le fonds d'écran provient de

CATHEDRAL CHURCH
OF SAINT ENNODIUS AND SAINT VERONICA
AT WENCHOSTER

 

RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

RETOURNER à LA TABLE D'ENNODIUS 

ENNODIUS

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

LETTRES

LIVRE IX

livre I - livre II - livre III - livre IV - livre V - livre VI - livre VII - livre VIII


 

 

 


 

LIBER NONUS.

LIVRE NEUVIÈME.

EPISTOLA PRIMA.

ENNODIUS ARATORI.

LETTRE PREMIÈRE.

ENNODIUS A ARATOR.

Il l’engage à se marier.

 

Velim ita labori meo faveas, ut jejuno veniam præstes ingenio, quia nefas est in devotionibus despici amabilem discendi cupiditatem: quando quod gratiosus obtulerit, durus rerum interpres evacuat. Laudandus est in studiis, vel qui facundum æquare non putatur eloquio. Inter benignos et eruditos, quid eligatur incertum est, cum pars utraque det pretium. Ergo crede diligenti, et amaritudinem temporibus legitimi amoris amollire. Nolo rem voti facias necessitatem: et desideria quibus humanum genus natura peperit, digeras in mœrorem. Non habiturus continentiam, nisi nuptias optet, in culpa est: conjugalis copulæ vitans remedium, electurus est aut virtutes, aut crimina. Tu te ut metiaris, imploro, ut nec supra hominem plenum casibus iter arripias, nec intra hominem quæ sunt plectenda mediteris. Vix delinquit, qui a natura et lege non deviat. Ergo post Musarum castra, et inanes ætate nostra cantilenas, ad curam te serendæ sobolis muta: vita quod viluit, quia inter imperitorum exercitus furor est nolle rusticari: juvat sapientem, hoc esse quod plurimos. Facessat philosophia in nostrorum nota conventibus: ego donasse curis cupio, quotiens infelicem inscitiam sequitur qui præcedit.

Ergo honorem salutati accipiens, rescribe mihi quid cum animo tuo pagina mea egerit. Nam si quæ mihi sit sententia flagites, ego ipsa studiorum liberalium nomina jam detestor.

Je souhaite que mon travail trouve auprès de vous une telle faveur que vous ne teniez pas rigueur à mon esprit de son avidité. C’est mal de mépriser chez ceux qui nous sont dévoués un aimable désir d’apprendre et de rejeter avec dédain ce qui est offert de grand cœur. On doit louer de ses études même celui que l’on n’estime pas atteindre aux sommets de l’éloquence. Entre l’amabilité et la science le choix donne de l’embarras car l’une comme l’autre ont du prix. Donc fiez-vous à mon affection et chassez tout amer souci en ces jours que vous donnez à l’amour légitime. Je ne veux pas que vous fassiez d’une chose à désirer une nécessité que l’on subit, ni que vous convertissiez en chagrin les aspirations qui sont le principe de la génération du genre humain. Celui qui n’est pas en état de garder la continence, doit désirer se marier, sans quoi il est en faute si l’on repousse le remède du mariage, il faut choisir ou l’héroïsme de la vertu ou la flétrissure du vice. Je vous conjure de mesurer vos forces afin de ne pas vous engager témérairement dans une voie surhumaine pleine de périls, ni méditer une ligne de conduite de tout point répréhensible. Une vie conforme à la nature et à la loi est presque irréprochable. Donc après avoir servi les Muses et consacré votre talent à des bagatelles poétiques qui ne sont plus de notre âge, songez à fonder une famille ; évitez le commun, car parmi la foule des gens sans culture, c’est une fureur de paraître distingué. On aime, si l’on est avisé, à se conformer au goût de la multitude. Laissons la philosophie à la porte de nos salons; quant à moi, je veux oublier tout souci, dès lors qu’une heureuse ignorance est mise en honneur par mon chef de file.

Veuillez donc agréer l’hommage de mes salutations et, répondez-moi pour me dire quelle impression ma lettre aura produite sur votre esprit. Car si vous êtes désireux de connaître mon sentiment, j’en suis à détester jusques aux noms des arts libéraux.

 

EPISTOLA II.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE II.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il le prie en son nom et en celui de Faustinus, père d’Ambroise, de veiller sur ce jeune homme, durant le séjour qu’il fait à Rome comme étudiant.

 

Stat apud conscientiam culminis vestri quid sublimis viri Faustini voto debeam et generi: et ideo quamvis apud vos credat sufficere quod pro filio pater rogavit, per me tamen quia parum putat ejus sollicitudo quod egerit, preces frequentat, sperans ut noster adolescens ad maturos, Deo auspice, mores erigatur: vos detis præcepta, quid sequi debeat, quid cavere, vos apud quos necessarium credideritis scriptione prosequamini. Hoc scio culmen vestrum etiam si taceam, esse facturum: sed nec debui tanti viri precibus deesse, nec potui: qua de re permotus lacrymis superius comprehensi, et ego flens supplico per illam quæ vobis a Deo concessa est, conscientiam (sic petitiones vestras pia martyrum Salvatori nostro commendet adsertio), ut efficaciter apud vos et creator pro filio et domnus Faustinus pro Ambrosio supplicet: et ordinate prædictum juvenem, et orate pro ipso, ut adolescentem Roma nec vitiis possit, nec moribus exstinguere. Scio vos plura apud homines, sed majora apud Deum prævalere. Et ideo securus jam effectum illis polliceor quos commendo. Ergo reverentiam salutationis exsolvens, paucis multa contexui. Sufficit Deo placentis viri instructam esse pietatem: et causa et persona, cum Dei solatio, vestro disponatur studio.

Votre Eminence sait fort bien ce que le sublime Faustinus et sa famille ont le droit d’attendre de nous; aussi malgré qu’il ne doute pas que, de votre part, la demande qu’il vous adressa en faveur de son fils, ne soit plus que suffisante, il ne laisse pas d’user de mon intermédiaire pour renouveler ses instances, car au regard de sa sollicitude, ce qu’il a fait n’est que peu de chose; et il espère, que sous votre sauvegarde le jeune homme sera formé à des mœurs pures. Vous-même prescrivez-lui ce qu’il doit faire, ce qu’il doit éviter; écrivez-en à ceux qu’il vous paraîtra nécessaire. Je sais bien que tout cela, lors même que je n’en dirais rien, votre Eminence ne manquerait pas de le faire; mais je ne pouvais me refuser aux instances d’un homme de cette qualité, ni ne le devais. C’est pourquoi, touché de ses larmes et moi-même en pleurs, je vous en supplie par cette conscience dont Dieu vous a gratifié. (Qu’ainsi vos prières arrivent à notre Sauveur munies de la pieuse recommandation des martyrs), que les supplications du père pour son fils, du seigneur Faustinus pour Ambroise, obtiennent leur efficacité. Gouvernez notre jeune homme et priez pour lui, afin que son adolescence ne trouve à Rome ni la mort du vice, ni celle de la maladie. Je vous sais puissant auprès des hommes, mais plus puissant encore auprès de Dieu. Aussi c’est avec pleine confiance que je promets le bon effet de ma recommandation à ceux à qui je la donne. Il ne me reste qu’à vous rendre l’hommage de mes salutations et en peu de mots j’aurai renfermé beaucoup de choses. Il suffit à l’homme qui plaît à Dieu que sa piété soit éclairée avec la grâce de Dieu, prenez en main et la cause et la personne.

 

EPISTOLA III.

ENNODIUS MERIBAUDO.

LETTRE III.

ENNODIUS A MÉRIBAUDUS.

Ambroise va recevoir à Rome les leçons de Méribaudus. Ennodius présente au maître éminent ce noble jeune homme et je lui recommande.

 

Quasi solem facibus adjuvet, et mare exiguo humore locupletet, ita superfluis laborat impendiis, qui per se placitura commendat. Sed stultum est perire occasionem beneficii, quando auxilium fortis implorat; opum largus supra copias ditatus est, si credit subsidium quod pauper obtulerit. Regale munus fit, cui insigne pretium præstat accipiens.

Domnus Faustinus de prolis suæ profectu supra quam poscit paterna cura, sollicitus, Ambrosium nostrum hac apud vos credidit prosecutione communiri: æstimans quod sanguis ejus, quod prudentia, quod census, intra Liguriæ angusta delitesceret; et quod artis fama nobilis arctaretur obstaculis: alieno præsidio claritatem suam in Romanam lucem putat erumpere.

Facessat ab studiis meis negare testimonium quod plus opitulatur auctori: qui enim bonos asserit, approbatur.

Videte quæ de vobis fiducia sit, cui quidquid præcipuum habet nobilis terra commisit. Nolo putet apud nos quod hac sit familia potius inveniri. Sufficit honorum cupidis sic plures vincere, ut potissimis comparentur. Honestatem juvenis vulgatus natalium pudor ostendit: faciat divinitatis dispensatio ut per vos principia ejus hic bene locata solidentur.

Ergo honorem salutationis accipite, et petitioni meæ paterna, sicut præceptores vocavit antiquitas,[1] pietate respondete.

C’est prétendre renforcer le soleil par des flambeaux et grossir la mer en y versant quelques gouttes d’eau que de se donner la peine inutile de recommander ce qui de soi a tout pour plaire. D’autre part, n’est-ce pas folie de manquer l’occasion d’être obligeant, lorsque un fort appelle à son aide? L’opulent se trouve enrichi s’il estime utile pour lui ce qu’un pauvre lui a offert. Un présent devient royal dès lors qu’il tire une valeur insigne de celui qui le reçoit.

Le seigneur Faustinus, préoccupé au delà de ce que réclame la sollicitude paternelle de l’avenir de son fils, a cru utile à notre Ambroise de se présenter à vous muni de cette lettre de recommandation. Il estime que l’éclat de son sang, de ses talents, de sa fortune resterait éclipsé entre les étroites limites de la Ligurie et que son savoir n’y pourrait percer. Il espère, au contraire, que, grâce à l’appui qu’il y trouvera, ses mérites jetteront de l’éclat au milieu des splendeurs de Rome.

Dieu me garde de refuser un témoignage qui profite surtout à celui qui le rend. Car, faire l’éloge des bons, n’est-ce point se rendre soi-même recommandable?

Voyez de quelle estime vous jouissez, puisque ce noble pays de Ligurie vous confie ce qu’il possède de meilleur. Il nie qu’on puisse rien trouver chez nous qui soit au-dessus de cette famille. C’est assez pour ceux qui ambitionnent les honneurs d’avoir le pas sur un si grand nombre qu’ils soient rangés parmi les premiers. L’honnêteté d’un jeune homme a sa garantie dans la noblesse bien connue de sa naissance. Fasse le ciel que par vous celui-ci se montre de plus en plus digne de son illustre origine.

Recevez mes salutations, et puisque l’antique usage vous a donné le nom de précepteurs, répondez à ma demande avec la bonté d’un père.

 

EPISTOLA IV.

PROBINO ENNODIUS.

LETTRE IV.

ENNODIUS A PROBINUS.

Même sujet: recommander le jeune Ambroise. Probinus fut consul en 489. Plus tard Ennodius écrivait de lui au même Ambroise: « Vous avez le patricien Probinus, brillante illustration d’une race paisible, formé aux pures traditions de science de sa famille... » Et parlant de son fils: « Vous avez son fils, le praticien Céthégus, personnage consulaire. Encore jeune il montre la prudence d’un vieillard; en lui s’allie la sagesse d’un âge avancé aux charmes de la jeunesse » (opus. vi). Consul en 504.

 

Si apud eminentiam vestram supplicatio mea recordatione subsisteret, crebra scriptione patuisset: nec quos apud Liguriam vestros dignatione vocabatis, sepeliret oblivio. Sed quia loco et opibus divisi, nec diligentiæ lege comparantur; ideo perfectam subjectis caritatem, si digni sint allocutione, præstatis: hac in amicitiam discretione cœuntes, ut vos cogamini tantum respicere, nos amare. Erit vilium superba conditio, si plus a potentibus quam verba præstolantur. Ad querelam descendi caritatis imperio: debuistis me post periculum quod videratis, dignum putare colloquio, vel quia recentis mysterii reviviscentem commendabat assertio: puto quod digni sint bonorum gratia de sepulcris Redemptoris nostri potentia restituti.

Ego tamen, quamvis sim prodigus frontis et garrulus, nec dum de me fiduciam gerens, propinquos insinuo. Præsentium portitor, domni Faustini filius, sufficienter bona pollicetur merita de parente: hunc ut vos foveatis, imploro: quia bene nostis qua sit creator ejus morum luce conspicuus: nec debet ad alios festinare, nisi ad vos, quemcunque vitæ auctoritas armat et generis.

Ergo, domne mi, obsequio salutationis impenso, rogo ut prosperitatem vestram epistolaris cura manifestet.

Si votre Eminence accordait à mes instances la faveur de s’en souvenir, de fréquentes lettres en fourniraient ta preuve, et les vôtres de Ligurie, comme vous daignez nous appeler, ne resteraient pas ensevelis dans l’oubli. Mais ceux que la distance en même temps que la fortune tiennent séparés, ne sont point rapprochés par la loi de l’amitié; c’est pour cela que, lorsqu’ils en sont dignes, vous témoignez à vos inférieurs des sentiments de parfaite affection en leur adressant simplement la parole. Vous allez à l’amitié de telle façon que, de votre part, il vous suffit d’incliner sur nous vos regards pour nous forcer à vous aimer. Ce serait de la part des inférieurs de l’outrecuidance que d’attendre des puissants plus que de bonnes paroles. Si je formule ces plaintes, c’est sous l’empire de l’affection. Ne deviez-vous pas m’estimer digne d’une lettre après m’avoir vu d’abord en si grand danger, puis revenu à la vie par une guérison qu’on peut dire mystérieuse? J’estime qu’on doit quelque honneur à ceux que la puissance de notre Rédempteur a rappelés du tombeau.

Or quoique je sois effronté et bavard, je n’ai point confiance en moi et je cherche pour mes proches des protecteurs. Le porteur des présentes, fils du seigneur Faustinus, est doué de qualités pleines de promesses et que garantit suffisamment le nom de son père. Je vous demande de lui porter vous aussi de l’intérêt et de lui donner vos soins, car vous n’ignorez pas de quel éclat brille la vertu de son père et l’on ne peut adresser à d’autres qu’à vous quiconque se présente muni du renom de sa propre vertu et de celle de sa famille.

Enfin, cher Seigneur, après vous avoir offert l’hommage de mes salutations, je vous prie de m’écrire pour me donner de vos bonnes nouvelles.

 

EPISTOLA V.

HORMISDÆ DIACONO ENNODIUS.

LETTRE V.

ENNODIUS AU DIACRE HORMISDAS.

Il lui fait part de son retour à la santé.

 

Cœlestis dispensatio epistolaribus beneficiis junctos caritate consociat: dum quos discernit itinerum prolixitas, in remedio sollicitudinis jungit affectio, si sit cura sermonis. Silentium tamen vestrum nimis admiror, quod post depositæ sarcinas ægritudinis nulla me allocutione sublevastis. Sed quia loquendo opportune cogimus, ut loquaris, vel garruli imitatione responde. Bene enim res desiderii et poscitur, et impetratur exemplis.

Ergo honorem salutationis impendens, indico me, Deo propitio, jam valere, supplicans, ut vicaria mihi styli promulgatione benedicas.

Le ciel a voulu que le commerce épistolaire rapprochât ceux qu’unit l’affection. Ainsi quelle que soit la distance qui les sépare, ils ne sont plus solitaires mais réunis par l’amitié, s’ils ont soin de s’écrire. Je suis fort étonné de votre silence et qu’après mon retour à la santé je n’aie pas eu la consolation de recevoir de vous la moindre lettre. J’espère qu’en vous adressant moi-même la parole j’obtiendrai de vous faire parler et que ne pouvant vous dispenser de m’imiter jusque dans mon bavardage, vous allez me répondre. Car le meilleur moyen de demander et d’obtenir ce que l’on désire, c’est d’en donner l’exemple.

Donc en vous adressant l’hommage de mes salutations, je vous annonce que, par la grâce de Dieu, je suis revenu en santé et vous supplie de m’accorder la faveur d’une réponse.

 

EPISTOLA VI.

BEATO ENNODIUS.

LETTRE VI.

ENNODIUS A BÉATUS.

Pour exciter Béatus, son jeune protégé, à lui écrire, il met son silence sur le compte de l’ignorance.

 

Si proferenda temporibus de eruditionis messe pectoris horreo condidisses, jejunæ ab epistolis tuis commeantium dexteræ non venirent. Sed quia negligentiam et sterilitatem tuam sermonis prodit abstinentia, nos necesse est iterum ad culturam admonitionis assurgere, et terga jactis infecunda seminibus recidivis ad ubertatem sulcis urgere. Ubi sunt monita quæ apud te asserebas esse victura? ubi studium colloquendi, per quod et scientia patescat et caritas? Clamant silentia tua, te non assecutum quod boni dignum possit esse judicio. Nam sicut rara doctos, ita continua prodit taciturnitas imperitos. Ergo erubesce, et tandem aliquando rumpe vincula, et impedimenta sermonum. Ostende quid valeas, ostende quid promoveris, si tamen te juxta votum nostrum gratia superna non deserit.

Nunc salutationis honorem accipe, et brevi contentus epistola, agnosce patri tuo quæ longa correptione reserentur fuisse mandata.

Si vous aviez moissonné dans le champ de l’érudition, si vous aviez rempli les greniers de votre intelligence pour y puiser à l’occasion, on ne verrait pas ceux qui viennent de Rome arriver les mains vides. Ce silence obstiné dénonce votre négligence et voire incapacité il m’oblige à vous faire entendre de nouvelles admonestations, à soumettre ces guérets restés stériles, malgré les semences reçues, à de nouveaux labours pour les forcer à produire. Où sont ces avis dont vous assuriez devoir tenir compte? Où est le soin de correspondre, par où se manifestent et la science et l’amitié? Votre silence proclame que vous n’aviez acquis rien qui puisse supporter le jugement d’un honnête homme. Car si le savant parle volontiers et rarement se renferme dans le silence, l’habitude de se taire obstinément est l’indice de l’ignorance. Rougissez-en donc et rompez enfin une bonne fois ces liens et ces entraves. Montrez ce que vous valez, montrez quels sont vos progrès, si du moins, selon notre vœu, la grâce d’en haut ne vous fait pas défaut.

Et maintenant, agréez l’hommage de mes salutations; daignez vous contenter de cette courte lettre et sachez que j’ai transmis à votre père ce qui pouvait faire l’objet de plus longue réprimandes.

 

EPISTOLA VII.

AVIENO ENNODIUS.

LETTRE VII.

ENNODIUS A AVIENUS.

Réponse à une lettre d’Aviénus. Il le prie de s’employer à lui faire acquérir une maison de campagne.

 

Benedico Dei nostri triplicem in majestatibus unitatem quæ me inter angustias meas, perfectæ sanitatis loco, de conjunctionis vestræ munere sublevavit. Venit ad me sera quidem relatio, sed votiva: adsit Redemptor noster, et impleat quod inclinatus supplicatione concessit.

Domine mi, salutationis reverentiam solvens, rogo ut actionis vestræ summam de suburbano illo cum parente vestro domno Liberio, Christo vobiscum adnitente, compleatis: quatenus si evenit commutatio, pretium dignetur accipere, ne diutius sub promissionis nutemus ambiguo, quia vos nostis nihil plus esse quod in hac supplici vestro mundi conversatione præstetis.

Je bénis l’Unité de notre Dieu, triple dans ses majestés, de ce qu’au milieu de mes angoisses, s’il ne me donne pas une santé parfaite, du moins il m’accorde comme soulagement le bienfait de votre amitié. Votre lettre m’est arrivée tardive, il est vrai, mais bien conforme à mes vœux. Que notre Rédempteur me soit en aide et qu’il parachève ce qu’il a commencé d’accorder à nos supplications.

Mon cher Seigneur, tout en vous rendant l’hommage de mes salutations, je vous prie de vouloir bien, le Christ aidant, vous employer à terminer avec votre parent, le seigneur Liberius, l’affaire relative à ce domaine des faubourgs. Tâchez d’obtenir, si le marché se conclut, qu’il accepte le prix, afin que nous ne demeurions pas plus longtemps en suspens sur de simples promesses. Vous savez que vous ne pouvez en ce monde rendre à votre humble suppliant un plus signalé service.

 

EPISTOLA VIII.

ENNODIUS VICTORI.

LETTRE VIII.

ENNODIUS A VICTOR.

Cette lettre suppose qu’Ennodius dirigeait à Milan une école fonctionnant régulièrement. Elle était fréquentée par des internes venus de pays éloignés; mais on doit supposer que de nombreux externes de la ville et des environs en suivaient les cours.

 

Dum inscitiam sublimitas tua præloquitur, eruditionis secreta patefecit: impugnas perfectione quod asseris. Nam dum te salvo pudore illitteratum esse confirmas, quid naturæ vigor, quid studiorum lima contulerit, declarasti. Credat mihi sublimitas tua, imbuendum liberalibus disciplinis jam suis bonis ditavit. Si talis lingua prosequitur fratris Pauli filium, facunda astipulatio et commendat et edocet. Nihil longe degentibus magistris opus est, quando digna laude loquitur, qui dirigit ad docentem. Erubesco insinuatum minus invenisse quam detulit: Deum rogans ut quod de me per affectionem præsumitis, ingenii valeam virtute complere. Vos tamen, honore salutationis accepto, quibus libet officium sermonis impendite; dummodo sollicitudini meæ de prosperitate multiplex scriptionis cura respondeat.

Tout en alléguant son ignorance, votre sublimité révèle les trésors secrets de son érudition. Car tandis que par modestie vous vous prétendez dépourvu de littérature, vous avez montré ce que vous tenez et de la richesse de votre naturel et d’études laborieuses. Que votre sublimité veuille bien m’en croire, ce jeune homme qu’elle nous confie pour l’initier aux arts libéraux, elle l’a déjà enrichi de ses propres biens. Lorsqu’une langue qui sait si bien parler présente le fils du frère de Paul, un témoignage si éloquent l’instruit en même temps qu’il le recommande. Qu’est-il besoin de chercher au loin des maîtres, lorsque celui qui leur amène l’élève parle lui-même à la perfection? Je rougis de constater que cet élève trouvera auprès de son nouveau maître moins qu’il n’apportera, et je prie Dieu que les ressources de mon talent répondent pleinement à ce que votre affection vous fait attendre de moi. Quant à vous, l’hommage de mes salutations agréé, accordez à qui vous voudrez la faveur de vos entretiens pourvu que le soin de m’écrire souvent réponde à la sollicitude que m’inspire le souci de votre prospérité.

 

EPISTOLA IX.

CAMILLÆ ENNODIUS.

LETTRE IX.

ENNODIUS A CAMILLA.

Ennodius directeur d’école. Camilla, sa parente en Gaule, à Aria, selon toute apparence, était tombée dans une grande misère (IX, 29). Il ne lui restait pour vivre que le modeste loyer de quelques maisonnettes grevées de lourds impôts. Cet état de gène dut la déterminer à se séparer de son jeune fils, pour confier te soin de son éducation à Ennodius. Le père d’Ennodius (IV, 25) s’appelait Camille.

 

Intercepisti nostrum, nescio quem secuta, consilium. Nam parvulum tuum quem studiorum liberalium debuit cura suscipere, ante judicii convenientis tempora, religionis titulis insignisti. Veneranda quidem ecclesiastici forma servitii, sed quæ ad duas partes animum non relaxet: unum et difficile iter est quo itur ad Christum, nec occupatos multipliciter aliquando vita arcta suscepit. Properantes ad se de disciplinis sæcularibus salutis opifex non refutat; sed ire ad illas quemquam de suo nitore non patitur. Jam si eum mundo subtraxeras, mundi in eo schemata non requiras: erubesco ecclesiastica profitentem ornamentis sæcularibus expolire. Annueram quod per Patricium diaconum, quantum ipse asseruit, postulasti: quid oportuit eum aliter ad me, quam diebus ipsis inventus est, destinari? Si judicium meum consulis, volo ad me pertinentes magis merito sanctos esse quam titulo. Vere animum meum de quietis statione ad cogitationum pelagus expulisti. Suscepi tamen Deo auspice sanguinis mei vernulam. Nunc restat ut conatibus meis favor cœlestis arrideat, et negligentias hominum piæ moderationis ubertate componat. Domina, ut supra, salutem debitam dicens, precor ut nunc geminam sollicitudinem pro utrisque suscipias, et Deo nostro commendare adsiduis precibus non omittas.

Vous avez, je ne sais sous quelle inspiration, entravé l’exécution de nos projets. Car ce jeune enfant que le souci des études libérales devait absorber tout entier, vous l’avez revêtu des livrées de la religion avant l’âge requis pour apporter à pareille démarche toute la discrétion nécessaire. Certes l’engagement dans la vie ecclésiastique mérite toute notre vénération, mais à la condition de ne pas laisser l’esprit en balance entre deux régimes à suivre et de l’absorber entièrement. Le chemin qui mène au Christ est unique et difficile et ce n’est pas par un étroit sentier que peuvent marcher ceux qui sont absorbés par de multiples préoccupations. L’auteur de notre salut ne repousse pas ceux qui viennent à lui des études séculières, mais il ne souffre pas que pour aller à ces études on s’éloigne de la splendeur de sa doctrine. Si déjà vous l’aviez arraché au monde, il ne fallait plus vouloir en lui les manières du monde : c’est pour moi une honte de donner une instruction séculière à un clerc.[2] Je vous avais accordé tout ce que vous m’aviez demandé par le diacre Patricius; quel besoin y avait, il de me l’envoyer dans un état différent de celui où il était alors? Si vous tenez compte de mon opinion, je veux que ceux qui me touchent soient saints plus par le mérite que par le titre. En vérité ce que vous avez fait m’a totalement bouleversé. J’ai pourtant reçu quand même, Dieu aidant, ce rejeton de mon sang. Il reste maintenant que la faveur céleste seconde mes efforts et supplée aux négligences des hommes par l’efficacité d’une pieuse direction. Chère dame, en vous adressant, comme toujours, les salutations que je vous dois, je vous prie de nous avoir maintenant tous les deux en une même sollicitude, et de ne pas omettre de nous recommander à Dieu par des prières assidues.

 

EPISTOLA X.

CELSO ENNODIUS.

LETTRE X.

ENNODIUS A CELSE.

Celse était de Milan où s’écoula sa jeunesse. Appelé, sans doute par quelque charge, à se fixer au-delà du Gargare, l’un des sommets de l’Ida en Phrygie, il ne donnait plus signe de vie.

 

Lenocinium est, non gratiæ sacramentum, quod tantum præsentibus exhibetur: amicitiæ sinceritas et longe positos non relinquit. Quid possit vera fides, intelligat qui tunc adipiscitur beneficia, quando desinit supplicare; ego mihi debeo quod ad stationem precum trans Gargara positus pervenisti. Tu luce conscientiæ amicos et litteras uno a te tempore divisisti, sectans non solum longinqua, sed abdita, ita ut nusquam te sagacis boni persecutor inveniat. Semper et hic quidem latentia inter lepores cubilia diligebas; sed sæpe latebram tuam, qui presso ore vestigia rimatus est invenit. Nunc altiori consilio, credo, ut majores accenderis, te hominum cœtibus submovisti. Ergo solam pueritiam debuisti Mediolanensibus tuis? et virum te tenere debuerant qui puerum possederunt; et quos lætificasti de amplexibus, debuisti juvare consiliis. Sed hinc alias; tu tibi provisionum tuarum aut gaudia debebis aut lacrymas. Ego interim salutationem præfatus memor debiti donationem de puero destinavi, hoc apud me reputans, ut nec importunus in tempore diffidentiæ suæ vinceret, et cessans inter desperationis mala gauderet.

C’est agir en courtisan et non donner un témoignage de sa bienveillance que de n’avoir d’attentions que pour ceux qui sont présents : l’amitié sincère ne néglige point même les plus éloignés. Pour comprendre ce que peut la vraie fidélité il faut recevoir des bienfaits lorsque l’on n’est plus en mesure de les demander. Je me dois de reconnaître qu’en vous établissant au-delà du Gargare, vous vous êtes mis hors d’atteinte de toute sollicitation. Vous avez très bien su vous isoler en même temps et de vos amis et de leurs lettres, prenant le soin non seulement de vous éloigner mais aussi de vous cacher en quelque retraite si profonde qu’il fût impossible au plus sagace de vous découvrir. Même ici ce fut toujours dans vos goûts de vous tenir caché parmi les lièvres dans des retraites secrètes; mais au moins pouvait-on, en suivant attentivement votre piste, arriver à vous trouver. Maintenant je crois que, dans un dessein profond, pour redoubler nos chagrins, vous vous êtes totalement séparé de la compagnie des hommes. Ne deviez-vous donc à vos Milanais que l’enfance? Mais c’était leur droit de vous avoir homme, eux qui vous possédèrent enfant et ceux que vous aviez réjouis de vos embrassements, ne deviez-vous pas les aider de vos conseils? Mais, passons. L’expérience montrera si vous aurez à vous réjouir de ces précautions ou bien à les déplorer. Quant à moi, cependant, après vous avoir salué, je n’oublie pas ce que je dois et je vous envoie un don en souvenir de l’enfant, faisant à part moi la réflexion qu’il ne faut pas que celui qui s’est rendu inabordable triomphe en ses défiances, ni qu’il se réjouisse alors que son silence cause notre désespoir.

 

EPISTOLA XI.

FAUSTO ENNODIUS.

LETTRE XI.

ENNODIUS A FAUSTUS.

A propos d’une bonne nouvelle qu’il a reçue de Faustus, Ennodius revient sur la mort de la sainte fille de son ami et fait allusion au futur mariage de son fils Aviénus, ainsi qu’au choix qui a été fait de lui, Ennodius, pour représenter en qualité de député la province de Ligurie à la cour de Théodoric.

 

Suscepi litteras multiplici gaudiorum dote locupletes, et gratiam circa vos Dei quam noveram nuntiantes. Protinus testibus Christi nostri, cum lacrymis quas suggerebat hilaritas, indicata patefeci: et quod per ipsos impetratum fuerat, gratias referens, quasi novus relator asserui. Vere, domne Fauste, simpliciter in hac causa vulgatum est, quid haberet meriti, quid virium in precibus illa sancta anima quæ præcessit. Nam etsi sit spes nostra adhuc cæca mundi luce vestita; sed quod conveniens esse noverat sine nostræ actionis labore promeruit; cum a nobis divideret res in manibus collocatas, obtulit longa statione distantes, felicius tribuens necessaria quam cupita. Ergo mundus iste veri aliquid habet; aut si non habet, non de ejus ditione mox rapitur. Mentiti sunt homines qui se jurabant accipere beneficia, si dedissunt: etiam superna dispensatione conjuncti sunt, a quibus nec accepimus blandimenta, nec dedimus: certa de desperatione confidentia, et nebulosum de publicata promissione constitutum. Vere dicerem, si doleret ista discissio quod tales homines nec illa quam dicitis nutricem mendacium esse, Liguria potuisset mittere. Quid arguam prius in illis? fallaciæ, aut fatuitatis obscena? perdiderunt duos, qui inter se sanctorum impetratione sociantur, per quos potuisset diu jacentis et in umbram coactæ familiæ scintilla reparari.

Memores estis, domnum Avienum vobis in ecclesia dixisse, Deum se de illa puella specialiter non rogare. Vide progeniem sanctis creatoribus ad usuram vitæ procedentem. Intelligebat plus se parentum fletibus quam actione promoturum. Gratias tibi, omnipotens Deus, gratias, rector fidelium, qui ancillæ tuæ vota respiciens, prophetiæ in ea pollicitationes implesti, dicentis: Anima ejus in bonis demorabitur, et semen ejus hæreditabit terram.

Perfice, pie arbiter, quod remansit, et in alterius servi tui copula serenus aspira. Mihi si hæc videnda morbus qui jam vitalem præoccupavit substantiam, non relinquit, videat de illis bona pater, et avi proavique ante transitum suum nomen accipiat.

Me tamen, quamvis peccatorem, adhuc gratia superna non deserit, qui admonitionem cautione prævenio. Nam desideria mea ne legati provincialis nomen acciperem, licet cum dolore, suspendi. Timui ne aut rerum dominus, vobis disponentibus, hæc a se exigi crederet, quæ cogit necessitas postulari; et ego redderer officiis onerosus et actionibus infecundus, quamvis nec exsequi nec injunctis par esse sufficerem.

Rogo ut supplicetis Deo, ut me vel usque ad votorum communium tempora in mundi istius servet incerto.

J’ai reçu vos lettres toutes pleines d’heureuses nouvelles qui font notre joie et où j’ai pu voir, ce que je savais déjà, en quelle faveur vous êtes auprès de Dieu. Tout aussitôt, avec des larmes que la joie me faisait verser, j’en ai informé les témoins de notre Christ et tout en leur rendant grâces de ce succès obtenu par leurs prières, je leur en ai fait à mon tour le récit. En vérité, seigneur Faustus, nous avons vu se manifester clairement en cette affaire quel est le crédit auprès de Dieu, quelle est la puissance des prières de cette sainte âme qui nous a précédés en l’autre vie: car tandis que notre espérance est encore aveuglée par la lumière de ce monde, elle nous a obtenu, sans aucun concours de notre part, ce qu’elle savait être le plus expédient. Elle éloignait de nous ce que nos mains semblaient déjà tenir, mais elle mettait à notre portée ce qui se trouvait à de longues distances ; elle nous faisait avoir ce qui nous était nécessaire et qui valait bien mieux pour nous que ce que nous avions désiré. Donc ce monde offre quelque chose de vrai, ou bien si l’on n’y trouve que faux, on ne peut trop tôt être délivré de sa domination. Ils mentaient ces hommes qui nous juraient que nous rendre service c’était pour eux un vrai bienfait: il en est même que la divine Providence a faits nos alliés, de qui nous n’avons jamais reçu la moindre amabilité: vis-à-vis d’eux nous avons dû user de procédés analogues. Lorsque tout semblait désespéré il restait une certaine confiance et les promesses les plus solennelles laissaient dans l’incertitude. En vérité, si cette séparation était douloureuse, j’oserais le dire: même la Ligurie que vous vous plaisez à nommer la mère des menteurs, n’auraient pu enfanter de tels hommes. Je ne sais ce qui chez eux inspire le plus de dégoût, de la fausseté ou de la sottise. Ils en ont perdu deux, aujourd’hui réunis par la prière des saints. Par eux pouvait se rallumer le flambeau d’une famille depuis longtemps sans vigueur et tombée dans l’obscurité.

Vous devez vous rappeler ce que le seigneur Aviénus vous disait un jour à l’église, qu’il ne priait point Dieu spécialement pour cette sainte jeune fille. Voyez votre enfant marchant par les soins de ceux à qui elle doit le jour vers ce fruit de la vie qui est le ciel. Elle comprenait qu’elle avancerait plus par les larmes de ses parents que par ses propres efforts. Grâces à vous, Dieu tout puissant; merci, Providence des fidèles ; vous avez écouté les vœux de votre servante et réalisé en elle les promesses de cette prophétie: son âme ira demeurer au séjour des bons et sa race aura la terre en héritage (Ps. xxiv, 13).

Arbitre de nos destinées si plein de bonté, achève ce qui reste et favorise de ta bienveillance l’union conjugale de ton autre serviteur. Si la maladie qui a pénétré en moi jusques aux sources même de la vie, ne me permet pas de le voir, que du moins le père soit l’heureux témoin de leur bonheur; qu’il reçoive avant de quitter ce monde, le nom de grand-père et de bisaïeul.

Quant à moi, malgré mes péchés, je ne suis point tout à fait abandonné de la bonté divine puisque j’ai la sagesse de prévenir les reproches que je pourrais encourir. Car, malgré qu’il m’en coûte beaucoup, j’ai suspendu le projet d’accepter la charge de député de la province. Je crains, si j’assume cette charge, qu’étant donné le pouvoir dont vous disposez dans l’administration des affaires, le Souverain ne considère comme extorqué de lui par votre faveur, ce que la nécessité me fera un devoir de demander; ou bien, si je ne demande rien, je ne serai qu’une charge pour la province qui m’aura décoré d’un mandat stérile et que je me trouverai incapable de remplir.

Je vous le demande, suppliez Dieu de me garder à travers les incertitudes de ce monde, au moins jusques à la réalisation de nos vœux communs.

 

EPISTOLA XII.

MESSALÆ ENNODIUS.

LETTRE XII.

ENNODIUS A MESSALA.

Ce ne sont plus des reproches comme autrefois (VIII. 3. 9). mais des éloges qu’il lui adresse: il loue son talent littéraire et son éloquence.

 

Fero vestrarum absentiam litterarum, si sic ad incrementa gaudii mei pertinet quod tacetis. Non est molesta paginalis intermissio, si cum splendidis dictionibus junguntur rara colloquia. Quod de gratia circa vos Dei, quod de sanctis parentibus præsumatur accipio. Jam suffragiis amicorum Dei qui tibi pater et frater est, agnovisti. Vere dictionem tuam sine lacrymis quas dabant gaudia, non relegi. Nolo apud te quæ de te sentio verborum importunitate producere. Labora ut quod suggerente in sensibus vena invenis, componas eloquentia. Nihil tibi a domni Fausti et domnæ meæ matris tuæ filio minus est, nisi quod ipse studiose subtraxeris.

Parcat tibi tamen Deus, ut credas me immemorem esse tui, dum impedientibus morbis frequenti te scriptione non veneror: debes nosse dignum esse venia quidquid necessitate delinquitur.

Domine mi, salutationem plenissimam dicens, benedicere me Deum in operibus ejus de domni Avieni conjunctione significo; et de te quod ejus pietas pollicetur exspecto.

Je me résigne à jeûner de vos lettres si votre silence doit me ménager une telle surabondance de joie. Il ne m’est plus pénible de rester longtemps sans recevoir de vous le moindre billet, si vos rares lettres m’arrivent avec de splendides dictions. Je reçois enfin ce que j’attendais et de la grâce de Dieu à votre égard et des mérites, de vos saints parents. C’est maintenant qu’à l’effet des suffrages de ces amis de Dieu, vous pouvez comprendre quel père et quel frère vous avez. En vérité, je n’ai pu, sans verser des larmes de joie, relire votre diction. Se ne veux point, mal à propos, mettre sous vos yeux ce que je pense de vous. Travaillez à composer selon les règles de l’art oratoire ce que vous tirez de votre génie. Il ne vous manque rien de ce qui convient à un digne fils du seigneur Faustus et de Madame votre mère; vous avez même, par l’étude, dépassé cette mesure.

Que Dieu vous pardonne d’avoir cru que je vous oubliais, alors qu’empêché par la maladie je ne pouvais m’acquitter souvent du devoir de vous écrire. Vous devez savoir que toute négligence imposée par la nécessité mérite pardon.

Mon cher Seigneur, tout en vous adressant mes salutations les plus empressées, je vous dirai que je bénis Dieu en ses œuvres au sujet du mariage du seigneur Aviénus, et que j’attends de vous ce que l’on peut espérer de sa piété.

 

EPISTOLA XIII.

PANFRONIO ENNODIUS.

LETTRE XIII.

ENNODIUS A PAMFRONIUS.

Une affaire que le porteur devait exposer en même temps qu’elle était détaillée dans diverses pièces adressées à Aviénus et Libérius, mettait Ennodius et ses amis de Milan dans une situation critique. C’était l’œuvre de perfides menées; pour les déjouer il importait d’agir sans délai auprès du roi Théodoric.

 

Peregrinari me in solo patrio vobis absentibus crederes, etiamsi valerem. At cum ægritudo mihi et quorumdam insistat infirmitas, inter utraque quid faciam? quis uno tempore, et morbos ferat, et perfidos? Scias nulla cautione, nulla innocentia, in civitate nostra, quæ Deo medio promissa sunt, custodiri: totum felicitati tribuitur, nil amori: circa humiles rara dignatio; optimus ille, qui celsior. Sed hanc ego non pro mei, cui nihil superest quod sperem, consideratione suspiro, dolet mihi illos perire quos diligo. Plenius vobis rem omnem, et quam propter studium vestrum invidiam contraxerim, homo vestet insinuabit. Ego honorem salutationis impertiens, rogo ut scripta mea, et domno Avieno, et domno Liberio protinus contradatis; et per ipsum qui vobis Pamfroniam nostram sanam contribuat, conjuro, ut vos me quid responsi dederint instruatis; quia si regius occupatione aliqua negatur adventus, ego ad vos, Deo meo suffragante, sub quavis membrorum meorum fragilitate venire festino.

En votre absence, même avec une parfaite santé, je me trouve comme étranger sur le sol de ma patrie. Mais en proie d’une part à la maladie et de l’autre à la lâcheté de certains, entre ces deux calamités que puis-je faire? Qui jamais eut à supporter à la fois et la maladie et la perfidie? Sachez-le donc, dans notre ville il n’y a plus aucun fondement à faire sur les engagements les plus sacrés, sur la plus pure réputation d’honnêteté, comme garantie des promesses faites au nom de Dieu. Tout est accordé au succès, rien à l’affection ; l’humilité n’obtient que des dédains la vertu se mesure à l’élévation. Mais si je formule ces doléances, ce n’est point en considération de moi ; il ne me reste plus d’espoir : ce qui me désole, c’est de voit périr ceux que j’aime. Votre homme vous dira plus au long toute la chose et quelles fureurs de l’envie je me suis attirées en prenant vos intérêts. Donc en vous adressant l’hommage de mes salutations, je vous demande de faire sans retard remettre mes écrits au seigneur Aviénus et au seigneur Libérius, et je vous conjure au nom de celui qui vous garde en bonne santé notre Pamfronia, de me faire savoir aussitôt la réponse qu’ils auront donnée. Car si par suite de quelque intrigue l’audience royale était refusée, quel que soit mon état de santé je me hâterai, avec l’aide de Dieu, de me transporter auprès de vous.

 

EPISTOLA XIV.

HELPIDIO DIACONO ENNODIUS.

LETTRE XIV.

ENNODIUS AU DIACRE HELPIDIUS.

Helpidius attaché en qualité de médecin à la cour de Théodoric a fait des démarches pour concilier à Ennodius la faveur du roi, mais Ennodius se sent mourir et cette lettre de remerciement est comme son testament.

 

Deus sanctitatem tuam misericordiæ suæ et gratiæ prosequatur insignibus; qui de humilitate mea, rem amici faciens, dignaris esse sollicitus, et me meosque promittis peculiari affectione te colere. Scio quia Deus propitius tibi sic gratiam invicti principis contulit, ut humilitas ecclesiastica non periret. Vere, domne Elpidi, si dignatur pius rex de servo suo esse sollicitus, tu fecisti, cujus animo nullus amicorum vicem poterit repensare. Scias me tamen quotidie diversa affligi qualitate morborum, ita ut de vita desperem. Rogo tamen, honore salutationis accepto, ut domnum Faustum et filios ipsius, memor animæ tuæ, sinceriter diligas; et pro anima mea, quantum prævales, orare non cesses: quia non remansit in luce quod sperem. Rogo etiam ut me frequenti digneris alloquio, et si domnus noster ad Liguriam venturus est, intimare procures.

Que Dieu daigne favoriser votre sainteté des trésors de sa miséricorde et de sa grâce, puisque vous prenez à cœur mon humilité au point d’en faire une affaire d’ami et que vous promettez de vous intéresser à moi et aux miens avec une affection toute particulière. Je sais que Dieu vous a fait la faveur de vous concilier les bonnes grâces de notre invincible Prince, de telle sorte que l’humilité ecclésiastique en fut honorée. En vérité, seigneur Helpidius, si le roi daigne penser à son serviteur, vous m’aurez rendu un service qu’un ami sera toujours impuissant à dignement reconnaître. Sachez cependant que je ne cesse d’être journellement en proie à diverses sortes de maladies, au point que je désespère d’y survivre. Quoiqu’il arrive, après vous avoir salué, je vous demande au nom de votre âme, d’aimer de tout cœur le seigneur Faustus et ses fils; et de ne pas cesser de prier autant que vous le pourrez pour mon âme, car il ne me reste plus une lueur d’espérance. Je vous demande aussi de m’écrire souvent et, si notre seigneur (Faustus) doit venir en Ligurie, de me le faire savoir.

 

EPISTOLA XV.

ENNODIUS STEPHANIÆ.

LETTRE XV.

ENNODIUS A STÉPHANIE.

En écrivant à son neveu Aviénus, la sainte veuve a envoyé le bonjour à Ennodius. Celui-ci en témoigne sa joie.

 

Bene est animo meo, quod gravatum peccati fasce meministis; et inter illas sacri pectoris curas, quantum epistolæ ad domnum Avienum destinatæ manifestant, personæ meæ non emergit oblivio. Deo gratias ago, qui per indebitam delinquentibus clementiam solita miseratione succurrit, dum eos sanctarum animarum intercessione sustentat. Non credo quod inter orationes deseratur, quem nobilitatis alloquio.

Saluto ergo humilitate qua dignum est, et rogo ut illi assidua orationum donetis suffragia, quem commemorationis pascitis ubertate.

Je suis heureux de voir qu’un pêcheur comme moi a place dans votre souvenir et qu’au milieu des soucis qui se partagent votre noble cœur, autant que les lettres adressées au seigneur Aviénus le manifestent, ma personne n’est pas laissée dans l’oubli. Je rends grâces à Dieu de ce que, sans le moindre mérite de notre part, il use envers nous de clémence et, avec sa bonté ordinaire, vient en aide aux pécheurs et les fait se relever par l’intercession des saintes âmes. Je ne crois point que vous abandonniez dans vos prières celui que vous honorez de vos entretiens.

Je vous salue donc avec toute l’humilité qu’il convient et je vous prie d’accorder assidûment les suffrages de vos oraisons à celui que vous réjouissez du fréquent témoignage de votre bon souvenir.

 

EPISTOLA XVI.

ENNODIUS ADEODATO.

LETTRE XVI.

ENNODIUS A ADÉODAT.

Un mot du début de cette lettre fait supposer qu’Ennodius était diacre lorsqu’il l’écrivit. Elle fut portée à Rome par te diacre Dioscore, venu en Ligurie régler des affaires, probablement au nom du Pape. Faustus et Aviénus étaient encore auprès d’Ennodius, mais se disposaient à rentrer à Rome, apparemment pour le mariage d’Aviénus. Echange de manuscrits.

 

Olim ad beatitudinis tuæ scripta responderam, si facile fuisset Romam pergentium itinera deprehendi. Ecclesiastica humilitas a mundi potentibus quasi res peregrina transitur. Ut primum tamen domnus Dioscorus Romam perfunctus pii laboris remeavit officio, ad restitutionem debiti, reverentiam vestram suspiciens, aspiravi.

Hos filios vestros, domnum Paulum, vel sanctam progeniem ipsius redire Romam cupitis, nos manere: dispar sententia ad unum affectionis callem sine errore revertitur. Deus tamen optimus dispensator, quod felicitati ejus scit convenire, disponat. Mihi domni Fausti, suorumque prosperitas præsentiæ vice blanditur.

Domine mi, salutationis cultum pleno amore dissolvens, codicem quem dedistis, filio vestro domno præfecto remeante, transmitto: vos meum, aut illum quem promisistis, si placuerit, destinate. Illud tamen specialiter conferentes, ut orationum vestrarum nunquam me propugnatione nudetis, quia nullus mihi murus potior esse adversus peccati arietem poterit, quam si illarum me tutela defenderit.

Depuis longtemps j’eusse répondu aux écrits de votre béatitude s’il m’eut été facile de connaître le passage des voyageurs qui vont à Rome. L’humilité ecclésiastique est dédaignée des puissants du monde comme une chose étrangère. Mais aussitôt que le seigneur Dioscore eut terminé le pieux labeur dont il avait mission de s’acquitter et repartit pour home, je tournai mes regards vers votre Révérence et je m’efforçai de vous payer ma dette.

Vous désirez, vous, que vos fils, le seigneur Faustus et sa sainte progéniture, retournent à Rome; nous, qu’ils demeurent ici. Des sentiments si différents procèdent néanmoins d’un même principe qui est l’affection. Que Dieu qui seul sait exactement ce qui nous convient, lui ménage ce qu’il connaît devoir lui procurer le bonheur. Si je ne puis jouir de la présence du seigneur Faustus et des siens, je m’en consolerai en les sachant heureux.

Mon cher Seigneur, tout en vous offrant à plein cœur l’hommage de mes salutations, je vous renvoie par votre fils, le seigneur Préfet (Faustus) qui retourne à Rome, le manuscrit que vous m’aviez donné. De votre côté, expédiez-moi, s’il vous plaît, le mien ou celui que vous m’avez promis; mais ce que je vous demande par dessus tout, c’est de ne jamais me priver du secours de vos prières, car je sais que je ne puis trouver contre les assauts du péché la protection d’un plus ferme rempart.

 

EPISTOLA XVII.

ENNODIUS APODEMIÆ.

LETTRE XVII.

ENNODIUS A APODÉMIA.

Apodémia, cousine d’Ennodius, qui habitait un pays éloigné, probablement la Provence, lui a envoyé une cuculle, Ennodius l’en remercie et la prie de lui faire parvenir au plus tôt le manteau et les racanes que sans doute elle lui avait promis. Ainsi, les clercs même séculiers, portaient un habit particulier, qu’Ennodius appelle « les livrées de la religion ».

 

Non clauda fides opinionis antiquæ, quæ perhibet quod propinquitas generis non defraudetur longinquitate regionis. Manent familiarum suis jura cardinibus; nec quæ sunt divisa habitaculis, dissociantur animabus: percurrit ætherius vigor, ubicunque carnis cognatione producitur; et illa cœlestis portio unius patriæ non continetur angustiis. Sic tu, domna mea, longe a corpore degentem Ennodium perquisisti, efferendo desideratis nobile munus aspectibus. Accepi cucullam qualem debuit dirigere religionem profitenti. Sanctissima, ora, ut dignum me humilium indumentis, et si non invenerunt dona vestra, tamen meriti sui nobilitate perficiant. Domina mi, salutem largissimam dicens, rogo, ut crebro venerandis relevetis alloquiis. Lænam et racanas, cujus vos volueritis coloris rubei aut fusci, mihi sub celeritate dirigite.

De tout temps l’on a cru, et non à tort, que les droits de la parenté n’étaient nullement diminués par suite de l’éloignement. Les liens de famille gardent toute leur force et l’espace qui sépare les habitations ne brise pas l’union des âmes. Sous l’influence de la parenté il s’établit entre elles comme un énergique courant aérien qui franchit les espaces et cette patrie céleste ne se renferme pas en d’étroites frontières. C’est ainsi que vous, Madame, retenue au loin corporellement, vous êtes venue à la recherche d’Ennodius, par l’offre d’un présent qui témoigne du désir que vous avez de le voir. J’ai reçu la cuculle; elle est bien telle qu’une sainte devait l’offrir à un religieux. Priez pour que si votre présent ne me trouve pas digne de revêtir les livrées de l’humilité, du moins il me dispose par sa vertu à le devenir. Ma chère dame, en vous exprimant mes salutations les plus cordiales, je vous demande de m’accorder souvent la consolation de vos vénérables entretiens. Envoyez-moi au plus tôt le manteau et les racanes de couleur rouge ou fauve selon qu’il vous plaira.

 

EPISTOLA XVIII.

ENNODIUS STEPHANIÆ.

LETTRE XVIII.

ENNODIUS A STÉPHANIE.

Il charge de cette lettre Aviénus qui retourne auprès de sa tante. Il fait à Stéphanie des observations au sujet de son style qu’il ne trouve pas digne d’une sœur de Faustus.

 

Sufficeret equidem pro epistolari commercio meritum portitoris, cui et vena sua quod loquendum est et pura circa me ministrat affectio. Sed animus meus ad duplicatum festinat obsequium; nec simplici quam reverentia vestra exigit humilitate contentus, domno Avieno scripta conjungit, illi quem de stirpe vestra procreatum et vita prodit et oratio. Graviter tamen fero quod rusticas voces nimis urbana et subtili elocutione narratis. Non ita circa familiam vestram gratia cœlestis innotuit, ut aliquem in ea liceat majoribus suis aut lingua esse aut actione dissimilem, nisi forte quod vos supra claritatem seniorum sanctæ viduitatis in vobis fulgor irradiat. Nempe illius domni Fausti germana es, in cujus præfectura quod monachos instituat, invenitur, quem plus est actione venerabilem esse, quam titulo.

Rogo vos, servitio salutationis exhibito, ut nunquam scholasticorum indociles compositiones sanctis dictationibus misceatis: sufficit mihi quod admirer, quod si mereor sequi debeam, in vestris sensibus invenire.

Il suffirait, au lieu de vous écrire, de m’en rapporter au mérite du porteur : son talent naturel et l’affection sincère dont il m’honore, lui suggèreraient suffisamment ce qu’il y aurait à vous dire. Mais mon esprit s’empresse de vous rendre doublement mes hommages, et non content des humbles sentiments que lui impose le respect dû à votre révérence, il donne une lettre au seigneur Aviénus, noble rejeton de votre race, comme il le montre et par la sainteté de sa vie et par l’éclat de son éloquence. Laissez-moi vous dire que je supporte avec peine de vous voir employer un style trop poli et trop recherché pour conter les choses les plus rustiques. Les dons merveilleux que le ciel s’est plu à prodiguer à votre famille n’ont point encore permis que quelqu’un de ses membres parut différer de ses ancêtres par le langage non plus que par l’action; sauf toutefois qu’à l’éclat dont brille votre antique lignée vous ajoutez en votre personne celui de la sainte viduité. N’êtes-vous pas, en effet, la sœur de ce Faustus, dont la Préfecture est marquée par les monastères qu’il a fondés; qui recherche l’honorabilité dans les actes beaucoup plus que dans les titres.

Je vous prie, après vous avoir rendu le devoir de mes salutations, de ne jamais mêler à ce que vous dictez des compositions grossières d’écoliers il me suffit de trouver dans l’expression de vos pensées de quoi admirer et de quoi imiter, si du moins je le mérite.

 

EPISTOLA XIX.

ENNODIUS AGNELLO.

LETTRE XIX.

ENNODIUS A AGNELLUS.

Compliments: Allusion à la légation du Patrice Agnelins en Afrique et aux honneurs dont il fut gratifié probablement à son retour.

 

Longo animus meus pependit incerto, utrum pro diligentia notitiæ vestræ januam scriptionis amabili præsumptione pulsarem, et excellentissimi hominis per hunc callem pectus ingrederer, an per homines vestros, vaga salutatione contentus, secreta quibus obsidebar irrumperem, quia visum mihi est non esse in hominum numero computandus, quem hominum potissimus ignoraret. Et plane illi nec mores suggerunt fiduciam, nec natura, qui in arce locatis absconditur: vobis præcipue, quos uterque orbis amica et socia diversitate complectitur, quod Dei timor gratiæ suæ comitate firmatos fecit jam honorum summa largiri, et ad quod vix præcipui perducuntur ad opinionis gloriam dare subjectis. Laudandi sunt apices, sed ad eos sudore maximo vix venitur. Quod tamen feliciter dictum sit, et inter munera vestra sunt culmina.

Ergo salutans reverenter, epistolam brevitate concludo, ne ante dignationem vestram videatur importuna laudatio. Latius post responsum paginale, quod moribus, quod potentiæ vestræ convenit, critis mundo mecum attestante lecturi.

Longtemps je suis demeuré à me demander si pour réaliser le désir que j’avais d’être connu de vous je prendrais l’aimable liberté de pousser la porte du commerce épistolaire et de pénétrer par cette voie jusques au cœur du plus excellent des hommes, ou bien si, pour briser les clôtures qui me tenaient ignoré de vous, je me contenterais de vous adresser par vos gens une vague salutation, car j’estimais que ce n’était pas compter au nombre des hommes que de rester ignoré du meilleur des hommes. Et en effet on ne peut avoir pleine confiance pour son renom ni dans la pureté de ses mœurs, ni dans les heureuses facultés que l’on a reçues de la nature, si l’on demeure ignoré de ceux qui occupent le sommet de l’échelle sociale, surtout de vous que les deux mondes (l’Europe et l’Afrique) se disputent avec orgueil, vous que la crainte de Dieu et les libéralités de sa grâce ont élevé au faite des honneurs et à ce point auquel à peine parviennent les plus éminents, de communiquer de votre gloire à ceux qui se tiennent sous vos ordres. On doit louer les sommets, mais il faut verser beaucoup de sueurs pour y arriver. C’est encore un de vos plus heureux talents que de savoir le dire.

Je vous salue donc très humblement et je borne là cette courte lettre de crainte que votre révérence ne trouve mes éloges poussés à l’importunité. Après votre réponse, vous pourrez lire plus au long, (et le monde entier confirmera mon témoignage), l’éloge que comporte et l’éclat de votre vie et l’étendue de votre puissance.

 

EPISTOLA XX.

ENNODIUS MASCATORI.

LETTRE XX.

ENNODIUS A MASCATOR.

En sa qualité de diacre chargé du soin des pauvres, il demande un secours pour de pauvres gens.

 

Et me sperare quod pium est, et vos decet annuere. Nam disparibus viis ad unum finem remuneranda tendit intentio. Vos solatia rebus impenditis, a me tenui sermonis præstolatur auxilium. Sic fit ut cui incumbit per officii considerationem præstare potiora, vix possit exigua. Reddat ingenuitatem homo palatii, quia Ecclesiæ nihil amplius sufficit quam precari. Scitis pro ascinis a quo veniat retributio, si juventur. Succurrite his quos et patria terra captivat, quibus et invidia est cum originariis et conditio dolenda cum profugis.

Pluribus Christianum et sapientem non decet admoneri, ne longa deprecatio fructum sibi videatur ascribere laboris alieni. Saluto ergo humilitate qua dignum est, et ut præfatos cum gaudio ad me remittatis, inploro.

Il est de mon office d’espérer obtenir un secours charitable, et de votre situation de l’accorder. Ainsi par des voies différentes nous tendons à la même fin qui est la charité. Vous soulagez en réalité les infortunes; à moi on ne demande que le modeste appui de ma parole. Il arrive ainsi que celui qui devrait, par obligation de sa charge, fournir les principaux secours, peut en donner à peine de très minces. Qu’ils obtiennent, ces malheureux, d’un homme du Palais, de recouvrer leur condition d’hommes libres, car l’Eglise ne peut pour eux autre chose que de prier. Vous savez qui doit vous le rendre si vous venez en aide à de pauvres gens sans abri. Secourez des infortunés qui se trouvent captifs sur le sol de leur patrie, qui n’ont à espérer que la misère parmi leurs concitoyens et une condition pire encore s’ils prennent le parti de s’exiler.

M’adressant à un personnage chrétien et sage, je ne dois pas insister davantage, de crainte qu’en prolongeant ma supplique je ne paraisse vouloir lui attribuer le mérite de la bonne œuvre qui revient à autrui. Donc je vous salue avec toute l’humilité qui convient et je vous supplie de me les renvoyer contents.

 

EPISTOLA XXI.

ENNODIUS HELPIDIO.

LETTRE XXI.

ENNODIUS A HELPIDIUS.

Le diacre Helpidius était attaché comme médecin à la personne de Théodoric. En qualité de Milanais, il avait dû s’employer à la solution de l’affaire de la maison qu’Ennodius voulait acheter à Milan, car, l’affaire terminée, Ennodius s’empresse de l’en informer en même temps que Faustus.

 

Etsi te immemorem mei Pontica facit inhumanitas, me tamen imitari non decet quod accuso. Sic de civitate Mediolanensi quasi Icarus avolasti, et nec mandati me salutatione dignatus es. Sic faciunt quos potentium lateribus jungit inopinata sodalitas. Musca moritura justum est, ut si per naturam non potes, ad effectum meo inviteris exemplo: possunt tibi alii pro abundantia facultatum utiliores existere, esse tamen non valent dulciores.

Sed redeo ad considerationem patriæ, cui debes bonorum oblivionem et miseriam qua laboras. Nunc ergo, honore salutationis impenso, servum tuum ad hoc direxi, ut filio tuo domno præfecto et tibi nuntiaret in Christi nomine, me de suburbano illo documenta legitima suscepisse, ut vos cum filio vestro domno Triggua, quod necessarium videris, agere non omittas.

Parce que vous m’oubliez avec une inhumanité digne des riverains du Pont-Euxin, je ne dois cependant pas imiter ce que je vous reproche. Voici que, nouvel Icare, vous vous êtes envolé de la cité de Milan sans daigner m’adresser un mot d’adieu. Ainsi font ceux que lie aux flancs des puissants une association bien inopinée. Pauvre mouche qui n’a qu’un instant à vivre! Il est juste que si vous ne le pouvez par les seules forces de la nature, vous soyez par mon exemple attiré à me témoigner un peu d’affection: D’autres plus riches que moi peuvent vous être plus utiles ; je les défie de vous aimer plus tendrement que je ne te fais.

Mais revenons à ce qui intéresse votre patrie pour le bien de laquelle vous devez accepter et d’oublier vos bons amis et toutes les autres misères dont vous souffrez à la cour. Quand à présent donc je vous salue et vous envoie exprès votre serviteur pour qu’il annonce au nom de Jésus-Christ à votre fils le seigneur Préfet[3] et à vous que les pièces authentiques et en due forme, concernant cette maison du faubourg, me sont arrivées. A. vous maintenant et à votre fils le seigneur Triggua, de ne pas manquer d’agir selon que vous le jugerez nécessaire.

 

EPISTOLA XXII.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XXII.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Faustus, alors préfet du Prétoire, et en cette qualité, attaché à la cour de Théodoric, devait partir pour une destination qu’Ennodius n’indique pas et rester absent assez longtemps. L’affaire de l’acquisition d’une maison de campagne dans les faubourgs de Milan est enfin terminée (VIII. 12, 19; — IX. 7, 21). Faustus a envoyé de Venise toutes tes pièces nécessaires et aussitôt Ennodius est entré en possession. Il est à croire que Faustus disposait de cette maison comme Préfet du Prétoire.

 

Spero in Trinitate Deo nostro, per suffragia veneranda sanctorum, quod servos in quocunque loco positos, quemadmodum munitur oculi pupilla, custodiat, et ad bonam valetudinem reducat quidquid inimica fregit inæqualitas. Ego tamen, et si corpore nequeo, sequor officiis. Nam imperio sollicitudinis verba congessi, deprecans ut quam sani sitis edocear. Ecce vix fero brevem, absentia longa fatigandus: sed potentes sunt et amici domni, quibus vos anima sancta commisit. Ego memores, ut depositum servent, sine cessatione convenio: aderunt partibus suis, et quod ab eis susceptum est, sine imminutione servabunt.

His addo, præstante omnipotentis Dei misericordia, servos vestros de Venetiis jam regressos exhibuisse documenta confirmata de legibus, hic introductionem solemnem illico fuisse confectam.

Nunc utrum amico a vobis dici aliquid debeat, illa qua soletis maturitate consulite.

J’ai la confiance que notre Dieu Trinité, grâce aux suffrages des vénérables saints, garde en quelque lien qu’ils soient, ses serviteurs, comme on protège la prunelle de l’œil, et qu’il les ramène sains et saufs des accidents où peut les jeter leur mauvaise fortune. Quant à moi, si je ne puis vous accompagner de corps, je le fais du moins de mes hommages. Sous l’empire de l’inquiétude j’ai réuni ces quelques lignes pour vous prier de vouloir bien me donner de vos bonnes nouvelles. Moi qui ne puis qu’avec peine vous voir éloigné pour peu de temps, combien vais-je souffrir d’une si longue absence! Mais je ne dois pas oublier quelle est la puissance des amis du Seigneur, auxquels vous a confié la sainte âme.[4] Je ne cesse de les presser de garder fidèlement ce dépôt ; ils n’y failliront pas et ce qu’ils ont reçu, ils le garderont intact,

A ceci j’ajoute que par la miséricordieuse toute puissance de Dieu, vos esclaves déjà revenus de Venise, m’ont apporté les pièces revêtues de toutes les formes requises par les lois et qu’aussitôt l’entrée en possession solennelle a eu lieu.

Et maintenant voyez avec la maturité qui vous est habituelle si vous avez quelque chose à dire à un ami.

 

EPISTOLA XXIII.

ENNODIUS LIBERIO.

LETTRE XXIII.

ENNODIUS A LIBERIUS.

Magnifique éloge du Patrice. D’abord attaché à Odoacre, il garda à ce prince, jusque dans la défaite, une si parfaite fidélité que Théodoric vainqueur lui donna la charge de Préfet du Prétoire d’Italie, avec mission de pacifier et de relever ce pays ruiné. Théodoric avait assigné à ses Goths le tiers des terres des vaincus. Libérius opéra ce partage avec tant de prudence qu’une mesure qui semblait devoir éterniser les haines fut l’instrument de l’union entre les deux peuples. Dans l’exercice de cette charge Libérius rendit de grands services à Ennodius et plus tard, chargé des mêmes fonctions en Gaule, le Patrice protégea ses parents restés en Provence. (IX, 29).

 

Datum est mihi, cœlestis infusione mysterii, libera habere judicia, etiam cum sim beneficiis obligatus. Est enim superni muneris ut ingenuam sententiam ferat obnoxius, nec delectetur immanitate gratiæ vigor examinis. Divinum est, quando sine corruptione de te loquitur cui mula contuleris, nec iniquum ponit aliquid in lance veritatis donorum tuorum opibus subjugatus. Nam ubi de potissimis sermo est, et in aures mundi itura formantur, publicum testimonium privata actio cur obumbret? Debeo quidem celsitudini vestræ plus quam universitas; sed nolo majus aliquid quam universitatis possunt ora depromere: et epistolaris angustiæ lege contentus, satis modicum de illa meritorum messe prælibo. Felicissime hominum, hoc totis hostilitas virium suarum laborat impendiis, ut per totum orbem tu solus dissipata componas. Æstimationi remanet qualis sit ille cui militas, quando lapsa, exusta, perdita, cum te aspexerint, convalescunt. Vix pascebatur Italia publici sudore dispendii, quando tu ea sine intervallo temporis, et ad spem reparationis, et ad præbitionem tributariam commutasti. Læti cœpimus te moderante inferre ærariis publicis quod cum maximo dolore solebamus accipere. Fuit semper ubertas nostra dispensatio tua. Juverunt venerabile superna consilium. Nam vires vectigalium tu vel nutristi pro bono publico, vel dedisti. Culminibus omnibus sublimior, tu primus fecisti regales copias sine malo privatæ concussionis affluere. Tibi post Deum debetur, quod apud potentissimum dominum et ubique victorem, securi divitias confitemur: tuta enim est subjectorum opulentia, quando non indiget. Quid quod illas innumeras Gothorum catervas, vix scientibus Romanis, larga prædiorum contatione ditasti? nihil enim amplius victores cupiunt, et nulla senserunt damna superati. Taceo, consideratione paginalis eloquii, communionis et blandimentorum tuorum mella præceptis cœlestibus instituta, non minus rebus nobilitata quam verbis:

orationem meam ad ea quæ eminentiæ tuæ debentur, vota transduco, quia mecum Galliæ in hac astipulatione conveniunt, ut, Christo Deo vivo disponente, ordinatis illis quibus civilitatem post multos annorum curriculos intulisti, quos ante te non contigit saporem de Romana libertate gustare, ad Italiam tuam, et poscentibus nobis, et illis tenentibus, reducaris. Sic utriusque orbis per sanctas actiones indigena, venerabilem domum et summates filios cum universis Italiam possidens videntibus, felicis præsentiæ tuæ dote sublimes. Ego autem, servitiis salutationis exhibitis, valere me nuntio, et de vobis quod voto meo satisfacere possit exspecto.

Le ciel m’a donné de garder toute la liberté de mes appréciations même lorsque je suis lié par des bienfaits. N’est-ce pas en effet un don d’en haut qu’un débiteur puisse porter un jugement en pleine indépendance et que le séduisant attrait des faveurs reçues n’exerce pas son charme dominateur sur la rigidité de l’investigation? Il faut en vérité l’intervention divine pour pouvoir parler de vous sans altérer la vérité lorsqu’on vous est redevable de si grands services et que, subjugué par la magnificence de vos dons, l’on n’use point de faux poids pour peser vos vrais mérites. Car dès lors qu’il est question des hommes les plus éminents et que l’on formule des jugements destinés aux oreilles du public, pourquoi l’appréciation d’un particulier viendrait-elle amoindrir le témoignage de tout le monde? Je dois en effet à votre Altesse plus que la généralité, mais je ne veux pas que mes louanges dépassent ce que tout le monde peut dire et me bornant aux étroites limites imposées à une lettre, c’est à peine si je goûterai de la riche moisson de vos mérites. O le plus heureux des hommes! il semble que la guerre n’ait mis aux prises les peuples divisés que pour vous procurer la gloire de pacifier le monde entier. On peut juger à vos hauts faits de la grandeur de celui que vous servez il vous suffit d’apparaître et les ruines encore fumantes se relèvent à votre aspect. L’Italie vivait à grand peine à la sueur du trésor public; vous prenez en main l’administration et aussitôt vous lui rendez l’espoir de se relever et la mettez en état de payer l’impôt. Alors nous commençâmes à payer joyeux au fisc ce qu’auparavant nous avions l’habitude d’en recevoir avec le plus grand chagrin. Votre administration nous procura toujours l’abondance. Le ciel bénit vos augustes desseins. Soit que vous remplissiez les trésors du fisc, soit dans leur emploi, toujours vous procurâtes le bien public. Plus grand que tous les grands, vous ayez le premier fait regorger les coffres royaux sans la calamité des confiscations de fortunes privées. A vous après Dieu nous devons de pouvoir, auprès du prince très puissant et partout victorieux, avouer en sécurité nos richesses; car l’opulence des sujets n’a rien à craindre lorsque le souverain ignore l’indigence. Que dirai-je de ces innombrables bataillons de Goths que vous avez enrichis presque à l’insu des Romains d’une large distribution de terres? Les vainqueurs ne demandent rien de plus et les vaincus n’ont senti aucun dommage. Le cadre d’une lettre m’oblige à ne rien dire des agréments de votre commerce, du charme de vos entretiens toujours conformes aux préceptes divins, en sorte que vos actes ne vous font pas moins d’honneur que vos paroles.

J’amène mon discours aux vœux qui sont dus à votre Eminence: les Gaules sont d’accord avec nous pour demander au ciel qu’avec l’aide du Christ Dieu vivant, après avoir organisé ces peuples auxquels, après tant d’années, vous avez le premier apporté le bienfait de la civilisation de sorte qu’avant vous ils ignoraient les douceurs de la liberté romaine, vous reveniez à votre Italie, où nous vous réclamons, sans abandonner toutefois la Gaule qui vous retient. Ainsi devenu par vos grandes œuvres comme indigène des deux pays, le bienfait de votre présence fera rejaillir votre gloire sur votre vénérable maison, sur vos fils si éminents et sur tous les habitants de l’Italie. Quant à moi, après vous avoir rendu les devoirs de mes salutations, je vous annonce que je suis en bonne santé et j’attends de vous des nouvelles conformes à mes vœux.

 

EPISTOLA XXIV.

ENNODIUS AVIENO.

LETTRE XXIV.

ENNODIUS A AVIÉNUS.

Lettre d’amitié.

 

Bene erat animo meo, si vel ad scriptionem frequens portitorum suggereretur occasio, quia in remedio desiderii senior providentia munus litterarum comparavit, in quo ad vicem præsentiæ formato æstuantibus blanditur alloquio:

et licet de ipsis remediis meus ægrescat absentium, et de medicina sollicitudinis cura geminentur, attamen non sunt deserenda quæ sola sunt.

Ergo infante Valentino Romam petente, quantum sub celeritate potui, de his quæ erant loquenda subripui, breviter significans valetudinem corporis mei fuisse turbatam. Satis est tamen, si nuntio prosperitatis vestræ, dum fit hilaris anima, convalescam.

Domine mi, salutationis muniis, sicut reverentia vestra postulat, exsolutis, rogo ut jam me de votorum effectu et de bonis vestris epistolaris sublevetis promulgatione colloquii.

Ce serait pour mon esprit un vrai bonheur que de trouver fréquemment l’occasion d’un porteur qui me permit de vous écrire, car comme remède à la peine que cause le désir de se voir, la vénérable Providence nous a ménagé l’échange des lettres. Par elles nous avons avec les absents des entretiens qui nous tiennent lieu de leur présence et charment nos ennuis.

Et malgré que souvent ce remède réveille le mal dont souffrent ceux qui vivent au loin et que leurs soucis en soient redoublés, il ne faut point pour cela le rejeter puisqu’il n’en est pas d’autre.

Je profite donc du voyage à Rome du jeune Valentin pour vous écrire rapidement te plus pressé de ce que j’avais à vous dire: en deux mots je vous noterai que ma santé a été ébranlée; mais il suffira de la nouvelle de votre prospérité pour que la joie achève de me guérir.

Mon cher seigneur, je vous adresse, comme votre révérence le demande, le tribut de mes salutations et vous prie de ne pas me refuser la consolation d’apprendre par vos lettres et la réalisation de vos vœux et l’heureux succès de vos affaires.

 

EPISTOLA XXV.

ENNODIUS AGNELLÆ.

LETTRE XXV.

ENNODIUS A AGNELLA.

La noble dame Romaine Agnelle, cousine d’Ennodius, avait pris le voile de la viduité. Le saint diacre l’en félicite et s’édifie de son exemple.

 

Gratum mihi est ad magnitudinem vestram litterarum munera promulgare, quia et generi et conscientiæ vestræ, non tam exhibetur honor iste, quam redditur. Justum est ut religiosi homo propositi sanctam viduam et nobilem veneretur ingenuus. Ago Deo meo gratias, quia bonus opinionis vestræ, ad nos odor emanavit. Ille usque ad consummationem vitæ fructus tribuat, qui bonam radicem in hac sæculi conversatione plantavit. Bene fecisti, domna Agnella, mundi istius blandimenta respuere: et dum celsiora sequeris, etiam quæ potuerunt venire a legitimis remediis, non habere: scisti non solum veniam quærere, sed coronam. Gaudeant de medicina languentes: prope est ut proximior sit integritati, cui conceditur ut feliciter dediscat illecebras.

Ergo, domina mi, salutationis gratiam honorificentiamque persolvens, rogo ut pro me amico et parente tuo apostolorum liminibus non desinas supplicare, ut merear servare quod prædico, et quod in aliis extollo ipse non negligam.

Il m’est souverainement agréable d’adresser à votre grandeur l’hommage de mes lettres : notre parenté et votre conscience me l’imposent à tel point que c’est moins un honneur à vous rendre qu’un devoir à acquitter. N’est-il pas juste qu’un honnête homme qui fait profession de religion, tienne en vénération une sainte veuve d’un rang si noble? Je rends grâces à Dieu de ce que la bonne odeur de votre réputation s’est répandue jusque chez nous. Qu’il amène jusques à leur parfaite maturité les fruits de votre vie, celui qui prit soin de planter une si bonne rapine en ce milieu où s’agite notre siècle. Vous avez bien fait, noble Agnella, de mépriser les charmeuses douceurs de ce monde, de viser à la perfection et de renoncer même à ce qui est accordé comme légitime remède: vous avez su prétendre non seulement au pardon mais à la couronne. Que la médecine fasse la joie des malades : c’est toucher de bien proche à la sainteté que d’oublier heureusement les voluptés.

Donc, ma chère dame, je vous offre le tribut et l’hommage de mes salutations et vous demande, moi votre ami et parent, de ne point cesser de prier au tombeau des saints Apôtres pour que j’obtienne d’observer ce que je prêche et de ne pas négliger moi-même ce que je loue dans les autres.

 

EPISTOLA XXVI.

ENNODIUS MESSALÆ.

LETTRE XXVI.

ENNODIUS A MESSALA.

Il lui reproche d’avoir quitté la Ligurie sans lui écrire et lui demande de prier pour lui au tombeau des Saints Apôtres.

 

Scio equidem vos pro desiderio meo fuisse subtractos: sed aliud spei de sollicitudine vestra præceperam. Nam et qualiter domnus Deo præstante valedixerit, et qui vobis itineris ordo fuerit, si mei memor esses, agnoveram. Sed quid facio, qui negligentiam vestram, nec suggerendo formam affectionis expugno? Ergo si te, Christo Deo nostro tribuente, spes nuptialis afflaverit, Ennodii memoriam non fugabis: quando nulla sic cessit major diligentia, et pius amor exclusus est, tantum a pectore tuo, quantum ab oculis submovebor. Sanus esto, salva vita patris et fratris tui, Deus vobis benefaciat: agnoscant quod pascat auditum, quale vultis circa me exhibete propositum. Unum te rogo, honore salutationis exhibito, ut apud domnos apostolos pro me digneris preces offerre; ut ipsi miserias meas medicinaliter curent, nec patiantur me quidquam velle quod non decet: castigent præsumptiones mentis et corporis. Quod si facias, credo pro innocentia et puritate tua te melius pro me, quam si essem coram positus, audiendum.

Je reconnais, en vérité, que je ne pouvais, malgré mes regrets, m’opposer à votre éloignement; mais pourtant je croyais pouvoir espérer autre chose de votre sollicitude. Si je n’étais pas tout à fait oublié, assurément j’aurais appris et comment, Dieu aidant, le Seigneur (Faustus) prit congé, et la suite de tout votre voyage. Mais que fais-je de vous reprocher votre négligence sans laisser paraître mon affection? Donc si par la faveur du Christ notre Dieu, un espoir de mariage vous sourit, vous ne chasserez pas le souvenir d’Ennodius; car, il faut l’avouer, jamais plus vive affection n’aura cédé la place et l’amitié que vous me portez n’aura faibli en votre cœur qu’à proportion de mon éloignement. Soyez en bonne santé et de môme votre père et votre frère; que Dieu vous prodigue ses faveurs; qu’ils reçoivent d’heureuses nouvelles que votre conduite manifeste vos dispositions à mon égard. Après vous avoir rendu le devoir de mes salutations je ne vous demande qu’une chose que vous daigniez offrir pour moi des prières au tombeau des vénérables Apôtres: qu’ils portent remède à mes misères et ne permettent pas que ma volonté s’égare; qu’ils corrigent les insubordinations de l’esprit et des sens. Si vous le faites, j’ai la confiance, grâce à votre innocence et à votre pureté, d’être mieux exaucé que si j’y priais en personne.

 

EPISTOLA XXVII.

ENNODIUS AURELIANO EPISCOPO.

LETTRE XXVII.

ENNODIUS A L’ÉVÊQUE AURÉLIEN.

Il le complimente de son élévation récente à l’épiscopat. On se demande à quel siège fut élevé ce cousin d’Ennodius: Il y eut un Aurélien évêque d’Arles; mais à l’époque où fut écrite cette lettre, saint Césaire occupait ce siège et l’Aurélien son successeur, n’y monta qu’au moins trente ans après la mort d’Ennodius.

 

Debeo equidem dolori meo vocem, sed reverentiæ taciturnitatem. Et forte melius mœrorem de abstinentia sermonis vestri sequeretur muta dissimulatio: urbanum enim et subtile erat ut eisdem lineis quibus in me delinquitur potiorum delicta ferirentur, ut secum haberet culpa vindictam. Sed quo me vertam qui immemorem mei, et humilium notitiam respuentem, pertinacia amoris insequi non desisto? Nunquid non repudiati importunitas mater horroris est, cum placendi per assiduitatem desiderium materiam exigit displicendi? Nam quidquid mente fugimus, ingestum oculis vix videmus. O si mihi liceret adhuc æquali cum beatitudine tua sorte contendere! sed dormiunt apud coronam tuam propinquitatis privilegia, postquam pater esse meruisti. Retinet quisquam hominum perire suis jura necessitudinis incrementis, et accessione piæ dignitatis, et generis et diligentiæ vincla dissolvi? Ergo decuit evectionem meriti vestri instabili mihi esse rumore compertam, et de communibus gaudiis adhuc pendere opinione contentum? Electus sum cui bonum generale taceretur, ut rem aurei sæculi solus pro conscientiæ meæ obscuritate nescirem. Nobilis vita et genere apicem ecclesiastici honoris ascendit, et me dedignatur alloquio. Vere tale factum, aut studio aut negligentia evenerit, non probatur. Ego tamen servitia salutationis impendo, et Italica simplicitate, unde tristitiam habuerim, sine dissimulatione manifesto.

Ma peine exige que je parle, mais votre révérence mériterait que je gardasse le silence. Et peut-être que la manière la plus éloquente d’exprimer le chagrin que me cause votre longue négligence à m’écrire, serait encore de le dissimuler : c’eut été me venger d’une façon distinguée et peu ordinaire que d’y employer les procédés mêmes dont on a usé si outrageusement à mon égard, de telle sorte que la faute portât avec elle son châtiment. Mais que ferai-je, moi qui ne puis me dispenser de poursuivre avec la ténacité de l’amour celui qui m’oublie et dédaigne d’entrer en relation avec les humbles? Faudra-t-il donc croire que l’importunité de celui qui n’a pas été repoussé n’inspire que de l’horreur, puisque le désir de plaire par son assiduité n’atteint son but qu’à la condition d’apporter matière à déplaisir? Dès lors que notre esprit repousse un objet, on a beau nous le mettre sous les yeux, nous le voyons à peine. O s’il m’était donné d’entrer en lice avec votre béatitude à armes légales ! Mais depuis que vous avez mérité d’être père (évêque) vous laissez dormir auprès de votre couronne les privilèges de la parenté. Y a-t-il quelqu’un au monde qui estime qu’en prenant de l’accroissement les droits de la parenté périssent et que l’élévation à une vénérable dignité rompt les liens du sang et de l’affection? Il a donc fallu que l’élévation de votre mérite ne me fut signalée que par la vague rumeur de la renommée et que lorsque tout le monde se réjouissait, je demeurasse dans l’incertitude, faute de renseignements plus précis ! On a fait choix de moi pour me taire ce qui est un bienfait pour tout le peuple, et me laisser ignorer, dans la mesure de l’insuffisance de mes propres informations, un événement qui ramène l’âge d’or. Un homme noble par sa vie non moins que par sa naissance monte au sommet des dignités ecclésiastiques et ii ne daigne pas me le dire. En vérité, l’on se demande si c’est à dessein ou par négligence qu’un tel fait se produit. Quant à moi, je vous adresse l’hommage de mes salutations et avec la franchise italienne je vous déclare sans détour ce qui a fait ma peine.

 

EPISTOLA XXVIII.

ENNODIUS AGAPIO.

LETTRE XXVIII.

ENNODIUS A AGAPIUS.

Lettre de condoléance.

 

Duriter officium gestientis animi ad memoriam tristium mens recordatione stimulanda revocavit. Nam semper remedium oblivio doloris est; quia quod ratione non possumus, temporum prolixitate sepelimus. Bene est, quia diuturnitate senescit afflictio, et magni doloris consolatio per silentium procuratur. Nam in hujusmodi negotiis plus agitur nil agendo. Sed quid facio, quia epistolæ lectio jam obducta cicatricis penetralia rescindit, et sepultam immaturi funeris recordationem amara sorte vivificat? Ergo ego communi fratri consolationem dare poteram, cum si quid humanitatis in me esse creditur, sic dolerem? Aut unquam flens placuit consolator?

Ergo exspectatur medicina de morbidis? Non de me, domne Agapi, bene judicas, si et in germani tui mœroribus, et in obitu spiritualis filii, ego quasi opinioni tuæ disputator occurro. Sana pectora iter curationis inveniunt, nemo alterum unde ipse laborat absolvit. Sed hinc alias: potens est Deus, qui solus ad ista valet occurrere, et communis mali sublevare pressuram. Vos tamen honorificæ cultu salutationis impertiens, rogo, ut crebro mihi epistolaris commercii mune a conferatis, ad quæ studia pigrum esse nec amantem convenit, nec facundum.

Il est pénible pour un esprit ouvert à la joie d’être rappelé aux tristes pensées qu’impose le deuil dont le souvenir est ravivé. Le grand remède à la douleur, en effet, c’est l’oubli, et ce que la raison ne pourrait dissiper, avec le temps nous l’ensevelissons. C’est juste, car la durée émousse l’affliction et les grandes douleurs trouvent dans le silence leur plus prompte consolation. En ces sortes de choses le moyen d’obtenir davantage c’est de ne rien faire. Mais que fais-je moi-même? Car la lecture de votre lettre vient rouvrir la profonde cicatrice déjà fermée et raviver, hélas! le souvenir d’un trépas prématuré Pourrai-je donc, moi, donner quelque consolation au frère commun, alors que, si l’on m’accorde quelques sentiments humains, je suis moi-même si désolé? Ou bien pour que nos consolations soient efficaces nous faut-il pleurer nous-mêmes?

Alors c’est du malade que l’on attend le remède? Vous auriez de moi, cher Agapius, une fausse opinion si vous pensiez qu’au milieu des chagrins que vous cause, à vous, la mort d’un fils spirituel, je vienne discuter votre état d’âme. Aux cœurs qui ne sont pas blessés, de trouver la voie de la guérison : personne n’a jamais soulagé autrui d’un fardeau dont on est soi-même accablé. Mais passons à un autre ordre d’idées: Dieu est puissant; lui seul peut venir en aide en de telles extrémités et alléger le poids de notre commune affliction. Et cependant, en vous adressant l’hommage de mes respectueuses salutations, je vous demande de m’honorer fréquemment de la faveur de vos lettres. C’est un soin qu’il n’est permis de négliger ni à l’ami ni au lettré.

 

EPISTOLA XXIX.

ENNODIUS LIBERIO.

LETTRE XXIX.

ENNODIUS A LIBÉRIUS.

Il remercie le Patrice des faveurs que lui et les siens en ont reçues et lui demande de les continuer en procurant à sa cousine des Gaules, la veuve Camilla (IX, 9) un dégrèvement d’impôts.

 

Si pœtarum spiritus disciplina paginalis admitteret, centena ora et vox ferrea[5] vix quod celsitudini vestræ a me debetur verborum ubertate reseraret. Sed quia magnis obnoxius vix ad pauca sufficio, providi post Dei misericordiam vestræ gratiæ repensorem. Nam frater vester domnus Faustus, cum debere se beneficium quod mihi tribuis is eloquitur, ab imbecillis cervicibus gravis oneris sarcinas amolitur. Sunt inter duos præcelsos ista communia: vos vobis et dare digna nostis, et reddere; me sub fasce vestri muneris constitutum sola manet de obnoxietate confessio, dum præventum gratiæ vestræ mole quod voti compotem fecit, hoc imparem. Adsum tamen partibus meis, et inter orandum, quamvis peccator, Deum, ut pro me quoque vobis reddat, imploro. Ecce duo ista sufficiunt: nam et de cœlo pro me exspectatis quod vos exhibuisse meministis: et est æqualis, qui se debere fateatur in terris. Exspecto tamen beneficii vestri celeriter supplementum, ut litteras, quales per sublimem virum Tranquillinum sum precatus, accipiam. His tamen aliam vobis miserendi viam bene morum vestrorum conscius exhibebo. Camilla parens mea intra Gallias, et viduitatis miseria et geminæ jam captivitatis succubuisse fertur incommodis. Nemo est qui tam multiplices necessitates præter celsitudinem vestram possit avertere, generis mei patronus quod in Italia positis præstitit, non neget in Gallia, ut de casellulis ipsius, ordinatione vestra, dum ab eis fisci onera derivantur, ad præfatæ alimenta sufficiant.

Domine mi, salutationis servitia dependens, rogo ut portitorem præsentium, hominem meum quem ad hæc exsequenda destinavi, Deo vobis inspirante, meum effectum eminentia vestra jubeat commeare. Nunquid dubitare de postulationibus suis eum convenit, qui se novit et illa quæ non poposcerat, impetrasse?

Si le style épistolaire comportait l’emphase de la poésie je pourrai dire que cent bouches et une voix d’airain seraient à peine capables de proclamer ce que je dois à votre Altesse. Mais débiteur de si grosses dettes, moi qui puis à peine en payer de petites, j’ai trouvé quelqu’un qui, après la divine miséricorde, prend sur lui de vous payer. Votre frère, le seigneur Faustus, prétend qu’il vous est redevable des bienfaits dont vous me comblez et par là ii décharge mes faibles épaules d’un fardeau trop lourd pour elles. Dans le haut rang où vous êtes élevés il y a ceci de commun entre vous deux: vous savez vous donner et vous rendre mutuellement de dignes honneurs. Et moi, accablé sous le poids de vos bons offices, je ne puis que confesser ma dette, car l’étendue de votre faveur qui comble mes vœux, me rend par là même impuissant à dignement la reconnaître. Cependant je ne me dérobe point à mes obligations et dans mes oraisons, quoique pécheur, je supplie Dieu de vous rendre ce que je vous dois. Or ces deux choses suffisent: car vous attendez que le ciel vous paie pour moi de ce que vous savez m’avoir accordé et d’ailleurs c’est être en règle avec la justice de ce monde que de reconnaître sa dette. Et pourtant j’attends encore de votre part un prompt surcroit de faveur. Le sublime Tranquillinus a dû vous en présenter de ma part la requête et vous dire combien je désire que vous m’écriviez. Et moi, par cette lettre, confiant dans la connaissance que j’ai de votre obligeance, je vais vous indiquer un moyen nouveau d’aider des malheureux. Camilla, ma cousine, qui réside en Gaule, est, paraît-il, dans une situation lamentable. A la misère qui résulte pour elle de sa viduité viennent de s’ajouter les ruineuses dépenses d’une double captivité qu’elle s subie elle et son fils. Il n’est personne au monde que votre Altesse en mesure d’éloigner de sa tête de si nombreuses calamités. Vous, le protecteur attitré de ma parenté, ce que vous avez fait pour ceux d’Italie vous ne le refuserez pas à ceux des Gaules: par votre intervention les maisonnettes qu’elle possède, dégrevées des charges fiscales, suffiront à lui donner de quoi vivre.

Mon cher seigneur, en vous rendant les devoirs de mes salutations, je demande à votre Eminence d’ordonner, sous l’inspiration divine, au porteur des présentes, un homme de ma maison que je vous ai expédié tout exprès pour cette affaire, de me rapporter une décision favorable. Peut-on douter du résultat de ses requêtes lorsqu’on sait que même ce que l’on n’a pas demandé est obtenu?

 

EPISTOLA XXX.

SYMMACHO PAPÆ.

LETTRE XXX.

AU PAPE SYMMAQUE.

Cette suscription est ajoutée par Sirmond. Les anciens manuscrits, reproduits par les éditions nouvelles de Vienne et de Berlin, portent simplement SOUS LE SCEAU DU CHRIST.

Cette remarquable lettre fut écrite au pape Symmaque pour le complimenter de l’extinction du schisme de Laurent et du retour de la paix (505 ou 506). Ces heureux résultats étaient dus principalement à la bienveillante intervention de Théodoric qui fit triompher les droits de Symmaque. Ennodius profite de cette lettre pour faire du prince un fort bel éloge et acquitter, en quelque façon, la dette de reconnaissance dont le pape restait chargé vis-à-vis du roi.

 

In Christi signo.

Natura rerum est, ut etiam idoneus ore vel pectore possit de præsumptione culpari, quia omnis verborum commoditas humilitatis terminos egressa calcatur: et sicut habenda sunt quæ exiguntur in pretio, ita ingesta vilescunt. Importunitas cum facundos opinionis nobilitate dispoliet, dedecore vestit indoctos. Sed hac me ratiocinatione sustento, quia est quidem audax, sed amabile prævium præstitisse sermonem: et sicut vicimum temeritatis, ita proximum diligentiæ ad caritatem pertinens iter aperire. Inter Ecclesiarum homines nunquid reatus est, si pari amori contenderint dispares dignitate? aut excedunt modici honoris angustiam, qui desiderant suffragio gratiæ summatibus comparari? Non habet superbi conscientiam, qui se tantum in affectionis muniis non metitur. Præsumo dicere, subditorum error est, qui in hac re præcedentem antevenit. Ecce sic partes meas quasi voluntariæ allocutionis fuscatas nube purgavi. Sed dico quod ad defensionem spectat uberrimam. Filius vester domnus Rhodanius cœgit a me in usum styli præsentis erumpere. Fateor tamen, in studio meo fuisse quod jussit: quia qui volentem cœgerit, non laborat.

Deo gratias principe loco, et tota epistolæ concinnatione referamus, quia in societatem capitis sui aliquando Romana membra coierunt. Justum erat ut et beatus Petrus apostolus sedi suæ Ecclesias et senatui liberiori per Dominum partes debitas reformaret. Dignus regnator, dignus in quo cum ætate votorum summa contigerit. Nam etsi itura ad posteros felicitas perseveret, litandum illi est laudatione præcipua a quibus sumpsit exordium.

Deo efficaciter supplicastis, ut illius vos virtus erueret, cujus potest servare clementia. Didicistis ejus eventus prosperos, quem videtis dum mandat secutam bella victoriam. Parum superest, ut mansuetudinem mentis illius ita profundam teneatis, quasi sit ignara procinctuum. Deo tribuente, nec pax ejus turbari dubiis potest, nec fortitudo qualibet objectatione confringi. Nihil apud illum tutius supplicante: solus evasit præliares ac es, qui rogavit: vicit armorum impetus qui obtulit devotus ob equium. Quod vix veteres principes præsentiæ suæ sudore pot ti sunt, hoc semper regis nostri brevis procuravit epistola. Per excursus dirigitur felix exercitus ad triumphum. Quis credat militem ejus in labore et perfectione habere quidem superantis gloriam, sed continentiam subjugati? Consummatis congressionibus de iræ hæreditate nil remanet: uno tempore, quos perniciosos adversarii viderint, blandos sentiunt tributa pendentes. Et hæc quidem cœlesti præparantur pro hac repensione suffragio: quia fides nostra apud eum, aliud ipse sectetur, in portu est. Mirabilis patientia, quando tenax propositi sui, claritatem non obumbrat alieni: nam et Ecclesiarum nostrarum patrimonia relabi, nisi aucta fuerint, ingemiscit. Sic factum est, ut et statum suum locupletes pauperum substantiæ teneant, et mediocres ad supremam opulentiam convalescant. In sacerdotibus virtutes et innatas colit, et non repertas inspirat.

Sed cur beatitudinem vestram præjudicio diffusi sermonis anticipem? Continuo experientia vestra et spiritalis illa perfectio jejunum me fuisse in filii vestri laudibus accusabit: et cum soleant amplificari facta colloquiis, sterilem me relatorem de virtutum ejus messe causabitur. Jam sæculares apices, curules et trabeas, patricias etiam dignitates qualiter aut naturæ reddat aut moribus, domestici perlatoris astipulatione vulgetur. Nam et veteres in antiqua generis luce durare facit, et novos splendore inopinati fulgoris irradiat. Facilius respublica ejus bono dispensationis in privatam migrat opulentiam, quam famulantum census in palatina lucra commutetur.

Nunc quod superest, meæ servitiis salutationis acceptis, prospicite ut Christus Redemptor noster quæ in præfato clementissimo rege servientibus sibi contulit, longa ætate conservet. Det etiam regni de ejus germine successorem: ne bona tanti hominis in una ætate veterescant, et antiquata temporibus pro sola aurei sæculi commemoratione nominentur.

Sous le sceau du Christ.

Il est dans la nature que même avec les facultés qui donnent l’éloquence, on puisse être taxé de présomption; car le talent de parole qui franchit les bornes imposées à l’humilité, n’obtient que le mépris, et autant l’on apprécie des discours que l’on a exigés, autant ceux qui s’imposent eux-mêmes nous sont insupportables. L’importunité qui fait perdre aux orateurs de talent la réputation acquise, couvre de honte les ignorants. Mais voici le raisonnement sur lequel je prétends m’appuyer; il y a sans doute de l’audace mais aussi de l’amabilité à parler le premier et si c’est friser la témérité, n’est-ce pas aussi témoigner de l’affection que d’ouvrir la oie à l’amitié? Entre hommes d’église serait-ce un crime que de rivaliser en sentiments également affectueux alors que la dignité dont ils sont revêtus les tient en des rangs inégaux? Ou bien est-ce franchir les étroites limites des modestes honneurs auxquels nous avons droit que de prétendre à des témoignages de bienveillance qui nous mettent sur le même pied que les personnages du plus haut rang? On ne peut taxer d’orgueil celui qui oublie uniquement dans les offices de l’amitié, de tenir compte de sa mesure. J’ose l’affirmer: un inférieur est dans la droite voie lorsqu’il se laisse entraîner par son zèle à prévenir en ce point ses supérieurs. Je crois que me voici pleinement justifié. J’ajouterai cependant pour ma défense un mot qui la rendra plus que suffisante: votre fils, le seigneur Rhodanius, m’a contraint de produire cet écrit. Je dois pourtant avouer que son ordre me trouvait disposé d’avance à l’exécuter. Il n’y a pas grand peine à contraindre quelqu’un qui déjà veut ce qu’on lui demande.

Avant toute chose nous devons à Dieu des actions de grâces, et nous y consacrons toute notre lettre. Enfin les membres de Rome se sont réunis à leur chef; il était juste que le bienheureux Pierre, par le concours de notre prince, rendît à son siège la possession de ses églises et au Sénat plus libre l’exercice de ses fonctions. Roi vraiment digne du trône; heureux sujets qui virent leurs vœux les plus ardents réalisés! Car bien que l’heureuse prospérité dont nous jouissons aujourd’hui, soit durable et doive passer à nos neveux, il est juste d’en faire honneur à ceux qui en furent les premiers auteurs,

Dieu vous a exaucé lorsque vous l’avez supplié de vous délivrer par le bras de celui dont la clémence peut vous protéger. Vous le savez, lorsqu’il part pour la guerre, les heureux succès montrent la victoire enchaînée à ses pas. Faut-il ajouter que la douceur de son esprit est si grande qu’il semble ignorer ce qu’il en est de tirer l’épée! Par une faveur de Dieu, ni l’incertitude des événements ne peut troubler sa pair, ni un obstacle quelconque résister à sa valeur. Auprès de lui, la voie la plus sûre est celle de la prière; seul le suppliant a échappé à ses armes; seul a triomphé de ce vainqueur celui qui a su se soumettre. Ce que les princes d’autrefois obtenaient à peine par leur présence, une courte lettre de notre roi suffit toujours à l’emporter. Son armée n’a qu’à marcher pour triompher: et, qui le croira? ses soldats glorieux, au sein de la victoire, sont modérés comme des vaincus. La lutte terminée, il ne reste pas trace de haines héréditaires : immédiatement ces peuples qui avaient si énergiquement résisté à l’ennemi se montrent faciles à lui payer le tribut. Et tous ces heureux succès ne sont que la récompense providentielle des services rendus à l’Eglise, car auprès de lui notre foi est pleinement à l’abri, bien que lui-même tienne une autre croyance. Admirable tolérance que de rester attaché à son opinion sans s’offusquer du crédit d’opinions étrangères! Il ne lui suffit pas de voir leurs patrimoines retourner à nos églises; il veut y ajouter; celles qui étaient pauvres deviennent riches et celles qui tenaient une situation médiocre touchent à l’opulence. Il s’applique à cultiver clans le clergé les vertus qu’il y trouve innées; il lui inspire celles qui lui manquent.

Mais pourquoi imposer à votre Béatitude les inutiles longueurs de mon discours? Votre propre expérience et les lumières de votre esprit si pénétrant, ne tarderont pas à m’accuser de n’avoir su donner à votre fils que de bien pauvres louanges et tandis que d’ordinaire l’on embellit par le discours les actions dont on fait l’éloge, j’encourrai le reproche de n’avoir été qu’un stérile panégyriste de ses riches vertus. Comment il honore les dignités séculaires que distinguent la Curule ou la trabée ou le Patriciat, comment il les attribue à la naissance ou au mérite; mon porteur domestique vous le dira de vive voix. Car il sait maintenir dans l’antique éclat de leur race les rejetons des vieilles familles et quant aux nouveaux venus, il les illumine d’un éclat inopiné. Sous son administration la fortune publique va plutôt enrichir les particuliers que les tributs payés par ses sujets ne remplissent les coffres du palais,

Et, maintenant, pour ce qui reste, daignez agréer l’hommage de mes salutations, et procurez par votre prière que le Christ notre Rédempteur continue longtemps à ses serviteurs les faveurs qu’il leur accorde par notre très clément roi. Qu’il nous donne aussi de sa race un successeur à son trône, afin que les bienfaits d’un si grand homme ne passent pas en une génération, de sorte que bientôt il n’en resterait plus que le lointain souvenir d’un âge d’or.

 

EPISTOLA XXXI.

ENNODIUS AVIENO.

LETTRE XXXI.

ENNODIUS A AVIÉNUS.

Aviénus vient de se marier; Ennodius adresse aux jeunes époux des vœux et de précieux conseils. On peut rapprocher de cette lettre l’oraison insérée à la fin de la messe de mariage, où l’on retrouve les mêmes souvenirs bibliques (IX, 34).

 

Dum jucundis adhuc, Deo dispensante, fruerer de præsentiæ vestræ vicinitate conspectibus, et amabilia colloquiorum mella venerabili mendacio retineret auditus, occasio mihi scriptionis oblata est. Fateor, diu nolui medicinam desiderii, dum altera procuratur, irrumpere. Delectabat series animo meo pia ludificatione blandita, nolebam conscius deprehendere quæ pascebat in amore fallaciam. Bene enim sapit studiis nostris obsecuta seductio, et pro vero libenter admittimus dulcium imagines nuntiorum: grata somnia quoties fugantur vigiliis, ingemiscimus, et illud mortis simulacrum de placidis deceptionibus plus amatur. Ergo nunc mihi, quia illud quod præfatus sum stare non licuit, exsequendum est quod remansit. Aliquis hominum pro peccati sui onere sic laborat? affligerer nisi vos viderem: ad cupita perductus maceror, quia quæ poscebamus, Deo tribuente, concessa sunt. Nunquid alicui accessit de lætitiæ occasione quod torqueat, aut de messe gaudiorum egressa est planta tristitiæ?

Gratias inseparabili Trinitati, Deo vero, qui ut vota impleat, aliquotiens vota contemnit. Ipse ergo conjunctionis tuæ copulam respiciat: ipse unum faciat ex duobus, in primi hominis corpore, dum adhuc nativa et intemerata immortalitate gauderet, utrosque formavit. Jungatur tibi uxor, ut Abrahæ Sarra, ut Isaac Rebecca, ut Jacob Rachel cœlesti benedictione sociata est.

Habeas continentis præviam frugem, et dulcedinem conjugati: legi Dei pareat solutio virginalis, dum quod in se subtrahit, reddit in sobole. Nesciat externam diligentiam bene in vobis solidata communio: illa matrem tuam moribus et conversatione restituat, tu parentem. Non pareat mundo majorum tuorum, dum in te renascitur, amplectenda formatio. Nequaquam peregrina vitæ exempla, nec non adventitia postulantur: in oculis locata sectamini. Ecce ego, qui hymenæis tuis interesse non potui, hac te precum mearum prosecutione convenio: vos ad vicissitudinem exhibete crebra colloquia.

Salutationis amorem et reverentiam persolvens, rogo ut si memoriam mei de illa locupleti recordatione non truditis, et orationibus me et colloquiis sublevetis.

Comme il y a peu de temps que vous étiez ici, je jouissais encore, grâce à Dieu, des charmes de votre présence il me semblait vous voir et mon oreille, par une illusion trop douce, retenait les délicieux accents de vos entretiens lorsque s’est offerte l’occasion de vous écrire. Longtemps, je l’avoue, j’ai différé de rompre, en vous écrivant, le charme de cette imagination qui dissipe pour un temps le chagrin de ne plus vous avoir. Je me plaisais en cette chère illusion de votre présence; je me refusais à reconnaître l’erreur dont se repaissait mon affection. Car on prend plaisir à une illusion qui cadre avec nos désirs et, volontiers, nous tenons pour réalité les douces imaginations que provoquent d’agréables nouvelles. Nous déplorons le réveil qui fait évanouir des songes agréables et ce sommeil, image de la mort, est préféré, pour le charme des rêves trompeurs. Mais parce que cette douce illusion ne pouvait toujours durer, il me faut en revenir à ce qui me reste, je veux dire à vous écrire.

Est-il un homme au monde qui souffre autant pour l’expiation de ses péchés? Ne plus vous voir est ma désolation. L’accomplissement de mes vœux cause mon tourment et je suis dans la peine parce que Dieu nous a accordé ce que nous souhaitions. A-t-on jamais vu cela ; ce qui devrait réjouir devenir un tourment et d’une moisson de joies surgir une plante de tristesse?

Grâces soient rendues à l’indivisible Trinité, au vrai Dieu, qui pour combler nos vœux, parfois, parait les mépriser. Qu’il daigne abaisser son regard sur votre mariage. Que de vous deux il ne fasse qu’un, lui qui du corps du premier homme encore dans sa pureté originelle et destiné à l’immortalité, forma l’un et l’autre de nos parents. Qu’à vous s’unisse votre épouse comme à Abraham Sara, comme à Isaac Rebecca, comme à Jacob Rachel, comblée des bénédictions du ciel.

Ayez le mérite de la continence en goûtant les fruits et la douceur du mariage; que la loi de Dieu règle ta fin de la virginité en sorte qu’elle trouve dans la progéniture une juste compensation. Unis d’un indissoluble lien, ignorez toute affection étrangère. Par ses vertus et la douceur de sa vie, elle vous rendra votre mère;[6] vous lui rendrez son père. Les belles traditions de vos ancêtres ne se perdront pas; vous les ferez revivre. Vous n’avez en effet nul besoin de chercher au dehors et chez des étrangers les modèles à suivre: vous les avez sous tes yeux. Et moi qui n’ai pu assister à votre hyménée, voilà, cher Aviénus, les vœux que j’adresse au ciel pour vous. En échange faites-moi la faveur de fréquents entretiens.

Mon cher seigneur, en m’acquittant du devoir aimé de vous saluer je vous demande, si mon souvenir n’est pas exclu de votre si riche mémoire, de m’accorder l’assistance et de vos prières et de vos entretiens.

 

EPISTOLA XXXII.

ENNODIUS ADEODATO PRESBYTERO.

LETTRE XXXII.

ENNODIUS AU PRÊTRE ADÉODAT.

Il lui confie le chagrin que lui cause le départ de son brillant et cher élève Aviénus qui rentre à Rome pour se marier. Echange de manuscrits.

 

Quantum a me merito, quantum actione sis clarior, orationum tuarum reserabit effectus. Ecce domni Fausti filii tui abstractam de solatio meo partem maximam tu tenebis. Ego quidem sanctis et legalibus desideriis precum impedimenta non attuli: sed tanta me domni Avieni perculit pro ejus caritate discessio, ut lacrymis prosequerer et ad optata tendentem. Patuit humanarum rerum in hac causa de diversitate formatio. Illum evocant, Christo duce, votiva; me feriunt. Illi blanditur de conjunctione vicinitas, me de sequestratione compungit. Ecce de precam mearum fruge sollicitor: et adeptos nos, si quid in hac parte postulatum est, quod cum Christi pace dici liceat, ingemisco.

Sed inter hæc tali diligentiæ curatione sustentor, quia domnum Avienum superantem vota reddidimus. Habet de origine ejus Roma jactantiam, Liguria de profectu: ibi domno Fausto filius naturæ lege concessus est, hic eruditione patefactus. Minus fuit cum generalitate hominem nasci, quam quod inimitabile videbatur, Fausti sobolem comprobari.

Referamus ad Deum beneficia sua, et ipsi pro illo redhibeamus gratias, a quo poposcimus quæ tenemus. Vos salutationis meæ obsequia pro sancti pectoris vestri puritate suscipite; et codicem recipientes meum, cum illo qui a vobis promissus est, destinate.

Combien votre mérite, combien vos œuvres vous élèvent au-dessus de moi! L’effet de vos prières le montre clairement Vous allez donc posséder ce que le Seigneur Faustus, votre fils, a de meilleur; et moi je perds mon unique consolation. Je n’ai point opposé à de saints et légitimes désirs l’obstacle de mes prières; mais j’aimais tant le seigneur Aviénus et son départ me fit une si grande peine, que je l’accompagnai de mes larmes bien que mes vœux se trouvassent réalisés. On peut voir en cette rencontre comment les choses humaines ont des destinées diverses. Par la grâce de Jésus-Christ il s’élève à la fortune que nous pouvions souhaiter et du même coup je suis accablé; la pensée qu’il va bientôt se marier le réjouit et celle que je vais me trouver seul me poignarde. Ainsi le fruit de mes prières exaucées fait mon tourment et si, de ce côté, l’on a demandé quelque chose, soit dit, sans offenser le Christ, je gémis de nous voir exaucés.

Il est cependant, au milieu de tous ces chagrins, une pensée qui me console, c’est que, par nos soins, le Seigneur Aviénus a surpassé nos vœux et nos espérances. A Rome appartient la gloire de lui avoir donné le jour, à la Ligurie celle de l’avoir élevé ; là il fut donné pour fils à Faustus par la loi de la nature; ici par sa science il s’est montré digne de l’être. C’était peu de naître comme le commun des hommes, mais il semblait impossible de se faire reconnaître pour le digne fils de Faustus.

Rapportons à Dieu ses bienfaits et rendons-lui grâces de les avoir accordés à nos prières. Vous, recevez dans la sainte pureté de votre cœur l’hommage de mes salutations et prenez soin de me renvoyer le manuscrit que je vous adresse avec celui que vous-même vous m’avez promis.

 

EPISTOLA XXXIII.

ENNODIUS CÆSARIO EPISCOPO.

LETTRE XXXIII.

ENNODIUS À L’ÉVÊQUE CÉSAIRE.

Cette lettre se rapporte au voyage de S. Césaire à Ravenne, où il eut à se justifier devant Théodoric du soupçon de trahison formé contre lui durant le siège d’Arles par les Francs et les Burgondes, en 510. Il se hâta d’annoncer le succès de sa démarche à Ennodius qu’il avait peut-être vu en passant à Milan. Ennodius qui connaissait Théodoric, avait dû encourager Césaire et lui donner bon espoir, car il semble s’en applaudir dans cette réponse qui reste un magnifique éloge du grand évêque, alors la lumière de l’église des Gaules. S. Césaire quitta Ravenne grandi et se rendit à Rome pour y visiter te tombeau des Apôtres. Le pape Symmaque l’accueillit comme le personnage le plus illustre de l’église d’Occident; il lui donna le Pallium, l’institua légat du Saint Siège pour les Gaules et l’Espagne, avec la charge de veiller au maintien de la discipline dans ces deux pays et confirma, en sa considération, les antiques privilèges de l’église d’Arles. A partir de ce moment jusqu’à sa mort (562), S. Césaire fut à la tête des affaires ecclésiastiques des Gaules. Il convoqua et présida de nombreux conciles dont le plus célèbre est le second d’orange (529), où fut condamné le Semi-Pélagianisme et dont les décrets font autorité à l’égal de ceux des conciles généraux.

 

Quod spe præceperam, litteris indicastis. Nam venerandi promulgatione colloquii, quid cœlestis imperator domnum regem circa vos facere compulisset, agnovi: ego sum, cui postquam meritum vestrum patuit, nequaquam se felicitas actionis abscondit. Qui hominum nobilissimo in Christi servitute pontifici terrenas dominationes nesciat esse subjectas, et minacem reis potentiam innocentiæ objectione superari, quando principalis purpura aut cilicia despexit, aut pallium; quando libertas illa potissima credidit, sibi ante Christianam humilitatem licere quod voluit; aut quando ei licuit velle quod læderet? Quod si inter hæc canæ ætatis exempla recolantur, et sævitiam circa cultores Dei tyrannicam reducas in medium, scimus quia ab illis nostri dogmatis sectatores, ne unquam morerentur, occisi sunt. Tunc militibus suis vitam, æternitatem, obsequente gladio perpetuus ille dux contulit. Illi inimicorum suorum ministerio perdiderunt originariam vilitatem. Te, mi domine, in orbe jam Christiano diva lex peperit, et apostolici uberis lacte nutrivit: tu cæteros velut solis magnitudo astris minoribus comparata transgrederis: te qui interioris hominis oculis inspexit, instructus est. Nam et cum facie ipsa foveas puritatem, delinquentes feriato ore castigas. Boni de conversatione tua, quocunque processeris, imitanda inveniunt: malis fugienda demonstrantur. Beatus tu, cui a Deo tributum est ut et monitis doceas et exemplis: qui ad pii iti eris directum semper existens prævius invitasti: quis non optet, te loquente, ut sciat plura, non legere? Tu dum libris genium relatione concilias, et magistros informas: tibi debet quicunque ille sc iptorum maximus, quod eum dote elocutionis amplificas. In te lux convenit sermonis et operis. Unde hæc prærogativa Transalpinis? unde parentibus meis inauspicata sublimitas, ut talem virum miserint? Sed cur inter terrena quæritur res cœlestis? Potuit ergo ante te quodlibet palatii supercilium non jacere? potuit tibi cupita subtrahere, quem mitiorem ovibus sola faciunt errata pugnacem?

Latius me et meritum vestrum vocat et diligentia: sed loquacitatem meam lex epistolaris includit. Quod superest, benigni servitutis meæ munus accipite, et me Deo nostro orationum suffragiis intimate, frequenter de his quæ vobiscum aguntur vel acta sunt, informantes. Deprecor etiam ut quid apud vos promoverit Rustici supplicat, qui, quantum audio, fornicationes suas nomine vestit uxorum, et vocabulo legis putat excusari posse rem criminis, mihi manifestes ministerio litterarum.

Ce que l’espoir m’avait fait pressentir, votre lettre me l’annonce. A sa lecture, j’ai reconnu la main de Dieu et ce que le Maître du ciel avait contraint notre seigneur roi de faire à votre égard quant à moi, dès lors que votre mérite me fut connu, je ne doutais plus de l’heureux succès de l’affaire. Qui donc pourrait ignorer qu’un très noble pontife attaché au service du Christ domine les puissances de la terre et que le pouvoir royal, redoutable aux criminels, cède devant l’innocence? Quand vit-on la pourpre mépriser les cilices ou le pallium? Quand cette liberté suprême du pouvoir absolu eut-elle la prétention de l’emporter sur l’humilité chrétienne et de se permettre, au détriment de celle-ci, ce qui pourrait lui plaire? c’est-à-dire, lui fut-il jamais permis de vouloir l’injustice? Que si l’on veut objecter à ce propos ce qui se passa en un temps déjà reculé et rappeler le souvenir des cruautés tyranniques exercées contre les serviteurs de Dieu, nous savons que les martyrs de notre foi n’ont été mis à mort par les persécuteurs que pour devenir immortels. Le chef éternel qui commandait à ces vaillants soldats, leur a fait trouver, sous les coups du glaive qui les frappait, la vie et l’éternité: grâce à leurs ennemis ils ne gardent plus rien de ce qu’il y avait de vil dans leur origine. Vous, mon Seigneur, la Providence vous a donné au monde déjà chrétien et vous a nourri du lait de la doctrine apostolique. Vous surpassez tous les autres comme l’éclat du soleil éclipse les astres inférieurs; il suffit pour s’instruire, de vous considérer des yeux de l’homme intérieur. Votre seul aspect inspire la pureté et, sans même ouvrir la bouche, vous réprimez l’inconduite. En toute occurrence les bons trouvent en vous à imiter, les méchants à se corriger. Combien vous êtes heureux d’avoir reçu de Dieu le don d’instruire et par vos leçons et par vos exemples, d’indiquer constamment, en y marchant le premier, le droit chemin de la piété! Lorsque vous prenez la parole qui ne se hâtera pour apprendre davantage, de fermer le livre et de vous écouter? Car par vos commentaires vous enrichissez le texte du livre et vous prêtez votre science aux docteurs qui l’ont écrit. Les écrivains les plus fameux vous doivent d’être enrichis des trésors de votre éloquence. Vous réunissez en votre personne l’éclat des œuvres et celui de la parole. D’où vient aux Transalpins une telle prérogative, d’où une gloire si inopinée à mes parents, que de nous envoyer un tel homme? Mais pourquoi chercher sur terre ce qui est du ciel? A votre apparition dans le palais, s’y est-il trouvé quelque courtisan dont l’orgueil ne se soit abîmé? Pouvait-il ne pas accéder à vos désirs ce Prince plus doux qu’un agneau et qui ne s’attaque jamais qu’aux errements?

Votre mérite et l’affection que je vous porte m’entraîneraient à en dire bien davantage, mais je dois me taire pour ne pas franchir le cadre obligatoire d’une lettre. Pour le surplus, daignez accueillir avec bienveillance cet hommage de votre très humble serviteur et m’accorder auprès de notre Dieu les suffrages efficaces de vos prières; et puis informez-moi fréquemment de ce qui se passe autour de vous et donnez-moi de vos nouvelles. Je vous prie encore de me faire connaître par écrit les résultats de la supplique à vous adressée par Rustique. Autant que j’en suis informé, c’est un homme qui couvre ses fornications du nom d’unions conjugales et qui s’imagine qu’il suffit d’invoquer une loi pour justifier des crimes.

 

EPISTOLA XXXIV.

ENNODIUS AVIENO.

LETTRE XXXIV.

ENNODIUS A AVIÉNUS.

L’évêque de Milan fait en instance auprès des Faustus pour une affaire au sujet de laquelle il avait dépêché à Rome un exprès. Ennodius en profite pour écrire à Aviénus nouvellement marié une nouvelle lettre où il le félicite des mérites que la renommée attribue à sa jeune femme (IX. 31).

 

Ubi sunt, qui dicunt inter habitatione discretos diligentiam non durare, et affectionis calorem terrarum divisione tepescere, nec longius procedere mentes posse, quam oculos? Ecce amoris mei plenitudo violentia sequestrationis exæstuat, et colloquii medicina languidior corporis sedibus non tenetur. Deum tamen qui, circa vos respexit vota nostra, benedico, qui vos non solum nobili, sed, quantum fama nuntiat, sancta moribus uxore donavit. Cultores Christi perfecta omnia promerentur, ipsis solis in conjunctione, opum, mentium et sanguinis claritas non negatur. Ipse præcipiebam quod possit talis effici, qualem ad te audio jam venisse. Transit æstimationem meam quid de ejus hominis profectu sentiam, quem audio ab optimis inchoasse.

Domine mi, gratiam salutationis impertiens, spero ut petitionem tancti episcopi patris vestri dignemini incunctanter efficere, et homini ipsius classici illum de quo securus sum, grate animum condonare.

Où sont ceux qui prétendent que les distances tuent l’affection, que ses ardeurs s’éteignent à mesure qu’on s’éloigne et que le cœur ne porte pas plus loin que tes yeux? Quant à moi je sens mon cœur impuissant à contenir la violence de l’amour qui l’embrase et, même lorsque je vous écris, ce n’est qu’un faible palliatif qui ne peut calmer ses transports. Cependant je bénis Dieu d’avoir, à votre égard, exaucé nos vœux; de vous avoir donné une épouse que distingue non seulement la noblesse de sa naissance, mais encore, autant que l’annonce ta renommée, la sainteté de sa vie. Les fidèles disciples du Christ obtiennent en tout la perfection seuls, dans leur mariage, ils réunissent à l’éclat des richesses et de la naissance, l’excellence des âmes. Quant au vôtre, ce que par avance j’avais désiré, l’épouse qui vous est venue, à ce que j’apprends, le réalise pleinement. Je ne puis exprimer ce que j’attends des progrès d’un homme dont les débuts sont proclamés si éminents.

Mon cher seigneur, tout en vous rendant l’honneur de mes salutations, j’espère que vous daignerez réaliser sans délai ce que vous demande le saint Evêque votre digne père, et que vous accueillerez l’envoyé de ce prélat éminent avec ces sentiments de bienveillance dont j’ai la parfaite assurance.

 

EPISTOLA XXXV.

ENNODIUS MESSALÆ.

LETTRE XXXV.

ENNODIUS A MESSALA.

Messala va faire un riche mariage; il paraît en oublier ses vieux amis.

 

Solent inauspicata felicitate superbarum mentium colla mollescere, et rigidioris propositi novo gaudio supercilia temperari. Nam benignitatem seminat quidquid votis obsequitur, nec plus aliquid humiliat potissimos quam optata sublimitas. Indicium communionis et obsequii est, ad apicem pervenisse. Tu postquam ad cupita provectus es, ignorato hactenus tumore me despicis: et quid in melle tuo respicias oblitus, de sola amicos veteres futuræ uxoris opulentia contemnis, nesciens sarcinam venire unde æstimas commeare rem præmii: primum quod mobilem esse non decet, qui originis suæ radios non obumbrat: deinde, quia unde despicior, vindicabor. Ergo ad usum promissionis benigne revertere, ne videar manifesta suspicatus. Ego, quia hactenus ab scriptionis munere temperastis, in hæc verba prorupi: vos aut factum diluere, aut affirmare innocentiam convenit nobilitate sermonis.

Domine mi, salutationis plenissimæ officia persolvens, spero ut qui diligentem neglexisti, saltem alioquiis facias dignum arguentem.

D’ordinaire on voit, sous le coup d’une bonne fortune inattendue, mollir l’orgueil des esprits superbes, et la fierté des plus rigides tomber au souffle de la joie. La bienveillance nait d’elle-même dès lorsque les vœux sont comblés et rien n’oblige les puissants à s’abaisser comme la grandeur tant désirée, Qu’ils parviennent au faîte, vous les trouverez partisans de l’union et tout disposés à vous être agréables. Mais vous, au contraire, depuis que vous êtes parvenu au comble de vos vœux, avec une fierté que je ne vous connaissais pas, vous n’ayez plus pour moi que du dédain. Oublieux de ceux auxquels vous devriez votre bienveillante considération, la seule perspective de l’opulence de votre future épouse vous fait mépriser vos vieux amis et vous ne prenez pas garde que ce que vous estimez une bonne fortune vous deviendra un lourd fardeau, d’abord parce que celui qui ne veut pas voir pâlir l’éclat de son origine, doit éviter d’être inconstant, et puis parce que si je suis méprisé, j’en serai vengé. Hâtez-vous donc de revenir à tenir ce que vous m’aviez promis, sans quoi l’évidence confirmera mes soupçons. Quant à moi, si je me suis laissé emporter à cette violente sortie, c’est que depuis longtemps vous négligez décrire. A vous de vous justifier ou d’affirmer votre innocence en y mettant toutes les élégances du discours.

Mon cher seigneur, daignez agréer l’hommage de mes salutations très empressées et me laisser espérer que si vous m’avez négligé lorsque je vous prodiguais les témoignages d’affection, lorsque je vous accable de reproches vous me ferez l’honneur de vos entretiens.

 


 

[1] Cf. Opusc. vi.

[2] C’était au dire de Sidoine Apollinaire, une opinion commune qu’il y avait comme une incompatibilité entre la profession religieuse ou la cléricature et le culte des muses. On considérait la poésie comme une occupation frivole, indigne d’un clerc.

Sollicité par l’évêque espagnol Oresius de lui envoyer des vers, Sidoine s’en excuse en ces termes: « Depuis que j’ai embrassé l’état ecclésiastique. J’ai absolument renoncé à la poésie, parce que l’on pourrait m’accuser de légèreté si je m’adonnais encore à une chose frivole, quand je ne dois songer qu’à des occupations sérieuses. » Primum ab exordio religiosœ protessionis huic principaliter exercitio renuntiavi, quia nimirum facilitati posset accommodari, si me occupasset levitas versuum quem respicere cœperat gravitas actionum.

Cependant comme il lui en coûte de répondre à Oresius par un refus, « je prendrai, conclut-il, un certain milieu, et sans composer aujourd’hui de nouvelles pièces, s’il me reste quelques lettres entremêlées de vers, écrites avant que je ne fusse astreint aux devoirs de ma profession actuelle, je te les enverrai, en te priant de ne point être assez injuste pour aller croire que jamais je ne cesserai d’écrire de semblables bagatelles. »

Sidon. Epist. IX, 12. Traduction de Grégoire et Colombet, Lyon 1839, t. II.

[3] Faustus, préfet du Prétoire. Voir la lettre suivante.

[4] Allusion à la femme ou bien à la fille de Faustus dont Ennodius rappelle ailleurs (IV, 11) la sainte mort qui devait être récente.

[5] . Cf. Virg. Georg. II, 43-44, Asen, VI, 625, Lucr. VI, 840, Pers. I, 29, Hostius ap. Macrob. Sat. VI. 3, 6.

[6] Cynégie déjà morte.