la Comédie nouvelle ; elle montre aussi la fougue avec laquelle les Athéniens, persuadés de leur supériorité intellectuelle, se moquaient de la magnificence semi-barbare des potentats grecs d'Orient ; un autre exemple de cette morgue est attestée par la description assez caustique qu'il fit de la tigresse que Séleucos offrit un jour à Athènes (Ath. XIII, p. 590, a ; Meineke, Men. et Phil. Reliq. p. 372, Frag. Com. Graec. vol. IV, p. 15).
Le nombre des pièces attribuées à Philémon s'élève à 97 (Diod. XXIII, 7 ; Anon, de Com. p. 30 ; Suid. s. v.), celui des titres encore subsistants - après le rejet des titres douteux ou erronés - est de 53. Il est probable que certaines de ces œuvres devraient être attribuées à Philémon le jeune. La liste suivante contient les titres des pièces qui ont été préservés par les auteurs anciens, même s'il en est qui sont encore considérés comme douteux par Meineke : — ῎Αγροικος, ᾿Αγύρτης, ῎Αδελφοι, Αἰτωλός, ᾿Ανακαλύπτων, ᾿Ανανεουμένη, ᾿Ανδροφόνος, ᾿Αποκατερῶν, ῎Απολις, ῾Αρπαζόμενος, Αὐμητής, Βαβυλώνιος, Γάμος, ᾿Εγχειρίδιον, ῎Εμπορος, ᾿Εξοικιζόμενος, ᾿Επιδικαζόμενος, Εὔριπος, ᾿Εφεδρῖται, ῎Εφηβος, ῞Ηρωες, Θηβαῖοι, Θησαυρός, Θυρωρός, ᾿Ιατρός, Καταψευδόμενος, Κοινωνοί, Κόλαξ, Κορινθία, Μετίων ἢ Ζώμιον, Μοιχός, Μυρμιδονές, Μυστίς, Νεαίρα, Νεμόμενοι, Νόθος, Νύξ, Πανγκρατιαστής, Παιδάριον, Παῖδες, Παλαμήδης, Πανήγυρις, Παρεισιών, Πιττοκοπούμενος, Πτερύγιον, Πτωχή ἢ ῾Ροδία, Πυρρός, Πυρφόρος, Σάρδιος, Σικελικός, Στρατιώτης, Συναποθνήσκοντες, Συνέφηβος, ῾Υποβολιμαῖος, Φάσμα, Φιλόσοφοι, Χήρα. 

Parmi toutes ces pièces, les plus connues de nous sont ῎Εμπορος et Θησαυρός, par le fait qu'elles ont été imitées par Plaute dans son Mercator et son Trinummus. Le Μυρμιδονές est un témoignage très intéressant quant à la manière avec laquelle les auteurs de la Comédie nouvelle traitaient les sujets mythologiques. Quant à l'inspiration des autres comédies de Philémon, voir Meineke, ainsi que l'article d'Ersch dans l'Encyclopédie de Grüber.

Les fragments de Philémon ont été imprimés avec ceux de Ménandre dans toutes les éditions mentionnées dans la notice consacrée à Ménandre. S'agissant des œuvres de Philémon, mais aussi de celles de Ménandre, on pourra consulter la préface de Meineke dans Menandri et Philemonis Reliquiae, de même que les articles tirés du Lexicon Bibliographicum d'Hoffmann.

Notons que les témoignages relatifs à Philémon sont souvent rendus incertains en raison de la confusion faite entre les noms Philémon, Philétairos, Philétas, Philippidès, Philippos, Philiscos, Philistion, Philon, Philoxènos, bref entre tous les auteurs ayant en commun la syllabe initiale Phil. souvent utilisée dans nos manuscrits afin d'abréger les noms d'auteurs. Même le nom de Diphilos est quelquefois confondu avec Philémon, tout comme Philon (cf. Meineke, Men. et Phil. Reliq. pp. 7 - 11). La cause d'une telle confusion trouve son origine dans une collection de fragments portant le nom de Σύγκρισις Μενάνδρου καὶ Φιλιστὶωνος, que l'on devrait bien plutôt appeler καὶ Φιλήμονος.

 

   Athénée XIII, 25, 57, 66, 67, 84

 

PHILÉTAIROS (Φιλέταιρος), comique athénien de la Comédie moyenne, aurait été, selon Athénée le contemporain d'Hypéride et de Diopeithès, ce dernier étant peut-être le père du poète Ménandre (Athénée VII, 342, a ; XIII, p. 587). Selon Dicéarchos, Philétairos était le troisième fils d'Aristophane, mais d'autres auteurs maintiennent qu'il était plutôt le fils de Nicostratos (voir les Vies des Grecs d'Aristophane, et Suidas, s. v. ᾿Αριστοφάνης, Φιλέταιρος).

Il composa 21 pièces, d'après Suidas, qui, avec Athénée, nous en a donné les titres : — ᾿Ασκληπιός, ᾿Αταλάντη, ᾿Αχιλλεύς, Κέφαλος, Κορινθιαστής, Κυνηγίς, Λαμπαδηφόροι, Τηρεύς, Φίλαυλος ; à cela doivent être ajoutés les Μῆνες. Il y a aussi des titres douteux, comme celle d'une pièce, en fait écrite par Philippidès ; ῎Αντυλλος  et Οἰνοπίων, sont attribués à Nicostratos ; enfin, Μέλεαγρος est sans doute la même pièce que le ᾿Αταλάντη.

Les fragments de Philétairos montrent que ses pièces se référaient aux courtisanes. (Meineke, Frag. Com. Graec. vol. I, pp. 349, 350, vol. III, pp. 292 - 300)

 

Φιλέταιρος: ὄνομα κύριον. Ἀθηναῖος, κωμικός, υἱὸς Ἀριστοφάνους τοῦ κωμικοῦ. δράματα αὐτοῦ κα#: ὧν ἐστι καὶ ταῦτα: Ἀχιλλεύς, Κορινθιαστής, Κυνηγίας, Φίλαυλος, Κέφαλος, Τηρεύς, Οἰνοπίων, Ἄντυλλος [καὶ αὐτὸ Φιλεταίρου, ὡς δέ τινες Νικοστράτου], Ἀταλάντη, Λαμπαδηφόροι. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 7, 27, 31, 52

 

PHILÉTAS (Φιλητᾶς) de Cos, fils de Téléphos, se distingua en tant que poète et grammairien (ποιητὴς ἄμα καὶ κριτικός, Strab. XIV, p. 657). Il fut actif durant les premières années de l'école d'Alexandrie, à une période où l'étude ardue de la littérature classique de la Grèce se combinait chez certains érudits avec une intense production critique originale. D'après Suidas, il vécut sous Philippe II et Alexandre ; mais ce témoignage semble erroné. Sans doute sa jeunesse doit-elle être située sous le règne de ces deux rois, mais sa grande période d'activité littéraire se déroula pendant le règne du premier Ptolémée, fils de Lagos, qui le nomma tuteur de son fils, Ptolémée II Philadelphe. Clinton estime que sa mort dut survenir vers 290 av. J.- C. (Fast. Hell. vol. III, app. 12, No 16) ; mais il est possible qu'il ait encore vécu quelques années, puisqu'on prétend qu'il fut aussi le contemporain d'Aratos, qu'Eusèbe situe vers 272. En tout cas, on sait formellement qu'il fut le contemporain d'Hermésianax, son ami intime, ainsi que d'Alexandre d'Étolie. Il fut le professeur, au moins par son exemple et son influence, de Théocrite et de Zénodote d'Ephèse. Théocrite le cite comme son modèle littéraire favori (Id. VII, 39 ; voir le Scholia ad loc.).

Philétas semble avoir été d'une constitution fragile, qu'accrut encore davantage ses intenses travaux d'érudition. Il était si fluet qu'il devint un objet de raillerie pour les poètes comiques, qui le représentaient fréquemment portant des semelles de plomb à ses chaussures pour éviter que le vent ne le soulevât, plaisanterie qu'Élien prend pour argent comptant, lui qui se demande comment il pouvait supporter le poids de ses semelles, alors qu'il était déjà trop faible pour affronter les tempêtes ? (Plut. An Seni sit ger. Respub. 15, p. 791, e ; Athénée XII, p. 552, b ; Élien V. H, IX, 14, X, 6). La cause de sa mort est relatée dans cette épigramme (ap. Athénée IX, p. 401, e) :

 

Ξεῖνε, Φιλητᾶς εἰμι· λόγων ὁ ψευδόμενος με
ὥλεσε καὶ νυκτῶν Φροντίδες ἑσπέροι.

 

Nous apprenons d'Hermésianax (ap. Ath. XIII, p. 598, f) qu'une statue de bronze fut érigée en mémoire de Philétas par les habitants de son île natale, pour l'attachement qu'il lui témoigna dans ses poèmes tout au long de sa vie (Schol. ad Theoc. I. c.). La poésie de Philétas était surtout élégiaque (Suid. ἕγραψεν ἐπιγράμματα καὶ ἐλεγίας καὶ ἄλλα). Tous les auteurs d'élégies estimaient qu'il était supérieur à Callimaque ; on le préférait à ce dernier en raison de son style moins pédant ; à la lumière des fragments que nous possédons, on peut juger, en effet, qu'il échappait en partie au piège de l'affectation érudite (Quintil. X, 1, § 58 ; Procl. Chrest. 6, p. 379, Gaisf.). Deux poètes en font le modèle absolu de l'élégie romaine : d'abord Properce, qui déclare dans un passage qu'il imitait plus volontiers Philétas que Callimaque (Properce, II, 34, 31, III, 1, 1, 3, 51, 9, 43, IV, 6, 2 ; Ovide, Art. Amat. III, 329, Remed. Amor. 759 ; Stat. Silv. I, 2, 252 ; Hertzberg, de Imitatione Poetarum Alexandrinorum, dans son Propertitis, vol. I, pp. 186 - 210). Les élégies de Philétas étaient essentiellement amoureuses ; pour la plupart, elles se composaient de prières adressées à sa maîtresse Bittis, que les poètes latins nommaient aussi Battis (Hermésianax, l. c ; Ovide Trist. I, 6, 1, ex Ponto, III, 1, 57 ; Hertzberg, Quaest. Propert. p. 207 ; la forme Βιττώ est valable également, Corp. Inscrip. Nos. 2236, 2661, b, ou en Latin Batto, selon la correction ingénieuse faite par Lachmann de Properce, II, 34, 31, Tu Battus memorem, &c.). Il est très probable qu'il composa un recueil complet de poèmes dédiés spécialement à Bittis, et que c'est ce livre qui fut connu et cité par Stobée sous le nom de Παίγνια (Jacobs, Animadv. ad Anth. Graec. vol. I, pars I, pp. 388, fol. ; Bach, Frag. PJiilet. p. 39 ; Hertzberg, Quaest. Propert. p. 208). Il semble logique de supposer que les épigrammes de Philétas mentionnées par Suidas, et deux fois citées par Stobée, appartenaient au même recueil que les Παίγνια ; mais rien ne vient le prouver formellement. Il existe également deux autres poèmes de Philétas cités par Stobée, dont les sujets sont clairement mythologiques, comme on le devine à travers leurs titres, Δημήτηρ and ῾Ερμῆς. À partir de ces trois fragments conservés par Stobée, (Flor. civ. 11, CXXIV, 26), on est quasiment sûr que le premier de ces poèmes était écrit en mètre élégiaque, et que le thème en était les plaintes de Déméter à la suite de la perte de sa fille. Pour le cas du ῾Ερμῆς, il est plus difficile de se faire une idée du titre et du mètre utilisé. Stobée cite à trois reprises ce poème : une fois, il donne trois lignes (Flor. CIV, 12), une seconde fois, trois lignes encore (Eclog. Phys. V, 4), enfin, une troisième fois, deux lignes (Flor. CXVIII, 3). Tous les vers cités sont des hexamètres ; d'un autre côté, Strabon (III, p. 168) rapporte un distique élégiaque de Philétas, ἐν ῾Ερμενείᾳ, que les critiques ont tout naturellement supposé être une corruption de ἐν ῾Ερμῇ, ou, d'après une autre conjecture, de ἐν ῾Ερμῇ ἐλεγείᾳ. Toutefois, Meineke a tenté de résoudre le problème en affirmant que le ῾Ερμῆς était entièrement en hexamètres, et que les lignes citées par Strabon provenaient d'un poème complètement différent, le titre authentique ne pouvant être déterminé avec certitude à partir d'une simple conjecture dérivée d'une lecture corrompue de ἐν ῾Ερμενείᾳ (Analecta Alexandrina, Epim. II, pp. 348 - 351). Nous savons par Parthénios, grâce à un bref épitomé, que le poème évoquait Hermès (Erot. 2). Le poème racontait l'aventure amoureuse d'Ulysse avec Polymèle dans l'île d'Éole. Un autre poème, intitulé Naliska, a été attribué à Philétas par Eustathe (Ad Hom. p. 1885, 51) ; mais Meineke a montré que le nom de l'auteur cité par cet érudit était Philtéas, et non Philétas. (Anal. Alex. Epim. II, pp. 351 - 353).

Nous avons conservé un grand nombre de fragments de Philétas, dont on ne sait à quels poèmes ils appartenaient : parmi eux, des vers iambiques, que l'on a du mal à attribuer, à cause de la confusion faite entre des noms commençant avec la syllabe Phil, qui peut se référer aussi bien à Philémon qu'à Philétas. On a pensé de manière erronée que notre poète était l'auteur de poèmes bucoliques, et ce, à partir d'un passage de Théocrite, qui parle de la beauté de sa poésie en général, mais aussi de quelques vers de Moschos (Idyll, III, 94, foil.), qui sont en fait le fruit d'une interpolation de Musée.

Outre des poèmes, Philétas écrivit en prose sur la grammaire et la critique. Il était l'un des commentateurs d'Homère, qu'il semble avoir interpréter avec beaucoup de liberté mais avec méthode ; son travail fut poursuivi dans la même voie par son disciple Zénodote. Aristarque écrivit un ouvrage où il s'opposait à Philétas (Schol. Venet. ad Il. II, 111). Mais le plus important écrit grammatical, est celui qu'Athénée cite à maintes reprises sous le titre de ῞Ατακτα, œuvre qui est également mentionnée sous les titres de ῞Ατακτοι γλῶσσαι (Schol ad Apol. Rhod. IV, 989), et de γλῶσσαι, plus simplement (Etym. Mag. p. 330, 39). La valeur de ce travail, reconnue dès l'époque de sa publication est révélée par le fait que le poète comique Straton en fait déjà allusion (Athénée IX, p. 383 ; Meineke, Frag. Com. Graec. vol. IV, p. 545) ; Hermésianax en fait aussi mention (l. c.) ; même chose pour Cratès de Mallos, dans son épigramme sur Euphorion (Brunck, Anal. vol. II, p. 3, Anth. Pal. IX, 318). Rien ne nous est parvenu de cet écrit, si ce n'est que quelques rares fragments, qui prouvent néanmoins que Philétas s'efforçait de comprendre la signification des mots à partir de leurs variétés dialectiques. Il est très possible que tous les écrits de Philétas relatifs à la grammaire, y compris ses commentaires sur Homère, aient été édités en un seul volume.

Les fragments de Philétas ont été recueillis par C. P. Kayser, Philetae Coi Fragmenta, quae reperiuntur, Göttingen, 1793, 8vo., par Bach, Philetas Coi, Hermesianactis Colophonii, atque Phanoclis Reliquiae, Halis Sax. 1829, 8vo. ; et dans les éditions de l'Anthologie grecque (Brunck, Anal. vol. I, p. 189, II, p. 523, III, p. 234 ; Jacobs, Anth. Graec. vol. I, pp. 121 - 123). Les plus importants de ces fragments se trouvent dans Schneidewin, Delectus Poesis Graecorum, vol. I, pp. 142 - 147 (Reiske, Notitia Epigrammatorum, p. 266 ; Schneider, Anal. Crit. p. 5 ; Heinrich, Observ. in Auct. Vet. pp. 50 - 58 ; Jacobs, Animadv. in Anth. Graec. vol. I, pt. I, pp. 387 - 395, vol. III, pt. III, p. 934 ; Preller, dans Ersch et Gruber, Encyklopädie).

Athénée XIII, 71

 

PHILON (Φίλων) d'Athènes. Lorsque Démétrios gouverna Athènes, un certain Sophocle du district simien (Σουνιεύς), fit voter une loi interdisant aux philosophes d'enseigner à Athènes sans l'accord préalable de la Boulê et du peuple, sous peine de mort. Ce décret eut pour effet le départ de Théophraste et d'autres philosophes de la cité (Diog. Laërce V, 38). Athénée, sans doute à tort, pense que cette loi fut l'unique cause de ces bannissements (XIII, p. 610. f ; comparer avec Pollux, IX, 42, qui considère que cette loi ne visait en fait que les Sophistes). Cette décision fut critiquée par Philon, ami d'Aristote, mais défendue par Démocharès, le neveu de Démosthène (Athénée I, c). Les arguments de Philon furent un succès puisque, l'année suivante, les philosophes revinrent à Athènes et Démocharès dut payer une amende de cinq talents (Diog. Laërce I, c, où, à la place de Φιλλίωνος, il faut lire Φιλώνος). L'année durant laquelle se déroula cette affaire reste incertaine. Alexis (apud Athen. l. c.) parle d'un Démétrios, sans préciser s'il s'agit de Phalère, en 316 av. J. -C. ou de Poliorcète, en 307. Clinton incline pour le premier (F. H. vol. II, p. 169), tout en faisant état des opinions émises par d'autres spécialistes qui croient que la chose eut lieu sous Démétrios Poliorcète ; c'est d'ailleurs aussi l'avis de Ritter (Hist. of Ancient Philosophy, vol. III, p. 379, traduction anglaise). Quant à Jonsius, (De Script. Hist. Phil.) il situe l'évènement aux environs de 300. Il n'est pas improbable que Philon ait été l'esclave d'Aristote, qui lui rendit sa liberté (Diog. Laërce V, 15).

Athénée XIII, 92

 

PHILONIDES (Φιλωνίδης), PHILONIDES (Φιλωνίδης), poète comique athénien de l'Ancienne Comédie, est plus connu comme l'une des deux personnes sous le nom desquelles Aristophane a présenté quelques-unes de ses pièces de théâtre, que par ses propres pièces. On peut résumer en quelques mots les informations que nous avons sur lui comme poète, mais la question de ses relations avec Aristophane mérite un examen attentif.

Avant de devenir poète, Philonidès fut soit foulon soit peintre, d'après les versions différentes de Suidas et d'Eudocia, le premier donnant γναφεὺς, le second γραφεὺς. Trois de ses pièces sont connues : Ἀπήνη, Κόθορνοι, Φιλέταιρος (Suid. sv). Le titre même de Κόθπρνοι nous fait penser qu'il s'agissait d'une attaque contre Théramène, dont l'inconstance lui avait valu la célèbre épithète de Κόθορνος et cette conjecture est tout à fait confirmée par le passage suivant d'un grammairien (Bekker, Anecd. p. 100. 1): τὴν κλητικήν· Φιλιππίδης Κοθόρνοις, où nous devons sans aucun doute lire Φιλωνίδης, car on ne trouve aucune mention d'une telle pièce de Philippide, alors que les Κόθορνοι de Philonidès, en plus d'être mentionnées par Suidas, sont plusieurs fois citées par Athenée et d'autres écrivains. Le pluriel du titre, Κόθορνοι, provient sans doute du fait que le chœur était composé de personnes ayant le caractère de Théramène. C'est un autre exemple de cette confusion entre les noms commençant par Phil., qui a été expliqué à l'article PHILEMON, parce que de nombreux fragments, que Stobée a conservés sous le nom de Philonidès, appartiennent évidemment à la Nouvelle Comédie, et doivent être attribués soit à Philémon soit à Philippide. (Meineke, Frag. Com. Graec. Vol. I. pp. 102-104, vol. ii. Pp. 421-425; Fabric. Bibl. Graec. Vol. ii. p. 482.)

L'autre question concernant Philonidès est l'une des plus importantes dans le cadre de l'histoire littéraire de l'Ancienne Comédie en général, et en particulier d'Aristophane. On pense généralement que Philonidès était un acteur d'Aristophane, dont il est dit qu'il lui avait confié, ainsi qu'à Callistrate, ses personnages principaux. Mais les preuves sur lesquelles repose cette déclaration sont considérées par quelques-uns des meilleurs critiques modernes comme menant à une toute autre conclusion, à savoir que plusieurs des pièces d'Aristophane ont été jouées sous les noms de Callistrate et Philonidès. Cette question a été traitée par des érudits tels que Ranke, C.F. Hermann, Fritzsch, Hanovius, W. Dindorf, et Droysen, mais la discussion de loin la plus élaborée et satisfaisante sur ce sujet est celle de Theodor Bergk, en préface à son édition des fragments d'Aristophane, dans les Fragmenta Comicorum Graecorum de Meineke, vol. II. pp. 902-939.

Il faut se rappeler que, quand un poète souhaitait mettre en scène une pièce, il devait d'abord s'adresser au premier ou au second archonte pour obtenir un chœur, et cette obtention dépendait de l'avis de l'archonte sur la valeur de la pièce, et aussi dans une moindre mesure, de l'influence personnelle et politique. On a même vu des choeurs refusés à des poètes comme Sophocle et Cratinus. Même quand on réussissait à obtenir un choeur, il fallait affronter la versatilité proverbiale du public athénien, dont le comportement, même à l'égard des anciens favoris n'était pas fait, comme s'en plaint Aristophane, pour encourager un jeune candidat au succès. Afin de réduire les obstacles qui parsemaient le chemin d'un jeune poète dès le début du parcours, on avait l'habitude d'agir de deux façons: soit le candidat aux honneurs dramatiques mettait à son propre nom la pièce de certains poètes populaires, dont la valeur intrinsèque leur permettait d'être certains d'obtenir un choeur, soit il usait de la réputation d'un poète célèbre en demandant un choeur en son nom. Le résultat dans le premier cas, dont nous savons qu'il fut adopté par le fils d'Eschyle, de Sophocle et d'Aristophane, était que le nom du jeune poète était ainsi connu, et qu'il pouvait espérer plus facilement obtenir un choeur pour une de ses propres pièces de théâtre, et, dans ce dernier cas, la réception de ses œuvres, l'encourageait soit à revenir en son propre nom, soit le contraire. Il y a en fait d'un passage d'Aristophane, qui, s'il peut être interprété à la lettre, suggère l'idée selon laquelle il est d'usage pour un jeune poète de passer par trois étapes : d'abord aider un autre poète dans la composition des passages les moins importants de ses pièces (comme les élèves d'un grand artiste) : comme nous savons qu'Eupolis avait travaillé pour Aristophane dans les Cavaliers, puis faire paraître ses propres pièces sous le nom d'un autre poète, afin de tester la faveur du public et, enfin, de les produire en son propre nom. Ces différentes étapes se retrouvent peut-être dans les passages, ἐρέτην γένεσθαι πρωρατεῦσαι καὶ τοὺς ἀνέμους διαθρῆναι et κυβερνᾶν αὐτὸν ἑαυτῷ dans le passage évoqué (Eq. 541- 543, voir Bergk, I.c. pp . 916,917). En plus des raisons qui viennent d'être exposées, c'est une opinion très courante, fondée sur la déclaration d'un grammairien (Schol. in Aristoph. Nub. 530), qui prétend que la loi interdit expressément à un poète de monter un drame en son propre nom, s'il n'avait pas trente ans, mais Bergk a montré (I.c. pp. 906, 907) que cette loi est probablement l'une de ces innombrables fictions des commentateurs, qui affirment comme des faits des choses qui ne sont que l'expression de leur propre façon de comprendre l'auteur : Eschyle, Sophocle et Euripide sont connus pour avoir fait jouer leurs pièces en leur propre nom, alors qu'ils avaient moins de trente ans.

Mais, dans tous les cas, le nom inscrit dans les registres publics est celui de la personne au nom de laquelle le choeur a été demandé, qu'il fût le véritable auteur ou non, et c'est ce nom qui apparaît dans les Didascalies en préface de la pièce de théâtre Sous la forme ἐδιδάχθη διὰ Καλλιστράτου (Acharn.) ou δι' αὐτοῦ τοῦ Ἀριστοφάνους (Equit.). En effet, selon l'esprit original de l'institution, le chœur était le seul élément essentiel d'une pièce de théâtre, et le public ne connaît rien de l'auteur en tant que tel, mais seulement du maître du chœur. C'est pourquoi, on peut facilement comprendre comment, alors qu'un poète était riche et fervent de jouissance, il pouvait choisir de confier le pénible devoir de la formation des acteurs et du chœur à une autre personne, et donc, outre les raisons déjà indiquées pour qu'un poète utilise le nom d'un autre au début de sa carrière, nous voyons une autre raison pour laquelle il doit poursuivre cette pratique, même après que sa réputation fût établie.

Nous apprenons à présent d'Aristophane lui-même, sans parler des autres éléments de preuve, qu'il a non seulement fait jouer ses premières pièces sous le nom d'autres poètes, mais aussi les raisons qu'il a eues pour ce faire. Dans la Parabase des Cavaliers (v. 514), il affirme qu'il l'avait fait, non de son propre gré, mais poussé par le sentiment de la difficulté de sa profession, et par crainte de souffrir de cette inconstance des Athéniens qui s'était manifestée à l'égard des autres poètes, comme Magnes, Crates et Cratinus. A nouveau, dans la Parabase des Nuées (v. 530), il exprime la même pensée en ces mots:

Κἀγὼ, παρθένος γὰρ ἔτ' ἦ, κοὐκ ἐξῆν πώ μοι τεκεῖν
ἐξέθηκα, παῖς δ' ἑτέρα τις λαβοῦσ' ἀνείλετο.

οù les derniers mots impliquent évidemment, si l'on interprète logiquement le texte, que la personne au nom de laquelle il a fait jouer la piéce visée (les Daetaleis) était un autre poète. C'est évidemment le mot ἐξῆν dans ce passage, qui a induit en erreur le scholiaste dans son idée fantaisiste d'une interdiction légale.

On va maintenant voir quels étaient les avis des anciens grammairiens sur le sujet. L'auteur de l'œuvre anonyme, ἐπὶ κωμῳδίας, qui est décidément l'un des meilleurs parmi ces écrivains, dit (p. xxix.) Que "Aristophane joua pour la première fois (ἐδίδαξε) sous l'archontat de Diotimus (427 av. J.-C.), sous le nom de Callistrate (διὰ Καλλιστράτου); pour ses comédies politiques (τὰς πολιτικάς) il prétend qu'il les a fait jouer en son nom, mais celles contre Euripide et Socrate sous le nom de Philonidès, et comme grâce à cela (ce premier drame) il fut considéré comme un bon poète, il s'assura d'autres possibilités (τοὺς λοιποὺς, se. χρόνους), d'utiliser son propre nom comme auteur (ἐπιγραφόμενος). Ensuite, il fit donner ses drames au nom de son fils" (Araros). La pièce qu'il donna à cette occasion fut les Δαιταλεῖς (Nub. I. c. et Schol.). Dans le même sens un autre grammairien respectable, l'auteur de la vie d'Aristophane, nous dit (p. xxxv.) Qu" «étant d'abord excessivement prudent et intelligent, il fit jouer (καθίει, le mot habituel pour mettre en concours) ses premiers drames sous les noms de (διὰ) Callistrate et Philonidès, c'est pourquoi il fut ridiculisé .... au motif qu'il avait travaillé pour d'autres: mais ensuite, il concourut en son nom propre (αὐτὸς ἠγωνίσατο):" là encore, le membre de phrase "qu'il a travaillé pour d'autres" doit signifier que Callistratus et Philonides étaient poètes.

Jusqu'ici tout est clair et cohérent. Aristophane, pour des motifs de prudence et de modestie, mais absolument pas par nécessité juridique, commenca par faire jouer, non en son nom propre, mais en celui de Callistrate, et ensuite de Philonidès. Le succès de ces premiers efforts l'encouragea à se présenter comme l'auteur avoué de ses pièces, et puis, vers la fin de sa vie, il aida son fils Araros, en lui permettant de faire connaître quelques-unes de ses pièces de théâtre (par exemple le Cocalus), sous son propre nom. Mais à la fin de cette même vie d'Aristophane (p. xxxix.), on va trouver l'erreur que nous devons exposer, mais combinée quand même avec la vérité: il déclare «les acteurs d'Aristophane furent Callistrate et Philonidès, sous le nom desquels (δι' ὧν), il fait jouer ses propres drames: les publics (ou politiques) (τὰ δημιτικά) sous le nom de Philonidès, et les privés (ou personnels) (τὰ δημοτικὰ) sous celui de Callistrate. " Il semble que le grammairien, bien que lui-même comprît le sens de διά, a copié l'erreur où s'étaient fourvoyés certains anciens auteurs, en supposant qu'il renvoie aux acteurs: mais le fait qu'il ne peut pas avoir ce sens dans le passage qui nous est soumis est mis en évidence par la tautologie qui déculerait d'une telle traduction, et à cause de la vigueur du ἑαυτοῦ : "les acteurs d'Aristophane étaient Callistrate et Philonidès, par qui en tant qu'acteurs, il fait jouer ses propres drames." Nous pouvons, en revanche, avec une grande probabilité considérer ce passage comme une interpolation tardive: son peu de crédit est dû au fait que la distribution des sujets dans la dernière proposition ne s'accorde ni avec le témoignage déjà cité, ni avec les informations que nous tirons des Didascalies, comme quoi ces pièces ont été attribuées respectivement à Philonidès et Callistrate. A partir des Didascalies et d'autres témoignages, nous constatons que les Babyloniens (426 av. J.-C.) et le Acharniens (425 av. J.-C.) ont aussi été jouées sous le nom de Callistrate et que la première pièce qu'Aristophane présenta en son nom propre, fut les Cavaliers, en 424 av. J.-C. (ἐδιδάχθη... δι' αὐτοῦ τοῦ Ἀριστοφάνους, Didasc.). Et, par conséquent, l'idée s'est répandue un peu hâtivement qu'il continua à faire jouer désormais en son propre nom, jusqu'à ce que, vers la fin de sa vie, il accepte de les faire jouer sous le nom d'Araros. Mais, au contraire, nous trouvons de les Didascalies qu'il fit jouer les Oiseaux (414 av. J.-C.) et Lysistrata (411 av. J.-C.), sous le nom de Callistrate (διὰ Καλλιστράτου).

Jusqu'ici, les témoignages cités font seulement référence à Philonidès en termes généraux: il reste à voir quelles sont les pièces de théâtre d'Aristophane qui furent jouées sous son nom. Des déclarations précédentes des grammairiens, on pourrait déduire qu'Aristophane utilisa le nom de Philonidès avant la composition des Cavaliers, mais il ne s'agit probablement que d'une partie de l'erreur selon laquelle on a supposé que, à partir du moment de la composition des Cavaliers, il faisait toujoursjouer ses comédies en son propre nom. Il est vrai que le scholiaste sur le passage des Nuées, cité plus haut, qui fait référence aux Daetaleis, explique la phrase παῖς ἑτέρα comme signifiant Φιλωνίδης καὶ Καλλιστράτης, et Dindorf, en citant ce passage et par déduction avec ce qui précède, imagine que les Daetaleis ont été joués sous le nom de Philonides (Frag. Arist. Daet.); mais le scholiaste à l'évidence ne parle pas particulièrement de la publication de cette pièce (παῖς ἑτέρα ne peut signifier deux personnes, et les pièces ne peuvent être jouées que sous un seul nom) comme l'usage courant d'Aristophane dans plusieurs de ses pièces de théâtre. Il n'y a donc aucune raison pour modifier avec brutalité et arbitrairement les mots du grammairien, qui, comme cité plus haut, dit expressément que la pièce a été jouée διὰ Καλλιστράτου. Il n' y a donc aucune preuve qu'Aristophane ait fait joué sous le nom de Philonidès les pièces antérieures aux Cavaliers, mais qu'il l'ait fait après, nous en avons la preuve irréfutable. On peut penser que sa pièce suivante, les Nuées (423 av. J.-C.), a été jouée sous le nom de Philonidès, compte tenu de la déclaration du grammairien, disant qu'Aristophane l'a pris comme prête-nom dans les pièces contre Socrate et Euripide, ajouté au fait connu que les Grenouilles ont été jouées sous le nom de Philonidès, mais cependant quoi qu'il en soit, nous constatons que l'année suivante, en 422 av. J.-C., Aristophane fit jouer deux pièces de théâtre, le Proagon et les Guêpes, à la fois sous le nom de Philonidès, et il obtint le premier et le deuxième prix. Cette affirmation repose sur l'autorité du passage difficile et certainement corrompu des Didascalies des Guêpes : nous ne pouvons pas entrer dans la discussion critique, si ce n'est en donnant le texte amendé et modifié du manuscrit de Ravenne, modification, adopté à la fois par Dindorf et Bergk, et dont on peut difficilement mettre en doute l'exactitude aujourd'hui: Ἐδιδάχθη ἐπὶ ἄρχοντος Ἀμυνίου διὰ Φιλωνίδου ἐν τῇ πθ' ὀλυμπιάδι β' (c'est-à-dire δεύτερος) ἦν. εἰς Λήναια. καὶ ἐνίκα πρῶτος Φιλωνίδης, Λεύκων Πρέσβεσι γ' (c'est-à-dire τρίτος). D'après ce texte, on apprend que les Guêpes ont été jouées aux Lénéennes, lors de la 89e Olympiade, sous l'archontat d'Amynias, sous le nom de Philonidès, et qu'il gagné la seconde place, la première ayant été donnée aux Προάγων, qui fut aussi jouée sous le nom de Philonidès, et dont nous savons par d'autres sources qu'elle était une pièce d'Aristophane (voir les Fragments), et la troisième aux Πρέσβεις de Leucon.

Au cours de l'année 414 av. J.-C., on voit Aristophane présenter à nouveau deux pièces (mais à différents festivals), l'Amphiaraus, au nom de Philonidès, et les Oiseaux, au nom de Callistrate (Arg. in av.), Et enfin, on apprend des Didascalies des Grenouilles, que cette pièce fut jouée également sous le nom de Philonidès. On voit ainsi qu'Aristophane utilisa le nom de Philonidès, sans doute, pour les Nuées (voir Bergk, l. c. pp. 913, 914), et certainement pour les Guêpes, le Proagon, le Amphiaraus, et les Grenouilles. Les Daetaleis, les Babyloniens, le Acharniens, les Oiseaux, et le Lysistrata, ont été mis en scène, comme nous l'avons vu, sous le nom de Callistrate. Du reste des pièces existantes d'Aristophane, les seules dont on soit sûr qu'il les ait jouées en son propre nom sont les Cavaliers, la Paix et le Ploutos. Il a fait jour ses deux dernières pièces de théâtre, le Cocalus et Aeolosicon, sous le nom de son fils Araros. Les Thesmophories et l'Assemblée des femmes n'ont pas de nom qui leur soit rattaché dans les Didascalies.

Ces points de vue sont soutenus entre autres par Bergk, dans un vaste débat sur tous les passages d'Aristophane et ses scholiastes portant sur la question ; et qui doivent être lus par tous ceux qui désirent maîtriser cette importante question dans l'histoire littéraire d'Aristophane.

Il nous reste cependant une ou deux questions qu'on ne doit pas négliger. En supposant établi qu'Aristophane ait fait jouer beaucoup de ses pièces sous les noms de Callistrate et Philonidès, si ceux-ci n'étaient pas également les principaux acteurs de ces pièces, alors qui étaient-ils, et quel rôle avaient-ils ? De ce qui a été dit dans la première partie de cet article, on peut présumer avec raison que les personnes qui ont prêté leurs noms aux pièces étaient eux-mêmes des poètes qui avaient déjà acquis une certaine réputation, mais qui, en vieillissant, ou pour d'autres raisons, auraient préféré ce type de partenariat littéraire par rapport au risque et à la difficulté de la composition originale. En effet, il semblerait, sur le principe, absurde pour une personne, qui ne serait pas poète de profession, d'inscrire son nom auprès de l'archonte comme auteur d'une pièce, et d'assumer la charge très importante de la formation des acteurs. Mais nous avons le témoignage d'Aristophane lui-même, que les prête-nom de ses pièces étaient des poètes,comme lui, ἑτέροισι ποιηταῖς (Guêpes. 1016; comp. Schol.): On a déjà vu que Philonidès était un poète de l'Ancienne Comédie, et pour Callistrate, nous n'avons pas d'autres informations pour douter sur celles qui figurent dans ce qui précède et dans d'autres passages d'Aristophane et des grammairiens. Le fait que nous ne disposons que de trois titres de Philonidès et d'aucun de Callistrate, nous concorde avec l'idée qu'ils furent principalement employés comme διδάσκαλοι des pièces d'Aristophane. On a vu, en effet, qu'un ou deux grammairiens affirment qu'ils étaient acteurs, mais avec toutes les preuves fournies d'autre part, il ne fait guère de doute que cette déclaration provient simplement d'une erreur sur la signification du mot διὰ dans les Didascalies. Ce mot a son sens reconnu à cet égard, et on n'hésite pas à le lui donner dans les Didascalies des pièces précédentes: il n'y a pas de raison valable de supposer qu'il désigne l'acteur: les Didascalies n'ont pas été conçues pour enregistrer le nom de l'acteur, mais celui du poète, qu'il soit vrai ou supposé; les termes διδάσκαλος, χοροδιδάσκαλος, κωμῳδοδιδάσκαλος, sont utilisés comme des équivalents de ποιητής et de κωμῳδοποιητής : et l'idée que le χοροδιδάσκαλος et l'acteur principal puissent être la même personne suppose l'idée pratiquement absurde d'un acteur principal qui se formerait lui-même.L'opinion répandue selon laquelle Aristophane joua lui-même le rôle de l'acteur principal dans les Cavaliers n'est sans doute d'après Bergk, qu'une simple invention d'un quelconque grammairien, qui a mal compris le sens de ἐδιδάχθη δι' αὐτοῦ τοῦ Ἀριστοφάνους dans les Didascalies, et une fois que le drame a été bien installé, on ne trouve aucun cas où un poète ait été enmême temps acteur, soit dans ses propres pièces de théâtre, soit dans celles d'un autre poète. Il existe une curieuse confirmation de l'un des arguments qui viennent d'être débattus dans l'une des Scholies sur ce passage des Nuées qui a tellement induit les commentateurs en erreur (c. 531). Δηλονότι ὁ Φιλωνίδης καὶ ὁ Καλλίστρατος, οἱ ὝΣΤΕΡΟΝ γενόμενοι ὑποκριταί, l'auteur de passage a évidemment inséré ὕστερον dans le but de glisser sur l'absurdité consistant à attribuer à διὰ des significations différentes dans les Didascalies des premières et des dernières pièces.

Il reste encore une question intéressante à régler : celle qui concerne la connaissance que le public athénien avait du véritable auteur de ces pièces qui étaient jouées sous d'autres noms, notamment dans le cas d'Aristophane. Nous renvoyons le lecteur à Bergk (l. c. pp . 930, &c.), qui résume l'ensemble de la discussion en ces mots: Aristophane, par timidité inhérente à sa jeunesse, lorsqu'il commença à écrire des pièces de théâtre, les fit jouer sous le nom de Callistrate, mais même après avoir fait jouer en son propre nom, il conserva toujours son ancienne habitude, et confia généralement la tâche de monter ses pièces à Callistrate ou Philonidès; que ces deux personnes étaient des poètes et non des acteurs; que ce n'est pas non plus Aristophane qui prit le rôle de Cléon dans les Cavaliers, que la renommée d'Aristophane, bien que cachée sous des prête-nom, se propagea rapidement à l'étranger; et que c'était lui-même et non Callistrate, que Cléon a attaqué à trois reprises au tribunal (p. 939).

On ne doit pas confondre Philonidès, le poète comique, avec un certain Philonidès qui est attaqué pour libertinage et débauche par Aristophane (Plut. 179, 303; comp. Schol.), et d'autres poètes comiques, comme Nicocharès, Théopompe, et Philyllius. (Bergk, Frag. Com. Att. Antiq. p. 400.) [P. S.]

 

 

PHILOXÈNOS (Φιλόξενος). Parmi tant de personnages portant ce nom, le plus important paraît être Philoxènos de Cythère, l'un des grands poètes dithyrambiques grecs. Cependant, on le confond souvent avec un autre Philoxènos, de Leucade celui-là, qui vécut à Athènes sensiblement à la même époque que le premier. Or il convient de remarquer que tous deux ont été raillés par les poètes de la Comédie ancienne ; tous deux ont passé une partie de leur existence en Sicile : de fait, il est normal que les grammairiens les aient sans cesse confondus l'un l'autre. Afin de rendre notre propos le plus clair possible, il est préférable de commencer par le plus jeune, celui qui est sans doute le plus important des deux.

Philoxènos, fils d'Eulétidas, naquit à Cythère ; des auteurs disent qu'il était aussi originaire d'Héraclée du Pont (Suid. s. v.). Un témoignage est venu nous éclairer sur lui. En effet, une plaque en marbre de Paros (n° 70) nous indique qu'il mourut durant la cent unième Olympiade (380 av. J.-C.) à l'âge de 55 ans. Il était né lors de la quatre-vingt-sixième Olympiade (435 av. J.-C.). Selon Diodore (XIV, 46), il fut en pleine activité durant la quatre-vingt quinzième Olympiade, vers 398.

La brève biographie fournie par Suidas pose problème : elle nous dit que lorsque les Cythériens furent réduits en esclavage par les Lacédémoniens, Philoxènos fut acheté par un certain Agésilas, qui l'appela Μύρμηξ ; quand cet Agésilas fut mort, il fut la propriété du poète lyrique Mélanippide, qui fit son éducation. Cependant, nous n'avons aucune preuve attestant que les Lacédémoniens aient réduits les Cythériens en esclavage ; mais nous savons que l'île fut prise par les Athéniens commandés par Nicias, en 424 av. J.-C. (Thuc. IV, 53, 54 ; Diod. Sic. XII, 65 ; Plut. Nic. 6) ; cette solution n'est pas très satisfaisante et une autre, plus juste a été proposée par Schmidt (Dithyramb, pp. 5, 6) ; bien entendu, il n'est pas question de discuter davantage de l'origine servile de Philoxènos : cette condition est largement créditée par de nombreux témoignages émanant des poètes comiques (voir Hesych. s. v. Δούλωνα ; Meineke, I. c. Schmidt (pp. 7, 8) montre qu'il ya une très nette allusion à Philoxènos dans les Grenouilles d'Aristophane (v. 1506), quand il cite le nom Μύρμηκι, qui, justement, était celui qui lui avait été conféré par son premier maître, un nom que l'on donnait générallement aux esclaves. D'autres spécialistes pensent cependant que ce nom avait été utilisé par les poètes comiques pour exprimer la mollesse de ses rythmes musicaux, le ἐκτραπέλους μυρμηκιάς, comme dit Phérécrate.

Suidas nous dit qu'il fut instruit par Mélanippide dans l'art dont il faisait profession, c'est-à-dire la poésie dithyrambique, un art dans lequel, si l'allusion des Grenouilles est correcte, il avait obtenu un succès considérable avant 408 av.J.-C ; ce qui correspond, soit dit en passant, avec un passage de Diodore (I. c.), affirmant qu'il eut son apogée sept ans plus tard. Phérécrate l'attaqua dans son Cheiron, comme étant l'un des corrupteurs de la musique ; Plutarque ne dit pas autre chose ; si cette opinion est confirmée, elle expliquerait le nom Μύρμηξ qu'on lui avait donné et la mention de ἐκτραπέλους μυρμηκιάς (Plut. de Mus. 30, p. 1146), expliqué et corrigé par Meineke, Frag. Com. Graec. vol. II, pp. 326-335).

Dans les Gerytades d'Aristophane, qui évoquait aussi la décadence de la poésie et de la musique, pièce qui fut probablement jouée à la même époque que les Grenouilles, Philoxènos n'est pas appelé par le même nom : il y a des passages qui sont visiblement des parodies de son poème intitulé Δεῖπνον (Fr. XII, XIII, éd. Bergk, ap. Meineke, Frag. Com. Graec. vol. II, pp. 1009, 1010). Dans l'Assemblée des femmes, datée de 392, on note un autre passage qui, sans nul doute, constitue une autre parodie (1167 – 1178 ; Bergk, Comment. de Reliq. Comoed. Att. Antiq. p. 212). De même, dans un long extrait du Phaon composé par le poète comique Platon, pièce jouée en même temps que l'Assemblée des femmes, en 391, il est question d'un livre que son possesseur nomme Φιλοξένου καινή τις ὀψαρτυσία : il s'agit certainement d'une parodie du poème, bien qu'Athénée et les critiques modernes croient plutôt à une allusion au poète Philoxènos de Leucade et à son livre sur l'Art d la Cuisine.

Il est vrai que ce dernier poète avait la réputation de vivre dans le luxe. Mais la coïncidence serait par trop remarquable s'il fallait supposer, avec Schmidt et d'autres, que les deux Philoxènos avaient écrit des poèmes à peu près similaires et à la même époque. (Meineke, Frag Com. Graec. vol. II, pp. 672 – 674 ; Bergk, Comment, pp. 211, 212 ; Schmidt, Dithyramb., p. 11, &c.).

Le moment où Philoxènos quitta Athènes pour se rendre en Sicile reste indéterminé. Schmidt (p. 15) suppose qu'il y est allé en tant que colon, après les premières victoires de Dionysios sur les Carthaginois, en 396. Ayant obtenu les faveurs de ce prince, il s'installa à sa cour à Syracuse, dont le luxe lui fournit la matière de son poème Δεῖπνον. Toutefois, on sait qu'il offensa bientôt Dionysios et jeté en prison ; dans cet acte, les auteurs voient la conséquence de la vanité blessée du tyran qui avait écrit des poésies que Philoxènos avaient non seulement refusé de louer mais pour lesquelles il avait dit à leur auteur que la meilleure manière de les corriger serait de rayer d'un large trait noir l'ensemble du feuillet. Un autre attribue sa disgrâce au fait qu'il entretenait une relation trop intime avec la maitresse du tyran, Galatéa. Mais tout cela semble l'objet d'un malentendu. Très vite, le poète fut libéré et revint dans les bonnes grâces de Dionysios ; cependant, à la suite d'une nouvelle dispute, ou méfiant à l'égard des sentiments du tyran envers lui, il quitta sa cour. On rapporte aussi qu'il n'y eut aucune réconciliation et qu'il se serait enfui de sa prison, puis serait revenu à Cythère, où il aurait composé sa poésie Galatéa (Schol. Aristoph., Ploutos. 290). Selon Suidas, il se rendit à Tarente (s. v. Φιλοξένοι γραμμάτιον).

Une histoire curieuse est rapportée par Plutarque : Philoxènos aurait renoncé à son domaine en Sicile, et aurait fui l'île pour éviter de se laisser séduire par ses richesses et son luxe (Plut. De Vit. Aer., p. 831). Schmidt tente de réinterprêter cette histoire en supposant, qu'après avoir quitté la cour de Dionysios, le poète aurait résidé quelque temps sur ses terres siciliennes, avant de quitter l'île définitivement, comme l'indique Plutarque. Il est douteux que les dernières années de sa vie se soient passées sur cette terre étrangère. Le scholiaste déjà cité dit qu'il s'était réfugié à Éphèse, où il serait mort, d'après Suidas. Schmidt pense aussi qu'il a pu se rendre dans un endroit régi par le culte de Dionysos. Sur ce point, cependant, comme dans tant d'autres d'ailleurs, nous rencontrons quelques problèmes qui résultent toujours de la confusion entre les deux Philoxènos : en effet, on rapporte que celui de Leucade passa la dernière partie de sa vie à Éphèse. Bref, il serait temps de mettre fin à cette confusion.

Une tradition qui concerne Philoxènos est bel et bien devenue proverbiale et on ne doit pas l'omettre. Après ses démélés avec Dionysios à Syracuse, et pendant son séjour à Tarente ou à Cythère, il fut de nouveau invité par le tyran à sa cour : en guise de réponse, il écrivit la simple lettre O, ce qui signifiait écrire οὐ, à la manière antique ; on pense aussi que Philoxènos écrivit 8, signe contracté pour οὐ. De fait, un refus si vague devint proverbial : Φιλοξένοι γραμμάτιον (s. v. Suid.; Schmidt, p. 17).

Suidas nous dit qu'il composa vingt-quatre dithyrambes et une généalogie des Éacides. La dernière poésie de lui qu'il mentionne ne se retrouve chez aucun autre auteur. Mais il est une poésie dont Suidas ne parle pas, et dont il est peu probable qu'elle faisait partie des vingt-quatre dithyrambes : c'est le Δεῖπνον déjà cité, et qui semble avoir été le plus célèbre de ses écrits : on en posséde des fragments plus que de tout autre de ses œuvres, et qui se trouvent intégralement dans le Banquet d'Athénée. Ces fragments sont souvent très corrompus à cause d'un texte déjà à l'origine d'une syntaxe pour le moins fantaisiste, mais délibérée de la part du poète. Casaubon a tenté de les restaurer non sans de grandes difficultés (Animadv. dans Ath. IV, p. 470). Cette restauration a été revue par Jacobs, Schweighauser, et Fiorillo, dans leurs annotations respectives sur Athénée ainsi que par Bergk, dans Act. Soc. Gr. Lips, 1836 ; récemment la plupart des fragments ont été édités par Meineke (Frag. Com. Graec, vol. III. Epimetrum de Philoxeni Cytherii Convivio, pp 635 - 646, élém. pp 146, 637, 638, 639, et vol. II, p. 306). L'ensemble a été édité par Bergk (Poet. Lyr. Graec, pp. 851 - 860), et par Schmidt (Dithyramb, pp 29 - 51), qui a également ajouté un commentaire à propos du mètre, du dialecte, et du style de la poésie (pp 52 - 54).

Ce poème est une description satirique et minutieuse d'un banquet, composé dans un style de langage qu'on ne connaît nulle part ailleurs et dont le vers qui suit (v. 9): παντεπαΛέC, λιπαροΥ τ' ἐΞ ἐγχελεΩνΟς ἀρίστΩν, peut être comparé avec un passage d'Aristophane, qu'on lit dans L'Assemblée des femmes (v. 1169): λεπαδοτεμαχοσελαχογαλεο

Parmi les dithyrambes de Philoxènos, le plus important est son Κύκλωψ ἢ Γαλάτεια. Le contexte de sa composition a été relaté de diverses manières, mais la version la plus probable a déjà été racontée plus haut. Élien (V. H. XII, 44) dit qu'il s'agit là de sa plus belle poésie, et Hermésianax en parle comme d'une grande oraison (Athénée XIII, p. 598, e ; Fr. 1, éd. Bach). Sa perte ne peut que nous peiner. Les maigres fragments qui subsistent ont été recueillis par Bergk (Poet. Lyr. Graec. I. c.) et par Schmidt, qui a ajouté un intéressant commentaire sur le plan (Dithyramb, pp. 54 - 68). Le scholiaste du Ploutos (I. c} appelle ce poème un drame. Plusieurs autres auteurs font même de Philoxènos un tragique ; il est vrai que les poètes dithyrambiques ont été couramment assimilés à des poètes tragiques (voir Kayser, Hist. Crit. Trag. Graec, p. 262). Nous avons d'autres fragments des poèmes de Philoxènos (pp. 68, 69), ainsi que les titres de quatre dithyrambes dont l'authenticité ne fait aucun doute : Μύσοι, Σύρος, Κωμαστής, Φαέτων.

Nous savons qu'à certains jours de l'année, ses dithyrambes étaient chantés en public dans les théâtres par la jeunesse arcadienne (Aristote Polit. VIII, 7 ; Polybe IV, 20). Mais, comme nous l'avons vu précédemment, il fut l'objet d'attaques de la part des poètes comiques, comme tous les autres musiciens du temps, à qui l'on reprochait d'avoir rompu avec la simplicité de la musique d'antan. Plusieurs passages du traité de Plutarque sur la musique décrivent la nature de ces innovations, qui suivent et dépassent les conceptions de son maître Mélanippide, réformes qui seront poursuivies par Timothéos après lui (Plut. de Mus. 12, 29, 30, 31 ; Schmidt, pp. 72, 73).

Une curieuse histoire a été rapportée par Aristote au sujet de son savoir-faire musical. Tout en confirmant que le dithyrambe était un genre essentiellement phrygien, le philosophe nous dit que Philoxènos voulut un jour en écrire un en dorien, mais qu'en fin de compte, il se laissa rattraper par l'harmonie phrygienne (Aristote, Polit. VIII, 7, § 12). Dans un passage obscur tiré de Pollux (Onom. IV, 9. s. 65, éd. Bekker) on fait de l'harmonie locrienne, une de ses inventions ; de même l'Hypodorien lui serait attribué (Schmidt, pp. 73, 74). Nous trouvons aussi chez Dionysios d'Halicarnasse un passage où il vante ses rythmes (de Comp. Verb. p. 131, Reiske).

De multiples témoignages révèlent l'estime dans laquelle les Anciens tenaient Philoxènos, pendant sa vie et même après sa mort. L'éloge le plus remarquable qui lui est fait vient du poète comique Antiphanès qui le confronte avec les musiciens postérieurs à lui (Athénée XVI, p. 643). Il y a aussi les témoignages de Machon, d'Élien, et de bien d'autres auteurs, qui ont été répertoriés par Schmidt (pp. 71, 72). Alexandre le Grand se fit envoyer ses poèmes pendant sa campagne en Asie (Plut. Alex. 8, de Fort. Alex. p. 355, a). Les grammairiens alexandrins l'accueillirent dans leur Canon. En fait, les attaques des poètes comiques prouvent à l'évidence sa popularité, laquelle devait être proportionnnelle à leur violence verbale.

La liste des œuvres les importantes de Philoxènos a été dressée par D. Wyttenbach, in his Miscellanea Doctrinae, II, pp. 64 - 72 ; Burette, Sur Philoxène, dans ses Remarques sur la Dialogue de Plutarque touchant la Musique, in the Mem. de l'Acad. des Insc. vol. XIII, pp. 200, &c. ; Luetke, Dissert, de Graec. Dithyramb, pp. 77, &c. Berol. 1829 ; L. A. Berglein, de Philoxeno Cytherio Dithyrambortim Poeta, Getting. 1843, 8vo. ; G. Bippart, Philoxeni, Timothei, Telestis Dithyrambographorum Reliquiae, Lips. 1843, 8vo. ; G. M. Schmidt, Diatribe in Dithyrambum Poetarumque Dithyrambicorum Reliquias, c. I, Berol. 1845 ; les passages déjà cités se trouvent dans les travaux de Meineke et Bergk, on Greek Comedy ; the Histories of Greek Poetry, par Ulrici et Ode ; Bernhardy, Gesch. d. Griech. Litt. vol. II, pp. 548 - 551.

 

Φιλόξενος, Λευκαδίου. ὄνομα παρασίτου. τοῦτόν φασιν προλουόμενον ἐν τῇ πατρίδι κἀν ἄλλαις πόλεσι περιέρχεσθαι τὰς οἰκίας, ἀκολουθούντων αὐτῷ παίδων, φερόντων ἔλαιον, γάρον, ὄξος καὶ ἄλλα τῶν ἡδυσμάτων. εἰσιόντα δὲ εἰς τὰς ἀλλοτρίας οἰκίας τὰ ἑψόμενα τοῖς ἄλλοις ἀρτύειν, ἐμβάλλοντα ὧν ἦν χρεία, κᾆθ' οὕτως εἰς ἑαυτὸν κύψαντα εὐωχεῖσθαι. οὗτος οὖν ὀψοφάγος ὢν καὶ πλεύσας εἰς Ἔφεσον εὗρε τὴν ὀψόπωλιν κενὴν καὶ ἐπύθετο τὴν αἰτίαν: καὶ μαθὼν ὅτι πᾶν εἰς γάμους συνηγόρασται, λουσάμενος παρῆν ἄκλητος καὶ ᾄσας ὑμέναιον μετὰ τὸ δεῖπνον πάντας ἐψυχαγώγησε. καὶ ὁ νυμφίος εἶπε, καὶ αὔριον ὧδε δειπνήσεις: ὁ δὲ ἔφη, ἂν ὄψον μὴ πωλῇ τις. ὁ αὐτὸς ηὔξατο γεράνου τράχηλον ἔχειν, ἵν' ἐπὶ πολὺν χρόνον καταπίνων ἥδηται. ὁ αὐτὸς Φιλόξενος περιπαθὴς ὢν τοῖς ὄψοις, καὶ δειπνῶν ποτε παρὰ Διονυσίῳ τῷ τυράννῳ, ὡς εἶδεν ἐκείνῳ μεγάλην τρίγλαν παρατεθειμένην, αὑτῷ δὲ μικράν, ἀναλαβὼν αὐτὴν πρὸς τὸ οὖς προσήνεγκεν, ὡς βούλοιτό τινα παρ' ἐκείνης τῶν κατὰ τὸν Νηρέα πυθέσθαι: τὴν δὲ ἐρομένην ἀποκεκρίσθαι, ὅτι νεωτέρα οὖσα ἁλοίη διὸ μὴ παρακολουθεῖν: τὴν δὲ παρὰ Διονυσίῳ κειμένην, πρεσβυτέραν οὖσαν, πάντα εἰδέναι, ἃ βούλεται μαθεῖν. τὸν οὖν Διονύσιον γελάσαντα ἀποστεῖλαι αὐτῷ τὴν τρίγλαν. οὗτος ἦν ὀψοφάγος: ἀφ' οὗ καὶ Φιλοξένειοι πλακοῦντες. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 17, 71

 

 

PHRYNICHOS (Φρύνιχός) fils de Polyphradmon (ou selon d'autres auteurs, de Minyras), natif d'Athènes, passe pour avoir été l'un des inventeurs du genre tragique. On dit qu'il fut le disciple de Thespis (Suid. s. v.). Il est le prédécesseur d'Eschyle (Schol. in Aristoph. Ran. 941). Les chronographes indiquent qu'il connut son apogée à la soixante-quatorzième Olympiade, vers 483 av. J.-C. (Cyrill. Julian, I, p. 13, b ; Eusèbe Chron. s. a. 1534 ; Clinton, F. H. s. a.). Il remporta sa première victoire tragique à la soixante-septième Olympiade, en 511 (Suid. s. v.), vingt-quatre ans après Thespis (B. C. 535), douze ans après Choerilos (523 av. J.-C.), et douze ans avant Eschyle (499) ; son dernier prix date de la soixante-seizième Olympiade, (476) : c'est à cette occasion que Thémistocle fut son choragos et que l'évènement fut consigné sur une inscription (Plut. Themist. 5).

Phrynichos fut actif pendant au moins 35 années. Comme d'autres poètes de son temps, il vint à la cour d'Hiéron et y mourut ; d'après le témoignage d'un auteur anonyme qui parle d'un auteur de tragédies, le fils de Phradmon mourut en Sicile : or, sur la base du nom de son père, on en déduit qu'il s'agit de Phrynicos.

Dans tous les textes évoquant la naissance et le développement de la tragédie, la place d'honneur, après Thespis, est assignée d'office à Phrynichos. La création et le perfectionnement du drame sont attribuées aux grands tragiques qui vécurent à la fin du VIe et au début du Ve siècle av. J.-C. : Choerilos, Phrynichos, Pratinas, et Eschyle ; la chronologie des perfectionnements formels et de leur attribution nous laissent encore dubitatifs.

Parmi les inventions attribuées à Phrynichos, l'introduction des masques féminins. Or une telle nouveauté affecte tellement le caractère poétique du drame qu'on peut à juste titre considérer Phrynicos comme l'inventeur de la tragedie, un honneur que les Anciens, cependant, ne savaient pas à qui l'accorder, à lui, ou à Thespis (Platon, Minos, p. 321). Aux histoires à caractère bacchique, ils subtitua des sujets sérieux, pris dans les âges héroïques ou dans les évènements contemporains. De fait, il visa, non plus à distraire son public, mais à leur faire ressentir des émotions. C'est ce qui se passa avec sa tragédie sur la prise de Milet : les spectateurs fondirent en larmes et le poète fut condamné à payer un millier de drachmes, parce qu'il avait osé représenter les souffrances d'un peuple et qu'il avait ravivé le souvenir d'une calamité nationale (Hérodote, VI, 21).

On suppose que les sujets choisis par Phrynichos et sa façon de les traiter étaient influencés par les récentes publications des poèmes homériques, ordonnées par Pisistrate ; en effet, Aristote les considère comme à la source de l'idéal tragique. Eschyle, l'éminent successeur de Phrynichos, reconnaissait tout ce qu'il devait à Homère, quand il disait que ses tragédies n'étaient que τεμάχη τῶν ῾Ομήρου μεγάλων δείπνων (Athénée VIII, p. 348.).

Du point de vue poétique, Phrynichos opéra de grands perfectionnements. Au chœur encore mince de Thespis, il ajouta la musique sublime des chœurs dithyrambiques. Nous avons plusieurs témoignages qui rappellent la majesté de ses chants choraux. Aristophane aime d'ailleurs à confronter la beauté des anciens chants avec ceux des poétes plus tardifs (Av. 748, Vesp. 219, 269, Ran. 911, 1294, Thesm. 164 ; comp. Schol. ad loc. and ad Ran. 941) ; des auteurs attribuent à Phrynichos l'ancien hymne à Pallas qu'Aristophane considère comme le modèle référent de la poésie ancienne (Nub. 964 ; comp. Lampoclès) ; On lui attribue encore un grand nombre de péans qu'il était de coutume de chanter lors des banquets et des sacrifices (Bode, Gesch. d. Hellen. Dichkunst, vol. II, pt. 1, p. 70).

Phrynichos apparaît avoir eu une attention particulière aux danses chorales. Suidas dit qu'il composa des danses pyrrhiques (s.v.). Toutefois, dans le drame de Phrynichos, le choeur tenait une place primordiale : il revient à Eschyle et à Sophocle d'avoir véritablement créé un dialogue et une action dramatique. Aristophane, attaquant Eschyle pour ce qu'il considérait comme une faute, montre la supériorité du drame de Phrynichos (Ran. 906, &c.) ; Aristote pose aussi cette question dans ses Problèmes : "Pourquoi les poètes du temps de Phrynichos sont-ils plus lyriques que les tragiques tardifs ?" Sa réponse est que les parties lyriques dans leurs tragédies anciennes sont beaucoup plus étendues que la narration (Prob. XIX, 31).

À propos des nombreuses pièces de Phrynichos, nous n'avons que fort peu d'informations. Suidas, qui lui consacre deux articles dérivant de sources diverses, donne les titres suivants : Πλευρωνία, (ou Πλεύρων, Paus. x. 31. § 2), Αἰγύπτιοι, Ἀκταίων, Ἄλκηστις, Ἀνταῖος ἢ Λίβυες, Δίκαιοι ἢ Πέρσαι ἢ Σύνθωκοι, Δαναί̈δες, ᾿Ανδρομέδα, ᾿Ηριγόνη  et ῞Αλωσις Μιλησίων (ou Μιλήτου ἄλωσις). La dernière de ces pièces, dont nous avons déjà parlé, est de 494 av. J.-C., année où Milet fut prise par les Perses. Suidas oublie une de ses plus célèbres tragédies, une de ses meilleures aussi, intitulée les Phéniciennes, qui avaient pour sujet la défaite des envahisseurs perses, pièce envers laquelle Eschyle avait une dette immense, puisqu'elle aurait largement influencé ses Perses (Argum. in Aesch. Pers.). Selon la conjecture de Bentley, c'est avec cette tragédie que Phrynichos obtint sa dernière victoire avec Thémistocle comme chorège.

Phrynichos avait un fils, Polyphradmon, qui devint aussi poète tragique (Fabric. Bibl. Graec. vol. II, p. 316 ; Bentley, Answer to Boyle ; Welcker, Die Griech. Trag. pp. 18, 127 ; Müller ; Bode ; Bernhardy).  

 

Athénée XIII, 17

 

PHYLARCHOS (Φύλαρχος) était un historien grec, contemporain d'Aratos. Le nom est quelquefois écrit Philarchos, mais il n'y a aucune raison de nous fier à la thèse de Wyttenbach (ad Plut. de Is. et Osir. p. 211), qui suppose l'existence de deux auteurs différents, l'un nommé Phylarchos et l'autre Philarchos. Son lieu de naissance prête à confusion. Nous apprenons de Suidas (s. v.) que trois cités étaient désignées pour lui servir de patrie : Athènes, Naucratis en Égypte et Sicyone ; Athénée en fait un Athénien de Naucratis (II, p. 58, c) ; bref nous pouvons exclure Sycione de la liste et en conclure qu'il était originaire soit d'Athènes, soit de Naucratis ; il est probable que cette dernière soit sa ville natale et qu'il émigra à Athènes, où il passa la plus grande partie de sa vie. Concernant les dates de Phylarchos, le doute subsiste. Nous apprenons de Polybe (II, 56) qu'il était un contemporain d'Aratos, et qu'il relatait les mêmes événements que ce dernier dans son œuvre historique. Aratos mourut en 213 av. J.-C., et son ouvrage s'arrête à 220 ; nous pouvons donc situer Phylarchos aux alentours de 215.

Le crédit de Phylarchos en tant qu'historien fut mis à mal par Polybe (II, 56, &c.), qui l'accusa de falsifier l'histoire à cause de sa complaisance envers Cléomène et de sa haine contre Aratos et les Achéens. Cette accusation n'est sans doute pas infondée, mais on pourrait faire de semblables reproches à Polybe, qui tombe dans le même travers en exagérant les mérites d'Aratos et de son clan et en dépréciant Cléomène (Comp. Niebuhr, Kleine Schriften, vol. I, p. 270, note). L'accusation de Polybe est reprise par Plutarque (Arat. 38), mais il le fait appremment de mauvaise grâce, puisque, comme l'a fort bien montré Lucht, ses vies d'Agis et de Cléomène ont été presque entièrement puisées dans l'œuvre de Phylarchos, et que sa vie de Pyrrhus en est fort redevable. Le style vivant et imagé de Phylarchos, à propos duquel nous dirons quelques mots, était en parfaite harmonie avec celui de Plutarque. Heeren a fait remarquer (Comment. Societ. Gotting, vol. XV, pp. 185, &c.), que Trogue-Pompée utilisa également les écrits de Phylarchos pour la partie de son travail traitant des évènements relatés par notre historien. La similitude des mots employés par Plutarque et Trogue est très nette lorsqu'on compare Justin, XXVIII, 4 (abréviateur de Trogue) avec Plutarque, Cleom. 29.

Le style de Phylarchos est violemment fustigé par Polybe (I. c.), qui lui reproche d'avoir écrit une histoire bourrée d'effets, dans le seul but de provoquer des sensations chez son lecteur à travers la narration de faits violents, voire insoutenables. Cette critique est en partie justifiée par les fragments de son œuvre parvenus jusqu'à nous. Mais la répulsion que Polybe éprouvait à son égard doit être nuancée : il est à chercher dans le caractère farouchement anti-poétique de ce grand historien, incapable d'évidence de ressentir une quelconque sympathie pour un auteur tel que Phylarchos, qui était doué d'une vive imagination. Il apparaît que le style de ce dernier était trop ambitieux ; il était rhétorique et sans doute fort déclamatoire ; mais dans le même temps, il était vivant et attractif, transmettant les faits dans l'esprit de son lecteur avec beaucoup d'éclat. Il était cependant très nég­ligent dans sa syntaxe, comme l'atteste Dionysios (Dionys. De Compos. Verb. c. 4).

Les six ouvrages qui suivent sont attribués à Phylarchos par Suidas : 

1. ῾Ιστορίαι, en 28 livres, que nous venons d'évoquer, le plus important de ses ouvrages. Il est décrit ainsi par Suidas : "L'expédition de Pyrrhus l'Épirote dans le Péloponnèse en 28 livres ; ensuite, vient Ptolémée surnommé Évergète, puis à la fin Bérénice, Cléomène le Lacédémonien, contre qui Antigonos fit la guerre."  Quand Suidas intitule l'œuvre "l'expédition de Pyrrhus, &c." il décrit bien sûr le premier évènement traité dans cet écrit. L'expédition de Pyrrhus dans le Péloponnèse date de 272 av. J. -C. ; la mort de Cléomène, de 220 : l'ouvrage embrasse donc une période de 52 années. Mais à travers quelques fragments conservés de cet ouvrage (e. g. Athénée, VIII, p. 334, a, XII, p. 539, b), des critiques modernes ont conjecturé que Phylarchos avait commencé son récit dès la mort d'Alexandre le Grand ; toutefois, il se peut simplement que notre historien ait introduit quelques digressions relatives à des évènements antérieurs : nous ne pouvons donc pas rejeter complètement les informations de Suidas.  Comme en témoignent nos fragments, ce récit ne relatait pas seulement l'histoire de la Grèce et de la Macédoine, mais aussi celle de l'Égypte, de Cyrène, et des autres Etats de cette époque ; dans ses écrits sur la Grèce, Phylarchos a une attention toute particulière pour Cléomène et les Lacédémoniens. Les fragments sont disponibles dans les ouvrages de Lucht, Brückner, et Müller cités plus haut.

2. Τὰ κατὰ τὸν Ἀντίοχον καὶ τὸν Περγαμηνὸν Εὐμένη, était probablement une section du travail précédent, relatant les évènements depuis la guerre entre Eumène Ier et Antiochos Soter jusqu'au conflit qui opposa Eumène II à Antiochos le Grand.

3. Ἐπιτομὴν μυθικὴν περὶ τῆς τοῦ Διὸς ἐπιφανείας, était un seul et unique ouvrage, bien que Suidas en fasse deux livres distincts : le titre général était  Ἐπιτομὴ μυθική, et celui de la première partie περὶ τῆς τοῦ Διὸς ἐπιφανείας.

5. Περὶ εὑρημάτων sujet sur lequel Éphore et Philochore écrivirent également.

6. Παρεμβάσεων βιβλία θ', qui est corrompu, d'autant que le mot παρέμβασις est inconnu.

7. ῎Αγραφα, non cité par Suidas, seulement mentionné par le Scholiaste d'Aelius Aristide (p. 103, éd. Frommel) ; il s'agissait d'une étude sur les aspects bizarres de la mythologie, sujet que nul autre écrit n'avait jusque-là traité. (Sevin, Recherches sur la Vie, et les Ouvrages de Phyl. in Mém, de l'Académie des Inscriptions, vol. VIII, p. 118, &c. ; Lucht, Phylarchi Historiarum Fragm. Lips. 1836 ; Bruckner, Idem. Vratisl. 1838 ; Car. et Théod. Müller, Fragm. Histor. Graec. pp. LXXVII, &c., 334, &c. ; Voss. de Hist. Graec. p. 150, éd. Westermann ; Droysen, Geschichte des Hellenismus, vol. I, p. 683 ; Clinton, F. H. vol. III, p. 519). 

 

Φύλαρχος, Ἀθηναῖος ἢ Ναυκρατίτης: οἱ δὲ Σικυώνιον: ἄλλοι Αἰγύπτιον ἔγραψαν: ἱστορικός. τὴν ἐπὶ Πελοπόννησον Πύρρου τοῦ Ἠπειρώτου στρατείαν ἐν βιβλίοις κη': κατάγει δὲ καὶ μέχρι Πτολεμαίου τοῦ Εὐεργέτου κληθέντος καὶ τῆς Βερενίκης τελευτῆς καὶ ἕως τοῦ θανάτου Κλεωνύμου τοῦ Λακεδαιμονίου, ἐπιστρατεύσαντος αὐτῷ Ἀντιγόνου: τὰ κατὰ τὸν Ἀντίοχον καὶ τὸν Περγαμηνὸν Εὐμένη, Ἐπιτομὴν μυθικήν, Περὶ τῆς τοῦ Διὸς ἐπιφανείας, Περὶ εὑρημάτων, Παρεμβάσεων βιβλία θ'. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 64, 85, 89, 91, 92

 

PLATON (Πλάτων) est l’un des principaux poètes comiques athéniens de la comédie ancienne. Il était contemporain d’Aristophane, de Phrynicus, Eupolis et Pherecrate. (Suid. s.v.) Eusebius (Chron.) et Syncellus (p.247, d.) le situent de manière erronée comme contemporain de Cratinus en Ol.81.3, 454 av. J.-C. ; alors que sa première apparition se situe en Ol.88, 427 av. J.-C., selon Cyril (adv. Julian. i.p. 13, b), dont le témoignage est confirmé par la déclaration de Suidas ci-dessus, et par le fait que les comédies de Platon participent de toute évidence du caractère de la comédie moyenne, dans laquelle certains grammairiens l’ont, en fait, catalogué. Marcellinus (Vit.Thuc. p.xi. Bekker) le mentionne comme contemporain de Thucydide, mort en Ol.97.2, 391 av. J.-C. ; mais Platon a dû vivre quelques années de plus, car Plutarque cite un passage de lui qui fait clairement référence à la nomination du démagogue Agyrrhius en tant que général de l’armée de Lesbos en Ol.97.3 (Plut. de Repub. gerend. p. 801, b.) La période durant laquelle Platon a prospéré se situe donc de 428 av. J.-C. à 389 av. J.-C. au moins.

On ne sait rien de plus de l’histoire personnelle de Platon, à l’exception de l’histoire que raconte Suidas, disant qu’il était si pauvre qu’il devait écrire des comédies pour d’autres (s.v. Ἀράδας μιμούμενοι). Suidas trouve cette déclaration dans un passage du Peisandre de Platon, dans lequel le poète fait allusion au fait qu’il œuvre pour d’autres : mais l’histoire de sa pauvreté n’est rien d’autre qu’une conjecture arbitraire, émise pour expliquer le passage, dont la véritable signification, sans aucun doute, est que Platon, comme Aristophane, faisait jouer ses pièces sous d’autres noms, mais il était tout naturellement soucieux d’en revendiquer les mérites à son propre compte lorsqu’elles avaient du succès, et c’est ce qu’il a fait dans la Parabase de Peisandre, tout comme le fait Aristophane dans la Parabase des Nuées. (Reportez-vous à la discussion complète de ce sujet au chapitre de PHILONIDE.) La forme donnée à l’article Άράδας μιμούμενος par Arsenius (Violet. ed. Walz, p. 76), confirme entièrement cette interprétation.

Platon figurait parmi les poètes les meilleurs de la comédie ancienne. D’après les citations des grammairiens et les nombreux fragments qui sont préservés, il est évident que ses pièces n’étaient surpassées en popularité que par celles d’Aristophane. Suidas et d’autres grammairiens parlent de lui en termes de λαμπρὸς τὸν χαρακτῆρα, pureté de la langue, tranchant raffiné de l’esprit, et une combinaison de la vigueur de l’ancienne comédie et de la plus grande élégance de la moyenne et de la nouvelle, étaient ses caractéristiques majeures. Bien que beaucoup de ses pièces ne contiennent absolument pas de référence politique, il est pourtant évident qu’il maintenait l’esprit de l’ancienne comédie dans ses attaques sur la corruption et les personnes corrompues de son époque ; car il est accusé de vitupération par Dio Chrysostome (Orat. xxxiii, p.4, Reiske) une étrange accusation, en vérité, à porter sur un satiriste avoué ! Au nombre des principaux objets de ses attaques, se trouvaient les démagogues Cléon, Hyperbole, Cléophon et Agyrrhius, le poète dithyrambe Cinesias, le général Leagrus et les orateurs Cephalus et Archinus ; car, tout comme Aristophane, il considérait que l’art de la rhétorique était l’une des pires sources de dommage au bien public.

Les attaques réciproques de Platon et d’Aristophane doivent être prises comme une preuve du réel respect que chacun éprouvait pour les talents de l’autre. En exemple de ces attaques, Platon, comme Eupolis, ridiculise grandement l’image colossale de la Paix d’Aristophane. (Schol. Plat. p.331, Bekker.)

Platon semble avoir été l’un des plus diligents des poètes comiques anciens. Le nombre de ses pièces s’élève à 28, selon l’auteur anonyme sur la Comédie (p. xxxiv), et selon Suidas, qui poursuit toutefois par l’énumération de 30 titres. Parmi ceux-ci Λάκωνες et Μάμμακυθος n’étaient que deux éditions de la même pièce, ce qui réduit le nombre à 29. Il faut toutefois en ajouter une, qui n’est pas mentionnée par Suidas, Ἀμφιάρεως. Voici la liste de Suidas, corrigée par Meineke : Ἄδωνις, Αἱ ἀφ ἱερών, Ἀμφιάρεως (Schol. ad Aristoph. Plut. 174), Γρπες, Δαίδαλος, Ἑλλάς Νήσοι, Ἐορταί, Ερώπη, Ζες κακούμενος, Ἰώ, Κλεοφν, Λάϊος, Λάκνωνες, Ποιηταί (deuxième édition, Μάμμακυθος, Μενέλεως, Μέτοικοι, Μύρμηκες (dont il n’y a aucun fragment), Νῖκαι, Νὺξ μακρά, Ξάντριαι ἢ Κέρκωπες, Παιδάρίον, Πείσανδρος, Περιαλγής, Πρέσβεις, Σκευαί, Σοφισταί, Συμμαχία, Σύρφαξ, Ὑπέρβολος, Φάων.

On connaît les dates suivantes pour ses pièces : Cléophon a reçu le troisième prix dans Ol.93.4, 405 av. J.-C. quand Aristophane a reçu le premier avec les Grenouilles et Phrynicus le second avec les Muses ; Phaon a été montré en Ol.97.2, 391 av. J.-C. (Schol. in Aristoph. Plut. 179) ; Peisandre environ Ol.89, 423 av. J.-C. ; Perialge un peu après ; Hyperbole environ Ol.91, 415 av.    J.-C. ; le Presbeis environ Ol.97, 392 av. J.-C. ; Laius semble avoir été une de ses dernières pièces.

Il a déjà été dit que certains grammairiens avaient catalogué Platon dans la comédie moyenne ; et plusieurs des titres mentionnés ci-dessus appartiennent manifestement à cette catégorie. Certains mentionnent même Platon comme poète de la comédie nouvelle (Athen. iii. p.103, c., vii. p.279, a.) C’est ce qui a porté un certain nombre d’érudits modernes à supposer qu’il y avait un second Platon, poète de la comédie nouvelle, ayant vécu après Epicure. Mais Diogène Laërte ne mentionne qu’un seul poète comique de ce nom, et il n’y a pas de preuve fiable qu’il y en ait eu aucun autre. Dans les références des grammairiens anciens, il y a aussi fréquemment confusion entre Platon le poète comique, et  Platon le philosophe. (Meineke, Frag. Com. Graec. vol. i. pp.160-196, vol. ii. pp 615-697 ; Editio Minor, 1847, 1 vol. en 2 part. 8 vo., pp. 357-401; Bergk, Comment. de Relig. Com. Att. Ant. lib. ii. c. 6, pp. 381, &c. ; C.G. Cobet, Observationes Critincae in Platonis Comici Reliquias, Amst. 1840, 8vo.)

Plusieurs autres personnages littéraires de ce nom sont mentionnés par Fabricius (Bibl. Graec. vol.iii. p.57, note), mais aucun d’entre eux n’a suffisamment d’importance pour être mentionné ici. [P.S.]

 

POLÉMON (Πολέμων) était athénien par la citoyenneté, mais il naquit selon les uns à Ilion, selon les autres à Samos ou à Sicyone. Fils d'un certain Evergète, c'était un philosophe stoïcien et un géographe surnommé ὁ περιηγήτης, qui vécut sous le règne de Ptolémée Épiphane, au début du IIe siècle av. J.-C. (Athénée VI, 234). Clinton, F.H. vol. III, sub ann. B.C. 199). En philosophie, il était un disciple de Panétios. Il fit de nombreux voyages en Grèce, afin de recueillir des documents pour ses travaux géographiques. C'est au cours de ses déplacements qu'il prêta une attention toute particulière aux inscriptions gravées sur les autels et les colonnes, ce qui lui valut le surnom de Στηλοκόπας. (Ath. l. c ; Casaub. ad loc.).

En tant que collecteur d'inscriptions, il fut l'un des premiers à constituer l'Anthologie grecque. De même, d'autres écrits relatifs aux offrandes votives qui étaient visibles dans divers monuments (ceux de l'Acropole d'Athènes, de Lacédémone, de Delphes etc.) devaient reproduire de nombreuses épigrammes. De fait, Jacobs croit probable que Polémon soit à l'origine de la Couronne de Méléagre (Animadv. in Anth. Graec. vol. I, Prooem. pp. XXXIV-XXXV).

Athénée et d'autres auteurs citent fréquemment ses travaux et il est inutile de donner leurs titres. Il s'agissait essentiellement de descriptions des régions de la Grèce ; certains écrits avaient trait à des peintures conservées dans divers endroits ; plusieurs autres ouvrages sont plus controversés, parmi lesquels un Contre Eratosthène (Fabric. Bibl. Graec. vol. III, p. 184 ; Vossius, de Hist. Graec. pp. 159, fol. éd. Westermann; Clinton, F. H. vol. III, p. 524, où la liste de ses écrits est donnée).

 

   Athénée XIII, 21, 34, 38, 51, 54, 55, 79 84

 

L. CALPURNIUS PISON FRUGI, consul en 133 av. J.-C.. Son origine est tout à fait incertaine, puisque ni les Fasti ni les pièces de monnaie ne mentionnent le nom de son père. C'est son intégrité et sa conscience qui le firent surnommer Frugi, qui est peut-être presque l'équivalent de notre "homme d'honneur," mais sa valeur exacte est longuement expliquée par Cicéron (Tusc. iii. 18). Piso était tribune de la plèbe en 149 av. J.-C., l'année où il proposa la première loi pour punir l'extorsion dans les provinces (Lex Calpurnia de Repetundis, Cic. Brut. 27, Verr. iii. 84, iv. 25, de Off. ii. 21). En 133 av. J.-C. il était consul avec P. Mucius Scaevola, et fut envoyé en l'Italie contre les esclaves. Il gagna une victoire sur eux, mais ne les soumit pas, et il fut remplacé au commandement par le consul P. Rupilius (Oros. v. 9 ; Val. Max. ii. 7. § 9). Piso était un défenseur loyal du parti aristocratique; et bien qu'il ne fermait pas les yeux sur leurs crimes, comme le montre sa loi contre l'extorsion, il était très peu disposé à tolérer aucune intrusion sur leurs droits et privilèges. Il s'opposa donc avec énergie aux mesures de C. Gracchus, et on parle particulèrement de lui comme d'un adversaire véhément de la lex frumentaria de ce dernier (Cic. pro Font. 13, Tusc. iii. 20). Il fut appelé Censorius par plusieurs auteurs antiques; et bien que la date de sa censure soit incertaine, on peut sans doute la placer en 120 av. J.-C.. Piso laissé des discours solennels, qui avaient disparu au temps de Cicero, et des annales, qui contenaient l'histoire de Rome de la période la plus ancienne jusqu'à son temps. Cete oeuvrel, qui, selon le jugement de Cicéron (Brut. 27), était écrite dans un style pauvre, est fréquemment citée par les auteurs anciens. Piso était, selon Niebuhr, le premier auteur romain qui introduisit l'habitude de donner une interprétation rationelle aux mythes et aux légendes de l'histoire romaine ancienne. (Comp. Niebuhr, Hist. of Rome, vol. i. pp. 235, 237, vol. ii. p. 9 ; Lachmann, De Fontibus T. Livii, p. 32 ; Krause, Vitae et Fragm. Hist. Roman, p. 139 ; Liebaldt, De L. Pisone Annalium Scriptore, Naumburg, 1836.)

 

POLYBE était le fils de Lycortas, et natif de Mégalopolis, une ville d'Arcadie. L'année de sa naissance est incertaine. Suidas (s. v.) place sa naissance sous le règne de Ptolémée Évergète, qui mourut en 222 av. J.-C.. Mais il est certain que Polybe ne peut être né si tôt; il nous dit lui-même (xxv 7) qu'il fut nommé ambassadeur en Égypte avec son père et Aratus le jeune en 181av. J.-C., alors qu'il n'avait pas encore atteint l'âge légal, qu'il était, dit-il, (xxix. 9), de trente ans chez les Achéens. Mais s'il était né, selon Suidas, avant la mort de Ptolémée Évergète, il devait alors avoir quarante ans. De plus, si fallait une autre preuve, il est impossible de croire qu'il ait pu prendre une part active dans les affaires publiques lors de la chute de Corinthe en 146 avant J.-C., s'il naquit aussi tôt que le prétend Suidas. Nous pouvons donc, sans beaucoup nous tromper, supposer avec Casaubon qu'il est né aux environs de 204 av. J.-C., puisque dans ce cas il aurait eu environ vingt-cinq ans au moment de  sa désignation pour l'ambassade en Égypte. 

Lycortas, le père de Polybe, était un des hommes les plus distingués de la ligue achéenne; et son fils reçut donc les avantages de sa formation dans la connaissance politique et l'art militaire. Il doit aussi avoir retiré de grands avantages de ses rapports avec Philopoemen, qui était un ami de son père, et qui mourut en 182 av. J.-C. Lycortas fut nommée général de la ligue. À l'enterrement de Philopoemen, cette année-là, Polybe porta l'urne dans laquelle ses cendres étaient déposées. (Plut. Philpoem. 21, An seni gerunda sit respubl, p. 790, &c..) L'année suivante, comme nous avons déjà dit, Polybe fut nommé un des ambassadeurs en Égypte, mais il ne quitta pas la Grèce, car on abandonna l'idée d'envoyer une ambassade. L'année suivante il commença probablement  à participer aux affaires publiques, et il semble avoir bientôt obtenu une grande influence parmi ses compatriotes. Quand la guerre éclata entre les Romains et le roi Persée de Macédoine, un problème grave se posa aux Achéens : quelle ligne politique devaient-ils adopter. Le parti pro-romain de la ligue était dirigée par Callicratès, sycophante opportuniste sans scrupules ne reconnaissant aucune loi  mais uniquement la volonté de Rome. Il était contré par Lycortas et ses amis: et les ambassadeurs romains, Popillius et l'Octavius, qui arrivèrent dans le Péloponnèse au début de 169 av. J.-C., se plaignirent que certains des hommes les plus influents dans la ligue étaient défavorables à la cause romaine et citèrent les noms de Lycortas, Archon, et Polybe. La partie plus modérée, qui ne souhaitait pas sacrifier l'indépendance nationale, et qui pourtant redoutait un combat contre les Romains, consciente de son incapacité de résister à la puissance de ces derniers, était divisée sur la ligne de conduite à suivre. Lycortas leur recommandait de garder une stricte neutralité, puisqu'ils ne pouvaient espérer gagner quelque chose d'un côté ou de l'autre; mais Archon et Polybe pensaient qu'il valait mieux ne pas adopter une telle résolution, mais se laisser guider par les circonstances, et au besoin, aider les Romains. Ce point de vue reçut l'approbation de la majorité de son parti; et en conséquence, en 169 av. J.-C. Archon fut nommé stratège de la ligue, et Polybe commandant de la cavalerie, pour mettre ce point de vue à exécution. Les Achéens peu de temps après firent un décret, mettant toutes leurs forces à la disposition du consul romain, Q. Marcius Philippus; et Polybe fut envoyé en Macédoine pour se mettre au service du consul. Marcius, mais celui-ci refusa leur aide pour le présent. (Polyb. xxviii. 3, 6.) Durant l'année suivante, 168 av. J.-C., les deux Ptolémées, Philométor et son frère Evergetès II., envoyèrent aux Achéens, pour demander de l'aide contre Antiochus Épiphanes, et, si cette aide était refusée, de demander à Lycortas et à Polybe de venir chez eux, afin de les aider de leur conseil dans la conduite de la guerre. Mais comme Antiochus fut peu de temps après obligé par les Romains d' abandonner ses tentatives contre les Ptolemées, aucune de ces mesures ne fut nécessaire, et donc Polybe resta chez lui (xxix. 8).

Après que la chute de Persée et la conquête de la Macédoine  deux commissaires romains, C. Claudius et Cn. Dolabella, visitèrent le Péloponnèse, afin de faire avancer les intérêts romains dans le sud de la Grèce. À l'instigation de Callicratès, ils ordonnèrent que 1000 achéens soient conduits à Rome, pour répondre à l'accusation de n'avoir pas aidé les Romains contre Persée. Ce nombre incluait toute la meilleure et la plus noble partie de la nation, et parmi eux était Polybe. Ils arrivèrent en Italie en 167 av. J.-C., mais, au lieu de rester ensemble,  ils furent dispersés dans les villes étrusques. Polybe eut plus de chance que ses autres compagnons dans le malheur. Il avait sans doute fait connaissance en Macédoine avec Aemilius Paulus, ou avec ses fils Fabius et Scipio, et les deux jeunes gens obtinrent alors du préteur la permission que Polybe réside à Rome dans la maison de leur père Paulus. Scipio avait alors dix-huit ans, et s'attacha bientôt chaudement à son illustre exilé et lui donna aide et conseil, aussi bien dans ses études privées que dans sa vie publique. L'amitié qui se forma ainsi entre le jeune romain noble et l'exilé grec fut fort profitable aux deux parties: Scipio fut accompagné de son ami dans de toutes ses expéditions militaires, et reçut beaucoup d'avantages de l'expérience et de la connaissance du dernier; tandis que Polybe, sans compter qu'il avait trouvé un patron libéral et protecteur dans son exil, pouvait par ce moyen obtenir l'accès aux documents publics, et accumuler des matériaux pour son grand travail historique (Polyb. xxxii. 9, &c.; Pans vii. 10).

Les exilés achéens restèrent dix-sept ans en Italie. Les Achéens avait souvent envoyé des ambassades au sénat implorer un procès ou pour relâcher leurs compatriotes, mais toujours sans succès. Même leur ferventes supplications que seuls Polybe et Stratius soient libérés, furent refusées. Finalement en 151 av. J.-C., Scipion exerça son influence sur Caton le censeur pour l'obliger à libérer les exilés, et l'autorité de ce dernier porta ses fruits, non sans une lutte féroce et des discussions prolongées au sénat. Après que leur retour fut décidé, Polybe fut impatient d'obtenir du sénat en son nom et en celui de ses compatriotes la faveur supplémentaire d'être rétablis dans les honneurs qu'ils avaient obtenus autrefois; mais en consultant Caton, le vieil homme le pria, avec un sourire, de prendre garde de retourner, comme Ulysse, dans l'antre du Cyclope, chercher toutes les bagatelles qu'il lui avait laissées. (Polyb. xxxv. 6; Plut. Cat. Maj. 9; Paus.vii. 10.) Polybius retourna dans le Péloponnèse cette année-là avec les autres exilés achéens, qui étaient passés durant leur exil de 1000 à 300. Pendant son séjour en Grèce, qui ne dura cependant pas longtemps, il recommanda instamment à ses compatriotes la paix et la réconciliation, et il essaya de contrecarrer les projets fous du parti qui employait tous ses efforts à pousser les Achéens dans une lutte désespérée contre la puissance romaine. Quand cela fut trop tard, les Achéens comprirent et reconnurent la sagesse de son conseil; et une statue érigée en son honneur avait sur son piédestal l'inscription suivante : "Que la Grèce aurait été sauvée, si elle avait suivi les conseils de Polybe" (Paus. viii. 37, § 2). La première année de la troisième guerre punique, en 149 av. J.-C.), le consul M'. Manilius demanda à Polybe de le rejoindre à Lilybée, mais à son arrivée à Corcyre, il apprit des consuls que les Carthaginois avaient donné des otages, et pensant donc que la guerre se terminait, et que sa présence n'était plus nécessaire, il est revint dans le Péloponnèse (Polyb. Exc. Vatican. P. 447). mais bientôt il repartit pour rejoindre Scipion. Ses liens avec les romains lui ont sans doute valu d'être soupçonné par le parti qui s'appelait indépendant; et sa présence dans son pays d'origine a pu donc ne pas trop lui plaire. De plus il était aucun doute impatient d'être spectateur de la lutte finale qui continuait maintenant entre Rome et Carthage, et de l'histoire qu'il voulait écrire.

Polybe était présent avec Scipio lors de la destruction de Carthage, en 146 av. J.-C. (Appian, Pun 132); et juste après cet événement il hâta de rentrer en Grèce, où les Achéens faisaient une guerre folle et désespérée contre les Romains. On peut se poser la question s'il fut présent à la prise de Corinthe, et il est probable, comme Thirlwall (Hist. of Greece, vol. viii. p. 455, note 3) le fait remarquer, cela se serait pas hâté vers le Péloponnèse tant que la lutte n'était pas terminée. Il doit, cependant, être arrivé juste après; et il exerça toute son influence pour alléger les malheurs de ses compatriotes, et pour obtenir des conditions favorables pour eux. Comme ami de Scipion, le vainqueur de Carthage, il fut reçu avec des distinctions de marque; et le manque de patriotisme dont ses ennemis l'avaient accusé, lui permit alors de rendre à son pays un service plus efficace qu'il aurait pu le faire autrement. On permit que les statues de Philopoemen et d'Aratus, que les commissaires romains avaient ordonné de transporter en Italie, à sa demande, restent dans le Péloponnèse. Les commissaires eurent tellement d'égard envers lui, que quand ils quittèrent la région au printemps 145 av. J.-C., après avoir arrangé ses affaires, et l'avoir réduite à une province romaine, ils lui  demandèrent de visiter diverses villes, et d'expliquer les nouvelles lois et constitutions. Lors de l'exercice de cette tâche, Polybe n'épargna aucune peine ou ennui. Il  traversa tout le pays, et avec une ardeur infatigable  il élabora des lois et des institutions politiques pour les différentes villes, et régla les conflits qui avaient surgi entre eux. De plus il obtint des Romains un assouplissement de certains des règlements les plus sévères qui avaient été faits contre les Achéens vaincus. Ses compatriotes reconnaissants reconnurent les grands services qu'il leur avait rendus, et des statues furent érigées en son honneur à Mégalopolis, à Mantinée, à Pallantium, à Tégée, et à d'autres endroits. (Polyb. XL, 8 - 10; Paus. viii. 9, 30, 37, 44, 48.)

Polybe semble alors s'être consacré à la composition du grand travail historique, pour lequel il avait longtemps rassemblé des matériaux. A quelle période de sa vie il a voyagé dans les pays étrangers afin de visiter les endroits qu'il devait décrire dans son histoire, il est impossible de le déterminer. Il nous dit (iii. 59) qu'il a entrepris de longs et dangereux voyages en l'Afrique, en Espagne, en Gaule, et même jusqu'à l'Océan atlantique, à cause de l'ignorance qui prévalait sur ces régions. Il visita certains de ces pays alors qu'il servait sous Scipion, qui lui offrit les moyens de poursuivre son dessein. Ainsi nous apprenons de Pliny (H. N. v, l), que Scipion, durant la troisième guerre punique, mit une flotte à la disposition de son ami, pour qu'il puiise explorer la côte africaine. Plus tard dans sa vie il visita de même l'Egypte; et ce voyage doit avoir eu lieu après la chute de Corinthe, puisqu'il était dans ce pays sous le règne de Ptolémée Physcon, qui n'était pas sur le trône en 146 av. J.-C. (Strab. xvii. p. 797). On a supposé que Polybe accompagna Scipion en Espagne dans en 134 av. J.-C. et qu'il était présent à la chute de Numance année suivante, puisque Cicéron dit  (ad Fam. v. 12) que Polybe écrivit une histoire de la guerre de Numance. L'année de sa mort est incertaine. Nous avons seulement  le témoignage de Lucien (Macrob. 23), qui dit qu'il est mort à l'âge de 82 ans, à la suite d'une chute de cheval, en retournant chez lui. Si nous avons raison en plaçant sa naissance en 204 av. J.-C., sa mort tomberait en 122 av. J.-C.

L'histoire de Polybe comprend quarante livres. Elle débute en 220 av. J.-C., où s'arrête l'histoire d'Aratus, et se termine en 146 av. J.-C., l'année de la destruction de Corinthe et de la fin de l'indépendance de la Grèce. Elle se compose de deux parts distinctes, qui ont sans doute été éditées à différents moments et ensuite réunis en une seule oeuvre. La première partie comporte une période de 53 ans, commençant par la deuxième guerre punique, la guerre sociale en Grèce, et la guerre entre Antiochus et Ptolémée Philopator en Asie, et finissant avec la conquête de Persée et la chute du royaume macédonien, en 168 av. J.-C.. C'était en fait la partie principale de son travail, et son grand objet était de montrer comment les Romains ont, durant cette brève période de 53 ans, conquis la plus grande partie du monde; mais comme les Grecs ignoraient, pour la plupart, l'histoire des débuts de Rome, il donne un aperçu de l'histoire romaine de la prise de la ville par les Gaulois au commencement de la deuxième guerre punique, dans les deux premiers livres, qui forment ainsi une introduction au corps de son travail. Avec la chute du royaume macédonien se décide la suprématie de l'empire romain, et  les autres nations du monde n'eurent plus qu'à recevoir les lois de la république, et à rapporter la soumission à son empire. Mais, dit Polybe (iii. 4) : 
"Mais l'heureux ou malheureux succès des batailles ne suffit pas pour donner une juste idée des vainqueurs ni des vaincus ; souvent les plus heureux, faute d'en avoir fait bon usage, ont été cause de très grands malheurs, de même qu'il y a eu bon nombre de gens à qui des accidents très fâcheux ont été d'une très grande utilité, parce qu'ils ont su les supporter avec courage. Outre les événements, il faut donc encore considérer quelle a été la conduite des Romains, comment ils ont gouverné l'univers, les différents sentiments qu'on a eus pour ceux qui étaient à la tête des affaires ; les penchants et les inclinations dominantes des particuliers, tant dans le foyer domestique, que par rapport au gouvernement. Par ce moyen notre siècle connaîtra si l'on doit se soustraire à la domination romaine ou s'y soumettre, et les siècles à venir jugeront si elle était digne de louange ou de blâme. C'est de là que dépend presque tout le fruit que l'on pourra tirer de cette histoire, tant pour le présent que pour l'avenir. Car ne nous imaginons pas que les chefs d'armées n'ont, en faisant la guerre, d'autre but que de vaincre et de subjuguer ni que l'on ne doit juger d'eux que par leurs victoires et par leurs conquêtes. Il n'y a personne qui fasse la guerre dans la seule vue de triompher de ses ennemis. On ne se met pas sur mer pour passer simplement d'un endroit à un autre ; les sciences et les autres arts ne s'apprennent pas uniquement pour en avoir la connaissance ; on cherche en tout ce que l'on fait ou l'agréable ou l'honnête ou l'utile. Cet ouvrage ne sera donc parfait et accompli qu'autant qu'il apprendra quel fut, après la conquête du monde entier par les Romains, l'état de chaque peuple en particulier, jusqu'au temps où de nouveaux troubles se sont élevés, et qu'il s'est fait un nouveau changement dans les affaires. C'est sur ce changement que je me suis proposé d'écrire. L'importance des faits et les choses extraordinaires qui s'y sont passées, m'y ont engagé. Mais la plus forte raison, c'est que j'ai contribué à l'exécution de certaines choses, et que j'ai été le conducteur de beaucoup d'autres."

La seconde partie, qui forme une sorte de supplément, comporte la période de la conquête de Persée en 168 av. J.-C., à la chute de Corinthe en 146 av. J.-C.. L'histoire de la conquête de la Grèce semble avoir été décrite dans le trente-neuvième livre; et le quarantième livre contenait probablement un sommaire chronologique de la totalité de l'oeuvre. (Voir Clinton, F. H. ad ann. 146.)
   Les sujets contenus dans chacune de ces parties sont rapportés de façon détaillée par Polybe dans le passage suivant, qui donnera au lecteur la meilleure idée du contenu du travail.
"Après que nous aurons expliqué pourquoi les Carthaginois firent aux Romains la guerre qu'on appelle d'Hannibal, nous dirons de quelle manière les premiers se jetèrent sur l'Italie, et y ébranlèrent la domination des Romains jusqu'au point de les faire craindre pour leur propre patrie, et de voir les Carthaginois maîtres de la capitale de cet empire. Nous verrons ensuite Philippe de Macédoine venir se joindre aux Carthaginois, après qu'il eut fini la guerre qu'il faisait vers le même temps contre les Etoliens, et qu'il eut pacifié les affaires de la Grèce. Après cela, Antiochus et Ptolémée Philopator se disputeront la Coïlé-Syrie, et se feront la guerre pour ce royaume. Puis les Rhodiens et Prusias se déclareront contre les Byzantins, et les forceront à se désister du péage qu'ils exigeaient de ceux qui naviguaient dans le Pont. Là nous interromprons le fil de notre narration pour examiner la forme de gouvernement des Romains, et on verra qu'il ne pouvait être mieux constitué, non seulement pour se rétablir dans l'Italie et dans la Sicile, et pour soumettre les Espagnes et les Gaules, mais encore pour défaire entièrement les Carthaginois, et penser à conquérir tout l'univers. Cela sera suivi d'une petite digression sur la ruine de Hiéron, roi de Syracuse, d'où nous passerons en Egypte pour dire les troubles qui y arrivèrent, lorsqu'après la mort de Ptolémée, Antiochus et Philippe, conspirant ensemble pour se partager le royaume laissé au fils de ce roi, tâchèrent par fraude et par violence de se rendre maîtres, celui-ci de l'Egypte et de la Carie, celui-là de la Coïlé-Syrie et de la Phénicie.

Suivra un récit abrégé de ce qui se passa entre les Romains et les Carthaginois dans l'Espagne, dans la Libye et dans la Sicile, d'où nous nous transporterons en Grèce, où les affaires changèrent alors de face. Nous y verrons les batailles navales d'Attalus et des Rhodiens contre Philippe ; de quelle manière les Romains firent la guerre à ce prince; quelles en furent les causes, et quel en fut le succès. Nous joindrons à cela ce que produisit la colère des Etoliens, lorsque, ayant appelé Antiochus d'Asie, ils allumèrent le feu de la guerre entre les Achéens et les Romains. Nous dirons la cause de cette guerre, et ensuite nous suivrons Antiochus en Europe. D'abord il est obligé de se retirer de la Grèce ; puis, défait, il abandonne tout le pays qui est en deçà du mont Taurus ; et enfin les Romains, après avoir réprimé l'audace des Gaulois, se rendent maîtres de l'Asie, sans que personne la leur ose contester, et délivrent l'Asie Citérieure de la crainte des Barbares et de la violence des Gaulois. Nous exposerons après cela les malheurs dont les Etoliens et les Céphaléniens furent accablés ; d'où nous passerons aux guerres qu'Eumènes eut à soutenir contre Prusias et les Gaulois de Grèce, et à celle d'Ariarathe contre Pharnace. Après quoi nous dirons quelque chose de l'union et du gouvernement des Péloponnésiens, et des progrès que fit l'Etat des Rhodiens. Nous ferons ici une récapitulation, où toute l'histoire et les faits qu'on y aura vus seront représentés en peu de mots. Nous ajouterons à tout cela l'expédition d'Antiochus Épiphanes dans l'Egypte, la guerre de Persée et la ruine entière de la monarchie macédonienne." (iii. 2, 3.)

Il continue alors à relater les sujets contenus dans la deuxième partie de son histoire.
"Ce fut dans ce soulèvement que les Romains allèrent porter la guerre chez les Celtibériens et les Vaccaïens ; que les Carthaginois la firent à Masinissa, roi dans l'Afrique ; qu'en Asie, Attalus et Prusias se la déclarèrent l'un à l'autre ; qu'Oropherne, aidé par Demetrius, chassa du trône Ariarathe, roi de Cappadoce, et que celui-ci y remonta par ses seules forces, que Seleucus, fils de Demetrius, après avoir régné douze ans dans la Syrie, perdit le royaume et la vie par la conspiration des autres rois, que les Romains permirent aux Grecs, accusés d'être les auteurs de la guerre de Persée, de retourner dans leur patrie, après qu'ils eurent reconnu leur innocence, que, peu de temps après, ces mêmes Romains attaquèrent les Carthaginois, d'abord pour les obliger à changer de pays, mais ensuite dans le dessein de les détruire entièrement, pour des raisons que nous déduirons dans la suite, qu'enfin, vers le même temps, les Macédoniens ayant renoncé à l'alliance des Romains, et les Lacédémoniens s'étant détachés de la République des Achéens, on vit le malheur commun de la Grèce commencer et finir tout ensemble." (iii. 5.)
On a déjà remarqué que l'objet principal du travail de Polybe est de montrer ce que pensaient et de quelle façon les Romains ont subjugué les autres nations du monde. Et bien qu'il considère la fortune (Τύχη) comme la déesse qui règle les affaires des hommes, dont on peut toujours retrouver la main dans l'histoire des nations, et à qui le Romans doivent donc leur empire (voir par exemple i. 4, 58, 86, ii. 35, 70, iv. 2, viii. 4), de plus il attire à plusieurs reprises l'attention du lecteur sur les moyens par lesquels la fortune a permis à ces hommes d'arriver à leur situation extraordinaire. Le premier de ceux-ci, il l'établit dans leur excellente constitution politique (vi. 1), et dans la constance, la persévérance, et l'unité du but qui sont les résultats normaux d'une telle constitution. Mais alors que l'histoire de Rome forme le sujet de son travail, l'histoire des diverses nations avec lesquelles Rome est entrée en contact, est également traitée avec le même soin; et c'est pourquoi le titre de son oeuvre est Histoire générale ou universelle (καθολικὴ, κοινὴ ἱστορία), et il mentionne l'unité du sujet comme un des motifs principaux qui l'avaient incité à choisir cette période de l'histoire. (voir. i. 4, ii. 37. § 4, iv. 28. § 3, v. 31. § 6, v. 105. § 4) L'histoire de Polybe pourrait donc s'appeler, comme elle l'a été par un auteur allemand : "Histoire de la croissance de la puissance romaine, jusqu'à l'effondrement de l'Indépendance de la Grèce."
L'histoire de Polybe est un des travaux les plus précieux de ceux qui nous viennent de l'antiquité; et peu de travaux historiques, dans des temps anciens ou dans modernes, peuvent soutenir la comparaison avec elle. Polybe a une appréhension claire de la connaissance qu'un historien doit posséder; et ses études préparatoires ont continué avec de la plus grandes énergie et la plus grande persévérance. Il n'a pas seulement rassemblé avec exactitude et fait un récit des événements qu'il avait l'intention de rapporter, mais il a également étudié l'histoire de la constitution romaine et a passé des journées entières à se mettre au courant de la géographie des pays qu'il devait décrire dans son travail. En plus de cela, il a eu un jugement clair et un amour saisissant de la vérité, et, pour avoir lui-même pris une part active à la vie politique, il pouvait juger des motifs et des actions des grands acteurs de l'histoire d'une manière dont aucun autre érudit ou rhéteur n'aurait pu le faire. Mais la caractéristique de son oeuvre, et celle qui la distingue de toutes autres histoires qui nous viennent de l'antiquité, est sa nature didactique. Il n'a pas, comme d'autres historiens, écrit pour faire plaisir à ses lecteurs, ou satisfaire une curiosité vaine en ce qui concerne la migration des nations, la fondation des villes, ou la constitution des colonies; son objet était d'apprendre par le passé la connaissance du futur, et de la déduire d'événement prévisibles des leçons de sagesse pratique. C'est pourquoi il appelle son travail une Pragmateia (Πραγματεία), et non une histoire (ἱστορία, voir par exemple i. 1, 3, iii. 32). La valeur de l'histoire consiste, à son avis, dans l'instruction qu'on pourrait y trouver; et un simple récit des événements, même peint de façon éclatante, est décrit par lui comme ἀλαζονεία et φαντασία (xvi 20, § 4, xxii. 2. § 7). C'est pourquoi  il considère que c'est le devoir de l'historien de faire comprendre à son lecteur les leçons de la sagesse politique et morale que son récit transmet, et de ne pas se satisfaire de laisser le lecteur seul en tirer les conclusions. Ainsi le récit des événements est de son point de vue d'une importance secondaire; ils forment seulement le texte des discours politiques et moraux qu'il fallait que l'historien livre. Les réflexions de Polybe sont, il est vrai, caractérisées par une profonde sagesse; et personne ne peut les lire sans admirer la solidité du jugement de l'historien, et sans en tirer en même temps des leçons et des progrès. Mais, il faut admettre, que, tout excellents qu'elles soient, elles amoindrissent matériellement les mérites de l'histoire comme oeuvre d'art; leur occurrence fréquente interrompt la continuité du récit, et détruit, en grande partie, l'intérêt du lecteur pour les scènes qui sont décrites. Au lieu de relater les événements de façon qu'ils puissent donner leur propre morale, et amener au bon moment des réflexions provenant du récit, il fait une pause au milieu des scènes les plus intéressantes pour donner au lecteur les leçons que ces événements doivent lui apprendre, et il donne ainsi à son travail que un genre de ton moralisateur, qui trouble fréquemment le plaisir du lecteur, et, dans certains cas, devient absolument ennuyeux. Il ne peut y avoir aucun doute que certains des défauts les plus saisissants dans l'histoire de Polybe résultent du fait qu'il pousse trop loin le principe, qui est sans aucun doute sain dans une certaine mesure, que l'histoire est écrite pour l'instruction et non pour l'amusement. Par conséquent il omet, ou rapporte d'une façon très brève, certains événements importants, parce qu'ils ne contiennent pas, à son avis, de leçons de sagesse pratique; et, d'autre part, il insère fréquemment de longs épisodes, qui ont peu de rapport avec le sujet principal de son travail, parce qu'ils ont un fond didactique. Ainsi nous constatons qu'un livre entier (le sixième) est consacré à une histoire de la constitution romaine; et de la même manière il présente des épisodes même sur les sujets qui n'apportent aucune vérité politique ou morale, mais simplement parce que ses compatriotes se sont moqués des avis erronés sur ces sujets. Le trente-quatrième livre, par exemple, semble avoir été exclusivement un traité de géographie. Bien que Polybe se soit permis de donner beaucoup d'informations importantes, dont nous, dans des temps modernes, nous en retirons beaucoup d'avantages, on ne peut quand même pas nier que de tels épisodes n'amènent aucune progrès à l'histoire considérée comme une oeuvre d'art.

Mais malgré ces critiques, les grands mérites de Polybe demeurent intacts. Sa impartialité stricte, dont il se réclame fréquemment, est généralement admise par les auteurs anciens et modernes.  Et on est surpris qu'il garde une si grande impartialité dans son jugement sur les Romains, surtout quand nous considérons son amitié intime avec Scipion, et sa grande admiration qu'il avait évidemment pour  ce peuple extraordinaire. Ainsi nous le voyons, par exemple, caractériser l'occupation de la Sardaigne par les Romains entre la première et la deuxième guerres puniques, comme une violation de toute justice (III 28, § 2), et dénoncer la corruption générale des généraux romains lors de leurs conquêtes étrangères, à quelques brillantes exceptions (xviii 18). Mais, en même temps, il ne montre pas la même impartialité dans l'histoire de la ligue achéenne; et peut-être nous voudrions attendre de lui qu'il oublie qu'il était achéen. Sans aucun doute il a pensé que la prolongation de la ligue achéenne était essentielle aux libertés de la Grèce; et inconsciemment il en arrive ainsi à exagérer aussi les mérites de ses amis et les défauts de ses ennemis. Il décrit dans des couleurs trop éclatantes le caractère d'Aratus, le grand héros de la ligue achéenne, et attribue (ii. 40) au travail historique de cet homme d'État un degré d'impartialité, auquel il n'a certainement pas eu droit. Selon le même principe, il donne tout à fait une impression fausse de la vie politique de Cléomène, un des plus grands hommes des derniers jours de la Grèce, simplement parce que ce roi était le grand opposant d'Aratus et de la ligue. Il est de la même manière coupable d'injustice dans les avis qu'il donne sur les Étoliens : Brandstäter cite quelques exemples saisissants, dans le livre cité plus bas, bien qu'il doive admettre que l'auteur moderne est dans certains cas aussi injuste envers l'historien ancien, de la partialité qu'il montrait pour les Étoliens. Non seulement Polybe montre un partialité pour les Achéens, mais il ne peut oublier qu'il est un Arcadien, et il est aussi ardent à honorer sa terre natale. Ainsi il considère étrange que la ligue achéenne tienne son nom des Achéens, et non pas des Arcadiens, qu'il met sur le même pied que les Lacédémoniens (ii. 38); et on pourrait citer beaucoup d'autres exemples où il montre la même partialité envers son propre peuple.
Le style de Polybe ne soutient pas la comparaison avec les grands maîtres de la littérature grecque; ce n'est pas son but. Il vécut à un moment où la langue grecque avait perdu beaucoup de sa pureté par un mélange d'éléments étrangers, et il n'a pas essayé d'imiter la langue des grands auteurs attiques. Il écrit comme qu'il parle, et a un mépris trop grand pour que les fioritures rhétoriques pour les utiliser dans la composition de son travail. Le style d'un tel d'homme porte naturellement l'emprunte de son esprit; et, comme c'est l'instruction et non l'amusement qui sont le grand sujet de ses écrits, il ne cherche à plaire à ses lecteurs par le choix de ses expressions ou la composition de ses phrases. Par conséquent les critiques grecs postérieurs sont sévères dans leurs condamnations de son modèle, et Denys compare son travail avec ceux de Phylarque et de Duris, qu'il était impossible de lire jusqu'au bout. (Dionys. De Compos. Verbo. c. 4.) mais le défaut le plus grand du style de Polybe résulte dans son manque d'imagination. Aucun historien ne peut présenter à ses lecteurs un image saisissante des événements, à moins qu'il l'ait d'abord imaginée d'une façon vivante dans son propre esprit; et Polybe, avec son jugement clair, calme et calculateur, est non seulement dépourvu de toute imagination, mais évidemment méprisant quand il la voit exercée par d'autres. Il ne fait aucun doute qu'un historien doit brider son imagination; mais il est aussi certain qu'il échouera toujours à produire une impression saisissante sur l'esprit de ses lecteurs, à moins d'avoir, dans une certaine mesure, fait preuve d'imagination. C'est pour cette raison que les descriptions géographiques de Polybe sont si vagues et indécises; et les remarques du Dr. Arnold sur le caractère de Polybe comme géographe, sont conformes tout à fait aux opinions générales que nous venons d'exprimer: " - Rien ne montre plus clairement le peu de talent géographique, que l'éloge généralement accordé à Polybe comme bon géographe. Il semble en effet avoir été conscient de l'importance de la géographie sur l'histoire, et avoir pris beaucoup de peine à s'informer sur le sujet: mais cette circonstance même prouve plus la difficulté de la tâche; ses descriptions sont si vagues, si imparfaites, et tellement totalement exemptes de pittoresque, qu'il est à peine possible de les comprendre. par exemple, dans son récit de la marche des Gaulois en l'Italie, et des mouvements consécutifs de leur armée et de celle des Romains, il y a une obscurité, qui pourrait ne jamais avoir existé s'il avait conçu dans son propre esprit une image animée du foyer de la guerre dans son ensemble, de la relation entre les fleuves et des chaînes de montagne, et de l'interaction entre les routes et la plupart des passages fréquentés. "(Hist. of Rome, vol. iii. pp 473, 474.) C'est à cette même raison, à savoir le manque d'imagination de Polybe, que nous sommes disposés à attribuer l'indifférence apparente avec laquelle il décrit la chute de son pays d'origine, et l'extinction des libertés de la Grèce. Il cherche seulement à rapporter des faits, et à tirer les réflexions appropriés à ces faits: les relier avec éclat et les peindre en couleurs chatoyantes n'étaient pas sa vocation.

La plus grande partie de l'histoire de Polybe a disparu. Nous possédons les cinq premiers livres en entier, mais du reste nous n'avons que des fragmebts ou des extraits, dont certains, sans doute, sont de longueur considérable, comme le récit de l'armée romaine qui se prolonge dans le sixième livre. Les premiers cinq livres durent d'abord traduits en Latin par Nic. Perotti, et sortis de la célèbre  imprimerie de Sweynheym et de Pannartz, Rome, 1473, fol. La première partie de l'oeuvre de Polybe, qui fut imprimée en Grec, fut le traité sur l'armée romaine, qui fut publié chez Ant. de Sabio, Venice, 1529, 4to., avec une traduction latine de Lascaris ; et l'année suivante, en 1530, le texte grec des cinq premiers livres avec une traduction de Perotti, apparut à Hagenau, éditée par Obsopoeus (Koch), mais sans le traité sur l'armée romaine, qui n'avait pas encore sans doute trouvé son chemin au-delà des Alpes. Quelques années plus tard  on découvrit quelques extraits des autres livres de Polybe ; mais l'auteur de la compilation et la date de celle-ci nous sont inconnus ; nous pouvons  à peine croire avec Casaubon que c'était l'Epitome fait par M. Brutus, et dont parlent Plutarque (Brut. c. 4) et Suidas (s. v. Βροῦτος). Ces extraits, qui doivent être distingués de ceux de l'empereur Constantin Porphyrogénète mentionné plus bas, contiennent la plus grande partie du sixième livre et des portions des onze suivants (vii.—xvii.). Le manuscrit qui les contient provient de Corfou, et il fut publié, ainsi que les cinq premiers livres qui existaient déjà à Bâle, en 1549, fol. par l'imprimerie d'Herragius. la traduction latine de ces extraits fut faite par Wolfgang Musculus, qui avait aussi corrigé la version de Perotti des autres livres, et l'édition du texte grec était supervisée par Arnold Paraxylus Arlenius. Une partie de ces extraits, à savoir la description de la bataille navale entre Philippe et Attalus et les Rhodiens, suivie du seizième livre, avait été préalablement publiée par Bayf dans son De Re Navali Veterum, Paris, 1536, réimprimé à Bâle en 1537. En 1582 Ursinus publia à Anvers, in 4to., une seconde collection d'Extraits de Polybe, intitulée Excerpta de Legationibus (᾿Εκλογαὶ περὶ Πρεσβειῶν), qui fut faite au dixième siècle de notre ère par ordre de l'Empereurr Constantin Porphyrogénète. Ces Excerpta provenaient de divers auteurs, mais les plus importants venaient de Polybe En 1609 Is. Casaubon publia à Paris, in folio, son excellente édition de Polybe, dans laquelle il incorpora tous les Excerpta et les fragments qu'il avait lui-même découverts, et il ajouta une nouvelle traduction latine. Il avait l'intention aussi d'écrire un commentaire sur cet auteur, mais il n'alla pas plus loin que le 20e chapitre du premier livre ; cette partie de ses commentaires fut publiée après sa mort à Paris, 1617, 8vo. Une autre édition des fragments de Polybe fut faite par Valesius, qui publia, en 1634, une autre portion des Excerpta de Constantin, intitulée Excerpta de Virtutibus et Vitiis (περὶ ἀρετῆς καὶ κακίας), contenant des extraits de Polybe, Diodore de Sicile et d'autres écrivains ; et à ce recueil Valesius ajouta quelques autres fragments dePolyb, recueillis chez divers auteurs. Jacobus Gronovius publia une nouvelle édition de Polybe, qui fut éditée à Amsterdam en 1670, en 3 vols. 8vo. ; le texte de cette édition est presque mots pour mots celui de Casaubon, mais l'éditeur ajoute, outre les extraits de Valesius et le commentaire de Casaubon sur les trente premiers chapitres du premier livre, beaucoup de notes additionnelles de Casaubon, qu'il avait recueillies dans ses papiers chez son fils Mericus Casaubon, et aussi des notes de Gronovius lui-même. L'édition de Gronovius fut réimprimée par les soins de  J. A. Ernesti à Leipzig, 1763 - 1764, 3 vols. 8vo. L'édition suivante est celle de Schweighaeuser, qui surpasse toutes les précédentes. Elle fut publiée à Leipzig, 1789 - 1795 en 8 vols. 8 vo, dont le premier quart contient le texte grec avec une traduction latine, et les autres volumes un commentaire, un index historique et géographique, et une copie du  " Lexicon Polybinnum," qui est indispensable pour l'étudiant. L'édition de Schweighaeuser fut réimprimée à Oxford en 1823, in 5 vols. 8vo., sans commentaire, but avec le Lexicon. Depuis l'époque de Valesius il n'y eut aucune nouvelle édition des fragments de Polybe, sauf un fragment décrivant le siège d'Ambracie, originalement publié dans le second volume du Tite-Live de Gronovius, jusqu'à ce que Angelo Mai découvrit à la bibliothèque vaticane à Rome la troisième section des Excerpta de Constantin Porphyrogénète, intitulée Excerpta de Sententiis (περὶ γνωμῶν), qui, en plus des extraits, contenait une partie considérable de l'Histoire de Polybe. Ces excerpta furent publiés par Mai dans le second volume de ses Scriptorum veterum Nova Collectio, Rome, 1827, mais vu l'état mutilé  des manuscrits dont il s'était servi, beaucoup étiaient inintelligibles. Beaucoup des éreurs de l'édition de Mai furent corrigés dans la réédition des Excerpta, publiée par Geel à Leyden en 1829, et par Lucht à Altona in 1830 ; mais ces Excerpta apparaissent dans une autre forme plus correcte dans l'édition de Heyse, Berlin, 1846. puisque Heyse avait collationné de nouveau les manuscrits avec grand soin  et précision. La dernière édition de Polybe est celle d'Immanuel Bekker (Berlin, 1844, 2 vols. 8vo.), qui a ajouté les fragments du Vaticans. Sur les traductions de Polybe en langage modrne,il faut remarquer celle en Français de Thuillier, surtout remarquable  par ses commentaires militaires ajoutés par Folard, Amsterdam, 1759, 7 vols. 4to. ; la traduction allemande par Seybold, Lemgo, 1779 - 1783, 4 vols. 8vo. ; et l'Anglaise par Hampton, 1772, 2 vols. 4to.: cette dernière est une version fidèle et nous nous en sommes servis dans les citations que nous avons faites plus haut.

Tite-Live n'a pas utilisé Polybe jusqu'à ce qu'il soit arrivé à la deuxième guerre punique, mais dès ce moment il l'a suivi de très près, et son histoire des événements après la fin de cette guerre semble être un peu plus qu'une traduction de son prédécesseur grec. Cicéron semble lui aussi avoir principalement suivi Polybe dans l'exposé qu'il donne de la constitution romaine dans son De Republica. L'histoire de Polybius fut continuée par Posidonius et par Strabon.

En plus de son grand travail historique, Polybe écrivit :

2. La vie de Philopoemen en trous livrs, dont il parle lui-même (x. 24). 

3. Un traité de tactique (τὰ περὶ τὰς Τάξεις ὑπομνήματα), qu'il cite lui-même (ix. 20), et dont Arrien (Tactic, init.) and Elien (Tactic, cc. 1, 3) font allusion;

4. Une histoire de la guerre de Numance, selon l'affirmation de Cicéron (ad Fam. v. 12) ; 

5, Un petit traité De Habitatione sub Aequatore (περὶ τῆς περὶ τὸν ᾿Ισημερινὸν οἰκήσεως), cité par Geminus (c. 13, in Petavius, Uranologium, vol. iii. p. 31, &c.), mais il n'est pas improbable que celui-ci formait une partie du 34e livre de l'Histoire, qui était entièrement  consacré à la géographie.

Le lecteur trouvera de l'information valable sur le caractère de Polybe en tant qu'historien dans les livres suivants : Lucas, Ueber Polybius Darstellung des Aetolischen Bundes, Konigsberg, 1827 ; Merleker, Die Geschichte des Aetolisch-Achaeischen Bundesgenossen-Krieges, Konigsberg, 1831 ; K. W. Nitzsch, Polybius: zur Gescliiclite antiker Politik und Historioyraphie, Kiel, 1842 ; Brandstäter, Die Geschichten des Aetolischen Landes, Volkes und Bundes, nebst einer historiographischen Abliandlung ueber Polybius, Berlin, 1844.

 

POSEIDIPPOS ou POSIDIPPOS (Ποσείδιππος, Ποσίδιππος, les deux versions se trouvent dans nos manuscrits ; une inscription sur la base d'un statue du Vatican donne la dernière orthographe). C'était un poète comique athénien de la Comédie nouvelle, fils de Cyniscos, natif de Cassandrée en Macédoine. Il est l'un des six poètes mentionnés par l'auteur anomyme écrivant sur la comédie (p. XXX) : il est considéré par lui comme le plus célèbre représentant de la Comédie nouvelle. Chrnologiquement, il est le dernier des grands comiques : en effet, il commença à représenter des pièces trois ans après la mort de Ménandre, donc durant la cent vingt-deuxième Olympiade, en 289 av. J. -C., dans une période marquée par l'accession au pouvoir de Ptolémée Philadelphe (Suid. s. v.; Clinton, F. H. vol. II, s. a. and p. II).

La vie de ce poète est inconnue ; mais ses traits ont été conservés grâce à la belle statue d'un homme assis se trouvant au Musée du Vatican, qui est acommpagnée de celle de Ménandre. Selon Winckelmann, c'est l'un des plus beaux exemples de la sculpture grecque (Visconti, Mus. Pio-Clem. vol. III, pp. 16 - 21 ; Winckelmann, Vorläufige Abhandlung, c. iv. § 126 ; voir aussi la description de Schlegel, vol. II. p. 1031, b.)

Athénée (XIV, p. 652, d.) cite une lettre du comique et grammairien, Lyncéos de Samos, adressée à Posidippos.

Dans sa langue, Meineke (p. 484) a decelé des mots nouveaux, mais aussi des mots plus anciens dotés d'un sens différent, vocables qu'on ne retrouve guère ches les grands auteurs attiques.

D'après Suidas, il composa 40 pièces. Nous avons les titres de 18 d'entre elles : ᾿Αναβλέπων, ᾿Αποκλειομένη, Γαλάτης, Δήμοται, ῾Ερμαφρόδιτος, ᾿Επίσταθμος, ᾿Εφεσία, Κώδων, Λοκρίδες, Μεταφερόμενοι, Μύρμηξ, ῞Ομοιοι, Παιδίον, Πορνοβοσκός, Σύντροφοι, Φιλόσοφοι, Φιλοπάτωρ, Χορεύουσαι.

Les fragments qui restent de ces comédies ne nous suffisent pas à porter un jugement sur le style de ce poète ; il semble néanmoins, d'après les titres, que ces pièces avaient un caractère licencieux. Aulu-Gelle (II, 23) nous apprend qu'il fait partie de ces comiques grecs imités par les poètes latins (Fabric. Bibl . Graec. vol. II, pp. 489, 490 ; Meineke, Frag. Com. Graec. vol. I, pp. 482 - 484, vol . IV, pp. 513—528, ed. Minor,  pp. 1141 - 1149).

 

Athénée XIII, 60, 69

 

POSIDONIOS (Ποσειδώνιος), éminent philosophe stoïcien, était originaire d'Apamée en Syrie (Strab. XIV, p. 968, XVI, p. 1093 ; Suidas, s. v. Ποσειδώνιος). Il fut souvent appelé l'Apaméen en raison de son lieu de naissance, mais quelquefois aussi le Rhodien car c'est dans cette cité qu'il dispensa son enseignement (Lucien, Macrob. vol. III, p. 223 ; Athénée, VI, p. 252, e). Il était également connu sous le sobriquet de ᾿Αθλήτης (Suid. l. c.). Sa date de naissance est incertaine ; mais on sait qu'il fut un disciple de Panétios et un contemporain de Pompée et de Cicéron. Athénée (XII, p. 549, e), commettant une grave erreur, cite Posidonios à la place de Panétios comme compagnon de Scipion l'Africain lors de son ambassade en Égypte. En outre (XIV, p. 657), il fait de lui un contemporain de Strabon, ayant visiblement mal compris un passage tiré de ce dernier (XVI, p. 1093), où l'expression καθ' ἡμᾶς, de la part d'un homme qui cite tant d'auteurs d'époques différentes, veut signifier bien plutôt que Posidonios précède notre auteur de plusieurs années. De fait, Vossius en a conclu que la vieillesse a pu coïncider avec l'enfance de Strabon. Ce qui n'est pas certain cependant. Panétios mourut en 112 av. J.- C. ; or Posidonios vint à Rome sous le consulat de M. Marcellus (51 av. J. -C.) pour y mourir peu de temps après à l'âge de 84 ans, s'il faut en croire Lucien, ce qui permet de dater sa naissance aux alentours de 135.

Ayant quitté la Syrie, Posidonios se rendit à Athènes où il devint le disciple de Panétios, ne retournant jamais plus dans sa patrie (Suid. l. c.; Cic. de Off. III, 2, Tusc. Disp. V, 37). A la mort de Panétios, il ne cessa de voyager, visitant d'abord l'Espagne. 
À Gadès, il demeura trente jours, afin d'y observer le coucher du soleil : ses observations lui permirent de couper court à la fable selon laquelle le soleil émettait un bruit quand il disparaissait dans l'océan. Après avoir recueilli une variété d'informations en matière de géographie et d'histoire naturelle, il partit en Italie. Il profita de cette croisière pour prêter attention à la course des vents et pour examiner les particularités des côtes qu'il longeait. Il visita la Sicile et les îles voisines, et passa par la Dalmatie et l'Illyrie (Strab. III, p. 165, IV, p. 197, XIII, p. 614 ; Vitruv. de Archit. VIII, 4). Après avoir visité Massilia, la Narbonnaise et la Ligurie, il se rendit en Orient, et se fixa à Rhodes, où il devint le chef de l'école stoïcienne. Il prit une part active aux affaires politiques de cet Etat, influençant la législation et remplissant diverses fonctions au Prytanée (Strab. IV, p. 655, VII, p. 316). Il vint à Rome en tant qu'ambassadeur en 86 av. J.- C. Il se lia avec Marius, et, Plutarque, dans sa Vie de Marius, semble avoir largement puisé ses informations dans les écrits de Posidonios (Plut. Mar. 45). Quand il se rendit à Rhodes, Cicéron suivit les leçons de Molo et de Posidonios (Cic. de Nat. Deor. I, 3, de Fin. I, 2 ; Plut. Cic. 4). Pompée avait une grande admiration pour ce philosophe, et il le visita à deux reprises, en 67 et en 62 av. J.- C. (Strab. XI, p. 492 ; Plut. Pomp. 42 ; Pline, H. N. VII, 31). C'est à l'occasion de sa première visite que l'on rapporte l'histoire suivante : souffrant alors d'une crise de goutte aigüe, et ne voulant pas indisposer son illustre visiteur, il se lança dans un long discours, énonçant le principe selon lequel la souffrance n'est pas un mal en soi (Cic. Tusc. Disp. II, 25). Il semble avoir profité de son amitié avec Pompée pour se donner les moyens d'accroître ses connaissances géographiques et historiques (Strab. XI, p. 492). En 51 av. J.- C., Posidonios retourna à Rome, et y mourut peu après. Ce fut son disciple et petit-fils, Jason, qui lui succéda à la tête de son école. Parmi ses disciples, il faut citer Phanias (Diog. Laërce, VII, 41), et Asclépiodotos (Sénèque, Qu. Nat. II, 26, VI, 17). Outre Cicéron, il eut de nombreux auditeurs tels C. Velleius, C. Cotta, Q. Lucilius Balbus, et sans doute Brutus. (Cic. de Nat. Deor. I, 44 ; Plut. Brut. p. 984). Quant à Pompée, nous en avons déjà parlé.

Posidonios était homme versé dans presque tous les domaines de la connaissance humaine. Strabon (XVI, p. 753) l'appelle ἀνὴρ τῶν καθ' ἡμᾶς φιλοσόφων πολυμαθέστατος. Cicéron estimait tellement ses dons, qu'il lui demanda d'écrire l'histoire de son consulat (ad Att. II, 1). Dans le domaine de la physique, il était nettement supérieur à la plupart des stoiciens, s'attachant à cette discipline bien plus qu'Aristote lui-même. Sa culture géographique et historique était immense. Bien que fidèle aux idées stoïciennes, il était loin de partager le dogmatisme de la majorité de ses compagnons, se refusant d'admettre tout principe, même émanant de son école, avant d'en avoir apprécié préalablement tous les mérites intrinsèques. Galien attribue un tel esprit scientifique à sa pratique de la géometrie (De Plac. Hipp. et Plat. IV, p. 279, VIII, p. 319). Son style de composition semble avoir été très éloigné de la raideur qui caractérisait les auteurs stoïciens (Strab. V, p. 147 ; comp. Galien, I. c. IV, p. 281, V, p. 296). 

Posidonios adhéra à la division, habituelle chez les Anciens, de la philosophie entre physique, éthique et dialectique (Diog. Laërce, VII, 39), comparant la première discipline au sang et à la chair de l'animal, la seconde aux os et aux nerfs, la troisième à l'âme (Sextus Emp. adv. Math. VII, 19 ; Diog. Laërce, VII, 40). Il reconnaissait deux principes (ἀρχαί) - passif (la matière), et actif (Dieu). Sa doctrine physique était, en partie, celle adoptée par la plupart des Stoïciens, se distinguant de ces derniers dans quelques détails. Ainsi, il pensait que l'univers n'était pas infini, mais était partisan de sa combustion finale (Phil. Jud. de Aet. Mundi, II, p. 497, éd. Mang.). Il considérait le ciel comme le principe moteur (τὸ ἡγεμονικόν) de l'univers (Diog. Laërce, 139). Il s'adonna à l'astronomie avec constance et, contrairement à Panétios, croyait en l'astrologie (Cic. de Div. II, 42). Posidonios construisit également une réduction de la sphère céleste, faisant se mouvoir cette machine en vue de montrer les phases quotidiennes du soleil, de la lune et des planètes (Cic. de Nat. Deor. II, 34). Il affirma que le soleil était plus grand que la terre, s'appuyant, entre autres, sur le fait que l'ombre projetée par la terre est conique (Diog. Laërce, VII, 144 ; Macrob. ad Somn. Scip. I, 20). Il calcula le diamètre du soleil et l'estima à environ 4 000 000 de stades, partant du principe que l'orbite du soleil correspondait à 10 000 fois la circonférence de la terre et que dans un espace de 400 stades Nord et sud, le soleil ne projète aucune ombre. La distance entre la terre et le soleil était estimé par lui à environ à 502 000 000 de stades (Pline, H. N. II, 21). Il pensait également que la lune était plus grande que la terre, et qu'elle était composée d'éléments transparents, basant sa théorie sur le fait que la lune ne laisse pas passer les rayons du soleil au moment des éclipses (Stob. Ecl. Phys. I, p. 59; Cléom. l. c. II, p. 500). Sa vision de la Voie lactée, selon laquelle elle serait de feu, pas aussi dense que les étoiles, mais beaucoup plus lumineuse, permettant de réchauffer toutes les parties de l'univers que le soleil ne parvenait pas à atteindre, bref, cette théorie fut unanimement adoptée (Macrob. I, c, I, 15). Les calculs de Posidonios effectués pour la circonférence de la terre différaient notablement de ceux d'Ératosthène : il l'estimait à seulement 180 000 stades, et ses mesures furent générallement acceptées. Ses calculs étaient basés sur l'observation faite de l'étoile Canobe en Espagne, et non à Rhodes comme l'affirme Cléomède (Strab. II, p. 119 ; Cléom. I. c. I, 8 ; comp. Mannert, Geogr. vol. I, p. 105, &c.). Il comparait la taille de la partie habitable de la terre à celle d'une fronde, sa plus grande extension allant de l'Est vers l'Ouest (Strab. II, p. 267 ; Agathéméros, ap. Hudson. Geogr. Min. vol. II, p. 2). Sur la correspondance entre la lune et les marées, il s'avère qu'il avait entièrement raison (Strab. III, p. 173). Strabon considérait Posidonios comme l'un des plus grands géographes. De nombreux passages de son ouvrage qui exposaient les vues de Posidonios sur divers points de géographie ou d'astronomie ont été recueillis par Bake.

Bien entendu, à la base de son éthique et de de sa philosophie, il y a chez Posidonios le système stoïcien dont il se permet de modifier quelques principes, en lui injectant des idées appartenant à Platon et à Aristote. Il fut sensible aussi aux doctrines pythagoriciennes (Sext. Empir. Adv. Math. VII, 93 ; Galien, de Hipp. et Plat. Plac. V, p. 171). Son projet semble avoir été, dans la mesure du possible, de bannir toute contradiction philosophique, et de créer des principes qui soient en harmonie les uns des autres, et d'infuser dans la vitalité défaillante de la pensée philosophique de son époque, un peu de la vigueur de celle des temps passés. Mais en croyant que les doctrines de Zénon, d'Aristote et de Platon étaient capables de s'unir, il montre, d'évidence, qu'il ne pouvait saisir distinctement l'esprit de chacune d'elles. Pour rendre viable un tel dessein, il s'avérait nécessaire de remettre en cause profondément les doctrines et les idéaux du stoïcisme. Or, sur certains points, sur lesquels il était en désaccord avec Panétios, il se contentait de reprendre les vues des premiers philosophes stoïciens. Sa division de la vertu en quatre principes fut suivie par Cicéron dans son De Officiis. Il ne pensait pas que la vertu pût suffir à obtenir un bonheur parfait, à moins qu'elle ne fût acompagnée de la santé physique (Diog. Laërce, VII, 120). Le sommet du bonheur consistait, selon lui, dans la contemplation de la vérité et de l'ordre des choses, pourvu que cela fût, autant que possible, en harmonie avec la part irrationnelle de l'âme (Clem. Alex. Strom. II, p. 416). Dans la classification des facultés de l'âme, il revient au système platonicien, les divisant entre raison, émotion et appétit (δείκνυσι διοικουμένους ἡμᾶς ὑπὸ τριῶν δυνάμεων, ἐπιθυμητικῆς τε καὶ θυμοειδοῦς καὶ λογιστικῆς, Galien, l. c. VIII, p. 319), une division dans laquelle entraient des considérations de morale pratique (Galien. l. c. IV, p. 284, V, p. 291). Il conservait donc une bonne partie des dogmes propres au stoïcisme, ces δυνάμεις, dont il parle en tant qu'ils appartiennent à une seule et même essence (Galien. l. c. VI, p. 298), bien que certaines de ses théories soient peu conciliables avec cette vue. Au lieu de regarder simplement le πάθη de l'âme en tant qu'objet, de même que les jugements de la raison, il les déduit des facultés irrationnelles de l'âme, ce qui tend à prouver que l'émotion et l'appétit suscitent eux-mêmes des objets irrationnels. Pour lui, les affections et les perturbations de l'esprit étaient dues aux influences extérieures, à l'union de l'âme et du corps, l'être humain étant dominé, selon les circonstances, soit par son corps, soit par son esprit. Toutes ces idées lui permirent de fonder une véritable glose physiognomique (Galien, l. c. V, p. 290). Enfin, il disait souvent que l'appétit correspondait à la vie végétale, l'émotion à la vie animale, la raison étant une chose proprement humaine (l. c. p. 170).

Aucun des écrits de Posidonios ne nous est parvenu intégralement. En voici la liste : 

1. Περὶ θεῶν, qui comprenait au moins treize livres (Diog. Laërce, VII,. 138). 

2. Περὶ μαντικῆς, en cinq livres. Posidonios y défend la divination, et analyse son origine. 

3. Περὶ εἱραρμένης.

4. Περὶ ῾Ηρώων καὶ δαιμόνων. 

5. Φυσικὸς λόγος en quinze livres (Diog. Laërce, VII, 140). 

6. Περὶ κόσμου. 

7. ᾿Εξήγησις τοῦ Πλάτωνος Τιμαίου. 

8. Περὶ κενοῦ . 

9. Περὶ μετεώρων : Diogène Laërce en cite le dix-septième livre. 

10. Μετεωρολογικὴ Στοιχείσις. 

11. Περὶ τοῦ ἡλίου μεγέθους. 

12. Περὶ ᾿Ωκεανοῦ. 

13. Περὶ ψυχῆς. 

14. Πρὸς Ζήνωνα τὸν Σιδώνιον, un ouvrage sur les mathématiques dont les vues ont été controversées. 

15. ᾿Ηθικὸς λόγος. 

16. Προτρεπτικά, une défense de l'idée que l'étude de la philosophie ne devrait en aucun cas être négligée sous prétexte du discrédit des grandes théories émises par les grands philosophes. 

17. Περὶ καθήκοντος (see Cic. ad Att. XVI, 11). 

18. Περὶ παθῶν. 

19. Un traité sur le rapport entre les vertus et les différentes facultés de l'esprit (Galien, I, c, VIII, p. 319). 

20. Περὶ κριτηρίου. 

21. Εἰσαγωγὴ περὶ λέξεως. Un ouvrage de grammaire. 

22. Une important travail historique, comprenant au moins quarante-neuf ou cinquante livres (Athénée, IV, p 168, d), au contenu visiblement très varié s'il faut en juger par les nombreuses citations d'Athénée, et qui relatait les évènements depuis le règne d'Alexandre le Grand jusqu'à son époque. 

Suidas attribue à un certain Posidonios d'Alexandrie une œuvre historique en cinquante livres, qui aurait été la continuation de l'histoire de Polybe. Vossius (de Hist. Graec. p. 199, éd. Westermann) pense qu'il s'agit là du même ouvrage que celui de Posidonios d'Apamée. Bake condamne cet argument en se basant sur le fait que de nombreux évènements mentionnés par Posidonios sont antérieurs à ceux relatés par Polybe, si bien qu'il assigne ce travail à Posidonios d'Olbiopolis. Pourtant, Westermann reste sur la même position que Vossius. Néanmoins, Suidas commet une énorme erreur lorsqu'il déclare que l'œuvre se terminait avec la guerre de Cyrène (324 av. J.- C.), alors même que l'on sait que l'histoire de Polybe s'achevait avec la destruction de Corinthe par Mummius (146 av. J.- C.). 

23. Une vie du grand Pompée (Strab. XI, p. 753). Il se peut que cet écrit fasse partie d'un ouvrage plus important.

24. Τέχνη τακτική (de Acie instruenda). 

25. Des lettres.

Tous les fragments de Posidonios ont été soigneusement recueillis par Janus Bake, dans un livre intitulé Posidonii Rhodii Reliquiae Doctrinae, Lugd. Bat. 1810 ( Fabric. Bill. Graec. vol. III, p. 572 ; Vossius, de Hist. Graec. p. 198, éd. Westermann ; Ritter, Geschichte der Philosophie, bk. XI, c, 6, vol. III, p. 700, &c ; Bake, l. c. ).

 

Athénée XIII, 67

 

PTOLÉMÉE (Πτολεμαῖος ὁ τοῦ ᾿Αγησάρχου) de Mégalopolis, fils d'Agésarchos, écrivit une Histoire du roi Ptolémée IV Philopator, citée par Athénée (VI, p. 246, c., X, p. 425, e., XIII, p. 577, f), Clément d'Alexandrie (Protrep. p. 13), et Arnobe (VI, 4).

De tous ces passages, il ressort que l'historien a vécu à la cour de Ptolémée, qui règna de 222 à 204 av. J.-C. (Vossius, de Hist. Graec. p. 157, éd. Westermann ; Fabric. Bibl. Graec. vol. V, p. 295). Schweighäuser suppose que le Ptolémée, qui fut gouverneur de Chypre durant la régence de Ptolémée Philomator, est le même que Ptolémée de Mégalopolis (Polybe, XXVII, 12) ; mais il semble néanmoins qu'il ne s'agisse pas du même personnage.

 

Athénée XIII, 40

 

PYTHÉNÉTOS (Πυθαίντος), est l'auteur d'un ouvrage sur Égine (Athénée XIII, p. 589, f ; Schol. ad Apoll. Rhod. IV, 1712 ; Schol. ad Pind. Ol. IX, 107, ad Nem. V, 81, VI, 53 ; Schol. ad Lycophr. 175.

 

Athénée XIII, 56

 

PYTHON (Πύθων ὁ Καταναῖος) de Catane était un poète dramatique de l'époque d'Alexandre. Il accompagna ce dernier en Asie et, avec l'aide de l'armée, il fit représenter un drame satyrique dans le cadre de la célébration des Dionysies sur les bords de l'Hydaspe. Ce drame ridiculisait Harpalos et les Athéniens. L'œuvre est mentionnée à deux reprises par Athénée, qui nous en a conservé presque vingt vers (Athénée, XIII, p. 586, d, p. 595, e, f, p. 596, a). Dans le second de ces passages, Athénée parle du poète qu'il dit originaire de Catane ou de Byzance ; on ne sait s'il l'a confondu avec le rhétoricien byzantin de l'époque de Philippe et d'Alexandre, ou s'il s'agit bel et bien du même personnage.Certains auteurs attribuent ce drame à Alexandre lui-même, ce qui est une fâcheuse erreur. Sur le titre de la pièce, ᾽Αγήν, nous avons plusieurs conjectures, mais elles sont toutes peu convaincantes. (Casaub. de Poes. Sat. Graec. pp.150, 151, avec des notes de Rambach ; Fabric. Bibl. Graec. vol. II, pp. 319, 320 ; Wagner, F. G., Poetarum Trag. Graec. Fragmenta, pp. 134 - 136, dans Didot Bibl. Script. Graec. Paris, 1846).

 

Athénée XIII, 1