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CATHEDRAL CHURCH
OF SAINT ENNODIUS AND
SAINT VERONICA
AT WENCHOSTER
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à LA TABLE D'ENNODIUS ENNODIUS
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
LETTRES
LIVRE III
livre I - livre II -
livre IV
LIBER TERTIUS.
|
LIVRE TROISIEME.
|
EPISTOLA PRIMA.
SENATORI EPISCOPO
ENNODIUS.
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LETTRE I
ENNODIUS A L’ÉVÊQUE SÉNATOR
Il revendique ses esclaves que lui
ont soustrait les gens de l’évêque Sénator. |
Prima res est sancto
conveniens sine dubitatione proposito, sponte pro justitia
facere, quidquid alii solent moniti exhibere: sed honestati
proxima vel secunda, rectis suggestionibus non gravari. In qua
parte et si principem locum non possidet qui monetur, habet
tamen Dei gratiam, quod veritatis insinuationibus non repugnat.
Causam ergo præfationis insinuo, ne et ego utilitatem meam
differre videar prolixitate sermonum. Dudum per me suppliciter
postulavi, ut de mancipiis quæ de casa mea a vestris solicitata
constabat, unum mihi quod remanserat, redderetur. Dedistis
precibus meis sancta promissione responsum, ut etiam si vobis
puer ipse jure competeret, vos tamen gratiam commodis anteferre.
Regresso me de Ravenna, quod dictu nefas est, pro peccatis meis
effectum sacerdotalis diffinitio habere non potuit. Adscribo
meritis meis, quod cujus ore damnatur mendacium, statuta
violavit. Ecce iterum me ad conscientiam vestram refero: ecce,
quod filium decet, exhibeo, ut per sublimem et magnificum virum
domnum Victorem ad humilitatem conferam, quidquid mihi poterat
legum sæcularium auctoritate præstari. Videte si reus sum, qui
elegi virum antistitum moribus congruentem: qui vel contra
æquitatem repugnantium indomita posset corda mollire. Effectum
mihi negotii jam promisi, qui legati meritum comprobavi.
Providete, si religionem deceat, si a pontifice dignum sit,
illum qui potest cautibus imperare, contemni. Duo sunt quæ mecum
faciunt, negotii sinceritas, et genus supplicantis: quidquid
contra hoc obstiterit, bonorum sententiam mox meretur. |
La
première chose qui s’impose à celui qui embrasse la perfection,
c’est, sans contredit, de se porter de soi-même à faire pour la
justice tout ce que les autres ont coutume de ne faire que
lorsqu’on le leur demande; mais la seconde, et sans laquelle on
peut dire qu’il n’y a point d’honnêteté, consiste à ne point
être fâché des réclamations fondées en justice. En ce dernier
cas si celui qui reçoit l’avertissement n’occupe pas le premier
rang, il est néanmoins agréable à Dieu en ce que l’exposé de la
vérité ne le trouve pas rebelle. Or voici le fait qui motive ce
préambule, car ce serait paraître oublier moi-même mes propres
intérêts que de me perdre en de longs discours. Il y a quelque
temps que je vous adressai personnellement une humble requête au
sujet des esclaves qui furent, comme il est avéré, détournés de
chez moi par vos gens, pour obtenir que l’un deux, qui ne
s’était pas enfui, me fut rendu. Vous répondîtes à mes prières
par la promesse sacrée que dans le cas même où l’esclave vous
appartiendrait de droit, vous préféreriez m’être agréable que de
rechercher vos avantages. Me voilà revenu de Ravenne et, ce
qu’il est fâcheux de dire, en punition de mes péchés votre
décision épiscopale reste sans effet. Oui, j’attribue à mes
péchés que celui dont la bouche condamne le mensonge ait manqué
à ses engagements. De nouveau je fais appel à votre conscience;
c’est en fils respectueux que je vous parle et que je vous fais
très humblement demander par le sublime et noble seigneur
Victor, ce que j’aurais pu revendiquer en vertu des lois de
l’Etat. Voyez si je mérite des reproches, moi qui ai choisi un
homme tout à fait digne de traiter avec un évêque et d’un mérite
tel qu’il pourrait faire fléchir les coeurs les plus rebelles à
l’équité. Je me suis d’avance promis le succès de ma démarche
lorsque j’ai constaté le mérite de celui que j’en ai chargé.
Considérez donc, je vous prie, si la religion peut tolérer, s’il
est digne d’un évêque qu’un homme qui peut commander aux
rochers, n’obtienne que des refus. Deux choses me font espérer
de réussir: la justice de mes revendications et les qualités
personnelles du négociateur. Tout ce qui pourrait aller contre
ne tarderait pas à être passé au crible de l’opinion des
honnêtes gens. |
EPISTOLA II.
EUGENETI ENNODIUS.
|
LETTRE II
ENNODIUS A EUGÈNE
Condoléances sur la mort de son
frère que Sirmond croit être Olybrius l’éminent avocat romain
(I. 25. Cassiod.
viii var.
19). |
Quamvis commercia
litterarum magis sunt lætitiæ quam mœroris; nec secretum
pectoris aut amicitiæ diligentiam bene in lucem digerat clauda
recenti confusione elocutio; videro tamen, utrum dispendium
caritati inferat sermo rarior; monstrat tamen, si nullus
prorogetur, infantiam. Testem divinitas gratiæ linguæ dedit
officium. Sed dicas, mi domine, hæc aliena esse ab eo quem
noverim maximis doloribus occupatum: pressum pectus angoribus,
ad amoris verba non erigi: nec quidquam delenificum lamenta
sentire: res quæ mentem premit, repudiat quod oblectat auditum:
qui major animæ fuit portio frater in superis, hanc transtulit
ad sepulcra. Quid exigendum ab illo sit, cujus dimidium salutis
busta clauserunt? In summis afflictionibus quæri non posse
vocem, gemitibus subjugatam. Lacrimarum tempore dicatur
importuna narratio. Respondebo, quod par quoque meum pectus
acerbi casus mœror intraverit. Nec dividi me posse ab ejus
tristitia, quem mihi pro voluntatum similitudine nonnunquam læta
junxerunt. Ostendo tamen sæpe gravioris mali in luctibus indicem
fuisse sermonem, et intercepta taciturnitatis remedia proditore
colloquio. Dicam: qui lamentationi suæ paginas denegat, in una
ætate vult perire quod deflet: non meretur recordatio fratris et
docti, ut nobiscum quid de ipso senserimus, occumbat: a feriato
ore in planctibus parcus est animus: amati commemoratio quæ
mandatur tabellis, viscera carorum aculeis violenter irrumpit:
nunquam patitur obitum veterascere relatio funeris digesta per
litteras. Hoc studio magnitudinem tuam flens consolator appello,
ut vicarii sermonis beneficio, et promissus sub invocatione Dei
inter nos nutriatur affectus, et persona facundiæ quæ meritis
suis occasum non patitur, nostra quoque confabulatione
reviviscat. |
Le
commerce épistolaire, il est vrai, s’accommode mieux de la joie
que du chagrin et c’est avec peine que sous l’impression d’une
récente tristesse, nous exprimons en un style mal assuré les
sentiments intimes de notre coeur et les tendresses de l’amitié:
Il me semble cependant que de rendre plus rares les entretiens
c’est un dommage pour l’amitié, et que de les supprimer
absolument c’est avouer son incapacité. Dieu nous a donné le
langage pour témoigner de nos sympathies. Mais, me direz-vous,
mon cher Seigneur, tout cela ne touche plus guère un homme que
vous savez en proie aux plus grandes douleurs; un coeur abîmé
dans l’angoisse ne s’ouvre plus à exprimer l’amour et, dans
l’amertume des lamentations, on perd tout sentiment de
l’agréable : lorsque l’esprit est accablé il n’y a plus d’accès
pour ce qui charme l’oreille: mon frère a emporté au tombeau la
meilleure partie de mon âme. Que peut-on exiger d’un homme dont
la moitié de la vie est enfermée au tombeau? Au plus fort de
l’affliction on ne peut demander d’entendre une voix
qu’étouffent les sanglots. Lorsqu’on est dans les larmes on n’a
guère le coeur à dicter un récit. Je vous répondrai que ce cruel
événement a rempli mon coeur d’une égale tristesse, et qu’il
m’est impossible de ne point participer au chagrin de celui qui,
quelques fois, en raison de l’harmonie de nos volontés, a
partagé mes joies. J’allègue cependant que souvent, dans les
deuils, la parole s’est faite entendre pour révéler l’étendue de
la douleur et que le remède du silence fut interrompu pour
donner libre cours aux confidences. J’ajouterai : Négliger de
consigner par écrit ses lamentations c’est vouloir laisser périr
à jamais, au bout de peu de temps, le souvenir de celui qu’on
pleure : la mémoire d’un frère et d’un savant ne mérite pas
qu’avec nous périsse dans l’oubli ce que nous avons pensé de
lui. Lorsque les lèvres restent closes l’âme est avare de
sentiments douloureux; au contraire ce que l’on écrit à la
mémoire d’un être aimé pénètre, comme un dard acéré, jusqu’aux
entrailles de ceux qui l’aimèrent. Le souvenir d’une mort ne
s’efface pas dès lors que les funérailles restent décrites dans
une lettre. Dans ce dessein, au milieu de mes larmes, j’adresse
à votre grandeur ces paroles de consolation, en sorte que par
notre entretien l’affection que nous nous sommes vouée sous
l’invocation de Dieu, trouve son aliment, et que ce personnage
éloquent dont les mérites ne doivent pas tomber en oubli, revive
encore par notre conversation. |
EPISTOLA III.
DOMNO SUO FAUSTO
ENNODIUS.
|
LETTRE III
ENNODIUS A SON SEIGNEUR
FAUSTUS
Il recommande Constantius. |
Cum scribendi occasio,
et domestica et amica suppeditet, quare a paginis temperem,
tanquam indigus perlatoris: maxime cum sedulitas litterarum
responsa mihi soleat sæpe præstare? Huic se studio comitem dedit
honorabilis viri, veneratoris vestri fratris Constantii
postulatio, qui industriam suam qua apud vos domnos, ut
efficacem decet, innotuit, meis desiderat beneficiis subjugare.
Transcribit enim ad aliena jura sudorem suum, qui debere vult
commendatitiis quod meretur. Dedi tamen manus precibus, et pro
ejus desiderio sub occasione exhibendæ humilitatis scripta
prorogavi Deum rogans, ut sub omni celeritate nuntius me vestræ
valetudinis et prosperitatis adtotlat. Nominatum tamen pro mei
consideratione magnitudo vestra gemino, si indignus precator non
sum, favore comitetur. |
Un
ami qui m’est familier, me fournit l’occasion de vous écrire.
Pourquoi m’en abstenir comme si je manquais de porteur, d’autant
que l’assiduité de mes lettres me vaut d’ordinaire une réponse?
J’y suis aidé aujourd’hui par la demande de mon frère,
l’honorable Constantius, qui vous révère grandement. Peu
confiant dans ses propres mérites qui vous l’ont fait si
avantageusement connaître, il désire les subordonner à mes
bienfaits. N’est-ce pas, en effet, transférer à d’autres les
droits acquis par nos travaux, que de demander à des
recommandations ce qui nous est dû? J’ai néanmoins donné les
mains à sa requête, et selon son désir, j’ai saisi l’occasion de
vous adresser mes humbles hommages, priant Dieu qu’il revienne
aussi promptement que possible m’apporter de bonnes nouvelles de
votre santé et de la prospérité de vos affaires. Daigne
cependant, votre Grandeur, en considération de moi, si du moins
mes prières ont auprès d’elle quelque mérite, accorder au susdit
la faveur de sa bienveillance. |
EPISTOLA IV.
ENNODIUS ABBATI
STEPHANO.
|
LETTRE IV
ENNODIUS A L’ABBÉ ÉTIENNE
Les moines de l’abbé Etienne ont à soutenir un procès contre un
clerc. Ennodius diacre est chargé, comme avocat, de les
défendre. L’affaire doit
se plaider devant l’évêque de Milan. Ennodius se défie des
juges de Milan dont il connaît trop la vénalité, et conseille à
l’abbé de dépêcher l’un des moines auprès de Faustus pour
obtenir son appui. Avec quelle ardeur, une fois qu’il eut quitté
le monde, Ennodius entra dans la voie de la perfection
(Opusc. v). |
Litterarum vestrarum
quam dulce negotium est, quod mihi spiritale munus exhibuit!
Quam votiva perlatorum necessitas, quæ remedii sui studio
desideriis medetur alienis! Confiteor, nisi repugnaret
proposito, inimica pene ad turbandam aliquorum securitatem vota
conciperem. Ecce præstant adversa, quod secunda non tribuunt.
Sanctorum litteras tranquillis rebus unde peccator acciperem,
quas nunquam meritorum meorum nitor exegit? Ecce quantum mihi
contulerunt suffragium, qui a vobis obtinuisse se confitentur.
Divinam æstimo providentiam illa tribuere. Multum jam credo,
quod de malæ conversationis fasce deposui. Proximus est
innocentiæ, qui sanctorum meretur colloquia. Quare dum me
sæcularis licentia immunda possedit, nunquam tanti viri apices
merui: post etiam per longa intervalla, nunquam hujusmodi bona
suscepi. Deus magne, quam dignitatem servientibus tibi tribuis,
ut quos respicere cœperis, etiam amicis tuis reddas acceptos!
Vere semper vos singulari cultura suspexi: semper venerandis
moribus gravata peccatis colla submisi. Ecce jam quasi æqualis
appellor. Erexit me diu custodita subjectio. Fove me ergo
orationibus tuis: ostendis enim paginis, fragile a vobis non
exhiberi patrocinium. Nam et isti suscepti sunt, qui mihi bona
de quibus gestio, contulerunt.
Ad rem redeo. Perditus
ille clericus expavit causam dicere apud episcopum, postquam
defendi a me vidit eos quibus meum deputastis obsequium.
Suggero, si jubetis, et unus de ipsis Ravennam ambulet cum
vestris ad filium vestrum domnum Faustum commendatitiis, ne in
præjudicio ipsorum venalis judicium qui Mediolani exuberat,
sententia depromatur. |
Combien je bénis l’affaire qui
vous oblige à m’écrire puisqu’elle me vaut de recevoir de vous
des lettres qui sont pour mon âme le don le plus précieux! O
l’heureuse nécessité des porteurs qui, poussés par l’obligation
de se pourvoir eux-mêmes, comblent les voeux d’autrui ! Je le
confesse, si ma vocation ne me l’interdisait, je serais tenté de
souhaiter, comme si j’étais leur ennemi, que certains perdissent
la paix dont ils jouissent. C’est qu’en effet j’obtiens de
l’adversité ce que la prospérité ne m’eut point donné. Des
saints, m’écrire? Comment sans la nécessité de faire face aux
attaques, une telle faveur m’eut-elle été accordée, à moi,
pécheur, qui jamais ne l’ai méritée? Je reconnais là de quel
secours furent pour moi les prières de ceux qui, eux-mêmes, se
reconnaissent pour vos débiteurs spirituels. J’attribue toutes
ces faveurs à la divine Providence. Oui, je commence à croire
que je me suis déchargé, pour une bonne part, du fardeau de ma
vieille vie mondaine. Ne faut-il pas approcher de l’innocence
pour mériter de converser avec les saints? Aussi tant que j’ai
vécu selon les maximes perverses du siècle, jamais un homme
d’une si haute vertu ne m’honora de ses lettres; et même
longtemps après ma conversion je restai privé d’un bien si
précieux. Grand Dieu! de quelle dignité vous dotez vos
serviteurs, puisqu’il vous suffit d’abaisser sur eux vos regards
pour leur concilier les bonnes grâces de vos amis! En vérité du
fond de ma bassesse je vous ai toujours considéré avec une
singulière vénération; toujours la sainteté de votre vie m’a
paru infiniment au-dessus de ma misérable existence entachée de
péchés dont le poids m’accable. Et voici que maintenant vous me
parlez comme à votre égal. Je me trouve relevé pour m’être
longtemps tenu humilié. Aidez-moi donc de vos prières; car, à ce
que je vois par vos lettres, ce n’est pas en vain que vous me
prêtez assistance. D’ailleurs ne furent-ils pas aussi vos
clients ceux qui m’ont obtenu les biens dont je suis si heureux?
Je reviens à l’affaire. Ce
misérable clerc a été terrifié d’avoir à plaider devant l’évêque
lorsqu’il a vu que j’étais, par votre choix, chargé de la
défense de vos moines. Je serais d’avis, si vous le trouvez bon,
que l’un des intéressés, muni d’une recommandation de vous
auprès de votre fils le seigneur Faustus, se rendit à Ravenne,
de crainte qu’à leur préjudice on n’obtienne à prix d’argent des
juges, comme il y en a tant à Milan, une sentence vénale.
|
EPISTOLA V.
ENNODIUS MAXIMO.
|
LETTRE V
ENNODIUS A MAXIME
Son mérite littéraire loué par les
beaux esprits. Critiques grincheux. |
Grandes hiatus paterer
litterarum vestrarum elevatus alloquio, si non mei conscius
imperitiam pudore comprimerem, et judicii lancem tenerem, etiam
cum laudor immeritus. Vos dignatio censuræ fecit immemores: me
propositum intra verecundum degere penetrale compellit. Vos
scripta mea tanquam amantes attollitis: me necesse est illos
metuere, qui rancido despicientes cuncta neglectu, etiam
edecimata condemnat. Ago tamen gratias quod apud domnum
Patricium talem me judicare scribitis, qualem vestro testimonio
reddidistis. Insinuationi ergo amor debetur iste, non paginæ,
quam scaber stylus sine eloquentiæ dote signavit. Salutationem
tamen magnitudini vestræ dignam referens, Deo gratias ago, quod
votivis vos auctos successibus reduxit ad propria, quos mens mea
pro connexi ne caritatis nunquam sentit absentes. |
Je
serais grandement tenté de m’enivrer, à la lecture de votre
lettre, des fumées de l’orgueil, si la conscience que j’ai de
mon manque de talent ne me rappelait à la modestie et ne me
mettait en main la balance d’une juste appréciation, même
lorsque l’on me comble d’éloges immérités. La considération dont
vous m’honorez, vous a fait oublier la critique: ma condition me
fait un devoir de vivre humblement retiré du monde. Vous vantez
mes écrits par amitié pour moi; il me faut redouter les faux
délicats dont l’insupportable dédain méprise tout et condamne
même ce qu’il y a de mieux choisi. Laissez- moi cependant vous
remercier de ce que vous m’écrivez que chez le Seigneur
Patricius
on partage à mon égard les sentiments que vous me témoignez
vous-même. Si l’on m’aime ainsi, je le dois à votre insinuation,
non à ma lettre, écrite d’un style rude et dépourvu d’éloquence.
En adressant à votre Grandeur de dignes salutations, je rends
grâces à Dieu de vous avoir, selon nos voeux, ramené auprès des
vôtres, grandi par vos succès. Mon esprit, il est vrai, vous est
si étroitement attaché qu’il ne vous sentit jamais absent. |
EPISTOLA VI.
ENNODIUS LAURENTIO.
|
LETTRE VI
ENNODIUS A LAURENT
Billet d’amitié. |
Dandæ sunt manus amoris
imperio: vinctum me tenet affectio: cui verba concessi, ut quod
ad salve debitum pertinet non tacerem. Domestici perlatoris
occasio mihi perire non potuit, nisi ad diligentiæ testimonium
scripta transmitterem. Salutans ergo reverentia debita, precor
ut vicario me relevetis affatu; quia promitto mihi litterarum
prorogatione responsum. |
Nous
devons céder à l’empire de l’amour; je suis l’esclave de
l’affection à laquelle je n’ai pu refuser une parole pour vous
envoyer le bonjour que je vous dois. Je n’ai pu laisser passer
l’occasion d’un porteur domestique, sans vous adresser un billet
en témoignage de mon amitié. Je vous salue donc avec tout le
respect que je vous dois et vous prie de me procurer le plaisir
de recevoir de vous une réponse, comme je me le promets en vous
écrivant. |
EPISTOLA VII.
ENNODIUS ADEODATO
PRESBYTERO.
|
LETTRE VII
ENNODIUS AU PRÊTRE ADEODAT
Il lui demande d’aller prier pour
lui dans les divers lieux où
sont honorés les saints. Antique
coutume des Stations Romaines. |
Quis vestræ affectionis
immemor, nisi qui est inhumanus, existat? Quis totius religionis
personæ apud Deum nolit habere suffragium? Ego maxime, qui et
gravibus peccatorum sarcinis premor, et vestram gratiam obtinui:
quæ res mihi absolutionem integram pollicetur. Salutans ergo
veneranter et debite, spero, ut pro me per omnia sanctorum loca
vota facias: quæ consecutus, Dei beneficia sine mora dissolvam;
quia compertum mihi est, quod mereris audiri. |
Qui
donc, s’il lui reste quelque chose d’humain, pourrait ne pas se
souvenir de votre affection? Qui ne serait désireux d’obtenir
auprès de Dieu l’intercession d’une personne si parfaitement
religieuse? Moi plus que tout autre, moi qui, sous le poids
énorme de péchés qui m’écrase, ai obtenu votre faveur. C’est
pour moi un motif d’espérer une complète absolution. Je vous
salue donc avec toute la vénération qui vous est due et j’espère
que vous irez faire des voeux pour moi dans tous les lieux où
sont particulièrement honorés les saints (et gardées leurs
reliques). Si je l’obtiens, je rendrai sans retard grâces à Dieu
de ses bienfaits, car je sais par expérience que vous méritez
d’être exaucé. |
EPISTOLA VIII.
ENNODIUS AVIENO.
|
LETTRE VIII
ENNODIUS A AVIENUS
D’après Hartell, cet Aviénus paraît être Fulvianus ou
Flavius Aviénus Junior (ii,
28). — Lettre d’amitié |
Si offensa præstat, ut
magnitudinis tuæ scripta geminentur, quam vellem sæpe illa
sereni pectoris tui tranquilla turbari? Et nisi adversaretur
proposito, causas indignationis ingererem: quando quod amor non
meretur obtinui per culpas. Ego tamen errore vacare me nuntio in
ea causa in qua, dum accusatis negligentiam, præmium
contulistis. Puerum turbatus direxi, per quem nihil aliud, quam
quod opus esset ostendi. Libero pectore lingua vacat officiis:
mens confusa gratiam salutationis abjurat. Ecce Deo in utroque
gratias, quia nec ego reus sum, et vos me reum esse credidistis.
Beneficium mihi commotio vestra contulit, quod vix dedisset
affectio. Ego quid tibi debeam, explicare non possum: pauper est
caritas in cujus narratione sermo non deficit. Domine mi,
salutem debitam dicens, Deum rogo, ut quolibet animo gesseris,
semper scribas. |
S’il
suffit de vous causer du mécontentement pour obtenir de vous
lettre sur lettre, que je voudrais troubler souvent la sérénité
de votre âme! En vérité, si ce n’était tout le contraire de mes
intentions, je prendrais plaisir à vous donner sujet de vous
mettre en colère, puisque ce que mon amitié pour vous ne me
mérite pas, mes fautes me l’ont obtenu. Quant à moi, je ne puis
que proclamer mon innocence dans une affaire où tout en
m’accusant de négligence, vous m’accordez une récompense. Dans
mon trouble je vous expédiai un serviteur par lequel je ne vous
marquai que ce qui était nécessaire. Lorsque l’âme est calme la
langue se prête volontiers aux devoirs de l’amitié? lorsque
notre esprit est dans le trouble nous oublions même de saluer.
J’ai donc doublement à remercier Dieu, et de ce que je ne suis
point coupable et de ce que vous m’avez cru en défaut; votre
irritation m’a valu une faveur que j’eusse à peine obtenue de
votre affection. Je me sens impuissant à vous dire tout ce que
je vous dois: On aime bien peu dès lors que la parole suffit à
l’exprimer. Mon cher seigneur, tout en vous saluant comme je le
dois, je demande à Dieu que vous ne manquiez jamais de m’écrire
ce que vous pourrez avoir dans l’esprit. |
EPISTOLA IX.
ENNODIUS
MARCELLIANO.
|
LETTRE IX
ENNODIUS A. MARCELLIANUS
Lettre de compliment et d’amitié. |
Scio magnitudinem tuam
grandibus Dei beneficiis abundare, et promissam circa amicos
servare constantiam. Nescit animus vester incerta polliceri,
amorem sine aliqua immutatione custodiens: et ideo securum me
post Deum vestris trado et commendo manibus, et Dei beneficia in
quibuscunque negotiis per vos mihi evenire non ambigo.
Domine, ut supra,
salutationis honorificentiam solvens, rogo, ut frequenti me
epistolarum vestrarum relevetis alloquio: quia summum mihi a Deo
munus conceditur, si de vestra meruero sospitate gaudere: quia
fides et integritas omnibus qui Deum timent, facit acceptos. |
Je sais que votre Grandeur reçoit
de Dieu des faveurs insignes et qu’elle garde vis-à-vis de ses
amis la constance promise. Votre esprit ne sait promettre sans
être assuré de tenir et vous gardez votre amitié toujours égale;
aussi, après Dieu, c’est en vos mains qu’en toute sécurité je me
livre et me confie et je ne doute pas qu’en toute occurrence
j’obtiendrai par vous les bienfaits divins.
Monseigneur en vous rendant comme par le passé l’hommage de mes
salutations, je vous demande de m’honorer souvent de vos lettres
qui ont pour moi tant de charme que je considère comme un don de
Dieu inestimable la joie de recevoir de bonnes nouvelles de
votre santé. Au reste votre foi et votre vertu vous concilient
les sympathies de quiconque à la crainte de Dieu. |
EPISTOLA X.
ENNODIUS LUMINOSO.
|
LETTRE X
ENNODIUS A LUMINOSUS
Il le prie de s’employer
à
obtenir du Pape le remboursement
des sommes empruntées à l’évêque de Milan durant les affaires du
schisme de l’anti-pape Laurent (498-503) et pour lesquelles
Ennodius s’était porté caution
(iv, 11,
vi, 16
vi, 33). |
Posset amicitiarum
religio, et adultæ inter nos planta gratiæ nulla discretarum
sentire damna regionum, si quod negatur aspectui, pensaretur
alloquiis: et pigro corporum onere divisi, per illam quam e cœlo
sumpsimus partem, animis jungeremur. Index meræ affectionis voto
pectorum lingua signaret, si ad desiderii copiam militaret oris
officium, et penetrale mentis resignatum teneretur in litteris:
tunc nullo caritas neglectu veterasceret: tunc diligenti mutuæ
devinctionis usu polita fulgeret, nec scabro memoria vestri
torpore læderetur. Sed quid faciam quod mihi meritorum meorum
nebulæ serenitatem bene amantis obducunt, et oblivionem mei
peccata mea conciliant? Facessat a proposito meo, imitari quod
factum doleo, et per silentium sumere de vestra taciturnitate
vindictam.
Geminis ergo stimulis
verba concessi. Negare non potui commercium epistolare, quod et
causa poposcit et gratia. Scitis optime quæ a vobis, et per me,
et ore proprio sanctus pater vester domnus episcopus postulavit,
ut expensa quæ pro necessitatibus domni papæ Ravennæ facta est,
redhibitione pensaretur. Certis enim potentibus quorum nomina
tutum non est scripto signari, novit Dominus, quia plus quam
quadringentos auri solidos erogavit: hos me fidem dicente
concessit. Frons mea apud ipsum libera esse non potest, donec
per vos, sicut confido, pollicitatio compleatur. Idcirco direxi
præsentium perlatorem, hominem religionis et fidei, ut ab hac me
quam præfatus sum, conventione et injuria sublevetis. Unde
salutationis honorem tota humilitate persolvens, rogo, per illum
contestans qui communia circa sanctum papam vota respexit, ut
ordinetis qualiter ab hujusmodi inquietudine relever. Tamen, si
verecundum esse non creditis, indicate, et de propria facultate
restituo, quidquid me spondente a sancto episcopo constat
expensum: quia litteras sancti papæ habeo, quibus jussit,
quidquid opus esset fieri, cum mea debere securitate compleri.
Si mereor laborare, vestræ erit provisionis expendere. |
Il nous serait possible de garder
entière la religion de l’amitié et l’affection qui nous lie, et
n’a fait que croître avec les années, ne serait nullement
diminuée par suite des distances qui nous séparent, si
l’impossibilité de nous voir trouvait sa compensation dans le
commerce épistolaire et si quoique séparés par la paresseuse
enveloppe de notre corps, nous nous tenions unis par cette
partie de nous-même que nous avons reçue du ciel, je veux dire
par nos âmes. En ces entretiens la langue, fidèle interprète de
la sincérité de notre affection, exprimerait les voeux de nos
coeurs, si du moins notre parole concordait avec nos sentiments
et si le fond de notre pensée s’épanchait ouvertement dans nos
lettres : alors on ne verrait pas l’amitié trop négligée
s’attiédir; alors au contraire éclaterait l’affection, fruit de
ce mutuel attachement, et notre souvenir toujours vivant
n’aurait rien à redouter de la hideuse insouciance. Mais que
faire ? Hélas ! Je ne mérite que trop les nuages qui me voilent
la sérénité de votre amitié et si je suis oublié, ne le dois-je
pas à mes péchés? Loin de ma pensée cependant d’imiter ce dont
je me plains et de me taire pour me venger de votre propre
silence.
Un
double aiguillon m’excite à vous écrire : Je n’ai pu me refuser
à cette tâche que réclament à la fois et mon coeur et mes
intérêts. Vous savez, excellent ami, ce que, par moi et de sa
propre bouche, votre Père vénéré, notre Seigneur évêque
vous a demandé; je veux dire le remboursement des sommes
dépensées à Ravenne pour subvenir aux nécessités du seigneur
Pape. Ces sommes distribuées à divers personnages influents dont
il n’est pas prudent de mentionner les noms, s’élèvent, comme on
le sait, à plus de quatre cents solidi d’or que mon
évêque avança sous ma caution. Je ne puis avoir le front de
paraître librement devant lui que je n’aie obtenu par votre
entremise, comme j’en ai la confiance, l’entière exécution des
promesses. Je vous ai donc dépêché le porteur des présentes.
homme de religion et de confiance, pour que vous me sauviez du
préjudice auquel m’expose l’engagement dont j’ai parlé. Aussi en
vous adressant en toute humilité l’hommage de mes salutations,
je vous prie et vous adjure au nom de celui qui relativement au
Saint Pape a écouté nos voeux communs, de prendre les mesures
nécessaires pour que je sois délivré d’un pareil souci.
Cependant, si vous ne jugez pas nos revendications assez
respectueuses, notez-le moi, et je rembourserai de mon propre
fonds tout ce que le vénérable évêque a avancé sous ma garantie;
car j’ai en main des lettres du saint pape par lesquelles il a
donné ordre de faire sous mon cautionnement toutes les dépenses
nécessaires. Je laisse à votre prudence de juger si je mérite de
supporter cette charge. |
EPISTOLA XI.
ENNODIUS SENARIO.
|
LETTRE XI
ENNODIUS A SÉNARIUS
Affectueux reproches d’ami. |
Si diligentiæ memoria
circa personam meam animus vester non exueretur, si reverti eum
ad judicium sublimitas tua non cogeret post favorem, frequentia
scripta prorogares. Sed quid faciam, quia non validis radicibus
nititur amor indebitus, et cito ad examen reducitur, quidquid
gratiæ aura subripuit? Me novi solum prius debuisse diligi quam
probari: hunc tantum fructum de caritate possedi quem incognitus
provisione subtraxi. Sed vos convenerat non cito ab eo cui
imposuistis amici nomen, abscedere; ne non semper ad meam culpam
redeat, quod promissa mihi non tenetur affectio. Solet enim esse
ignara districtionis devincti conscientia, et opus est ut
perpetuo teneat quidquid semel fidum pectus acceperit. Salutem
ergo debitam dicens, spero, ut despicientes rancida potentum
fastidia, honorem vestrum, et quam Deus tribuit possibilitatem,
humilitatis fascibus sublimetis. Cujus rei fidem interpres
animorum lingua confirmet, et testimonium fidele mentibus
deferat caritas monstrata per litteras. |
Si
le souvenir de l’affection que vous avez autrefois témoignée à
ma personne, n’était pas totalement effacé de votre esprit, si
après m’avoir comblé de faveurs, vous ne vous étiez pas imposé
l’obligation d’en revenir à mon égard à la stricte justice, vous
m’écririez fréquemment. Mais qu’y faire, puisque l’amour gratuit
ne tient pas à de fortes racines et que l’on ne tarde pas de
soumettre aux rigueurs de l’examen tout ce que le souffle
passager de la faveur a indûment soustrait? Je ne connais que
moi qui aie dû être aimé avant que d’être mis à l’épreuve. De
votre amitié je n’ai possédé d’autre fruit que ce que j’ai pu,
encore inconnu, soustraire par provision. Mais il convenait de
ne pas sitôt vous éloigner d’un homme auquel vous avez imposé le
nom d’ami, afin que l’on ne me mit pas toujours sur la
conscience que l’amitié qui me fut promise ne m’est pas gardée.
Car d’ordinaire le coeur qui s’est lié d’amitié n’a point de
fissures; il faut qu’il garde toujours ce qui fut une fois
confié à sa fidélité. Donc en vous adressant les salutations que
je vous dois, je conçois l’espérance que vous saurez fouler aux
pieds les orgueilleux dédains des puissants et rehausser des
insignes de l’humilité les honneurs auxquels vous êtes élevé et
le pouvoir dont Dieu vous a favorisé. Que votre parole,
interprète de vos sentiments, m’en donne l’assurance et que vos
lettres, preuve de votre affection, en fournissent à mon coeur
le fidèle témoignage. |
EPISTOLA XII.
ENNODIUS ABBATI
STEPHANO.
|
LETTRE XII
ENNODIUS À L’ABBÉ ETIENNE
Merveilleux effets spirituels de l’amour de Dieu. |
Geminantur Dei dona
sperantibus, et duplici exuberat superna gratia beneficio:
largis meatibus cœlestium munerum unda procurrit: transeunt
haurientis ambitum, quæ a Christo veniunt fluenta donorum. Sola
vena est quæ maciem nescit et defectus abjurat, tantum cursibus
suis suggerens, quantum meretur pectus sitientis accipere. Cui
advertite quid occultus sapor infundat, quando ardorem lympha
conciliat, et siccitatem labiis æstuante animo irriguitas vivi
fluminis gignit. Talis est vestrarum ratio litterarum: quæ
quantam afferunt desideriis satietatem, tanta pariunt et
augmenta: quarum profunditas et bibitur et optatur: et ita puro
ditant gurgite, ut occulto ab eis viscera suffundantur incendio.
In quibus cognatas video flammas, et pocula, et diversitatem
naturæ in peregrinam coisse concordiam.
Domine mi, longum
terris, Deo nostro tribuente, vitæ beatissimæ exemplum præsta,
et per religionis sanctæ philosophiam non in hac vita tantum
sperandum esse, contemptu sæculi præsentis ostende. |
A ceux qui se confient en lui,
Dieu multiplie ses dons et la grâce divine déborde en eux par
une double faveur. Les dons célestes les inondent semblables aux
flots pressés d’un large fleuve; ces dons viennent du Christ en
telle abondance qu’elle dépasse tous les désirs de ceux qui les
reçoivent. Seule cette source ne faiblit ni ne manque; elle
apporte en ses détours autant que mérite de recevoir celui dont
l’âme est altérée. Or admirez les merveilleux effets qu’y
produit sa vertu secrète: Cette eau ne fait qu’exciter sa soif
et plus il approche ses lèvres desséchées de ce fleuve d’eau
vive, plus il sent redoubler l’ardeur qui le dévore. Il en est
absolument de même de vos lettres: autant elles comblent les
désirs, autant elles les augmentent; plus on s’en rassasie plus
on les désire et tandis qu’elles inondent le coeur elles y
avivent le feu caché de ses désirs. J’y vois associées, comme si
elles étaient soeurs, les flammes de la soif et la coupe
toujours pleine qui devrait les éteindre. Deux choses d’une
nature si diverse s’y trouvent unies en une harmonie qui leur
est tout à fait étrangère.
Que
Dieu vous accorde, mon cher seigneur, de donner longtemps à la
terre l’exemple d’une vie très sainte et de montrer par la
sagesse de la vocation religieuse et le mépris du siècle
présent, que notre espoir ne doit pas se borner à la vie d’ici
bas. |
EPISTOLA XIII.
ENNODIUS APOLLINARI.
|
LETTRE XIII
ENNODIUS A APOLLINAIRE
Difficulté de choisir des porteurs consciencieux parmi les
nombreux mercenaires qui
se présentent. |
Quantum cura mea, quæ
affectui vestro per necessitudinem militat, in dies suggerit,
nulla commeantium essent damna contemptus, nisi ad unicum illud
solamen absentium quod in litteris invenit providentia superna,
concurrerent. Sed quid faciam, quando tanta est venientium
confusio, ut nescias qui potissimum deligendus sit, cui reddenda
sanctæ conscientiæ vestræ possent scripta committi? Trahunt enim
in occasionem compendii sui viliores, quidquid nos præstamus
affectui; et grave est, ut serviat cupiditati quod exigit vis
amoris. Idcirco animum usque ad domestici perlatoris
opportunitatem ab scriptione suspendi: ne diligentiæ ratio
sparsa per immeritos perlatores aliena importunitate ranciscat,
et ad me culpa redeat quæ a me non sumpsit exordium.
Necessitatem ergo procurati silentii breviter explicans, ad usum
me paginalem converto, per quod magnitudinis vestræ mihi
præsentiam secretis animorum itineribus exspectata per paginas
verba concedunt. Vale ergo, mi domine, et illa quam debes
generi, serenitate frequentibus amantem fove colloquiis: quia
nullum est tam venerabile munus sollicito, quam si sæpe vos
agnoscam vestram nuntiare, meam quærere sospitatem. |
Si
je n’écoutais que la constante préoccupation où je suis
journellement de répondre aux témoignages d’affection que vous
me donnez, je ne laisserais passer aucun courrier sans en
profiter pour jouir de la seule consolation que la divine
providence a laissée aux absents, qui est de s’écrire. Mais que
faire? Qui choisir parmi cette foule confuse de porteurs qui
offrent leurs services? Comment y distinguer celui auquel on
puisse confier les lettres avec l’assurance qu’elles vous seront
remises intactes? La plupart ne sont que de vils mercenaires qui
n’envisagent que l’occasion de tirer profit de ce commerce que
nous inspire l’affection et il est vraiment pénible de voir
tourner en aliment de la cupidité, ces relations qu’impose
l’amitié. Aussi me suis-je résolu à m’abstenir d’écrire jusques
à ce que j’aie sous la main un porteur de ma maison; j’éviterai
de la sorte que d’indignes porteurs, auxquels aurait été confié
le soin de vous remettre le témoignage de mon affection, ne
négligent de le faire avec diligence et ne lui fassent ainsi
perdre tout son intérêt, et que l’on ne mette sur mon compte une
faute qui n’est nullement de mon fait. Ces quelques mots
suffisent pour vous exposer le motif qui m’a fait à dessein
garder le silence, et maintenant je me remets à vous écrire : à
mesure que je trace ces lignes j’ai l’illusion de votre présence
comme si par les secrets chemins des esprits votre Grandeur
venait à moi. Adieu donc, mon cher seigneur; daignez avec cette
bienveillance que vous devez à votre race, accorder fréquemment
à votre ami le charme de vos entretiens, car pour quelqu’un qui
ne cesse de penser à vous, il ne peut venir de votre part
présent plus apprécié que si je vous vois souvent me donner de
vos nouvelles et demander des miennes. |
Les lettres XIV à XVIII
manquent ou sont incomplètes dans le texte dont nous disposons.
EPISTOLA XIX.
ENNODIUS FAUSTO.
|
LETTRE XIX
ENNODIUS A FAUSTUS
Il lui signifie la découverte
d’un esclave fugitif qu’il suppose lui appartenir. |
Deo gratias, qui
juxta desideria, ne aliquando ab scriptione temperem,
negotiosa facit esse colloquia: potest enim et utilitati
prodesse, quod exigit jus amoris. Proinde, domine, indicia
meæ valetudinis faciens, fugacem puerum vestrum, Germanum
vocabulo, qui ante triennium lapsus est, me suspicor
invenisse; de quo indiculum destinavi: qui si vere vester
est, mature sequenda cognoscam. |
Rendons grâces à Dieu de ce que, selon mes plus vifs désirs,
quelque nouvelle affaire ne me permet pas de rester
longtemps sans vous écrire : rien ne s’oppose en effet à ce
que nous tirions profit des relations que réclame notre
mutuelle affection. Donc, mon cher seigneur, tout en vous
informant de ma bonne santé je vous donne avis que je crois
avoir découvert votre esclave fugitif du nom de Germain,
lequel s’évada il y a plus de trois ans. Je vous en envoie
le signalement. Si en réalité c’est le vôtre, faites-moi
savoir sans retard ce que j’ai à faire. |
EPISTOLA XX.
FAUSTO ENNODIUS.
|
LETTRE XX
ENTODIUS A FAUSTUS
Il prie Faustus d’intervenir
pour mettre fin aux délais apportés au jugement d’un procès
de son
parent Julianus. Détail de
procédure. |
Multiplicibus
veneratoris vestri affinis mei, Juliani negotium Marcellini
laborat insidiis: qui ad querelam tantummodo paratus, de
judicii integritate diffidit: vitat quæ optat examina. Nam
postquam nescio quod præceptum ad Gevicam exhibuisse
perhibetur, prædictus supplex vester ad Mediolanensis fori
audientiam mox concurrit, et per triginta aut quadraginta
dies præsentiam suam publico, sicut oportebat, ingessit
judicis.
Contestatus est
ipsum Gevicam, qui ordinatus asserebatur impulsor: ut
susceptum suum ad judicia destinaret, admonuit. Domnum
quoque Trasemundum, sicut ex litteris ipsius poteritis
agnoscere, fecit scire. Sed nihil apud eum profuit, cui solæ
latebræ in causa misera possunt esse remedio. Pro quo rogo,
quanquam apud vos precibus opus non est, ubicunque veritas
innotescit, quia omnia hujus rei instrumenta transmisit, ut
ordinatione vestra ab hujusmodi molestiis efficiatur
alienus.
Domine, salutationis
obsequia deferens spero, ut a prædicto inquietudinem
removeri, qua soletis cura faciatis, et meam sollicitudinem
de prosperitatis vestræ statu litteris sublevetis. |
L’affaire de Julianus votre
serviteur et mon parent, est arrêtée par les machinations
que se plaît à multiplier Marcellinus. Celui-ci, disposé
uniquement à la chicane, redoute l’intégrité du jugement:
aussi tout en réclamant la discussion de l’affaire en
justice, il fait tout pour l’éviter. Ainsi, sur l’avis qu’il
avait donné je ne sais quel ordre à Gevica (son avoué), le
susdit Julianus s’empressa de se rendre à l’audience du
tribunal de Milan et, trente ou quarante jours durant, il
donna, comme il convenait, connaissance au juge de sa
présence à la barre.
Il s’aboucha même avec Gevica
que l’on disait chargé de conduire l’affaire, et le pressa
d’en arriver au plutôt à un jugement. Il mit au courant de
tout le seigneur Trasemond, comme vous pourrez le savoir par
ses propres lettres. Mais il ne put rien obtenir d’un
adversaire qui ne trouve d’autre moyen de soutenir une
mauvaise cause que de se cacher. Je vous demande donc pour
lui, bien que auprès de vous les sollicitations soient
inutiles dès lors que la vérité se montre au grand jour, et
vous pouvez vous en rendre compte puisque il vous a expédié
toutes les pièces de l’affaire, je vous demande de vouloir
bien, par votre intervention, mettre fin à tous ces ennuis.
Mon cher seigneur, en vous priant d’agréer l’hommage de mes
salutations, j’espère et que vous mettrez l’empressement qui
vous est ordinaire à délivrer le susdit de son inquiétude,
et que vous ne tarderez pas à m’écrire pour me donner de vos
nouvelles. |
EPISTOLA XXI.
ENNODIUS FAUSTO.
|
LETTRE XXI
ENNODIUS A FAUSTUS
Recommandation en faveur de
Vital déjà connu de Faustus qui l’avait présenté au
Sénat. |
Paucis asserendus
est, quem et notitia senior, et opinionis bonæ lingua
commendat: non indiget prolixitate sermonum, qui suis apud
magnitudinem vestram dotibus adjuvatur. Sublimem virum
Vitalem loquitur præfata concinnatio, quem os vestrum fecit
sacri consortio gaudere collegii. Ergo extraneis munietur
epistolis, qui orationis vestræ beneficio curiam non
peregrinus ingreditur? et cui reserastis libertatis
penetralia, illi pectoris arcana claudentur? Ego autem
gaudeo scriptione multiplici: qui etsi parum tribuam
perlatori, nulla proprii desiderii damna sustineo.
Domine, salutationem
restituens, quam debeo, precor, ut et circa præfatum gratia
se culminis vestri propius manifestet, et mihi prospiciat
restitutione alloquii. |
Il suffit de peu de mots pour
recommander celui qui est déjà connu depuis longtemps et qui
d’ailleurs, jouit dans le public d’une bonne renommée : De
longs discours sont inutiles en faveur de celui que ses
propres qualités relèvent assez auprès de votre Grandeur.
Tout ce préambule concerne le sublime personnage Vital, que
votre parole a introduit dans le sacré collège (des
sénateurs). C’est donc la lettre d’un étranger qu’il emporte
comme appui, lui qui grâce à la faveur de votre discours ne
se présente plus comme un étranger à la porte du Sénat. Vous
lui avez ouvert le sanctuaire de la liberté, pourriez-vous
lui fermer celui de votre coeur? Quant à moi je me complais
à prolonger ma lettre, car si clic n’est que d’une mince
utilité pour le porteur, mon affection y trouve tout profit.
Je vous prie, mon cher seigneur, tout en vous rendant les
salutations que je vous dois, et de manifester à l’égard du
susdit la bienveillance dont l’honore Votre Eminence, et de
vous souvenir de moi en m’adressant une réponse. |
EPISTOLA XXII.
ENNODIUS FAUSTO.
|
LETTRE XXII
ENNODIUS A FAUSTUS
Il se plaint du silence de
Faustus et lui recommande Constantin. |
Illudit mihi spes,
quæ exigit frequentiam litterarum. Hac enim fretus,
inefficacibus animum pasco colloquiis. Diu est, quod sine
intermissione scripta prorogans, silentium quod expugnatum
esse credidi, confirmatur. Sed quid faciam, quando vix ad
consilium reducitur pio amore pectus obsessum? Putat remedia
et quæ comperit nihil juvisse.
Salutati ergo
obsequium reverentia exhibens consueta, commendo præsentium
perlatorem ipsum Constantinum, cui suffragium honestas et
pudor est: cui quamvis plura per affectum debeam, majora
tamen coactus solvo per judicium. |
Je me berce d’une pure
illusion lorsque mon ardent désir me fait espérer de vous de
fréquentes lettres. Dans cette idée, je repais mon esprit de
mille chimères. Voilà déjà longtemps que malgré ma
persévérance à vous adresser des lettres continues, votre
silence que je croyais vaincu, se prolonge obstinément. Mais
qu’y faire, lorsque un coeur pressé par l’affection est à
peine capable de raisonner? Il pense qu’il n’a pas su
trouver le remède efficace.
Donc en vous adressant avec la révérence accoutumée
l’hommage de mes salutations, je vous recommande le porteur
même des présentes, Constantin. Son honnêteté et sa modestie
plaident en sa faveur et bien que mon affection pour lui nie
le rende très estimable, la simple justice m’oblige à
l’estimer davantage encore. |
EPISTOLA XXIII.
ENNODIUS
MARCELLIANO.
|
LETTRE XXIII
ENNODIUS A MARCELLIANUS.
Recommandation en faveur de
Virgile et prière d’intervenir en sa faveur auprès du Comte
des Largesses sacrées. |
Apud amantes et
honore pollentes beneficiorum affectus in promptu est: nec
illa preces, cui præstandi mos est, tarditate depretiat.
Virgilius sublimis vir, tam sanguine quam honestate
præcipuus, imponi sibi ab illustri viro sacrarum comite
Ravennam excurrendi necessitatem plurimum deflet: cujus si
hoc haberent desideria, obvias manus ætas afferret. Qui apud
vos me precatore utitur, ut ab eo hujusmodi sarcina fiat
aliena: relationibus frequenter, quid egerit instructam
prædicti suggerit potestatem. Domini, honorem salutandi
exhibens precor, ut consideratione mei in testimonium
diligentiæ postulatis detur effectus. |
Les hommes de coeur et de haute considération se plaisent à
obliger et lorsque l’on a l’habitude d’écouter favorablement
les requêtes, on le fait sans retard car tout délai diminue
le prix du bienfait. Virgile, sublime personnage non moins
distingué par sa naissance que par son honnêteté, est obligé
par ordre du Comte des Largesses sacrées de se rendre à
Ravenne. Cette nécessité le met dans une grande désolation.
Car lors même que ce voyage répondrait à ses désirs, son âge
y mettrait obstacle. Il veut donc que j’intercède auprès de
vous pour lui obtenir d’être exonéré de cet ennui. Au reste
il déclare que par ses rapports fréquents l’administration
du dit Comte est tenue au courant de tout ce qu’il a fait.
En vous rendant, Seigneur, l’hommage de mes salutations, je
vous prie de vouloir bien, en considération de moi et en
témoignage de votre affection, donner suite à cette demande. |
EPISTOLA XXIV.
ENNODIUS
MASCATORI.
|
LETTRE XXIV
ENNODIUS A MASCATOR
Il révèle le profond
changement survenu dans sa vie littéraire depuis son
ordination au diaconat. |
Novo me genio
infucata pectoris vestri ornavit diligentia: eliciti utor
styli testimonio, qui doctis supra inscitiam garrulitate
displiceo. Coactus sermo pretium quod non habet ex
eloquentia, ab impacta necessitate subripui: nunquam fuit
digna ultione contumelia, quam jussus exhibuit: nemo
obedientem juste condemnat: sibi debet illatas injurias de
eloquio rusticante, qui provocat imperitum. Supercilium est,
celsioribus non parere: majus, si quæ noveris descendisse ab
obsequente, despicias. Inprobi desiderii putatur assertio,
non amare quod exigit: adstipulatur judicio suo, qui
censuram de obtemperante suspendit: male pertinax districtio
est, quæ meritum in parente considerat: pudorem ab statione
non expulit, qui quod loquitur debet imperio. Itaque in
nobis quod sordet eloquentia, commendatur obsequiis. Vos
videritis quale sit quod jussistis offerri: ego vos sine
frontis meæ dispendio meruisse æstimo quod desiderastis
accipere. Taceo inter ista quæ principe fuerant loco
narranda; ecclesiasticam humilitatem, quod placere poterat,
abjurasse; orationum pompam, qui orationem diligit, non
secutum: propositi consideratione et illud me fugere quod
ducit ad gloriam: quasi vitium declinare quidquid attollit:
culpam putare, quod erigit aut sublimat: perdere justæ
laudationis meritum favoris affectu. Excusationem veritatis
coloratam peniculo non prætendam: dum replico, quod illud,
quidquid studiorum dederat cura liberalium, jam reliqui:
quod alveo quondam copiosi fluminis vix arentis gutta
fundatur eloquii. Taceo, quod linguam quam usus mobilem
fecerat, alter usus hebetavit: esse pro facundia silentium,
abjectionem a nobis diligi pro cothurno.
Ad illud redeo: quia
mihi non licuit intra verecundum penetrale delitescere, nec
debilitatem ingenii tegere taciturnitatis indumento; hoc ad
defensionem integram, quod prætuli, computabo. Sed amore
provocatus epistolares terminos inconsiderata loquacitate
transcendi. Vale, mi domine: cui honorem exhibens
salutantis, probabo quid de epistola mea sentias, aut
taciturnitate aut scriptione multiplici. |
L’affection que votre coeur me
témoigne avec tant de franchise, m’a comme doué d’un nouveau
talent: j’invoque pour mon excuse l’ordre que j’ai reçu de
vous écrire, moi dont le bavardage parait aux gens instruits
encore plus insupportable que l’ignorance. Un discours
imposé, s’il n’a pas le mérite de l’éloquence a du moins
celui de l’obéissance: Jamais on ne pourra demander raison
d’un affront que l’on avait prescrit à celui qui en est
l’auteur; personne ne peut à juste titre condamner celui qui
exécute ses ordres; celui qui provoque un ignorant à parler
ne doit s’en prendre qu’à lui-même de l’humiliation qui lui
revient de la rusticité de l’orateur. C’est de l’arrogance
que de ne pas obtempérer aux ordres de ceux qui nous
dominent, mais plus encore que d’accueillir avec mépris ce
que l’on sait n’être fait que par obéissance. C’est avouer
des sentiments pervers que de ne pas agréer ce que l’on a
exigé; c’est se constituer son propre juge que de suspendre
le glaive de la censure sur la tête de celui qui vous obéit;
c’est s’obstiner mal à propos à discuter le mérite que de le
rechercher en celui qui exécute des ordres; ce n’est pas
être présomptueux que de prendre la parole sur un ordre
reçu. Si donc nos paroles font injure à l’éloquence nous
avons pour excuse notre obéissance. A vous d’apprécier la
valeur de ce que vous avez prescrit de vous offrir: Quant à
moi, j’estime simplement que vous le méritez, puisque vous
l’avez désiré. Je passe sous silence parmi tous ces motifs
ce que j’aurais dû dire d’abord, que l’humilité
ecclésiastique me fait un devoir de renoncer à tout ce qui
pourrait plaire. La pompe des discours ne convient plus à
celui qui doit aimer l’oraison; en considération de ma
vocation, je fuis ce qui mène à la gloire; j’évite comme un
vice tout ce qui élève; j’estime faute, ce qui rehausse et
rend éminent; car l’amour de la faveur me ferait perdre le
mérite qui me rend digne d’une juste louange. Je ne cherche
point une excuse au détriment de la vérité lorsque je
proteste que tout ce que j’avais acquis à cultiver les arts
libéraux, je l’ai abandonné et que ce fleuve d’éloquence qui
jadis coulait à pleins bords, est maintenant presque à sec.
Je n’ajoute pas que ma langue assouplie par l’usage, s’est
alourdie par un usage contraire; je n’ai plus d’autre
éloquence que le silence; au cothurne je préfère
l’abjection.
Je reviens à ma première excuse : il ne m’a pas été permis
de me tenir renfermé dans ma modestie ni de couvrir du voile
du silence l’incapacité de mon talent; j’estime que ceci
suffit à ma complète défense. Mais, excité par l’affection,
voici que je dépasse par ma loquacité inconsidérée, les
bornes d’une lettre. Adieu, cher seigneur; agréez l’hommage
de mes salutations. J’apprécierai le cas que vous ferez de
ma lettre selon que vous y ferez une réponse plus ou moins
longue. |
EPISTOLA XXV.
ENNODIUS
EUGENETI.
|
LETTRE XXV
ENNODIUS A EUGÊNE
Simple témoignage d’amitié. |
In statione apud vos
non esse gratiam potest, qui fide claudus est, æstimare:
volo tamen ad diligentiæ testimonium prorogari frequentiam
litterarum: ne animus de amantis prosperitate sollicitus,
dum salus in valetudine est, suspicionibus ventiletur. Ecce
habes, mi domine, unde serenitatem pectoris mei ex desiderii
proditione cognoscas. Adesto partibus tuis, et sicut me
impetrati muneris prærogativa sublimat, ita vos exhibiti
gratia sermonis attollat.
Ergo salutem
debendam restituens, precor ut quid promoveat in me
desiderium tuum, sub cujuscunque significationis nube
dilucides. Vale. |
Pour estimer que la faveur de
votre bienveillance peut ne pas durer il faut être soi-même
d’une fidélité douteuse : Je veux cependant qu’en témoignage
d’affection l’échange de lettres soit fréquent pour que
l’esprit inquiet de la santé d’un ami ne soit pas agité
d’une cruelle incertitude tandis que dans la réalité cette
santé est excellente. D’après la manifestation de ce désir,
vous pouvez, mon cher seigneur, connaître la candeur de mon
âme. Servez donc vos propres intérêts et de même que le
privilège d’écrire sur votre ordre m’est un honneur insigne,
qu’ainsi les charmes de votre discours accroissent votre
renom.
Donc en vous rendant le salut que je vous dois je vous prie
d’analyser les sentiments que provoque en moi le désir que
j’ai de vous et d’en dégager de tout nuage la signification.
Adieu. |
EPISTOLA XXVI.
ENNODIUS AVIENO.
|
LETTRE XXVI
ENNODIUS A AVIÉNUS
Il est ravi d’avoir reçu
d’Aviénus des écrits où
brille la double
lumière de l’intelligence et de la foi. |
Adest magnitudo tua
partibus suis, et asseruit splendorem sanguinis testimonio
puritatis. Caritatem nesciunt pia corda deserere; religiosam
diligentiam mens generosa custodit. Gemina ergo luce
fulgentia scripta suscepi, dum quod pectus sanctum reperit,
dextera serena signavit. Deum precor, ut piam in vobis
indolem, si Romam diligit, sub perennitate conservet; et
hujusmodi circa me studia sub ea qua promisistis cura
multiplicet. Vale. |
Votre grandeur se tient à la hauteur de son rang et
l’intégrité de votre vie est un éclatant témoignage de la
noblesse de votre race. Un coeur pieux ne peut se fermer à
l’affection; un esprit généreux reste religieusement fidèle
à l’amitié. J’ai reçu vos écrits où resplendit la double
lumière de l’intelligence et de la foi. Votre main n’a eu
qu’à écrire ce que lui dicte votre coeur de saint. Je prie
Dieu de vous conserver à tout jamais, pour l’amour de Rome,
ces grands sentiments de piété et de me favoriser moi-même
de vos fréquentes attentions pour moi, comme vous en avez
donné la promesse. |
EPISTOLA XXVII.
ENNODIUS AVIENO.
|
LETTRE XXVII
ENNODIUS A AVIÉNUS
Lettre d’amitié. |
Nescio utrum
magnitudini vestræ grata sint crebra colloquia: ego tamen
semper quod exspecto ab amantibus, exhibebo. Patior aliis
aliud esse propositum: mihi meo vivendum est more, ut amoris
plenitudo reseretur clave sermonis: ego in affectione
cariosam subrepere taciturnitatem usu fugiente non perfero.
Nunc si culmini tuo par cura est, monstretur assiduitate
colloquii: patescat frequentia litterarum: sin aliis
hactenus præoccupatus studiis, in meam modo concesseris
diligentia imperante sententiam; quantum de tuo jure
submiseris, tantum de meis obsequiis possidebis.
Ergo vale, mi
domine, et munusculum suscipe, non vilitate sui, sed taxatum
pretio destinantis. Vale. |
Je ne sais si votre Grandeur
aime les entretiens fréquents pour moi, je donnerai toujours
le premier à mes amis ce que j’attends d’eux. Je ne
m’offense pas de ce que les autres aient leur genre de vie,
mais je garde le mien qui est de déverser en paroles
l’affection dont mon coeur est rempli. Je ne puis, quant à
moi, laisser le silence, comme un ver rongeur, se glisser
dans l’amitié et la tuer en arrêtant les relations. Et
maintenant, si votre Grandeur a le même souci, qu’elle le
montre par l’assiduité de sa correspondance; qu’on le voie à
ses fréquentes lettres. Et si au milieu des autres
occupations qui, jusqu’ici, vous absorbent, vous savez
néanmoins céder à l’amitié et vous rendre à mon sentiment,
soyez assuré qu’autant vous m’accorderez, autant vous
recevrez de moi.
Adieu donc, Seigneur; agréez ce petit présent que vous
estimerez au prix, non de son utilité, mais du coeur qui
vous l’envoie. Adieu. |
EPISTOLA XXVIII.
ENNODIUS
EUPREPIÆ.
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LETTRE XXVIII
ENNODIUS A EUPRÉPIE
Réponse quelque peu chagrine à
une froide lettre de
civilité. |
Quamvis caritatis
vestræ paginam solemnibus tantum muniis accepissem
obsecutam, nec affectui, nec necessitudini congruentem: res
tamen postulavit, me vicariis per styli similitudinem
peregrinante diligentia respondere colloquiis: ne subtracti
sermonis officium non vestram mihi innotuisse astutiam, sed
nostram revelaret infantiam. Nolo, soror Euprepia, quidquam
de provinciarum malis, vel sicut dixisti, hominum immissione
causeris. Quocunque abscesseris, quantum res docet, mentem
male credulam non omittis: vitia nostra regionum mutatione
non fugimus. Circa propinquos tibi fuit tale propositum, ut
nec benefacta ipsorum justa interpretatione pensares; nec
excessus debita tantum reprehensione corriperes. Sed quid
opus est doloris epistolam fieri longiorem? ingenium vestrum
nulla eloquii poterit mutare affluentia.
Quod restat, vale,
mi domina, et prout expedit, ordinem vitæ animique compone.
Me tamen Lupicino noveris, non quod tibi debeo, sed quod
animæ meæ conveniat, impensurum; quia sola est, quæ majorem
a Deo retributionem meretur, affectio, cum nullis hominum
dotibus provocata concreditur. |
Bien que je n’aie reçu de
votre charité qu’une lettre de pure civilité, qui ne
répondait ni à nos liens d’affections ni à ceux de notre
parenté, je n’ai pu me dispenser de vous faire une réponse
de pareil style, sans la moindre expression de sentiments
affectueux, car mon silence eut eu pour effet non de montrer
que j’avais percé à jour votre malice, mais de révéler ma
simplicité. Je ne vous permets, Euprépie ma soeur,
d’alléguer comme excuse ni le malheureux état des provinces,
ni la difficulté de faire partir des courriers. La vérité,
c’est que vous avez beau vous éloigner, vous emportez, comme
il apparaît, votre fausseté de jugement : nous avons beau
changer de pays nos vices nous suivent. A l’égard de vos
proches telle a toujours été votre aberration, de ne savoir
ni justement apprécier ce qu’ils ont fait de bien, ni
corriger leurs errements avec la modération voulue. Mais à
quoi bon prolonger cette douloureuse lettre? Tous les
discours resteront impuissants à changer votre naturel.
Au reste, portez-vous bien, ma chère dame, et selon les
circonstances disposez au mieux votre train de vie ainsi que
l’état de votre âme. Or sachez bien qu’en ce qui concerne
Lupicin, je considèrerai toujours non ce que je vous dois
mais ce que me dicte ma conscience, car l’affection qui
mérite de Dieu la plus grande récompense est uniquement
celle qui n’en espère aucune de la part des hommes. |
EPISTOLA XXIX.
ENNODIUS
EUGENETI.
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LETTRE XXIX
ENNODUS A EUGÈNE
Charmes du commerce
épistolaire entre amis. |
Quotiens sensuum
pignoribus verba famulantur, quasi in quodam speculo, ita in
paginis sermo sibi amicam pingit effigiem, cum qua viva voce
colloquitur, et dulci simulacro desideriis obsequente
gratulatur. Nulla quidem conceptum fœderati pectoris
eloquitur oris affluentia: et cum sint faciliora verba
beneficiis, nec existat quod crescere nequeat ambitione
dicendi; ego in explicanda circa vos diligentia arentem
testor infantiam. Unanimitatem tamen vestram taciturnitatis
incesso, quod gemina scriptione donatus nihil de vicaria
relatione cogitasti. Ecce iterum paginas mitto, sciens
tribuere, quod exspecto. Vale, mi domine, et amantem tui
alloquere nitore quo clarus es, fove integritate qua
prævales. |
Lorsque les mots sont la fidèle expression des sentiments
les écrits sont comme un miroir où se reflète par le
discours la vive image de l’ami avec lequel on s’entretient,
et cette douce illusion de sa présence qui répond si bien à
nos désirs, nous comble de joie. Pourtant toutes les
ressources du langage restent insuffisantes à exprimer ce
que contient un coeur ami, et malgré qu’il soit plus facile
de dire que de donner et qu’il ne soit rien que la parole ne
puisse embellir, lorsque je veux vous dépeindre mon
affection pour vous, je dois avouer mon incapacité absolue.
D’autre part laissez-moi vous faire reproche de votre
silence : vous avez reçu deux lettres auxquelles vous n’avez
nullement répondu. Et voici que je vous écris encore, car je
sais accorder ce que moi-même j’attends. Adieu mon seigneur;
écrivez à votre ami avec ce talent qui vous distingue; soyez
lui attaché avec cette sincérité que rien n’égale. |
EPISTOLA XXX.
ENNODIUS AVIENO.
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LETTRE XXX
ENNODIUS A AINUS
Aviénus pressé par Ennodius,
lui avait écrit qu’il imposait les lettres plutôt qu’il ne
les obtenait par l’attrait de son
amitié. Spirituelle
réponse. |
Miror favis
magnitudinis tuæ injucunda copulari, et serenitatem
conscientiæ verborum austeritate maculatam, dum scribis
imperare me potius paginas, quam diligentia exactrice
promereri: putans ullum genus dominandi esse sublimius, quam
illud, quod amori nos subjicit. Nulla sunt, domne Aviene,
culmina a jugo caritatis immunia: quidquid in orbe
libertatis est, tali non subtrahitur servituti. Ecce ego
loco huminis ignotus honoribus, vestris fascibus sic jubebo,
parili contentus ordine subjacere.
Nunc vale, et
quantum tribui tibi senseris, tantum mihi, sicut fidelis
restitutor, affectionis impende. |
J’admire en vérité qu’au miel
de votre grandeur se mêle de l’amertume et que la sérénité
de votre conscience soit troublée par la sévérité de vos
paroles, lorsque vous m’écrivez que j’impose les lettres
plutôt que je ne les obtiens par l’unique violence de
l’affection. Pensez-vous qu’il soit au monde une puissance
dominatrice supérieure à celle de l’amour? Il n’est pas,
seigneur Aviénus, de sommités que ne subjugue la charité.
Tout ce qu’il y a de libre au monde, ne saurait se
soustraire à une telle servitude. Voyez donc, moi, d’une
humble origine, qui n’ai jamais connu les honneurs, voici
que je commande à vos faisceaux avec une telle autorité que
je parais vous faire l’honneur de m’abaisser à votre rang.
Maintenant, adieu, et rendez-moi fidèlement en affection
autant que vous estimerez avoir reçu. |
EPISTOLA XXXI.
ENNODIUS AVIENO.
|
LETTRE XXXI
ENNODIUS A. AVIÉNUS
Conseils sur le genre
épistolaire: Il y faut de la simplicité. |
Quamvis epistolarum
qualitas pro ingeniis componatur, et sæpe solemnitati
militet, nonnunquam affectionis testetur indicia: quas
aliquando dictat sinceritas: plerumque fuci similis
concinnatio; quæ candorem imaginata diligentiæ, urbanitate
qua tegitur innotescit, dum fabricatis nudata tegminibus
intra velamen aperitur.
Ego tamen in paginis
speculum puto esse conscientiæ, per quas amicitiam
discernere absentia vix præsumit: clarum est tamen, quid in
illis simplex, quid artifex sermo deferat. Scindit nubes
eloquii mens dictationis interpres: cito ad intellectum
pervenit falcibus suis verborum calle reserato.
Ergo his valde
delector officiis quibus panditur sinceritas, nec occasio se
interserit secura fallendi.
Gaudeo tamen mihi
vel causas scribendi, vel perlatores accidere: ut sub hac
frequentia meo voto satisfaciam, et pudorem vestrum onerem,
nisi a vobis suscepta reddantur.
Salve, domine, et in
sententiam meam affectu imperante concede. Vale. |
Chacun, il est vrai, donne à
ses lettres une forme subordonnée à son propre génie.
Souvent vous y verrez dominer la solennité; quelquefois vous
y découvrirez les indices de la sincère affection qui les
aura dictées ; mais le plus souvent, sous l’apparence
trompeuse de l’amitié. Lorsqu’on perce le voile et qu’on
regarde au travers, on ne découvre au fond qu’un habile
déguisement.
Pour moi, les pages sont le
miroir de la conscience. L’absent ose à peine y rechercher
les preuves de l’amitié, mais l’oeil y distingue clairement
ce que le discours y recèle de simplicité ou d’artifice.
L’intelligence, interprète de l’écriture, déchire les nuages
de la parole: elle fauche dans les mots et s’ouvre un
sentier qui la mène promptement au fond du sens.
C’est vous dire que je prends
un plaisir infini à recevoir ces témoignages d’affection où
éclate là sincérité, où ne peut se glisser l’occasion de
tromper impunément.
Au reste je suis heureux que
soit des affaires, soit le passage de porteurs, me
fournissent de fréquentes occasions de vous écrire : par là
je comble mes désirs et je vous couvre de honte si vous
n’êtes fidèle à rendre ce que vous aurez reçu.
Adieu, mon Seigneur, et que votre affection pour moi vous
amène à penser comme moi. Adieu. |
EPISTOLA XXXII.
ENNODIUS
PASSIVO.
|
LETTRE XXXII
ENNODIUS A PASSIVUS
La forme très
recherchée de cette lettre permet de supposer qu’Ennodius
portait à
Passivas une très grande vénération. |
Si ad exsequendam
sufficeret sermo caritatem, si totum infantia explanaret
affectum; cui magis quam vobis paginarum frequentiam
præstaremus? Et nisi arctaret meritum pectoris, nulli
dignius militaret sermonis officium. Alii affectum quem
mente nesciunt, ore testantur, et pingunt illecebrosis
epistolarum momenta commerciis, quando feriatis penetralibus
amor totus in lingua est, nec aliud ad interiora perducitur,
nisi quantum in scriptione confertur. At meus erga vos
animus, eloquii pressus macie, amictiæ ubertate conticuit:
metuo enim, ne gratiæ terminum ponat mendica confabulatio:
ne idem modus putetur esse sermonis et fœderis. Melius est
plus æstimationi per silentium dimittere, quam monstrare,
diligentiæ damna per litteras.
Ecce rarioris
colloquii causas asserui, credens apud vos a sinceritate
debita facundiam posthaberi. Quod superest, salvete, mi
domine, et divinis usi beneficiis, procedente vita in
longum, cœlestia mandata complete. Invenit enim apud vos,
cum a cumulo cœperit benignitas, incrementum. Vale. |
Si la parole suffisait à
exprimer l’amour, si le langage malgré son imperfection
pouvait rendre toute l’intensité de l’affection, à qui plus
qu’à vous écririons-nous fréquemment? Oui, si le discours ne
faisait tort aux sentiments du coeur, nul ne serait plus
digne que vous d’en entendre l’expression. D’autres
expriment en belles paroles une affection qu’ils ignorent
et, par les charmes du commerce épistolaire, simulent des
sentiments alors que leur coeur en est vide. Tout leur amour
est au bout des lèvres et n’a pas d’autre réalité sinon
qu’ils l’écrivent. Et moi, au contraire, dans l’impuissance
où je me vois d’exprimer les sentiments de mon coeur envers
vous et l’exubérance de mon affection, je suis réduit à me
taire. Je crains que l’on ne mesure mon amitié d’après la
pauvreté de mon langage, que le degré de mon attachement ne
soit apprécié d’après la valeur de mon discours. Mieux vaut,
en gardant le silence, s’en remettre à l’opinion que de
montrer par ses lettres que l’on ne sait pas aimer.
Je vous ai dit pourquoi je vous écris rarement, persuadé
qu’à vos yeux la franche sincérité passe avant l’éloquence.
Pour le reste, adieu, mon cher seigneur, et favorisé des
bienfaits divins, vivez de longs jours pour donner leur
accomplissement aux célestes préceptes. Car, en vous, la
bonté, à son comble dès le début, trouve encore de
l’accroissement. Adieu. |
EPISTOLA XXXIII.
ENNODIUS FAUSTO.
|
LETTRE XXXIII
ENNODIUS A FAUSTUS
Il défend une pauvre femme
sans appui, mais consciencieuse et dont la cause est juste.
Les riches lui confiaient leurs causes (iv, 5). |
Proposito
obsequuntur paginæ, quibus commendatio præstatur afflictis.
In his enim clara est religionis integritas, quæ nullo
potentioribus fuco blanditæ asserunt lacrymas submissorum.
Sed hinc alias. Cum perlatorem videritis, votum dictantis
agnoscetis. Utinam illo apud magnitudinem vestram
supplicationis eventu alleganda conciliet, quo a me litteras
impetravit.
Mulierem religiosam,
pauperem, de bono negotio præsumentem sermo præfatus
insinuat. Aestimate si fragilitati, si justitiæ oportuit
verba subduci: si convenit me vel officio deesse, vel
moribus.
Ecce ego reverentiam
salutis impendens, quid partibus meis deberem contestatus
sum: vobis quid remanserit, attendite: quia sicut personam
meam pro supra dictæ voluntate petitio, ita vestram affectus
aspiciet. Vale. |
Quel plus digne objet pour une
lettre que de procurer aux affligés une recommandation? On
ne peut en effet suspecter de manquer de sincérité ces pages
où l’on trouve non des flatteries à l’adresse des puissants
mais l’aveu des larmes des faibles. Mais passons. Il vous
suffira de voix le porteur pour connaître le voeu de votre
correspondant. Puisse-t-il obtenir de votre Grandeur ce
qu’il demande, aussi heureusement qu’il a obtenu cette
lettre de moi.
Tout ceci vous dénonce une
femme pauvre, consciencieuse et qui présume être dans son
droit. Jugez vous-même si je pouvais refuser à la faiblesse,
à la justice, l’appui de ma parole; s’il convenait de
manquer et à mon devoir professionnel et aux règles sacrées
des moeurs.
Je vous adresse l’hommage de mes salutations avec la
conscience d’avoir servi ma partie selon mon pouvoir: A vous
de voir ce qu’il vous reste à faire, car s’il m’appartenait
selon la volonté de la susdite, de vous adresser la requête,
c’est à vous maintenant d’y donner suite. Adieu. |
EPISTOLA XXXIV.
ENNODIUS
SENARIO.
|
LETTRE XXXIV
ENNODIUS A SENARIUS
Billet d’amitié et
d’affectueux reproches. Usage parmi l’aristocratie romaine
de correspondre à certaines dates, même pour ceux dont
l’amitié n’était que de pure forme. |
Nihil est equidem
quod non a veritate in altum ambitioso tollatur eloquio. Sed
ego ad diligentiam circa vos patior meam sermonis infantiam.
Nunquam par fuit lingua caritati: semper subjacuit oris
officium bonæ conscientiæ. Ob hoc utor securitate monitoris.
Non credidi, tanto tempore amplitudinem tuam mei immemorem
sic futuram, ut etiam solemnibus colloquiis abstineres: ut
illæ quæ solent affectionem imaginata fronte simulare,
negarentur inter personas catenis fœderis obligatas. Hæc si
valerem narrare, poteram sustinere. Ecce iterum scribo, et
quæ verbis assero, sequenda testor exemplis. Vos videritis
quale sit posthac desideria honesta negligere: ego dolori
patientiam usu institutus adhibeo. Vale. |
Il n’est rien en vérité que les artifices du langage
n’exagèrent, et lorsque je veux exprimer l’affection que je
vous porte, les paroles me manquent. Jamais le langage ne
s’éleva au niveau de l’amour; le rôle de la parole fut
toujours inférieur au bien qu’il nous procure dans la
correspondance. C’est pourquoi je prends la précaution de
vous avertir. Je n’aurais pas cru que votre Grandeur put
être si longtemps sans penser à moi et qu’elle négligeât
même les échanges de correspondance officiels, à tel point
que ces témoignages de pure convenance, qui n’ont pour objet
que de simuler les dehors d’une affection de commande,
fussent omis entre personnes que rattachent les liens sacrés
de l’amitié. Après tout puisque j’ai le courage de le
raconter je pouvais bien le souffrir. Je vous écris quand
même encore et ce que je professe en paroles je l’appuie de
mon exemple. Après cela je vous laisse à apprécier une
négligence qui empêche de tenir compte d’e désirs si
légitimes; pour moi, instruit par l’expérience, je
n’appliquerai d’autre remède à ma douleur que la patience.
Adieu. |
|