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CATHEDRAL CHURCH
OF SAINT ENNODIUS AND SAINT VERONICA
AT WENCHOSTER

 

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ENNODIUS

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

LETTRES

LIVRE IV

livre I - livre II - livre III - livre V


 

 

 


 


 

LIBER QUARTUS.

LIVRE QUATRIEME.

EPISTULA PRIMA.

SYMMACHO PAPÆ ENNODIUS.

LETTRE I.

ENNODIUS AU PAPE SYMMAQUE.

Il proteste de son dévouement au saint Pape et l’informe que ses ordres ont été transmis à l’évêque d’Aquilée Marcellianus, pour le charger d’une légation. Cette lettre fut écrite au lendemain des affaires du schisme, vers 504.

Boni imperatoris est probatam in acie militis animare virtutem; ut fortitudo laudis pabulis invitata, in secundis congressibus dediscat lucis affectum. Cujus robur ducis præconio non nutritur? Quibus se denegent etiam minus valida tironis membra conflictibus, quando rectoris testimonio videt sibi non perire quod gesserit? Sola via est qua ad præliandum crescat intentio, quotiens bene gesta non delet oblivio. Utinam divinitas vestris mota precibus diabolicum certamen interimat! Utinam devotionem meam in pace manifestet! ut cujus studium resignavit adversitas, illius concordia commendet obsequium. Ad Marcellianum episcopum directa est a fratre vestro instructa legatio: sed quid promoverit ipse rescripsit. Quod restat, porrectis salutationis precor officiis, ut quidquid ægrum est medica oratione curetis: et inter latentium secreta morborum, qui in generalem necem servatur, ferro spiritali resecetis errorem. Vale.

Il est d’un bon général d’animer le courage du soldat qui a fait ses preuves au jour de bataille pour que l’appât de la louange invite les cœurs généreux à marcher à d’heureux combats sans regret de la vie. Quel est le soldat qui ne sente sa valeur redoubler en entendant le capitaine faire son éloge? A quels engagements se refusera la recrue la moins aguerrie dès lors que le témoignage du chef assure ce jeune soldat que rien de ce qu’il fera ne sera oublié? Le seul moyen d’accroître l’ardeur des combattants, c’est de ne pas laisser les belles actions tomber dans l’oubli. Plaise à la divinité, touchée par vos prières, de mettre fin aux combats du démon. Qu’elle daigne manifester mon dévouement durant la paix et que si l’adversité a mis en évidence mon zèle à vous défendre, le règne de la concorde me signale comme votre plus humble serviteur. L’évêque Marcellianus a reçu de votre frère les instructions au sujet de sa légation ; mais il a écrit lui-même quels résultats il a obtenus. Il me reste à vous offrir les devoirs de mes salutations et à vous demander d’appliquer vos prières, comme une salutaire médecine, à guérir tout ce qui est malade, de porter le fer spirituel dans les secrètes profondeurs du mal, pour extirper l’erreur dont le venin cause la mort d’un si grand nombre. Adieu.

EPISTULA II.

ENNODIUS ALICONI.

LETTRE II.

ENNODIUS A ALICON.

Il est heureux d’entrer en relation avec lui.

Venerabilis Amantius presbyter, dum ad vos paginas exigit, rem devotionis meæ sui esse fecit imperii. Felix necessitas, quæ votis præstat obsequium: libera præeminentis jussio, quæ servit affectui. Debet mihi coactor, quod meæ præstitit voluntati: prospera est scriptio, quæ testimonium tribuit bis amori: dum et novum in jus diligentiæ attrahit, et amici senioris pectus obligat: qui dum magnitudinis tuæ fidelis præco est, prius vos per astipulationem suam fecit eligi, quam agnosci. Raro notitiam præcessit affectio: cui contigit ante placere, quam inspici? Quantum apud me pondus est perlatoris, advertite, ad cujus nutum judicia nostra flectuntur: vidimus quem didicit: quem laudat amplectimur. Sæpe in solido constituta mens propria amico cedit examini. Merito ergo suspicimus, quos probatus extollit.

Nunc si ubertatem gratiæ ingenii macies explicaret; si ad fontem fœderis aridi sermonis non lassaretur infantia; si epistolaris qualitas quæ etiam copiosis eloquentia frenos imponit, progredi me ad longiora permitteret: assererem quanta nobilitas tua mihi debeat, quod ad epistolare commercium primus accessi, et januam diligentiæ reseravi clave sermonis.

Bajulus tamen precor ut pro his quæ tribuit redametur. Ecclesiæ causas insinuo: quia quod spei meæ impenditur, vobis crescit ad meritum.

Domine mi, effusissimæ salutationis munus impendens, quæso ut si vobis cordi est oblationem meam de libamine caritatis accipere, religionem amicæ conscientiæ reseretis alloquio.

Le vénérable prêtre Amantius en exigeant de moi une lettre pour vous, fait à mon dévouement, un appel que je considère comme un ordre. Heureuse nécessité qui répond à mes plus vifs désirs : libre prescription d’un supérieur qui s’accorde avec mon inclination. On paraît me forcer la main alors que j’obéis à ma propre volonté : l’heureuse lettre qui du même coup donne un double gage à l’amitié! D’une part elle attire un nouveau cœur sous les lois de l’affection et de l’autre elle oblige un vieil ami. Il m’a parlé de vous en termes si élogieux qu’il vous a fait prendre en amitié avant même d’être connu. Il est rare que l’on aime avant de connaître : qui donc eut jamais le don de plaire avant d’être vu? Remarquez de quelle considération jouit auprès de moi le porteur il est l’arbitre de mes appréciations; dès lors qu’il connaît quelqu’un c’est comme si moi-même je l’avais vu; il suffit de mériter ses éloges pour obtenir toute mon estime. Souvent notre esprit ne prend pas la peine de se former une opinion pour adopter celle d’un ami. C’est donc à bon droit que nous entourons de considération ceux qui obtiennent les éloges d’un homme qui lui-même jouit de toute notre estime.

Et maintenant si la pauvreté de mon talent pouvait exposer les sentiments dont mon cœur est rempli, si l’aridité de ma parole ne me faisait sentir son impuissance à exprimer les jaillissements de cette source d’affection, si le cadre d’une lettre qui impose des limites même à ceux dont l’éloquence est la plus abondante, me permettait de m’étendre plus longuement, je démontrerais combien votre noblesse m’est redevable de ce que je lui ai fait les avances du commerce épistolaire, de ce qu’avec la clé de la parole je lui ai ouvert la porte de l’a initié.

Je vous prie d’accorder votre affection au porteur pour le payer de ce qu’il a fait pour moi en me mettant en relation avec vous. C’est la cause de l’Eglise que je plaide, et ce que vous ferez pour réaliser mes espérances sera pour vous un accroissement de mérite.

Mon cher Seigneur, en vous payant le tribut de mes salutations les plus empressées, je vous en prie, si vous daignez accueillir favorablement mon offrande d’amitié, donnez-moi par une lettre le témoignage de vos sentiments affectueux. Adieu.

EPISTULA III.

EULALIO EPISCOPO ENNODIUS.

LETTRE III.

ENNODIÛS A L’EVÊQUE EULALIUS.

Dogme de la communion des Saints auquel, dans une autre lettre à Eulatius (iii, 18), Ennodius fait allusion, ici explicitement professé. Réversibilité des expiations et des satisfactions.

Trinitati gratias Deo nostro, qui fascem quo deprimor peccatorum, fortis apud se viri alacritate sustentat: qui memoriam mei in illo sancto pectoris tui templo quo gaudet Christus, subtilis fabricator interserit: ut quod propriæ conservationis nube fuscavi, splendida conscientiæ serenitate detergeat. Jam novi quia non inefficaciter funduntur lamenta peccantium. Hoc mihi principe loco oratio mea, hoc lacrymæ contulerunt, ut robustus pro me precator exsurgeres, ut labantibus humeris cœlesti munitum auxilio dexteram subrogares. Verum est quia sola apud Deum desperatio perdit errantem. Ecce jam lolium nostrum, spinæ vel tribuli, hordea, triticum, vineas pollicentur. Age, electe Dei, pro me humili quod cœpisti; et partibus tuis adesto, dum precum in me assiduitate diluis, quod ego collegi ubertate culparum. Frequentibus etiam susceptum pasce colloquiis: ut insulsum pectus, nec ulla virtutum stabilitate subnixum, admonitionis sale confortes.

Ad obsequia salutationis revertor, et epistolarem transgressus terminum, unum velut garrulus, sed pro necessitatibus importunus adjungo, ut me sine cessatione tantum juves precibus, quantum confirmas alloquiis. Vale.

Je rends grâces à la Trinité, notre Dieu, qui par l’ardeur d’un homme tout puissant auprès d’elle, soulève la charge de péchés dont je suis accablé. Elle a mis mon souvenir dans le temple de votre cœur de saint où le Christ fait ses délices, en sorte que si mes propres fautes ont amoncelé des nuages, ils sont dissipés au pur soleil de votre conscience. Je sais maintenant que les gémissements des pécheurs ne restent pas inefficaces. Le premier fruit de ma prière, le premier fruit de mes larmes fut de susciter en vous un puissant intercesseur qui portât à mes épaules chancelantes le céleste secours de sa main. La vérité est que seul le désespoir perd le pécheur auprès de Dieu. Déjà ce qui n’était en moi qu’ivraie, épines, buissons, promet de l’orge, du froment, des vignes. Courage donc, élu de Dieu; achevez ce que vous avez commencé pour mon humble personne et, par vos prières assidues, dissipez les trésors de colère que mes fautes ont amassés. Et puis après m’avoir ainsi relevé (comme le parrain fait au baptisé), nourrissez-moi de vos entretiens, fortifiez du sel de vos monitions mon cœur sans énergie et qui ne peut s’appuyer solidement sur aucune vertu acquise.

Je reviens aux devoirs des salutations et quoique les bornes d’une lettre soient dépassées, au risque de paraître bavard, mais importun, en réalité, pour mes intérêts, j’ajouterai un mot : ne cessez pas de m’aider de vos prières autant que de me raffermir par vos entretiens. Adieu.

EPISTULA IV.

EXEMPLAR EPISTULÆ QUAM IPSE DICTAVIT FRATRI SOROR.

LETTRE IV.

MODÈLE DE LETTRE QU’IL DICTA.

UNE SŒUR A SON FRÈRE

Formule de lettre testamentaire. Une sœur institue son frère légataire universel.

Quamvis summatim gratiam aliqui debeant etiam malis in affectione pignoribus, nec illud quod posteritati tribuitur beneficium, putetur esse debitum: cum malignus interpres judicium cordis naturæ subdit imperiis, et tollens saporem diligentiæ, sola vivendum putet objectione pariendi: quando plus creditur filii vocabulum valere quam obsequium, et non quæritur quid in amoris lance promoveas, sed quale ad præjudicium æstimanti nomen opponas: cum apud prudentes frustra sobolem dicimus, nisi exhibet quod vocatur.: nam qui in prole censuram negligit, conceptum magis designat sibi placere, quam meritum. Facessat in posteris hoc solum nos cogitare quod libuit. Etenim fructus uteri, nisi honestate respondeat, plus in testimonio lasciviæ videtur evenisse quam gratiæ. Fas enim est germanitatis semper fidele consortium etiam partubus anteferri: datur participem originis sic haberi, ut nec consideratio sanguinis negligatur, et descendens a merito laudetur examen.

Et ideo ne sinuosis in longum procedant verba præloquiis, et quod re angustum est, crescat affatu; dono in fraternitatem tuam confero, et juri tuo perpetua liberalitate transfundo mancipium juris mei illud, et cætera. Vale.

En somme la plupart des parents se considèrent comme obligés de réserver leurs faveurs à leurs enfants même indignes de leur affection, et ce que l’on fait pour sa postérité est estimé non comme une gracieuseté mais comme une dette. Lorsqu’on s’inspire de mauvais principes, on subordonne le jugement du cœur aux exigences de la nature; on ne tient plus compte du sentiment de l’affection pour se conformer uniquement à ce que prescrit la paternité; on estime que le nom de fils suffit et, au besoin, dispense l’enfant de toute déférence et l’on se demande non ce que pèse dans la balance l’amour auquel on a droit, mais quel nom on peut citer devant l’opinion. Aux yeux des sages, au contraire, nous aurons beau dire: c’est mon fils, nous n’y gagnerons rien s’il ne se montre digne de ce titre. Négliger de corriger sévèrement ses enfants c’est indiquer qu’on veut bien goûter Les douceurs de la paternité niais sans en assumer les charges. Loin de nous de ne rechercher dans la procréation d’une postérité que ce qu’il y a d’agréable. Le fruit des entrailles, qui ne fait pas honneur par sa vertu à ceux qui l’ont élevé, reste un témoignage de lasciveté plutôt qu’un gage d’amour. Aussi est-il permis de préférer à des enfants l’intimité de l’affection fraternelle qui ne se dément jamais: Ainsi l’on a avec soi quelqu’un de sa race mais de façon que tout en tenant compte des liens du sang, on fixe son choix d’après le mérite.

En conséquence pour ne pas m’étendre plus longuement en préambules hors de propos, ni dire en de longues phrases ce qui, en soi, est très simple. je donne, je transmets à votre fraternité, et je vous passe avec tous mes droits et libre à jamais de toute servitude cette propriété qui m’appartient, et tous mes autres biens. Adieu.

EPISTULA V.

FAUSTO ENNODIUS.

LETTRE V.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il recommande l’affaire du riche Dalmatius. Il ne juge pas inutile à une bonne cause l’appui de Faustus.

Sublimis vir Dalmatius, animæ meæ portio non defraudata, sed solida, cui ad prærogativam sanguinis morum splendor accessit, hoc negotio suo credidit convenire, si meis apud culmen vestrum juvaretur alloquiis. Quod supersedendum ejus conscius non putavi, faciens urbanitate quadam personæ tribui, quod vos novi debere justitiæ.

In Sicilia enim prædicti prædium, bono hactenus jure possessum: a consortibus perhibetur invasum. Nunc ad juvamen civilitatis impenditur, quidquid ego promovero supplicando.

Domine mi, salutationis obsequia plena humilitate persolvens, deprecor ut circa memorati nobilis viri compendia pudorem, leges, ac reliqua quæ per conscientiam vestram subsistunt, reipublicæ ornamenta muniatis. Vale.

Le haut personnage Dalmatius, que je considère en vérité comme une partie de mon âme et en qui la pureté des mœurs s’unit au privilège de la naissance, a cru expédient pour l’heureux succès de son affaire d’obtenir l’appui de mes recommandations auprès de vous. Connaissant l’état des choses, je n’ai pas cru devoir surseoir, et je vous fournis l’occasion d’accorder comme par bonne grâce ce que je sais dû à la justice.

Il s’agit d’un domaine en Sicile que le susdit possédait à bon droit jusqu’ici et que ses consorts auraient envahi. Tout ce qu’obtiendra ma supplique tournera donc au profit de la société.

Je vous rends, mon cher Seigneur, le très humble devoir de mes salutations et je vous prie, au sujet des intérêts de ce noble personnage, d’appuyer de votre crédit l’honnêteté, les lois et ces autres grandes choses qui font, par votre intégrité, l’ornement de la République. Adieu.

EPISTULA VI.

AGAPITO ENNODIUS.

LETTRE VI.

ENNODIUS A AGAPIT.

Il se plaint de ne pas recevoir de lettre de son ami depuis que celui-ci est entré au Palais.

Credidi, postquam magnitudo vestra bonis est impensa generalibus, et otium migravit in gloriam; postquam Ravennatibus excubiis occupati, dum quietem vestram negligitis, nostram omni soliditate firmatis; et privatus genius ad regni decora transivit; quando novam lucem, de domesticis abstractam sinibus, Palatinus sibi fulgor adjecit; et angustiorem fuisse regni sui pompam rerum dominus cum vos non habuit, recte metitus est; pro vicinitate regionum, crebris me relevandum esse colloquiis. Sed inefficacibus spei meæ luserunt peccata consiliis; nulla paginas ad diligentiæ testimonium mens serena transmittit. Grave est, si amorem non merui: gravius, si quem exegeram forte turbavi. Scio tamen hæc congruentibus veritati excusationum nubibus esse claudenda. In privatis inveniri munera litterarum: non recte ab occupatis ista disquiri. Sed novi firmam in affectione conscientiam inter quævis pondera et adversa districtam debita sua gratiæ non negare. Nunc nolo esse prodigus in querelis. Salutationis reverentiam solvens, deprecor, ut suggestionem quam apud vos deposuerit præsentium portitor, ad votivum perducatis effectum.

Votre Grandeur se dépense toute entière pour le bien public et sans trêve elle est obligée de travailler pour la gloire. La charge dont vous êtes investi à la Cour de Ravenne, vous fait négliger votre propre repos pour assurer le notre et tout ce que sous avez de génie personnel est appliqué à procurer la gloire du royaume. Cette nouvelle lumière enlevée au foyer domestique, est venue s’ajouter aux splendeurs du Palais et, aux yeux du Souverain, l’éclat de la couronne n’était pas suffisant, tant que vous lui manquiez. Et pourtant je m’étais flatté que, grâce à la proximité des lieux, vous me feriez la faveur de fréquents entretiens. Mais en punition de mes péchés toutes ces vaines espérances ne furent qu’illusion vous ne m’adressez pas la moindre lettre qui vienne m’apporter le témoignage de votre affection. C’est fâcheux pour moi si je n’ai pas mérité votre amitié; plus fâcheux encore si l’ayant conquise, je l’ai en quelque façon déconcertée. Au reste je sais qu’en définitive toute cette querelle doit se clore sur des excuses d’ailleurs conformes à la vérité : les particuliers ont tout le loisir d’écrire; on ne peut raisonnablement l’exiger des gens chargés d’emplois. Mais je sais aussi qu’un cœur ferme dans l’affection, sous le poids de n’importe quels soucis, trouve le moyen de rendre ses devoirs à ceux qui l’aiment. C’est assez; je ne veux pas être prodigue de mes lamentations.

En vous rendant le devoir de mes salutations, je vous prie de prendre en considération la demande que déposera dans vos mains le porteur des présentes et de la faire aboutir. Adieu.

EPISTULA VII.

ENNODIUS JULIANO V. I. C. P.

LETTRE VII.

ENNODIUS A JULIEN, ILLUSTRE, COMTE DU PATRIMOINE.

Il le complimente à l’occasion de son élévation à la haute dignité de Comte du Patrimoine.

Suscepi litteras gemino splendore radiantes: quibus purpura dictatoris vestræ juncta dignationi crevit in pretium: gratias omnipotenti Deo restituens, qui votorum maciem beneficii ubertate transgreditur: ut quando in desideriis, meritorum conscii, sectamur angustiam, divitis indulgentiæ copias non refrenet.

 Credidi satis esse, si me feceritis amplissima scriptione sublimem. Sed vos non hoc tantum contenti præstare, quod habet mendica postulatio, linguæ idoneas et laude locupletes paginas destinatis: magni more fluminis, qui quotiens ab alveis, ut ariditatem finitimam temperet, ad obliqua invitatur, optanti tenuem rivulum totus illabitur, et marcida profundo squalore terga per ebrietatem undæ salutaris infundit. Fortium tamen servans consuetudinem personarum, magnitudo tua circa exiguitatem meam bene cœpta non deserat: ut in testimonio diligentiæ cura paginalis habeatur, et puri amoris astipulationem deferant blandimenta colloquii. Occasum nesciat caritas, quam ante culmina promisistis: tantum circa me crescat gratia, quantum vobis invicta sunt fastigia dignitatum: ne amicitiam quam fovit mediocritas, videatur abjurasse potentia. Nam qui fastum in sublimitate castigat, docet se meruisse quod adeptus est. Resignate per probitatem conscientiæ, felicitatem submitti posse amoris imperiis: illa libera procerum colla, dum formam tribuitis, subjugate diligentiæ: fas sit de vobis assuesci, ut amplissimus in societate retineat, quem minor acquiret. Ludit de illis casus, quibus oblivionem suorum indicet, quos ad celsa perducit. Apud scientem rerum relegere bona, non est admonitionis necessitas, sed laudis occasio. Novi fabricatam ad bona studia ingenii vestri tranquillitatem: quam ideo speciatim commemoro, ut ostendam, ubi affectio solida est honoribus nil licere. Sed epistolarem transcendi terminum, dum commendationi meæ multus inhæreo: redeo ad officia paginalis alloquii, et valere me nuntians, prosperitatis vestræ actutum secunda disquiro.

J’ai reçu votre lettre toute illuminée d’une double splendeur; car la pourpre qui vient d’être ajoutée à votre noblesse personnelle lui donne un plus haut prix. Je rends grâces, au Dieu tout puissant de ce que la largesse de ses bien faits dépasse mes modestes souhaits; car tandis que nous bornons nos désirs à l’étroite mesure de nos pauvres mérites, il nous prodigue sans compter les trésors de son indulgence.

Je me serais tenu pour satisfait de l’honneur de recevoir de vous une longue lettre; mais vous, il ne vous suffit pas de donner ce que l’on vous demande et vous avez mis votre talent à m’écrire une lettre digne de tous les éloges, pareil à un grand fleuve qui lorsqu’on le dérive de sou lit pour arroser l’aridité des terres qui le bordent, ne se contente pas de donner le faible filet d’eau qu’on lui demande, mais se déverse tout entier et recouvre d’un épais limon fertilisateur les maigres plaines qu’il inonde. Et maintenant, qu’à l’exemple de ces hommes forts que rien ne lasse, votre Grandeur ne laisse pas de continuer à l’égard de ma chétive personne ce qu’elle a si bien commencé; qu’en témoignage de son affection elle ait soin de m’écrire et que les charmes de ses entretiens me fournissent la preuve de la pureté de son amitié. Que l’attachement promis avant votre élévation aux suprêmes honneurs, ne connaisse pas de déclin ; que votre bienveillance à mon égard, croisse en proportion des hautes dignités qui vous sont attribuées, pour qu’il ne puisse être dit que l’amitié cultivée au temps de votre médiocrité, sous l’avez reniée une fois élevé au pouvoir. Celui qui sait, dans les grandeurs, réprimer toute arrogance, montre qu’il mérite ce qu’il a obtenu. Et vous montrez par la droiture de votre conscience que la prospérité peut le céder aux lois de l’amitié. Oui, en leur donnant l’exemple, amenez tous ces fiers parvenus au sommet de la hiérarchie sociale, à se plier aux exigences de l’amitié. Faites entrer dans les usages qu’un grand se fasse honneur de garder en sa société un ami dont un petit serait heureux de gagner la faveur. En vérité la fortune se joue de ceux qu’elle condamne à être oubliés de leurs proches. qu’elle élève à un haut rang. Auprès d’un homme qui sait les choses. si l’on rappelle ce qui est bien, ce n’est point qu’il soit nécessaire de l’en instruire, mais pour trouver l’occasion de l’en louer. Je n’ai pas oublié cette parfaite égalité d’esprit qui sous rendait si heureusement apte aux bonnes études ; je me plais à la rappeler pour montrer que lorsque l’affection est solide les honneurs ne peinent y porter atteinte. Mais tandis que j’insiste à me recommander à votre amitié, je dépasse la mesure d’une lettre. Je reviens donc aux devoirs d’un correspondant et tout en vous informant que je vais bien, je vous demande de m’envoyer sans retard de bonnes nouvelles de votre santé.

EPISTULA VIII.

ENNODIUS SYMMACHO PAPÆ.

LETTRE VIII.

ENNODIUS AU PAPE SYMMAQUE.

Un certain Marius avait prêté de l’argent au Saint-Siège. Sur les instances d’Ennodius la Sainte Eglise le remboursa. Les héritiers de Marius se plaignent d’être frustrés des fruits de plusieurs années qui leur sont dus. Ennodius fait parvenir au pape leurs doléances. Donc le prêt à un juste intérêt, était alors tenu à Rome pour légitime.

Usque ad temeritatem me apostolica dignatione promovistis: fiducia concessa exstitit mater audaciæ. Sed qui me humilitatis putat ignarum, obedientem probabit, si jussa consideret. Præsumptio est, si dominorum beneficia famuli non sequantur: obsequium æstimandum puto, quod pariturus impendo. Ecce causam scriptionis asserui, quia veritus sum ne post imperatam styli curam tacens præcepta respuerem. Huc accessit quod in causa venerabilis memoriæ Mari, dum apud urbem essem, spem meis precibus vos dedistis, cujus negotium cum sancta ecclesia vestra legitima pactione decisum est; sed hæredes ejus per annos plurimos, debitos sibi fructus deflent fuisse subtractos: pro quibus vestri conscius precator accedo: quia cui mos est pia jugiter facere, justa non despiciet; et qui largitur proprium, aliena non subtrahet. Errat qui Deo proximam conscientiam commodis credit invitari: detrimentum est sanctæ voluntati non exhibere beneficium. Sola putatis lucra, quæ vobis de liberalitate nascuntur; qui divitias dum tribuitis, accipitis. Avara est dispensatio sanctorum, quæ nil reservando, universa proprium reducit ad meritum: nulla sunt potiora, quam quæ vobis eveniunt de largitate compendia. Ergo securus comprehensi superius, hæredibus laboris promisi vestra contemplatione jacturam: vos pollicitationem meam benigna dispositione complete: et illos effectu, me relevate colloquio.

Vous m’avez honoré de votre bienveillance apostolique à tel point que vous me portez jusques à la témérité. La confiance accordée engendra toujours l’audace. Mais si je parais ignorer l’humilité, que l’on considère vos ordres et l’on me trouvera obéissant. C’est de la présomption pour des serviteurs que de ne pas conformer leur façon d’agir aux faveurs des maîtres. On doit, à mon avis, tenir comme un humble hommage de mon respect ce que je fais par obéissance. J’ai donc indiqué le motif qui me fait écrire : c’est la crainte, si après l’ordre que vous m’en avez donné, je gardais le silence, de paraître mépriser votre autorité. Il faut ajouter que dans l’affaire de Marius de vénérable mémoire, tandis que j’étais à la ville vous daignâtes me faire espérer le bon succès de mes prières. Cette affaire avec la Sainte Eglise a reçu sa solution par l’accord que vous avez légitimement consenti. Mais les héritiers se plaignent amèrement d’être frustrés des intérêts dus pour un grand nombre d’années. Et moi qui vous connais, je viens vous prier pour eux; car je sais bien que celui qui ne cesse de faire des œuvres charitables ne dédaignera pas ce qui est juste ; celui qui se plaît à répandre ses libéralités ne ravira pas le bien d’autrui. C’est une erreur de croire qu’une conscience qui s’inspire de la crainte de Dieu, se laisse guider par l’intérêt ; pour une volonté sainte c’est une perte que de ne pas faire du bien. Les seuls gains que vous estimiez vrais sont ceux que vous retirez de votre libéralité : distribuer vos richesses, pour vous c’est. recevoir. C’est avarice aux yeux des saints, lors même qu’ils ne se réservent rien, que de ne donner à chacun que ce qu’il mérite; il n’y a pas de profits préférables à ceux qui vous viennent de votre munificence. Donc assuré par tout ce que je viens de dire, j’ai promis aux héritiers qu’il suffirait de vous voir pour obtenir de vous une juste compensation; à vous de prendre de bienveillantes dispositions pour remplir ma promesse. Rendez-les heureux en y donnant une suite effective, et moi en m’honorant de vos entretiens.

EPISTULA IX.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE IX.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Venantius, proche parent d’Ennodius (V, 22) qualifié ici V. C. (Vir clarissimus. désire se rappeler au souvenir de Faustus. Ennodius relève ses qualités et le recommande.

Solet epistolaris concinnatio, quando favore rapitur, judicia non amare, et copiosius facere beneficium dum attollit immeritos. Ille enim debet amplius asserenti, qui quod moribus non exigit, gratia scriptoris suffragante consequitur: quia nullis adjutus conscientiæ dotibus, jure ad allegantem reportat, si quid adipiscitur. Aliud est in eo qui commendatur, tanquam nobile germen, ita peregrinantia bona verbis inserere; aliud innata vulgare: quemadmodum si rusticum pecus Tyria confirmes purpura sponte vestiri; et virus generosum, quod vellus abeno inebriante non sorbuit, dicas rura diffundere. Tingunt alii linguæ murice, quæ nullus ad regalem usum fucus exhibuit, et discreti maris ignota cochleis lana solam lucem bibit eloquii: redditur dignum principalibus indumentis, quidquid in vili munere relatorum verba colora verint. Sed ab hujusmodi me urbanitate vires pariter et vota subducunt. Nulla clarioris fuci flamina per me splendore rutilabunt: nemo dictum de aliquo inveniet, quod in ejus actibus non agnoscat. Hinc pudori meo vel proposito manum porrigo, quod illi prævium impendo oris officium, qui ad notitiam vestram rebus bene gestis occurrit. Venantium V. C. loquor idcirco a me paginale impetrasse obsequium, ut in se oculos vestræ magnitudinis invitaret; ne eum inter curarum moles contingeret ignorari. Sunt illi suffragia sua, per quæ inter susceptos vestros mereatur ascribi. Exhibuit vobis modestiam, religionem, innocentiam, quibus penetralia serenæ mentis comitibus introiret. Exuberant, mihi credite, apud eum insignia quæ fovetis: non laudatorem me continuo in eo probabitis fuisse, sed testem.

Vos, mi domine, perlatori dignationem principe loco tribuite, ne vir bonus novitate turbetur: liquido aderit partibus suis, et vitæ opibus pensabit damna verborum.

C’est l’usage que dans une lettre de recommandation obtenue pur faveur, l’on ne tienne pas grand compte de la justice et l’on estime obliger d’autant plus que l’on prodigue des éloges immérités. C’est qu’en effet l’on a d’autant plus d’obligation à celui qui recommande que grâce à lui l’on obtient une chose à laquelle le mérite personnel ne donnait aucun droit. En pareil cas, si l’on réussit, c’est au crédit de la recommandation qu’il faut uniquement l’attribuer. Autre chose est de doter par sa parole celui que l’on recommande, de qualités qui lui sont étrangères, comme si l’on jetait en un champ stérile une semence de choix, autre chose de mettre en lumière des mérites vraiment personnels. Ainsi celui qui affirmerait que le troupeau, sur sa montagne, se revêt spontanément de la pourpre de Tyr et que sa toison prend, sans l’intervention d’aucune industrie, cette belle teinte des seules émanations du sol. Il en est qui savent de la sorte, par les seules habiletés du langage, colorer une pourpre digne de vêtir les rois et dont la laine a reçu tout son éclat, non de la teinture extraite des conques marines, mais uniquement de l’éloquence : Pour des cuir dignes de vêtir les princes il suffit aux tissus que la parole qui les vante les colore. Je ne saurais, quant à moi, rendre pareil service; mes moyens oratoires aussi bien que mes aspirations me le défendent. Non, ma plume ne se prêtera jamais à communiquer un éclat mensonger: Nul ne m’entendra dire de quelqu’un ce qui ne se reconnaîtra pas dans ses actes. Je sauvegarde entièrement mon honneur lorsque je me fais l’introducteur auprès de vous d’un personnage qui se présente ayant à son actif une carrière des plus honorable.

Je vous dirai donc que Venantius, personnage clarissime a obtenu de moi cette lettre afin d’attirer sur lui l’attention de votre Grandeur. Il craignait que le poids des affaires qui vous accable ne vous empêchât de le remarquer. Il se recommande par des mérites personnels qui le rendent digne d’être inscrit au nombre de vos protégés. Il s’est montré orné de modestie, de religion, d’innocence et c’est avec le cortège de ces vertus qu’il mérite d’être admis à l’honneur de votre intimité. Il possède à un haut degré, croyez-moi, les qualités rares que vous recherchez: bientôt vous constaterez que j’en ai parlé non en panégyriste mais en témoin.

Et vous, mon cher seigneur, accordez de prime abord au porteur un accueil honorable, afin d’épargner à cet excellent homme le tourment de l’inquiétude en un milieu si nouveau pour lui; il saura se tenir à la hauteur de son rôle, et s’il parle peu, ses actes suppléeront largement à ses paroles.

EPISTULA X.

TRASIMUNDO V. I. ENNODIUS.

LETTRE X.

ENNODIUS A TRASIMOND ILLUSTRE.

Il recommande à ce prince le porteur qu’il lui dépêche pour certaines négociations.

Non temeritas me ad paginale duxit officium, quando ad omnem communionem subditum suum regiæ stirpis germen invitat. Est enim hæc claritas dominorum inserta natalibus, ut culmina sua dignatione subliment. Vultis quasi æquales tractare famulos, ut ab ipsa vobis per amorem conditione plus debeant. Unde, piissime domine, obsequium exhibens cum generalitate solvendum, significo me ad aliqua suggerenda perlatorem præsentium destinasse: vos effectu donate supplicem, quia spe fultus precator accessi.

Ce n’est pas à moi témérité que de vous écrire puisqu’il appartient au rejeton de race royale d’inviter son sujet à entrer avec lui en toute sorte de rapports. La naissance des princes est en effet relevée d’un tel éclat qu’il leur suffit d’accorder leur bienveillance même aux plus grands pour les élever encore. Vous voulez traiter vos serviteurs comme des égaux pour que leur condition même leur rappelle qu’ils vous doivent aimer davantage. Donc, très pieux Seigneur, en vous rendant les hommages que chacun vous doit, je vous informe que je vous dépêche le porteur des présentes pour traiter de certaines affaires. Vous, daignez faire à ma supplique un accueil favorable, car c’est en cet espoir que je viens vous la présenter.

EPISTULA XI.

ENNODIUS LUMINOSO.

LETTRE XI.

ENNODIUS A LUMINOSUS

Affaire des prêts de l’évêque de Milan, Laurent, au pape, garantis par Ennodius (iii, 10; vi, 16 ; vi, 33).

Qui amicam conscientiam manifestis pandit indiciis, tollit otium, quibus gratiæ præstiterit dignitatem. Vix enim feriata sint ora ejus, qui consuevit audiri: quia magnum dispendium pudoris est, verborum retinere beneficium, ut dum linguæ parcimus, honestatis prodiga frons laboret. Vos me garrulum fecistis, qui preces meas consuestis admittere. Sed ne præstanda circumloquar, et epistolæ prolixitate impetranda suspendam, ad rem redeo. Sublimis vir Laurentius reditus sibi debitos, quos ecclesia Romana facta cum auctore ejus est pactione pollicita, a domno papa asserit sub nescio qua oppositione denegari. In quo negotio favorem per me vestræ defensionis implorat: ut rem quam debetis legibus, videamini exhibere diligentiæ, et illud crescat affectui, quod denegari non licet æquitati. Vos hanc rem juxta desideria mea tribuite: ut quantum nominato viro commoditatis accesserit, tantum me muneris accepisse confitear. Salutem ergo dicens, spero, ut circa munia litterarum, nec sincerus amor vacationem accipiat, nec facundia totius orbis celebrata testimonio conticescat.

Manifester clairement des sentiments d’amis c’est ôter le repos à ceux que l’on honore de sa bienveillance. Celui en effet que l’on a coutume d’écouter, ne peut guère plus se taire, car ce serait pousser à l’excès la retenue que de refuser de parler, et notre silence deviendrait pour nous un sujet de confusion. Vous m’avez ainsi rendu bavard en m’accoutumant à voir mes demandes exaucées. Mais sans plus de détours et pour ne pas, en prolongeant ma lettre, retarder ce que j’attendais, je reviens à l’affaire Les rentes dues au sublime personnage Laurent, et que l’Eglise romaine, par une convention avec le chargé d’affaire de l’évêque, a promis de payer, lui sont, assure-t-il, refusées par le seigneur pape, sous je ne sais quel motif. En cette affaire il implore par moi la faveur de votre appui, en sorte que vous paraissiez accorder à l’amitié ce que vous devez aux lois, céder à l’affection ce qu’exige l’équité. Vous, répondez à mes désirs en accordant ce que l’on vous demande et soyez persuadé que tout l’avantage qu’il en reviendra au personnage en question, sera reconnu par moi comme si j’en avais moi-même le profit. Je vous salue donc et, quant au tribut de vos lettres, j’espère que votre affection est trop sincère pour tolérer de votre part une relâche, votre éloquence trop applaudie du monde entier pour vous permettre le silence.

EPISTULA XII.

ENNODIUS JOHANNI.

LETTRE XII.

ENNODIUS A JEAN.

Contrepartie de la précédente lettre au même (ii, 18); prétention de n’admettre dans te cercle des amis et familiers que des gens d’esprit.

Natura partum est, ut cura migret in gaudium, et mutetur querela præconiis, quotiens cupita tribuuntur. Incertus animi fui quid sibi vellet sublimitatis tuæ tam longa cessatio: sed cum potiri datur optato, ipse pro partibus tuis honestum excusationis genus inquiro. Vide quid faciant serena diligentiæ: quasi totum mihi ex sententia fluxerit, ita simplici munere placatus, errata concessi. Habes unde pii amoris formam possis assumere, et circa amicitiam constantiæ exempla mutuari. Me si sequeris, nec plura te a conjunctione peccata retrahunt, et unum benefactum sodalis tui culpas absolvet.

Me silentii, frater, me oblivionis incessis? Ubi erat iste animus, quando nec promulgata colloquia meruere responsum; nec ad styli imperandam sollicitudinem prævius existebas? Ubi fuit inabstinentia tabellarum non circa omnes in Liguria custodita? Multis a desiderio tuo peregrinantibus, in solatio doloris paginas exhibendo, et mihi taciturnitatem continuasti, et illis præbuisti contra vota colloquium: quia est ista humanarum rerum ratio, ut pro magna cognatione par studium semper exstat. Cujus ordinis immemor, voluisti sociare quædam imperita cum litteris; putans coire posse in affectum toto calle distantia. Quid promovit suada oratio tua, elucubratis concinnata sermonibus, quando bonarum artium nescios appellabat amante posthabito?

Sed hinc alias; nolo excessuum multitudinem relegere, qui brevi satisfactione delinitus sum. Nam parcitate in eloquendis illis usus fueram, nisi nosse vos crederem, de offensis illud remanere quod tegitur, et quod in vocem erumpit amoveri.

Domine mi, precor, ut posthac ad ea quæ male haberi didicisti, non tanquam emendationis contemptor aspires, sed crebro mihi dulces paginas dirige, ut crescat dos facundo, dum servat sacramento concordiæ.

Il est dans l’ordre de la nature qu’au chagrin succède la joie, aux reproches[1] les compliments, dès lors que nous obtenons ce que nous avions désiré. Je ne savais que penser de ce que ta sublimité gardait vis-à-vis de moi un si long silence, mais dès lors que mon désir est rempli, je suis le premier à plaider ta cause et à te fournir de justes motifs d’excuses. Vois ce que peut le charme de l’amitié : comme si tout était allé au gré de mes désirs, la simple faveur de ta lettre m’a tout fait oublier. Tu pourras tirer de là un modèle de tendre affection, un exemple de fidélité dans l’amitié. Si tu marches à ma suite, les nombreux manquements de ton ami ne pourront altérer chez toi l’union des cœurs et le moindre bienfait de sa part te fera lui pardonner ses fautes.

Tu me reproches mon silence, cher frère, tu m’accuses d’oubli? Où donc était cette belle ardeur alors que mes lettres n’obtenaient même pas la grâce d’une réponse, bien loin de m’écrire toi-même le premier? Tu étais, il est vrai, prodigue de tes lettres, mais pas pour tout le monde en Ligurie. Elles allaient, ces lettres qui eussent charmé ma peine, à des indifférents qui s’en souciaient peu. Je n’obtenais que le silence et eux jouissaient sans goût de tes entretiens. C’est une loi fondée sur la nature même des choses que les goûts soient assortis. Oublieux de cette règle tu as voulu mêler au commerce des lettres des esprits sans culture, comme si des éléments aussi divisés pouvaient jamais s!unir. A quoi donc aboutirent tous ces frais d’éloquence et de style, adressés à des gens absolument étrangers aux beaux arts, tandis que tu négligeais quelqu’un qui en est si passionnément épris?

Mais passons; je ne veux pas relever la multitude de tes torts puisqu’il a suffi d’une légère satisfaction pour m’apaiser. J’aurais été même beaucoup plus bref sur ce sujet si je ne savais qu’à ton avis, lorsque l’on a quelque amertume sur le cœur, c’est la garder que de n’en rien dire, c’est la dissiper que de s’en expliquer.

Je t’en prie, mon cher Seigneur, ne vas pas dans la suite retomber dans les errements du passé, mais que tes douces lettres m’arrivent fréquentes; mon talent y trouvera son aliment, tout en restant fidèle aux devoirs de l’amitié.

EPISTULA XIII.

ENNODIUS CONSTANTIO V. I.

LETTRE XIII.

ENNODIUS A CONSTANTIUS ILLUSTRE.

Constantius est élevé à quelque haute charge qui exige son éloignement de Milan.

Servat magnitudo tua circa amicos et sæculares proprios illud quod sibi jungit ad gloriam. Dum enim nos memoria dignos ducitis, vos probatis. Nam diu in consolationem scripta suscipiens, absentiæ vestræ damna suspiro. O artificem scientiam bonis cœlestibus institutam! Ne liceat aliquid prolixæ sequestrationi de affectu decerpere, præsentantes sacram imaginem litteras promulgatis. Novit Deus discussor sensuum, me culminis vestri recordatione macerari, et nullum invenire de optimi viri peregrinatione subsidium.

 Reddo tamen epistolari cura salutationis obsequium, et dignationi vestræ gratiam referens, fratrem quoque meum Joannem per vos mihi restitutum esse confiteor. Cujus hactenus in oblivionem mei silentium quid gereret non tacebat: is nunc vestro mihi reformatus affectu ad abjuratam styli curam revertit. Rogo tamen vos ut maturetis reditum; aut si felix mora detinet, dilectionem manifestetis alloquio.

Votre Grandeur observe à l’égard de ses amis et de ceux qui lui rendent quelque honneur, des procédés qui ne font qu’ajouter à sa gloire. Lorsque vous estimez quelqu’un digne de votre souvenir, vous lui en donnez des preuves. Ainsi les lettres que depuis longtemps vous m’écrivez pour me consoler de votre absence, en adoucissent pour moi la rigueur. O ingénieuse science, inestimable présent du ciel! Pour que la longue durée de votre éloignement ne puisse porter le moindre préjudice à l’affection, vos lettres viennent raviver les traits sacrés de votre image. J’en atteste Dieu qui pénètre de son regard le fond des cœurs, le souvenir de votre Grandeur m’est un tourment continuel et rien ne peut dissiper l’ennui que me cause votre absence.

Je profite néanmoins de cette lettre pour vous adresser l’hommage de mes salutations, et, pour rendre grâces à votre révérence de ce que, par votre entremise, mon frère Jean m’a été restitué. Lui dont le silence jusqu’à ce jour laissait assez entendre le peu de cas qu’il faisait de mon souvenir, le voilà maintenant, ramené par votre affection à prendre la peine de m’écrire, ce qu’il ne faisait plus depuis longtemps. Surtout je vous supplie de hâter votre retour, ou si quelque heureux retard s’y oppose, écrivez-moi en témoignage de votre affection.

EPISTULA XIV.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XIV.

ENODIUS A FAUSTUS.

Il se complait à recommander Panfronius, objet de critiques malveillantes.

Quæ sæpe mediocriter gratis impensa sunt, quotiens exhibentur verba conjunctis, quidquid favori obsecutum est, sereno mancipetur affectui. Non depictis amorem mentitur alloquiis, qui perlatori caro reddenda dominis scripta committit.

In sublimis et magnifici viri Panfronii mei commendatione, ore feriato mens dictat epistolam. Nescio enim in quale culmen merita apud me viri, quem sum præfatus, extollam: in quo linguæ macies debitum pectoris nequit exprimere. Sed abdicandum esset mihi, etiam si suppeteret, facundiæ lenocinium: quia pauper sermo uberem diligentiam rectius confitetur: et si elevamus per effusas paginas illos, quos arcana nesciunt, jure tribuenda amantibus in artum tabella concluditur. Causam ergo modici sermonis elocutus, fœderatum fratrem quanquam paucis verbis insinuo: tamen multis obsequiis: ut jutus magnitudine vestra, in negotio suo circumstrepentium aliquando videatur superasse commenta.

Quod restat, famulantem salutationem exhibens, me valere significo; si tamen prospera vestra certis indiciis mihi dispensatio superna concedat.

Le service à rendre peut être peu de chose en soi et ne pas coûter davantage, mais dès lors qu’il est demandé à ceux auxquels nous unissent les liens du sang ou de l’amitié, tout ce qu’obtient la faveur doit être attribué à la seule affection. On ne simule pas l’amitié sous des paroles menteuses lorsqu’on confie sa lettre à un porteur que l’on aime.

Lorsqu’il s’agit de recommander mon sublime et magnifique Panfronius, mon esprit se complait à dicter la lettre. Je ne sais, en vérité, à quel degré je dois élever le mérite de ce personnage et la pauvreté de ma langue ne pourrait exprimer tout ce que je lui porte dans le cœur. Mais lors même que mon éloquence disposerait de moyens suffisants pour le dire, je devrais renoncer à les mettre en œuvre, parce qu’un langage dépouillé d’artifice exprime mieux la vivacité de l’affection nous consacrons de longues pages à célébrer les mérites de ceux qui n’ont avec nous aucun rapport d’intimité, mais il nous suffira d’un court billet en faveur de nos amis. Tel est le motif de la brièveté de ma lettre, mais si je ne vous déclare qu’en peu de mots l’étroite amitié qui me lie à ce frère, je n’en ai pas moins la confiance qu’avec l’appui de votre Grandeur il triomphera, dans l’exercice de son emploi, des fables que les esprits malveillants font circuler à son sujet.

Il me reste à vous adresser mes respectueuses salutations et à vous faire savoir que je vais bien ; heureux si le ciel m’accorde de recevoir de vous de bonnes nouvelles.

EPISTULA XV.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XV.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il appuie comme avocat l’appel qu’un de ses clients fait d’un jugement à Faustus alors Questeur à Ravenne.

Proclivior ad impetrandum via est, quotiens a religioso aliquid exigit abjectio deprecantis: coactus enim præstat affectum, qui miseriis supplicis invitatur: non potest afferre obvias manus, cui imperat propositum afflictos audire. Perlator præsentium avito se cespite deflet abjectum, qui spei suæ residuum in vestro ponit examine: ne adversarii ejus potentia de lucro et securitate gratuletur. Vos legum sacramenta, vos defensio respicit submissorum: ego partes meas commendatione munivi. Venerabile ergo nomen augete beneficiis: quia dum justa tribuitis, nec illa quæ ad misericordiam pertinent posthabetis.

Domine mi, reverentiam salutati accipiens, ita precibus meis effectum tribue, ut proprium desiderium, dum honestas asseritur, possit impleri.

Il n’est point de demande plus sûre d’être accueillie que celle d’un humble postulant qui s’adresse à un homme animé de sentiments religieux; car comment refuser sa commisération au suppliant qui fait parler sa détresse? Comment opposer un impitoyable refus lorsque nos sentiments religieux nous font un devoir d’écouter les affligés ? Le porteur des présentes est désolé de se voir expulsé du champ de ses pères Il n’a plus contre la puissance de son adversaire triomphant d’autre espoir que si vous daignez vous-même peser sa cause dans la balance de la justice. C’est à vous, le gardien de la sainteté des lois, c’est à vous qu’incombe la défense des humbles. Quant à moi je ne puis que donner à la cause de ma partie l’appui de cette recommandation. Faites donc par vos bienfaits s’accroître encore la vénération qui s’attache à votre nom, car tout en faisant rendre bonne justice, vous ne dédaignez point les œuvres qui sont du domaine de la charité.

Agréez donc, mon seigneur, l’hommage de mes salutations et daignez accorder à mes prières, puisque c’est la justice qui réclame, de voir le résultat répondre à mes désirs.

EPISTULA XVI.

ENNODIUS AGAPITO.

LETTRE XVI.

ENNODIUS A AGAPIT.

Il le prie d’appuyer à la cour où il était en haute situation, les démarches de Panfronius en vue d’obtenir la Vice Préfecture du Prétoire.

Jure responsum multiplicibus posceretur alloquiis, si non ingratas exstitisse paginas meas magnitudinis tuæ silentium testaretur. Clamat enim taciturnitas vestra, garrulum displicere; et novum vindictæ genus, ut opinor, inquirit, quando se non videt promovisse quod siluit. Agitis epistolari abstinentia, ne ab imperitis ad vos scripta mittantur. Ademptus tamen est effectus. Providentiæ vestræ profutura tractate: crebrior factus sum, in scriptione contemptus. Sed brevem sermonem decet cohibere eum, qui magna doluerit. Cultorem vestrum fratrem meum Paufronium, epistolaris apud culmen vestrum cura comitatur: cui quidquid gratiæ concessum fuerit, me quoque impensorum vinculis obligabit: cui etiam aliqua de vicariæ dignitate suggerenda commisi. Vos petitionem meam ad effectum perducite; quia adsum partibus meis quotiens apud emendatissimos hominum cogor subire testimonium, dum certis exhibeo.

Mes nombreuses lettres me donneraient certes droit à une réponse si le silence de votre Grandeur ne prouvait assez qu’elles n’ont pas le don de vous plaire. Ce silence obstiné crie bien haut que mon bavardage vous est désagréable et vous cherchez, j’imagine, par quelle nouvelle espèce de rigueur vous pourrez tirer vengeance de ce que votre silence soit resté sans résultat. Vous vous abstenez d’écrire pour vous mettre à l’abri de la correspondance des ignorants : or vous manquez le but. Sachez mieux servir vos intérêts : Je n’écris que plus souvent depuis que je me sens dédaigné. Mais il convient d’exprimer en peu de mots les doléances amères. Mon frère Panfronius, qui vous porte le plus profond respect, se présente à votre éminence muni de ma recommandation. Tout ce qui lui sera accordé de bienveillance m’obligera comme si j’en étais moi-même l’objet. Je lui ai même donné une supplique en vue d’obtenir la Vice Préfecture du Prétoire. Veuillez vous employer à faire aboutir ma demande, car c’est plaider la cause de mes clients que d’être obligé de témoigner sur leur compte auprès des plus vertueux des hommes, dès lors que je puis répondre de ceux à qui je rends ce témoignage.

EPISTULA XVII.

ENNODIUS DECORATO.

LETTRE XVII.

ENNODIUS A DÉCORATUS.

Rôle que doivent jouer les lettres dans le culte de l’amitié.

Recte creditur enuntiatrix lingua esse penetralium, quæ latentis secreta animæ ad lucem vocat eloquio: nesciretur amor pectorum, nisi illum proditor indicaret: jure veterum sapientia epistolis usa, quasi clavibus, repositum per eas vulgavit affectum. Tracta est in testimonium scriptionis mens testata diligentiam: mutari caritatem non licuit, quam desiderans pagina interveniente promisisset. Huic me ego consuetudini vel legi potius mancipavi, asserens litterarum fide, quod de magnitudine tua sensibus inolevit. Vos si mecum pari cura in devinctionem convenientes, si fida interpres amicitia se æstimans votum videt alterius, responsum deferens tabella significet. Ego munera salutationis impartiens, deliberationem meam non tanquam verborum avarus occului.

On a raison de croire que le rôle de la langue est de divulguer les secrets que l’âme tient cachés et qui sont produits au grand jour par la parole; on ignorerait l’amour des cœurs si le discours indiscret ne le révélait. La sagesse des anciens eut raison de se servir des lettres comme d’une clé pour découvrir les secrets sentiments du cœur. Dès lors qu’on proteste de son affection, on est amené à en écrire le témoignage : l’amitié jurée par écrit ne peut plus varier. Je me suis fait l’esclave de cette coutume ou plutôt de cette Loi, d’affirmer par mes lettres les Vieux sentiments de mon cœur vis-à-vis de votre Grandeur. De votre côté, si vis-à-vis de moi vous vous sentez lié par les mêmes attaches, si votre amitié perspicace sait deviner et fidèlement interpréter le vœu d’autrui, que votre lettre me l’indique en m’apportant votre réponse. Quant à moi, tout en vous rendant les devoirs de mes salutations, je n’ai point, comme si j’étais avare de mes paroles, tenu caché ce que je pense.

EPISTULA XVIII.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XVIII.

ENNODIUS À FAUSTUS.

Opilion a prié Ennodius de lui obtenir de Faustus, en faveur de ses parents qui résident en Afrique, une recommandation auprès d’Agnellus haut fonctionnaire dans cette province.

In adserendis quibus suum non denegat honestas plena suffragium, multiplicibus non utor alloquiis: ne prolixus sermo tanquam a negaturo videatur impetrasse beneficium: soletis enim quæ poscenda sunt, precibus anteferre.

Ad sublimem et magnificum virum Opilionem, parentes ejus in Africa consistentes direxerunt certam diligentia inspirante personam: qua ad patrium solum remeante, hoc mihi muneris præfatus injunxit, ut ad magnificum virum Agnellum pro commendatione suorum a vobis scripta mereatur. Quam rem emendatissimi hominum non negabitis, non contenti benignitatem vestram solos in Italia positos agnovisse.

 Nunc obsequia mea litteris reddens, causam scriptionis verborum compendiis indicavi. Vos dicenti pauca præstate præcipua.

Pour affirmer ce qui est conforme à la plus stricte justice je ne tiendrai pas de longs discours de crainte que tous ces frais d’éloquence ne donnassent à ce que j’obtiendrai l’apparence d’une faveur accordée en dépit de la conscience: Vous avez coutume d’accorder ce qui est légitime avant même qu’on ne vous en prie.

Le sublime et magnifique personnage Opilion a reçu venant d’Afrique, une personne que ses parents, qui résident en cette province, lui ont dépêchée. Comme ce messager se dispose à regagner sa patrie, Opilion m’a prié en grâce de lui obtenir de vous en faveur de ses parents une recommandation auprès du magnifique personnage Agnellus. Vous, le plus accompli des hommes, vous ne refuserez pas cela et vous voudrez étendre les effets de votre bonté par delà les bornes de l’Italie.

Et maintenant, tout en chargeant ma lettre de vous apporter mes hommages, je vous ai dit en peu de mots, le motif qui m’a fait vous l’écrire, j’ai été bref; à vous de vous montrer libéral.

EPISTULA XIX.

ENNODIUS APOLLINARI.

LETTRE XIX.

ENNODIUS A APOLLINAIRE.

Lettre d’amitié.

Producendo circa amantem vestri silentia ad absentiam corporalem animum transmisistis: retinendo paginas, in immensum crevit, quæ hactenus divisio nil valebat. Res eo rediit per abstinentiam tabellarum, ut veteris ævi providentia conferat nil amori. Rancessit caritas, quam verborum avarus despicit ventilare: sine cultura est diligentia in usum non reducta per paginas: styli frequentia vivaci pabulo insitam pectoribus nutrit amicitiam. Facilius, frater, fuerat desideriis meis te nullo tempore cupita tribuisse, quam sæpe indulta subtrahere: quia corda nesciunt, quæ cibis dulcibus pastor artifex irritasti. Aliquanto enim tempore continuando scriptionem, immemorem me sequestrationis effeceras, dum effigiem venerabilem placido inserebas alloquio: at nunc commeantium vacuas manus nudus inquisitor inspicio. Ego tamen nolo errore meo alienas culpas asserere, ut quod factum doleo, admisisse convincar. Accipe ergo, emendatissime hominum, desideriorum solatia, per cœlestem gratiam absentibus attributa, et perlatores, si mei estis memores, sublevate; ut nesciant peregrinationis incommoda, dum nominatis patriam commendatio amica contulerit. Quibus remeantibus, nuntio me vestræ valetudinis sublevate.

En prolongeant votre silence à l’égard de votre ami, vous vous êtes éloigné d’esprit autant que vous l’étiez de corps; la suppression de vos lettres m’a fait sentir l’immensité d’une séparation dont jusqu’ici je ne m’étais pour ainsi dire pas aperçu. Lorsqu’on s’abstient d’écrire on en arrive à ce point d’indifférence que la perspective même de la vieillesse qui viendra un jour, est impuissante à resserrer les liens de l’amitié. On laisse éteindre l’affection lorsque en évitant d’en parler on dédaigne d’en manifester le sentiment; c’est ne pas cultiver l’amitié que de ne pas en faire acte en s’écrivant; les lettres fréquentes sont l’aliment qui vivifie et nourrit dans les cœurs l’amitié qui y est née. Il était plus facile, mon frère, de ne jamais céder à mes désirs que de cesser de m’écrire après me l’avoir souvent accordé; le repos ne peut convenir à un cœur dont vous avez excité les appétits par des aliments si doux et si savamment préparés. Pendant un temps, en effet, la régularité de vos lettres m’avait fait oublier mon isolement et la douceur de vos entretiens me rendait présente votre vénérable personne; maintenant j’ai beau examiner les mains des passants, je les trouve vides. Cependant je ne veux point tomber moi-même en faute pour faire ressortir celles d’autrui et mériter le reproche de tomber moi-même dans les errements que je relève chez les autres. Daignez donc recevoir, vous le plus vertueux des hommes, ces consolations que le ciel a ménagées pour charmer les ennuis de l’absence et, si vous gardez mon souvenir, accordez aux porteurs quelque soulagement pour leur adoucir les incommodités du voyage : qu’ils retrouvent près de vous, grâce à la recommandation d’un ami. les charmes de la patrie. Et puis ne les renvoyez point sans les charger pour moi des nouvelles si désirées de votre santé.

EPISTULA XX.

ENNODIUS JULIANO V. I.

LETTRE XX.

ENNODIUS A JULIEN ILLUSTRE.

Lettre d’amitié.

Exercetur diligentiæ bonum scriptione multiplici: linguæ enim indicio animorum secreta panduntur. Assiduis curam impendit eloquiis, qui otium amore commutat. Hæc sunt officia, per quæ tacitus innotescit affectus. Familiaris perlator, nisi reddendas culmini vestro paginas accepisset, me oblitum reverentiæ vestræ testaretur. Nescio enim caritatis esse negligens, nec partam labore gratiam quieti serviens effugare. Multa debeo verba fœderi: sed ad brevitatem cogit epistola. Vale, mi domine, honorem salutati accipiens, et circa me adultam serva dignationem. Sic bono in medium ascitus reipublicæ, de felicitatis tuæ diuturnitate gratuleris.

On jouit des avantages de l’amitié en s’écrivant souvent, car c’est par l’expression de la parole que les secrets des âmes se communiquent. Celui qui renonce au repos pour aimer doit avant tout être assidu à s’entretenir avec celui qu’il aime. C’est par de tels soins que se manifestent les secrets sentiments d’affection. Si je laissais partir mon porteur sans lui remettre des lettres à l’adresse de votre Eminence, il témoignerait que je suis oublieux de la révérence que je vous dois. Excusez-moi, mais je ne sais pas négliger l’amitié, ni lorsque j’ai réussi à me concilier des bonnes grâces, y renoncer par amour de mon repos. Les liens qui nous unissent m’imposeraient de parler longuement, mais la lettre m’oblige d’être bref. Portez-vous bien, mon cher seigneur, agréez l’hommage de mes salutations et gardez-moi ces sentiments de haute considération. Qu’en cette dignité publique où vous êtes élevé pour le bien de l’Etat vous jouissiez longtemps de votre heureuse fortune.

EPISTULA XXI.

CONSTANTIO EPISCOPO ENNODIUS.

LETTRE XXI

ENNODIUS A L’ÉVÊQUE CONSTANTIN

Supplique en faveur d’un ordinand.

Vigilius subdiaconus vester experiri voluit quanta mihi a vobis caritas redderetur; et ad occasionem profectus sui conjuctionem nostram conatus adducere, statum inter nos amicitiæ, dum augetur honoribus, vult metiri: quatenus ad ipsum fructus redeat, quem ex diligentiæ messe condidimus. Hunc si mereor, ad diaconii sacramenta perducite: ut dignitas præfati ad spem mihi proficiat majora poscendi. Sed ne petitionem negatus frustretur effectus, sic concessum meritis vestris locum per longa temporum intervalla teneatis.

Votre sous-diacre Vigile a voulu expérimenter quelle était pour moi votre affection, à l’occasion de son avancement dans les ordres, il s’efforce de mettre en cause notre amitié; tandis qu’il monte aux honneurs, il veut mesurer l’amitié qui nous lie, en recueillant à son profit les fruits que peut produire noire mutuelle affection. Si donc je le mérite, amenez-le au sacrement du diaconat, et cette dignité à laquelle le susdit sera élevé, m’encouragera à vous demander davantage. Mais pour que ma demande ne demeure pas sans effet il faut et je souhaite que vous occupiez de longues années le poste accordé à vos mérites.

EPISTULA XXII.

SYMMACHO PAPÆ ENNODIUS.

LETTRE XXII.

ENNODIUS AU PAPE SYMMAQUE.

Il lui recommande les deux fils de Laurent, notaire à Côme, venus à Rome sans doute pour y étudier.

Quamvis sublimi viro Laurentio assistat pro pignorum commendatione probitas sua, et patris prudentia causas sobolis exsequatur: attamen sollicitudine genitali ad ampliora procedit, et vix credit pro filiis sufficere quod meretur. Adjutricem in astipulatione germinis paginam quærit: et trepidante diligentia patrum ardorem nititur cum universitate partiri. Cogitate si viro optimo negari effectus potuit, et pia et justa poscenti. Tribuat divinitas effectum precibus ejus, et hunc beatitudinis vestræ nominatis conciliare dignetur affectum, ut erigat parvulos implorata coronæ vestræ miseratio: quatenus anxii circa ipsos genitoris vota superentur.

Domine mi, spero ut promissa dudum benignitas in ea parte testimonium ferat, si comprehensis superius geminatam impendi gratiam, qui per me precatur, intelligat.

Le sublime Laurent pourrait se contenter de sa probité personnelle comme recommandation de ses enfants et sa prudence paternelle ne néglige rien de ce qui intéresse leur situation, mais sa sollicitude exige davantage et lorsqu’il s’agit de ses fils ce qu’il peut mériter ne lui paraît pas suffisant. Il désire en leur faveur une lettre qui soit leur sauvegarde et son affection inquiète voudrait que tout le monde partageât ses préoccupations de père. Pensez s’il était possible d’opposer un refus à cet homme excellent qui demande une chose si bonne et si juste. Que Dieu exauce donc ses prières et qu’il daigne concilier à ces jeunes gens l’affection de votre Béatitude en sorte que la bonté de votre couronne protège leur jeunesse: Qu’ainsi leur père, en proie aujourd’hui à une si vive inquiétude, voie ses vœux dépassés.

Mon cher seigneur, j’attends de vous cette preuve d’une bienveillance depuis longtemps promise : que ce père qui par moi vous en prie, comprenne que vous accordez votre faveur à chacun de ceux que j’ai nommés plus haut.

EPISTULA XXIII.

ENNODIUS DOMINATORI.

LETTRE XXIII.

ENNODIUS A DOMINATOR.

Lettre d’amitié.

Oportuerat quidem desideria vestra, quæ fratris Agnelli patefecit allegatio, ut tabella reseraret, et ad elicienda colloquia formam sermo prævius exhiberet: quia potuit tibi restitui quod debebis: nec ullo me colore defenderem, te loquente, a paginis abstinendo. In tuo jure fuit, linguæ nostræ ferias exercitio commutare, et rubiginem rusticantis eloquii fabrilibus studiis amovere: sicut damnum caritatis est primum cupienti non dedicare sermonem: ita promulgatæ scriptioni silentium reddere, nec amicitiæ suadet memoria nec pudoris. Nunc tamen accessit ad genium meum, quod paginas imperasti; et si subtrahitur testimonio, quod nunquam in amore vires interrogo. Facessat ab ingeniis liberalibus, ut credas fascem esse intolerabilem, quem amicus imponit. Tu tantum exacta complectere, et censuram castigans rancida judicantium depone fastidia. Absit a te eum non fovere qui paruit. In spem altioris meriti trahitur, etiamsi veniat a moneta triviali, qui tibi impositum oris mancipavit obsequium.

 Ergo vale, mi domine, quia nolo fieri prolixa, quæ non sunt ad perpendiculum fabricata colloquia. Tu messem gratiæ juxta fiduciam meam, tanquam uber solum restitue: quia in tuo posthac erit arbitrio, si crebro epistolas meas accipere volueris, his me muniis invitare.

Il fallait, en vérité, que vos désirs dont me fit part notre frère Agnellus, me fussent exposés dans une lettre et que pour entrer en correspondance nous eussions une occasion dans cet entretien : dès lors j’étais obligé de vous restituer ce qui vous était dû et sous aucun prétexte je ne pouvais être excusé de ne pas vous répondre tandis que vous m’adressiez la parole. Il n’a dépendu que de vous de tirer notre langue de son oisiveté pour la rendre active et de débrouiller notre style par trop rustique en nous appliquant à des travaux littéraires, car de même que de ne pas accorder un entretien à celui qui le désire vivement c’est ruiner l’affection, de même c’est avoir oublié tout ce que l’on doit à l’amitié, tout ce que l’on se doit à soi-même, que de répondre à une lettre par le silence. Or, pour le moment, j’ai une excuse à mon peu de talent, en ce que vous m’imposez l’obligation de vous écrire, et encore dois-je faire cette réserve, que lorsqu’il s’agit de répondre aux avances de l’amitié, jamais je ne consulte mes forces. Ne croyez pas que pour des esprits cultivés les exigences d’un ami soient jamais exagérées. Quant à vous, agréez ce que vous avez exigé, fermez la bouche à la censure et imposez silence à la dégoûtante malignité de la critique. Vous ne pouvez ne pas protéger quelqu’un qui n’a fait que vous obéir. Et puis c’est dans l’espoir de mériter mieux que je dépose à vos pieds, quoique tirée d’un moule vulgaire, l’hommage d’une parole que vous avez exigé.

Adieu donc, mon cher Seigneur, car je ne veux pas outre mesure prolonger des discours écrits sans le souci des règles. De votre côté, répondez à ma confiance en me restituant, comme un sol fertile, une abondante moisson de bienveillance, car, il vous appartiendra désormais, s’il vous plait de recevoir de moi de fréquentes lettres, de m’y inviter par les vôtres à vous écrire.

EPISTULA XXIV.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XXIV.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Allusion à de gros ennuis, peut-être les affaires du schisme de l’antipape Laurent. Certaines expressions cadrent bien avec l’état de Rome durant ces troubles, cette lettre serait donc écrite de Rome. (Cf. vi, 20).

Eger animus sicut silentia non patitur, ita processum narrationis abjurat: contestationi mœroris nec taciturnitas, nec colloquia prolixa conveniunt: arctatur pagina, cui vix inter gemitus verba tribuuntur. Sed quid assero linguæ ferias plus loquendo, et coactam necessariis epistolam terminis garrulitate polliceor? Deum quæso, ut anxietati meæ de manifesto prosperitatis vestræ succurrat indicio. Ille admittat lacrymas meas, cui clausa ora fabulantur: cui ad plenam legationem sufficit ex compunctione defluens imber oculorum. Ego labefactatam non solum quietem meam, sed et salutem, inimicorum valetudine et rumorum procellis agnosco. Potens est divinitas immensæ tempestatis incerta bono serenitatis amovere. Vos, si de Deo mereor, salvete: et amanti in vobis conscientiam, non Ravennates excubias, tabellarum promulgatione consulite.

L’esprit en proie au chagrin ne peut ni garder le silence ni parler longuement ; c’est un besoin pour le cœur de confier sa peine mais non en de longs discours : notre lettre est courte lorsque les sanglots nous étouffent la voix. Mais quoi? j’annonce mon laconisme en parlant davantage et c’est en bavardant que je vous promets une lettre forcément raccourcie! Dans l’anxiété qui m’oppresse je demande à Dieu de me venir en aide par la bonne nouvelle de votre prospérité. O qu’il accueille mes larmes, Lui qui entend le langage des lèvres muettes, Lui auprès de qui la meilleure prière est de verser d’abondantes larmes de repentir. Quant à moi, je vois en péril non seulement mon repos mais ma vie même, tant sont puissants nos ennemis, tant sont violents les grondements de la tempête. Dieu cependant peut dissiper cette effroyable tempête qui menace d’éclater sur notre tête et ramener la sérénité. Et vous, si Dieu m’en juge digne, agréez mes salutations, et gratifiez d’une lettre l’ami qui vous aime pour votre vertu, non pour la dignité qui vous retient à Ravenne.

EPISTULA XXV.

ENNODIUS BASSO.

LETTRE XXV.

ENNODIUS A BASSUS.

Bassus résidait en Gaule, probablement à Arles, ou tout au moins dans la Provence, car c’était un vieil ami de la famille d’Ennodius.

Si vetus diligentia quæ a parentibus meis erga amplitudinem tuam fructus uberes de gratiæ messe condebat, circa personam meam pro fidei memoria servaretur, monstraret frequentia litterarum, et insepultam caritatem testis pectoris sermo recluderet. At nunc oblitum mei te sentio; nec aliquam melioris sæculi retinere concordiam; quando nulla quæ sollicitudinem tuam resignet, scripta diriguntur. Sed ego desiderii impatientiam ad verba converti: qui scio tunc novellam amicitiam habere dulcedinem, si annosa servetur; et illud esse in affectione purius, quod nostri examinavere majores: sciens quia si Camillum mente retines, Ennodium non omittes. Qua de re salutationis munera epistolari cura persolvens, precor ut bajulum præsentium, clericum meum, quem ad Gallias et suæ utilitatis et meæ jussionis causa perduxit, susceptum habere digneris. Quo remeante prospera vestra scriptione signate: ut si quid in amore damni fecit oblivio, epistolaris sollicitudo restituat.

Si la vieille amitié qui liait mes parents à votre Grandeur et dont elle cueillait des fruits si abondants, subsistait, en leur souvenir, en faveur de ma personne, elle se montrerait par de fréquentes lettres et votre parole, témoin des sentiments du cœur, manifesterait que votre affection pour moi n’est pas tout à fait morte. Mais je comprends maintenant que vous m’avez oublié et que pas même l’espérance d’un monde meilleur, qui devrait nous être commune, ne vous unit à moi, puisque nulle lettre, qui puisse me porter le témoignage de votre sollicitude, ne m’arrive de vous. Mais moi, je traduis en paroles l’impatience de mes désirs, car je sais qu’une amitié nouvelle prend du charme à mesure qu’elle vieillit, et que ce qu’il y a de plus pur dans nos affections, ce sont celles qui prirent naissance sous les yeux de nos parents; en un mot je sais que si vous gardez le souvenir de Camille,[2] vous n’oublierez pas Ennodius. C’est pourquoi, en vous rendant par cette lettre les devoirs de mes salutations, je vous prie de faire au porteur des présentes, mon clerc, que ses affaires et l’exécution de mes ordres amènent en Gaule, un accueil bienveillant. Ne manquez pas, à son retour, de me donner par écrit de vos nouvelles et de réparer, par le soin que vous y mettrez, tout le tort que notre amitié a pu souffrir de votre oubli.

EPISTULA XXVI.

ENNODIUS EUGENETI V. I.

LETTRE XXVI.

ENNODIUS A EUGENE ILLUSTRE.

Eugène vient d’être élevé à la questure. Ennodius s’empresse de le complimenter. Il le prie de lui continuer la bienveillance de son prédécesseur, d’où l’on pense qu’Eugène succédait à Faustus.

Faustum cœlo omen adveniens auspicia vestra corroboret, et tirocinia canæ dignitatis suis muniant divina consiliis. Per vos supernus favor regat dominum libertatis: ut ex pectoris vestri fonte ad aures principis defluat, quod in vobis æternus imber infuderit. Ecce quæ debui vota rudimentis, licet coactis in artum sermonibus, enarravi. Vos mementote promissi amoris et fœderis, ut sine mutationis dispendio debitum mihi quæstura dissolvat. Tenete circa me animum decessoris: dignitatis vestræ pollicitatio non frangatur variata personis domini mei.

Salvete pro desiderio supplicis, et in magna beneficiorum promulgatione suscipite parca colloquia. Talis enim est usus felicium et natura meliorum, ut linguæ copias rebus et præstitis antecellant.

Que le ciel donne en votre faveur d’heureux présages et que Dieu éclaire de ses conseils vos débuts dans une si haute charge. Que par vous le ciel daigne gouverner l’arbitre de la liberté, en sorte que de votre cœur comme d’une fontaine découle aux oreilles du prince La sagesse descendue en vous comme une bienfaisante rosée. Tels sont, quoique exprimés en termes concis, les vœux que je forme pour votre entrée en charge. Vous, gardez le souvenir de l’affection promise et de l’amitié jurée, et que malgré ce changement, la Questure me paie ce que j’en attends. Continuez-moi les bienveillantes dispositions de votre prédécesseur : que son changement n’entame en rien ce que me promettait, avec lui, la dignité dans laquelle vous le remplacez.

Que Dieu vous garde en bonne santé comme je l’en supplie, et pour célébrer les insignes faveurs dont il vous comble, daignez agréer ces courtes paroles. Telle est l’habitude des heureux et le naturel de ceux qui excellent leurs œuvres et leurs bienfaits dépassent les ressources du langage.

EPISTULA XXVII.

ENNODIUS SENARIO.

LETTRE XXVII.

ENNODIUS A SENARIUS.

Faustus relevé de sa questure tardait à revenir de Ravenne; Ennodius inquiet en demande la cause.

Festinatio perlatoris in artum cœgit epistolam, dolentem magna fecit pauca dictare. Apud eum tamen ista non gravant, qui inter sermonum angustias interpres est sensuum. Super tarditate enim domni Fausti et opinionum varietate discrucior. Vos post Deum anxietati meæ celeri rescriptione succurrite: quia deterius est incerta macerari spe, quam manifestam desperationem indicio amantis agnoscere. Valete, mi domini, et advertentes quid cupiam, votiva vel necessaria promulgate colloquia.

La hâte du porteur m’a forcé de vous écrire brièvement et lorsque je suis en si grande peine, je ne puis vous adresser que peu de mots. Mais ceci ne tire pas à conséquence auprès d’un homme qui sait, à travers le laconisme du discours, découvrir les pensées qu’il recèle. Le retard de Faustus et la diversité des opinions à ce sujet me mettent à la torture. De grâce, après Dieu, mettez fin à mon anxiété par une prompte lettre car il est plus dur de souffrir des incertitudes d’un espoir mal assuré que d’apprendre d’un ami qu’il n’y a plus rien à espérer. Adieu, mon cher Seigneur; tenez compte de mes désirs et répondez-y comme les circonstances l’exigent.

EPISTULA XXVIII.

ENNODIUS AGAPITO.

LETTRE XXVIII.

ENNODIUS A AGAPIT.

Il invoque sa haute influence en faveur d’un personnage en butte à des attaques.

Si mihi ex sententia dies fluerent, non negotiosis operam paginis potius quam obsequentibus exhiberem; nec munus caritatis ad officia peregrina transducerem. Sed coactus rem diligentiæ necessariis commutavi. Sublimis enim et magnificus vir pro dolosis inimicorum laborat insidiis: qui per me æquitatis vestræ implorat patrocinium; ne prava concinnatio opinionem ejus permittatur incessere, et fabricati rumoris ferat forte compendium.

Domine mi, salutationem largissimam dicens deprecor, ut ille qui in vobis notus est vigor assurgat, et quod a patribus vestris poscitur mei sermonis obsequio, ad impetrationem congruam perducatur.

Si mes jours s’écoulaient au gré de mes désirs ce n’est pas aux affaires mais à l’amitié que je consacrerais mes lettres ; je ne détournerais pas à des emplois étrangers ce qui devrait rester uniquement au service de l’affection. Mais la nécessité s’impose et m’oblige de la servir au lieu de l’amitié. Car un homme sublime et magnifique est sous le coup des artificieuses intrigues de ses ennemis: par mon intermédiaire il implore la protection de votre équité, afin qu’il ne soit permis à des machinations malhonnêtes d’attaquer sa réputation et de lui faire supporter les conséquences de faux bruits mis à plaisir en circulation.

Mon cher seigneur, en vous adressant mes salutations les plus empressées je vous conjure de mettre en œuvre toute la vigueur que l’on vous connaît pour faire obtenir dans une juste mesure ce qui vous est ainsi demandé.

EPISTULA XXIX.

PAPÆ ENNODIUS.

LETTRE XXIX

ENNODIUS AU PAPE

Lettre de compliments au pape Symmaque ; allusion l’élection de l’évêque d’Aquilée et aux brigues auxquelles elle donna lieu (v, 1).

Cœlestis utilitatem sequacium cura disponit. Inauspicata bene de Deo merentibus dona tribuuntur. Ingerit superna dispensatio etiam quod supplicare humanitas non præsumit. Agnoverunt adversarii sedis vestræ, quo propugnante vincantur: quod proxime de Aquileiensi redemptor noster persona reseravit. Et ideo inter excellentia munerum divinorum peto, ut mei corona vestra meminisse non abnuat. Invitat enim ad famulandum plurimos, qui quamvis longe positum diligit obsequentem. Vale.

La providence céleste conduit les événements scion l’intérêt de ceux qui lui sont fidèles; Dieu accorde à qui le mérite des faveurs inattendues : sa bonté dispense même des dons que l’humanité n’ose demander. Les adversaires de votre siège ont pu apprendre de quelle main leur vient la défaite: ce que notre rédempteur a montré récemment à l’égard du personnage d’Aquilée. Aussi parmi les faveurs divines celle que je demande par excellence c’est que votre couronne ne dédaigne pas de se souvenir de moi. Au reste c’est inviter les autres à se reconnaître en foule comme vos serviteurs que de donner, malgré l’éloignement, des témoignages d’affection à celui qui vous est respectueux et soumis. Adieu.

EPISTULA XXX.

EUGENETI V. I. ENNODIUS

LETTRE XXX.

A EUGÈNE ILLUSTRE ENNODIUS.

Lettre d’amitié. La joie rend éloquent.

Postquam prima spei meæ effectum dedere colloquia, ad usum sermonis ora diu feriata laxavi: animatur enim successibus, etiam cui per conscientiam non suppetit Latiaris eruditio. Cessantibus studiis sæpe facundum gaudia reddiderunt: mœroris nubila hilaritas depellit, mox rutilantia per sudum verba discurrunt. Itaque aut perfectos nos lætitia monstrat, aut infantes facit adversitas. Hæc, mi domine, vobis etiam astipulantibus confirmantur. Ergo tempus prosperitatis amplexus, reddo debendæ salutationis affectum; sperans ut circa me nobilis promissio quæ a plenitudine gratiæ sumpsit exordium, quasi incrementis egena geminetur. Vale.

Mes premières lettres ont produit l’effet que j’en espérais (obtenir une réponse); aussitôt mettant fin à mon long silence, j’ai donné libre carrière à ma parole. Les succès excitent à parler même celui qui manque de l’érudition qui forme le style. A défaut de l’étude, souvent la joie rend éloquent: que la gaîté vienne dissiper les nuages sombres de la tristesse, aussitôt les paroles jaillissent étincelantes. Ainsi ou bien la joie nous fait paraître parfaits orateurs, ou bien l’adversité nous laisse sans parole. Vous même, cher Seigneur, vous fournissez la confirmation de tout cela. Je profite donc de ce temps qui m’est favorable pour vous rendre l’affectueux hommage de mes salutations et j’espère que la noble promesse dont je dois la faveur à votre parfaite bienveillance, comme pour s’affirmer davantage, me sera renouvelée. Adieu.

EPISTULA XXXI.

ENNODIUS AVITO.

LFTTRE XXXI.

ENNODIUS A AVITUS.

L’évêque d’Aquilée est mort; il faut élire pour lui succéder un digne sujet.

Licet multam nobis per litteras magnitudinis tuæ occasionem gaudii elementa pepererunt, cum ad hilaritatis obsequium index funeris sermo militasset, non tamen par lacrymis jncunditas contigit, nec mœroris turbidum ex toto colloquii serena depulerunt. Retinet afflictionem mens de tanti decessione pontificis, etiam post desiderata colloquia; ab hoc, quia natura rerum est, ut quælibet lætitia vel modici angoris collatione superetur.

Sed quid nova commemoratione facimus, quæ animum clandestina hactenus jactatione domuerunt? Votis vestris cum Dei adjutorio comitem me promitto: dummodo salva domni papæ nostri incolumitate, talem vos elegisse cognoscam, quem eum cui animæ cura est, laudare non pudeat. Nefas est enim credentem ad obliqua provocare, et quem affectu obligastis, per incerta deducere. Vale.

Bien que la lettre de votre Grandeur, tout en m’annonçant une v si lamentable, me fut l’occasion d’une grande joie et qu’en me faisant part du deuil, votre discours me fut particulièrement agréable, les larmes cependant l’ont emporté sur le plaisir et les charmes de votre entretien n’ont pu dissiper entièrement la tristesse de mon âme. La mort d’un si grand pontife plonge mou cœur dans l’affliction, môme à la suite de vos entretiens si désirés, car il est dans la nature des choses que la joie, quelle qu’elle soit, cède à l’angoisse même la plus minime:

Mais pourquoi, par ces souvenirs, raviver les émotions qui ont accablé notre âme? Je vous promets, avec l’aide de Dieu, de m’associer à vos vœux, pourvu toutefois que celui dont j’apprendrai l’élection soit tel que notre seigneur le Pape (Dieu le garde en bonne santé) auquel incombe la charge de notre âme n’ait pas à rougir de le louer. C’est un crime que d’entraîner hors du droit chemin celui qui se confie à vous et que d’égarer celui que l’affection lie à vos pas.

EPISTULA XXXII.

ENNODIUS EUGENETI.

LETTRE XXXII.

ENNODIUS A EUGÈNE.

Lettre d’amitié.

Non æstimo rem obsequii frequentia posse rancessere: nec culturam diligentiæ vitio garrulitatis ascribi. Suppetat forte de abstinentia tabellarum excusatio illis, qui publicæ utilitatis muniis occupantur: veniam non meretur, si a scriptionis assiduitate temperet absolutus. Liquido confitetur amoris negligentiam, qui cum possit, epistolas in quibus est affectionis pabulum, non ministrat: error otiosi est, si bene comperta mens per linguæ ferias desideratis attenuetur impasta colloquiis. Sed sicut nos religionem gratiæ fovere convenit, curis sæcularibus nil debentes: ita nisi magnitudo vestra partibus suis adfuerit promulgatione responsi, damnatis probe facta reticendo: quia si tollantur virtutibus præmia, quem laborasse non pudeat?

Ecce quantum, æstimo, brevi elocutus utrorumque propositum; animo meo male esse confiteor, quod remeante Montanario, cum dedissem paginas, non recepi: quod debitum posco lege restitui, pudore geminari.

Nunc vale, mi domine, et vestram quærens, propriam nuntians sospitatem, Deum precor, ut si mei memor est, prospera vestra multiplicet.

Je ne crois pas que les témoignages d’attachement puissent devenir fastidieux ni qu’on taxe de bavardage des entretiens, aliment de l’amitié. Que l’on excuse le silence de ceux qu’occupent des charges publique, soit; mais l’homme laissé aux loisirs de la vie privée ne saurait se justifier de ne pas écrire assidûment. C’est avouer au grand jour n’avoir nul souci de l’amitié que de négliger d’écrire lorsqu’on le peut: les lettres sont l’aliment de l’affection. L’homme inoccupé est inexcusable de laisser languir par sa négligence à écrire une intelligence qu’il sait avide d’entretiens. Mais de même qu’il nous convient d’être assidus à cultiver la religion de l’amitié, nous qui sommes totalement dégagés des soucis séculiers, ainsi votre Grandeur méconnaîtrait ses propres intérêts si elle négligeait de répondre, car son silence serait comme le désaveu d’une bonne action: si la vertu n’est pas récompensée, qui donc ne sera dégoûté de travailler pour elle.

Voici donc qu’après avoir exposé brièvement, comme je t’envisage, ce que nous avons chacun à faire, je dois avouer que je suis tout décontenancé de ce qu’ayant chargé Montanarius d’une lettre, il me revient les mains vides ; dette dont j’exige au nom de la justice le paiement, et que la pudeur vous fait un devoir d’acquitter deux fois.

Et maintenant adieu, cher seigneur; j’attends de vos bonnes nouvelles en vous donnant des miennes et je prie Dieu, s’il se souvient de moi, d’ajouter à votre bonheur.

EPISTULA XXXIII.

ENNODIUS SENARIO.

LETTRE XXXIII.

ENNODIUS A SENARIUS.

Il recommande à Senarius, alors en charge dans le palais de Théodoric, un noble citoyen qui se rendait à Ravenne pour s’y défendre contre de puissants ennemis. Il reproche à Senarius son silence obstiné.

Si amor pudori acquiesceret, si caritatis impatientia verecundiæ lege teneretur, a paginalibus officiis temperarem, et silentii formam vestri imitator assumerem: non improvidus æstimator conjiciens, illa quibus remuneratio a vobis subtrahitur, non amari: nec suaderi facilius tabellarum abstinentiam, quam tacendo: viros comitatensis exercitii per linguæ ferias clamare, quid respuant. Sed non ita est magnitudo tua lineis quadrata fabrilibus, ut quolibet tecta velamine amantis oculos possit effugere: quia sine obstaculo vestium penetralia respicit mens amici. Nemo æstimet, quod latentis interna consilii apud caros aulicis excocta fornacibus celet urbanitas. Sed credo, querelis meis illud ordinis vestri aptum excusationibus genus opponas: non recte ab occupatis otiosorum munia postulari; vix ad hæc officia posse descendere obsequiis principalibus adhærentes. Audivi quidem sæpe talia: sed confiteor, non recepi: quia frequentes necessitates desideria transcendunt, et sine intermissione timor cedit affectui. Voluntas in culpa est, quæ concinnata excusatione defenditur. Ecce, mi domine, quam magna doleam, cum officio salutationis asserui; perlatorem utrique carum, pro fide sua et nobilitate commendans, ut beneficio culminis vestri inimicorum insolentia technis suis oppressa subjaceat. Vale.

Si l’affection subissait la loi de la pudeur, si les élans de l’amitié devaient se modérer d’après les lois qu’impose la réserve, je devrais m’abstenir de vous écrire et adopter à votre exemple le parti de me taire. La moindre perspicacité ne devrait-elle pas en effet me faire comprendre que puisque vous n’y donnez pas de réponse, ces lettres ne vous sont pas agréables et que la façon la plus élémentaire de faire entendre à quelqu’un qu’il n’a qu’à cesser d’écrire, c’est le silence? Les hommes en charge au palais ont une manière à eux de signaler ce qui ne leur agrée pas; c’est de se taire. Mais votre Grandeur a beau se couvrir d’un masque, le voile dont elle se couvre est impuissant à la dérober aux regards d’un ami. Malgré l’enveloppe des vêtements la pensée d’un ami plonge jusqu’au plus intime du cœur et en découvre les secrets. Ce serait une erreur de croire que pour déguiser aux yeux des amis les secrets sentiments que l’on a puisés à la cour il suffise d’en avoir pris les usages. Mais je le sais bien, à mes plaintes vous ne manquerez d’opposer comme excuse toujours prête la nature de votre charge. Il ne faut pas exiger de gens si occupés un tribut qui est l’apanage des oisifs; il est très difficile de se prêter à ces devoirs de déférence lorsque l’on est attaché aux emplois de la cour. Souvent, en effet, j’ai entendu formuler de pareilles excuses, mais, je l’avoue, je ne les ai pas admises, car on voit tous les jours que les nécessités de ce genre ne sont point un obstacle à ceux qu’animent de sincères désirs et toujours la crainte le cède à l’affection. Elle est coupable la volonté qui pour se justifier doit alléguer des motifs si recherchés. Mais j’en ai assez dit, mou chier Seigneur, pour vous faire entendre combien je souffre de votre silence, tout en vous rendant le devoir de mes salutations. Je joins la recommandation du porteur qui la mérite doublement pour sa probité et sa noblesse. Je désire que grâce à votre Grandeur l’insolence de ses ennemis succombe écrasée sous ses propres machinations. Adieu.

EPISTULA XXXIV.

ENNODIUS HORMISDÆ.

LETTRE XXXIV.

ENNODIUS A HORMISDAS.

Lettre d’amitié.

Postquam votiva mihi necessitas vestra beneficio proximitatis desiderii cœpit spondere effectum, animo ad longiora transiistis; et cum Liguriam pene manu contingitis, linguam feriis deputastis. Minus licuit absentiæ dum sanctitatem vestram prolixa viarum intervalla tenuerunt: pensabat confabulatio dispendia visionis, et in remediis provisa diligentiæ litterarum commercia præstabantur: per quæ officia inter habitatione discretos nil peribat affectui. Sed, credo, eligitis amicis difficiliora tribuere: non putantes beneficium, si pascar in tanta vicinitate colloquiis. At ergo casum meum versa æstimatione suspiro, ne beatitudo tua retulerit ad judicium, quod exhibuit blandimentis; dum quod præcessit, ascribit tempori, non amori. Facessat a nostro in amicitiis frons picta proposito: nos ad hanc fabricam nulla præcedentium studiorum lima composuit: nudam scimus ad conjunctionem afferre concordiam: urbanitatem inter caros ut venena respuimus.

Ergo, mi domine, salutationem accipiens, amantem tui in hac potius parte sectare, et ut culturam fidei per frequentiam sermonis impendas, et ex secreto pectoris infucata exspectanti verba concedas. Vale.

Voici que les exigences de vos affaires, en vous amenant proche de moi, me promettaient déjà la réalisation de mes plus ardents désirs, mais, loin de là, votre esprit n’a fait que s’éloigner et lorsque vous touchiez presque la Ligurie de la main, vous avez imposé silence à votre langue. Vous ne vous eussiez pas permis cela lorsque d’immenses espaces tenaient votre Sainteté éloignée. S’il nous était impossible de nous voir, nous trouvions une compensation dans les entretiens d’un commerce épistolaire régulier, remède souverain aux maux dont peut souffrir l’amitié; et grâce à cet échange de bons offices la distance qui nous séparait ne diminuait en rien notre affection. Mais vous avez, je crois, pour principe de ne donner à vos amis que ce qui vous coûte beaucoup et vous ne croiriez pas m’obliger, étant si proche, que de me faire jouir de vos entretiens. Quant à moi j’apprécie autrement les choses et je me désole à la pensée que voue béatitude fait désormais trêve aux compliments pour ne m’accorder que ce à quoi j’ai droit et qu’il faut attribuer aux circonstances, non à son amitié, les témoignages que j’en ai précédemment reçus. Mettons de côté, de grâce, dans nos relations d’amitié toute façon empruntée; nous n’avons point été formés à pareille école ; nous savons exposer en toute franchise les sentiments qui nous portent à nous unir. Les civilités entre amis, nous les repoussons comme la peste.

Donc, mon cher seigneur, agréez mes salutations et imitez en ceci votre ami : cultivez son amitié par de fréquentes lettres et parlez-lui à cœur ouvert comme il le désire.

EPISTULA XXXV.

ENNODIUS APRONIANO V. I.

LETTRE XXXV.

ENNODIUS A APRONIANUS ILLUSTRE.

Lettre d’amitié. Le titre d’Illustre fait supposer qu’Apronianus occupait quelque charge importante. Nous savons par Cassiodore (iii Var., 53) qu’il fut Comte des Largesses Privées (Comes Privatarum).

In usu est viris morum claritate fulgentibus religionem amicitiæ per culturam nutrire colloquii: ut dum gratiæ germina fotu confabulationis animantur, ad messem conjunctio fœderata perveniat. Per hæc enim munia voluit senior providentia absentiæ nil licere. Merito de vobis emendatissimus hominum domnus Faustus prædicat singulare testimonium. Sine nube datur agnosci, nihil de eo dubitandum, quem probatus attollit. Sed nunc ad epistolæ angustias me reducens, secretis debitam laudem claudo penetralibus, ne quod apud externos faciendum est, apud vos importunitate rancescat.

Vale, mi domine, salutationem obsequentissimam accipiens: Deum precor, ut prospera vestra in longum producens, mihi quoque secundis amicorum successibus spondeat auctionem. Vale.

Il est d’usage parmi les hommes que distingue l’éclat de leur vie, d’alimenter la religion de l’amitié par le culte des rapports épistolaires; car sous l’influence de la conversation, les germes de la sympathie prennent vie et les fruits de l’union des cœurs amis parviennent à maturité. Par cet échange de tributs réciproques la vénérable Providence a voulu obvier aux inconvénients de l’absence. C’est à bon droit que le plus honnête des hommes monseigneur Faustus, rend de vous le plus avantageux des témoignages. Il est clair qu’on ne peut conserver le moindre doute sur la valeur d’un homme qui obtient les éloges d’un personnage aussi qualifié. Mais je dois me restreindre dans les limites d’une lettre et renfermer dans le secret de ma pensée l’éloge qui vous est dû, de crainte que ces compliments dont il faut user vis à vis des étrangers, ne vous paraissent importuns et ne vous soient désagréables.

Adieu mon cher seigneur, agréez mes très humbles salutations: Je prie Dieu de prolonger longuement votre prospérité et de m’assurer à moi-même, par le fait du bonheur de mes amis, un surcroît de félicité. Adieu.


 

[1] Allusion à la précédente lettre à Jean (ii, lettre 18).

[2] Père d’Ennodius.