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William Smith

Dictionnaire des auteurs

grecs et latins

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SATYROS (Σάτυρος ὁ περιπατητικός) fut à la fois un éminent philosophe péripatéticien et un grand historien, qui vécut à l'époque de Ptolémée Philopator, sinon plus tard.

Il écrivit un grand nombre de biographies, parmi lesquelles des vies de Philippe et de Démosthène, citées maintes fois par les auteurs anciens. Il composa également un ouvrage sur la population d'Alexandrie et un écrit intitulé Περὶ χαρακτήμων (Vossius, de Hist. Graec. p. 495, éd. Westermann; Fabric. Bibl. Graec. vol. III, pp. 51, 504).

 

Παναίτιος, ὁ νεώτερος, Νικαγόρου, Ῥόδιος, φιλόσοφος Στωϊκός, Διογένους γνώριμος, ὃς καθηγήσατο καὶ Σκηπίωνος τοῦ ἐπικληθέντος Ἀφρικανοῦ μετὰ Πολύβιον Μεγαλοπολίτην. ἐτελεύτησε δ' ἐν Ἀθήναις. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 2, 5, 46

 

SOPHOCLE (Σοφοκλῆς). Le célèbre poète tragique. 

Les anciennes sources qui portent sur la vie de Sophocle sont fort maigres. Douris de Samos a écrit un Περὶ Εὐριπίδου καὶ Σοφοκλέους (Athénée, IV, p. 184, d) ; Ister, Aristoxène, Néanthe, Satyros et d'autres sont cités, comme faisant autorité sur sa vie ; et il est vraisemblable que, parmi la vaste masse de la littérature alexandrine, il y avait beaucoup d'ouvrages le concernant, sans compter ceux qui étaient relatifs à la tragédie ; mais de cette foule d'informations, les seuls vestiges que nous possédons sont une compilation anonyme plutôt correcte, Βίος Σοφοκλέους, que l'on place au début des éditions principales des œuvres du poète, et que l'on retrouve également dans lesVitarum Scriptores Graeci Minores de Westermann, ainsi que dans le bref article de Suidas et les citations dispersées à travers les œuvres de Plutarque, d'Athénée et d'autres auteurs anciens. Parmi les specialistes modernes qui ont écrit sur la vie, le caractère, et les travaux de Sophocle, citons :  Lessing, dont le Leben des Sophokles est un chef-d'œuvre de dissertation esthétique, malheureusement inachevée ; Schlegel, dans ses Lectures on Dramatic Art and Criticism, qui sont désormais familiers aux lecteurs anglais ; F. Schultz, de Vita Sophoclis, Berol. 1836, 8vo. ; Schüll, Sophokles, sein Leben und Wirken, Frankfort, 1842, 8vo., la série détaillée d'articles de C. F. Hermann, dans le Berliner Jahrbcher, 1843. À ces écrits, il faut ajouter les travaux classiques sur la tragédie grecque de Böckh (Poet. Trag. Graec. Princ.), Welcker (die Griechischen Tragdien), et Kayser (Hist. Crit. Tragicorum Graec.), ainsi que les histoires classiques de la littérature grecque en général, et de la poésie grecque en particulier, par Müller, Ulrici, Bode et Bernhardy.

 

I. La vie de Sophocle

Sophocle était natif du village attique de Colone, qui s'étend à un peu plus d'un mile au nord-ouest d'Athènes. Le paysage et les associations religieuses décrits par le poète dans sa dernière et plus grande œuvre, Œdipe à Colone, montre que ce lieu de naissance eut une influence considérable sur l'ensemble de son génie. Il était né, selon son biographe anonyme, la deuxième année de la 71ème Olympiade, donc en 495 av. J.-C. Mais le Marbre de Paros situe sa naissance un an plus tôt, en 496 av. J.-C. La plupart des auteurs modernes préfèrent la première date, parce qu'elle est plus en accord avec les autres passages, où l'âge du poète est mentionné (voir Clinton, F. H. s. a ; Mller, Hist. Lit. p. 337). Mais quand on examine ces passages de manière approfondie, ceux-ci s'avèrent à peine suffisants pour décider d'une différence de quelques mois. Avec cette remarque en guise d'avertissement, nous placerons donc la naissance de Sophocle en 495 av. J.-C., cinq ans avant la bataille de Marathon, ce qui montre qu'il était d'environ de trente ans le cadet d'Eschyle, et de quinze ans l'aîné d'Euripide (Le biographe anonyme mentionne également ces informations, mais ses chiffres sont évidemment corrompus).

Son père s'appelait Sophilos, ou Sophillos : sur la profession de ce dernier, il est clair que la biographie anonyme, pas plus que les grammairiens, ne savent rien de bien certain. Selon Aristoxène, il était charpentier ou forgeron ; selon Ister, un fabricant d'épées ; mais le biographe refuse d'admettre l'un ou l'autre de ces arguments, ne retenant que le fait que Sophilos possédait des esclaves exerçant des métiers manuels, la raison en étant qu'il était hautement improbable que le fils d'un petit artisan ait pu être associé dans le commandement militaire aux premiers hommes de l'État, tels que Périclès et Thucydide. En outre, s'il avait été de basse extraction, les poètes comiques n'auraient pas manqué de l'attaquer sur ce point. Il y a une certaine pertinence dans ce dernier argument.

 Au vu de tout cela, il est clair que Sophocle reçut une éducation identique à celle des fils des citoyens les plus distingués d'Athènes. Il fut soigneusement initié, en compagnie des garçons de son âge, aux deux principales disciplines à l'honneur dans l'éducation grecque, à savoir la musique et la gymnastique, et l'on sait que dans ces deux pratiques, il fut honoré d'une couronne. La musique lui fut enseignée par le célèbre Lampros (Vit. Anon.) Ses compétences en matière de musique et de danse, mais également sa beauté physique, sont attestées lorsque, durant sa seizième année, les Athéniens s'étant rassemblés autour du trophée dressé à Salamine pour célébrer leur victoire sur la flotte de Xerxès, ce fut Sophocle qui fut désigné pour mener, nu et la lyre à la main, le chœur qui dansa autour du trophée, et qui entonna les chants du triomphe, en 480 av. J.-C. (Ath. I, p. 20, f ; Vit. Anon.).

Le récit du biographe anonyme, selon lequel Sophocle aurait appris la tragédie chez Eschyle, a été réfuté pour des raisons qui sont parfaitement fondées, si on l'interprête dans le sens d'instruction directe et formelle ; si on examine le texte de près, on s'aperçoit qu'il n'exprime rien d'autre que le fait simple et évident que Sophocle, après avoir reçu cet art tel qu'Eschyle l'avait façonné, s'est consacré à l'améliorer par la suite.     

Sa première apparition en tant que dramaturge eut lieu en 468 av. J.-C., dans des circonstances particulièrement intéressantes ; non seulement du fait que Sophocle, ayant 26 ans, surgissait comme rival du vieil Eschyle - dont la suprématie avait duré toute une génération - mais également en raison du caractère des juges. En somme, c'était un concours entre les anciens et les modernes de la poésie tragique, où les concurrents étaient les plus grands dramaturges qui aient jamais existé, avec des juges qui étaient les meilleurs de par leur position et leur éducation, et au cœur d'un État où presque chaque citoyen avait une perception délicate des beautés de la poésie et de l'art. La solennité des grandes Dionysies était rendue plus imposante encore par le retour de Cimon de son expédition de Scyros, d'où il avait rapporté les restes de Thésée. La tension était si forte à l'approche du concours dramatique qu'Apsephion, l'Archonte éponyme, n'avait pas encore tiré au sort de juges (ce qui était sa fonction). C'est à ce moment que Cimon fit irruption dans le théâtre avec ses neuf compagnons, et il fit les libations habituelles à Dionysos ; alors, l'Archonte les retint devant l'autel, et leur fit prêter le serment des juges, celui des concours dramatiques. Leur décision fut en faveur de Sophocle, qui reçut le premier prix ; le second fut attribué à Eschyle, qui, mortifié par sa défaite, quitta Athènes et se retira en Sicile. (Plut. Cim. 8 ; Marm. Par. 57). On suppose que le drame proposé par Sophocle à cette occasion, si l'on se base sur un calcul chronologique tiré de Pline (H. N. XVIII, 7, s. 12), était Triptolème, pièce qui prête à discussion : Welcker, qui a étudié la question en profondeur, suppose que le sujet principal du drame était l'établissement des mystères d'Éleusis et la fondation du culte de Déméter Athénée par Triptolème.

 À partir de là, nul doute que Sophocle domina le théâtre athénien (à moins qu'il n'ait partagé cette suprématie avec Eschyle, pendant la courte période qui va du retour de ce dernier à Athènes jusqu'à sa retraite finale en Sicile), avant l'apparition d'un rival prestigieux en la personne d'Euripide, qui gagna le prix pour la première fois au cours de l'année 441 av. J.-C. Nous ne possédons toutefois aucun détail de la vie du poète pendant cette période de vingt-huit ans.

440 av. J.-C. est une date très importante dans la vie du poète. Au printemps de cette année-là, il publia la plus ancienne, mais aussi la meilleure tragédie que nous avons de lui, Antigone, une pièce qui plut tellement aux Athéniens, du fait de la sagesse politique qui en émanait, qu'il fut choisi parmi les dix stratèges sous l'autorité de Périclès, lors de la guerre engagée contre la faction aristocratique de Samos, qui dura de l'été 440 au printemps 439 av. J.-C. Le biographe anonyme déclare que cette expédition eut lieu sept ans avant la guerre du Péloponnèse, et que Sophocle avait alors 55 ans. Un exposé complet de cette guerre se trouve dans l'Histoire de la Grèce de Thirlwall, vol. III, pp. 48, suiv. Selon une anecdote rapportée par Athénée sur les voyages du poète Ion, il s'avère que Sophocle avait reçu l'ordre d'amener des renforts de Chios, et que, malgré la lourde responsabilité inhérente au commandement militaire, il parvint à préserver sa tranquillité coutumière, trouvant même le temps de satisfaire son goût du luxe et, lors des banquets, de ravir ses camarades de sa conversation calme et plaisante. Dans le même récit, il apparaît que Sophocle n'a jamais obtenu, ni recherché d'ailleurs, la moindre renommée militaire : on le représente généralement répétant avec bonne humeur le jugement que portait Périclès à son égard, selon lequel il était fait pour la poésie et non pour diriger une armée (Ath. XIII, pp. 603, 604 ; Anon. Vit. Soph. ; Aristoph. Byz. Arg. in Antig. ; Plut. Per. 8 ; Strab. XIV, p. 446 ; Schol. ad Aristoph. Pac. 696 ; Suid. s. v. Μέλητος; Cic. Of. I, 40 ; Plin. H. N. XXXVII, 2 ; Val. Max. IV, 3). À une autre occasion, si nous devons en croire Plutarque (Nic. 15), Sophocle n'éprouvait aucune honte à admettre qu'il n'avait jamais réclamé la moindre distinction militaire. Alors qu'il servait Nicias, le général lui demanda d'abord son avis au conseil de guerre, car il était le plus vieux des stratèges présents ; l'auteur répondit ceci : "Moi, en effet, je suis le plus vieux en âge, mais vous, vous l'êtes en connaissances." (᾿Εγὼ, φάναι, παλαιότατός εἰμι, σὺ δὲ πρεσβύτατος).

Plutarque rapporte cette anecdote à l'occasion de l'expédition sicilienne ; mais nous n'avons aucune autre preuve attestant que Sophocle ait participé à cette guerre, et la chose est peu probable ; l'anecdote est sans doute vraie pour l'essentiel, mais peut-être pas dans le même contexte.  

M. Donaldson, dans son édition récente de l'Antigone (introduction), pense qu'à cette période de sa vie, Sophocle était un ami personnel et politique de Périclès. Les sentiments politiques exprimés dans cette pièce étaient destinés à soutenir la politique de l'homme d'État, comme Eschyle l'avait fait dans les Euménides, lui qui avait mis toutes ses forces pour soutenir le vieux parti conservateur d'Aristide. Périclès lui-même était visé, bien qu'indirectement, dans divers passages de la pièce (particulièrement dans les vers 352 et suivants). On sait que les rapports politiques du poète avec Périclès expliquent amplement la raison pour laquelle il s'associa à lui durant la guerre samienne.

Un sujet encore plus intéressant, qui a trait à cette période de la vie du poète, est son amitié supposée avec Hérodote, qui est également évoquée par M. Donaldson (I, c), dans ses Transactions of the Philological Society, vol. I, No. 15. Nous apprenons de Plutarque (An Seni sit Gerend. Respub. 3, p. 784, b) que Sophocle composa une poésie destinée à Hérodote, débutant avec les mots suivants : ᾠδὴν Ἡροδότῳ τεῦξεν Σοφοκλῆς ἐτέων ὢν πέντ ἐπὶ πεντήκοντα. Il la composa à 55 ans, ce qui permet de dater cette pièce de la période de la guerre samienne. Sur cette base, M. Donaldson a bâti une théorie selon laquelle Hérodote résidait toujours à Samos lorsque Sophocle s'engagea dans ce conflit, et que des rapports familiers ont subsisté entre le poète et l'historien, les visites fréquentes d'Hérodote à Athènes en fournissant la preuve. La partie chronologique de la question, importante pour la connaissance de la vie d'Hérodote, est de peu de conséquence en ce qui concerne Sophocle : le fait principal, à savoir les rapports réels existant entre le poète et l'historien, est suffisamment établi par le texte de Plutarque ; on peut encore voir l'influence de cette intimité dans les parallélismes saisissants de leurs œuvres, qu'on a généralement expliqué par une imitation d'Hérodote par Sophocle, mais M. Donaldson apporte des arguments forts en vue de démontrer le contraire. (comparez particulièrement Hérod., III, 119 et Antig. 924).

L'époque que nous venons d'évoquer brièvement correspond à peu près à la moitié de la vie publique de Sophocle, vie que l'on peut aisément diviser en deux parties presque égales, chacune se prolongeant durant une période d'environ une génération, la dernière étant la plus longue des deux. Ces deux périodes sont 468-439 et  439-405 av. J.-C. La seconde de ces périodes, s'échelonnant de sa cinquante-sixième année à sa mort, fut celle de sa plus intense activité poétique : tous ses drames existants appartiennent à cette période. Cependant, en ce qui concerne son histoire personnelle, durant cette période de 34 ans, nous n'avons que peu de détails. L'agitation issue de la guerre du Péloponnèse semble n'avoir eu aucune influence sur lui, si ce n'est de stimuler ses efforts littéraires et de donner une nouvelle impulsion à l'activité intellectuelle de son époque, et ce jusqu'à la période désastreuse qui suit l'expédition de Sicile, quand la réaction à la guerre perdue mena à l'anarchie. C'est alors que nous le trouvons, comme tant d'autres hommes de lettres illustres d'Athènes, essayant tant bien que mal d'enrayer la ruine de de la cité par une révolution aristocratique, bien que, selon les récits parvenus jusqu'à nous sur le rôle exact de Sophocle dans ce mouvement, il l'ait seulement approuvé comme une mesure de sûreté publique, et non pas par amour de l'oligarchie. Quand les Athéniens, à la nouvelle de la destruction totale de leur armée en Sicile (413 av. J.-C.), nommèrent dix des hommes les plus anciens de la cité, comme une sorte de comité de salut public, sous le titre de πρόβουλοι (Thuc. VIII, 1), Sophocle faisait partie des dix élus, même si l'on a estimé que ce Sophocle-là n'était forcément notre poète.

Comme il était dans sa 83ème année, il est improbable qu'il ait pris une part active dans leurs démarches ou qu'il ait été choisi pour une autre raison que celle de l'autorité émanant de son nom. Tout que nous savons de sa conduite dans cette fonction, c'est qu'il lutta pour l'établissement du Conseil oligarchique des quatre cents, en 411 av. J.-C., bien qu'il ait reconnu l'inanité de cette mesure : toutefois, disait-il, il n'y en avait pas de meilleure.(Aristot. Rhet. III, 18, Pol. VI, 5). Le changement de gouvernement qui s'ensuivit le libéra, sans nul doute, de la charge des affaires publiques.

Une chose au moins est claire sur ses principes politiques, c'est qu'il était épris de sa patrie. Les sentiments patriotiques, que nous admirons toujours dans ses poèmes, sont illustrés par sa propre conduite ; à la différence de Simonide et de Pindare, d'Eschyle, d'Euripide, de Platon et de bien d'autres grands poètes et philosophes grecs, Sophocle n'accepta jamais le patronage des monarques, ni même de quitter son pays pour répondre leurs invitations répétées (Vit. Anon.). Tous ses sentiments allaient à la terre qui avait produit les héros de Marathon et de Salamine, dont les triomphes étaient associés à ses anciens souvenirs ; et son esprit éminemment religieux aimait insister sur la ville sacrée d'Athéna, et les bosquets de son Colone natal. Dans ses derniers jours, il servit de prêtre à un héros indigne, Halon, et on dit que les dieux le récompensèrent de sa dévotion en lui accordant des révélations surnaturelles. (γέγονε δὲ καὶ θεοφιλὴς ὁ Σοφοκλῆς ὡς οὐκ ἄλλος, &c. Vit. Anon.).

Les dissensions familiales, qui ont troublé ses dernières années, sont le cadre d'une belle histoire bien connue, qui porte le sceau de l'authenticité, et qui, si elle est vraie, montre non seulement qu'il avait conservé toutes ses facultés mentales et son calme jusqu'au bout, mais encore nous laissent penser que la paix domestique fut rétablie avant sa mort. Sa famille comprenait deux fils, lophon, né de Nicostrate, une femme libre atéhnienne, et Ariston, celui qu'il avait eu de Thoris de Sicyone. Suidas mentionne trois autres fils Léosthénès, Stéphanos, et Ménécléidès, dont on ne sait rien.

 On dit qu'Ariston avait un fils appelé Sophocle, pour qui son grand-père éprouvait beaucoup d'affection.  Iophron, qui était, selon les lois d'Athènes, l'héritier légitime de son père, jaloux de l'amour porté par celui-ci à l'égard du jeune Sophocle, et craignant que le poète eût l'intention de laisser à son petit-fils une grande partie de ses biens, fit traîner son père devant les φράτορες, qui semble-t-il, avaient une sorte de compétence dans les affaires de famille, l'accusant de sénilité. Comme seule réponse Sophocle s'exclama : "Si je suis Sophocle, je ne puis délirer ; et si je délire, je ne suis pas Sophocle ;" et alors il se mit à lire, tiré de son Œdipe à Colone, qui venait juste d'être composé mais pas encore publié, le magnifique parodos commençant par Εὐίππου, ξένε, τᾶσδε χώρας, sur quoi les juges abandonnèrent immédiatement l'accusation en réprimandant lophon pour sa conduite inqualifiable. (Plut. An Seni sit Gerend. Respub. 3, p. 775, b ; Vit. Anon). Que Sophocle ait pardonné à son fils, on peut le supposer de par son caractère ; les grammairiens antiques ont d'ailleurs pensé que la réconciliation était esquissée dans les lignes de l'Œdipe à Colone, où Antigone plaide devant son père en faveur de Polynice,  lui rappelant que bien d'autres pères avaient été incités à pardonner à leurs enfants ingrats (vv. 1192, et suivants). 

 Si Sophocle est mort avant ou après 90 ans, on ne peut le certifier de manière absolue. Il est clair, par des allusions tirées des Grenouilles d'Aristophane et par les Musae de Phrynichos, qu'il était mort avant la représentation de ces drames aux Lénéennes, en Février 405 av. J.-C. De fait, plusieurs auteurs, anciens autant que modernes, ont situé sa mort au début de cette année. (Diod. XIII, 103 ; Marm. Par. No. 65 ; Arg. III. ad Oed. Col.; Clinton, F. H., s. a.) Mais, si nous retirons le temps requis pour la composition et la préparation de ces drames, les Grenouilles se réfèrent, non seulement à sa mort, mais présupposent que l'évènement s'est passé lors de la conception même de la comédie, ce qui nous fait placer sa mort un peu plus tard que le printemps 406 av. J.-C. Cette date est confirmée par le récit du biographe anonyme, qui dit que sa mort s'est produite à la fête des Choées, qui dut avoir eu lieu en 406, et non en 405, parce que les Choées se fêtent le mois suivant les Lénéennes. Lucien (Macrob. 24) exagère certainement, quand il dit que Sophocle vécut jusque 95 ans.

Tous les divers récits de sa mort et de ses funérailles ont un aspect factice et poétique ; comme dans beaucoup d'histoires qui nous sont parvenues pour relater les décès des autres poètes grecs,  nous trouvons souvent le même merveilleux : c'est le cas pour Sophocle et pour Philémon. Selon Ister et Nanthe, il fut étouffé par un raisin (Vit. Anon.). Satyros prétend que, lors d'une récitation publique d'Antigone, il maintint sa voix tellement longtemps sans faire de pause que, victime de la faiblesse due à son grand âge, il perdit le souffle et la vie (ibid.) ; d'autres auteurs attribuaient sa mort à la joie excessive consécutive à une victoire (ibid.). Ces légendes sont naturellement la conséquence d'un sentiment poétique qui aime relier les derniers moments du grand tragique avec son dieu patron. Dans le même esprit, on raconte que Dionysos apparut deux fois à Lysandre, et qu'il lui ordonna de déposer les restes du poète dans le tombeau familial sur la route de Décélie (Vit. Anon., comp. Paus. I, 21). Selon Ister, les Athéniens honoraient sa mémoire par un sacrifice annuel (Vit. Anon.).

Les auteurs anciens avaient probablement raison de penser que, en l'absence de détails, la mort de Sophocle ne méritait qu'une description poétique ; mais, au lieu de recourir aux légendes insignifiantes et contradictoires, ils ont pu trouver des descriptions de son décès, à la fois poétiques et authentiques, dans les vers des poètes contemporains, qui ont laissé de côté la satire amère de la vieille comédie pour faire honneur à sa mémoire. Ainsi Phrynichos, dans sa pièce les Μοῦσαι, qui fut jouée en même temps que les Grenouilles d'Aristophane, la mémoire de Sophocle est traitée avec un profond respect, évoquant la mort du poète à travers ces belles lignes : 


            Μάκαρ Σοφοκλέης, ὃς πολὺν χρόνον βιούς
            ἀπέθανεν, εὐδαίμων ἀνὴρ καὶ δεξίος;           
            πολλὰς ποιήσας καὶ καλὰς τραγῳδίας·
            καλῶς δ' ἐτελεύτησ' οὐδὲν ὑπομείνας κακόν.
 

(Arg. III, ad Oed. Col. ; Meinecke, Frag. Com, Graec. vol. II, p. 592 ; Editio Minor, p. 233)  Et si cette dernière ligne n'est pas assez explicite pour ceux qui désirent connaître en détail la mort d'un tel homme, nous  prenons le risque de dire que ce manque peut être suppléé par ces vers exquis, où le poète raconte lui-même la mort d'Oedipe, quand, revenu après une longue expiation, à une religion paisible, celle dans laquelle il avait toujours vécu - une description tellement exacte qui correspond sans doute à ce qu'a pu être la mort de Sophocle, bref un récit qui anticipe directement son propre trépas, à moins qu'il n'ait été réécrit dans sa forme actuelle par Sophocle le Jeune, afin de donner une représentation exacte de la mort de son grand-père - quand Œdipe, appelé par une voix divine provenant de la grotte des Euménides, en termes qui pourraient s'appliquer au poète de quatre-vingt-dix ans (Œdipe à Colone, 1627, 1628),

 
            ὦ οὗτος, οὗτος, Οἰδίπους, τί μέλλομεν
            χωρεῖν; πάλαι δὴ τἀπὸ σοῦ βραδύνεται.
 

prenant congé de ses enfants et retiré du monde, offrant ses dernières prières aux dieux de la terre et du ciel, il part dans la paix, par un destin inconnu, sans maladie, sans douleur (1658, suiv.). 
 

            οὐ γάρ τις αὐτὸν οὔτε πυρφόρος θεοῦ
            κεραυνὸς ἐξέπραξεν οὔτε ποντία
            θύελλα κινηθεῖσα τῷ τότ' ἐν χρόνῳ,
            ἀλλ' ἤ τις ἐκ θεῶν πομπὸς ἢ τὸ νερτέρων
            εὔνουν διαστὰν γῆς ἀλύπητον βάθρον.
            ἁνὴρ γὰρ οὐ στενακτὸς οὐδὲ σὺν νόσοις
            ἀλγεινὸς ἐξεπέμπετ', ἀλλ' εἴ τις βροτῶν
            θαυμαστός. εἰ δὲ μὴ δοκῶ φρονῶν λέγειν,
            οὐκ ἂν παρείμην οἷσι μὴ δοκῶ φρονεῖν.
   

Si un lecteur pense que ces lignes ne peuvent s'appliquer à la mort de Sophocle, qu'il relise les derniers mots de la citation : telle sera notre réponse ; enfin, qu'il n'imagine non pas les applaudissements chaleureux, mais l'émotion contenue avec laquelle le public athénien écouta la toute première fois cette description, en songeant, comme nous en sommes certains, au poète qu'ils avaient perdu.

 L'inscription mise sur son tombeau célébrait, dit-on, en même temps la perfection de son art et les grâces de sa personne (Vit. Anon.) : 

κρύπτῳ τῷδε τάφῳ Σοφοκλῆν πρωτεῖα λαβόντα
τῇ τραγικῇ τέχνῃ, σχῆμα τὸ σεμνότατον.

 Parmi les épigrammes écrites en son honneur dans l'Anthologie grecque, il y en a une attribuée à Simmias de Thèbes, qui est peut-être l'un des joyaux les plus exquis de cette collection, en raison de la beauté et de l'exactitude de son langage figuré :


        ᾿Ηρέμ' ὑπὲρ τύμβοιο Σοφοκλέος, ἠρέμα, κισσέ,
        ἐμπύζοις, χλοεροὺς ἐκπροκέων πλοκάμους,
        καὶ πεταλὸν πάντη θάλλοι ῥόδου, ἥ τε φιλορρὼξ
        ἄμπελος, ὑγρὰ πέριξ κλήματα χεναμένη,
        εἵνεκεν εὐμαθίης πινυτόφρονος, ἣν ὁ μελιχρὸς
        ἤσκησεν Μουσῶν ἄμμιγα καὶ Χαρίτων.


   Parmi les vestiges de l'art antique, nous possédons plusieurs portraits de Sophocle, qui, cependant, comme les autres œuvres de la même époque, sont probablement des représentations idéalisées, plutôt que des portraits réels. Philostrate (Imag. 13) décrit plusieurs portraits effectués par différents artistes, et dresse une liste de ceux qui existent encore de nos jours, liste qui se trouve dans  Archologie der Kunst de Mller, 420, n. 5, p. 731, ed. Welcker.
Tous ces descendants de Sophocle semblent avoir composé de la poésie tragique ; lophon eut une certaine renommée en tant qu'auteur dramatique. Il y a un doute au sujet d'Ariston ; il est probable qu'il fut aussi un poète tragique, mais il préféra reproduire les œuvres de son père, plutôt que de publier ses propres drames (Comp. Kayser, Hist. Crit. Trag. Graec. pp 74 - 76).

 

II. Le caractère de Sophocle

Dans cette belle pièce traitant de critique dramatique, dont l'objet est assurément sérieux, bien que la forme soit celle du rire franc et massif et de la satire mordante, bien typique de la Comédie ancienne - nous parlons évidemment des Grenouilles -, il est fort intéressant de noter avec quel respect l'auteur tient Sophocle, comme s'il était presque au-dessus de toute critique ; il faut noter la force particulière de certains passages où Aristophane parle plus expressément de lui (Aristoph. Gren. 76 - 82, 786 - 794, 1515 - 1519). "εὔκολος μὲν ἐνθάδ᾽ εὔκολος δ᾽ ἐκεῖ." - " Bonhomme ici, bonhomme là-bas !" est l'expression brève mais expressive qui résume son caractère personnel. 

Il semble en effet que Sophocle ait possédé chaque élément qui, au jugement d'un Grec, compose un caractère parfait : la plus grande beauté et la symétrie de la forme ; la compétence la plus haute dans les arts qui étaient particulièrement estimés, à savoir la musique et la gymnastique, grâce à laquelle il développa cette perfection corporelle, qui pare toujours un être, même si elle ne contribue pas forcément à la grandeur intellectuelle. La musique était non seulement essentielle à son génie tragique, mais elle était aussi considérée par les Grecs comme un moyen essentiel qui permettait de forger le caractère humain ; ses tragédies montrent un calme et une santé parfaite, qui semble n'avoir presque jamais été mise à mal, et qui était probablement le secret de cette maîtrise parfaite le mettant au dessus des passions humaines. Il était doté d'un tempérament gai et aimable, et d'une intelligence vive, grâce à laquelle il gagnait l'admiration affectueuse de ceux qu'il fréquentait ; il était d'une piété tranquillle et méditative, en harmonie avec son caractère tempéré, piété stimulée par les lieux où il passa son enfance et les sujets auxquels il consacra sa vie. C'était une puissance intellectuelle, un génie spontané, dont les tragédies qui nous restent sont les splendides monuments, quoique mutilés.

Tels sont les principaux traits d'un caractère, dont l'harmonie est difficile à rendre avec éclat. Le léger défaut physique, la faiblesse de la voix, qui, dit-on, l'empêchait de se produire comme acteur, ne portaient guère à conséquence, si l'on considère la perfection qu'il apporta à la technique de l'art tragique en édictant ses propres règles, en améliorant celles d'Eschyle. En outre, il y avait à Athènes, à cette époque, une quantité de bons acteurs que nous pourrions citer. Ses défauts moraux, si nous devons croire les insinuations des poètes comiques et le bavardage des grammairiens médisants, étaient justement la conséquence logique de la perfection de ses facultés corporelles et de son amabilité. Aristophane, qui fut très respectueux envers lui après sa mort, l'associa néanmoins, lorsqu'il était encore en vie, à Simonide dans son amour du gain (Paix, 695-699) ; il est fort probable que, devenu vieux, avec son goût affirmé pour le luxe, il ait pris l'habitude de profiter pécunièrement de son génie. Depuis le temps de Simonide, le luxe était le péché mignon des écrivains. L'accusation de sensualité, un vice de son âge et de son pays, semble bien fondée, mais, à la fin de sa vie, il semble avoir surmonté de telles propensions. (Plat. Repub. I. p. 329, b, c. ; Cic. Cat.. Maj. 14, de Offic. I, 40; Athénée, XII p. 510, XIII, p. 603).

III.
Le caractère poétique de Sophocle 

Par consentement universel des meilleurs critiques, des temps anciens et modernes, les tragédies de Sophocle représentent, non seulement la perfection du drame grec, mais constituent également un modèle idéal de poésie. Un tel point de perfection, dans n'importe quel art, est toujours le résultat d'une combinaison de causes, où se trouve l'impulsion interne du génie créateur de l'homme. Les influences externes, qui déterminent la direction de ce génie, et donnent l'occasion de sa manifestation, doivent  être considérées très soigneusement. Parmi ces influences, aucune n'est plus importante que le contexte politique et intellectuel de l'époque. Ce moment dans l'histoire des États, où les esprits des hommes, nouvellement libérés des systèmes dogmatiques traditionnels, ne se sont pas encore laissés aller aux caprices d'une spéculation débridée, où les idées religieuses sont encore considérées avec révérence, où les dieux sont plus distanciés, considérés comme trop solennels et trop mystérieux à contempler, où une liberté fraîchement acquise est évaluée au regard des lois et des sanctions, et où la licence n'a pas encore maîtrisé la loi, où l'homme fermement, mais modestement, demande à être son propre mâitre et son propre prêtre, pour penser et travailler pour lui et pour son pays, contraint seulement par ces lois qui sont nécessaires pour maintenir la société, et pour soumettre l'énergie individuelle au bien-être public, où une guerre triomphante a réveillé l'esprit, activé les énergies, et accru les ressources d'un peuple, mais où  la prospérité et les partis n'ont pas encore corrompu le cœur et dissous les liens de la société, quand le goût, les loisirs et la richesse, qui exigent et encouragent l'acquisition des plaisirs raffinés, ne sont pas encore arrivés à un degré d'épuisement qui exige des stimulants plus excitants et plus malsains, telle est la période qui apporte les œuvres les plus parfaites dans la littérature et dans l'art ; telle était la période qui donna naissance à Sophocle et à Phidias. La poésie d'Eschyle, se nourrissant des traditions antiques et du fatalisme le plus obtu, exhibant les dieux et les héros de la période mythique dans leurs propres sphères élevées et inapprochables, se revêtissant lui-même d'une pompe imposante mais parfois incompréhensible, et s'exprimant dans une langue sublime mais pas toujours très lisible, était l'expression de l'énergie imparfaitement régulée, des aspirations non définies, et de la foi simple des hommes de Marathon et de Salamine : tandis que la poésie d'Euripide, dans sa beauté séduisante, sa passion incontrolée, sa déclamation sophistique, ses scènes et ses allusions familières, était déjà le reflet du caractère d'une race dégénérée, qui avait été perturbée par le grand conflit social de la guerre du Péloponnèse, corrompue par l'exercice de la licence chez eux, et par le despotisme de leurs alliés, pervertie par l'enseignement des sophistes, et amollie par la dépravation rapide de la morale. Le génie d'Eschyle est religieux et surhumain ; celui de Sophocle, sans cesser d'être religieux, mais présentant la religion dans un tout autre aspect, est moral et, dans le sens noble, humain ; celui d'Euripide est irreligieux, sans éthique, et humain dans le sens le plus bas, se basant sur les passions, et applaudissant aux faiblesses d'une génération corrompue de l'humanité.
À ces influences externes, qui ont affecté l'esprit du drame comme il apparaît chez Sophocle, on doit ajouter les changements de sa forme, qui ont élargi sa sphère et ont modifié son caractère. De ces changements, le plus important fut l'ajout du τριταγωνιστής, bref d'un troisième acteur : ce qui permit à trois personnes d'apparaître sur une scène en même temps, au lieu de seulement deux. Ce changement a énormément étendu la portée de l'action dramatique, et, en effet, comme Müller le note à juste titre, "il a semblé réaliser tout ce qui était nécessaire à la variété et la mobilité de l'action dans la tragédie, sans sacrifier à la simplicité et à la clarté qui, dans l'âge d'or de l'Antiquité, étaient toujours considérées pour les qualités les plus essentielles." (Hist. of Gr. Lit. pp 304, 305). Par l'addition de ce troisième acteur, le personnage principal du drame peut subir deux influences contradictoires qui montrent immédiatement les deux faces de son caractère ; ainsi, dans la scène où Antigone doit faire face en même temps à la faiblesse d'Ismène et à la tyrannie de Créon. Même ces scènes où seulement deux acteurs apparaissent sont rendues plus significatives par leur relation aux parties du drame où l'action combine les trois, et réciproquement ; ainsi, la scène de l'Antigone, dont nous venons de  parler, prend toute sa force par la comparaison avec les conflits séparés entre Antigone et Ismène, et entre Antigone et Créon ; tandis que la signification de ces deux scènes est comprise entièrement quand on la regarde dans sa relation avec la troisième.

 Eschyle a adopté le troisième acteur dans ses dernières pièces ; et c'est devenu une règle générale - cela a d'ailleurs contribué considérablement au progrès rapide de l'art - que chaque amélioration faite par l'un ou par l'autre des grands auteurs dramatiques rivaux de l'époque, était nécessairement adoptée par les autres. Du temps de Sophocle et d'Euripide, il n'y eut jamais plus de trois acteurs. "C'était dans le but de tirer le plus grand parti possible de quelques acteurs éminents, et d'empêcher que puissent jamais se produire ces dommages consécutifs à l'intervention d'acteurs inférieurs, même dans les pièces subalternes ; or, c'est ce qui arrive si souvent de nos jours." (Müller, Hist. Lit. p. 304). Dans une seule pièce de Sophocle, celle qui ne fut pas jouée de son vivant, l'Œdipe à Colone, l'intervention d'un quatrième acteur semble nécessaire. "À moins de supposer que le rôle de Thésée dans cette pièce ait été en partie jouée par la personne qui tenait le rôle d'Antigone, et en partie par la personne qui jouait Ismène. Pourtant, il est bien plus difficile à deux acteurs de tenir un rôle dans la même tonalité et le même esprit, que pour un acteur de tenir plusieurs rôles avec les modifications appropriées." (Müller, p. 305, note). On irait  au-delà des limites de cet article en décrivant la façon de distribuer aux trois acteurs  les personnages d'un drame grec, acteurs qui, par des changements de robes et de masques, reprenaient tous les caractères parlants de la pièce. Ce sujet, cependant essentiel pour une compréhension pleine et entière des travaux de Sophocle, appartient plutôt à l'histoire générale du drame grec : il est très bien étudié par Müller, qui donne un schéma de distribution des rôles dans la trilogie d'Oreste d'Eschyle, et dans l'Antigone et l'Œdipe-Roi de Sophocle (pp 305-307). M. Donaldson parle aussi assez longuement de la distribution des rôles dans l'Antigone (Introduction to the Antigone, 4).

Sophocle a également opéré quelques modifications importantes dans le domaine choral. Selon Suidas (s. v.), il fit passer le nombre des choreutes de douze à quinze ; et, malgré les difficultés en la matière, le fait est incontestable : Sophocle a fixé le nombre de choreutes à quinze, d'où la nécessité de procéder à des arrangements plus notables que par le passé en vue d'acompagner une pareille évolution du chœur. En même temps, les chants choraux, qui, chez Eschyle, prenaient beaucoup de place dans la tragédie, et formaient une sorte d'exposition lyrique au point d'être au cœur de la représentation dramatique, ont été considérablement réduits, et moins reliés au sujet de la pièce. En même temps, le nombre des épisodes - ou des actes - qui divisaient le drame fut accru, et la continuité de l'action fut améliorée, du fait de l'absence moins prolongée des acteurs sur la scène ; jusque-là, la scène restait souvent vide, et c'est alors que le Chœur intervenait. La manière avec laquelle le Chœur est désormais lié à la progression dramatique est également devenue différente. Chez Eschyle, le Chœur est partie intégrante du drame, il prend des décisions, participe à l'action, et se trouve à l'origine de toutes les catastrophes ; le Chœur de Sophocle, lui,  ressemble plus à un spectateur, à un président, à un juge : il est un témoin impartial, et il se coule générallement dans la pièce, expliquant et harmonisant autant que possible les sentiments des acteurs. Il est moins impliqué dans l'action que chez Eschyle, mais son lien avec chaque scène est plus grand. Le Chœur de Sophocle est cité par Aristote comme un modèle à suivre dans sa définition du drame. Cependant, son assertion vantant le Chœur de Sophocle est légèrement dévaluée par le fait qu'il le compare, non pas à celui d'Eschyle, mais à celui d'Euripide, où les parties chorales n'ont désormais plus rien à voir avec l'intrigue de la pièce.

Dans tous les cas, à travers ces changements, Sophocle a fait à la tragédie un drame dans le sens complet du terme. L'intérêt et le progression du drame se sont focalisés presque entièrement sur l'action et les discours des personnages sur la scène. Une conséquence obligée d'une telle réforme, combinée avec l'addition du troisième acteur, était un plus grand raffinement du dialogue ; le soin qui lui est porté est une des caractéristiques les plus saisissantes de l'art de Sophocle, si nous considérons la fougue qui émane des conversations tenues sur la scène, ou des images vives données aux actions se déroulant ailleurs, et que l'on met dans la bouche des messagers. Toutefois, il ne faut pas imaginer que, en soignant pareillement le dialogue et en confinant les parties chorales dans des limites appropriées, Sophocle ait négligé pour autant l'écriture de ces dernières. Au contraire, il semble avoir dépensé beaucoup d'énergie en vue de compenser leur moindre importance scénique par une composition plus rigoureuse. Son apprentissage musicale, l'époque durant laquelle cette éducation a été accomplie marquent, en effet, l'apogée du grand cycle de la poésie lyrique : c'est ainsi que Pindare et Simonide furent le point de départ de ses recherches ; enfin, la majestueuse poésie chorale de son grand prédécesseur et rival, Eschyle, fut considérée plutôt comme une norme à dépasser que comme un modèle à imiter. Toutes ces influences combinées avec son propre génie et son goût exquis ont ainsi donné naissance à ces brèves mais parfaites effusions de la poésie lyrique, à ce plaisir calme qui a été compté par Aristophane parmi les fruits les plus rares de la paix (Paix, 523).

Un autre changement de la plus grande importance (bien qu'il n'ait pas été inventé par Sophocle, il fut le premier le mettre en pratique), fut l'abandon de la forme trilogistique, dans la mesure où elle concernait la  continuité du sujet. Pour obéir la coutume établie aux fêtes de Dionysios, il semble que Sophocle proposa généralement trois tragédies et un drame satyrique en même temps ; mais les sujets de ces quatre pièces étaient entièrement distincts, et chacune d'entre elles formait un tout complet.

Parmi les améliorations purement mécaniques présentées par Sophocle, la plus importante est celle du scene-painting, dont l'invention lui est attribuée.

 ous ces arrangements formels ont eu nécessairement une influence très importante sur l'esprit et le caractère entier des tragédies de Sophocle. Mais il reste à exposer les dispositifs les plus essentiels de l'art du grand tragique grec, à savoir, son choix des sujets, et l'esprit dans lequel il les a traités.

Les sujets et le style d'Eschyle sont essentiellement héroïques ; ceux de Sophocle sont purement humains. Le premier provoque la terreur, la pitié et l'admiration, comme si nous regardions la chose de loin ; le second apporte ces mêmes sentiments au cœur, avec, en outre, de la sympathie et une implication personnelle. Aucun être humain ne peut s'imaginer être à la place de Prométhée, ou tirer un avis personnel des crimes et du destin de Clytemnestre ; mais chacun peut en lui-même partager la piété d'Antigone qui fait don de sa vie à l'appel de la piété fraternelle, mais aussi la sérénité qui vient à l'esprit d'Œdipe quand il se réconcilie avec les dieux. Chez Eschyle, les victimes sont les personnages ébranlés par un destin inexorable ; mais Sophocle met en évidence leurs propres défauts, qui forment un élément de l'ἄτη dont ils sont les victimes, et il est plus enclin à leur enseigner, en guise de leçon venant de leurs propres malheurs, la sérénité et la modération dans les désirs et dans les actions, dans la prospérité et dans l'adversité, modération que les poètes et les philosophes grecs célèbrent sous le nom de  σωφροσύνη. D'autre part, il ne descend jamais à ce niveau auquel Euripide a réduit l'art, par l'exposition de la passion humaine et de la souffrance, dans le seul but d'exciter l'émotion des spectateurs, sans se préoccuper d'une finalité morale. La grande différence entre les deux poètes est  donnée par Aristote, dans ce passage de la Poétique (6. §§ 12, suiv.) que l'on peut considérer comme le grand texte de la philosophie esthétique, et dans lequel, bien que les noms de Sophocle et d'Euripide ne soient pas mentionnés, il n'y a aucun doute que cette phrase, "les tragédies de la plupart des poètes récents n'ont pas d'éthique" s'applique à Euripide, et que le contraste, qu'il commence par illustrer par un comparaison entre Polygnote et Zeuxis dans l'art de la peinture, sert avant tout à décrire la différence entre les deux poètes ; d'autant que dans un autre passage de la Poétique (26, le § 11), il cite en les approuvant les paroles de Sophocle : "Il a représenté lui-même des hommes comme ils doivent être, mais Euripide les a montrés comme ils sont" ; une remarque qui, venant de la bouche de Sophocle lui-même, montre l'absurdité de ces spécialistes de la science esthétique, qui ricanent au fait que l'on attribue aux grands poètes de l'antiquité des buts moraux et artistiques auxquels eux-mêmes n'ont jamais pensé. Il est tout à fait vrai que les premières et les plus puissantes manifestations du génie sont en grande partie (mais jamais, croyons-nous, entièrement) inconscients ; et que même de telles productions sont régies par des lois, écrites dans l'esprit humain et instinctivement suivies par le poète, lois dont c'est la tâche et la gloire de la science esthétique de retrouver dans les travaux de ces auteurs qui les ont suivies inconsciemment ; mais de telles œuvres, aussi magnifiques soient-elles, ne sont jamais aussi parfaites, en tous points, que les travaux du poète qui, possédant un génie égal, établit consciemment et laborieusement les grands principes de son art. C'est à cet égard qu'Eschyle surpasse Sophocle ; ses œuvres ne sont peut-être pas plus grandes, voire, elles sont peut-être inférieures, dans la sublimité indigène et le génie spontané, mais elles sont plus parfaites ; et cela pour la raison même que Sophocle esquisse lui-même, quand il dit qu'"Eschyle fait ce qui est droit, mais sans le savoir." Les défauts chez Eschyle, que Sophocle a perçu et a essayé d'éviter, sont révélés dans un passage précieux conservé par Plutarque (de Prof. Virt. p. 79, b.).

Les limites de cet article ne nous permettent pas de disserter sur le caractère moral de Sophocle, qui est discuté et illustré de manière approfondie dans certains des travaux cités ci-dessus, et également dans les Lectures on Dramatic Art aut Criticism de Schlegel, où le lecteur trouvera une comparaison détaillée entre les trois grands poètes tragiques (Lect. 5). Nous ajouterons seulement, en guise de conclusion, que si l'on cherche l'illustration la plus parfaite de la définition d'Aristote de la fin de la tragédie comme δι᾽ ἐλέου καὶ φόβου περαίνουσα τὴν τῶν τοιούτων παθημάτων κάθαρσιν. (Poët. 6.  § 2), on la trouvera dans l'Œdipe à  Colone de Sophocle, et nous recommanderions, en tant qu'utile exercice pour l'étude de la critique esthétique, la comparaison de cette tragédie avec les Euménides d'Eschyle et du Lear de notre propre Shakespeare.


IV. Anciens Commentateurs de Sophocle

Dans les Scholies, les commentateurs sont cités par le nom général de οἱ ὑπομνηματισταί ou οἱ ὑπομνηματισταμενοι. Parmi les noms cités ou ceux à qui on attribue des commentaires sur Sophocle, il y a Aristarque, Praxiphanès, Didymos, Hérodien, Horapollon, Androtion, et Aristophane de Byzance. La question de la valeur de ces Scholies a été étudiée par Wunder, de Schol. in Soph. Auctoritate, Grimae, 1838, 4to., et par Wolff, de Sophoclis Scholiorum Laur. Variis Lectionibus, Lips. 1843, 8vo.

 

V. Editions des pièces de Sophocle

L'Editio Princeps est celle d'Aldus, 1502, 8vo., et parmi les nombreuses autres éditions imprimées au 16ème siècle, la meilleure est celle de H. Stephanus, Paris, 1568, 4to., et de G. Canterus Antwerp, 1579, 12vo., toutes les deux se basant sur le texte de Turnbe. Rien de particulier sur les éditions suivantes qui ne méritent guère d'être mentionnées jusqu'à celle de Brunck, en 4 vols. 8vo., Argentor. 1786 1789, et en 2 vols. 4to., Argentor. 1786 ; les deux éditions contiennent le texte grec avec une traduction latine, des Scholies et un Index. Le texte de Brunck, qui se base sur celui d'Aldus, est à la base de toutes les éditions postérieures, dont la suivante - et la plus importante - est celle de Musgrave, avec Scholies, Notes, et Index, Oxon. 1800, 1801, 2 vols. 8vo., réimpression : Oxon. 1809 — 1810, 3 vols. 8vo. ; celle de Erfurdt, avec Scholies, Notes, et Index, Lips. 1802 — 1825, 7 vols. 8vo. ; (les précieuses notes d'Erfurdt sur toutes les tragédies, sauf l'Œdipe à Colone, furent réimprimées dans un volume séparé, à Londres, 1824, 8vo.) ; celle de Bothe, qui réédita l'édition de Brunck, mais avec beaucoup de modifications inutiles dans le texte, Lips, 1806, 2 vols. 8vo., dernière édition, 1827, 1828 ; celle de Hermann, complétée par une nouvelle édition, qu'Erfurdt commença, mais qui, faute d'avoir vécu  assez longtemps, ne publia que les deux premiers, Lips. 1809-1825, 7 vols. sm. 8vo. ; L'édition de Brunck entièrement révisée par Hermann, avec notes additionnelles, &c., Lips. 1823-1825, 7 vols. 8vo. ; l'édition de Schneider, avec Notes en Allemand et un Lexique, Weimar, 1823-1830, 10 vols. 8vo. ; la réimpresssion de l'édition de Brunck, avec les Notes de Burney et de Schaefer, 1824, 3 vols. 8vo. ; l'édition de Elmsley, avec les Notes de Brunck et de Schaefer, Lexicon Sophocleum, &c. Oxon. 1826, 2 vols. 8vo. ; reimpr., Lips. 1827, 8 vols. 8vo. ; celle du texte seul de Dindorf, dans les Poetae Scenici Graeci, Lips. 1830, 8vo., réimprimée à Oxford, 1832, avec l'addition d'un volume de Notes, 1836, 8vo. ; celle de Ahrens, comprenant le texte, d'après Dindorf, avec une traduction latine revue par L. Benloew, les Fragments d'après Welcker, et les nouveaux Index, dans la Bibliotheca Scriptorum Graecorum de Didot, Paris, 1842-1844, imp. 8vo.; et finalement, de loin, l'édition la plus utile pour le simple étudiant est celle de Wunder, dans la  Bibliotheca Graeca de Jacobs et Host, contenant le texte, avec des notes critiques et explicatives et des introductions, Gothae et Erfurdt, 1831-1846, 2 vols. 8vo. en 7 parts, et avec une partie supplémentaire de corrections des Trachiniennes, Grimae, 1841, 8vo.

 Pour une liste des éditions des pièces distinctes, et des éditions non citées ci-dessus, voir le Lexicon Bibliographicum Scriptorium Graecorum d'Hoffmann.

 Parmi les nombreuses traductions de Sophocle, très peu sont parfaites. En langue anglaise, il y a  les traductions de Franklin, Lond. 1758 ; Potter, Lond. 1788 ; et Dale, 1824. Les meilleures traductions allemandes sont celles de Solger, Berlin, 1808, 1824, 2 vols. 8vo.,et Fritz, Berlin, 1843, 8vo. Parmi les traductions d'œuvres séparées, celle de l'Antigone, de Bockh et Donaldson, intercalée dans leurs éditions respectives, mérite d'être citée ; Bockh, Berlin, 1843, 8vo. ; Donaldson, London, 1848, 8vo.

 On trouvera une liste presque complète des travaux sur Sophocle dans le Lexicon de Hoffmann. Ils sont trop nombreux pour être mentionnés ici ; mais il serait dommage de passer sous silence celui qui est le plus utile pour comprendre la langue de l'auteur, à savoir le Lexicon Sophocleum, d'Ellendt, Regimont. Pruss. (Königsberg) 1835, 2 vols. 8vo.

 

Athénée, LII, 1

 

SOSIBIUS (Σωσίβιος), littéraire

 

1. Philosophe mentionné par Diogène Laërte (ii. 46) comme s’étant opposé aux opinions d’Anaxagore ; mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il en ait été le contemporain. On ne sait rien d’autre de lui.

 

2. Grammairien lacédémonien distingué, ayant prospéré sous le règne de Ptolémée Philadelphe (environ 251 av. J.-C.), et contemporain de Callimaque. (Ath. xi. p. 493, f. iv. p. 144, e.) C’était l’un de ces auteurs qui s’employaient à résoudre les difficultés rencontrées par les auteurs anciens, et qu’on appelait de ce fait λυτικοί ou ἐπιλυτικοί par opposition aux ἐνστατικοί, qui employaient leur ingénuité à proposer aux autres des problèmes à résoudre. (Suid. s.v. ; Ath. xi. p.493, f.)

Les œuvres citées sont les suivantes : -1. Περὶ Ἀλκμᾶνος (Ath. iii. p. 115, a., xiv. p. 646, a., p. 648., b.) 2.  Περ τν ν Λακεδαίμονι θυσιν (Ath. xv. p. 674, a. p.678, b.) 3. μοιότητες (Ath. xv. p. 690, e.) 4. Une chronologie intitulée Περ χρόνων (Ath. xiv. p. 635, f.) ou χρονν ναγραφή (Clem. Alex. Strom. vol. i. p. 327, c.). Dans une de ses œuvres, mais on ne nous dit pas laquelle, il y avait des informations sur la comédie ancienne dorienne des Dicélistes et des Mimes. (Suid. s. vv. Σωσίβιος, Δικηλιστῶν ;  Ath. xiv. p. 621). En plus des passages auxquels nous venons de faire référence, il y a plusieurs autres citations de ses écrits. (Fabric. Bibl. Graec. vol. vi. p. 379 ; Vossius de Hist. Graec. pp. 136, 137, ed. Westermann ; Clinton, F.H. vol iii. p. 508)

 

3. Grammairien qui vivait du temps de Claudius, et qui était le tuteur de Britannicus. (Tacit. Ann. xi. 1.)

 

4. Pour ce qui concerne le poète tragique supposé avoir porté ce nom, voir Sositheus.  [P.S.]

 

 

SOSICRATÈS (Σωσικράτης) de Rhodes, est un historien que cite Diogène Laërce (II, 84) pour confirmer le fait qu'Aristippe n'avait jamais rien écrit. Selon toute probabilité, il s'agit du même Sosicratès dont l'ouvrage sur la Succession des Philosophes est mentionné par Athénée (IV, p. 163, Σωσικράτης ἐν τρίτῳ φιλοσόφψν διαδοχῆς). Il composa également un ouvrage relatant l'histoire de la Crête, Κρητικά, qui est fréquemment cité (Strab. X, p. 474 ; Athénée VI, p. 261, e, et alib.). Il florissait après Hermippos et avant Apollodore, et vécut à peu près entre 200 et 128 av. J.- C. (Clinton, F. H. vol. III, p. 565).

Il y eut d'autres écrivains du même nom, tels ce Sosicratès Phanagoritès, dont le ᾿Ηοῖοι est cité par Athénée (XIII, p. 590, b) ou celui mentionné par Fulgence (s. v. Nefrendes). L'extrait qu'on attribue à Sosicratès de Cyzique, celui de Fulgence (Myth. II, 13), a été tiré, selon toute évidence, de Diogène Laërce, qui lui-même citait la Succession des Philosophes. Ce nom est souvent confondu avec celui de Socrates (Vossius, de Hist. Graec. p. 500, éd. Westermann ; Fabric. Bibl. Graec. vol. II, p. 873, vol. VI, p. 138). 

 

Athénée XIII, 12

 

STÉPHANOS (Στφανος), était un orateur athénien, fils de Ménéclès d'Acharnae, contre lequel Démosthène composa deux discours qui insistent sur quelques détails sordides de sa vie privée, en vue de le discréditer. Il est également cité par Athénée (XIII, p. 593, f).

 

Athénée XIII, 65

 

STÉSICHORE (Στησίχορος), d'Himère, en Sicile, était un célèbre poète grec, contemporain de Sappho, d'Alcée, de Pittacos et de Phalaris ; il était postérieur à Alcman, et antérieur à Simonide. Il naquit durant la trente-septième Olympiade, c'est-à-dire en 632 av. J.- C. Sa maturité doit être située durant la quarante-troisième Olympiade, en 608. Il mourut lors de la cinquante-cinquième ou de la cinquante-sixième Olympiade, soit vers 560 ou entre 556 et 552, à l'âge de 80 ans ou, selon Lucien, à 85 ans. (Suidas s.v. Στησίχορος, Σιμωνίδης, Σαπφώ ; Eusèbe Chron. Ol. 43, 1 ; Aristote Rhet. II, 20, § 5 ; Cyrill. Julian, I, p. 12, d ; Lucien Macrob. 26 ; Clinton, F. H. vol. I, s.a, 611, vol. II, s.a, 556, 553). Sur les dates, on le voit, plusieurs variantes ont été émises : ce qu'il en ressort néanmoins prouve à l'évidence que Stésichore florissait au début et pendant la première moitié du VIe siècle av. J.- C. 

D'abord, on constate une notable différence entre ces témoignages et les indications fournies par le Marbre de Paros (Ep. 51), qui nous indique que Stésichore le poète vint en Grèce alors qu'Eschyle remportait sa première victoire tragique sous l'archontat de Philocratès, durant la soixante-treizième Olympiade, en 475. Mais il s'agit là d'un poète tardif portant le même nom et appartenant à la même famille. Ce Stésichore ne peut être en aucun cas identifié avec notre poète, au vu des informations données plus haut ; en outre, comme Bentley l'a noté, le fait que Simonide parle de Stésichore de la même façon qu'Homère, comme d'un poète ancien (Athénée IV, p.172, e, f), prouve  que l'homme évoqué par le marbre parien n'est pas le nôtre ; sinon, Stésichore serait le contemporain de Simonide. Un autre signe flagrant révèle que ce Marbre ne parle pas du même personnage  (Ep. 74), lorsqu'il fait état d'un second Stésichore d'Himère, qui obtint le prix à Athènes durant la cent deuxième Olympiade, donc vers 369 av. J.- C. L'explication à donner à tous ces éléments est que la poésie était une activité héréditaire dans la famille de Stésichore, et que deux de ses descendants se sont illustrés dans le dithyrambe à des époques différentes.

Nous disposons de divers témoignages au sujet de la patrie de Stésichore. L'idée la plus répandue était celle de sa naissance à Himère, d'où son surnom de "poète d'Himère".  On a fait également de lui un natif de Mataurtis, ou Métauros, ville du sud de l'Italie (certains prétendent qu'elle se trouvait en Sicile), une colonie locrienne (Steph. Byz. s. v. Ματαυρός ; Suid.). Il se peut aussi que, Himère ayant été fondée très peu de temps avant la naissance du poète, les parents de celui-ci aient été originaires de Matauros avant d'émigrer ; ce qui explique peut-être, comme l'ont noté Kleine et Müller, l'étrange tradition qui fait de Stésichore un fils d'Hésiode ; en effet, il existait parmi les cités locriennes d'Œneon et de Naupacte, une race de poètes épiques, se réclamant de la lignée d'Hésiode ; et de cette race, on peut supposer qu'était issue la famille de Stésichore : la relation entre la poésie de notre auteur avec la vieille poésie épique serait ainsi éclairée. Par-delà les témoignages mythiques en rapport avec Hésiode, citons les divers noms donnés au père de Stésichore : Euphorbos, Euphémos, Eucleidès, et Hyétès (Suid. s. v. ; Eudoc. ; Steph. Byz. l c. ; Epig. Anon. ap. Brunck, Anal. vol. III, p. 24, No. 33).

   D'après Suidas, le poète avait deux frères, un géomètre appelé Mamertinos, et un législateur du nom d'Halianax. D'autres informations relatives à sa famille circulaient mais leur peu de crédit a été vérifiée par Kleine, pp. 15,16. 
   On dit que son nom fut d'abord Tisias, qui fut changé en St
ésichore, lorsqu'il chanta pour la première fois dans un chœur en s'accompagnant de la harpe (Suid. s. v. ἐκλήθη δὲ Στησίχορος, ὅτι πρῶτος κιθαρῳδίᾳ χορὸν ἔστησεν: ἐπεί τοι πρότερον Τισίας ἐκαλεῖτο). La signification de ce fait sera bientôt examinée. Sa biographie est largement incertaine. Comme pour d'autres grands poètes, sa naissance est auréolée de récits merveilleux : on dit que, encore nourrisson, un rossignol se posa sur ses lèvres et y chanta une suave mélodie (Christod. Ecphr. ap. Jacobs, Anth. Graec. vol. I, p. 42 ; Plin. H. N. X, 29). On rapporte qu'il reçut une éducation très soignée à Catane, puis qu'il bénéficia de l'amitié de Phalaris, tyran d'Agrigente. Ce fait serait attesté par les lettres - d'une authenticité plus que douteuse - attribuées à Phalaris ; rien n'empêche cependant de croire en cette amitié, puisqu'on sait que Phalaris et Stésichore étaient effectivement contemporains. De nombreux auteurs rapportent la légende de sa cécité miraculeuse à la suite de ses critiques émises envers Hélène, et le recouvrement de sa vue après la composition de sa Palinodie (Paus. III, 19, 11, &c. ; Kleine, Dissert. sect. VIII). L'idée selon laquelle il voyagea à travers la Grèce est attestée par certains fragments de ses poèmes, ainsi que par les allusions des poètes tardifs et la tradition confuse transmise par Suidas, qui parlent de son départ de Catane et de son exil à Pallantion en Arcadie. Au sujet de son rapport avec Catane, où se trouvait son tombeau, on a plusieurs témoignages. Suidas dit qu'il fut enterré à la porte de la cité - elle prit par la suite le nom de "Porte de Stésichore" -, et qu'un splendide monument octagonal fut érigé au-dessus de la sépulture, bâtisse dotée de huit piliers et de huit étages (Suid. s. v. πάντα ὁκτώ ; Pollux, IX, 7 ; Eustathe ad Hom. pp. 1229, 1397).
   Il existe deux anciennes épitaphes de Stésichore, l'une en grec,
œuvre d'Antipater (Jacobs, Anth. Graec. vol. I, p. 328), l'autre en latin (Ferrett. Mus. Lapidar. v. 36, p. 354). Les gens de Thermae, la ville qui succéda à Himère, possédait une statue en bronze du poète, que Cicéron décrit comme statua senilis, incurva, cum libro, summo ut putant artificio facta (Verr. II, 35). C'est cette statue ou une autre qui se trouvait parmi les trésors entreposés dans le gymnase de Zeuxippos à Byzance (Christod. Ecphr. I. c.). On a également une monnaie de bronze d'Himère, avec, au revers, le portrait d'un homme debout, portant une couronne dans la main droite et une lyre dans la main gauche, dont on a toutes les raisons de croire qu'il s'agit de Stésichore.

Parmi les auteurs anciens qui louèrent ses hymnes, il y a Cicéron (I. c.), Aristide (Orat. vol. I, p. 152, éd. Steph.), Dionysios (de Comp. Verb. vol. II, p. 28, éd. Sylb.), Longin (XIII, 3), Dion Chrysostome (p. 559, d, éd. Morell.), et Synésios (Insom. p. 158, b, éd. Paris, 1612), qui tous, le comparèrent par le style et le caractère à Homère. Quintilien lui est favorable tout en lui reprochant un langage trop diffus (X, 1, 62). Hermogène, au contraire, affirme que les mots dont il usait donnaient de la grâce à son style (de Form. Orat. II, p. 409, éd. Laurent.). Pour d'autres témoignages, voir Kleine, sect. IX.

Stésichore était l'un des neuf maîtres de la poésie lyrique reconnus par les Anciens. Il figure, avec Alcman, au sommet de l'une des branches du lyrisme et de la poésie chorale dorienne ; bien qu'il ait vécu  cinquante ans après Alcman, les nouveautés imposées par le poète himérien divergent notablement de l'art tel que le concevait le Spartiate, à tel point qu'il eut l'honneur de se voir proclamé inventeur de la poésie chorale. Il fut le premier à briser la monotonie de la strophe et de l'antistrophe par l'introduction de l'épode ; ses mètres étaient très variés, et la structure de ses strophes beaucoup plus élaborée que celle d'Alcman. Ses odes renfermaient déjà tous les éléments qui caractérisent la poésie chorale de Pindare et des Tragiques. Pour une analyse de ses mètres, voir Kleine, sect. XI.

Les sujets de ses poèmes étaient essentiellement héroïques ; Il transféra certains thèmes de l'ancienne poésie épique dans la forme lyrique, tout en maintenant, bien sûr, la continuité narrative, ainsi que les aventures isolées des principaux protagonistes. Il composa aussi des poèmes sur d'autres sujets. Les fragments qui restent ont été classés par Kleine sous les titres suivants : 

1. Poèmes mythiques, dont il ressort les titres que voici : ῎Αθλα, Γηρυονίς, Κέρβερος, Κύκνος, Σκύλλα, Συοθῆναι, Εὐρώπεια, ᾿Ιλίου πέρσις, Νόστοι, ᾿Ορεστεία

2. Hymnes, Encomies, Épithalames, Péans : dans ces catégories, on peut ranger Παλινῳδία εἰς ῾Ελέναν, et᾿Επιθαλάμιον ῾Ελένας

3. Poèmes érotiques et Scolies : Καλύκα, ῾Ραδινά

4. Un poème pastoral intitulé Δάφνις

5. Fables :῞Ιππος καὶ ἔλαφος, Γεωργὸς καὶ ἀετός, Εἰς Λόκρους παραίνεσις

6. Élégies.

Le dialecte de Stésichore était le dorien, avec un mélange de tournures épiques. Ses nomes sont presque tous empruntés au dorien, mais traités quelquefois sur le mode phrygien.

Les fragments de Stésichore ont été publiés en même temps que les éditions de Pindare en 1560, 1566, 1567, 1586, 1598, 1620, ainsi que dans les recueils de poètes grecs publiés en 1568 et 1569, et récemment dans les recueils de Schneidewin et Bergk. Ils ont été édités par Suchfort, Göttingen, 1771, 4to. ; par Blomfield, dans le Museum Criticum, vol. II, pp. 256 - 272, 340 - 358, 504, 607, dans les Poetae Minores Graeci de Gainford ; et par Fr. Kleine, Berlin, 1828, 8vo. L'édition de ce dernier est de loin, la plus utile : tous les témoignages relatifs à la vie et aux écrits du poète y sont intégrés et analysés en fonction des fragments subsistants. (Fabric. Bibl. Graec. vol. II, pp. 151 - 157 ; Müller, Hist. of Lit. of Anc. Greece, pp. 197 - 203 ; Bernhardy, Grundriss d. Griech. Litt. vol. II, pp. 471 - 477 ; Kleine, déjà cité plus haut).

 

Στησίχορος, Εὐφόρβου ἢ Εὐφήμου, ὡς δὲ ἄλλοι Εὐκλείδου ἢ Ὑέτους ἢ Ἡσιόδου: ἐκ πόλεως Ἱμέρας τῆς Σικελίας: καλεῖται γοῦν Ἱμεραῖος: οἱ δὲ ἀπὸ Ματαυρίας τῆς ἐν Ἰταλίᾳ: οἱ δὲ ἀπὸ Παλαντίου τῆς Ἀρκαδίας φυγόντα αὐτὸν ἐλθεῖν φασιν εἰς Κατάνην κἀκεῖ τελευτῆσαι καὶ ταφῆναι πρὸ τῆς πύλης, ἥτις ἐξ αὐτοῦ Στησιχόρειος προσηγόρευται. τοῖς δὲ χρόνοις ἦν νεώτερος Ἀλκμᾶνος τοῦ λυρικοῦ, ἐπὶ τῆς λζ' Ὀλυμπιάδος γεγονώς. ἐτελεύτησε δὲ ἐπὶ τῆς ν#2#. εἶχε δὲ ἀδελφὸν γεωμετρίας ἔμπειρον Μαμερτῖνον, καὶ ἕτερον Ἡλιάνακτα νομοθέτην. γέγονε δὲ λυρικός. καί ἐστιν αὐτοῦ τὰ ποιήματα Δωρίδι διαλέκτῳ ἐν βιβλίοις κ#2#. φασὶ δὲ αὐτὸν γράψαντα ψόγον Ἑλένης τυφλωθῆναι, πάλιν δὲ γράψαντα Ἑλένης ἐγκώμιον ἐξ ὀνείρου, τὴν παλινῳδίαν, ἀναβλέψαι. ἐκλήθη δὲ Στησίχορος, ὅτι πρῶτος κιθαρῳδίᾳ χορὸν ἔστησεν: ἐπεί τοι πρότερον Τισίας ἐκαλεῖτο. (SUIDAS)

Athénée XIII, 75

 

STÉSIMBROTOS (Στησίμρροτος ὁ Θάσιος) de Thasos, était un rhapsode et un historien de l'époque de Cimon et de Périclès, cité avec admiration par Platon et Xénophon. Il écrivit un ouvrage sur Homère dont le titre est inconnu. Il avait aussi composé des œuvres historiques, pour lesquelles il est fréquemment cité par Plutarque. Une notice de l'Etymologicum Magnum (s. v. ᾿Ιδαῖοι) évoque un de ses écrits consacré aux Mystères, περὶ τελετῶν (Plat. Ion, p. 550, c. ; Xén. Mem. IV, 2, § 10, Sympos. III, 5 ; Plut. Them. 2, 24, Cim. 4, 14, 16, Per. 8, 10, 13, 26, 36 ; Strab. X, p. 472 ; Athénée XIII, p. 598, e ; Tatian. adv. Graec. 48 ; Fabric. Bibl Graec. vol. I, pp. 524, 358, 512 ; Vossius, de Hist. Graec. pp. 43, 44. éd. Westermann).

Athénée XIII, 56

 

STILPON (Στίλπων) était un philosophe grec, originaire de Mégare, fils d'Euclide, ou selon certaines notices chronologiques, fils de Pasiclès de Thèbes, disciple d'Euclide. D'autres auteurs lui donnent pour père Thrasymaque de Corinthe (Diog. Laërce II, 113, comp. VI, 89, et Suid. s. v.). D'après une source, il s'engagea dans des spéculations dialectiques avec Diodoros Cronos à la cour de Ptolémée Soter ; un autre témoignage nous dit qu'il déclina une invitation du roi à venir à Alexandrie. On rapporte que Démétrios, fils d'Antigonos, qui l'admirait, épargna sa maison quand il s'empara de Mégare (Ol. 121, 3), et lui offrit une indemnité pour l'injure qu'il avait essuyée ; mais Stilpon refusa l'argent (Diog. Laërce II, 115 ; Plut. Demetr. c. 9, &c.). Unissant à la bonté et à la patience (jμετριοπαθεία) des sentiments élevés (φρόνημα), il fut, aux dires de Plutarque (adv. Colot. c, 22), un véritable trésor pour ses amis et sa patrie et il reçut l'hommage des rois. On rapporte qu'il parvint à maîtriser son goût pour le vin et ses tendances voluptueuses (Cic. de Fato, c. 5) ; Dans le domaine de l'art dialectique (σοφιστεία) il surpassa tous ses contemporains, faisant de la philosophie mégarienne, un modèle de pensée pour la Grèce. Un grand nombre de personnalités furent attirés par l'enseignement de Stilpon, tels Aristote, Théophraste, et bien d'autres (Diog. Laërce, II, 113, comp. 119, 120) ; Cratès le Cynique et Zénon, le fondateur de l'école stoïcienne, lui devaient beaucoup (ib. 114). On loua sa sagesse politique, sa simplicité, sa disponibilité : il n'eut à endurer que la fatalité d'être le père d'une fille aux mœurs scandaleuses (ib. 114, comp. Plut, de tranqu. animi, c. 6).

   Des neuf dialogues qui lui furent attribués et que l'on trouvait un peu froids, nous ne connaissons que les titres : deux d'entre eux semblent être des textes polémiques visant Aristippe et Aristote (Diog. Laërce II, 120). De façon générale, nous n'avons que peu d'indices permettant de nous faire une idée précise de sa doctrine, si ce n'est quelques propos qu'on lui attribuait. Nous pouvons seulement deviner à partir de ces éléments l'orientation prise par l'école de Mégare, qui démontrait que le monde des phénomènes est en contradiction avec la vraie connaissance. De par ce principe, on en conclut qu'une chose ne peut être affirmée à partir d'une autre ; bref l'essence des choses ne se réalise pas au moyen des attributs (Plut. adv. Colot. 22, 23 ; comp. Simpl. in Phys. Ausc. f, 26). Le génie, l'universel ne résident pas dans l'individuel et le concret (Diog. Laërce II, 119). Stilpon paraît avoir fait de l'idée de vertu l'objet principal de sa réflexion (Cratès, ap. Diog. Laert. 118), et avoir placé très haut la vanité qu'elle engendre. Il pensait que la volonté humaine permettait de dissiper les maux et même de ne pas du tout les ressentir (Sénèque Epist. 9, comp. Plut. de Tranqu. animi, 6, Diog. Laërce II, 114) : en un sens, il annonce déjà la pensée stoïcienne et même cynique. Son influence sur Cratès se reflète dans les vers laissés par ce dernier (ap. Diog. Laërce II, 118), et à travers les anecdotes rapportées par Diogène Laërce (II, 117, &c.). On ne sait pas s'il contestait vraiment le polythéisme, et s'il fut expulsé d'Athènes sur ordre du tribunal de l'Aréopage, comme le prétend un écrivain aussi fantaisiste que Diogène (Diog. Laërce II, 116, &c.).

 

 Athénée XIII, 46

 

STRATOCLÈS (Στρατοκλῆς ὁ ῥήτωρ), orateur athénien, était le fils d'Euthydémos. Il fut le contemporain de Démosthène et un ami de l'orateur Lycurgue. C'est sur sa motion qu'un décret fut voté investissant Lycurgue de la charge de secrétaire au Trésor d'Athènes (Plut. Vit. X ; Orat. p. 852, a). Stratoclès fut un virulent opposant à Démosthène, auquel il reprocha d'avoir été corrompu par Harpalos (Deinarch. in Demosth. pp. 175, a, 177, a ; Comp. Démosthène, vol. I, p. 986). 

C'était un homme fort peu recommandable bien qu'il ait été un orateur persuasif (Démosth. adv. Pantaen. p. 944, c ; Plut. Demetr. c, 11, p. 893, e). Plutarque le compare à Cléon, qu'il surpassa même dans l'impudence. À l'occasion de la défaite d'Amorgos (322), Stratoclès, ayant eu ses propres informations avant que la nouvelle officielle ne fût connue, se couronna d'une guirlande et se rendit au Céramique en proclamant que les Athéniens avaient été victorieux ; enfin, il incita le peuple à manifester sa joie. Quand la réalité de la défaite fut annoncée, le peuple le chargea d'indignité ; lui, avec une effronterie consommée, prétendit qu'il n'avait rien fait de grave et qu'au contraire, on lui devait d'avoir offert trois jours de bonheur aux Athéniens. 

Stratoclès se distingua par son extravagante flatterie envers Démétrios, en l'honneur duquel il proposa à l'assemblée les décrets les plus invraisemblables (Plut. Demetr. 11, 12). Ainsi, à un moment, il soumit au vote un décret selon lequel tout ce que Démétrios ordonnait était forcément pieux envers les dieux et justes envers les hommes. Une tirade satirique extraite d'une pièce de Démocharès vint en réponse à cet acte : celle-ci disait que Stratoclès devait être devenu fou pour proposer de tels décrets, ce qui provoqua un conflit entre Démocharès et les partisans de Stratoclès et le bannissement final de l'auteur comique (Plut. Demetr. c, 24). C'est en vue d'accommoder la célébration des Mystères éleusiniens à la convenance ou plutôt au caprice de Démétrios, qui voulait s'y initier, que Stratoclès proposa le décret absurde autant qu'outrageant, par lequel le peuple devait changer le nom du mois Munychion en Anthesterion, pour la célébration des petits Mystères, un nom qui devait presque aussitôt être modifié pour devenir Boedromion afin de célébrer les grands Mystères (Plut. Demetr. 26). Cela se passa en 302 av. J.- C. Un fragment d'un discours de Stratoclès est cité par Photius (Cod. ccl. 4. p. 447, a, éd. Bekker) qui lui-même le tirait d'Agatharchidès (Ruhnken. Hist. Crit. Orat. Graec, Opusc. p. 362, &c.).
Nous trouvons un Stratoclès parmi les généraux athéniens qui participèrent à la bataille de Chéronée, en 338 (Polyaen. Strateg. IV, 2 ; comp. Esch. adv. Ctes. c, 45, p. 74). Droysen (Gesch. der Nachfolger Alexanders, p. 498) pense que le général et l'orateur sont bel et bien la même personne.

Cicéron (Brutus, 11) parle d'un Stratoclès, rhétoricien de son état, qui aurait écrit un ouvrage historique. Ruhnken (I. c. p. 364) l'assimile avec l'orateur athénien. 

 

Athénée XIII, 70

 

STRATTIS (Στράττις ou Στράτις, la première orthographe est la plus correcte), était un poète comique athénien de la Comédie ancienne, qui fut en activité, selon Suidas, peu de temps après Callias. Il représenta ses premières pièces durant la quatre-vingt-douzième Olympiade, vers 412 av. J.-C. Il fut le contemporain de Sannyrion et de Philyllios, puisque tous deux furent attaqués dans certains passages de ses pièces (Schol. Aristoph. Plut. 1195 ; Ath. XII, p. 551, c ; Poll. X, 189). La comédie de Strattis dans laquelle Philyllios est raillé se nomme le Ποτάμοι, qui, nous dit le Scholiaste, fut jouée avant l'Assemblée des femmes d'Aristophane, c'est-à-dire pas plus tard que l'année 394 ou 393 (voir Clinton, F. H. vol. II, s. a. 394). De même, dans son ᾿Ανθρωπορραίστης, il s'en prit à Hégélochos, l'acteur de l'Oreste d'Euripide ; cette pièce dut être représentée aux environs de 408, l'année où fut créé justement Oreste (Schol. Eurip. Orest. 278 ; Clinton, F. H. vol. II, s. a. 407). Strattis était encore joué à la fin de la quatre-vingt-dix neuvième Olympiade, vers 380 av. J. -C. En effet, on ne peut situer que dans une époque tardive, donc à un âge très avancé, son attaque contre Isocrate au sujet de la folie de Lagisca (Athénée, XIII, p. 592, d ; Harpocr. s. v. Λαγίσκα). On a du mal à se forger une opinion sur sa personnalité poétique. Son admiration enthousiaste pour l'Oreste d'Euripide ne nous informe guère sur son goût (Schol. Eurip. Orest. 278). À partir de l'épithète φορτικόν, appliquée à l'une de ses pièces, on peut penser qu'il se permetttait quelques bouffonneries insipides, celles qu'Aristophane reprochait crûment à ses rivaux (Hésych. s. v. κολεκάνοι; comp. Aristoph. Nub. 524, Vesp. 66 ; Aristote Eth. Nicom. IV, 8 ; Plut. Op. Mor. p. 348, c).

D'après l'auteur anonyme de la Comédie (p. XXXIV), Strattis composa 16 pièces. Suidas mentionne les titres suivants : 

Ἀνθρωπορέστης, ou bien Ἀνθρωποραίστης, 'Ἀταλάντη, Ἀγαθοὶ ἤτοι Ἀργυρίου ἀφανισμός, Ἰφιγέρων, Καλλιππίδης, Κινησίας, Λιμνομέδων, Μακεδόνες, Μήδεια, Τρωί̈λος, Φοίνισσαι, Φιλοκτήτης, Χρύσιππος, Παυσανίας, Ψυχασταίi.

À ces titres, ajoutons-en quatre qui sont attribués à d'autres auteurs :

Ζώπυρος περικαιόμενος, Μυρμιδόνες, Ποτάμοι, Πύριστος.

Son nom apparaît quelquefois sous la forme corrompue Στράτων, si bien que des scholiastes ont supposé que Strattis et Straton étaient la même personne ; mais cette opinion est sans doute erronée (Meineke, Frag. Com. Graec. vol. I, pp. 221 - 236, 427, vol. II, pp. 763, foll, Editio Minor, pp. 428, foll. ; Bergk, Reliq. Com. Att. Ant. pp. 284, 285 ; Clinton, F. H. vol. II, Introd. p. XLIV, note r). 

 

Στράττις, Ἀθηναῖος, τραγικός. τῶν δραμάτων αὐτοῦ ἐστι ταῦτα: Ἀνθρωπορέστης, Ἀταλάντη, Ἀγαθοὶ ἤτοι Ἀργυρίου ἀφανισμός, Ἰφιγέρων, Καλλιππίδης, Κινησίας, Λιμνομέδων, Μακεδόνες, Μήδεια, Τρωί̈λος, Φοίνισσαι, Φιλοκτήτης, Χρύσιππος, Παυσανίας, Ψυχασταί: ὥς φησιν Ἀθήναιος ἐν τῷ β' βιβλίῳ τῶν Δειπνοσοφιστῶν. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 55, 62

 

THÉODORE DE CYRÉNAÏQUE (Θεόδωρος ὁ ἄθεος)  appartenait à une branche de l'école cyrénaïque, celle dite des "Théodoriens,'' Θεοδωρεῖοι . Les auteurs anciens avait coutume de le surnommer "athéos", l'Athée, nom qui remplaça plus tard le "Théos"de son nom. Originaire sans doute de Cyrène (comp. Diog. Laërce II, 103), il fut le disciple du jeune Aristippe (ib. II, 86), petit-fils du premier de ce nom (Suidas, s. v. ᾿Αρίστιππος), le célèbre Aristippe, par sa fille Arèté. Théodore vécut à l'époque d'Alexandre et de ses successeurs. Outre celles d'Aristippe, il suivit les leçons d'un grand nombre de philosophes, tels Annicéris et Dionysios le dialecticien (Laërce II, 98), Zénon de Kition, Bryson, et Pyrrhon (Suidas, s. v. Θεόδωρος) ; mais il ne connut pas Cratès, comme Fabricius (Bibl. Graec. vol. III, p. 189) l'a cru à tort, en se fondant sur une interprétation hâtive d'un passage de Diogène Laërce (IV, 23). D'évidence, il n'a pas pu être, comme Suidas l'assure (s. v. Σωκράτης), un disciple de Socrate. Il fut banni de Cyrène, mais on n'en sait pas la raison précise (Laërce II, 103) ; à cette occasion, il aurait déclaré ceci : " Ô hommes de Cyrène, vous êtes bien stupides de me bannir de Cyrène et de m'expédier ainsi en Grèce !" (ib).

Nous ne savons pas grand chose de son existence ; quelques anecdotes éparses nous le montrent à Athènes où il s'enfuit après avoir été mis en accusation par le tribunal de l'Aréopage. Toutefois, l'influence de Démétrios de Phalère aurait dû lui être secourable (ib. II, 101) : aussi doit-on situer cet incident au terme des dix années de gouvernement à Athènes de Démétrios, entre 317 et 307 av. J.-C. Banni, Théodore vint se mettre au service de Ptolémée, fils de Lagos, premier roi de la dynastie macédonienne d'Égypte, partageant ainsi l'exil avec Démétrios. Un récit d'Amphicratès transmis par Laërce (II, 101), prétendant qu'il avait été condamné à boire la ciguë est sans doute erroné. 

Devenu courtisan de Ptélémée, Théodore fut nommé ambassadeur auprès de Lysimaque, qu'il offensa par la liberté de ses propos. Une réponse qu'il fit à la suite des menaces de crucifixion dont Lysimaque lui avait fait part fut souvent rapportée par les Anciens (Cic. Quaest, Tusc. i. 43 ; Senèque de Tranq. An. c. 14 ; Val. Max. VI, 2, extern. 3) : "Utilise, je te prie, ces menaces pour tes seuls courtisans ; il est égal à Théodore qu'il pourrisse dans les airs ou sur la terre !" Finalement il quitta sain et sauf le camp de Lysimaque et retrourna auprès de Ptolémée (Diog. Laërce II, 102). 

On rapporte également qu'il se rendit à Corinthe avec la plupart de ses disciples (ibid.) : mais il s'agit peut-être d'un simple voyage qu'il effectua pendant son séjour à Athènes. Enfin, il rentra à Cyrène et y vécut, nous dit Diogène Laërce (II, 103), avec un certain Marius. Ce nom romain nous interroge ; Grantmesnil (apud Menag. Obs. in Diog. Laërt. I. c) pense, sans doute à juste titre, qu'il faut lire Magas plutôt que Marius, un des fils de Ptolémée Lagos, qui gouverna Cyrène pendant cinquante ans (de 308 à 258 av. J. -C.), en tant que vice-roi. Le témoignage de Laërce laisse entendre que Théodore finit ses jours à Cyrène. Athénée (XIII, p. 611, a) prétend qu'il mourut de façon violente, mais cette affirmation n'est que la répétition des conclusions erronées d'Amphicratès dont nous avons déjà parlé. 

Une foule d'anecdotes circulaient sur Théodore et elles ont été conservées par les Anciens (notamment par Laërce, II, 97 - 103, 116 ; Plutarque, De Animi Tranquill. Opp. vol. VII, p. 829, De Exsilio, Opp. vol. VIII, p. 391, éd. Reiske ; Val. Max. l. c ; Philon le Juif Quod omnis probus liber, c. 18, vol. II, p. 465, éd. Mangey, p. 884, éd. Pfeiffer. s. Paris, vol. V, p. 295, éd. Richter, Leipzig, 1828 ; Suidas, s. v. ῞Ηρα ). De toutes ces histoires semblent émerger la figure d'un homme à l'esprit vif et piquant, se moquant éperdument de la peur ou de la décence.

Nous avons déjà noté que Théodore était le fondateur de la branche de la secte cyrénaïque qui fut appelée après coup "Théodoriens" (Θεοδώρειοι). Les caractères généraux de cette philosophie sont décrits ailleurs. Les idées de Théodore, en fonction des informations un peu vagues fournies par Diogène Laërce (II, 98) sont en accord avec le relâchement moral propre à l'École cyrénaïque. Il enseignait que la finalité première de la vie humaine était la joie et l'absence de douleurs, l'une étant le fruit de la prudence, l'autre, de la folie ; pour lui, la prudence et la justice sont un bien et leur contraire est un mal ; le plaisir et la douleur lui sont indifférents. Il donna la primeur à l'amitié et au patriotisme, et déclara que le monde était sa seule patrie. il enseignait encore qu'il n'y avait rien de répréhensif dans le vol, l'adultère ou la sacrilège ; ces choses n'étant infamantes qu'aux yeux de l'opinion publique, éduquée en vue de restreindre ses propres pulsions. Mais la principale charge pesant sur lui fut celle de l'athéisme. "Il rejeta toutes les opinions émises sur les dieux," nous dit Laërce (ib.) ; des critiques, toutefois, doutaient qu'il fût absolument athée : selon eux, il ne refusait l'existence que des déités d'essence populaire. L'accusation d'athéisme est décelable dans son propre surnom "Athéos", comme le disent complaisamment Cicéron (de Nat. Deor. I, 1), Laërce (I, c), Plutarque (De Placit. Philos. I, 7), Sextus Empiricus (Pyrrhon. Hypotyp. lib. III, p. 182, éd. Fabric. 1718, p. 172, éd. Bekker, 1842) ; certains Pères de l'Église (e. g. Clem. Alex. Protrept. ad Gentes, p. 7, éd. Sylburg. pp. 20, 21, éd. Pott. vol. I, p. 20, éd. Klotz. Leipzig, 1831) voient en lui un homme rejetant simplement les superstitions. La chose prête à discussion chez des spécialistes comme Reimmaim (Hist. Atheismi, sect. II, c, XXIV, § 3), et Brucker (Hist. Crit. Philos. partie II, lib. II, c, III, § 11).

Théodore écrivit un livre Περὶ Θεῶν, Des Dieux, au sujet duquel Laërce, qui l'avait consulté, disait (II, 97) qu'il ne fallait pas le négliger, ajoutant même que cet ouvrage était à la source de la doctrine d'Épicure. D'après Suidas (s. v. Θεόδωρος), il composa d'autres livres relatifs aux doctrines de sa secte mais aussi sur divers autres sujets (Fabric. Bibl. Graec. vol. III, pp. 189, 615, vol. X, pp. 373, 385).

 

Athénée XIII, 92

 

THEOGNETE (Θεόγνητος) 1. De Thessalie, poète dont les dates sont inconnues, à qui certains des anciens attribuaient le ἱεροὶ λόγοι que d’autres attribuaient à Orphée. (Suid. s.v. Ὀρφεύς ; Fabric. Bibl. Graec. vol. i. p. 161)

 

2. Poète comique athénien de la nouvelle comédie, dont les pièces, intitulées : Φάσμα ἢ Φιλάργυρος, Φιλοδέσποτος et Κέντραυρος sont mentionnées par Suidas, sous l’autorité d’Athénée. (Comp. Eudoc. p.232). Dans Athénée lui-même, nous ne trouvons aucune mention de Κέντραυρος, mais nous avons un fragment de dix lignes de Φιλοδέσποτος (Ath. xiv. p. 616, a.), ainsi qu’une lignes sur les quatre de Φάσμα ἢ Φιλάργυρος. (Ath. iii. p. 104, b., xv. p. 671, a.) On a des raisons de supposer que Plaute a emprunté son Mostellaria à cette dernière pièce. (Fabric. Bibl. Graec. vol. ii. p. 500 ; Meineke, Frag. Com. Graec. v. p. 487, vol. iv. p. 549). [P.S.]

 

 

THÉOPHILOS (Θεόφιλος), était un poète comique athénien de la Comédie moyenne, comme le démontre Meineke à partir de l'analyse des fragments qui subsistent de ses pièces. Dans un passage de Pollux (IX, 15), où il est identifié comme un poète de la Comedie nouvelle, la plupart des manuscrits portent le nom de Diphilos plutôt que celui de Théophilos. Les titres qui suivent ont été conservés par Athénée (passim) et Suidas (s. v.), excepté le premier, provenant du Scholiaste de Dionysios Thrax (p. 724. 26) : ᾿Απόδημοι, Βοιωτία, Ἐπίδαυρος, Ἰατρός, Κιθαρῳδος Νεοπτόλεμος Παγκρατιαστής, Προιτίδες, Φίλαυνος. (Fabric. Bibl. Graec. vol. II, pp. 500, 501 ; Meineke, Frag. Com. Graec. vol. I, pp. 434, 435, vol. III, pp. 626-632 ; Editio Minor, pp. 816 - 818).

 

Θεόφιλος, κωμικός. τῶν δραμάτων αὐτοῦ ἐστιν Ἰατρός, Ἐπίδαυρος, Παγκράτεια, Βοιωτία, Προιτίδες, Νεοπτόλεμος. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 9, 14, 52)

 

THÉOPOMPE (Θεόπομπος) de Chios, historien, était le fils de Damasistratos et le frère de Caucalos le rhétoricien. Il accompagna son père lorsque celui-ci fut exilé pour avoir collaboré avec les Lacédémoniens ; mais il put rentrer dans sa patrie à 45 ans, après la mort de son père, grâce à des lettres d'Alexandre le Grand dans lesquelles ce roi exhortait les gens de Chios à rappeler leurs exilés (Phot. Cod. 176, p. 120, b, éd. Bekker). Comme ces lettres paraissent avoir été rédigées au plus tôt au moment de la bataille du Granique, on peut situer son retour à Chios vers 333 av. J.- C. et sa naissance vers 378. Suidas suggère une date plus tardive pour Théopompe, et croit qu'il vint au monde à la même époque qu'Éphore, durant la période d'anarchie politique qui sévissait à Athènes en 404 av. J.- C. ; mais comme nous savons que Théopompe était encore vivant en 305, nous pouvons en conclure sans trop nous tromper que Suidas est dans l'erreur et que la date fournie par Photios est la plus exacte. Concernant la date de son départ de Chios, nous n'avons que peu d'éléments : il n'y a pas lieu ici de faire la liste de toutes les suggestions qui ont été faites à ce sujet. Cependant, nous savons qu'avant l'exil, il fréquenta l'école de rhétorique que Lysias avait ouverte à Chios, et qu'il profita amplement des leçons de ce grand homme, considéré par les Anciens comme le plus distingué de tous les professeurs (Plut. Vit. dec. Orat. p. 837, b ; Phot. Cod. 260 ; Dionys. Ep. ad Cn. Pomp. c, 6). Ephore l'historien suivit aussi son enseignement, bien qu'il fût d'un caractère différent de son maître ; d'ailleurs, Isocrate avait l'habitude de dire que, du point de vue littéraire, Théopompe avait besoin de peu de moyens, alors qu'Éphore recherchait toujours le trait piquant (Cic. Brut. 56, ad Att. VI, 1, § 12). De fait, selon l'avis d'Isocrate, Théopompe n'utilisa guère son éloquence pour plaider, préférant plutôt se livrer à l'étude et à la composition historique (Cic. de Orat. II, 13, 22). Comme Isocrate, toutefois, il écrivit quelques discours, appelés Épideitiques par les Grecs. Il disait même qu'il n'existait point de grande cités en Grèce qui n'eût reçu sa visite et où il avait obtenu quelque gloire à la suite de ses prestations oratoires. Ainsi, en 352 av. J.- C., il se rendit à Halicarnasse avec Naucratès et son maître Isocrate pour participer à un concours d'éloquence, organisée par Artémise en l'honneur de son époux, et qu'il le remporta (Aulu-Gelle, X, 18 ; Plut. Vit. dec. Orat. p. 838, b ; Eusèbe, Praep. Ev. X, 3). On ne connaît pas les autres cités qu'il visita ; il apparaît néanmoins, à la lecture de ses écrits, qu'il passa la plus grande partie de son long exil à voyager et à parfaire sa culture. Il pouvait en effet suivre un tel mode de vie en raison de sa fortune personnelle, qui lui permettait de ne pas travailler pour gagner sa vie, tel Isocrate, qui rédigeait des discours de commande ou enseignait l'art oratoire (Phot. Cod. 176 ; Dionys. Ep. ad Cn. Pomp. c, 6 ; Athénée, III, p. 85, b). Dès son retour dans sa patrie en 333, Théopompe, grâce à son éloquence, mais aussi grâce à ses relations, parvint à se hisser à une position sociale enviée à Chios ; mais son tempérament violent, son attitude hautaine, et sa morgue aristocratique héritée de son père, lui attira bientôt une foule d'ennemis. L'un des plus virulents fut le sophiste Théocrite, qui avait été également l'élève d'Isocrate, et qui était connu pour avoir attaqué sans relâche Alexandre et Aristote (Strab. XIV, p. 645). Alexandre vivant, ses ennemis n'osèrent s'en prendre à Théopompe ; même après la mort du monarque macédonien, il semble avoir bénéficié encore de la protection de la famille royale. Mais quand il perdit ses soutiens, il fut chassé de Chios en tant que perturbateur de l'ordre public. Il se réfugia en Egypte auprès du roi Ptolémée (Phot. l. c.). Si nous devons prendre à la lettre ce que nous dit Photius, Ptolémée, ne s'étant pas accordé de titre royal avant 306 av. J.- C., il faut en conclure que l'arrivée de Théopompe en Egypte serait à dater de 305, alors qu'il avait déjà 75 ans. Photius ajoute que Ptolémée, non seulement aurait refusé de recevoir Théopompe, mais aurait eu l'intention de mettre à mort ce dernier - considéré par lui comme un dangereux personnage - si des amis de l'historien n'étaient pas intervenus en sa faveur. De ses dernières années nous ne savons rien, mais il dut probablement mourir peu de temps après cet évènement.

La liste qui suit comprend tous les ouvrages de Théopompe, dont aucun n'est parvenu jusqu'à nous.

1.᾿Επιτομὴ τῶν ῾Ηροδότου ἱστοριῶν, Un résumé de l'Histoire d'Hérodote. Cet écrit est mentionné par Suidas et quelques grammairiens ; mais Vossius réfute cette attribution, à partir de l'argument selon lequel il est hautement improbable qu'un écrivain de cette trempe et de cette rigueur dans la composition historique ait pu s'engager dans une telle entreprise. Il est à supposer que cet ouvrage fut entrepris par un auteur tardif qui voulut ensuite l'attribuer au célèbre Théopompe. Il n'est cependant pas impossible que Théopompe ait composé cet épitomé dans sa jeunesse en tant qu'exercice scolaire.

2. ῾Ελληνικαὶ ἱστορίαι or Σύνταξις ῾Ελληνικῶν, Une Histoire de la Grèce, en douze livres, était la continuation de l'histoire de Thucydide. Elle commençait en 411, c'est-à-dire à partir de l'année où s'arrêtait l'histoire de Thucydide, et couvrait une période de dix-sept ans jusqu'à la bataille de Cnide en 394 (Diod. XIII, 42, XIV, 84 ; Marcellin. Vit. Thucyd. 45). Seuls quelques fragments de cet ouvrage ont été conservés.

3. Φιλιππικά, appelé aussi ῾Ιστορίαι (κατ' ἐξοχήν), l'Histoire de Philippe, père d'Alexandre le Grand, en cinquante-huit livres, du début de son règne en 360 av. J.- C. à sa mort en 336 (Diod. XVI, 3 ; Phot. Cod. 176). Schweighaeuser a supposé que les Helléniques et les Philippiques formaient un seul et même ouvrage intitulé l'Histoire de Théopompe, mais cette opinion a été réfutée avec succès par Clinton (Fasti Hell. vol. II, pp. 374, 375, 2e éd.). En effet, toutes les fois que l'Histoire de Théopompe est décrite par les Anciens, il s'agit toujours des Philippiques. Quand il s'agit d'histoire grecque, son Histoire est citée sous le titre d'Helléniques. En outre, comme Clinton l'a dit avec justesse, ces deux narrations ne peuvent former un véritable corpus historique : elles ne constituent pas un tout homogène, puisque la première s'arrête à 394, et que la seconde ne commence qu'en 360 : du fait de cette lacune de quarante-quatre années qui séparent la fin de l'un et le début de l'autre, les deux écrits ne peuvent raisonnablement s'accorder. Enfin, la longueur des Philippiques s'explique par le fait que l'auteur se livre à une abondance de digressions sur la vie et le règne du seul Philippe. S'il avait été dans l'intention de Théopompe d'écrire une histoire de la Grèce entière (comp. Polybe, VIII, 13), il aurait pris soin de relater l'histoire des autres États grecs. Certes, cette intention semble avoir été la matière de quelques-uns des livres de cet ouvrage, comme nous l'apprend Diodore (XVI, 71), qui déclare ques les livres 41, 42 et 43 étaient consacrés à l'histoire de la Sicile. Mais dans ces disgressions, nous savons que Théopompe ne faisait guère état des évènements contemporains, mais ne faisait qu'évoquer des temps fabuleux. En fait, les digressions formaient la part belle de ce travail ; et c'est ainsi que plus tard, Philippe V, roi de Macédoine, put aisément réduire l'ouvrage en seize livres en faisant abstraction de toutes les digressions, et en ne retenant que l'énoncé des faits proprement historiques (Phot. l. c.). Cinquante-trois des cinquante-huit livres de l'œuvre originale existait encore au IXe siècle de l'ère chrétienne, et furent lus par Photius, qui nous a conservé un extrait du douzième livre (Phot. l. c.). Les cinq livres perdus à l'époque de Photius étaient le sixième, le septième, le neuvième, le vingtième et le trentième : il s'agit probablement des mêmes livres qui manquaient déjà au temps de Diodore (XVI, 3). Les Helléniques périrent sans doute plus tôt, parce qu'elle étaient moins estimées : Photius ne semble pas les avoir consultées. Ces deux écrits, les Helléniques et les Philippiques, une fois réunis, contenaient, selon Théopompe lui-même, 150 000 lignes (Phot. l. c.). Les Philippiques sont constamment citées par les Anciens, et de nombreux fragments ont été préservés.

4. Orationes, qui consistaient en de brefs panégyriques, et que les Grecs appelaient Συμβουλευτικοὶ λόγοι. Outre le Panégyrique de Mausole, auquel il a été fait allusion plus haut, Théopompe comoposa les Panégyriques de Philippe et d'Alexandre (Théon, Progymn. pp. 19, 103 ; Suidas, s. v. ῎Εφορος ). De ses Συμβουλευτικοὶ λόγοι, le plus célèbre était celui adressé à Alexandre sur l'état de Chios, une œuvre parfois citée par les auteurs sous des titres variés : Συμβουλαὶ πρὸς ᾿Αλέξανδρον (Athénée, VI, p. 230, f), Συμβουλευτικὸν πρὸς ᾿Αλέξανδρον (Cic. ad Att. XII, 40), et ᾿Επιστολὴ πρὸς ᾿Αλέξανδρον (Athénée, XIII, p. 595). 

5. Κατὰ Πλάτωνος διατριβή (Athénée, XI, p. 508, c ; Diog. Laërce, III, 40), était sans doute une des digressions tirée de ses Philippiques ; même chose pour l'ouvrage portant le titre de

6. Περὶ εὐσεβείας (Schol. ad Aristoph. Av. 1354 ; Porphyre, de Abstin. II, 16).

Théopompe fut apprécié par Dionysios d'Halicarnasse (l. c.) mais aussi par d'autres auteurs anciens pour sa précision et son exactitude ; mais il fut dans le même temps critiqué par un grand nombre d'écrivains pour l'extravagance de ses éloges et pour ses oublis. On dit qu'il prenait du plaisir à blâmer autant qu'à louer ; nombre de ses jugements sur les évènements et les personnages étaient si sévères que plusieurs auteurs ont parlé de sa malignité, au point de la traiter d'insulteur (Corn. Nép. Alcib. c. 11 ; Clém. Alex. I, p. 316 ; Lucien, Quomodo Histor. conscrib. c. 59 ; Plut. Lysand. c, 30 ; Polybe, VIII, 12). Il semble que la violence du tempérament de Théopompe ait fréquemment terni son jugement, et l'ait empêché de s'exprimer avec le calme et l'impartialité que l'on attend d'un historien. Enfin, les Anciens blamaient Théopompe pour avoir introduit des foules de récits fabuleux au sein de son histoire (Cic. de Leg. I, 1 ; Élien, V. H. III, 18).

Le style de Théopompe était nettement influencé par celui d'Isocrate, et il possédait les qualités mais aussi les défauts de son maître. Il était pur, clair et élégant, mais il manquait de vigueur et était gâté par des ornements inutiles : bref, il laissait trop paraître l'artifice. Dionysios d'Halicarnasse (I. c.) l'admirait, mais bien d'autres critiques ne furent point de son avis (Longin de Subl. c, 43 ; Démétrios de Phal. περὶ ἑρμην. § 75 ; Plut. Praec. ger. Reip. c, 6, p. 803, b).

Les fragments de Théopompe ont été publiés par Wichers, sous le titre de Theopompi Chii Fragmenta, collegit, disposuit et explicavit, & c. R. H. Eyssonius Wickers, Lyon, 1829, et par C. et Théod. Müller dans les Fragmenta Historicorum Graecorum, Paris, 1841 (une Vie de Théopompe précède ces recueils de Fragments de Wichers et Müller) ; Aschbach, Dissert, de Theopomp. Francof. 1823 ; Pflugk, De Theopomp. Vita et Scriptis, Berlin, 1827 ; Vossius, De Historicis Graecis, p. 59, foil., éd. Westermann ; Clinton, Fasti Hellenici, vol. II, p. 374, foil. 2e éd.).

 

Athénée XIII, 32, 50, 67,68, 83, 89

 

TIMÉE (Τίμαιος). 

 

1. De TAUROMENIUM en Sicile, l'historien célèbre, était le fils d'Andromachus, qui avait accueilli les exilés de Naxian exilés après que leur ville eut été détruite par Denys, et installé leur dans la ville de Tauromenium, qui avait été récemment fondée, et d'où il devint le tyran, ou le chef suprême, en 358 av. J.-C. (Diod. XVI. 7, comp XIV. 59, avec la note de Wesseling). Andromachus reçut Timoléon à Tauromenium, quand il vint en Sicile en 344 av. J.-C., et il fut presque le seul tyrans à qui Timoléon laissa le pouvoir (Plut. Tim. 10; Marcellin. Vit. Thuc § 42). Nous ne connaissons pas la date exacte de la naissance ou de la mort de Timée, mais nous pouvons nous en faire une approximation, qui ne doit pas être très loin de la vérité. Nous savons que son histoire va jusqu'à  264 av. J.-C. (Polyb. I. 5), et qu'il atteignit l'âge de quatre-vingt-seize ans (Lucian, Macrob. 22). Et comme son père ne pouvait avoir été un homme très jeune entre  358 et 344 av. J.-C., époque où il était tyran de Tauromenium, on ne doit pas se tromper en plaçant la naissance de Timée en 352 av. J.-C., et sa mort en. 256 av. J.-C. Nous savons de Suidas que Timée fut instruit par Philiscus de Milet, un disciple d'Isocrate; mais nous ne savons rien de particulier de sa vie, sauf qu'il fut bani de Sicile par Agathoclès, et a passa son exil à Athènes, où il avait vécu cinquante ans quand il écrivit le trente-quatrième livre de son histoire (Diod. Exc. ex libr. XXI. p. 560, Wess.; Polyb. Exc. Vat. pp 389, 393; Plut. de Exil. p. 605, c). On ne sait pas quand il fut bani par Agathoclès, mais il a pu l'avoir été l'année où ce dernier aborda en Afrique ( 310 av. J.-C.), puisque, dit-on, le tyran, craignant une insurrection en son absence, mit à mort ou avons envoya en exil tous ceux qu'il suspectait d'hostilé à son gouvernement. (Diod. XX 4.)

Timée écrivit l'histoire de la Sicile des temps les plus anciens à 264 av. J.-C., l'année où Polybe commence l'introduction de son oeuvre (Polyb. I. 5). Cette histoire était très vaste. Suidas cite le trente-huitième livre ( s. v. ᾧ τὸ ἱερὸν πῦρ), et il y avait probablement beaucoup de livres après celui-là. Elle semble avoir été diviséé en plusieurs grandes sections, qui sont citées avec des titres séparés, bien qu'en réalité elles aient fait partie d'un grand tout. Ainsi Suidas parle d' Ἰταλικὰ καὶ Σικελικά en huit livres, et d' Ἑλληνικὰ καὶ Σικελικά. On a conjecturé que les Italica et Sicelica étaient le titre de la première partie de l'oeuvrel, période où l'histoire de la Sicile était étroitement liée à celle de l'Italie; et que la deuxième partie du travail s' appelait les Sicelica et Hellenica, et qu'elle comportait la période où la Sicile entra en contact avec la Grèce par les invasions athéniennes aussi bien que par d'autres événements. Les cinq derniers livres contenaient l'histoire d'Agathoclès (Diod. p. 561, Wess.). Timée écrivit l'histoire de Pyrrhus en un livre séparé (Dionys. I. 6; Cic. ad. Fam. v. 12); mais, comme cela faisait partie de l'époque traitée dans sa histoire générale,on peut presque le considérer comme un épisode de son histoire.

La valeur et l'autorité de Timée en tant qu'historien ont été critiquées violemment par Polybe en de nombreux endroits de son oeuvre. Il prétend que Timée manquait absolument des premières aptitudes d'un historien, car il ne possédait aucune connaissance pratique de la guerre ou de la politique, et qu'il n'avait jamais essayé d'acquérir en voyageant une connaissance personnelle des endroits et des pays qu'il décrivait; mais qu'au contraire se confina au même endroit pendant cinquante années, et c'est là qu'il obtint toute sa connaissance à partir uniquement des livres. Polvbe fait remarquer aussi que Timée était si peu observateur, et avait un si faible ugement, qu'il ne pouvait pas faire un exposé correct même sur les choses qu'il avait vues, et sur endroits qu'il avait visités; et il ajoute qu'il était aussi si superstitieux que son oeuvre abonde de vieilles traditions et fables bien connuse, alors qu'il omettait complètement des choses de grande importance ( Polyb. lib. XII avec les Fragmenta Vaticana de son oeuvre). Son ignorance de la géographie et de l'histoire naturelle semble avoir été fort grande, et Polybe mentionne fréquemment ses erreurs sur ces sujets (par exemple II. 16, XII. 3, 5). Mais Polybe porte des accusations plus graves contre Timée. Il l'accuse d'énoncer souvent des contre-vérités, de se livrer à toutes sortes de calomnies contre les hommes les plus distingués, tels que Homère, Aristote, et Théophraste, et d'attaquer ses ennemis personnels, tel Agathoclès, de la façon la plus éhontée. Ces accusations sont répétées par Diodore et d'autres auteurs anciens, chez qui Timée avait une si mauvaise réputation pour ses diffamations et calomnies, qu'il fut surnommé Epitimaeus ( Ἐπιτίμαιος), ou le Chicaneur (Athen. VI. p. 272, b ; comp. Diod. V. 1, XIII. 90, Exc. XXI. p. 561, Wess.; Strab. XIV. p. 640). Enfin, Polybe censure les discours de l'histoire de Timée, comme ne convenant pas aux orateurs, et à l'époque où soit-disant ils ont été prononcés, et comme marqués par un style oratoire scolaire, bavard, et ampoulé.

La plupart des accusations de Polybe contre Timée sont incontestablement vraies; mais à partir des récits d'autres auteurs, et à partir des fragments que nous possédons de l'oeuvre de Timée, on en arrive à la conclusion que Polybe a considérablement exagéré les défauts de Timée, et omis de mentionner ses qualités particulières. Et plusieurs des points mêmes que Polybe considérait comme de grands défauts dans son oeuvre, étaient, en réalité, ses plus grands mérites. La rationel Polybe approuvait tout à fait la façon dont Ephorus et Théopome avaient traité les mythes antiques, qu'ils ont essayés, en les dépouillant tout leurs miracles et merveilles, de transformer en histoire sobre; mais c'était un des grands mérites de Timée, que Polybe dénonce, d'essayer de donner les mythes sous leur forme la plus simple et la plus véridique, comme ils avaient été  rapportés par les auteurs les plus anciens. Il ne fait aucun doute que si la première partie de l'histoire de Timée avait été préservée, on aurait gagné une connaissance plus juste de beaucoup de points que celle des histoires de Théopompe et d'Ephore. Timaée a également rassemblé les matériaux de son histoire avec la plus grande diligence et et le plus grand soin, un fait que même Polybe est obligé d'admettre (Exc. Vat. p. 402, init.). Il a prêté aussi une attention très grande à la chronologie, et il fut le premier auteur qui introduisit la pratique de raconter le événements par Olympiades, pratique qui fut adoptée par presque tous les auteurs suivants de l'histoire grecque (Diod. V. 1). À cette fin il dressa une liste des vainqueurs olympiques, appelée par Suidas Ὀλυμπιονῖκαι ἢ χρονικὰ πραξίδια. Ciceron avait une opinion vraiment différente de Polybe sur les mérites de Timée. Il dit (de Orat. ii. 14) :—" Timaeus, quantum judicare possim, longe eruditissirnus, et rerum copia et sententiarum varietate abundantissimus, et ipsa compositione verborum non impolitus, magnam eloquentiam ad scribendum attulit, sed nullum usum forensem." (Comp. Cic. Brut. 95.)

En plus de l'Histoire de Sicile et des Olympionicae, Suidas cite deux autres oeuvres de Timée, qui ne sont mentionnées par aucun autre écrivain : Une histoire de Syrie, de ses villes et de ses rois, en trois livres Περὶ Συρίας καὶ τῶν ἐν αὐτῇ πόλεων καὶ βασιλέων βιβλία γ'.), et un recueil d'arguments de rhétorique en 68 livres ( Συλλογὴ ῥητορικῶν ἀφορμῶν) qui fut probablement écrit, comme Ruhnken l'a fait rtemarquer, par Timée le sophiste.

Les fragments de Timée ont été rassemblés par Göller, dans son De Situ et Origine Syracusarum, Lips. 1818, pp. 209 - 306, and par Car. et Theod. Müller, dans les Fragmenta Historicorum Graecorum, Paris, 1841, pp. 193 - 233, dont les deux oeuvres contiennent aussi des dissertations sur la vie et l'oeuvre de Timée (Voir Vossius, De Historiis Graecis, pp. 117 - 120, ed. Westermann ; Clinton, Fast. Hell. vol. iii. pp. 489, 490.) 

 

Diodore, XIII, 54, 60, 80, 83, 85, 89, 108, 109; XIV, 15  Polybe, II, III ; XII, I ; XII, II ; XII, V; XII, VI

 

Τίμαιος, ὁ ἱστορικός. οὗτος κατὰ τοῦ Ἐφόρου πλείστην πεποίηται καταδρομήν, αὐτὸς ὢν δυσὶν ἁμαρτήμασιν ἔνοχος, τῷ μὲν ὅτι πικρῶς κατηγορεῖ τῶν πέλας ἐπὶ τούτοις, οἷς αὐτὸς ἔνοχός ἐστι, τῷ δὲ διότι καθόλου διέφθαρται τῇ ψυχῇ, τοιαύτας ἀποφάσεις ἐκτιθέμενος ἐν τοῖς ὑπομνήμασι καὶ τοιαύτας ἐντίκτων δόξας τοῖς ἐντυγχάνουσι. πλὴν εἰ τὸν Καλλισθένην θετέον εἰκότως κολασθέντα μεταλλάξαι τὸν βίον, τί χρὴ πάσχειν Τίμαιον; πολὺ γὰρ ἂν δικαιότερον τούτῳ νεμεσήσαι τὸ δαιμόνιον ἢ Καλλισθένει. ἐκεῖνος μὲν οὖν ἀποθεοῦν Ἀλέξανδρον ἐβουλήθη, Τίμαιος δὲ μείζω ποιεῖν Τιμολέοντα τῶν ἐπιφανεστάτων θεῶν, καὶ Καλλισθένης μὲν ἄνδρα τοιοῦτον, ὃν πάντες μεγαλοφυέστερον ἢ κατ' ἄνθρωπον γεγονέναι τῇ ψυχῇ συγχωροῦσιν, οὗτος δὲ Τιμολέοντα τὸν οὐχ οἷον δόξαντά τι πεπραχέναι μεγαλεῖον, ἀλλ' οὐδ' ἐπιβαλλόμενον, μίαν δὲ τῷ βίῳ γραμμὴν διανύσαντα, καὶ ταύτην οὐδὲ σπουδαίαν τρόπον τινὰ πρὸς τὸ μέγεθος τῆς οἰκουμένης, λέγω δὴ ἐκ τῆς πατρίδος ἐς Συρακούσας. ἀλλά μοι δοκεῖ πεισθῆναι Τίμαιος, ὡς ἂν Τιμολέων, πεφιλοδοξηκὼς ἐν αὐτῇ Σικελίᾳ, καθάπερ ἐν ὀξυβάφῳ, σύγκριτος φανῆναι τοῖς ἐπιφανεστάτοις τῶν ἡρώων, κἂν αὐτὸς ὑπὲρ Ἰταλίας μόνον καὶ Σικελίας πραγματευόμενος εἰκότως παραβολῆς ἀξιωθῆναι τοῖς ὑπὲρ τῆς οἰκουμένης τῶν καθόλου πράξεων πεποιημένοις τὰς συντάξεις. ἔγραψε Περὶ Συρίας καὶ τῶν ἐν αὐτῇ πόλεων καὶ βασιλέων βιβλία γ'.

 

2. De LOCRES, en Italie, un philosophe pythagoricien, qui, dit-on, fut professeur de Platon. ( Cic. De fin. V, 29), de Re Pupl. I. 10.) Il reste une oeuvre, portant son nom, écrite en dialecte dorique, et intitulée περὶ ψυχᾶς κόσμου καὶ φύσιος; mais son authenticité est fort douteuse, et elle n'est probablement rien d'autre qu'un résumé du Timée de Platon. Cete oeuvre a été imprimée pour  la première fois dans une traduction latine par Valla, avec plusieurs autres oeuvres, Venise, 1488 et 1498. Elle a été imprimée pour la première fois en Grec à Paris, 1555, éditée par Nogarola. Elle fut est également imprimée dans beaucoup d'éditions de Platon, et dans les Opuscula Mythologica Physica et Ethica de Gale, Cambridge, 1671, et Amsterdam, 1688. Le texte grec a été édité avec une traduction française par le Marquis d'Argens, Berlin, 1762. La dernière et meilleure édition est celle J. J. de Gelder, Leyde, 1836. (Comp. Fabric, Bibl. Graec. vol. III. p. 93, foll.) Suidas dit (s. v.) que Timée écrivit la vie de Pythagore, mais comme aucun autre auteur ne mentionne un tel travail de Timée de Locres, il n'est pas impossible que cette vie de Pythagore soit simplement une partie de l'histoire de Timée de Tauromenium, qui doit avoir parlé du philosophe dans la partie de son oeuvre qui parle del'histoire des débuts de l'Italie.

 

Τίμαιος, Λοκρός, φιλόσοφος Πυθαγόρειος. μαθηματικά, Περὶ φύσεως, Περὶ τοῦ Πυθαγόρου βίου. (SUIDAS)

 

3 et 4. de CROTONE et de PAROS, philosophes pythagoriciens, (lamblich. Vit. Pyth. cap. extr.; Clem. Alex. Strom. p. 604 ; Theodoret. II. Therap. p. 36.)

 

5. de CYZIQUE,un disciple de Platon, s'efforça d'appréhendere le pouvoir suprême dans l'état (Athen. XI p. 509, a.). Diogenène Laërce (iii. 46) mentionne Timolaos de Cyzique et non Timée parmi les disciples de Platon; et par conséquent on a conjecturé qu'il y avait une corruption dans le nom, chez Athénée ou chez Diogène.

 

6. LE SOPHISTE, a écrit un Lexicon de Platon, adressé à un certain Gentianus, qui existe encore. L'époque où ce Timée vécut est tout à fait incertaine. Ruhnken le place au troisième siècle de l'ère chrétienne, qui produisit tant d'admirateurs ardents de la philosophie de Platon, tels que Prphyre, Longinus, Plotinus, &c. Le Lexicon est très bref, et porte le titre de Τιμαίου σοφιστοῦ ἐκ τῶν τοῦ Πλάτωνος λέξεων, ce qui pourait impliquer que c'est un extrait d'une plus grande oeuvre, mais Photius (Cod. 151), qui l'avait lue, l'a décrite comme une oeuvre très courte (βραχύ ποιημάτιον ἐν ἑνὶ λόγῳ). Il est évident, cependant, que le travail, comme il se trouve, a reçu plusieurs interpolations, particulièrement dans les explications des mots se trouvant chez Hérodote. Malgré ces interpolations le travail est de grande valeur, et les explications des mots sont pour certaines les meilleures qui soient arrivées jusqu'à nous des grammairiens anciens. Il a été imprimée pour la première fois, d'un manuscrit de Paris, édité par Ruhnken, Leyde, 1754, avec un commentaire très valable, et encore, avec beaucoup d'améliorations, Leyde, 1789. Il y a également deux éditions plus récentes par Koch, Leipzig, 1828, et 1833. Le recuiel d'arguments rhétoriques en 68 livres (Συλλογὴ ῥητορικῶν ἀφορμῶν) que Suidas assigne à Timée de Tauromenium, a été écrit plus probablement par Timée, l'auteur du Lexicon de Platon, comme nous l'avons déjà dit. (Préface de Ruhnken à son édition du Lexicon.)

 

7. Le mathématicien, est cité par Pline (H. N. V. 9, XVI.  22, II. 8). Suidas indique que Timée le Locrien [N° 2 ] écrivitt  des μαθηματικά, mais, on ne peut déterminer si c'était l'oeuvre du Locrien ou non.  G$Oller prétend que le fragment sur les Pléiades, préservé par le Scholiaste sur l'Iliade (XVIII. 486), et habituellement assigné à Timée de Tauromenium, est du mathématicien.

 

TIMOCLÈS (Τιμοκλς) était un célèbre comique athénien de la Comédie moyenne, qui vécut à une période de renaissance de l'énergie politique, conséquence des menaces que faisaient peser les ambitions de Philippe II ; de fait, il rendit à la comédie attique beaucoup de la vigueur et des visées premières de la Comédie ancienne, s'il faut en croire la liberté de ton avec laquelle il s'adressait au public, le nombre de ses pièces, la pureté de son style, dans lequel on ne retrouve que très rarement les tendances qui dépareront plus tard le langage attique. Le contexte de son époque est largement présent à travers les allusion de ses pièces, surtout lorsqu'il s'agit de parler des orateurs ou des hommes d'État. Comme Antiphanès, il exprima de manière sarcastique l'esprit véhément et la hardiesse rhétorique de Démosthène, qu'il attaqua, tout comme Hypéride et d'autres orateurs, quand ils reçurent de l'argent d'Harpalos. (Pseudo-PIut. Vit. X. Orat. p. 845, b ; Timoc. Heroës, ap. Athénée, VI, p. 224, a , Delus ou Delius, ap. Athénée, VIII, p. 341, e ; Clinton, F. H. s. aa. 343, 336, 324, où comme chez Meineke, d'autres allusions personnelles sont citées). La période durant laquelle se déroula sa carrière est comprise entre le milieu du IVe siècle et 324 av. J. -C. Au début de son activité, il fut le contemporain d'Antiphanès, et à la fin celui de Ménandre (Comp. Athénée, VII, p. 245, c). Un fragment d'Alexis fait allusion à l'une de ses pièces, les Icarii (Athénée III, 120, a). À travers ces témoignages, il ne fait aucun doute qu'il appartenait à la Comédie moyenne, bien que Pollux (X, 154) le reconnaisse comme un poète de la nouvelle Comédie (τοῖς νεωτέροις), peut-être, en raison de la période tardive durant laquelle il fut actif : en effet, il est le dernier poète de cette mouvance, avec Xénarchos et Théophilos.

Suidas, qui a souvent la fâcheuse tendance à fondre deux personnages en un seul, assigne à Timoclès, dans ses deux articles, 19 drames en s'appuyant sur Athénée, dans l'œuvre duquel on trouve également quelques titres non mentionnés par Suidas. D'autres sources complètent la liste que voici :

Αἰγύπτιοι, Βαλανεῖον, Δακτύλιος, Δῆλος ou peut-être Δήλιος, Δημοσάτυροι, Διονυσιάζουσαι, Διόνυσος, Δρακόντιον, ᾿Επιστολαί, ᾿Επιχαιρέκακος, Ἥρωες, Ἰκάριοι σάτυροι, Καύνιοι, Κένταυρος Δεξαμενός, Κονίσαλος, Λήθη, Μαραθώνιοι, Νέαιρα, ᾿Ορεσταοτοκλείδης, Πολυπράγμων, Ποντικός, Πορφύρα (peut-être doit-on l'attribuer à Xénarchos), Πύκτης, Σαπφώ, Συνέριθοι (doubtful), Φιλοδικαστής, Ψευδολῃσταί

Certains de ces titres prêtent à discussion, comme on le constate chez Meineke (Fabric. Bibl. Graec. vol. II, pp. 503, 504 ; Meineke, Frag. Com. Graec. vol. I, pp. 428 - 433, vol. III, pp. 590 - 613 ; Editio Minor, pp. 798 - 811). 

 

Τιμοκλῆς ἕτερος, καὶ αὐτὸς κωμικός. τῶν δραμάτων αὐτοῦ ἐστι Διονυσιάζουσαι, Πολυπράγμων, Ἰκάριοι, Δῆλος, Λήθη, Διόνυσος, Κονίσαλος, Πορφύρα [ἥτις καὶ δοκεῖ Ξενάρχου εἶναι], Ἥρωες, Δρακόντιον, Νέαιρα [ἑταίρας δὲ ὄνομά ἐστιν ἡ Νέαιρα], Ὀρέστης, Μαραθώνιοι. ταῦτα Ἀθήναιος λέγει ἐν τοῖς βιβλίοις τῶν Δειπνοσοφιστῶν. εἰσὶ δὲ καὶ ἄλλα. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 22, 27, 60

 

TIMON (Τίμων), fils de Timarchos de Phlios, était un philosophe sceptique en même temps qu'un célèbre écrivain, auteur de pièces satiriques intitulées Silles (σίλλοι) ; il florissait soue le règne de Ptolémée Philadelphe, vers 279 av. J. -C. Un charmant détail de sa vie est rapporté par Diogène Laërce, à partir du premier livre de ses Silles (ἐν τῷ πρώτῳ τῶν εἰς τοὺς σίλλους ὑπομνημάτων) ; d'autres faits marquants touchant à la biographie de Timon ont été puisés par Diogène dans les œuvres d'Antigonos de Caryste et de Sotion (Diog. Laërce IX, c, 12, §§ 109 -115). Orphelin de bonne heure, il fut d'abord choreute au théâtre, mais il abandonna ce métier pour étudier la philosophie ; de passage à Mégare, il passa quelque temps auprès de Stilpon, puis retourna dans sa patrie et se maria. Il se rendit ensuite à Élis avec sa femme et suivit l'enseignement de Pyrrhon, dont il adopta les idées, aussi loin que son génie et son scepticisme satirique le lui permettaient. Durant son séjour à Élis, il eut des enfants dont Xanthos, qu'il instruisit dans l'art de la médecine et auquel il inculqua ses principes philosophiques, en vue d'en faire son successeur et son représentant (καὶ διάδοχον τοῦ βίου κατέλιπε ; mais ces mots ne signifient pas forcément qu'il en ait fait l'héritier de ses idées). Quittant de nouveau Élis pour des raisons qui nous sont inconnues, il passa quelque temps du côté de l'Hellespont et de la Propontide ; il enseigna à Chalcédoine comme sophiste et ce, avec un tel succès qu'il finit par s'enrichir. Enfin, il se rendit à Athènes, où il vécut jusqu'à sa mort, si l'on excepte un bref séjour à Thèbes.Parmi, les grands hommes qu'il eut l'occasion de côtoyer pendant ses nombreux voyages, figurent les rois Antigonos et Ptolémée Philadelphe. On dit qu'il assista Alexandre d'Étolie et Homéros dans la composition de leurs tragédies, et qu'il fut le professeur d'Aratos (Suid. s. v. ῎Αρατος). "Ces indications, nous dit Clinton, marquent son époque. Il pourrait avoir suivi l'enseignement de Stilpon à Mégare trente-cinq ans avant le règne de Philadelphe." (Fast. Hellen. vol. III, s. aa. 279, 272). Il mourut quasi nonagénaire. Parmi ses élèves, on trouve Dioscoride de Chypre, Nicolochos de Rhodes, Euphranor de Séleucie, et Praylos de Troade. Timon semble avoir été doté par la nature d'un esprit vif et puissant, et d'une perception aiguë de la folie humaine, qui lui permirent de se défier à la fois des hommes et des vérités, ce qui en fit un sceptique intégral du point de vue philosophique et un satiriste mordant. D'après Diogène, Timon avait un physique disgracieux, détail qui explique pour certains que cette laideur ait été couplée avec un tel esprit, celle-ci l'ayant obligé à redoubler d'effort dans ses discours ; on dit aussi qu'il était borgne ; profitant de ce défaut, il se surnomma lui-même "Cyclope". Plusieurs exemples de ses traits d'humour ont été rapportés par Diogène ; l'un d'eux est devenu proverbial : Aratos lui demandant comment obtenir un texte parfait d'Homère, il répondit : " Si nous trouvons les copies anciennes et en y retranchant les ajouts modernes." On dit encore qu'il se mit à l'écart et se consacra au jardinage ; mais une telle assertion venant de Diogène et d'autres auteurs jette le doute, puisqu'il se pourrait bien qu'ils aient fait une confusion entre Timon de Phlios et Timon le misanthrope.

La production littéraire de Timon semble avoir été énorme. Selon Diogène, dont les propos sont assez flous à cet égard, il composa ἔπη, καὶ τραγῳδίας, καὶ σατύρους, καὶ δράματα κωμικὰ τριάκοντα, τραγικὰ δὲ ἑξήκοντα, σίλλους τε καὶ κιναίδους. La double mention de ses tragédies accroît la suspicion, Diogène ayant combiné deux sources différentes pour établir cette liste ; mais peut-être la chose est-elle explicable si l'on suppose que les mots τραγικὰ δὲ ἑξήκοντα ont été insérés simplement en vue de placer ses tragédies à côté de ses comédies. Une autre difficulté tient au nombre colossal et à la variété des travaux poétiques attribués à Timon ; mais cette profusion n'est pas surprenante en soi venant de la part d'un auteur vivant dans une époque qui exaltait l'imitation et l'universalité ; il ne faut pas s'étonner non plus que son goût pour le drame l'ait amené à composer 60 tragédies et 30 comédies, dont des drames satyriques. Un fait est toutefois à observer : la composition de tant de pièces par le même auteur est certainement l'indication qu'elles étaient seulement destinées à la lecture et non jouées sur une scène. Aucun de ses drames n'est parvenu jusqu'à nous.On sait peu de choses de ses poèmes épiques ; on peut supposer qu'ils étaient pour lui un amusement, à moins qu'ils n'aient été des poèmes satiriques usant de la forme épique. Sans doute son Python (Πύθων), qui renfermait le long récit d'une conversation avec Pyrrhon, au cours d'un voyage à Pytho, doit être classé dans cette catégorie ; l'œuvre devait être en prose (Diog. Laërce IX, 64, 105 ; Eusèbe Praep. Ev. adv. p. 761, a). Il est probable que son ᾿Αρκεσιλάου περίδειπνον ou περίδειπνον était un poème satirique en vers épiques (Diog. Laërce X, 115 ; Athénée IX, p. 406, e). S'il écrivit des parodies d'Homère ou s'il ne se contenta que de parodier occasionnellement des passages des poèmes homériques, on ne peut le dire avec certitude au vu des quelques fragments retrouvés où il parodie effectivement Homère, comme ce vers conservé par Diogène :῎Εσπετε νῦν μοι ὅσοι πολυπράγμονές ἐστε σοφισταίn (il s'agit d'une parodie évidente d'une invocation homérique (Iliade II, 484),῎Εσπετε νῦν μοι Μοῦσαι ᾿Ολύμπια δώματ' ἔχουσαι.Toutefois, les plus célèbres de ses poèmes sont les pièces satiriques, appelées Silles (σίλλοι), mot d'une étymologie douteuse, mais qui désigne certainement des compositions métriques d'un caractère humoristique et sarcastique. L'invention de ce genre poétique est décrite par Xénophane de Colophon. Les Silles de Timon étaient réparties en trois livres : dans le premier, il parlait de lui-même ; quant aux deux autres, ils consistaient en un dialogue entre l'auteur et Xénophane de Colophon, Timon lui posant des questions et celui-ci lui répondant. Ces poèmes avaient pour but de railler les philosophes, qu'ils soient morts ou encore vivants ; c'était un vrai festival de satire et de scepticisme. Ils étaient écrits en hexamètres, et si l'on se fie à ce qu'en disent les auteurs anciens, on avait affaire aux productions les plus géniales écrites dans ce genre littéraire (Diog. l. c.; Aristoclès ap. Eusèbe Praep. Ev. XIV, p. 763, c ; Suid. s. v. σιλλαίνει, Τίμων ; Ath. passim; Gell. III, 17). Des commentaires furent écrits sur les Silles par Apollonidès de Nicée, mais aussi par Sotion d'Alexandrie (Athénée VIII, p. 336, d). Le poème intitulé ᾿Ινδαλμοί en vers élégiaques, semble apparenté à un sujet digne des Silles (Diog. Laërce IX, 65). Diogène cite également de Timon ἰαμβοί (IX, 110), mais peut-être le mot est-il ici utilisé au sens général de satire sans aucune référence au mètre.Timon composa aussi une œuvre en prose. Diogène parle de 20000 lignes. Ces travaux traitaient sans doute de sujets philosophiques, mais tout ce que nous savons de leur caractère spécifique est contenu dans les trois références faites par Diogène sur les œuvres de Timon : iπερὶ αἰσθήσεως, περὶ ζητήσεως et κατὰ σοφίας.Les fragments de ses poèmes ont été recueillis par H. Stephanus, dans ses Poësis Philosophica, 1573, 8vo. ; par J.F. Langenrich, à la fin de ses Dissertationes III. de Timone Sillographo, Lips. 1720, 1721, 1723, 4to. ; par Brunck, in his Analecta, vol. II, pp. 67, foil. ; par F. A. Wolke, dans sa monographie De Graecorum Syllis, Varsav. 1820, 8vo. ; et par F. Paul, dans sa Dissertatio de Sillis, Berol. 1821, 8vo. (Voir aussi Creuzer et Daub Studien, vol. VI, pp. 302, foil. ; Ant. Weland, Dissert. de praecip. Parodiarum Homericarum Scriptoribus apud Graecos, pp. 50, foil. Göttingen 1833, 8vo. ; Fabric. Bibl. Graec. vol. III, pp. 623 - 625 ; Menag. ad Diog. Laërt. I, c. ; Welcker, die Griech. Tragöd. pp. 1268, 1269 ; Bode, Gesch. d. Hellen. Dichtk. vol. II pt. 1, pp. 345 - 347 ; Ulrici, vol. II, p. 317 ; Clinton, F. H. vol. III, p. 495).

 

Athénée XIII, 53, 76, 91

 

L. AELIUS TUBERO, un ami intime de Cicéron. C'était une relation et un camarade de classe de l'orateur, il avait servi avec lui lors de la guerre marsique et avait ensuite servi sous son frère Quintus comme légat en Asie. On ne sait pas de quelle manière il se lia à Cicéron. Le Scholiaste du discours pour Ligarius dit (pp. 415, 417, ed. Orelli) que Tubero maria la soeur de Cicéron. Nous savons que Cicéron n'a pas eu de soeur; mais le frère du père de l'orator eut une fille, qui se maria avec Tubero; et par conséquent nous devons comprendre soror dans ce passage, comme il le fait souvent, comme cousine et pas soeur, (Drumann, Gesckichte Roms, vol. vi. p. 273.) A l'éclatement de la guerre civile, Tubero, qui épousa le parti de Pompée, reçut du sénat la province de l'Afrique; mais comme Atius Varus et Q. Ligarius, qui appartenaient aussi au parti aristocratique, ne la lui donnaient pas, il quitta Pompée en Grèce. Il fut plus tard pardonné par César et revint à Rome avec son fils Quintus. (Cic. pro Lig. 4, 7, 8, ad Q. Fr. i. 1. § 3, pro Planc. 41.) Tubero s'interessait à la literature zt à la philosophue. Il écrivit une Histoire (Cic. ad Q. Fr. I. c.), et le philosophe Aenesidemus lui dédicaça son oeuvre sur Pyrrhon le philosophe sceptique. (Phot. Cod. 212).

 

Q. AELIUS TUBERO,le fils de Lucius (voir ci-dessus) est né probablement vers 74 av. J.-C. Dans sa jeunesse, il fit un discours (46 av. J.-C.) devant C. Julius Caesar contre Q. Ligarius, qui était défendu par Cicéron dans un discours qui existe encore (pro Q. Ligario). Quand L. Tubero, qui fut nommé gouverneur de l'Afrique par le sénat, essaya d'y débarquer, Ligarius, qui commandait l'Afrique en qualité de légat, empêcha Lucius de débarquer avec son fils Quintus, qui l'accompagnait; et ce fut la cause principale de l'hostilité de Tubero contre Ligarius. Le discours solennel de Tubero est mentionné par Quintilien (Instit. Orat. x. I. § 23, xi. 1. § 78). Après son échec, Tubero s'appliqua à l'étude du Jus Civile sous la férule d'Ofilius; et il obtint une réputation considérable. Il avait une grande connaissance du Jus Publicum et Privatum, et il écrivit plusieurs travaux sur ces deux divisions de la loi; mais il affectait un mode désuet d'expression, qui rendait ses écrits peu agréables à lire (Pomponius, Dig. 1. tit. 2. s. 2. § 46): de cette remarque de Pomponius nous pouvons inférer que les travaux de Tubero existaient quand il écrivait ces mots. Tubero épousa une fille de Servius Sulpicius, et la fille de Tubero était la mère du juriste C. Cassius Longinus. On ne sait si ce Tubero était consul sous Auguste en 11 av. J.-C., avec P. Fabius Maximus, parce que son consulat n'est pas mentionné par Pomponius, mais cette omission n'est pas déterminante contre le témoignage des Fasti Capitolini et et celui dePline (H. N. viii. 17). Une oeuvre de Tubero, "De Officio Judicis" est mentionnée par Aulu-Gelle (xiv 2); et une autre "Ad C. Oppium" est mentionnée par ce même Aulu-Gelle (vii. 19). Comme son père, Q. Tubero écrivit une Histoire (Liv. iv. 23 ; Suet. Caes. 83), mais on ne peut déterminer si les citations d'Aulu-Gelle (vi. 3, 4) sont reprises de l'histoire du père ou du fils.Tubero le juriste, qui est souvent cité dans le Digest, est ce Tubero ; mais il ne reste rien de ses écrits.

 

XANTHUS (Ξάνθος ὁ Λυδὸς).  Un historien célèbre de Lydie, plus âgé qu'Hérodote, qui, dit-on fut redevable du travail de Xanthus (Ephor. ap. Ath. XII p. 515, ῾Ηροδότῳ τὰς ἀφορμὰς δεδωκότος; le récit de son influence sur Hérodote est remis en cause par Dahlmann, de Herod, p. 121). Suidas fait lui le fils de Candaules, et natif de Sardes; mais il y a raison de croire que ces récits ne reposent sur aucune autorité valable. Strabon (XIII. p. 628, a.) le cite en ces termes: - " Et on dit que Xanthus, l'historien ancien, est un Lydien; mais s'il était de Sardes, nous ne le savons pas." Suidas fixe sa époque "à la prise de Sardes," qui, si il y a une once de vérité dans ce récit, doit se rapporter à la prise de Sardes par les loniens en 499 av. J.- C. Cette date, cependant, semble un peu trop ancienne, en comparaison avec la mention de Xanthus par Denys de Halicarnasse (De Jud. Thuc. p. 818), parmi les auteurs qui étaient "un peu plus vieux que la guerre du Péloponnèse, et dont l'époque rejoignit celle de Thucydide." Il y a une autre indication sur l'époque de Xanthus, qui dit, si la citation est véritable, qu'il a écrit, ou continué à écrire, son histoire après 464 av. J.-C.;  Strabon (I. p. 49, c.) nous dit qu'il a parlé d'une grande période de sécheresse sous le règne d'Artaxerxès, qui est arrivé sur le trône en 464 av. J.-C.. C'est donc l'opinion des critiques, ou bien la date donnée par Suidas doit être celle de la naissance de Xanthus, de qui est le sens fort inusité de γεγονώς dans Suidas, ou bien le passage a été corrompu par un scribe, qui a accidentellement répété le mot Σάρδεων. (le passage est Ξάνθος, Κανδαύλου, Λυδὸς ἐκ Σάρδεων, ἱστορικός, γεγονὼς ἐπὶ τῆς ἁλώσεως Σάρδεων.) C'est la suggestion de Creuzer, qui propose de substituer Ἀθηνῶν pour Σάρδεων, ce qui fait passer l'époque de Xanthus à la prise d'Athènes par Xerxès, en 480 av. J.-C.; mais, bien que cette correction puisse donner une date plus vraisemblable pour Xanthus, elle ne peut être guère acceptée par rapport à ce que Suidas a écrit.

Une question bien plus importante, que cette différence de vingt ans environ dans la datation de Xanthus, est celle de l'authenticité des quatre livres de l'histoire de Lydie (Λυδιακὰ βιβλία δ', Suid.), qui les anciens possédaient, aussi bien qu'un épitomé de ceux-ci par un certain Menippus (Diog. Laert. VI. 101, [Μένιππος] ὁ γράψας τὰ περὶ Λυδῶν καὶ Ξάνθον ἐπιτεμόμενος), et dont quelques fragments considérables sont arrivés jusqu'à nous. L'autheticité du travail a été posée par certains des grammairiens anciens eux-mêmes. Le témoignage important à ce sujet est dans le passage ci-dessus cité d'Athenée, qui cite un passage en tant que venant de Xanthus le Lydien, ou d'un auteur des histoires qu'on lui attribue, à savoir Dionysius Scytobrachion, car Artémon de Cassandreia dit (ἐν τῷ περὶ Συναγωγῆς [ἀναγωγῆς] Βιρβίων, ne sachant pas qu'Ephore l'historien le mentionne, &c." On le verra immédiatement que la réponse d'Athénée au récit d'Artémon prouve seulement, sans aucun doute, l'existence et l'époque de Xanthus, mais pas l'authenticité du travail, qu'on lui attribue. Un argument pour soutenir l'authenticité de l'oeuvre a été tiré des termes  passionés de l'éloge que fait Denys d'Halicarnasse quand il parle de Xanthus (ἱστορίας παλαιᾶς εἰ καί τις ἄλλος ἔμπειρος ὦν, τῆς δὲ πατρίου καί βεβαιωτὴν ἂν οὐδενὸς ὑποδεέστερος νομισθείς). Mais ici nous n'avons aucune preuve de l'authenticité de l'oeuvre, dont l'acceptation tacite par un auteur tel que Denys peut à peine être considérée comme un argument valable par rapport au jugement critique positif d'Artémon; car on peut citer des exemples (voir Müller, loc. inf. cit.) où Denys fait des références similaires à d'autres travaux, que des auteurs plus anciens ont déclaré être faux; et d'ailleurs il y a un passage dans lequel Denys lui-même fait en passant une allusion aux doutes sur l'authenticité de certains auteurs anciens, dans une question qui semble impliquer qu'il ne s'est pas inquiété d'étudier avec minutie de telles questions; et elle est très probable, en considérant la nature des fragments qui sont arrivés jusqu'à nous sous le nom de Xanthus, en plus que le caractère du travail historique de Denys lui-même, l'admiration de ce dernier pour les anciens était plus forte à cause de leur richesse en histoires mythiques, que provoquée par une saine évaluation critique de leur valeur en tant qu'historiens dignes de confiance. Parmi les savants modernes, Creuzer, dans son édition des fragments de Xanthus, maintent l'autenticité de l'oeuvre, alors que Welcker a construit une théorie élaborée contre lui (Archiv de Seebod. 1830, pp 70, foll.), dont un résumé est donné par C. Müller (loc. inf. cit.) qui accepte la conclusion de Welcker. Il est certain qu'une grande partie des textes des fragments existants soit fausse; et il est probable que le l'oeuvret dont ils sont tirés soit la production d'un grammairien d'Alexandrie, basée sur l'oeuvre véritable de Xanthus. C. Müller a signalé ces passages qui, à son avis, sont plus que probablement des parties du travail original. Ils sont d'une grande valeur. Une oeuvre sur la religion des Mages (μαγικά) était aussi attribuée à Xanthus (Clem. Alex, Strom. III. p. 185 ; Diog. Laërt. Praef. 2) ; mais la Vie d'Empédocle, qui est mentionnée par Diogène Laërce (VIII, 63) comme une oeuvre de Xanthus, doit être probablement attribuée à un autre auteur du même nom. (Fabric. Bibl. Graec. vol. ii. p. 159; Vossius, de Hist. Graec. pp. 32 - 34, ed. Westermann ; Creuzer, Historicorum Graec. Antiquiss. Fragmenta, Heidelb. 1806, 8vo.; C. Müller, Fragmenta Historicorum Graecorum, pp. xx - xxiii., 36 - 44 ; K. O. Müller, Gesch. d. Griech. Lit. vol. Ï. p. 478, p. 264, Engl. trans.) [P. S.]

 

Ξάνθος, Κανδαύλου, Λυδὸς ἐκ Σάρδεων, ἱστορικός, γεγονὼς ἐπὶ τῆς ἁλώσεως Σάρδεων. Λυδιακὰ βιβλία δ#. ἐν δὲ τῷ δευτέρῳ τούτων ἱστορεῖ, ὡς πρῶτος Γύγης ὁ Λυδῶν βασιλεὺς γυναῖκας εὐνούχισεν, ὅπως αὐταῖς χρῷτο ἀεὶ νεαζούσαις. οὗτος ἱστορεῖ ὁ Ξάνθος, Ἄλκιμόν τινα βασιλεῦσαι τῆς ἐκεῖσε χώρας, εὐσεβέστατον καὶ πραότατον ἄνδρα, καὶ ἐπ' αὐτοῦ γενέσθαι εἰρήνην βαθεῖαν καὶ πλοῦτον πολύν, ἀδεῶς δὲ καὶ ἀνεπιβουλεύτως ζῆν ἕκαστον. εἶτα ἐπειδὴ ἑπτὰ ἔτη ἦν τῷ Ἀλκίμῳ, προελθόντας τοὺς Λυδοὺς παγγενῆ τε καὶ πανδημεὶ προσεύξασθαι καὶ αἰτῆσαι τῷ Ἀλκίμῳ τοιαῦτα ἔτη δοθῆναι ἐς τὸ Λυδῶν ἀγαθόν: ὃ καὶ γέγονε: καὶ ἐν εὐποτμίᾳ τε καὶ εὐδαιμονίᾳ πολλῇ διῆγον. (SUIDAS)

 

XÉNARCHOS (Ξέναρχος), poète comique athénien de la Comédie moyenne, était le contemporain de Timoclès, et il vécut au plus tard à l'époque d'Alexandre le Grand. Les titres de ses pièces ont été conservés avec un certain nombre de fragments : Βουταλίωνν Δίδυμοι, Πένταθλος, Πορφύρα, Πρίαπος, Σκύθαι, Στρατιώτης, ῞Υπνος (Suid. s. v. ; Ath. passim.). Fabricius et d'autres spécialistes l'ont confondu avecle mimographe, qui avait vécu 60 ou 70 ans auparavant, et qui avait écrit dans un dialecte différent. (Fabric. Bibl. Graec. vol. II, p. 505; Clinton, F. H. vol. II, Intro. p. XIV ; Meineke, Frag. Com. Graec. vol. I, p. 434, vol. III, pp. 614 - 625, Editio Minor, pp. 811 - 815). 

 

Ξέναρχος, κωμικός. τῶν δραμάτων αὐτοῦ ἐστι Βουκολίων, [ὡς] Ἀθήναιός φησιν ἐν β# Δειπνοσοφιστῶν: καὶ Πορφύρα καὶ Σκύθαι, ὡς ὁ αὐτός. καὶ Δίδυμοι καὶ Πένταθλος καὶ Πρίαπος, Ὕπνος, Στρατιώτης. (SUIDAS)

 

Athénée XIII, 7, 24

 

XENOPHON (Ξενοφῶν), l'Athénien, était le fils de Gryllus, et natif du dème Ercheia. Le moment de sa naissance n'est pas connu, mais on peut approximativement la trouver par le fait mentionné dans la vie de Xénophon de Diogène Laërce, et dans Strabon (p. 403, ED. Cas.) : Xénophon est tombé de cheval dans sa fuite après la bataille de Délium, et il fut pris par Socrate, le philosophe, sur ses épaules et porté sur une distance des plusieurs stades. La bataille de Délium eut lieu en 424 av. J.-C. entre les Athéniens et les Béotiens (Thucyd. IV. 96), et Xénophon ne pouvait pas donc être né après  444 av. J.-C. Le moment de sa mort n'est mentionné non plus par aucun auteur ancien. Lucien dit (Macrob. 21) qu'il atteignit plus de quatre-vingt-dix ans, et Xénophon lui-même dans ses Helléniques (VI, 4. § 35) mentionne l'assassinat d'Alexandre de Phères qui eut lieu en 357 av. J.-C., en accord avec Diodore (XVI, 14). Entre 424 et 357 av. J.-C., il y a une période de 66 ans, et nous savons donc clairement avons que Xénophon vécut presque soixante-dix ans après que Socrate lui eut sauvé la vie à Délium. On a beaucoup discuté sur l'âge de Xénophon au moment où il rejoingnit l'expédition de Cyrus le Jeune, en 401 av. J.-C. Ceux qui font de lui un jeune homme entre vingt et trente ans doivent rejeter le témoignage de la bataille de Délium. Plutarque raconte que Socrate sauva la vie d'Alcibiade à Potidée, et qu'Alcibiade protégea Socrate lors de la retraite après la défaite à Délium (Alcib. 7). Le passage de l'Anabase (II. 1. § 12)  où Xénophon s'appelle νεανίσκος n'est pas décisif, parce que dans ce passage de l'Anabase les meilleurs MSS lisent Théopompe au lieu de Xénophon; et, sans compter que le mot νεανίσκος n'est pas employé en se limitant à un jeune homme. Xénophon paraissait pour Seuthes (Anab. VII, § 2. 8) assez vieux pour avoir une fille à marier. Cette question est discutée assez longuement par C. W. Krüger (De Xenophontis Vita Quaestiones, Halle, 1822). La conclusion la plus probable semble être que Xénophon n'avait pas moins de quarante ans quand il se joignit à l'armée de Cyrus. La façon dont Xénophon se présente dans l'Anabase (III. 1) ferait presque conclure que son nom ne doit pas se rencontrer dans les deux premiers livres. (Comp. Clinton, Fast. Hell. 401 av. J.-C.)

On dit que Xénophon fut l'élève de Socrate dès son jeune âge, ce qui correspond avec l'intimité qui pourrait avoir résulté de Socrate lui sauvant sa vie. Philostrate déclare qu'il a aussi été instruit par Prodicus de Céos, pendant qu'il était prisonnier en Béotie, mais personne d'autre, parmi les auteurs qui font autorisé ne parlent de cette captivité de Xénophon. Photius (Biblioth.CCLX) dit que Xénophon fut aussi l'élève d'Isocrate, ce qui peut être vrai, bien qu'Isocrate fut plus jeune que Xénophon, (il était né en 436 av. J.-C.). Une histoire racontée par Athénée (X. p. 427) sur quelque chose que Xénophon dit à la table de Denys le tyran, doit se rapporter probablement à Denys l'Ancien qui vécut jusqu'en  367 av. J.-C.; et si le récit est vrai, Xénophon doit avoir visité Syracuse. Letronne (Biogr. Univ. art. Xenophon), s'efforce de prouver que Xénophon a écrit le Banquet et le Hiéron avant 401 av. J.-C.; mais on peut à peine dire que sa conclusion soit fort probable. Xénophon fut l'éditeur de l'Hhistoire de Thucydide, mais on ne peut en fixer la date; et nous ne pouvons approuver la conclusion de Letronne qui prétend qu'il a édité ce travail avant 401 av. J.-C.

Xénophon a pu être à Athènes en 402 av. J.-C., et Thucydide était peut-être mort alors; mais ces deux faits ne prouvent rien quant au moment où le travail de Thucydide a été édité [thucydide.] 

Xénophon dans l'Anabase (III. 1) raconte les circonstances dans lesquelles il a rejoint l'armée de Cyrus le Jeune, qui préparait son expédition contre son frère, Artaxerxès Mnemon, roi de Perse. Proxène, un ami de Xénophon, était déjà avec Cyrus, et il invita Xénophon à venir à Sardes, et lui promit de le présenter au prince perse. Xénophon consulta son maître Socrate, qui lui conseilla de consulter l'oracle de Delphes, parce que c'était plutôt dangereux d'entrer au service de Cyrus, qui était considéré comme l'ami des Lacédémoniens et l'ennemi d'Athènes. Xénophon alla à Delphes, mais il ne demanda pas au dieu s'il devait y aller ou non. Il demanda simplement demandé à quels dieux il devait sacrifier pour qu'il puiise réussir l'entreprise qu'il avait prévue. Socrates ne fut pas satisfait de la manière dont son élève avait consulté l'oracle, mais comme il avait une réponse, il lui dit de partir; et Xénophon alla à Sardes, que Cyrus était juste sur le point de quitter. Le véritable but de l'expédition était caché aux Grecs de l'armée de Cyrus, ou du moins ils faisauent semblant de ne pas le savoir.  mais Cléarque le savait et reste pouvait le devinner. Cyrus prétendit qu'il allait attaquer les Pisidiens, mais la direction de sa marche prouva bientôt qu'il allait ailleurs. Il mena ses forces en Asie Mineure, et par la les montagnes de la Tauride à Tarse en Cilicie. De là il passa en Syrie, traversa l'Euphrate, et rencontra l'énorme armée des Perses dans la plaine de Cunaxa, à environ quarante milles de Babylone. Dans l'échauffourée qui s'ensuivit, car ce n'était pas une bataille, Cyrus perdit la vie, ses troupes barbares furent dispersées, et les Grecs furent laissés seuls au milieu des larges plaines entre le Tigre et l'Euphrate. Ce fut après le massacre déloyal de Cléarque et des autres commandants grecs par le satrape perse Tissapherne, que Xénophon se mit en avant. Il n'avait tenu aucun commandement dans l'armée de Cyrus, et il n'avait pas en fait servi comme soldat. Au commencement du troisième livre de l'Anabase il raconte comment il fut appelé pour prendre part à la conduite de la retraite dangereuse. Au lieu d'essayer de retourner par la route par où ils étaient venus, où ils n'auraient trouvé aucun approvisionnement, du moins jusqu'à ce qu'ils atteignent la méditerranée, les chefs grecs conduisirent leurs hommes le long du Tigre et de au-delà des hauts-plateaux de l'Arménie jusque Trapezus, maintenant Trébizonde, une colonie grecque sur la côte sud-est de la Mer Noire. De Trapezus les troupes furent conduites à Chrysopolis, qui est en face de Byzance. Les Grecs étaient dans une grande détresse, et certains d'entre eux sous les ordres de Xénophon entrèrent au service de Seuthès, roi de Thrace, qui voulait leur aide, et leur avait promid de les payer. Les Grecs exécutèrent ce qu'ils avaient accepté de faire, mais Seuthès fut peu disposé à les payer, et ce fut avec grande difficulté que Xénophon obtint de lui à une partie de ce qu'il avait promis. La description que Xénophon donne (Anab. VI. 3, &c.) des moeurs des Thraces est très curieuse et amusante. Pendant que les Lacédémoniens sous les ordres de Thimbron étaient maintenant en guerre avec Tissapherne et Pharnabaze, Xénophon et ses troupes furent invités à rejoindre l'armée de Thimbron, et Xénophon les mena hors de l'Asie pour rejoindre Thimbron en 399 av. J.-C.. Xénophon, qui était très pauvre, fit une expédition dans la plaine du Caicus avec ses troupes avant de rejoindre Thimbron, pour piller la maison et la propriété d'un Perse appelé Asidates. Le Perse, ses femmes, ses enfants, et tous son mobilier qu'on pouvait emporter furent pris; et Xénophon, par ce vol, remplit  ses poches vides (Anab. VII, 23 § 8. ). Il raconte l'histoire lui-même comme s'il n'en avait pas honte.

Socrate a été mis à mort en 399 av. J.-C., et il paraît probable que Xénophon ait été bani peu avant ou peu de temps après cet événement. Sa mort pendant l'absence de Xénophon en Asie semble être confirmée par les Mémorables (IV. 8. § 4). Xénophon n'a pas été bani au moment où il ramenait les troupes à Thimbron (Anab. VII, § 7. 57), mais son expression semble plutôt laisser entendre que son exil doit avoir eu lieu un peu  après. Ile n'est pas certain de ce qu'il fit après que les troupes aient rejoint Thimbron. L'hypothèse de Letronne qu'il est allé à Athènes ne se vérifie pas par des preuves. Comme nous ne connaissons rien de ses mouvements, la conclusion doit être qu'il est resté en Asie, et probablement avec Thimbron et son successeur Dercyllidas.

Agésilas, roi de  Sparte, commandait les forces lacédémoniennes en Asie contre les Perses en 396 av. J.-C., et Xénophon fut avec lui au moins pendant une partie de la campagne. Quand Agésilas fut rappelé en 394 av. J.-C., Xénophon l'accompagna (Anab. V. 3 § 6), et il fut du côté des Lacédémoniens lors de la bataille de Coronée en 394 av. J.-C. contre les Athéniens (Plutarch, Agesil. 18). Il semble qu'il alla à Sparte avec Agésilas après la bataille de Coronée, et que peu après qu'il s'installa à Scillus en Elée, pas loin d'Olympie, un endroit dont il a donné une description dans l'Anabase (V. 3. § 7, &c.). Là il fut rejoint par son épouse Philesia et ses enfants. On a dit que Philesia était sa deuxième épouse; mais on ne sait où et quand il l'épousa. Ses enfants furent instruits à Sparta, ou du moins Agésilas l'a conseillé de les instruire là. (Plut. Agesil. 20.) Xenophon était maintenant un exilé, et un Lacédémonien autant qu'il put le devenir.

Son temps libre pendant sa longue résidence à Scillus fut utilisé à la chasse, à l'écriture, et à s'amuser avec ses amis; et probablement dans ses écrits historiques, l'Anabase et les Helléniques, ou une partie des Helléniques, ont été composés là, comme le dit Diogène Laërce. Le traité sur la chasse et celui sur le cheval ont été probablement écrits à cette époque, quand amusement et exercice de cette sorte formaient une partie de son occupation. Mais Xénophon fut expulsé de sa retraite silencieuse à Scillus par les Eléens, mais on ne connaît pas l'année. C'est une conjecture de Krüger que les Eléens n'ont pas pris Scillus avant 371 av. J.-C., l'année où les Lacédémoniens furent battus par  les Thébains à la bataille de Leuctres. Diogenène indique que lee Lacédémoniens ne vinrent pas à l'aide de Xénophon quand il fut attaqué par les Eléens, une circonstance qui peut mener à penser que probablement ils étaient occupés trop activement ailleurs pour empêcher son expulsion ou pour le rétablir; et c'est une raison pour laquelle Letronne suppose que les Eléens ont probablement attaqué Scillus en 368 av. J.-C. pendant l'invasion de la Laconie par Epaminondas. La résidence de Xénophon à Scillus dans l'un ou l'autre cas duta plus de vingt ans. La sentence d'exil d'Athènes fut abrogée par une motion d'Eubule, mais on ne sait pas en quelle année. Lors de la bataille de Mantinée qui eut lieu en 362 av. J.-C., le Spartans et les Athéniens furent opposés aux Thébains et les deux fils de Xénophon, Gryllus et Diodorus, combattirent du côté des alliés. Il les envoya, dit Diogeène, à Athènes pour combattre au nom du Spartiates. Gryllus tomba dans la même bataille où Epaminondas perdit la vie. Vu que les deux fils de Xénophon participèrent à la bataille, Letronne suppose que le décret d'exil de Xénophon devait avoir été abrogé avant 362 av. J.-C., une conclusion qui est loin d'être nécessaire. Krüger conclut pour d'autres raisons quil fut abrogé avant Ol,103, c.-à-d., avant la bataille de Mantinée. Rien ne prouve que Xénophon soit jamais revenu à Athènes. On dit qu'il se retira à Corinthe après son expulsion de Scillus, et comme nous ne savons rien de plus, nous supposons qu'il y est mort. (Diog. Laërt.)

L'Hipparque a été écrit après le décret de l'abrogation de l'exil et le Traité sur les revenus d'Athènes. Les événements allusifs dans l'Epilogus de la Cyropédie (VIII. 8. § 4) monternt que l'Epilogus du moins a été écrit après l'Ol. 104. 3. (Diod. XV. 92) Diogène cite Stesicleides comme autorité pour dire que Xénophon mourut la première année de la 105e olympiade, ou en 359 av. J.-C.. Il se peut qu'il mourut quelques années plus tard. Comparez Clinton, Fasti. Hell. B. C. 359; Krüger, de Xenophontiis, &c. p. 28.

Les titres des oeuvres de Xénophon que Diogène énumère sont les mêmes que celles qui existent aujourd'hui. Il dit que Xénophon écrivit environ quarante livres (βιβλία), et qu'ils ont été différemment divisés : l'expression et la liste des oeuvres qu'il donne, montre que par le mot livres il a voulu dire les multiples divisions ou livres d'oeuvres plus grandes, et les oeuvres plus petites qui se composent d'un livre simple. Le nombre de livres de Xenophon estimés ainsi est de 36, ce qui est à peu près du nombre mentionné par Diogène, et prouve qu'une division des oeuvres de Xénophon en livres existait à cette époque. Des écrits historiques de Xénophon, l'Anabase, ou le Histoire de l'expédition du Cyrus le Jeune, et de la retraite des Grecs, qui faisaient partie de son armée, a immortalisé son nom. Il est un clair et le récit est agréable, écrit dans un style simple, libéré d'affectation; et il fournit beaucoup d'informations curieuses sur les pays traversés par les Grecs lors de la retraite, et sur les moeurs de leurs peuples. C'était le premier travail qui met les Grecs au courant de quelques parties de l'empire perse, et il montre la faiblesse de cette monarchie étendue. Les escarmouches des Grecs lors de leur retraite avec leurs ennemis et les batailles avec certaines tribus barbares ne sont pas des événements tels à amener une oeuvre au nom d'une histoire militaire, ni peut elle en tant que telle être comparée aux commentaires de César. En effet ces passages dans l'Anabase qui se relient directtement aux mouvements militaires de l'armée en retraire ne sont pas toujours clairs, ni il n'est pas évident du tout que Xénophon ait possédé un quelconque talent militaire pour de grandes opérations, quelque compétence qu'il ait pu avoir en tant que commandant d'une division. Les éditions de l'Anabase sont nombreuses: une des éditions les plus utiles pour la seule explication du texte grec est celle de Krüger. Le travail du Major Rennell "Illustrations chiefly geographical of the History of the expedition of Cyrus, &c. Londres, 1807, 4to." est un commentaire utile sur l'Anabase, auquel on peut ajouter les diverses remarques supplémentaires dans le London Geographical Journal. (voyez l'index aux dix premiers volumes.) La traduction par Spelman est peut-être la meilleure traduction anglaise.

Dans un passage des Helléniques (III. I.§ de 1), l'auteur dit, " Comment Cyrus rassembla une armée et marcha ensuite contre son frère, comment se livra la bataille, comment il y périt et comment après cela, les Grecs parvinrent heureusement à la mer, tout cela a été raconté par Thémistogénès de Syracuse." Ce passage semble suffisamment parler de l'Anabase, cependant l'extrait ne dit rien sur le trajet les Grecs firent de Trapezus à Byzance. Plutarque (De Gloria Athen. vol. II. ed. Wyttenbach) indique que Xénophon a attribué l'Anabase à Themistogenes pour que l'oeuvre puisse avoir plus de crédit, que s'il apparaissait comme le récit de quelqu'un qui avait tant à dire de lui-même. On peut supposer qu'il y avait une oeuvre sur l'expédition de Cyrus par Themistogenes, et que Xenophon écrivit son Anabase après avoir écrit ce passage dans les Helléniques. Mais ce n'est qu'une conjecture, et elle n'est pas satisfaisante. Quand nous lisons l'Anabase nous ne doutons jamais de que Xénophon en était l'auteur, parce que il parle de lui dans de nombreux d'endroits d'une manière dont aucune autre personne ne pourrait parler: il raconte, par exemple, les rêves et les pensées, que personne ne pourraient savoir excepté lui. L'Anabase, donc, comme nous l'avons, a été écrite par Xénophon, ou compilée de ses notes; et la référence au travail de Themistogenes montre soit qu'il y avait un tel travail, soit que le travail de Xénophon est passé sous le nom de Themistogenes, au moment où le passage dest Helléniques a été écrit, si Xénophon a écrit ce passage dans les Helléniques. La proposition de Bornemann de traduire les mots dans les Helléniques, Θεμιστογένει τῷ Συρακοσίῳ γέγραπται., "das habe ich für den Themistogenes geschrieben" est tout à fait inadmissible.

Les Helléniques ('Ἑλληνικά) de Xénophon sont divisées en sept livres, et comprennent l'espace de 48 ans, du moment où l'histoire de Thucydide se termine à la bataille de Mantinée en 362 av. J.-C. Mais le fait de l'assassinat d'Alexandre de Phères est mentionné (VI. 4. 35), référence toujours faite sur laquelle les Fastes de Clinton peuvent être consultés. C'est l'opinion de Niebuhr et de d'autres que les Helléniques se composent de deux parties ou oeuvres distinctes écrites à différentes périodes. L'histoire de Thucydide devait se terminer par la prise d'Athènes, en 404 av. J.-C., qui est décrite dans le deuxième livre (Hellen. II. 2); le reste de ce livre raconte l'histoire du retour de Thrasybule et des exilés, en 403 av. J.-C. Le deuxième paragraphe du troisième livre où Themistogenes est mentionné, peut être considéré comme l'achèvement de l'histoire jusqu'à 399 av. J.-C; et un nouveau récit apparaît au commencement du troisième paragraphe du troisième livre ( Ἐπεὶ μέντοι Τισσαφέρνης, &c.). Mais cela ne semble pas une raison suffisante pour considérer les hélléniques comme  deux oeuvres, parce qu'une expression à la fin du deuxième livre se rapporte à l'amnistie athénienne (ἔτι καὶ νῦν ὀμοῦ, &c.) en 403 av. J.-C., et parce que la mort d'Alexandre de Phères est indiquée dans le sixième. Ceci montrerait seulement que Xénophon a eu le travail longtemps en mains. La division dans des livres ne prouve rien, parce qu'elle était postérieure à l'époque de Xenophon. (Les Helléniques de Xénophon, et leur division en livres, par G. C. Lewis, Classical  Museum, n° IV.)

Les Helléniques sont généralement un récit sec des événements, et il n'y a rien dans le traitement de ceux-ci qui donne un intérêt spécial au travail. Quelques événements importants sont brièvement traités, mais quelques incidents saisissants sont présentés avec une certaine particularité. Il y a une traduction anglaise des Helléniques de W. Smith, le traducteur de Thucydide.

La Cyropédie (Κυροπαιδεία) en huit livres, est une sorte de roman politique, dont la raison est l'histoire de Cyrus, le fondateur de la monarchie perse. Il montre comment des citoyens deviennent vertueux et courageux; et Cyrus est le modèle d'un pouvoir sage et bon. Comme une histoire il n'y a aucune vaisemblance. Xénophon a adopté les histoires courantes sur Cyrus et sur les événements principaux de son règne, sans aucune intention de les soumettre à un examen critique; et nous n'avons aucune raison de supposer que son image des moeurs perses et de la discipline perse soit autre chose qu'une fiction, parce que nous savons que plusieurs des usages des Perses du temps du premier Darius et de ses successeurs étaient différentes des usages que Xénophon attribue aux Perses; et Xénophon lui-même l'affirme. Sans compter que Xénophon ne pouvait connaître plus des Perses de l'époque du premier Cyrus que les autres Grecs; et, laissant de côté l'invraisemblance de sa peinture, nous sommes certains qu'il ne pouvait pas connaître beaucoup de choses qu'il a présentées dans son roman. Son objet était de représenter ce que pouvait être un état, et il a placé  la scène de sa fiction assez loin en arrière pour lui donner la couleur de la possibilité. Ses propres notions philosophiques et les usages de Sparte étaient les vrais matériaux avec lesquels il a construit son système politique. La Cyropédie prouve assez que Xénophon n'aimait pas la constitution politique de son propre pays, et qu'une monarchie ou un royaume bien commandés lui paraissaient préférables à une démocratie comme Athènes. L'authenticité de l'épilogue ou de la conclusion, où Xénophon montre comment les Perses dégénérèrent depuis l'époque de Cyrus, est mise en doute par certains critiques; mais il semble n'y avoir aucune raison suffisante. L'auteur ici dit  que : "Il s'est avéré que les Perses de son époque, et les peuples placés sous leur dépendance, révèrent moins les dieux et ont moins de pitié pour leurs parents, et sont plus malhonnêtes les uns envers les autres, et moins courageux dans la guerre maintenant qu'ils ne l'étaient auparavant; et si un homme a une opinion contraire, il trouvera, s'il regarde leur conduite, qu'elle témoigne en faveur de la vérité de ce que je dis." La Cyropédie est une des oeuvres les plus agréables de Xénophon, et elle contient beaucoup de bons conseils sur la formation de la jeunesse. Les remarques de Xénophon sont pratiques; nous ne trouvons dans ses écrits aucune pensée qui nous frappe comme très profonde ou nouvelle, mais nous découvrons toujours l'observation soigneuse de la vie humaine, du bon sens, et du but honnête. Le discours de la mort de Cyrus (VIII, 7) est digne de l'élève de Socrate, et Cicéron (de Senectute, 22) a transposé sa substance pour renforcer son argument de l'immortalité de l'âme. On peut présumer d'après ce passage l'évidence de la croyance de Xénophon dans l'existence de l'âme (ψυχή) indépendante de l'être organisé dans ce qui agit. "Je ne saurai jamais être persuadé," dit Cyrus, "que l'âme vit aussi longtemps qu'elle est dans un corps périssable, et qu'elle meurt quand elle est séparée de lui." L'argument de Xénophon a quelque ressemblance avec l'argument de l'évêque Butler, dans son Analogie, où il traite d'une vie future (chap. I.). Il y a une traduction en anglais de la Cyropédie par Maurice Ashley Cowper.

L'Agésilas (Ἀγησίλαος) est un panégyrique d'Agésila II, roi de Sparte, ami de Xénophon. Que Xénophon ait écrit une telle oeuvre est confirmé par la liste de Diogène, et le témoignage de Cicéron (ad Fam. V. 12), qui le considère comme un monument plus glorieux que toutes les statues des rois. Quelques critiques modernes ne considèrent pas le travail qui nous est parvenu comme méritant tant d'éloge élevée, chose à laquelle on peut répondre, qu'il sera difficile de trouver un panégyrique qui le soit. C'est un genre de composition dans lequel on peut à peine éviter l'échec. Malgé tout  il est insipide et semble exagéré.

L'Hipparque (Ἱππαρχικός) est un traité sur les devoirs d'un commandant de cavalerie, et il comporte beaucoup de préceptes militaires. On aurait tendance à supposer qu'il a été écrit à Athènes, mais cette conclusion, comme beaucoup d'autres qui paraissent évidentes, n'est pas satisfaisante. Une sorte de dévotion traverse ce traité; et sur celle-ci l'auteur fait la remarque suivante à la fin du livre: "Et si quelqu’un s’étonne que j’aie si souvent répété qu’il faut agir avec l’aide des dieux, je lui répondrai qu’il s’en étonnera moins, s’il est souvent au danger, et s’il réfléchit qu’en temps de guerre on se tend réciproquement des pièges et qu’on ne sait point en quoi ils consistent. Or, en pareille occurrence, il n’y a personne qui puisse donner un conseil, sauf les dieux. Ils savent tout et l’annoncent à qui ils veulent par l’intermédiaire des victimes, des oiseaux, des voix et des songes. Or il est naturel qu’ils soient plus disposés à conseiller ceux qui ne se bornent pas à leur demander ce qu’il faut faire à l’heure du besoin, mais qui les honorent encore, autant qu’ils le peuvent, dans la prospérité."

De l'Équitation (Ἱππική) a été écrit après l'Hipaprque, oeuvre dont il se réfère à la fin du traité de l'Équitation "puisque," dit Xenophon, au début de ce traité, "une longue pratique du cheval nous fait croire que nous avons acquis quelque expérience de l’équitation. En conséquence nous voulons indiquer à ceux de nos amis qui sont jeunes les principes que nous regardons comme les meilleurs pour traiter les chevaux.." Le traité ne se limite pas à l'équitation, en ce qui concerne le cavalier: il montre comment un homme doit éviter d'être trompé en achetant un cheval, comment un cheval doit être formé, etc. Au commencement du traité Xénophon se rapporte à un traité sur le même sujet par Simon. L' Ἱππική a été traduit en anglais, et imprimé par Henry Denham, Londres, 1584, 4to.

La Cynegétique (Κυνηγετικός) est un traité sur la chasse, passe-temps dont Xénophon était très friand; et sur le chien, et sur l'élevage et le dressage des chiens, sur les divers sortes de gibier, et sur la façon de les prendre. C'est un traité écrit par un sportif véritable, qui aimait l'exercice et l'excitation de la chasse; et un sportif qui mérite son nom peut le lire avec le plaisir.

Les deux oeuvres sur les constitutions spartiates et athéniennes (Λακεδαιμονίων Πολιτεία, et Ἀθηναίων Πολιτεία) n'ont pas été toujours considérés comme des oeuvres véritables de Xénophon, même par les anciens. Ils passent, cependant, sous son nom, et il n'y a rien à l'intérieur qui semble jeter un doute sur la paternité. L'auteur préfère clairement la constitution spartiate à celle des Athéniens. La "République d'Athènes" a été traduite en anglais par James Morris, 1794, 8vo. 

Un traité sur les revenus d'Athènes (Πόroi ἢ περὶ Προσόδων) est conçu pour montrer comment les revenus de l'Etat athénien peuvent être améliorés: il traite de la façon d'augmenter le nombre d'étrangers résidents  (μέτοικοι), en améliorant leur condition à Athènes, amélioration qui serait finalement salutaire aux revenus, et attirerait des étrangers; et il recommande les facilités à donner aux étrangers commerçant à Athènes, comment les inciter à venir dans un port où ils ne sont pas contraints d'y aller, comme dans beaucoup de ports, pour prendre des marchandises, sans une bonne monnaie courante, mais où ils pourraient prendre l'argent comme produit de l'échange, s'ils le préféraient: il continue alors par discuter sur la façon d'améliorer les revenus par une meilleure gestion des mines d'argent athéniennes, et prouver qu'il faut prendre des dispositions pour les citoyens plus pauvres et d'autres propositions, sans prélever de contributions sur les alliés et les états soumis. Ce traité a été traduit en anglais, par Walter Moyle, 1697, 8vo., et est réimprimé dans ses oeuvres. Böckh, dans sa Public Economy of Athens, traduite en anglais par G. C. Lewis, a discuté de ce traité de Xénophon, et de son contenu.

Dans les Mémorables de Socrate, en quatre livres (Ἀπομνημονεύματα Σωκράτους) Xénophon défend la mémoire de son maître contre l'accusation d'irreligion (I. 1) et de corruption de la jeunesse athénienne. Socrate est représenté tenant une série de conversations, où il développe et inculque des doctrines morales dans sa façon de faire particulière. C'est entièrement un travail pratique, tel que nous pouvons attendre de la nature pratique de l'esprit de Xénophon, et il prétend montrer Socrate comme il enseigne. Il est vrai qu'il va montrer seulement un côté de l'argumentation socratique, et qu'il ne s'occupe pas de ces subtilités et disputes verbales qui occupent une si grande place dans certains dialogues de Platon. Xénophon était un auditeur de Socrate, un admirateur de son maître, et impatient de défendre sa mémoire. Les accusations contre Socrate qui le faisaient souffrir étaient (Mem. I. 1), celles-ci "Socrate était coupable de ne pas croire aux dieux auquels l'état croyait, et il introduisait d'autres nouveaux démons (δαιμόνια): il était également coupable de corrompre la jeunesse." Xénophon (c. I, 2) répond à ces deux accusations de façon précise; et il continue alors par montrer (c. 3) quelle était la façon de vivre de Socrate. L'oeuvre entière est prévue pour être une réponse à 'accusation pour laquelle Socrate a été exécuté, et il n'est, donc, par nature, pas prévu que ce soit une présentation complète de Socrate. Il est indiscutable que c'est une image véritable de l'homme, et c'est le monument le plus valable que nous ayons de la philosophie pratique de Socrate. Les Mémorables seront toujours sous-estimées par les amoureux du transcendental, qui donnent à un jargon inintelligible des mots le nom de philosophie: ce qui est trop près du sens commun (sensus communis) de l'homme pour être estimé par ceux qui veulent être au-dessus de ce sens commun, et qui ont à apprendre encore qu'il n'y a pas une notion simple de la philosophie qui n'est pas exprimée ou pas impliquée implicitement dans le langage commun de la vie. Les Mémorables et les l'Apologie de Socrate (Ἀπολογία Σωκράτους πρὸς τοὺς δικαστάς) ont été traduits en anglais par Sarah Fielding. L'Apologie de Socrate contient les raisons qui conduisent Socrate à préférer la mort à la vie. Ce n'est pas un travail de premier ordre; et parce qu'ils ne le considèrent pas digne de Xénophon, quelques critiques refuseraient qu'il en soit l'auteur; mais c'est une raison peu concluante. Laërce déclare que Xénophon a écrit une Apologie, et l'original est probablement arrivé jusqu'à nous comme une contrefaçon.

Dans le Symposion (Συμπόσιον) ou Banquet des philosophes, Xénophon retrace le caractère de Socrate. Les inerlocuteurs sont censés se réunir à la maison de Callias, un riche Athénien, à la célébration des grandes Panathénées. Socrate, Cratibule, Antisthène, Charmides, et d'autres sont les interlocuteurs. Les à-côtés du divertissement sont gérés avec habilité, et l'oeuvre est intéressante en tant qu'image d'un banquet athénien, et du divertissement et de la conversation qu'on y tenait. On discute de la nature de l'amour et de l'amitié. Quelques critiques pensent que le Symposium est une oeuvre de jeunesse, et que le Banquet de Platon a été écrit après celui de Xénophon; mais une vieille tradition prétend que le Symposium de Platon ait été écrit avant celui de Xénophon. Le Banquet a été traduit en anglais par James Wellwood, 1710, réimprimé 1750.

Le Hiéron (Ἱέρων ἢ Τυραννικός) est un dialogue entre le roi Hiéron et Simonide, dans lesquel le roi parle des dangers et des difficultés inhérents à une situation de haut rang, et du bonheur supérieur d'un homme privé. Le poète, d'autre part, énumère les avantages que donne la possession du pouvoir, et les moyens qu'il offre d'obliger et de rendre des services. Hiéron parle du fardeau du pouvoir et répond à Simonide, qui se demande pourquoi un homme devrait garder ce qui est si pénible, en disant que le pouvoir est une chose auquelle un homme ne peut renoncer sans risque. Simonide fait quelques suggestions sur la meilleure utilisation du pouvoir, et sur la façon de l'utiliser dans l'intérêt public. Letronne suggère que Xénophon ait pu être amené à écrire ce traité par ce qu'il a vu à la cour de Denys; et, comme on l'a déjà dit, on raconte qu'il visita la Sicile durant la vie du tyran de Syracuse. Une traduction de cette oeuvre, qui est attribuée à Elizabeth, reine d'Angleterre, est apparue pour la première fois dans un volume in octavo, édité en 1743, intitulé "Correspondance diverse." Il a été également traduit, en 1793, 8vo., par le Rev. James Graves, le traducteur des Méditations de Marc-Aurèle.

L'Économique (Οἰκονομικός) est un dialogue entre Socrates et Critobule, où Socrate commence par prouver qu'il y a un art appelé Économique, qui se rapporte à l'administration d'un ménage et de la propriété d'un homme. Socrate (c. 4), en faisant l'éloge de l'agriculture, cite l'exemple du Cyrus le Jeune, qui était un fanatique de l'horticulture, et qui avait un jour montré au spartiate Lysandre les jardins dont il avait fait les plans et les arbres qu'il avait planté de ses propres mains. Cicéron copia ce passage, dans son traité sur la Vieillesse (de Senectute, c. 17). Xénophon donne le même caractère à Cyrus, dans ce passage de l'Économique, que celui qu'il donne dans l'Anabase (i. 8, 9), ce qui tend à confirmer qu'il est l'auteur de l'Anabase, s'il fallait le confirmer. En réponse aux éloges de l'agriculture, Critobule parle des pertes auxquelles le maître est exposé à cause de la grêle, du gel, de la sécheresse, et d'autres causes. La réponse de Socrate est que maître doit avoir confiance  dans le ciel, et adorer les dieux. Le septième chapitre est sur le devoir d'une bonne épouse, illustré par l'exemple de l'épouse d'Ischomaque, le devoir de l'épouse est de s'occuper de l'intérieur du ménage: le mari travaille dehors et produit ce que l'épouse doit employer avec frugalité. Le devoir de l'épouse est de rester à la maison, et ne pas se balader dehors. C'est un excellent chapitre, abondant de bonnes choses, digne d'être lu soigneusement par une femme, et adapté à la pratique. Une épouse qui part sans arrêt de sa maison, n'est pas l'épouse que Xénophon voudrait avoir. C'est une notion qu'on voit chez quelques auteurs modernes, que l'attachement du mari et de l'épouse, indépendant de la passion sexuelle, et de leur amour permanent lorsque tous les deux ont vieilli, est une caractéristique de la société moderne, et que les hommes de la Grèce et de Rome n'étaient pas susceptibles de cette affection qui survit à l'affaiblissement de la jeunesse et de la beauté d'une femme. La raisonnement est trop absurde pour devoir être réfuté. Les fonctions d'une épouse, indique Ischomaque, lui donnent de grandes occasions, en s'exerçant à ne pas craindre "que pendant qu'elle vieillit elle reçoive moins de respect dans le ménage, mais elle peut être assurée que pendant qu'elle avance en âge, meilleure compagne elle sera pour son mari et meilleure gardienne elle sera pour ses enfants, plus elle recevra de respect." C'est une des meilleures oeuvres de Xénophon. Elle a été plusieurs fois traduite en anglais. La dernière traduction semble être celle de R. Bradley, Londres, 1727, 8vo.

On ne  peut retrouver entièrement le caractère d'un homme à partir de ses écrits, particulièrement s'il traite de science exacte. Pourtant les écrits d'un homme sont un certain indicateur de son caractère, et quand ils sont de type populaire et divers, ce n'est pas un mauvais indicateur. Xénophon, comme nous le connaissons par ses écrits, était un homme plein d'humanité, du moins pour son temps, un homme de bonne intelligence et ayant de forts sentiments religieux: nous pourrions l'appeler superstitieux, si le nom de superstition avait une signification bien définie. Quelques critiques modernes, qui peuvent juger des sujets de l'antiquité avec beaucoup de certitudes comme si toute preuve qui existe était une preuve indubitable, et comme s'ils avaient toutes les preuves exigées, en trouvent beaucoup pour s'opposer à la conduite de Xénophon en tant que citoyen. Il n'a pas aimé du tout  les institutions athéniens; mais un homme n'a aucun engagement moral ou politique envers le gouvernement sous lequel il est né. Son devoir est de se conformer à lui, ou se retirer. Il n'y a aucune preuve que Xénophon, après son exil, ait agi contre son pays d'origine, même à la bataille de Coronée. Si nous admettons que son exil était mérité, et cela est ne peut être prouvé, il n'y a aucune preuve qu'il ait fait quelque chose après que son bannissement dont un exilé aurait pu être blâmé. Si sa préférence des institutions spartiates contre celle des Athéniens est un sujet de blâme, il est blâmable en effet. Si nous pouvons émettre une conjecture sur l'homme, il aurait fait un excellent citoyen et un bon administrateur sous une monarchie constitutionnelle; mais il n''était pas adapté aux turbulences d'une démocratie athénienne, qui, pendant une grande partie de sa vie, n'était pas plus du goût d'un homme silencieux que la France sous la convention. Toute l'antiquité et tous les auteurs modernes sont d'accord pour donner à Xenophon un grand mérite comme un auteur d'un style uni, simple, clair, et sans affectation. Son esprit n'était pas adapté à la spéculation philosophique pure: il a regardé le pratique dans toutes les choses; et la base de sa philosophie était une croyance forte dans une médiation divine dans le gouvernement du monde. Sa croyance exige seulement peu de correction et de modification, pour nous permettre de la décrire comme une conviction profonde que Dieu, dans la constitution des choses, a donné une direction morale au monde, aussi manifestement qu'il a donné des lois pour les actions mécaniques et chimiques de la matière, de l'organisation des plantes et des animaux, et les énergies essentielles de tous les êtres qui vivent et bougent.

Il y a de nombreuses éditions de l'ensemble ou des oeuvres séparées de Xénophon. Les Helléniques, la première des oeuvre de Xénophon à être imprimée, a été imprimé à Venise, en 1503, fol. par Aldus l'Ancien, avec le titre de Paralipomena, et comme supplément à Thucydide, qui fut imprimé l'année d'avant. La première édition générale est celle de E. Boninus, imprimée par P. Giunta, et consacré à Léon X., Florence, 1516, fol.; mais cette édition ne contient pas l'Agesilas, l'Apologie et le traité sur les revenus d'Athènes. Une partie du traité sur la Constitution d'Athènes manque également. Cette édition de Giunta est un très bon spécimen très bon d'ancienne impression, et utile à un éditeur de Xénophon. L'édition d'Andrea d'Asola, imprimé par Aldus à Venise, 1525, folio, contient toutes les oeuvres de Xenophon, sauf l'Apologie; bien que l'Apologie ait été déjà éditées par J. Reuchlin, Hagenau, 1520, 4to., avec l'Agésilas et le Hiéron. L'édition de Bâle, imprimée par N. Brylinger, 1545, fol. est la première édition du texte grec avec une traduction latine. L'édition de H. Stephane, 1561, fol., contient un texte modifié, et l'édition de 1581 a une version latine. L'édition de Weiske, Leipzig, 1798 - 1804, 6 vols. 8vo., a fait quelque chose pour l'amélioration du texte. La plus prétentieuse des éditions est celle de Gail, Paris, 6 vols. 4to. 1797 - 1804; un septième volume, en trois parties, publié après, contient les diverses lectures de trois MSS., des notifications sur les MSS. et des observations, littéraires et critiques, et un atlas des cartes et des plans. Cette édition contient le texte grec, la version latine, une version française et des notes; la version latine est celle de Leunclavius, occasionnellement corrigée; et le Français n'est pas entièrement nouveau, parce que l'auteur a pris les versions françaises de diverses parties des travaux de Xénophon. Letronne, dans son article sur Xenophon (Biogr. Univers.), a fait un exposé de cette édition prétentieuse, qui a très peu de mérite. J. G. Schneider a remis à jour l'édition de Zeune, et les diverses parties des travaux de Xénophon sont apparues entre 1791 et 1815. Les éditions des multiples oeuvres sont trop nombreuses pour être mentionnées.
Fabricius (Bibliotheca Graeca), Schöll (Geschichte der Griechischen Literatur), Letronne (Biogr. Univ. art. Xenophon), et Hoffmann (Lexicon Bibliographicum) fourniront des informations complètes au sujet des nombreuses éditions et des traductions. Quant aux sept Lettres attribué à Xénophon, parmi les quarante et une appelées prétendument Lettres Socratiques, la même remarque s'applique à elles qu'à la plupart des restes littéraires grecs de cette sorte; ce sont seulement des essais rhétoriques.

 

ZÉNÉOS ou ZÉNIS (Ζῆνις ἢ Ζηνεύς), originaire de Chios, écrivit un ouvrage sur sa patrie (Athénée, XIII, p. 601, f). Comme il n'est mentionné que dans ce passage du Banquet, on a pensé que ce nom était erroné et qu'il fallait plutôt l'identifier avec Xenomède, lui aussi historien de Chios (Müller, Fragm. Hist. Graec, vol. II, p. 43, Paris, 1848).

 

Athénée XIII, 77

 

ZÉNON (Ζήνων ὁ ᾿Επικουρείος) était un philosophe épicurien, originaire de Sidon. Il fut le contemporain de Cicéron, qui suivit ses leçons à Athènes. On le surnomme parfois le Coryphée des Épicuriens (Cic. de Nat. Deor. I, 21, 33, 34). Il semble avoir été célèbre pour sa façon quelque peu cavalière de traiter les autres philosophes. C'est ainsi qu'il qualifia Socrate de "bouffon attique" (Cic. de Nat. D. I, 34). Il fut le disciple d'Apollodore (Diog. Laërce X, 25), et il est décrit par Laërce comme un penseur très solide et un remarquable débatteur. Cicéron ne tarit pas d'éloges à son propos (distincte, graviter, ornate disputabat, de Nat. Deor. I, 21). Zénon pensait que le bonheur consistait à savourer les plaisirs de l'instant en s'efforçant d'en profiter la vie entière, ou tout au moins le plus longtemps possible (Tusc. III, 1, 7). Posidonios écrivit un traité pour réfuter ses arguments (Proclus ad I. Euclid, III).

 

Athénée XIII, 15, 92

 

ZÉNOPHANE (Ζηνοφάνης), écrivain grec, est cité par Athénée (X, p. 424, c, XIII, p. 576, d) dans deux passages, d'où il émane qu'il dut écrire un ouvrage sur l'amitié (τὸ συγγενικόν). Les critiques modernes proposent de changer son nom en Xénophane ; toutefois, on retrouve le nom "Zénophane" dans Strabon (XIV, p. 672) et sur quelques inscriptions.

 

Athénée XIII, 37