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CATHEDRAL CHURCH
OF SAINT ENNODIUS AND SAINT VERONICA
AT WENCHOSTER

 

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ENNODIUS

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

LETTRES

LIVRE VI

livre I - livre II - livre III - livre IV - livre V


 

 

 


 

 

LIBER SEXTUS.

LIVRE SIXIÈME.

EPISTOLA PRIMA.

ENNODIUS PARTENIO.

LETTRE PREMIÈRE.

ENNODIUS À PARTHÉNIUS.

Parthénius n’avait pas accepté de gaité de cœur les monitions de son oncle et ces sentiments perçaient dans sa dernière lettre. Ennodius ne se laisse point toucher, au contraire il revient à la charge.

Nisi te efflictim diligerem, et pii cordis soliditas indemutabili radice constaret, posset injuriarum dolore provocatus, vel cum pueriliter irasceris, vel cum arroganter supplicas, commoveri. Nihil enim invenio, quod sit fabricata humilitate superbius. Præfero contumelias fucatæ frontis obsequiis: transit amaritudinem dulcedo simulata. Non opus est deprecationibus, si quæ te catena nectat intelligis. Poscant pro excessibus veniam, quibus est liberum non parere. Ita famulos nobis cœlestis judicii claritudo deputavit, ut in quacunque mens parte deflexerit, illorum necessitas inclinetur. Ille exspectat clemens, qui destrictum, si velit, refutare possit imperium.Haud procul te ab hoc ordine evagari potestas mihi a Deo attributa patietur. Optare te convenit ne mansuetudinem quam in me prædicas meritorum tuorum consideratio justa devenustet, et pietatis tramitem culparum multitudo depretiet. Licet, ni fallor, misericorditer vindicta comitatur errantem, nec ulla est potior patientia nisi quæ vitiis aditum non recludit, a te tamen facessat indignatio nostra: quia quod deliqueris, non inclusus dolor et gratia fallente servatus, sed verbera castigabunt.

Nunc uno modo in cicatricem cogere vulnera intemperatis sermonibus ingesta prævalebis, si te per culmina liberalis studii ingenuum doctrina monstraverit. Veniam, nisi peritia suffragante, non exiges: mutata, qua notus sum, lege parcendi, circa desidem sævitiam sub perennitate servabo. Quod restat, Deum precor, ut valeas, et de versibus tuis, cœlesti favore comitatus, spem augeas quam dedisti.

Si je ne vous aimais passionnément et si mon affection pour vous n’était basée sur d’inébranlables fondements, je pourrais céder à la peine que je reçois de vos injures et m’émouvoir soit de vous voir en colère comme un enfant, soit de vous entendre m’adresser d’arrogantes supplications. Je ne connais rien, en effet, de plus arrogant qu’une humilité feinte. Je préfère les injures à d’hypocrites obséquiosités. Il est une chose pire que l’amertume, c’est la douceur feinte. Vous n’avez pas à recourir aux supplications si vous avez l’intelligence des devoirs qui vous lient. Qu’ils demandent grâce pour leurs excès ceux qui ont la liberté de ne pas obéir ! La volonté céleste a fait à nos serviteurs une condition telle que de quelque côté que se porte notre pensée. C’est pour eux une nécessité de s’y conformer. On peut attendre sans inquiétude lorsque l’on est à même de repousser une autorité qui cherche à s’imposer. Sachez donc que je ne vous laisserai pas vous écarter de cette règle et que je maintiendrai l’autorité que Dieu m’a donnée sur vous. Vous avez à souhaiter qu’après avoir célébré ma mansuétude, une juste considération de ce que vous méritez ne vous oblige à déchanter; que la voie de la piété où vous devez marcher, ne devienne pour vous l’infâme sentier du vice. Bien que, si je ne me trompe, ce soit une miséricorde que le châtiment s’attache à celui qui pèche et qu’il n’y ait point de patience meilleure que celle qui n’ouvre pas la porte aux vices, je souhaite cependant que notre indignation n’ait pas lieu de s’exercer à votre égard, car si vous donnez en des écarts, ce ne sera point une douleur secrète et gardée au fond du cœur par une fausse indulgence qui sera votre châtiment, mais vous sentirez les verges.

Et maintenant vous n’avez qu’un moyen de cicatriser les blessures que m’ont faites vos paroles intempestives, c’est de vous montrer, par votre science, à la hauteur de votre rang. Vous n’obtiendrez grâce qu’à ce prix: je saurai, s’il le faut, changer la nature que l’on me connait portée à l’indulgence et, vis-à-vis d’un paresseux, ne rien relâcher de ma sévérité. Au reste je prie Dieu de vous garder en bonne santé et que, par sa faveur, s’accroissent les espérances que vos vers nous ont déjà fait concevoir.

EPISTOLA II.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE II.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Un voyageur recommandable par son honnêteté s’est arrêté, en Ligurie, chez Ennodius; il l’adresse à Faustus chargé de ce billet.

Summa gaudiorum est opportunitas perlatoris, qui minister diligentiæ per necessitates suas desideriis obsequium præstat alienis. Hunc quidem honestas commendat, et peregrinus ab officio mercatoris pudor insinuat: jungitur, quod ei notitia culminis vestri ad fidem probitatis accessit. Nam scriptionis venerandæ frugibus ipso commeante satiatus sum. Refundo ergo depositum, officii lege constrictus; et quem in Liguria positum pro virium mediocritate suscepi, ad potissima patrocinia tabella prosequente transmitto.

Quod superest, reverentiæ vestræ quidquid habet humilitas devotionis offerimus, supplicans ut litteras vestras vel pro mearum assiduitate jam merear.

C’est le comble de la joie que de trouver l’occasion d’un porteur qui se met au service de l’amitié et tout en servant ses propres intérêts donne satisfaction aux désirs des autres. Celui-ci se recommande par son honnêteté, et une délicatesse que l’on chercherait en vain chez ceux qui pratiquent le négoce, m’engage à l’employer. Ajoutez qu’à la confiance qu’inspire sa probité vient se joindre qu’il est connu de votre Eminence. Car par son intermédiaire j’ai savouré les délices de votre honorée correspondance. Je restitue donc le dépôt, lié par le devoir professionnel et, après l’avoir reçu et gardé en Ligurie selon la faible mesure de mes moyens, je l’envoie, muni de ma lettre, se placer sous le plus puissant des patronages.

Pour ce qui reste, je fais hommage à votre Révérence de tout ce que je puis avoir d’humble dévouement et je vous supplie de m’honorer de vos lettres, au moins en échange de mon assiduité à vous écrire.

EPISTOLA III.

EUPREPIÆ ENNODIUS.

LETTRE III.

ENNODIUS A EUPRÉPIE.

Il a enfin obtenu de sa sœur une lettre dont il est ravi. Spiritualité de l’âme et sa distinction essentielle du corps d’après te système de Platon (vii. 8). Leur mutuelle affection inaltérable.

Rerum omnium cursus obsequiis corporis, animarum constat imperio: aliud nobilitat cælestis adfinitas,[1] aliud abjectio terrena submittit. Nec liberum est ut quo mens Deo parente collata deflexerit, quod de ultimis assumptum est non sequatur: nec licet militem obviam manum decretis imperatoris afferre. Hinc Crispus asseruit aliud nobis cum diis, aliud cum belluis esse commune.[2] Hujus secreti ratione cum absentibus peregrinamur, et salva membrorum valetudine, amantum febribus æstuamus: per hæc vincula nulla itinerum interjectione dividimur, et segregati habitaculis, in unum studiis convenimus.

 Nosti, soror venerabilis, et omnem apud me transgressa dulcedinem, quæ præfationem exegisset occasio. Nunc aperta tecum et prodiga pudoris fronte congrediar. Vix quæ ante direxeras blandimenta sustinui: post admonitionem meam duplicia in litteris mella fudisti, quæ tota pectoris secreta concuterent et ad desiderium tui captivam animam relicta corporis sede transferrent. Quam timeo ne rursus ad incertum remittatur affectio; et cum tota mens diligentiæ vela laxaverit, subducta periculum statione patiatur! Animus meus quia fuci sit nescius cognovisti; nec detestabilem inter amantes urbanitatem possit assumere. Tua rursus diversum sexus et natura pollicetur, ut dicit sapientissimus Salomon: anima quæ in saturitate est, favis illudit.[3] Scit verborum meorum testis et judex, disposuisse me nisi forte subdolo gratiæ sapore decipiar, et degustatæ caritatis sitienti pocula oblata submoveris spiritalis conjugii non simulacrum, sed ipsam implere veritatem. Ut dum inter nos unum velle, et unum nolle constiterit,[4] vel quod bonos ad imitationem stimulet, vel quod malos afficiat, omnium oculis et mentibus exhibere. Tu tantum, Deo medio, adversus omnem quæ ex invidia nascitur impugnationem, firmam promitte et indemutabilem servandam esse constantiam. Quocirca vale, mi domina, et brevi pro maximis admonitione contenta, quia nec epistolaris concinnatio plura patitur, nec ratio penetralium paginis debere committi, si ad hæc quæ indicata sunt voto et fide respondes, propriæ scriptionis testimonio pollicere.

Toute chose, dans son évolution, subit l’empire des âmes; les corps ne font qu’obéir. L’âme tire cette prérogative de sa nature céleste; sa condition terrestre impose au corps l’infériorité. Selon l’ordre établi par le créateur, le corps n’est pas libre de refuser d’obéir ni de ne pas suivre l’âme, n’importe où il lui plaît de se porter, pas plus que le soldat n’est libre de résister aux ordres du général. Aussi Crispus a-t-il assuré que nous avons quelque chose de commun avec les dieux et quelque chose de commun avec les bêtes. En raison de ce mystère, nous rejoignons les absents et sans la moindre fatigue de nos membres, nous brûlons des feux de l’amitié. Grâce à ces liens, nulle distance ne nous sépare et malgré l’éloignement de nos habitations, nos cœurs sont réunis.

Vous savez, vénérable sœur, vous dont l’amabilité à mon égard a surpassé toute douceur, vous savez à quelle occasion je vous écris ce préambule. Je vais maintenant vous aborder sans détour et vous parler sans périphrase. J’eus peine à supporter vos premiers compliments. Après avoir reçu mes observations, vous avez versé dans vos lettres tant de miel que j’en fus ému jusqu’au plus profond de mon cœur, et que mon âme se sentit comme détachée de son corps et emportée de force auprès de vous. Combien je crains de voir votre affection retomber dans l’indifférence et qu’après avoir donné à pleines voiles dans l’immensité de l’amour, votre âme, comme le vaisseau qui fuit les tempêtes hivernales, ne se réfugie en quelque retraite Vous savez que mon esprit ne peut farder la vérité, ni adopter cette politesse de forme incompatible avec l’amitié. Je dois m’attendre à du changement; c’est dans l’ordre de votre sexe et de la nature et comme le dit le plus sage des hommes, Salomon : l’âme rassasiée foule aux pieds les rayons de miel. Le témoin et le juge de mes paroles sait que j’ai résolu, à moins que je ne m’abuse de l’attrait trompeur de votre amabilité, et qu’après avoir approché de mes lèvres altérées la coupe de l’amitié, vous ne la retiriez lorsque j’y goûte à peine, j’ai résolu de nous unir, non point en apparence, mais par de véritables noces spirituelles. Tandis qu’entre nous il n’y aura plus qu’une volonté, nous offrirons à tous les yeux. à tous les esprits le spectacle de vertus qui serviront à l’édification des bons et porteront les mauvais à se corriger. Quant à vous, promettez seulement de garder une constance ferme et immuable contre toute attaque inspirée par la jalousie. Donc, adieu, ma chère dame; contentez-vous, sur un sujet si élevé de ces courtes réflexions et parce que le cadre d’une lettre ne permet pas d’y donner plus d’étendue, et aussi parce que le papier est trop indiscret pour lui confier nos secrets. Si vos vœux sont en harmonie avec les propositions que je vous ai faites, donnez-en le témoignage écrit de votre main

EPISTOLA IV.

FAUSTO ENNODIUS.

LETTRE IV.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il est affligé d’un mal aux yeux.

Non scripsi, ut amaro incommoditatis meæ indicio vos gravarem; sed ut sollicitudinem vestram, quatenus insistat orationibus, convenirem. Male oculos meos ante receptæ valetudinis substantiam impositus labor accepit, omne a me vobiscum lumen abscessit. Satis sit significasse quod patior. Vestrum est prosperitatem meam a Deo quem precibus placatis exigere, et reseranti litterarum fores crebris opem ferre colloquiis. Domine mi, Deum quæso, ut illud a vobis indicari faciat quod me delectet agnoscere.

Je vous écris, non pour vous attrister par le douloureux récit de mes maux, mais pour obtenir de votre sollicitude le secours de vos prières. Je n’étais pas encore revenu en parfaite santé lorsque j’ai été atteint aux yeux d’un mal qui m’a ôté complètement l’usage de la vue. Il me suffit de vous indiquer ce que je souffre. A vous d’obtenir de Dieu ma guérison par le mérite de vos prières et d’accorder à celui qui vous prévient de ses lettres la faveur de fréquents entretiens. Cher Seigneur, plaise à Dieu que vous ayez à m’annoncer des nouvelles qui me soient agréables.

EPISTOLA V.

AURELIANO ENNODIUS.

LETTRE V.

ENNODIUS A AURELIEN.

Cette lettre, la première qu’Ennodius paraît lui avoir écrite puisqu’il s’y félicite d’avoir fait sa connaissance, ne permet pas de décider si déjà Aurélien était prêtre. Dans les troubles de la guerre, une bonne partie de son patrimoine lui avait été enlevé. Pour se le faire restituer, ou obtenir une juste indemnité, il eut recours au roi Théodoric et fit intervenir son cousin Ennodius, qui disposait à la cour des plus hautes influences.

Non est fiducia mea præcognitis nudata successibus. Validus in affectione est, quem animo meo diligentiæ memorem justa sum æstimatione pollicitus. Gratias tibi, superna dispensatio, quæ humanis rebus prosperorum fructum de adversitatis occasione largiris, nec pateris in ordine suo tristia permanere. Nescio quid magnitudini vestræ hostilis malitia de patrimonii ubertate decerpserit; tamen sub hoc titulo invictissimi domini multum locupletem gratiam comparavit. Bona est jactura substantiæ, si inclyti notitia principis dispendiis invenitur. Non est facultatum formidanda decessio, si per eum qui omnes vincat divitias, summi Domini amor acquiritur. Huc accedit quod nec illa imminutio, dum facta est lucri mater et honorum via, impactæ humilitatis potuit tenere substantiam. Sic reparata sunt quæ inimicus eripuit, ut adhuc gaudiorum cumulum præstoleris. Supersunt quæ in spe habeantur, cum culmini tuo contigerit maxima jam tenere. His beneficiis, cœlo auctore collatis, notitiæ et communionis nostræ bona jungamus. Quando mihi tantum virum, nisi per illa quæ præfatus sum, contigisset agnoscere? Sed augeant superna quæ tribuunt; et ad quæ desideria porriguntur, divina nos cura perducat.

Quod restat, vale, mi domine, et amantem tui crebris fove colloquiis: quia nisi epistolaris concinnatio teneret terminum lege præscriptum, gaudia me in multa verba diffunderent.

Ma confiance n’est point vaine et repose sur la connaissance que j’ai déjà d’heureux succès. C’est un ami sur lequel on peut compter, celui dont je me suis moi-même, dans une juste appréciation, garanti la fidélité à garder le souvenir de ceux qui l’aiment. Grâces vous soient rendues, divine Providence, qui dans le cours des choses humaines, savez des plus grands maux faire sortir la prospérité et ne voulez pas que la tristesse demeure sans lendemain. J’ignore quelle part de votre riche patrimoine la criminelle rapacité de l’ennemi a ravie à votre Grandeur : mais elle vous a de ce chef très heureusement procuré la faveur de notre invincible maître. C’est un grand avantage que de perdre la fortune lorsqu’à ce prix on arrive à se faire connaître d’un illustre prince : il ne faut pas redouter l’abandon de ses biens, si par là on obtient de se faire aimer du souverain qui dispose en maître de toutes les richesses. A cela s’ajoute que ce désastre, en devenant une source de fortune et la voie qui vous mène aux honneurs, n’a pu entamer le fonds de votre humilité. Ainsi les larcins de l’ennemi se trouvent réparés de telle sorte que vous avez le droit d’attendre tout ce qui peut combler vos joies. Il ne vous reste à acquérir que ce qui n’est qu’en espérance, puisque pour le présent votre éminence touche au sommet de la fortune. A toutes ces faveurs du ciel nous devons joindre le bienfait de nous être connus et de nous être unis. Comment eussé-je eu le bonheur de connaître un si grand homme, sans les événements dont j’ai parlé? Mais que le ciel ajoute encore à ce qu’il vous accorde et que les soins de la Providence nous conduisent au terme de nos désirs.

Il me reste, mon cher Seigneur, à vous saluer. Favorisez votre ami de fréquents entretiens, et croyez que si le cadre de ma lettre ne m’imposait les limites d’usage, le plaisir que j’ai de vous écrire me ferait étendre longuement mon bavardage.

EPISTOLA VI.

BŒTIO ENNODIUS.

LETTRE VI.

ENNODIUS A BOÈCE.

Cette lettre est postérieure en date à la lettre XIII du livre VII. L’une et l’autre furent écrites avant l’élévation de Boèce au consulat (510). La première était une réponse, celle-ci est un témoignage gratuit d’amitié.

Par quidem fuerat unis litteris magnitudinis tuæ respondisse simpliciter, nec geminare debere colloquia semel obnoxium: sed cautione ad hoc, non inscitia devolutus sum. De utriusque enim epistolis, una obsequitur debito, altera præstatur affectui. Credite, nefas putavi non cum fenore suo restituere quod mens venerabilis prima contulerat. Dulciora sunt ante exemplum bona diligentiæ: nec tantum habet virium aut genii qui amicitiarum callem fecundus ingreditur. Summatim sibi gratiam non potest vindicare, cui in amore forma præstatur: impudentiæ est non respondere caritati, cum manifestet res bene orta virtutem. Hæc in festinatione perlatoris celer scripsi. Latius posthac verba diffundam: nec maciem ingenii mei, dum merita vestra respiciuntur, aspiciam: si tamen desideriis meis tabellarum frequentiam commodetis.

 Domine mi, salutationis uberrimæ servitia dependens, quæso, ut memoriam proximitatis vos habere signent promulgata sine intermissione colloquia.

Il suffisait, il est vrai, de faire à l’unique lettre de votre Grandeur une simple réponse et rien ne m’obligeait à vous écrire de nouveau; si je m’y suis déterminé, ce n’est point par ignorance, mais pour prendre les devants. De mes deux lettres, en effet, la première répond à une dette, l’autre est la messagère de mes sentiments affectueux. Veuillez le croire, j’ai pensé que je ne pouvais me dispenser de rendre avec usure ce qu’une auguste intelligence m’avait donné la première. Il est plus doux de donner des témoignages d’amitié avant d’en avoir reçu l’exemple, et c’est montrer moins de force ou moins de cœur que de ne marcher que second dans le sentier des affections. On ne peut en peu de mots exiger pour soi de la bienveillance dès lors que l’on est prévenu de marques d’amitié qui doivent servir de modèle. C’est de l’impertinence que ne pas répondre à l’affection, lorsque d’ailleurs l’excellence de la race se manifeste d’elle-même. Tout cela, je vous l’écris à la hâte, car le courrier me presse. Plus tard je m’étendrai à loisir et j’oublierai, en considération de vos mérites, la pauvreté de mon génie, si du moins vous accordez à mes désirs de m’écrire fréquemment.

Mon cher seigneur, en vous payant le tribut de mes salutations très empressées, je vous demande qu’à l’assiduité de notre correspondance on connaisse que nous ne sommes pas oublieux de la parenté qui nous lie.

EPISTOLA VII.

ENNODIUS AVIENO.

LETTRE VII.

ENNODIUS A AVIÉNUS.

Il y a tout lieu de croire qu’Ennodius était encore laïque: une allusion à la communion pascale permet de supposer qu’il ne communiait alors que rarement; d’ailleurs Cynégie, mère d’Aviénus, vivait encore, Cette lettre est donc antérieure à la grande maladie qui survint après la mort de Cynégie et détermina Ennodius à entrer dans les ordres. Grands sentiments de piété qu’il nourrissait même encore dans le monde.

Diu est quod desideriis veracibus suspensus solo litterarum pascor officio: dum enim magnitudinem vestram alloquor, votivo me æstimo non deesse conspectui. Sed remediis suis animus ægrescit afflicti; et quod diligentiæ pabulum invenitur, hoc magis macerat de amoris fruge jejunium. Vere, domine, sic vos lumina mea Deus servet incolumes; quia si aut vires corporis mei sivissent, aut festinatio domni, Ravennam totis intentionis meæ viribus expetissem. Sed si Deus voluerit, salva vita domni mei patris vestri, et domnæ matris, post Pascha cum adjutorio superno veniam, ut vobis visis ad opem vitæ revalescam.

Domine mi, salutationem uberrimam dicens precor, ut omnes sanctos orare pro me instantissime procuretis.

Il y a déjà longtemps qu’en proie à des désirs dont je ne puis me distraire, je n’ai d’autre aliment intellectuel que le commerce épistolaire Il me semble, en effet, tant que je m’entretiens avec votre Grandeur, que je ne suis pas absolument privé de votre chère présence. Mais les remèdes que recherche un esprit plongé dans l’affliction ne font qu’aggraver son mal, et l’aliment trompeur présenté à un cœur dévoré du besoin d’aimer, ne peut qu’augmenter la faim qui le consume. En vérité, Seigneur, que Dieu vous, garde saints et saufs, vous qui m’êtes plus chers que mes yeux car je vous l’assure si mes forces me l’eussent permis et que le départ du Seigneur (Faustus) n’eut pas été si prompt, je me fusse transporté à Ravenne de toute la force de lues désirs. Mais, s’il plaît à Dieu et qu’il nous conserve mon seigneur votre père et madame votre mère, après Pâques, muni du secours d’en haut, je viendrai vous voir et retrouver près de vous de nouvelles forces et l’espoir de vivre.

Mon cher Seigneur, en vous adressant mes salutations les plus empressées je vous demande en grâce de vous employer très instamment à faire prier pour moi toutes les saintes âmes.

EPISTOLA VIII.

ENNODIUS SENARIO.

LETTRE VIII.

ENNODIUS A SÉNARIUS.

Lettre d’amitié. Le mot de la fin ferait supposer que Sénarius était à Rome.

Quamvis pro peccatis meis etiam litterarum vestrarum solatia subducantur, ego tamen memor debiti quo me per gratiam vestram, ut Dei memores, obligastis, scribere non omitto: sperans, domne Senari, ut Deum quem in me cogitasti, semper attendas et frequenter mihi litterarum vestrarum munus impertias.

 Domine mi, saluto plurimum reverentia consueta, et imploro ut per omnes sanctorum basilicas pro afflictione mea Deum rogare non desinas.

Quoique pour mes péchés même la consolation de vos lettres me soit refusée, je ne veux point oublier la dette que dans votre bienveillance vous m’avez imposée au nom de Dieu: je suis exact à vous l’écrire dans l’espoir, seigneur Sénarius, qu’en pensant à Dieu à mon occasion, vous m’accorderez la faveur de fréquentes lettres.

Mon cher Seigneur, je vous salue longuement avec la révérence accoutumée et je vous supplie en grâce, dans l’affliction qui m’oppresse de ne pas cesser de prier Dieu pour moi dans toutes les basiliques des Saints.

EPISTOLA IX.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE IX.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il lui recommande un évêque.

Quamvis ad tutelam pontificis innocentia officii ejus comes assistat; nec opus sit humanis solatiis ei qui humanitatem professione superavit, scit tamen omnipotens Deus, me sancti episcopi portitoris præsentium jussioni exactum impendisse colloquium.

Diu enim renisus sum, ne arrogans videretur, si minister antistitem, et apud sanctissimam conscientiam potissimum vix mediocris assereret. Sed perfecta obedientia est, quidquid summus exigit, non negari. Et ideo prælato debitæ salutationis obsequio, precor, ut ad consolationem multis impugnationibus prægravati subsidium conferatis: quatenus singularis boni rem facientes, non patiamini immeritum sacerdotem diuturnæ subjacere mœstitiæ.

Bien que l’auréole d’innocence dont l’épiscopat est comme revêtu suffise à couvrir le pontife et que tout secours humain paraisse inutile à celui qui s’est élevé par la sainte profession au-dessus de l’humanité, j’ai cependant donné cette lettre de recommandation. Mais Dieu tout puissant sait que j’ai dû céder à l’ordre impérieux du saint évêque qui en est le porteur.

Longtemps j’ai résisté, craignant qu’il ne parût contraire aux dernières convenances qu’un simple ministre, et encore le plus modeste, recommandât un pontife auprès d’un personnage aussi pieux. Mais la perfection de l’obéissance consiste à obtempérer en tout ce que prescrit un supérieur. Et voilà pourquoi, après vous avoir adressé l’hommage de mes respectueuses salutations, je vous demande de venir en aide à cet évêque en butte à de nombreuses attaques. Faites cette bonne œuvre par excellence et ne laissez pas plus longtemps ce digne prêtre sous les coups de chagrins immérités.

EPISTOLA X.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE X.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il le prie de lui faire expédier une pièce rédigée pour Laurent notaire à Côme, que dans une autre lettre (iv, Lett. xii) il nous fait connaître comme un excellent homme. Il l’intéresse à la cause d’une pauvre femme aveugle à laquelle le fermier Martin qui relevait du Comte du Patrimoine, avait enlevé son esclave.

Deus, qui bonorum operum animo vestro inseruit affectum, ipse obsequentem sibi longa felicissimum ætate tueatur: quia quamvis innocentia quam fovetis, indesinentes pro vobis ducat excubias; obligati tamen beneficiis vestris non possunt quæ pro vobis Deo debent vota comprimere: quia pro impensis gratias non referre et Deus in carne constitutus exhorruit. Utinam tantum valerem pro rebus verborum tribuere, quantum sentio me debere! His tamen, quod ad aliam mercedem vestram pertineat, suggerere non omitto, ut chartam quam in causa Laurentii tabularii comensis fecistis, impletam mihi transmitti jubeatis; et pro illa cæca muliere quam Martinus conductor de Moditia opprimit, comitis patrimonii litteras tollatis, quibus jubeatur, quod ei abstulit mancipium, sine dilatione reformare: quia quod in præsenti in mandatis accepit, facere pro rustica temeritate contemnit.

Que Dieu, qui vous a mis au cœur l’amour des bonnes œuvres, vous accorde de longues années de bonheur à le servir ; c’est le vœu que lui adressent pour vous ceux que vous comblez de bienfaits, car quoique l’innocence de votre vie vous mérite constamment cette protection du ciel, néanmoins vos obligés ne peuvent ne pas faire monter vers Dieu pour vous les prières qui vous sont dues ne pas rendre grâces pour les bienfaits reçus est une ingratitude, dont Dieu fait homme lui-même a en horreur. Ah ! que ne puis-je vous dire tout ce que je sens vous devoir! A toutes vos bontés je vous prie d’en ajouter une nouvelle, c’est de me faire expédier, dès qu’elle sera complète, la pièce que vous avez rédigée pour la cause de Laurent, le notaire de Côme. Je vous prie encore pour cette femme aveugle, qu’opprime Martin, fermier de la couronne à Modicia, d’obtenir du Comte du Patrimoine des lettres enjoignant à ce rustre de restituer sans délai à cette femme l’esclave qu’il lui a enlevé; car il s’est jusqu’ici audacieusement moqué des ordres qu’il en a reçus.

EPISTOLA XI.

ENNODIUS AVIENO.

LETTRE XI.

ENNODIUS A AVIÉNUS.

Seules les lettres de Faustus et d’Aviénus peuvent le consoler de leur absence.

Digresso de Mediolanensi urbe communi domino, sola in consolatione remanserunt solatia litterarum: quia dum sermo ad vos dirigitur, aliqua præsentiæ vestræ desideriis meis imago blanditur. Quod et a vobis dominis meis, ut crebro faciatis, exposco; cogitantes absentiam vestram hac sola posse assiduitate sustineri. Habeant felicissimi votivam præsentiam: mihi delicta mea cogitanti epistolaris cura sufficiet.

 Domine mi, salutem uberrimam dicens, precor, ut per sanctos Domini pro me preces fundere minime desistatis, et Domino gratias referte, cujus circa me beneficia etiam insperata tribuuntur.

Depuis que notre commun seigneur s’éloigna de Milan, la seule consolation qui me reste c’est d’écrire. Tandis que je vous adresse ma causerie, j’ai comme une illusion de votre présence qui me tient sous le charme. Je vous supplie, mes chers seigneurs, de faire souvent de même, bien persuadé que votre absence ne peut être supportable que grâce à votre assiduité sur ce point. Que d’autres, trop heureux, vous possèdent, pour moi, lorsque je considère mes fautes à expier, je comprends que le commerce épistolaire avec vous doit me suffire.

Mon cher seigneur, je vous prie d’agréer mes salutations les plus empressées et aussi de ne point vous lasser et de faire monter vers Dieu les prières de ses saints, et de lui rendre grâces pour, les bienfaits absolument inespérés dont il me favorise.

EPISTOLA XII.

LIBERIO, EUGENETI, AGAPITO, SENARIO, ALBINO.

LETTRE XII.

A LIBÉRIUS, EUGÈNE, AGAPIT, SÉNARIUS, ALBINUS.

Le diacre Etienne est chargé des commissions qu’il est inutile d’écrire.

Uberioribus opus est paginis, ubi fides claudicat perlatoris: per amantem mei cultorem vestrum Stephanum diaconum, sufficit parca collocutio: qui transgrediens epistolas in multa verba diffusas, præfert affluentibus necessaria, dum compendio fidelis arcani alleganda non supprimit. Quod restat, valere me, Deo auspice, nuntians, prosperitatis vestræ bona disquiro, et plenum reddo salutationis obsequium, deprecatus, ut fiduciam meam incorrupta dignationis vestræ non denudet integritas.

Il est nécessaire d’écrire plus longuement lorsqu’on ne peut compter sur le porteur avec le diacre Etienne, mon ami et qui vous est tout dévoué, il suffit de quelques mots. Comme il passait par ici, il s’est chargé de vous dire une foule de choses qu’il eût été nécessaire d’écrire très longuement pour vous les mander par lettres. D’ailleurs il sera fidèle à ne rien vous celer de ce que nous tenons à vous faire savoir. Au reste, en vous donnant, grâce à Dieu, de bonnes nouvelles de ma santé, je vous en demande de la vôtre et vous prie d’agréer le parfait hommage de mes salutations, avec la confiance que vous daignerez me garder dans son intégrité toute votre bienveillance.

EPISTOLA XIII.

AVITO ENNODIUS.

LETTRE XIII.

ENNODIUS A AVITUS.

Il semble qu’il s’agisse, Sabinus étant mort, de l’entrée en possession de son fils encore mineur, réclamée par lui contre le fidéjusseur et l’exécuteur testamentaire, pour cause d’utilité. Ennodius invoque le devoir professionnel et paraît agir comme avocat.

Importunum me facit aliena necessitas, quia debeo pro deprecante sermonem. Lex propositi intercessionis refutat avaritiam. Nam ad conscientiæ meæ sarcinam jungitur, si respuam supplicantem.

Exspectandæ memoriæ Sabini filius ad diem constitutum sententiam præstolaturus occurrit: sed agellum suum utilitatis ratione est coactus expetere; quia et fidejussor et exsecutor defuncta die defuerunt.

Abjurantem me de præfati negotio ultra vilescere bajulus impulit, ut ad eum nuntios, quatenus rursus occurreret, destinarem: quod me fecisse significo.

Nunc salutationis meæ dicens obsequia, in potestate est culminis vestri, in prædicti causa, quid justitia quam fovetis, quid fiducia quam dedistis mereatur ostendere.

La nécessité d’autrui va me rendre importun, mais je ne puis refuser de parler pour celui qui me le demande. Le devoir professionnel me fait une loi de ne pas marchander mon intervention. Ce serait aggraver le fardeau qui charge ma conscience que de fermer l’oreille à de telles supplications.

Le fils de Sabinus de digne mémoire, s’est présenté au jour fixé, dans l’attente de la sentence mais le voici obligé de réclamer la jouissance de son champ pour cause d’utilité, parce que au jour marqué et le fidéjusseur et l’exécuteur (testamentaire) ont fait défaut.

Tandis que je vous écrivais sur cette affaire, le porteur, par ses instances, m’a contraint à y mettre si peu de soin que j’ai fait courir après lui pour l’obliger à revenir. Je tiens à vous le marquer.

Et maintenant, en vous adressant l’hommage de mes salutations, je prie votre Grandeur de se souvenir qu’il est en son pouvoir de montrer dans la cause du susdit ce que l’on doit attendre et de la justice que vous protégez et de la confiance que vous avez inspirée.

EPISTOLA XIV.

AVITO ENNODIUS.

LETTRE XIV.

ENNODIUS A AVITUS.

Même objet que la précédente lettre: Ennodius, avocat du fils de Sabinus, se défend d’avoir cherché à soustraire son client à l’arrêt du juge.

Scio mea apud vos clamare silentia; nec quidquam fieri, quod non secreta interpretatione teneatur. Ego tamen a scriptione non destiti; nec sublimis memoriæ viri Sabini filium fabricato ingenio a judicatione subtraxi, qui violentias in agello suo perpessus, hactenus operam dicitur navasse cum barbaris. Credite mihi, aderit secutus examini, et disceptationem vestram sine aliqua formidine veniet ingressurus.

Domine mi, salutati reverentiam dicens, precor ut personam meam tanti habeatis insitæ dudum affectionis recordatione fulcire.

Je sais qu’auprès de vous mon silence même est entendu et qu’il n’y a rien de si secret que vous n’en soyez instruit. Je n’ai pas voulu cependant négliger de vous écrire pour bien vous certifier que je ne prétends nullement soustraire par d’habiles manœuvres le fils de Sabinus, de sublime mémoire, à l’arrêt de la justice. Ce qu’il a souffert de violences au sujet de son petit champ, fait dire qu’il a eu jusqu’ici affaire à des barbares. Croyez-moi, il se présentera en toute sécurité pour soumettre sa cause à votre examen; il voudra sans aucune appréhension recevoir et accepter votre décision.

Mon Seigneur, en vous adressant l’hommage de mes salutations, je vous prie de tenir ma personne en telle estime, que vous daigniez me réconforter en vous souvenant de l’affection que je vous ai vouée depuis si longtemps.

EPISTOLA XV.

FAUSTO ENNODIUS.

LETTRE XV.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il lui recommande le jeune Simplicianus qui se rend à Rome pour y compléter ses études et auquel il adressera plus tard une belle lettre d’éloges (VII, Lett. xix).

Bene providentia superna disponit, ut dum a me beneficia postulantur, sic sollicitudo mea votivos inveniat perlatores. Facessat negare aliis quod mihi tribuo: et illud avaritia sordente continere, quod sublevat largientem. Simplicianus præsentium bajulus, adolescens nobilissimus, natalem scientiæ sedem Romam conatus expetere, hoc sibi credidit pro singulari evenire compendio, si ad notitiam culminis vestri duce pagina perveniret. Cui ego nequaquam volui cupita subtrahere, sciens consuetudinis vestræ esse quod reliqui faciunt exorati. Nunc, mi domine, servitia salutationis accipientes, facite ut præfatum peregrinationis dura non onerent: meque crebra scriptionis vestræ per hanc impetratam frequentiam relevare munia non desistant.

C’est une bonté de la divine Providence à mon égard que lorsque j’ai quelque faveur à demander, ce soit pour moi une heureuse occasion de trouver les porteurs que je désire. Loin de moi de refuser aux autres ce que je m’accorde moi-même et de garder par une avarice sordide ce qui est tout profit pour celui qui le donne. Simplicianus, porteur des présentes, jeune homme de très haute noblesse, obligé de se rendre à Rome, sanctuaire de la science, a cru que ce lui serait un très grand avantage s’il pouvait, muni d’une lettre d’introduction, être admis à faire la connaissance de votre Eminence. Je n’ai certes pas voulu lui refuser ce qu’il désirait, sachant trop bien que c’est chez vous une habitude d’accorder ce que l’on n’obtient des autres qu’à force de prières. Agréez donc, cher Seigneur, l’hommage de mes salutations et faites que le susdit ne souffre pas trop des rigueurs de l’éloignement ; quant à moi, tout ce que je désire c’est de continuer à jouir toujours, comme maintenant, des charmes de vos fréquentes lettres.

EPISTOLA XVI.

ENNODIUS LUMINOSO.

LETTRE XVI.

ENNODIUS A LUMINOSUS.

Il réclame de nouveau le remboursement des sommes empruntées pour le pape, sous sa caution, durant les affaires du schisme. III, 10; IV, 11; VI, 33.

Non deberent esse negotiosa colloquia quæ pro remedio sibi amor invenit, nec religionis stipendium ad necessaria nos oporteret evocare commercia: quia dulce esset epistolarum munia soli militare concordiæ, nec rem diligentiæ in aucupia transferre compendii. Sed res ad hoc rediit, ut nisi senior caritas quæ inter nos ab ipso vitæ lumine sumpsit exordium, et per varias profectuum vires messem gratiæ perduxit ad aream, compulsa pro meis partibus stimulo scriptionis assurgat, grandi ingratitudinis et detrimentorum sterilitate percutiar.

Meminit amplitudo vestra, quæ de expensis quæ apud Ravennam episcopus meus fecerat, me ei redhibitionem promittente, pro sedis apostolicæ utilitate, vobiscum fuerit collocutus. De qua restituenda celerem promiseratis effectum: sed pro peccatis meis nescio qui casus opposuit manus. De qua ad me prædicti antistitis se convertit intentio, ut vix inducias ad sacratissimam urbem tribuerit destinandi.

Nunc post Deum in vobis causa est; qui potestis et personam meam offensione pontificis mei et detrimentis eripere; ne officium fidei mihi uni peperisse videatur adversa.

Domine mi, salutationis munera persolvens, Dominum precor, ut animum vestrum ad utilitatis meæ considerationem incunctanter invitet. Ego quid amplius facerem invenire non potui, nisi ut cum allegatione manifesta fidum mihi dirigerem perlatorem.

Nous ne devrions pas consacrer aux affaires des entretiens que l’affection a inventés comme remèdes à ses ennuis, ni détourner ce fruit de l’amitié aux exigences des discussions intéressées. Comme il serait doux de ne s’écrire que pour rendre plus étroite l’union des cœurs et de ne pas transformer en instrument de profit une chose qui devrait uniquement appartenir à l’amitié. Mais nous en sommes venus à ce point que si la vieille amitié qui se forma entre nous dès notre entrée dans la vie et, depuis, n’a fait que croître jusques à sa parfaite floraison, ne se lève à l’appel de ma lettre pour me venir en aide. j’éprouverai de graves dommages que je n’ai nullement mérités.

Votre Grandeur se souvient de l’entretien qu’elle eut avec mon évêque au sujet des avances faites par lui à Ravenne au profit du siège apostolique, sous ma garantie d’être remboursé. Vous promîtes alors que ce remboursement se ferait à bref délai, mais en punition de mes fautes, je ne sais quel mauvais destin y a mis obstacle; or l’évêque se tourne vers moi avec de telles instances, qu’il me laisse à peine le temps de dépêcher à la ville sainte.

Maintenant, après Dieu, l’affaire est en vos mains; vous pouvez m’épargner et d’entrer en une fâcheuse contestation avec mon évêque et de subir un grave dommage. Il ne faut pas qu’on puisse dire que, seul, pour avoir pris en main la cause de la foi, je suis en butte à l’adversité,

Mon cher seigneur, en vous payant le tribut de mes salutations, je prie Dieu d’incliner sans retard votre esprit à prendre en considération mes intérêts. Quant à moi, je n’ai rien pu trouver à faire de plus que de vous adresser, avec cette requête si expresse, un porteur fidèle.

EPISTOLA XVII.

ENNODIUS MARCELLINO EPISCOPO.

LETTRE XVII.

ENNODIUS A MARCELLIN, ÉVÊQUE.

Ennodius était entré en relation avec l’évêque Marcellin en écrivant au nom du pape Symmaque, au sujet de son élection au siège d’Aquilée, une lettre (V, 1) au patrice Libérius. Emploi du titre corona vestra, lorsqu’on parlait à un évêque.

Magnifici viri domni Stephanioni filii vestri facit dignatio ut beatitudini vestræ legendus occurram, cujus beneficio itineris caritas detrimenta non patitur, et quod præsentia non valet, sermone compensat. His ergo servitia apostolatui vestro debita repræsentans, quæro ut me orationum suffragio sublevetis: quatenus insertus venerabili conscientiæ, de omni merear dignationis vestræ fruge gratulari; quia fiduciæ meæ coronam vestram non ambigo responsuram.

Je dois à l’obligeance de votre fils, le noble personnage Stéphanion, la faveur de faire par lettre une visite à votre béatitude. Grâce à son voyage l’affection ne perd rien de ses droits et ce qu’elle ne peut faire par une entrevue elle le compense par la correspondance. En rendant par les présentes à votre apostolat les hommages que je lui dois, je vous demande de m’assister du secours de vos prières et qu’ainsi de même qu’une greffe profite de la sève d’un tronc vigoureux, je puisse heureusement participer aux mérites de votre sainte vie; car je ne doute point, que votre couronne ne réponde à ma confiance.

EPISTOLA XVIII.

ENNODIUS DOMINICÆ.

LETTRE XVIII.

ENNODIUS A DOMINICA.

Réponse affectueuse à une lettre de cette cousine, qui habitait un pays éloigné, probablement la Provence.

Fecit magnitudo vestra quod et sanctis moribus suis debet et sanguini, ut propinquitatis memoriam silentii non patiatur torpore languescere. In quacunque terrarum parte vivit affinitas, nec separantur regionibus parentelæ catena sociati. Credite mihi, dilectio sancta non deperit, nec ullum patitur per divisionis itinera natura dispendium.

Nam generum vestrum tantum mihi noveritis caritatis impendere, quantum ad vicissitudinem nulla satisfactio existat idonea. Quod superest, domina mi, accipientes debitæ salutationis affectum, Deum precor, ut in bono mutuo felicitatis videndi vos occasionem conferre dignetur; quatenus sub confabulatione votiva pia desideria subleventur.

Votre Grandeur a fait ce qu’elle doit et à la sainteté de ses mœurs et à son sang en ne laissant pas s’affaiblir par un silence prolongé le souvenir de sa parenté. En quelque lieu du monde que nous vivions, le sang maintient ses droits, et les distances ne séparent point ceux qu’unissent les liens de parenté. Croyez-moi, une affection sainte ne s’amoindrit pas avec la longueur des routes et la nature n’y perd rien.

Or vous saurez que votre gendre me témoigne une affection telle que je ne crois pas possible de jamais complètement le payer de retour. Au reste, ma chère dame, en échangeant l’hommage de nos affectueuses salutations, je prie Dieu qu’il daigne, pour notre mutuelle félicité, me procurer l’occasion de vous voir et de vous entretenir ; ce serait le comble de mes vœux.

EPISTOLA XIX.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XIX.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Après un séjour de quelque temps auprès de Faustus à Ravenne.

Postquam desideriis meis videndi vos facultas elapsa est, iterum ad litteras mens revertitur: cogitur abjuratum poscere paginale subsidium, et institutam melioribus copiis animam, quasi vilioris cibi alere aut sustentare commercio. O quam grave est, quotiens variis necessitatibus obsequentem fugitiva libertas ad nova instituta transducit! Quæ dura sunt, continuatione franguntur: multum de gravitate oneris usus incidit; flebilis conditio ad optata quæ non sunt mansura perducit; levior sors est curis jugibus occupati. Hoc sum infelicior peccatorum fasce, quod de bonarum rerum sapore gustavi. Sed hinc alias. Deo relinquenda sunt, quæ humano remedium nesciunt habere consilio.

Vobis interim reverentiam salutationis impendens, reditus mei facere indicia non omisi, cupiens pari scriptionis vestræ hilaritate relevari.

Maintenant que malgré mes ardents désirs la faculté de vous voir ne m’est plus donnée, il me faut revenir aux lettres je suis obligé de recourir au commerce épistolaire que j’avais abandonné; mon âme, nourrie auprès de vous de mets si délicats, en est réduite à s’alimenter de cette nourriture grossière. O qu’il est douloureux de se voir ainsi emporté par la nécessité des circonstances et, jouet d’une liberté fugitive, d’être jeté dans une situation toute nouvelle ! Les maux les plus durs s’adoucissent par la durée ; les plus lourds fardeaux sont allégés avec le temps la condition la plus lamentable, dès lors qu’elle doit durer, laisse encore former des souhaits des chagrins qui n’ont pas de trêve, finissent par s’adoucir. Pour l’expiation de mes péchés le comble de mon malheur est d’avoir goûté aux biens dont je me vois privé. Mais passons. Il faut s’en remettre à Dieu des choses auxquelles la sagesse humaine est impuissante à porter remède.

Et cependant, tout en vous adressant l’hommage de mes salutations, je n’ai pas voulu négliger de vous donner des nouvelles de mon retour, n’ayant moi-même rien tant à cœur que de goûter également le plaisir de recevoir des vôtres.

EPISTOLA XX.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XX.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il n’a connu le charme de son séjour à Ravenne auprès de Faustus (VI, 19), qu’après l’éloignement de celui-ci. Allusion à des affaires dont il attend la solution, sans doute comme avocat.

Ignoratur bonorum sapor in prosperis; vix dignoscitur superni qualitas beneficii, dum tenetur; post migrationem cupita dulcescunt; desiderii pretia in manibus constituta nescimus. Vere fateor, quandiu Ravenna vos habuit, sinistrum omen credidi cogitare quæ patior; nec inter res secundas, quasi malignus propriæ felicitatis interpres, quæ per absentiam vestram evenire poterant suspiravi. Non debui merita mea, si ab homine non separarer, agnoscere, nec intelligere fugitivum esse, quod sectanti peccata blanditur.

Sed quid epistolaris concinnatio castigatæ terminum dictionis excedit? Ferat his rebus medelam, cujus imperio universa famulantur.

Ego tamen propter quod attributæ sunt paginæ, valeo substantia corporali; et per hæc munia, sub Dei ope, ut prosperitas vestra nuntietur exspecto. Accipite ergo obsequia mea; et si quid inter hæc quæ mecum geri didicistis, eventus dexter attulerit, sine dissimulationis obstaculo nuntiate.

Tant que nous sommes dans la prospérité, nous en ignorons les douceurs; c’est à peine si nous savons apprécier les bienfaits du ciel tant que nous en jouissons; après seulement que nous les avons perdus, les biens les plus ardemment désirés nous apparaissent avec tous leurs charmes; nous ignorons le prix de l’objet de nos désirs tant qu’il est en nos mains. Oui, je l’avoue, tant que Ravenne vous posséda, je considérai comme une chimère d’envisager les tourments dont je souffre aujourd’hui. Au comble du bonheur, j’aurais cru ne pas en comprendre l’étendue si la perspective des maux qui devaient me venir de votre absence m’eût arraché des soupirs. Je ne pouvais, sans cette séparation, comprendre ce que je mérite ni savoir que ce qui fait la joie du pécheur est fugitif.

Mais pourquoi laisser ma lettre dépasser les bornes d’une diction justement mesurée ? Que celui à qui seul tout obéit porte le remède à mes maux.

Quant à moi, et c’est pour vous en faire part que je vous écris, je suis en bonne santé et j’attends, en retour, avec l’aide de Dieu, que vous me donniez de vos bonnes nouvelles. Agréez donc mes hommages, et s’il survient quelque heureux dénouement relativement aux affaires que j’ai sur les bras, comme vous savez, donnez m’en avis sans ombre de dissimulation.

EPISTOLA XXI.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XXI.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Ennodius est à Ravenne d’où Faustus est parti (VI, Lett. xx). Probablement il y était venu remplir son emploi d’avocat. Sa lettre, au reste, parait une réponse à une lettre par laquelle Faustus lui avait annoncé le bon succès des affaires dont il s’était occupé à sa demande et auxquelles il est fait peut-être allusion dans la précédente lettre (VI, 20). Le domestique de Faustus qui avait apporté sa lettre, rapporta la réponse d’Ennodius.

In occasione rapui solvendæ humilitatis personam domestici perlatoris. Desideriis meis militabit, quod in aliorum negotiorum efficacia providistis. Fateor, durum credidi vicinior litteras denegare, qui nunquam potui in longinquo constitutus abstinere colloquiis. Visum enim mihi sum, Ravennatibus occupatus excubiis, magnitudinem vestram quadam mentis dextera contigisse.

Idcirco ad levamen desiderii scripta prorogavi, ut quod vivis subtrahebatur affatibus, lectione pensarem. Ergo honorem salutati exhibens, rogo, ut me hujusmodi, quotiens opportunitas ingesta fuerit, remediis sublevetis, in quibus absentia unicum habet divina provisione subsidium. Agnovistis quæ sit curatio affectione languenti: vestrum est medelam ægris animis non negare.

Je saisis l’occasion que me procure la personne d’un porteur de chez vous et j’en use pour vous payer l’humble tribut de mes hommages. Je profiterai ainsi, au gré de mes plus ardents désirs, de ce que vous avez bien voulu prêter un concours actif aux affaires des autres. Je l’avoue, il m’était dur, maintenant que je me trouve rapproché, de ne plus vous écrire, alors qu’étant au loin, je n’avais jamais pu me priver de vos entretiens. Car en vérité, depuis que mes occupations me retiennent à Ravenne, il me semble dans ma pensée que je n’ai pour ainsi dire qu’à tendre la main pour atteindre votre Grandeur.

Aussi, cédant à mes désirs, je vous écris ces lettres afin que par la lecture des vôtres je puisse suppléer aux entretiens de vive voix qui me manquent. Je vous prie donc, tout en vous rendant l’honneur de mes salutations, de m’accorder, chaque fois que la commodité s’en présentera, des consolations de cette sorte, unique remède aux ennuis que nous cause l’absence de nos amis. Vous savez comment se guérit la langueur que cause l’affection : il vous appartient de ne pas refuser aux cœurs malades le remède efficace.

EPISTOLA XXII.

ENNODIUS EUGENETI.

LETTRE XXII.

ENNODIUS A EUGÈNE.

Billet d’amitié.

Diligentia est multiplicium causa paginarum. Reverentiæ vestræ debetur, quod a scriptione non tempero: testis gaudii non patitur vox defectum, quia statum valetudinis vestræ lætus excepi. Valete.

L’affection nous fait multiplier les lettres. Votre révérence est cause que je ne puis m’abstenir d’écrire. Ma parole ne peut se dispenser de s’élever pour témoigner la joie que me cause la bonne nouvelle de votre santé. Adieu.

EPISTOLA XXIII.

ENNODIUS PARTENIO.

LETTRE XXIII.

ENNODIUS A PARTHÉNIUS.

Il complimente le jeune étudiant de ses premiers succès littéraires, et lui recommande le travail et la fuite des mauvaises compagnies.

Deo auspice dilectionis tuæ primordia convalescant: adsit desideriis communibus, per quem vires studia sortiuntur. Declarasti te scriptionis luce urbem amicam liberalibus studiis jam tenere: præmisisti in foribus quod avara parentum vota superaret. Non sum dictionis tuæ rigidus æstimator, nec respuo tenuitatem præsentium, cui secutura blandiuntur. Quotiens vomeribus terram scribimus, animus de spe venturæ frugis elevatur: semper de herbis aristarum divitias amicus rationis intelligit: diligens rusticandi adhuc in cano flore pomorum populos jam metitur. Facessat adversitas, et quidquid pariunt peccata discedat. Ductus mihi oratiunculæ tuæ et si eloquentiæ nitore non subsistit, Latiaris tamen venæ sapore radiavit. Fluxit sermo non absonus; lectionis tamen opibus ampliandus. Sed quid ego post tantum judicem, cujus oribus operis tui concinnationem placare signasti, quasi post olores anser, strepui? Illi quicunque placuit, examen securus ingreditur, facundia ab illo prædicata prævalet favorem etiam ab inimicis exigere. Labora ergo, ut felix bene cœpta eventus extollat: honestorum te obsequiis indesinenter impende; eos qui consortio se suo polluunt, debens monitis nostris reverentiam, velut veneni poculum fuge; profectum tuum paginis scire cupido semper annuntia. Quod superest, vale, et omnibus superni favoris adjutus auxiliis, familiæ tuæ de peritiæ messe responde.

Qu’avec la grâce de Dieu, les prémices que m’offre votre affection prennent de l’accroissement. Vous avez montré par le style de vos lettres que vous êtes l’hôte de la ville où fleurissent les arts libéraux c’est à peine si vous y entrez et déjà vous envoyez des compositions qui surpassent les exigences de l’amour paternel. Je ne veux point me montrer sévère dans la critique de votre diction et n’aurai garde de dédaigner comme imparfaites vos présentes compositions qui nous font concevoir pour l’avenir les plus flatteuses espérances. Lorsque nous labourons la terre, l’espoir de la récolte qui en proviendra relève notre courage; à voir les blés en herbe, le laboureur expérimenté augure de la moisson; il suffit au paysan intelligent de considérer les fleurs pour déjà mesurer les fruits. Loin de nous les fléaux et tout ce qu’engendrent les péchés ! Votre petit discours, il est vrai, ne revêt pas dans son allure la splendeur de la grande éloquence, mais on trouve au style la saveur de la pure latinité. Le discours a coulé, non sans harmonie, mais demande d’être nourri de sérieuses lectures. Mais après qu’un juge si compétent a, comme vous me l’écrivez, favorablement accueilli votre œuvre, que pensé-je de venir, comme une oie après des cygnes, faire entendre ma critique? Quiconque a son suffrage peut sans crainte affronter le crible de l’opinion; recevoir de lui des éloges est une faveur que l’on met au-dessus même des compliments qu’on pourrait obtenir d’un ennemi. Travaillez donc pour que de si bons débuts soient couronnés du succès; appliquez-vous à fréquenter assidûment les gens vertueux; quant à ceux dont le contact vous serait une souillure, au nom de l’obéissance que vous devez à mes conseils, fuyez-les comme on fuit une coupe empoisonnée. Et puisque je suis si désireux d’être tenu au courant de vos progrès, ne manquez pas de m’en fournir le moyen en m’écrivant toujours. Au reste, adieu, et que les faveurs célestes dont vous êtes comblé vous aident à vous montrer par vos talents digne de votre famille.

EPISTOLA XXIV.

ENNODIUS ARCHOTAMIÆ.

LETTRE XXIV.

ENNODIUS A ARCHOTAMIA.

Simple entrée en connaissance avec sa cousine d’Arles qu’Ennodius n’avait jamais vue.

Quamvis jus affectionis, consanguinitatis lege constrictum, regionum prolixitate non pereat, nec catena generis quæ animas nectit, terrarum separatione dividatur, attamen pabulum caritatis est, aut videre, aut officio sermonis appellare quem diligas: nescirentur secreta mentium, nisi proditione linguarum. Hæc in usu vocavit antiquitas, ut illa quæ pectoribus clausa sunt, non laterent. Ego Gallias quæ totum me propter vos sibi vindicant, si oculis non inspicio, affectione non desero.

Gratias tamen præsentium perlatori, qui necessitatis suæ occasione desideriis meis præstitit, ut inter æstus animarum quibus bajulus deerat, optatum præberet officium. Salutans ergo servitio debito, precor ut portitor beneficii sui vicem recipiat, et qui in gaudio meo opitulatus est, suis votis restitutum per me credat effectum.

Les liens de l’affection que resserre la loi de la consanguinité ne sont point brisés, il est vrai, par suite de l’éloignement ; la distance qui sépare les terres ne divise point la chaîne de parenté qui unit les âmes il faut cependant à l’amitié un aliment et cet aliment ne se trouve que dans la vue de celui que vous aimez ou dans les entretiens qui vous tiennent en relation. Comment seraient connus les secrets des âmes, si la langue ne les révélait? L’antiquité établit ces usages pour ne pas laisser caché ce que renferment les cœurs. Quant à moi, ces Gaules qui me revendiquent tout entier à cause de vous, si je ne les contemple pas des yeux, mon affection leur reste.

Il faut remercier des présentes le porteur: ce voyage que la nécessité lui impose, me fournit heureusement l’occasion tant désirée de trouver le porteur qui voulut bien prêter son précieux concours à l’échange de nos pensées. Aussi, après vous avoir rendu, comme je le dois, l’hommage de mes salutations, je vous prie de faire que le porteur reçoive la juste récompense du service qu’il nous rend et qu’en retour de la joie qu’il m’a procurée, il ait lieu de se croire, sur ma recommandation, au comble de ses désirs.

EPISTOLA XXV.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XXV.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il recommande un homme de lettres.

Scit magnitudo vestra quo me honorent præjudicio studiorum liberalium sectatores, tanquam rem sibi debitam commendationis meæ scripta poscentes. In usu est, vos beneficia, me verba conferre, et magnitudinem rerum desiderium vincere postulantis. Si ab his muniis temperem, salvo munerum vestrorum genio, ego votum benevoli non habebo.

Perlator præsentium Pertinax teste apud vos natalium suorum pudore vulgabitur: qui in astipulatione stemmatis usurus est bono verecundiæ, per quem, indiciis valetudinis meæ pro vestro desiderio factis, precor ut fiduciæ suæ fructum capiat ex dignationis vestræ messe locupletem: et quotiens votivus commeantum cursus accesserit, ad sublevandum me, quas in amoris solatio accipitis, paginas destinate.

Votre Grandeur sait que les amis des arts libéraux m’honorent d’une estime qui va jusques au préjugé et réclament de moi, comme une chose à laquelle ils ont droit, des billets de recommandation. Il est maintenant d’usage que vous octroyiez des bienfaits, moi des paroles, et qu’en définitive le postulant obtienne au delà de ses désirs. Si je me refusais à rendre ces services, bien vite, malgré tout ce que j’ai pu jusqu’ici faire obtenir de vous, on cesserait de bénir ma bienveillance.

Le porteur des présentes, Pertinax se fera suffisamment connaître de vous par l’éclat de la modestie qui rehausse l’illustration de sa naissance. il vous apportera, selon votre désir, des nouvelles de ma santé et je souhaite qu’il reçoive largement de votre obligeance les faveurs qu’il en attend et chaque fois que vous aurez l’occasion d’un courrier, ne manquez pas, de grâce, pour ma consolation, de m’adresser les réponses aux lettres que me réclame votre affection.


 

[1] Cf. Salluste, Cat., c. 1.

[2] Cf. Salluste, Cat., c. 1.

[3] Prov. xxvii, 7

[4] Cf. Salluste, Cat., c. 20.

Les lettres XXVI à XXIX manquent dans le texte disponible.

 

 

EPISTOLA XXX.

ENNODIUS FAUSTO.

LETTRE XXX.

ENNODIUS A FAUSTUS.

Il adjure Faustus de lui écrire pour dissiper la tristesse qui l’accable, malgré ses grandes occupations.

Non potest doloris magnitudinem eloqui oris infantia, qui mihi de illa re contigit, quod harum perlatoribus ad Liguriam destinatis a scriptione temperastis: quorum commeationem vos ignorasse non credidi, et præsentiam magnitudinis vestræ a petitionis qualitate deprehendi: datur enim inveniri a dispositis tractatorem. Me tamen urunt epistolarum feriæ, quas ad levamen mœroris mei etiam occupatissimi repulistis. Nunc ad vota redeo. Valete, mi domini, et cœlestem circa vos gratiam multiplici resignate colloquio. Partum est enim actibus vestris, quietis tempore de ea quæ in laboribus sata est, innocentiæ messe gaudere.

Ma langue se trouve impuissante à exprimer la peine infinie que j’éprouve de ce que les porteurs des pièces relatives à l’affaire ont été expédiés en Ligurie sans une lettre de vous. Je ne puis croire cependant que vous ayez ignoré leur voyage, car à la manière dont est exposée la demande, j’ai deviné l’intervention de votre Grandeur: il est facile, en effet, d’après les dispositions, de reconnaître celui qui les a prises. Ce manque de lettres, seul adoucissement aux tristesses qui m’accablent, malgré mes pressantes occupations, et que vous me refusez, est un mal qui me consume. J’en reviens à l’objet des mes vœux. Portez-vous bien, mes chers seigneurs, et faites-moi part en de fréquentes lettres, des faveurs que le ciel vous ménage. Car vos œuvres vous ont mérité de jouir dans la joie, au temps du repos, de la riche moisson que vous avez semée dans les labeurs de la vertu.

EPISTOLA XXXI.

DOMNO PAPÆ ENNODIUS.

LETTRE XXXI.

ENNODIUS AU SEIGNEUR PAPE.

Billet joint à la lettre d’un évêque au pape.

Pervigil beatitudinis vestræ cura, quasi coram positos, in quocunque loci sint, obsequentes attendit, et sine ullis feriis, dum gratiæ suffragium præstat expertis, invitat extraneos. Etenim plures de spectaculo fructus capiuntur laboris alieni: quia discit operam navare in cujus oculis redduntur præmia sudoris et fidei. Atque utinam par votis esset effectus! et quod didici pro religione, cuperem daretur implere. Domine mi, famulatus mei humilitatem exhibens, parca in maximis elocutione contentus, quid domnus episcopus frater vester super directa legatione senserit, patefaciendum præfati litteris derelinquo.

Votre Béatitude toujours vigilante, exerce sa sollicitude sur tous ses serviteurs, en quelque lieu qu’ils se trouvent, aussi bien que si tous étaient en sa présence et tandis que, sans aucune relâche, elle accorde à ceux qui en sont l’objet la faveur de sa bienveillance, elle invite les autres à y prendre part. C’est qu’en effet la plupart se laissent séduire à la vue de ce que rapporte te travail d’autrui, et l’on apprend à s’employer au service de quelqu’un lorsque l’on a sous les yeux les récompenses réservées à son labeur et à sa fidélité. Et plut à Dieu que l’événement répondit à mes vœux et qu’il me fut donné de réaliser pour la religion tout ce que je sais désirer! Monseigneur, en vous offrant l’humble témoignage de mon dévouement, je me contente, pour dire beaucoup de peu de mots ; je laisse au seigneur évêque votre frère le soin de vous exposer dans ses lettres ce qu’il pense de l’affaire dont vous l’aviez chargé.

EPISTOLA XXXII.

ENNODIUS AVIENO.

LETTRE XXXII.

ENNODIUS A AVIÉNUS.

Ennodius malade, accablé de chagrin et d’ennui, n’attend de soulagement que d’une lettre d’Aviénus.

Cum semper sint litterarum inter amantes jucunda commercia, et ex his muniis, etiam si spartana adhibeatur brevitas, gaudia prolixa nascantur; sintque hujusmodi officia remedio absentibus, votiva sollicitis: attamen æger animus super eorum de quibus pendet, prosperitate jactatur, et hac tantum curatione respirat; quam cum negat anxiis is qui nullo labascit incerto, resignat se diligentia non teneri.

Paverunt diu animum meum a magnitudine vestra destinata colloquia, et hilaritati congrua pabula præstiterunt. Quorum nunc abstinentiam non affert tristitiam, sed cogit ad exitium. Potuit enim saluti opem tribuere, quod ante militavit affectui; abjurata est caritatis religio, quando profutura meæ valetudini verba denegantur.

Agnovistis quid fecerunt silentia vestra; quibus emendatione succurrite: nam apud vos si mei non dominatur oblivio, scriptione mutantur.

Domine mi, salutem largissimam referens, Deum deprecor, ut æstibus meis superni dispositio favoris occurat, et in solatio mœrorum meorum illa a vobis indicari faciat, quæ delectet agnosci.

Toujours, entre amis, le commerce de lettres a de grands charmes, De ces échanges, lors même qu’on y userait d’une brièveté Spartiate, naissent au cœur des joies prolongées, remède efficace aux inouï que cause l’absence et particulièrement cher à ceux que tourmente l’inquiétude. Malgré tout, l’esprit mal assuré de la prospérité de ceux dont son bonheur dépend, est constamment agité et ne respire que grâce à ce remède : le refuser à ceux qui souffrent dans l’anxiété parce que l’on demeure soi-même insensible à toute incertitude, c’est montrer qu’on ignore ce que c’est qu’aimer.

Longtemps mon esprit trouva dans tes entretiens que lui adressait par écrit votre Grandeur, un aliment délicieux, bien propre à le combler de joie. Aujourd’hui que j’en suis privé, ce n’est plus seulement pour moi la tristesse, c’est la mort. Je n’exagère point, car ces lettres qui répondaient si bien à mon affection, avaient le don de m’apporter la santé n’est-ce pas fouler aux pieds toutes les lois de l’amitié que de me refuser des paroles qui peuvent me guérir?

Vous savez maintenant quel effet résulte de votre silence ; à vous d’y remédier: il n’y a qu’un moyen, si au moins je ne suis pas tout à fait oublié de vous, c’est de m’écrire.

Mon cher Seigneur, je vous adresse mes salutations les plus cordiales et je prie Dieu que dans les ardeurs qui me consument, il m’accorde quelque faveur céleste, et que pour adoucir l’amertume de mes chagrins, il vous inspire de m’écrire des choses dont la nouvelle m’apporte un peu de joie.

EPISTOLA XXXIII.

ENNODIUS HORMISDÆ ET DIOSCORO.

LETTRE XXXIII.

ENNODIUS A HORMISDAS ET DIOSCORE.

Il presse les deux archidiacres de l’Eglise romaine d’obtenir le remboursement à son évêque de Milan des sommes prêtées au pape sous sa caution. III, 10; IV, 11; VI, 16.

Scio conscientiam religiosam grande æstimare compendium, si præstandi nascatur occasio, his maxime quos devotos exstitisse meminerunt. Ergo quamvis prima reverentiæ vestræ causa sit scripta mittendi, et utilitatis allegatio sit subjicienda diligentiæ, attamen anxius animus sæpe necessaria præponit affectui. Retinet fraternitas vestra domnum papam de expensa, quam episcopus meus apud Ravennam pro ejus utilitate me spondente fecerat, restitutionem fuisse pollicitum. Sed actum est ut vix ad vos dirigendi præstaret inducias, et de mea sibi satisfaciendum esse substantia protestatur. Nunc quia grandis summa non est quæ reposcitur, et summum est beneficium me ab ingratitudine ejus quæ videtur justa, subtrahere, ordinate quod vobis retributio superna compenset. Domine mi, salutem abundantissimam reddens, Deum quæso, quo animis vestris, quod me sublevare possit, inspiret. Ego autem adfui partibus meis, qui cum contestatione mœroris per paginas indicati direxi fidelissimum perlatorem, qui nobis perferenda sine imminutione suscipiat.

Je sais qu’une conscience religieuse estime comme un grand profit l’occasion de s’employer au service de quelqu’un, surtout lorsqu’il s’agit de gens que l’on sait avoir donné des preuves de dévotion. Aussi, quoique la considération que je vous porte soit pour moi le motif premier de vous écrire et que l’exposé de mes intérêts ne doive venir qu’après le témoignage de mon affection, on ne peut cependant empêcher un esprit en proie à l’inquiétude de songer aux affaires plutôt qu’à l’amitié. Votre fraternité n’a pas oublié la promesse faite par le seigneur pape de rembourser les sommes que mon évêque avança pour son compte à Ravenne sous ma caution. Or voici que ce prélat m’accorde à peine le temps de vous envoyer un exprès et prétend que satisfaction lui soit faite de mes propres deniers. Puisque la somme exigée n’est pas grande, et que d’autre part, ce sera m’obliger infiniment que de me soustraire à une disgrâce, en apparence fort juste, obtenez ce remboursement. Dieu vous en tiendra bon compte. Je le prie, mes Seigneurs, tout en vous adressant mes salutations les plus cordiales, qu’il daigne vous inspirer ce qui peut me tirer d’affaire. Quant à moi, j’ai pourvu au mieux de mes intérêts en vous adressant, avec l’exposé des ennuis qui fait l’objet de ma lettre, un porteur de toute confiance pour recevoir de vous, et m’apporter sans y toucher, ce que vous daignerez lui confier.

EPISTOLA XXXIV.

ENNODIUS FAUSTO ALBO.

LETTRE XXXIV.

ENNODIUS A FAUSTUS ALBUS.

Il lui dépêche un exprès pour avoir de ses nouvelles. Allusion aux troubles qui marquèrent à Rome le schisme de Laurent.

Quamvis magnitudo vestra per longum silentium oblivionem mei fuerit contestata, et dum ab epistolaribus muniis temperat, memoriam obsequentis abjecerit, attamen providentia cœlestis desideriis meis prospera vestra non patitur occultari, et variis indiciis successum circa vos resignat optatum. Nunc tamen animus meus usque ad hoc devinctione productus est, ut proprium ad vos dirigerem perlatorem, qui vivis pastus aspectibus, bona ad me manifesta perducat. Credite, domini, magna me vobis esse obligatione constrictum, nec ullas pectori meo ferias dari, quibus visionem vestram non plena intentione disquiram. Superest ut, reducta in Ecclesia Romana concordia, occurrendi vobis contingat occasio.

Domine mi, salutationem reverentiæ vestræ plenissimam dicens, deprecor ut suggestionem portitoris, hominis mei, grato suscipiatis auditu, et de felicitate vestra vel totius domus statu recurrenti nos instruatis alloquio.

Par son long silence, votre Grandeur montre assez que je suis oublié et puisqu’elle me refuse le tribut de ses lettres c’est qu’elle a perdu le souvenir de son fidèle ami malgré tout la divine Providence ne permet pas que le bonheur qui vous arrive me soit caché, et par diverses indications elle m’a fait connaître vos heureux succès. Mais ce qui vous touche me tient si fortement au cœur que je vous expédie un porteur spécial chargé de vous voir en personne et de me rapporter ce dont il aura été le témoin. Croyez, Seigneur, que je vous suis très étroitement attaché, et que mon cœur n’a pas un instant de repos dans l’ardent désir que j’ai de vous voir. Il faut pour cela que, la paix rétablie dans l’église de Rome, une occasion se présente de vous rencontrer.

Mon cher Seigneur, en adressant à votre révérence mes salutations les plus profondes je vous prie d’accueillir avec bienveillance les paroles de mon porteur et de vouloir bien l’instruire de ce qui touche à votre bonheur comme de ce qui intéresse toute votre maison pour qu’il puisse me rapporter votre entretien.

EPISTOLA XXXV.

ENNODIUS DOMNINÆ.

LETTRE XXXV.

ENNODIUS A DOMINICA.

Il écrit à sa cousine pour se consoler et se recommander â ses prières et à celles d’autres personnes de sa maison, ses filles sans doute.

Inter curas et molestias quibus pro peccatorum fasce subjicior, elegi singulare subsidium, ut ad vos domnas meas litteras destinarem; quarum precibus omnia mihi secunda contingerent, et ad serena lætitiæ, depositis angustiarum nubibus, reformarer. Prima enim mœroris causa est, quod prospera vestra, dum in longinquo degitis, vix datur agnosci: ex qua nascitur circa personam meam omnis adversitas.

Adeste ergo supplici precibus vestris, ut per sanctorum Dei suffragia ægro animo medela tribuatur. Domina mi, servitium salutationis impendens, deprecor, et per Deum vos, quem colitis, obtestor, ut continuis me postulationibus et lacrymis, quibus regnum cœleste vim patitur, Domino commendetis: quia hoc munus speciale computo, et omnibus commodis antepono.[1]

Au milieu des soucis et des ennuis auxquels, pour l’expiation de mes péchés, je me trouve en butte, j’ai cherché un secours exceptionnel ; c’est de vous écrire, mes chères dames, dans l’espoir que par vos prières tout me serait propice, mes noirs soucis se dissiperaient et je retrouverais le calme et la joie. La première cause de ma tristesse n’est autre d’ailleurs que cet éloignement où vous vivez et qui me permet à peine d’avoir de vos bonnes nouvelles c’est la source de tous mes maux.

Prêtez-moi donc, je vous en supplie, le secours de vos prières et que les suffrages des saints procurent à mon esprit malade un remède salutaire. Ma chère dame, en vous rendant le devoir de mes salutations, je vous prie et, au nom de Dieu que vous honorez, je vous conjure de me recommander au Seigneur par des supplications et des larmes continuelles qui font violence au royaume des cieux. J’attache à cette faveur un prix inestimable il n’est rien au monde que je lui préfère.

EPISTOLA XXXVI.

ENNODIUS ADEODATO PRESBYTERO.

LETTRE XXXVI.

ENNODIUS AU PRÊTRE ARDÉODAT.

Il se recommande instamment à ses saintes prières et te salue en Jésus-Christ.

Cœlestis dispensatio religiosis desideriis nunquam negat effectum: nam quod pie cupimus, maturo præstat studio. Desideranti enim mihi per litteras orationum vestrarum postulare suffragia, perlatorem domesticum vota pepererunt; ut stimulo scriptionis admoniti, pro suscepti anima supplicetis, quia doctor gentium clamat, Orate pro invicem.[2] Nihil enim est quod Deum diligens, etiam pro delinquentibus obtinere non possit. Laborate ergo promissis dudum patrociniis, et gaudia mihi per lacrymas comparate. Veniat ad me fructus innocentiæ meritis ignoratus.

Hæc sunt de quibus sanctum Dei admonere præsumpsi. Timeo enim facere prolixa colloquia, quia res necessaria strictis est postulanda sermonibus. Nunc in Christo valete, mi domine, et sentire me deprecationis vestræ munera prosperis indicate.

La divine Providence ne refuse jamais d’accéder aux pieux désirs; elle se hâte de nous accorder ce que nous souhaitons avec de sincères sentiments de piété. Or comme je désirais solliciter par lettre les suffrages de vos prières, mes vœux ont fait surgir un porteur domestique. Mon écriture sera donc là comme un aiguillon pour vous exciter à prier pour l’âme de votre client, car la voix du docteur des nations nous crie : Priez les uns pour les autres. Il n’est rien en effet qu’un ami de Dieu ne puisse obtenir, même pour les pécheurs. Efforcez-vous donc de me procurer ces secours spirituels promis depuis longtemps et, par vos larmes, méritez-moi des joies. Que je bénéficie des fruits de l’innocence, puisque je suis sans mérites.

Voilà ce que j’ai eu la présomption de rappeler au saint de Dieu. Je craindrais de prolonger davantage cet entretien; lorsqu’une chose est nécessaire, il faut la demander en peu de mots. Et maintenant, mes chers seigneurs, adieu en Jésus-Christ; que je reconnaisse à ses heureux effets le bienfait de votre intercession.

EPISTOLA XXXVII.

ENNODIUS JOHANNI.

LETTRE XXXVII.

ENNODIUS A JEAN.

Sollicitations pour obtenir des lettres.

Ergo falso creditur amorem reddi diligentiæ, et tacitis animas se interrogare colloquiis, fidem mentium sensus asserere, ut quod impendimus vicaria nobis relatione debeatur? Vocem montium secreta restituunt, et in obsequio humanitatis muta famulantur: sed magnitudinem tuam in contemptu mei contigit silentium pro scriptione reddere; et in astipulatione artificis genii, temperando a paginis, pertinaciam garrulitatis opprimere, naturæ lege calcata. Facessat a moribus meis, sequi quod admissum doleo, et sublevare culpas imitando. Ecce iterum appello linguæ ferias foventem, et in longioribus persequor, habens promissæ caritatis memoriam. Domine, ut supra, salutationem largissimam offerens, quæso, ut debitum gratiæ vel nunc exigat importunitas, dum providetur quatenus ardorem desiderii prolixis satietis alloquiis.

C’est donc une erreur de croire que l’amour réponde à l’affection, qu’il y ait entre les âmes des communications muettes, que les sentiments intimes se trahissent par les sens, et que si nous donnons, nous avons droit à recevoir dans une juste mesure? Les antres des montagnes renvoient l’écho des voix et les êtres muets mêmes répondent à ceux qui leur parlent Mais ta Grandeur, en mépris de ma personne, trouve bon de répondre à mes lettres par le silence et, par sa persistance à ne pas écrire, d’étouffer mon opiniâtre bavardage. C’est fouler aux pieds la loi de la nature. Dieu me garde de tomber dans un défaut que je déplore et d’atténuer des fautes en les imitant. De nouveau je te provoque à rompre ce silence obstiné je te poursuis de mes invectives multipliées, car je n’ai pas oublié tes promesses d’amitié. En t’offrant mes salutations les plus affectueuses, je t’en supplie, mon cher Seigneur, qu’au moins mon importunité m’obtienne la faveur qui m’est due, d’autant que mes longues lettres donnent à tes propres désirs toute satisfaction.

EPISTOLA XXXVIII.

ENNODIUS FIRMINÆ.

LETTRE XXXVIII.

ENNODIUS A FIRMINA.

Firmina est une de ces illustres matrones qui font le plus bel ornement du cercle d’amis d’Ennodius. Cette lettre est la seule à Firmina qui nous ait été conservée. Ailleurs Ennodius donne à cette grande dame le titre d’illustre, peut-être parce que son mari le portait officiellement. Il lui adresse deux épigrammes qui sont deux bijoux littéraires, l’une sur son cottier (ii, Carm. 46). L’autre sur son anneau (ii, Carm. 98). Le collier, appelé Murène,[3] du nom du poisson, était excessivement fin et léger. « Ce n’est plus de l’or, c’est un souffle qui voltige, insaisissable; le métal travaillé touche à peine aux blanches épaules; il a pour ainsi dire laissé tout son poids dans la fournaise. » A propos de l’anneau, Ennodius se joue à en décrire les divers usages: c’est un sceau toujours garant de ta vérité; c’est l’attache qui retient le molosse et permet au lièvre d’échapper à sa dent sans prendre la fuite; passé au doigt et montré aux ours farouches, il les charme et fait tomber leur fureur; porté à la main, il adoucit la colère du lion; il est le signe distinctif qui fait reconnaître la maîtresse; cette maîtresse qui charme les fauves et nourrit la foule des indigents.

Quotiens votiva res repente contigerit, pretium de ipsa temporis brevitate sortitur. Cœlestis enim ut crescat beneficii genius, subitum facit esse quod tribuit, ne devenustet sperantum prolixitas misericordiam largitoris; quis enim affectum desiderii repente suscipiens non avidius impetrata veneretur? Sic litteras magnitudinis vestræ sitiens, tempore profectionis accepi. Dolebam, fateor, et vehementer angebar, dum nec obsequiorum meorum perlator existeret, nec sospitatis vestræ digressurus bona cognoscerem. Ecce utrumque frons bona concessit: accepi pariter indicia optata quæ refero, et uno eodemque tempore regressum me de Alpibus Cottiis, et Ravennate significo iter arrepturum. Orate ut variis laborum jactato incommodis patientiam supernæ benedictionis munus infundat. Me autem quod ad custodiam gratiæ culminis vestri splendor hortatur, facilius credo cursus fluminum in diversa revocari, et relictis fluentorum alimoniis æther vacuum pisces expetere, quam tantorum me immemorem delicta restituant. Quod superest, valete, mi domina, et redemptori nostro pro persona suscepti incessabiliter supplicate.

Lorsqu’une chose vivement désirée nous arrive tout à coup, cette soudaineté même lui donne un prix nouveau. Ainsi c’est le propre des faveurs célestes d’être accordées d’une façon tout à fait subite, pour que la longueur de l’attente ne diminue pas le plaisir qu’apporte la bonté du donateur. Quel est l’homme, en effet, qui voyant lui arriver tout à coup ce qu’il désire le plus ardemment, n’en éprouve pas pour cet heureux évènement un sentiment plus vif d’admiration? C’est ainsi que les lettres de votre Grandeur, dont j’étais si avide, me sont arrivées sur le moment de mon départ. Je me désolais, je l’avoue, et j’avais une peine extrême de ne pas trouver un porteur pour vous adresser mes hommages et d’être obligé de partir sans nouvelles de votre état. Et voici qu’une bonne fortune me met en main ces deux choses : j’ai reçu les nouvelles que je désirais et dans le même temps je vous fais savoir que je suis de retour des Alpes Cottiennes et sur le point de partir pour Ravenne. Priez pour qu’au milieu des nombreux ennuis où me jettent les affaires que j’ai sur les bras, j’obtienne des célestes bénédictions la patience dont j’ai besoin. Quant à moi, pénétré de l’éclat de vos mérites et du prix de votre bienveillance, je proteste qu’il serait plus facile aux fleuves de remonter vers leurs sources, aux poissons de quitter les eaux pour s’élever dans les airs, qu’à ma mémoire de laisser s’effacer de pareils souvenirs. Au reste, adieu, ma chère dame, et ne cessez d’adresser au Rédempteur vos supplications pour l’humble personne de votre client.


 

[1] Cf. Matth., XI, 12.

[2] Jacq., V, 16.

[3] Sur ce genre de collier, voir Hiéron, ad Marcell., ép. 15.