Aristote : Traité de l'Ame

ARISTOTE

TRAITE DE L'AME.

LIVRE III (PARTIE I)

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Autre traduction

 

 

 

 

TRAITÉ DE L'AME.

 

LIVRE TROIS.

 

PARTIE I (chapitre VI à XIII)

 

 

 

 

 

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CHAPITRE VI.

L'intelligence est, de sa nature propre, Infaillible, tant qu'elle ne s'applique qu'aux indivisibles. L'erreur ne vient jamais que des combinaisons de la pensée. L'intelligence, dont la fonction est de prononcer sur l'essence et non sur les accidents des choses, ne peut point se tromper.

430a27 1 Ἡ μὲν οὖν τῶν ἀδιαιρέτων νόησις ἐν τούτοις περὶ ἃ οὐκ ἔστι τὸ ψεῦδος, ἐν οἷς δὲ καὶ τὸ ψεῦδος καὶ τὸ ἀληθές σύνθεσίς τις ἤδη νοημάτων ὥσπερ ἓν ὄντων-καθάπερ Ἐμπεδοκλῆς ἔφη "ᾗ πολλῶν μὲν κόρσαι ἀναύχενες ἐβλάστησαν", ἔπειτα συντίθεσθαι τῇ φιλίᾳ, οὕτω καὶ ταῦτα κεχωρισμένα συντίθεται, οἷον τὸ ἀσύμμετρον καὶ ἡ διάμετρος-  2 ἂν δὲ γενομένων 430b  ἢ ἐσομένων, τὸν χρόνον προσεννοῶν [καὶ] συντίθησι. Τὸ γὰρ ψεῦδος ἐν συνθέσει ἀεί· καὶ γὰρ ἂν τὸ λευκὸν μὴ λευκὸν <φῇ, τὸ λευκὸν καὶ> τὸ μὴ λευκὸν συνέθηκεν· ἐνδέχεται δὲ καὶ διαίρεσιν φάναι πάντα. λλ' οὖν ἔστι γε οὐ μόνον τὸ ψεῦδος ἢ ἀληθὲς ὅτι λευκὸς Κλέων ἐστίν, ἀλλὰ καὶ ὅτι ἦν ἢ ἔσται. Τὸ δὲ ἓν ποιοῦν ἕκαστον, τοῦτο ὁ νοῦς. 3  430b6 Τὸ δ' ἀδιαίρετον ἐπεὶ διχῶς, ἢ δυνάμει ἢ ἐνεργείᾳ, οὐθὲν κωλύει νοεῖν τὸ <διαιρετὸν ᾗ> ἀδιαίρετον, <οἷον> ὅταν νοῇ τὸ μῆκος (ἀδιαίρετον γὰρ ἐνεργείᾳ), καὶ ἐν χρόνῳ ἀδιαιρέτῳ· ὁμοίως γὰρ ὁ χρόνος διαιρετὸς καὶ ἀδιαίρετος τῷ μήκει. Οὔκουν ἔστιν εἰπεῖν ἐν τῷ ἡμίσει τί ἐνόει ἑκατέρῳ· οὐ γὰρ ἔστιν, ἂν μὴ διαιρεθῇ, ἀλλ' ἢ δυνάμει. Χωρὶς δ' ἑκάτερον νοῶν τῶν ἡμίσεων διαιρεῖ καὶ τὸν χρόνον ἅμα, τότε δ' οἱονεὶ μήκη· εἰ δ' ὡς ἐξ ἀμφοῖν, καὶ ἐν τῷ χρόνῳ τῷ ἐπ' ἀμφοῖν.  4   [Τὸ δὲ μὴ κατὰ τὸ ποσὸν ἀδιαίρετον ἀλλὰ τῷ εἴδει νοεῖ ἐν ἀδιαιρέτῳ χρόνῳ καὶ ἀδιαιρέτῳ τῆς ψυχῆς.] Κατὰ συμβεβηκὸς δέ, καὶ οὐχ ᾗ ἐκεῖνα, διαιρετὰ ὃ νοεῖ καὶ ἐν ᾧ χρόνῳ, ἀλλ' ᾗ <ἐκεῖνα> ἀδιαίρετα· ἔνεστι γὰρ κἀν τούτοις τι ἀδιαίρετον, ἀλλ' ἴσως οὐ χωριστόν, ὃ ποιεῖ ἕνα τὸν χρόνον καὶ τὸ μῆκος. Καὶ τοῦθ' ὁμοίως ἐν ἅπαντί ἐστι τῷ συνεχεῖ, καὶ χρόνῳ καὶ μήκει. 430b20α <Τὸ δὲ μὴ κατὰ τὸ ποσὸν ἀδιαίρετον ἀλλὰ τῷ εἴδει νοεῖ ἐν ἀδιαιρέτῳ χρόνῳ καὶ ἀδιαιρέτῳ <τῳ> τῆς ψυχῆς.> 5  430b20 δὲ στιγμὴ καὶ πᾶσα διαίρεσις, καὶ τὸ οὕτως ἀδιαίρετον, δηλοῦται ὥσπερ ἡ στέρησις. Καὶ ὅμοιος ὁ λόγος ἐπὶ τῶν ἄλλων, οἷον πῶς τὸ κακὸν γνωρίζει ἢ τὸ μέλαν· τῷ ἐναντίῳ γάρ πως γνωρίζει. 6 Δεῖ δὲ δυνάμει εἶναι τὸ γνωρίζον καὶ †ἐνεῖναι ἐν αὐτῷ†. Εἰ δέ τινι μηδὲν ἔστιν ἐναντίον [τῶν αἰτίων], αὐτὸ ἑαυτὸ γινώσκει καὶ ἐνέργειά ἐστι καὶ χωριστόν. 7  στι δ' ἡ μὲν φάσις τι κατά τινος, ὥσπερ καὶ ἡ ἀπόφασις, καὶ ἀληθὴς ἢ ψευδὴς πᾶσα· ὁ δὲ νοῦς οὐ πᾶς, ἀλλ' ὁ τοῦ τί ἐστι κατὰ τὸ τί ἦν εἶναι ἀληθής, καὶ οὐ τὶ κατά τινος· ἀλλ' ὥσπερ τὸ ὁρᾶν †τοῦ ἰδίου ἀληθές, εἰ δ' ἄνθρωπος τὸ λευκὸν† ἢ μή, οὐκ ἀληθὲς ἀεί, οὕτως ἔχει ὅσα ἄνευ ὕλης.

§ 1. 430a27 Ainsi donc, l'intelligence, quand elle ne s'applique qu'aux indivisibles, ne peut commettre d'erreur; car dans les cas où il y a erreur et vérité, c'est qu'il y a déjà comme une combinaison de pensées, réduites à une sorte d'unité. Cela rappelle ce qu'Empédocle disait : « C'est ainsi que pour beaucoup d'êtres des têtes vinrent à pousser sans col, » et que plus tard les cous et les têtes se combinèrent par la puissance de l'amour. De même aussi les pensées, toutes séparées qu'elles sont les unes des autres, sont combinées par l'intelligence, par exemple celle de l'incommensurable avec celle du diamètre. § 2. S'il s'agit de choses qui ont été 430b ou qui doivent être, l'intelligence y suppute en outre le temps, et l'y combine. C'est que l'erreur, ici non plus, ne se trouve jamais que dans la combinaison. En effet, quand on suppose que le blanc n'est pas blanc, c'est par une combinaison qu'on affirme qu'il n'est pas blanc. Mais on peut dire aussi toutes choses par division. Quoi qu'il en soit, il peut non seulement être vrai ou faux que Cléon est blanc actuellement, mais encore qu'il l'a été ou le sera. Ce qui fait que tous ces éléments deviennent une unité, c'est l'intelligence qui combine ainsi chaque chose. § 3. 430b6 Mais comme indivisible a deux sens, indivisible en puissance et indivisible en acte, rien n'empêche l'intelligence, quand elle pense l'étendue, de la penser indivisible, puisque l'étendue est indivisible en acte ; et aussi de la penser dans un temps indivisible, puisque le temps est divisible et indivisible comme l'étendue. On ne peut donc pas dire que l'intelligence pense quelque chose dans chaque moitié; car l'étendue, tant qu'elle n'est pas divisée, n'est qu'en puissance. Mais en pensant à part chacune des moitiés, l'intelligence divise aussi le temps du même coup; le temps est alors comme les deux étendues diverses; et si l'intelligence fait une sorte de tout composé des deux moitiés, il en est aussi de même pour le temps qu'elle applique aux deux. § 4. Mais ce n'est pas l'indivisible en quantité, c'est seulement l'indivisible en espèce que pense l'intelligence dans un temps indivisible, et par la partie indivisible de l'âme. Et ce n'est pas accidentellement, et en tant que l'objet qu'elle pense est divisible, comme le temps où elle le pense; c'est seulement en tant qu'ils sont indivisibles. C'est qu'il y a, en effet, même dans ces cas, quelque chose d'indivisible, mais non pas séparé peut-être, qui donne l'unité au temps ainsi qu'à l'étendue ; et cela est également vrai pour tout continu quelconque, soit temps, soit étendue. § 5, 430b20 Mais le point ou toute division analogue, et tout ce qni est indivisible en ce sens, sont toujours exprimés comme la privation de quelque chose. Le raisonnement, d'ailleurs, est le même pour tout le reste; et l'on peut demander, par exemple, comment l'intelligence connaît le mal ou le noir. Elle les connaît en quelque sorte par leurs contraires. § 6. De plus, il faut que ce qui connaît soit en puissance la chose connue, et que l'un des contraires soit en lui. Mais s'il γ a quelqu'une des causes qui n'ait plus besoin de contraire, cette cause se connaît elle-même; elle est en acte et séparée, § 7. L'assertion qui énonce une chose d'une autre chose, de même que l'affirmation, est toujours ou vraie ou fausse. Mais l'intelligence n'est pas toujours vraie : elle est vraie quand elle juge ce qu'est la chose d'après l'essence même de la chose; elle peut ne pas l'être, quand elle attribue telle chose à telle autre chose. Mais de même qu'il est toujours vrai qu'on voit la chose propre de la vue, et que c'est seulement quand on ajoute que cette chose blanche est ou n'est pas un homme, qu'on peut n'être pas toujours dans le vrai; de même, on voit toujours ainsi la vérité pour toutes les choses qui sont sans matière.

§ 1. Ainsi donc, c'est la forme même qu'emploie le texte ; mais cette conjonction n'est peut-être pas ici très bien placée; car ce qui précède ne se lie guère au début de ce chapitre.

Quand elle ne n'applique qu'aux indivisibles, ou aux individus. La pensée, dans le texte, n'est pas aussi nettement exprimée ; elle est embarrassée de quelques détails que j'ai cru pouvoir négliger, afin de la rendre plus claire.

C'est qu'il y a déjà combinaison. C'est la théorie développée dans l'Herméneia, qui cite le Traité de l'âme. Voir Herméneia, chap. 1, §§ 4 et 5 de ma traduction. La même pensée se retrouve aussi dans les Catégories, chap. 2, §  1, et surtout chap. 4, § 3, id.

De pensées. Le mot dont se sert Aristote a le même radical que celui qui exprime en grec « l'intelligence. » Je n'ai pu conserver cette identité dans notre langue.

Réduites à une sorte d'unité. Malgré les éléments divers qui composent la proposition, elle est une dans sa totalité, et ne répond qu'à une notion de l'esprit.

Ce qu'Empédocle disait. M. Trendelenbourg rappelle qu'Aristote a cité deux autres fois ce vers d'Empédocle, et à l'intention différente, traité du Ciel, liv. III, chap. 2, p. 300, b, 30, édit. de Berlin, et Traité de le Génération des animant, liv. I, chap. 18, p. 722, b, 20, id.

Par l'intelligence.. J'ai ajouté ces mots que justifie le contexte, et que le sens exige pour être complet. Voir la fin du paragraphe suivant.

Celle de l'incommensurable. Le texte dit seulement : l'incommensurable et le diamètre. Par diamètre, on sait qu'il faut entendre ici, comme dans plusieurs autres passages, la diagonale qui partage le carré en deux triangles égaux. On pourrait, du reste, comprendre également le diamètre du cercle, qui est incommensurable à la circonférence, tout comme la diagonale l'est au côté du triangle rectangle.

§ 2. Qui ont été ou qui doivent être, s'il s'agit non plus du présent lui-même, mais du passé ou de l'avenir.

Y suppute, en outre, le temps. Voir, dans l'Herméneia, la définition du verbe, ch. 8, § 1, de ma traduction.

C'est que l'erreur ne se trouve jamais. Répétition de ce qui vient d'être dit au paragraphe précédent; mais la combinaison, ou l'erreur, s'applique ici au passé ou à l'avenir, au lieu du présent.

Qu'il n'est pas blanc. M. Trendelenbourg voudrait retrancher cette répétition : elle me semble indispensable; mais il est vrai que, dans le texte, la construction grammaticale ne l'exige pas aussi impérieusement que dans la phrase par laquelle je l'ai rendu.

Dire toutes choses par division. Des commentateurs ont entendu par là que, dans la nature, les individus ne se présentent jamais à notre sensibilité que divisés et séparés les uns des autres, mais les Coïmbrois proposent de comprendre le mot « division » dans le sens de « négation, » et ce sens est ici le véritable. On peut toujours nier ce qu'on peut affirmer.

Est blanc actuellement. J'ai ajouté ce dernier mot pour bien faire comprendre qu'il s'agit du présent.

C'est l'intelligence qui combine. Voir plus haut le § 1.

§  3. Indivisible a deux  sens. Le mot grec peut signifier indivisé et indivisible : notre mot « indivisible » n'a pas ce double sens, et ne représente que l'indivise en puissance, c'est-à-dire l'indivisible.

De la pensée indivisible. L'étendue, en effet, peut être divisée ; mais, tant qu'elle ne l'est pas, sa continuité la peut faire concevoir comme indivisible, et lui donne une totalité sans parties et sans divisions aux yeux de l'intelligence.

Indivisible en acte, c'est-à-dire, indivisée.

Et aussi dans un temps indivisible. L'intelligence conçoit l'étendue comme indivisible à la fois dans la matière et dans le temps.

On ne peut donc pas dire. J'admets ici la négation avec les Coïmbrois : elle résulte d'un simple changement d'accentuation qui me paraît tout-à-fait nécessaire. Elle est d'ailleurs autorisée par le commentaire de Simplicius, et peut-être aussi par celui de Philopon et par Thémistius.

N'est qu'en puissance. Peut-être faudrait-il dire : « n'est divisible qu'en puissance, » tout en étant indivisible en acte ; mais aucun manuscrit n'autorise cette leçon que la logique seule réclame.

Et le temps est alors. Le texte est un peu moins précis que la traduction. On pourrait encore comprendre que, dans ce cas, l'intelligence conçoit l'étendue d'abord indivisible comme des étendues distinctes ; mais j'ai préféré appliquer cette pensée à la fois au temps et à l'étendue, qu'Aristote unit dans un seul et même raisonnement.

§ 4. L'indivisible en quantité. L'objet matériel est divisible dans la quantité qui le forme : dans son espèce, il est indivisible, son espèce est une ; et l'intelligence la conçoit ainsi sans aucune division.

Par la partie indivisible de l'âme; ou mieux peut-être : « par une partie indivisible de l'âme, » par un acte indivisible de l'âme.

Ce n'est pas accidentellement. La négation, qui ne vient que dans le membre de phrase suivant, me paraît dominer la phrase entière.

L'objet qu'elle pense. Cette leçon, qui me semble être la véritable, n'est point donnée par les manuscrits. Elle vient d'un simple changement d'une voyelle et de l'accentuation. Pacius, le premier, l'a adoptée, et je crois qu'il a raison. Saint Thomas la justifie par l'explication qu'il donne de cet obscur passage, et les Coïmbrois ont suivi saint Thomas. Il serait difficile de dire, d'après les commentaires de Simplicius et de Philopon, quelle est au juste la leçon qu'ils ont eue.

Même dans ces choses. Ceci me semble contribuer a justifier la leçon que je viens d'adopter. Dans cet cas signifie certainement, et l'objet que pense l'intelligence, l'étendue par exemple, et le temps dans lequel elle le pense.

Quelque chose d'indivisible, l'espèce pour l'objet matériel, la continuité pour le temps.

Peut-être. Ceci semble une sorte de déférence d'Aristote pour les théories de son maître. On pourrait encore rapporter tout ce passage au principe pensant, à l'intelligence, qu'Aristote ne prétend point séparer du corps.

Et cela est également vrai. Ceci ne semble qu'une répétition assez peu utile de ce qui précède.

§ 5. Mais le point ou toute division analogue. Il est difficile de comprendre le mot de division placé comme Il l'est ici, puisqu'il s'agit surtout de l'indivisible. Simplicius et les autres commentateurs veulent qu'Aristote désigne, après le point, la ligne qui se définit : Longueur sans largeur ; et la surface, qui se définit privativement comme le point et la ligne : Longueur et largeur sans profondeur. On peut admettre cette explication ; mais Pacius en propose une autre qui a du moins pour elle d'être fort ingénieuse, si d'ailleurs elle est privée de l'autorité des manuscrits. Il voudrait lire dièse au lieu de division, et disse aurait d'abord le sens qu'il a dans les Derniers Analytiques, liv. I, ch. 23 § 9 de ma traduction ; et de plus, ce sens serait étendu et généralisé pour s'appliquer à toute unité indivisible, comme l'est le demi-ton dans la musique.

En ce sens, où l'est le point, c'est-à-dire indivisible en puissance tout aussi bien qu'en acte.

 Comme la privation de quelque chose. Le point n'a ni longueur, ni largeur, ni profondeur; la ligne n'a point de largeur ni de profondeur; la surface n'a point de profondeur.

Et le raisonnement, d'ailleurs, est le même. On comprend les indivisibles comme on comprend toute autre chose par l'énoncé et l'idée du contraire.

Le mal est connu comme le contraire du bien.

Le noir est connu comme le contraire du blanc, ou l'obscurité comme le contraire de la lumière.

Par leurs contraires. Le texte dit au singulier : « par le contraire. »

§ 6. Soit en puissance la chose connue. Le texte dit seulement : « en puissance. » J'ai cru pouvoir ajouter les derniers mots, qui sont entièrement d'accord avec toute la doctrine qui a été exposée ci-dessus.

Et que l'un des contraires soit en lui. J'ai rétabli dans ce passage la leçon ordinaire dont l'édition de Berlin et M. Trendelenbourg avaient cru devoir s'écarter, sur l'autorité de Simplicius et peut-être aussi de quelques manuscrits. J'ai préféré suivre la plupart des autres commentateurs et éditeurs ; et en outre, le sens me paraît plus net et plus conséquent à tout ce qui précède.

Mais s'il y a quelqu'une des causes. L'expression est peut-être un peu obscure, mais elle rend fidèlement le texte; et je n'ai pas cru pouvoir ici rien préciser.

Qui n'ait plus besoin de contraire. Le texte dit seulement : « qui n'ait m plus de contraire ; » c'est-à-dire; « à qui il ne faille plus l'un des contraires pour comprendre l'autre, qui comprenne et connaisse les deux contraires à la fois. »

Cette cause se connaît elle-même, elle est en acte. Les commentateurs les plus autorisés ont pensé qu'il s'agit ici de l'intelligence divine se pensant elle-même, éternellement en acte, et séparée de ce monde qu'elle gouverne en l'attirant à soi. Je n'affirme pas que cette interprétation soit fausse ; car elle a pour elle le livre ΧII de la Métaphysique et tout ce qu'Aristote y dit de la pensée de la pensée. Mais Je crois cependant que tout ce passage pourrait recevoir une explication plus simple, et se rapporter en entier à l'intelligence humaine; car, elle aussi, peut se penser en l'absence de tout autre objet qu'elle, comme on l'a vu plus haut, ch. 4, § 10. Il a été dit, en outre, dans le § 1 de ce même chapitre 4, que l'intelligence peut être comprise comme séparée, si ce n'est matériellement, du moins rationnellement. Il n'y aurait donc pas besoin de recourir à la théorie d'Aristote sur la pensée divine, théorie que rien ne prépare, et qui dans ce passage peut paraître assez déplacée.

§ 7. L'assertion qui énonce. Aristote revient à la question qu'il a posée au début du chapitre, et il examine comment se produisent l'erreur et la vérité dans l'intelligence.

Est toujours ou vraie ou fausse. Voir l'Herméneia, ch. 6, § 1, et ch. 11, § 2, et les Derniers Analytiques, liv. I, ch. 1, § 18, de ma traduction.

L'intelligence n'est pas toujours vraie. Ceci paraît contredire ce qui a été dit plus haut, liv. III, ch. 3, § 8, et ce qui sera dit plus bas, ch. 10, § 4, ainsi que ce qu'on trouve dans les Derniers Analytiques, liv. II, ch. 19, § 8.

Ce qu'est la chose d'après l'essence même. C'est l'indivisible, l'individu dont il a été parlé plus haut, § 1, et que l'intelligence atteint immédiatement.

Elle attribue, et fait alors une combinaison qui peut donner lieu à l'erreur.

Mais de même qu'il est toujours vrai. Le texte est ici très concis ; j'ai été obligé de le développer un peu.

La chose propre de la vue. Voir plus haut, liv. II, ch. 6. § 3.

Cette chose blanche. Voir plus haut une pensée et des expressions tout-à-fait analogues, ch. 8, § 19.

De même on voit toujours. Le texte dit simplement : « il en est de même pour les choses sans matière. »

Les choses qui sont sans matière; c'est-à-dire les espèces, les formes intelligibles. Voir plus haut, ch. 4, § 3.

CHAPITRE VII.

Dans l'Intelligence l'acte précède la puissance.

L'Intelligence en recherchant ou en fuyant les choses les affirme on les nie, comme la sensation et comme la parole. — Pour elle, les images sont ce que les sensations sont & la sensibilité. — Pour elle. le vrai et le faux sont le bien et le mal.

De la faculté d'abstraire que possédé l'Intelligence ; manière dont elle s'exerce dans les mathématiques.

431a 1 Τὸ δ' αὐτό ἐστιν ἡ κατ' ἐνέργειαν ἐπιστήμη τῷ πράγματι. δὲ κατὰ δύναμιν χρόνῳ προτέρα ἐν τῷ ἑνί, ὅλως δὲ οὐδὲ χρόνῳ· ἔστι γὰρ ἐξ ἐντελεχείᾳ ὄντος πάντα τὰ γιγνόμενα. Φαίνεται δὲ τὸ μὲν αἰσθητὸν ἐκ δυνάμει ὄντος τοῦ αἰσθητικοῦ ἐνεργείᾳ ποιοῦν· οὐ γὰρ πάσχει οὐδ' ἀλλοιοῦται. Διὸ ἄλλο εἶδος τοῦτο κινήσεως· ἡ γὰρ κίνησις τοῦ ἀτελοῦς ἐνέργεια, ἡ δ' ἁπλῶς ἐνέργεια ἑτέρα, ἡ τοῦ τετελεσμένου. - 2 Τὸ μὲν οὖν αἰσθάνεσθαι ὅμοιον τῷ φάναι μόνον καὶ νοεῖν· ὅταν δὲ ἡδὺ ἢ λυπηρόν, οἷον καταφᾶσα ἢ ἀποφᾶσα διώκει ἢ φεύγει· καὶ ἔστι τὸ ἥδεσθαι καὶ λυπεῖσθαι τὸ ἐνεργεῖν τῇ αἰσθητικῇ μεσότητι πρὸς τὸ ἀγαθὸν ἢ κακόν, ᾗ τοιαῦτα. Καὶ ἡ φυγὴ δὲ καὶ ἡ ὄρεξις ταὐτό, ἡ κατ' ἐνέργειαν, καὶ οὐχ ἕτερον τὸ ὀρεκτικὸν καὶ τὸ φευκτικόν, οὔτ' ἀλλήλων οὔτε τοῦ αἰσθητικοῦ· ἀλλὰ τὸ εἶναι ἄλλο. 3 Τῇ δὲ διανοητικῇ ψυχῇ τὰ φαντάσματα οἷον αἰσθήματα ὑπάρχει, ὅταν δὲ ἀγαθὸν ἢ κακὸν φήσῃ ἢ ἀποφήσῃ, φεύγει ἢ διώκει· διὸ οὐδέποτε νοεῖ ἄνευ φαντάσματος ἡ ψυχή. σπερ δὲ ὁ ἀὴρ τὴν κόρην τοιανδὶ ἐποίησεν, αὕτη δ' ἕτερον, καὶ ἡ ἀκοὴ ὡςαύτως, τὸ δὲ ἔσχατον ἕν, καὶ μία <ἡ> μεσότης, τὸ δ' εἶναι αὐτῇ πλείω ...

431a.20 4 Τίνι δ' ἐπικρίνει τί διαφέρει γλυκὺ καὶ θερμόν, εἴρηται μὲν καὶ πρότερον, λεκτέον δὲ καὶ ὧδε. στι γὰρ ἕν τι, οὕτω δὲ ὡς ὁ ὅρος, καὶ ταῦτα, ἓν τῷ ἀνάλογον καὶ τῷ ἀριθμῷ ὄντα, ἔχει <ἑκάτερον> πρὸς ἑκάτερον ὡς ἐκεῖνα πρὸς ἄλληλα· τί γὰρ διαφέρει τὸ ἀπορεῖν πῶς τὰ μὴ ὁμογενῆ κρίνει ἢ τὰ ἐναντία, οἷον λευκὸν καὶ μέλαν; ἔστω δὴ ὡς τὸ Α τὸ λευκὸν πρὸς τὸ Β τὸ μέλαν, τὸ Γ πρὸς τὸ Δ [ὡς ἐκεῖνα πρὸς ἄλληλα]· ὥστε καὶ ἐναλλάξ. Εἰ δὴ τὰ ΓΑ ἑνὶ εἴη ὑπάρχοντα, οὕτως ἕξει, ὥσπερ καὶ τὰ ΔΒ, τὸ αὐτὸ μὲν καὶ ἕν, τὸ δ' εἶναι οὐ τὸ αὐτό-κἀκεῖνα ὁμοίως. δ' αὐτὸς 431b λόγος καὶ εἰ τὸ μὲν Α τὸ γλυκὺ εἴη, τὸ δὲ Β τὸ λευκόν. 5 Τὰ μὲν οὖν εἴδη τὸ νοητικὸν ἐν τοῖς φαντάσμασι νοεῖ, καὶ ὡς ἐν ἐκείνοις ὥρισται αὐτῷ τὸ διωκτὸν καὶ φευκτόν, καὶ ἐκτὸς τῆς αἰσθήσεως, ὅταν ἐπὶ τῶν φαντασμάτων ᾖ, κινεῖται· οἷον, αἰσθανόμενος τὸν φρυκτὸν ὅτι πῦρ, τῇ κοινῇ ὁρῶν κινούμενον γνωρίζει ὅτι πολέμιος· 6 ὁτὲ δὲ τοῖς ἐν τῇ ψυχῇ φαντάσμασιν ἢ νοήμασιν, ὥσπερ ὁρῶν, λογίζεται καὶ βουλεύεται τὰ μέλλοντα πρὸς τὰ παρόντα· καὶ ὅταν εἴπῃ ὡς ἐκεῖ τὸ ἡδὺ ἢ λυπηρόν, ἐνταῦθα φεύγει ἢ διώκει καὶ ὅλως ἓν πράξει. Καὶ τὸ ἄνευ δὲ πράξεως, τὸ ἀληθὲς καὶ τὸ ψεῦδος, ἐν τῷ αὐτῷ γένει ἐστὶ τῷ ἀγαθῷ καὶ τῷ κακῷ· ἀλλὰ τῷ γε ἁπλῶς διαφέρει καὶ τινί. 7 Τὰ δὲ ἐν ἀφαιρέσει λεγόμενα <νοεῖ> ὥσπερ, εἴ <τις> τὸ σιμὸν ᾗ μὲν σιμὸν οὔ, κεχωρισμένως δὲ ᾗ κοῖλον [εἴ τις] ἐνόει [ἐνεργείᾳ], ἄνευ τῆς σαρκὸς ἂν ἐνόει ἐν ᾗ τὸ κοῖλον-οὕτω τὰ μαθηματικά, οὐ κεχωρισμένα <ὄντα>, ὡς κεχωρισμένα νοεῖ, ὅταν νοῇ <ᾗ> ἐκεῖνα.

8 λως δὲ ὁ νοῦς ἐστιν, ὁ κατ' ἐνέργειαν, τὰ πράγματα. ρα δ' ἐνδέχεται τῶν κεχωρισμένων τι νοεῖν ὄντα αὐτὸν μὴ κεχωρισμένον μεγέθους, ἢ οὔ, σκεπτέον ὕστερον.

1 431a La science en acte est identique à la chose qui est sue. Mais la science qui n'est qu'en puissance est antérieure dans le temps, pour un seul et même individu. Absolument parlant, elle n'est point antérieure chronologiquement ; car tout ce qui se produit vient toujours d'un être qui existe en toute réalité, en entéléchie. Or, l'objet sensible parait mettre en acte la sensibilité, qui n'est d abord qu en puissance. Elle ne souffre rien et n'est point altérée. Et voilà pourquoi c'est ici une autre espèce de mouvement; car le mouvement est, avons-nous dit, l'acte de l'incomplet; mais l'acte pris absolument est tout différent : c'est l'acte de ce qui est accompli. 2 Ainsi donc, sentir les choses ressemble à les dire ou les penser simplement. Mais quand la chose est agréable ou pénible, c'est une sorte d'affirmation, ou de négation que fait l'âme en la poursuivant ou en la fuyant; et avoir du plaisir ou de la douleur, c'est, pour la moyenne sensible, agir à l'égard du bien ou du mal, en tant que les choses sont l'un ou l'autre. La haine en acte pour l'un, et le désir en acte pour l'autre, ne sont que la douleur et le plaisir ; le principe qui, dans l'âme, désire, et celui qui hait, ne sont pas différents entre eux, pas plus qu'ils ne le sont du principe qui sent ; la façon d'être est seule diverse. § 3. Quant à l'âme intelligente, les images remplissent pour elle le rôle des sensations. Dès qu'elle affirme ou qu'elle nie que la chose est bien ou mal, elle la recherche ou la fuit. Voilà pourquoi cette âme ne pense jamais sans images; et c'est ainsi que l'air modifie la pupille de telle ou telle façon, et que la pupille modifie une autre chose, de même que c'est ainsi encore que les choses se passent pour l'ouïe. Mais le terme dernier est un; c'est une moyenne unique, qui seulement peut avoir plusieurs façons d'être.

4 431a20 On a déjà dit plus haut comment l'âme distingue la différence du doux et du chaud; il faut encore l'expliquer ici. Elle est quelque chose d'un par elle-même, et elle Test aussi en tant que limite. De part et d'autre, c'est la même chose, par la proportion et par le rapport numérique que l'âme et la limite soutiennent avec l'un et l'autre terme. L'intelligence est aux images, tout-à-fait ce que le sens commun est aux sensations diverses qu'il réunit. Où est d'ailleurs la différence de rechercher, comment l'âme distingue les choses qui sont dans un même genre, ou qui sont contraires, telles que le blanc et le noir? Soit en effet Δ le blanc en rapport avec B le noir ; et que G soit à D comme l'un et l'autre sont entre eux. Ainsi il y a ici réciprocité; si G, D sont à un seul objet, ils y seront tout comme y sont A, B. C'est une même et seule chose, bien que la façon d'être ne soit pas identique ; et de même aussi dans ce cas, 431b le raisonnement ne change point, si A est le doux et que B soit le blanc. 5 Ainsi donc, l'âme intelligente pense les formes dans les images qu'elle perçoit; et c'est en quelque sorte en elles que se détermine pour l'âme ce qu'il faut rechercher ou fuir. Ce n'est pas de la sensation que lui vient le mouvement, alors quelle s'applique aux images; comme, par exemple, quand, sentant que le flambeau est en feu, et voyant, par le sens qui est commun, que le flambeau est en mouvement, l'âme comprend qu'il y a danger. 6 Parfois aussi, d'après les images et les pensées qui sont dans l'âme, l'intelligence calcule et dispose l'avenir par rapport au présent, tout comme si elle voyait les choses. En outre, quand elle se dit que la chose actuelle est agréable ou pénible, elle la fuit ou la recherche actuellement; et, d'une manière générale, elle se met en action. Et pour parler de choses où il n'y a plus d'action, le vrai et le faux sont dans le même genre que le bien et le mal. Mais il y a cette différence que le mi et le faux sont absolus, et que le bien et le mal sont relatifs. 7 Quant aux choses dites abstraites, l'intelligence les pense de la même manière quelle pense le camus? en tant que camus, elle ne le pense pas séparément du nez; mais en tant que courbe, si elle le pense en acte, elle peut le penser indépendamment de la chair dans laquelle est cette courbure. C'est ainsi qu'elle pense, comme séparés des corps, les êtres mathématiques qui ne le sont pas cependant lorsqu'elle les pense.

8 En résumé, l'intelligence en acte est les choses quand elles les pense. Nous verrons plus tard s'il est ou non possible que sans être elle-même séparée de l'étendue, elle pense quelque chose qui en soit séparé.

§ 1. Aucun commentateur n'a réussi à montrer comment ce chapitre se lie à ce qui précède. Nous y trouverons des répétitions, et, de plus, un peu de désordre dans les pensées. Thémistius s'est abstenu d'en paraphraser le début, dont il ne pouvait sans doute comprendre le rapport avec les théories antérieures. Simplicius et Philopon ont laissé voir, dans leurs commentaires, que la suite des idées leur semblait peu satisfaisante. Les Coïmbrois, d'après saint Thomas, paraissent croire que ce sont seulement des éclaircissements nouveaux que donne Aristote sur le système exposé plus haut. Pacius suppose qu'il s'agit d'une comparaison entre l'intelligence pratique et l'intelligence spéculative. Quoi qu'il en soit, je trouve, avec M. Trendelenbourg, que tout ce chapitre est décousu, et que les différentes parties dont il se compose ont entre elles peu de connexion.

La science en acte est identique. Simplicius a signalé avec raison cette répétition; voir plus haut, ch. 5, § 2.

Dans un seul et même individu. Le texte dit simplement: « dans un seul. » Mais il ne peut pas y avoir de doute sur le sens tel que l'ont unanimement adopté tous les commentateurs.

Tout ce qui se produit, tout ce qui arrive.

D'un un être qui existe en toute réalité. Et pour la science en particulier, ou elle vient d'un mettre qui la possède et la transmet à un disciple, ou elle vient d'un être qui l'a d'abord acquise et qui l'applique ensuite.

La sensibilité qui n'est d'abord qu'en puissance. Voir plus haut, liv. Il, ch. 12, § 1, et surtout le ch. 5, § 2, où toute cette théorie de la sensibilité en acte est longuement exposée.

Elle ne souffre rien. Malgré quelque contradiction apparente, c'est bien toujours la même pensée qui a été développée au liv. II, ch. 5, g 3 et suiv.

Avons-nous dit. J'ai voulu rendre, en ajoutant ces mots, la force de l'Imparfait qui est dans le texte. Ceci peut être pris pour une allusion à la Physique, ou à ce qui a été dit ci-dessus, liv. II, ch. 5, § 3.

De ce qui est accompli, et n'a plus besoin, par conséquent, du mouvement pour arriver à sa fin, à sa perfection.

§ 2. Ainsi donc. Ici encore la connexion des idées ne parait pas assez grande pour exiger une conjonction de ce genre. Aristote continue, du reste, la comparaison commencée dans le paragraphe précédent, entre le mouvement de l'intelligence et celui de la sensibilité.

A les dire, à les nommer simplement, sans d'ailleurs en affirmer ou en nier l'existence ou les attributs. Voir l'Herméneia, ch. 4,  § 1, et ch. 5, et les Catégories, ch. 4,  § 1.

Mais quand la chose est agréable. Second degré de la sensibilité.

C'est une sorte d'affirmation. Voir Herméneia, ib.

Avoir du plaisir ou de la douleur. Troisième degré de la sensibilité.

Pour la moyenne sensible. Voir la théorie spéciale qui explique cette expression, plus haut, liv. II, ch. 12, § 4.

Sont l'un ou l'autre. Le texte dit simplement : « sont telles. »

Ne sont que la douleur et le plaisir. Le texte dit seulement : « sont cela. » Quelques manuscrits donnent une autre variante qui serait fort admissible : « sont identiques, sont la même chose :  » et cette leçon serait très bien justifiée par ce qui suit. M. Trendelenbourg propose, en changeant l'accentuation, de lire : « en tant qu'ils sont en acte. » Ce changement ne paraît pas nécessaire.

La façon d'être est seule diverse. Voir une expression analogue, plus haut, ch. 8. § 18.

§ 3. Quant à l'âme intelligente, ou mieux : « raisonnante. » Aristote continue la comparaison de l'intelligence et de la sensibilité. Les images sont pour l'Intelligence ce que les sensations sont pour la sensibilité. Voir la même pensée répétée plus bas, chap. 8, § 8.

Que la chose. On voit qu'il ne s'agit point ici d'une chose matérielle, extérieure à l'âme. Il s'agit de l'image que l'âme intelligente a en elle.

Cette âme. Le texte dit simplement : « l'Ame. »

De même que l'air. M. Trendelenbourg trouve assez peu justifiée toute cette comparaison, que n'a point commentée Thémistius dans sa paraphrase, mais qu'avaient Simplicius et Philopon, telle que nous la donnent nos textes actuels. Les images sont à l'intelligence ce que les modifications de la pupille sont à la vue, ce que les modifications de l'oreille sont à l'ouïe. Les Images sont des intermédiaires comme la pupille dans un cas et l'oreille dans l'autre.

Le terme dernier est un. Il faut entendre ici, comme l'ont fait tous les commentateurs, le sens commun, qui réunit toutes les perceptions des sens spéciaux, agissant pour les sensations, comme agit l'intelligence à laquelle aboutissent toutes les images. Voir le paragraphe suivant.

Une moyenne, ou un centre. Quant au mot de « moyenne, » il est justifié par la théorie exposée plus haut, liv. Il, chap. 12, § 4, et liv. III, chap. 2, § 9.

Plusieurs façons d'être. Voir la fin du paragraphe précédent.

§ 4. M. Trendelenbourg trouve avec raison que ce paragraphe interrompt le fil des idées et s'éloigne du sujet. Thémistius ne le commente pas. Simplicius reconnaît qu'il est obscur et trop concis. Je ne me flatte pas de l'avoir éclairci : j*ai dû prendre parti dans ma traduction ; mais, malgré tous mes efforts, le sens reste toujours très douteux et très embarrassé. L'emploi des formules littérales n'apporte aucun secours.

On a déjà dit plus haut. Voir chap. 2, § 10. Seulement, dans cet autre passage, au lieu du chaud qui est cité ici, c'est le blanc dont il s'agit : cette diversité n'a aucune importance.

Elle est. J'ai fait rapporter ceci à l'âme, tandis que le texte est tout-à-fait indéterminé.

Par elle-même. J'ai ajouté ces mots que la force du mot grec me semble autoriser.

En tant que limite. Le sens commun est une sorte de point central, de limite où viennent se confondre les sensations diverses : de même l'intelligence est la limite où viennent se réunir les diverses images.

De part et d'autre, c'est la même chose. Le texte dit : « ces choses sont une. » « De part et d'autre » doit s'entendre du sens commun et de l'intelligence.

L'âme et la limite. Le texte donne simplement un verbe sans sujet.

L'intelligence est aux images. J'ai ajouté tout ceci.

Tout-à-fait ce que les sensations diverses. Ceci est une paraphrase et non une traduction ; mais j'ai cru devoir faire ce sacrifice à la nécessité d'être clair.

La différence de rechercher. La pensée dans le texte n'est pas très complète; il faut ajouter : « ou de rechercher comment l'âme distingue les choses de genre différent, » comme le doux et le chaud, dont le premier appartient au sens du goût, tandis que le second appartient au sens du toucher.

Ou qui sont contraires. Les contraires sont en général dans un seul et même genre, à moins qu'ils ne forment des genres contraires.

Et que C soit à D. Il faut entendre que C est pour l'intelligence l'image du blanc, et que D est l'image du noir; de même que A et B sont pour le sens commun la sensation de l'un et de l'autre.

Il y a ici réciprocité. Les images sont à l'intelligence comme les sensations sont au sens commun.

A une seule chose, à l'intelligence.

Y sont A B, tout comme A B sont au sens commun.

La façon d'être. Voir plus haut la fin du § 2.

Le raisonnement ne change point, répétition de ce qui a été dit quelques lignes plus haut : « où est d'ailleurs la différence, etc. »

Si A est le doux et que B soit le blanc, c'est-à-dire si les sensations et les images, au lieu d'être du même genre, sont de genres différents.

§ 5. Ainsi donc. Cette forme de langage semble justifier l'interprétation qui a été généralement donnée du paragraphe précédent.

Pense. Le mot du texte vient ici du même radical dont est tiré le mot qui exprime : « l'âme intelligente. » Je n'ai pu conserver cette analogie.

Les formes, que perçoit directement la sensibilité. Voir plus haut, liv. II, chap. 12, § 1.

Ce n'est pas de la sensation. Le texte dit : « en dehors de la sensation, » ou de la sensibilité.

Quand sentant. Voici le premier degré : l'âme sent par un sens spécial, lequel est ici le toucher, que le flambeau est en feu.

Voyant par le sens qui est commun. Second degré, car c'est le sens commun qui peut seul faire connaître le mouvement. Voir plus haut, liv. II, chap. 6, § 3.

L'âme comprend. Troisième degré, où il s'agit, non plus de sensation, mais d'intelligence.

Qu'il y a danger. C'est là évidemment le sens du mot grec, qui signifie précisément : « ennemi, » et que Philopon a très singulièrement interprété. Il veut qu'il s'agisse ici des signaux qui avertissent de l'approche de l'ennemi. Aristote, comme le prouve le début du paragraphe, veut dire seulement que le flambeau qui peut brûler est un ennemi qu'il convient de fuir, et que l'intelligence se détermine à éviter.

§ 6. Parfois aussi. Il ne s'agit plus de l'image d'objets actuellement présents, comme dans l'exemple qui précède. L'intelligence comprend aussi, et se décide, par les images et les pensées qu'elle a gardées dans la mémoire.

Comme si elle voyait les choses, comme elle les voit quand elles sont présentes.

Actuelle... actuellement. Il n'y a pas en grec une ressemblance aussi complète entre les mots.

Que le vrai et le faux. En développant quelque peu le texte, qui est très concis, j'ai suivi l'interprétation de Philopon et de Simplicius ; mais on pourrait entendre encore que le vrai et le faux peuvent être indifféremment tantôt absolus et tantôt relatifs.

§ 7. Quant aux choses dites abstraites. Aristote entend par là les mathématiques, comme le prouve la fin du paragraphe ; voir aussi plus haut, ch. 4, § 8.

En tant que camus. Voir plus haut, ch. 4, § 7 ; le même exemple est reproduit dans la Métaphysique et expliqué delà même manière, liv. VI, ch. 1, p. 1025, b, 31, liv. VII,  ch, 5,  p. 1030, b, 17, et surtout liv. XI, ch. 7, p. 1064, a, § 2, éd. de Berlin.

Si elle le pense en acte. Aristote veut dire sans doute que l'acte seul de la pensée suffit pour abstraire. Le texte dit exactement : « si quelqu'un pensait en acte. »

Les êtres, ou les choses mathématiques.

Lorsqu'elle les pense. Le texte est un peu moins précis que ma traduction ; mais le sens ne peut faire le moindre doute.

§ 8. L'intelligence en acte est les choses. La phrase n'est pas très correcte, mais l'incorrection est la même en grec. C'est la répétition de ce qui a été dit plus haut, ch. 4, § 3, bien que ceci ne semble guère résumer ce qui précède dans tout ce chapitre.

Nous verrons plus tard. Sans doute dans la Métaphysique, comme l'ont pensé les Coïmbrois. Les commentateurs grecs n'en ont rien dit, non plus qu'Albert et saint Thomas.

On peut voir, dans Averroès et dans Albert-le-Grand, toutes les discussions qu'ont soulevées diverses parties de cette théorie sur l'intelligence.

CHAPITRE VIII.

Récapitulation de la théorie générale de l'âme sensible et intelligente.

L'âme est, en un certain sens, ce qui est ; tout ce qui est est étendu et sensible. Nature de l'intelligible et de l'abstrait.

Rôle de la sensation ; rôle de l'imagination. Sans les images, l'intelligence ne pourrait penser.

431b20 1 Νῦν δέ, περὶ ψυχῆς τὰ λεχθέντα συγκεφαλαιώσαντες, εἴπωμεν πάλιν ὅτι ἡ ψυχὴ τὰ ὄντα πώς ἐστι πάντα· ἢ γὰρ αἰσθητὰ τὰ ὄντα ἢ νοητά, ἔστι δ' ἡ ἐπιστήμη μὲν τὰ ἐπιστητά πως, ἡ δ' αἴσθησις τὰ αἰσθητά· 2 πῶς δὲ τοῦτο, δεῖ ζητεῖν. Τέμνεται οὖν ἡ ἐπιστήμη καὶ ἡ αἴσθησις εἰς τὰ πράγματα, ἡ μὲν δυνάμει εἰς τὰ δυνάμει, ἡ δ' ἐντελεχείᾳ εἰς τὰ ἐντελεχείᾳ· τῆς δὲ ψυχῆς τὸ αἰσθητικὸν καὶ τὸ ἐπιστημονικὸν δυνάμει ταὐτά ἐστι, τὸ μὲν <τὸ> ἐπιστητὸν τὸ δὲ <τὸ> αἰσθητόν. νάγκη δ' ἢ αὐτὰ ἢ τὰ εἴδη εἶναι. Αὐτὰ μὲν δὴ οὔ· οὐ γὰρ ὁ λίθος ἐν τῇ ψυχῇ, ἀλλὰ τὸ 432a εἶδος· ὥστε ἡ ψυχὴ ὥσπερ ἡ χείρ ἐστιν· καὶ γὰρ ἡ χεὶρ ὄργανόν ἐστιν ὀργάνων, καὶ ὁ νοῦς εἶδος εἰδῶν καὶ ἡ αἴ- σθησις εἶδος αἰσθητῶν. 3 πεὶ δὲ οὐδὲ πρᾶγμα οὐθὲν ἔστι παρὰ τὰ μεγέθη, ὡς δοκεῖ, τὰ αἰσθητὰ κεχωρισμένον, ἐν τοῖς εἴδεσι τοῖς αἰσθητοῖς τὰ νοητά ἐστι, τά τε ἐν ἀφαιρέσει λεγόμενα καὶ ὅσα τῶν αἰσθητῶν ἕξεις καὶ πάθη. Καὶ διὰ τοῦτο οὔτε μὴ αἰσθανόμενος μηθὲν οὐθὲν ἂν μάθοι οὐδὲ ξυνείη, ὅταν τε θεωρῇ, ἀνάγκη ἅμα φάντασμά τι θεωρεῖν· τὰ γὰρ φαντάσματα ὥσπερ αἰσθήματά ἐστι, πλὴν ἄνευ ὕλης. στι δ' ἡ φαντασία ἕτερον φάσεως καὶ ἀποφάσεως· συμπλοκὴ γὰρ νοημάτων ἐστὶ τὸ ἀληθὲς ἢ ψεῦδος. Τὰ δὲ πρῶτα νοήματα τί διοίσει τοῦ μὴ φαντάσματα εἶναι; ἢ οὐδὲ ταῦτα φαντάσματα, ἀλλ' οὐκ ἄνευ φαντασμάτων.

1 431b20 Maintenant, en récapitulant ce qui a été dit de l'âme, nous répéterons que l'âme est en quelque sorte toutes les choses qui sont. En effet, les choses sont ou sensibles ou intelligibles, et la science est en quelque façon les choses qu'elle sait, de même que la sensation est les choses sensibles. 2 Comment cela est-il possible, c'est ce qu'il faut rechercher, et le voici : la science et la sensation sont divisées, selon les choses mêmes qu'elles embrassent : celle qui est en puissance, selon les choses en puissance; celle qui est en toute réalité, en entéléchie, selon les choses en entéléchie. Le principe qui sent et le principe qui sait dans l'âme sont en puissance les objets mêmes : ici, l'objet qui est su, et là, l'objet qui est senti. Mais nécessairement, ou il s'agit ici des objets eux-mêmes, ou seulement de leurs formes ; et ce ne sont certainement pas les objets ; car ce n'est pas la pierre qui est dans l'âme, c'est feulement  432a sa forme. Ainsi donc, l'âme est comme la main : si la main est l'instrument des instruments, l'intelligence est la forme des formes; et la sensation est la forme des choses sensibles. 3 Mais comme il n'y a, en dehors des choses étendues, rien qui soit séparé comme nous le paraissent les choses sensibles, il faut admettre que les choses intelligibles sont dans les formes sensibles, comme y sont et les choses abstraites, et tout ce qui est ou qualité ou modification des choses sensibles. Et voilà pourquoi l'être, s'il ne sentait pas, ne pourrait absolument ni rien savoir ni rien comprendre; mais quand il conçoit quelque chose, il faut qu'il conçoive aussi quelque image, parce que les images sont des espèces de sensations, mais des sensations sans matière. D'ailleurs, l'imagination est autre chose que l'affirmation et la négation; car le vrai, ou le faux, n'est qu'une combinaison de pensées. Mais en quoi consistera la différence des pensées premières de l'intelligence ? et qui les empêchera de se confondre avec les images ? Certes elles ne sont pas elles aussi des images; mais sans les images, elles ne seraient pas.

1 En récapitulant. Simplicius trouve avec raison que ce n'est pas, à vrai dire, un résumé de ce qui précède que fait ici Aristote. Il reprend les points principaux de toutes les théories, soit qu'elles lui appartiennent à lui-même, soit qu'elles viennent d'autres philosophes.

Nous répéterons. M. Trendelenbourg croit qu'il s'agit des théories exposées plus haut dans le liv. I, et qui sont celles des anciens. Saint Thomas a fait remarquer qu'Aristote, dans ce paragraphe, adopte en partie l'opinion de ses prédécesseurs, et qu'en partie il la réfute dans le paragraphe suivant. Cette distinction est vraie ; et Simplicius, pour ne pas l'avoir faite, semble avoir cru qu'Aristote se contredit dans ce chapitre, en soutenant lui-même l'opinion d'Empédocle, qu'il a réfutée plus haut, liv. I, ch. 2, § 6.

En quelque sorte. Cette restriction marque bien comment Aristote se sépare de ses prédécesseurs.

En quelque façon. Même remarque. Sans vouloir faire ici un rapprochement forcé, on peut dire que Reid, si opposé d'ailleurs au système d'Aristote, a souvent exprimé des pensées analogues quand il a dit : « la perception est la chose signifiée. » Essai sur les facultés de l'Esprit hum., essai 2, ch. 16, p. 270 et passim, trad. de Jouffroy.

§ 2. C'est ce qu'il faut rechercher. Aristote explique en quel sens il adopte le principe posé par les anciens philosophes.

Et le voici. Le texte dit simplement : « ainsi donc, etc. »

Selon. Le texte dit : « dans. »

 Celle qui est en puissance. Quand la sensation ou l'intelligence ne sont qu'en puissance, elles ne sentent ni ne comprennent point réellement les choses ; les choses, par conséquent, en tant que sensibles et intelligibles, ne sont alors aussi qu'en puissance.

En toute réalité. C'est la paraphrase du mot qui suit ; voir plus haut, liv. I, ch. 1, § 3 et liv. II, ch. 1, § 2.

Sont en puissance les objets mêmes. C'est là la leçon vulgaire. Celle qu'adopte l'éd. de Berlin ne s'accorde pas aussi bien avec le contexte. « Sont la même chose en  puissance. »

Ou seulement de leurs formes. Voilà la restriction propre au Péripatétisme ; elle le distingue des systèmes antérieurs qu'il justifie en les développant et en les expliquant.

Car ce n'est pas la pierre, comme pourrait le faire croire la théorie d'Empédocle et des autres; voir plus haut, liv. I, ch. 2, § 6. —

Est comme la main. Voir une expression analogue, Problèmes, section 30, prob. 5, p. 955, b, 22, éd. de Berlin.

Est la forme des formes. M. Trendelenbourg trouve avec raison que celle expression est obscure. Voilà la première fois qu'Aristote dit de l'intelligence qu'elle est une forme. Il faut sans doute comprendre que l'intelligence est aux formes sensibles que reçoit la sensibilité, ce que la sensibilité elle-même est aux objets sensibles dont elle ne reçoit que la forme. Ce qui suit semble justifier cette explication.

§ 3. Comme nous le paraissent les choses sensibles. C'est là le sens que donne formellement Simplicius. La ponctuation adoptée par M. Trendelenbourg en donnerait un autre :« Comme il n'y a, ce semble, aucune chose séparée en dehors des étendues sensibles. » Cette leçon est moins d'accord avec le système entier d'Aristote, qui ne peut employer une restriction dubitative pour une théorie qu'il a toujours soutenue sans hésitation, et qu'il a opposée constamment à la théorie de son maître sur les Idées.

II faut admettre... sont dans les formes sensibles. Ceci contredit, comme on voit, le sens nouveau que M. Trendelenbourg voudrait donner à la phrase précédente.

Les choses abstraites, les notions mathématiques; voir plus haut, ch. 4, § 12, à la fin.

L'être, s'il ne sentait pas... M. Trendelenbourg fait remarquer que c'est peut être de là qu'on a tiré le fameux axiome trop souvent prêté au Péripatétisme, bien qu'il ne lui appartienne pas : mais il ajoute avec raison que la suite fait bien voir dans quelles limites Aristote resserre ce principe.

II faut qu'il conçoive aussi quelque image. Ceci complète l'expression employée plus haut, § 2 : « la forme des formes. »

Des espèces de sensations. Voir plus haut, ch. 7, § 3.

Une combinaison de pensées. Et cette combinaison n'appartient qu'à l'entendement; voir plus haut, ch. 6, § 1.

Des pensées premières. D'après Philopon, ceci indiquerait les catégories, où les notions isolées les unes des autres n'impliquent ni vérité ni erreur. Selon saint Thomas, ce qu'Aristote appelle ici « les premières pensées, » c'est ce qu'il a appelé plus haut, ch. 6, § 1, les notions « des indivisibles. » Pacius, sans se référer aussi directement à ce qui précède croit qu'il s'agit des intelligibles simples. Au fond, toutes ces opinions sont identiques. Les pensées premières de l'intelligence sont postérieures chronologiquement aux images, puisque les images leur sont indispensables ; mais en essence elles leur sont supérieures, autant que l'intelligence est supérieure à l'imagination et à la sensibilité.

Ici se termine la théorie de l'intelligence. Après avoir traité de la nutrition, de la sensibilité et de l'intelligence, il ne reste plus pour compléter les études indiquées ci-dessus, liv. II, ch. 2, §1î, qu'à traiter de la locomotion. Les trois chapitres qui vont suivre seront consacrés à ce nouveau sujet. Les Coïmbrois remarquent avec raison qu'Aristote a bien fait de ne parler de la locomotion qu'après la sensibilité et l'intelligence, parce que le mouvement dans l'animal est toujours déterminé par quelque notion de l'entendement ou des sens
 

CHAPITRE IX.

Théorie de la locomotion.

Critique préliminaire de la division reçue des facultés de l'âme.

La cause de la locomotion dans l'animal ne peut être ni la nutrition, ni la sensibilité, ni la raison, ni l'intelligence, ni même l'appétit et le désir tout seuL

432a15 1 Ἐπεὶ δὲ ἡ ψυχὴ κατὰ δύο ὥρισται δυνάμεις ἡ τῶν ζῴων, τῷ τε κριτικῷ, ὃ διανοίας ἔργον ἐστὶ καὶ αἰσθήσεως, καὶ ἔτι τῷ κινεῖν τὴν κατὰ τόπον κίνησιν, περὶ μὲν αἰσθήσεως καὶ νοῦ διωρίσθω τοσαῦτα, περὶ δὲ τοῦ κινοῦντος, τί ποτέ ἐστι τῆς ψυχῆς, σκεπτέον, πότερον ἕν τι μόριον αὐτῆς χωριστὸν ὂν ἢ μεγέθει ἢ λόγῳ, ἢ πᾶσα ἡ ψυχή, καὶ εἰ μόριόν τι, πότερον ἴδιόν τι παρὰ τὰ εἰωθότα λέγεσθαι καὶ τὰ εἰρημένα, ἢ τούτων ἕν τι.

2 χει δὲ ἀπορίαν εὐθὺς πῶς τε δεῖ μόρια λέγειν τῆς ψυχῆς καὶ πόσα. Τρόπον γάρ τινα ἄπειρα φαίνεται, καὶ οὐ μόνον ἅ τινες λέγουσι διορίζοντες, λογιστικὸν καὶ θυμικὸν καὶ ἐπιθυμητικόν, οἱ δὲ τὸ λόγον ἔχον καὶ τὸ ἄλογον· κατὰ γὰρ τὰς διαφορὰς δι' ἃς ταῦτα χωρίζουσι, καὶ ἄλλα φαίνεται μόρια μείζω διάστασιν ἔχοντα τούτων, περὶ ὧν καὶ νῦν εἴ- ρηται, τό τε θρεπτικόν, ὃ καὶ τοῖς φυτοῖς ὑπάρχει καὶ πᾶσι τοῖς ζῴοις, καὶ τὸ αἰσθητικόν, ὃ οὔτε ὡς ἄλογον οὔτε ὡς λόγον ἔχον θείη ἄν τις ῥᾳδίως·  3 ἔτι δὲ τὸ φανταστικόν, 432b ὃ τῷ μὲν εἶναι πάντων ἕτερον, τίνι δὲ τούτων ταὐτὸν ἢ ἕτερον ἔχει πολλὴν ἀπορίαν, εἴ τις θήσει κεχωρισμένα μόρια τῆς ψυχῆς· πρὸς δὲ τούτοις τὸ ὀρεκτικόν, ὃ καὶ λόγῳ καὶ δυνάμει ἕτερον ἂν δόξειεν εἶναι πάντων. Καὶ ἄτοπον δὴ τὸ τοῦτο διασπᾶν· ἔν τε τῷ λογιστικῷ γὰρ ἡ βούλησις γίνεται, καὶ ἐν τῷ ἀλόγῳ ἡ ἐπιθυμία καὶ ὁ θυμός· εἰ δὲ τρία ἡ ψυχή, ἐν ἑκάστῳ ἔσται ὄρεξις.

4 Καὶ δὴ καὶ περὶ οὗ νῦν ὁ λόγος ἐνέστηκε, τί τὸ κινοῦν κατὰ τόπον τὸ ζῷόν ἐστιν; τὴν μὲν γὰρ κατ' αὔξησιν καὶ φθίσιν κίνησιν, ἅπασιν ὑπάρχουσαν, τὸ πᾶσιν ὑπάρχον δόξειεν ἂν κινεῖν, τὸ γεννητικὸν καὶ θρεπτικόν· περὶ δὲ ἀναπνοῆς καὶ ἐκπνοῆς, καὶ ὕπνου καὶ ἐγρηγόρσεως, ὕστερον ἐπισκεπτέον· ἔχει γὰρ καὶ ταῦτα πολλὴν ἀπορίαν.  5. λλὰ περὶ τῆς κατὰ τόπον κινήσεως, τί τὸ κινοῦν τὸ ζῷον τὴν πορευτικὴν κίνησιν, σκεπτέον.

τι μὲν οὖν οὐχ ἡ θρεπτικὴ δύναμις, δῆλον· ἀεί τε γὰρ ἕνεκά του ἡ κίνησις αὕτη, καὶ μετὰ φαντασίας καὶ ὀρέξεώς ἐστιν· οὐθὲν γὰρ μὴ ὀρεγόμενον ἢ φεῦγον κινεῖται ἀλλ' ἢ βίᾳ· ἔτι κἂν τὰ φυτὰ κινητικὰ ἦν, κἂν εἶχέ τι μόριον ὀργανικὸν πρὸς τὴν κίνησιν ταύτην.

6 μοίως δὲ οὐδὲ τὸ αἰσθητικόν· πολλὰ γὰρ ἔστι τῶν ζῴων ἃ αἴσθησιν μὲν ἔχει, μόνιμα δ' ἐστὶ καὶ ἀκίνητα διὰ τέλους. Εἰ οὖν ἡ φύσις μήτε ποιεῖ μάτην μηθὲν μήτε ἀπολείπει τι τῶν ἀναγκαίων, πλὴν ἐν τοῖς πηρώμασι καὶ ἐν τοῖς ἀτελέσιν, τὰ δὲ τοιαῦτα τῶν ζῴων τέλεια καὶ οὐ πηρώματά ἐστιν (σημεῖον δ' ὅτι ἐστὶ γεννητικὰ καὶ ἀκμὴν ἔχει καὶ φθίσιν) -ὥστ' εἶχεν ἂν καὶ τὰ ὀργανικὰ μέρη τῆς πορείας.

7 λλὰ μὴν οὐδὲ τὸ λογιστικὸν καὶ ὁ καλούμενος νοῦς ἐστιν ὁ κινῶν· ὁ μὲν γὰρ θεωρητικὸς οὐθὲν θεωρεῖ πρακτόν, οὐδὲ λέγει περὶ φευκτοῦ καὶ διωκτοῦ οὐθέν, ἀεὶ δὲ ἡ κίνησις ἢ φεύγοντός τι ἢ διώκοντός τί ἐστιν. λλ' οὐδ' ὅταν θεωρῇ τι τοιοῦτον, ἤδη κελεύει φεύγειν ἢ διώκειν, οἷον πολλάκις διανοεῖται φοβερόν τι ἢ ἡδύ, οὐ κελεύει δὲ φοβεῖσθαι, ἡ δὲ καρδία 433a κινεῖται, ἂν δ' ἡδύ, ἕτερόν τι μόριον. 8 τι καὶ ἐπιτάττοντος τοῦ νοῦ καὶ λεγούσης τῆς διανοίας φεύγειν τι ἢ διώκειν οὐ κινεῖται, ἀλλὰ κατὰ τὴν ἐπιθυμίαν πράττει, οἷον ὁ ἀκρατής. Καὶ ὅλως δὲ ὁρῶμεν ὅτι ὁ ἔχων τὴν ἰατρικὴν οὐκ ἰᾶται, ὡς ἑτέρου τινὸς κυρίου ὄντος τοῦ ποιεῖν κατὰ τὴν ἐπιστήμην, ἀλλ' οὐ τῆς ἐπιστήμης.

λλὰ μὴν οὐδ' ἡ ὄρεξις ταύτης κυρία τῆς κινήσεως· οἱ γὰρ ἐγκρατεῖς ὀρεγόμενοι καὶ ἐπιθυμοῦντες οὐ πράττουσιν ὧν ἔχουσι τὴν ὄρεξιν, ἀλλ' ἀκολουθοῦσι τῷ νῷ.

1 432a15 Puisque l'âme, dans les animaux, se distingue par deux facultés, l'une, le jugement, qui est l'œuvre de la pensée et de la sensation, et l'autre, la locomotion dont l'âme est douée, bornons-nous à ce que nous avons dit sur l'intelligence et la sensation, et voyons maintenant pour le principe moteur quelle partie de l'âme il peut être. En est-ce une partie distincte et séparée, soit matériellement, soit seulement en raison? Ou bien est-ce l'âme tout entière qui produit le mouvement? Ou, si ce n'en est qu'une partie, cette partie est-elle spéciale, et doit-on l'ajouter à toutes celles qu'on y reconnaît ordinairement, et que nous y avons reconnues? Ou bien enfin est-ce quelqu'une de celles-là?

2 Mais il y a tout d'abord cette difficulté de savoir comment on peut dire que l'âme a des parties et combien elle en a. En un sens, il semble que le nombre en soit infini, et qu'elles ne soient pas seulement celles que des auteurs déterminent : la partie raisonnante, la partie affective et la partie passionnée; ou, selon d'autres, la partie raisonnable et la partie irraisonnable. Même en suivant les différences qui ont servi à établir ces divisions, on trouverait encore d'autres parties qui sont entre elles à une plus grande distance que toutes celles dont on vient de parler. Et c'est, par exemple, la nutrition, qui appartient aux plantes et à tous les animaux sans exception, et la sensibilité, qu'on ne pourrait pas aisément classer ni comme raisonnable, ni comme privée de raison. 3 Vient ensuite l'imagination, qui, par sa façon d'être, diffère de toutes les autres. 432b Mais à laquelle de ces parties est-elle identique ou dissemblable? c'est ce qui présente les plus grandes difficultés , si l'on admet que les parties de l'âme soient séparées. Vient en outre la partie des appétits qui, soit aux yeux de la raison, soit par sa puissance propre, paraît être entièrement différente de toutes les autres. Mais il est absurde de l'isoler du reste. C'est qu'en effet la volonté se retrouve aussi dans la partie qui raisonne ; le désir et la passion se retrouvent également dans la partie dénuée de raison; et si l'âme est ces trois choses, l'appétit se trouvera lui aussi dans chacune d'elles.

4 Mais pour en revenir à ce qui doit nous occuper ici, qu'est-ce que c'est que le principe qui meut l'animal dans l'espace? Quant au mouvement d'accroissement et de destruction qui appartient à tous les animaux, il semble que ce qui le leur donne , ce sont ces principes qui leur appartiennent également à tous, la génération et la nutrition. Nous parlerons plus tard de la respiration et de l'expiration, du sommeil et de la veille, sujets qui offrent aussi bien des difficultés. 5 Mais, pour la locomotion , il faut étudier ici la cause qui donne à l'animal le mouvement de la marche.

Il est de toute évidence que ce n'est pas la puissance nutritive; car ce mouvement de la marche à toujours lieu en vue de quelque but, et il est toujours accompagné d'imagination et de désir; et nul être, s'il n'a désir ou crainte, ne se meut, si ce n'est par une force étrangère. Les plantes elles-mêmes seraient mobiles, et elles auraient aussi quelque organe pour ce genre de mouvement.

6 Ce ne peut pas être davantage la sensibilité qui meuve l'animal En effet, il y a beaucoup d'animaux qui ont la sensation, mais qui n'en restent pas moins en place et y demeurent constamment immobiles. Or, si la nature ne fait jamais rien en vain , jamais non plus elle ne néglige rien de ce qui est nécessaire, si ce n'est dans les êtres avortés et incomplets. Mais les animaux dont il s'agit ici sont très complets; ils ne sont pas du tout avortés, et la preuve , c'est qu'ils se reproduisent, qu'ils se développent et qu'ils meurent; et ainsi, ils pourraient fort bien avoir les organes de la marche.

7 Ce n'est pas davantage la partie raisonnable, ni ce qu'on appelle l'intelligence, qui meut les animaux. L'intelligence spéculative ne pense pas du tout les choses qui sont à faire; elle ne dit rien ni de ce qu'il faut fuir ni de ce qu'il faut rechercher, tandis que le mouvement vient toujours d'un être qui fuit ou qui recherche quelque chose. Bien plus, lors même que l'intelligence conçoit un objet de ce genre, ce n'est pas elle qui peut ordonner à l'être de le fuir ou de le rechercher; et, par exemple, souvent en pensant à un objet effrayant ou agréable, elle n'ordonne pas de le craindre. Mais c'est le cœur, 433a si l'objet est agréable, qui se met en mouvement; et c'est là une tout autre partie de l'âme. 8 Ajoutez que l'intelligence a beau donner ses ordres, la pensée a beau dire qu'il faut fuir ou rechercher telle chose, l'être cependant ne se meut point ; mais il n'agit que suivant sa passion, comme l'intempérant qui ne sait point se dominer. Et en général, c'est ainsi qu'on voit celui qui sait l'art de guérir ne pas guérir toujours, comme si c'était quelque autre chose qui fût maître d'agir suivant les préceptes de la science, et que ce ne fût pas la science elle-même qui sût agir ainsi.

Enfin, ce n'est pas même l'appétit qui est le maître absolu de ce mouvement de locomotion ; car les gens tempérants ont beau sentir des appétits et des désirs, ils ne font pas ce dont ils ont appétit; ils ne suivent que leur intelligence.
 

§ 1. L'une, le jugement. Il comprend sous le mot général de « jugement, » la sensibilité, l'imagination et l'intelligence. Voir plus haut. Ch. 3, § 1. M. Trendelenbourg cite , à l'appui de cette remarque , un passage décisif du traité du Mouvement des animaux, ch. 6, p. 700, b, 20, éd. de Berlin. Le Traité de l'âme est, e5, Aristote semble confondre tout-à-fait le jugement et la sensibilité.

Et l'autre, la locomotion. Plus haut, liv. II, ch. 2, § 2, Aristote a distingué quatre facultés et non pas deux ; il a pu confondre les deux premières, la sensibilité et l'intelligence, sous la désignation commune de jugement; mais outre la locomotion, il reste la nutrition, dont il ne parle pas ici, et qui ne peut être réunie, quoiqu'elle soit un mouvement aussi, au mouvement dans le lieu , à la locomotion. Aristote lui-même le fera remarquer un peu plus bas ; voir dans ce chapitre, § 4.

A ce que nous avons dit, dans le second et troisième livre.

Pour le principe moteur. Le texte dit simplement : « pour ce qui meut. »

Soit matériellement. Mot à mot . « en grandeur, » expression qui a déjà été employée plus haut, ch. 4, § 1. Dans le liv. II. ch. 2, § 7, Aristote a dit : « dans le lieu, » et non point « en grandeur, » ce qui d'ailleurs revient au même. Dans ce dernier passage, il se pose une question analogue à celle qui se présente ici.
S 2. L'âme a des parties. Plus haut, liv. 1, chap. 1, § +, c'est une question qu'il a brièvement indiquée , en énumérant, dès le début, les objets principaux de recherches qu'on peut se proposer sur l'âme. — Que des auteurs. C'est évidemment Platon qu'Aristote prétend ici critiquer, comme l'ont remarqué tous les commentateurs. Voir la République, l. IV, p. 238, trad. de M. Cousin.

Affective... passionnée. J'aurais voulu trouver des expressions plus justes que celles-là : notre langue ne m'en a pas offert, et je n'ai pas cru devoir prendre de périphrases. Voir plus loin, ch. 10, § 5.

Ou selon d'autres. Il semblerait que ceci ne s'adresse plus à Platon ; et pourtant cette critique, juste ou non, lui est encore applicable. Voir le Timée, p. 197, id.

La partie raisonnable et la partie irraisonnable. Aristote attribue formellement cette division à Platon, Grande morale, liv. I. Chap. l, p. 1182, a, 2e, édit. de Berlin.

En suivant les différences. En effet, Platon appuyait ces divisions de l'âme sur ta considération des besoins du corps , et particulièrement des appétits du boire et du manger. Voir le Timée, id. ib.

Et c'est, par exemple, la nutrition. Voir plus haut la théorie de la nutrition, liv. II, chap. 4.

Et la sensibilité. C'est l'ordre qu'Aristote a lui-même suivi, liv. II, chap. 5.

§ 3. Vient ensuite l'imagination. Même remarque. Voir plus haut, chap. 3.

Mais à laquelle de ces parties. J'adopte ici la correction proposée par M. Trendelenhourg; elle consiste dans un simple changement d'accent qui donne à la phrase la forme interrogative.

Si l'on admet, comme Platon, qui place les trois parties diverses de l'âme dans la tête, dans la poitrine et dans le bas-ventre. Voir la République, liv. IV, elle Timée, aux lieux cités plus haut dans la note précédente.

Des appétits. A moins qu'Aristote ne fasse rentrer les appétits dans la faculté de la nutrition, ce qu'il n'a point dit, on peut retourner contre lui la critique qu'il dirige ici contre Platon II n'a point fait non plus des appétits une faculté spéciale. Il est vrai qu'au liv. II, chap. 3, il a distingué les appétits de la nutrition et de la sensibilité; mais il ne leur a pas donné de place dans les théories qui suivent.

Aux yeux de la raison. Le texte dit simplement : « en  raison ou en puissance. »

De l'isoler du reste. J'ai ajouté ces deux derniers mots.

La volonté. Aristote semble donc confondre la volonté avec ce qu'il appelle, d'un mot général, l'appétit ou les appétits.

Le désir et la passion, ou, si l'on veut, la colère et le désir. Voir la trad. de Platon par M. Cousin, République , liv. IV, p. 238.

Et si l'âme est ces trois choses, comme l'a voulu Platon dans les diverses théories qu'on vient de citer.

L'appétit se retrouvera, et alors il faudra le distinguer, ce que Platon ne paraît point avoir fait.

§ 4. Dans l'espace, ou dans le lieu.

Quant au mouvement d'accroissement. Voir plus haut, liv. ii, chap. 2, § 2.

La génération et la nutrition. Aristote les a confondues plus haut, liv. II, ch. 4, § 15.

Nous parlerons plus tard de la respiration. Voir ces traites spéciaux.

§ 8. Le mouvement de la marche. Aristote se sert ici du mot même dont il a tiré le titre de son traité spécial sur la Marche des animaux.

Ce n'est pas la puissance nutritive, car, si c'était la nutrition qui causât le mouvement, les plantes, qui se nourrissent, auraient, elles aussi, la locomotion.

D'imagination et de désir. Plus haut, chap.. 3. § 7, Aristote a refusé l'imagination à quelques animaux qui sont doués de mouvement, et particulièrement aux insectes.

Les plantes aussi seraient mobiles, si la nutrition était la cause essentielle de la locomotion.

§ 6. Ce ne peut pas être davantage la sensibilité, car il y a une foule d'animaux qui sont sensibles, et qui sont privés de toute locomotion. Cuvier ne reconnaît pour animaux que les êtres sensibles et mobiles, Règne animal, l.1, p. 18.

La nature ne fait jamais rien en vain, l'un des principes les plus généraux et les plus féconds de toutes les théories d'Aristote, en histoire naturelle ; c'est le principe des causes finales.

Avortés. incomplets. Voir plus haut, liv.ll, chap. 4, § 2.

§ 7. Ce n'est pas davantage... l'intelligence, parce que sa fonction propre et unique, c'est de comprendre.

Spéculative. Il s'agit encore ici de l'intelligence active. Voir plus haut, chap. 5, § 2 : elle contemple, elle spécule, elle conçoit, et ne fait rien de plus.

Une tout autre partie de l'âme. J'ai ajouté ces deux derniers mots.

§ 8. Ajoutez, Ceci est en partie la répétition du paragraphe précédent, et en partie aussi une contradiction.

Sa passion, ou son désir.

L'intempérant qui ne sait pas se dominer. J'ai paraphrasé le mot unique du texte.

Et en général. Aristote prend, au contraire, un exemple particulier dont on peut, il est vrai, tirer une maxime générale ; mais il ne la tire pas lui-même. Voir la même pensée dans la Métaphysique, liv. I, chap. 1, p. 981, a, 15, édit. de Berlin.

Le maître absolu. Aristote se sert ici du même mot qu'il vient d'employer dans la phrase précédente. La répétition ne vient pas du traducteur. J'ai ajouté le mot absolu, parce que, dans le chapitre suivant, Aristote placera le principe de la locomotion, en partie dans l'appétit, et en partie dans l'intelligence.

Pour toute cette théorie de l'appétit considéré comme cause du mouvement, il faut consulter les chap. 6, 7 et 8 du traité du Mouvement des animaux, et particulièrement, comme le remarque M. Trendelenbourg,
chap. 7, p.701, a, 3t, édition de Berlin.


 

 

CHAPITRE X.

Le principe moteur dans l'animal, c'est l'appéiit; et l'appétit, pris dans toute son étendue, comprend la volonlé et l'intelligence elles- mêmes; mais l'appétit est lui-même mis en jeu par l'ohjet qui le provoque. L'ohjet de l'appétit est donc, en dernière analyse, le moteur premier, le moteur qui, immobile lui-même, détermine tout le reste du mouvement.

433a9 1 Φαίνεται δέ γε δύο ταῦτα κινοῦντα, ἢ ὄρεξις ἢ νοῦς, εἴ τις τὴν φαντασίαν τιθείη ὡς νόησίν τινα· πολλοὶ γὰρ παρὰ τὴν ἐπιστήμην ἀκολουθοῦσι ταῖς φαντασίαις, καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις ζῴοις οὐ νόησις οὐδὲ λογισμὸς ἔστιν, ἀλλὰ φαντασία. μφω ἄρα ταῦτα κινητικὰ κατὰ τόπον, νοῦς καὶ ὄρεξις, 2 νοῦς δὲ ὁ ἕνεκά του λογιζόμενος καὶ ὁ πρακτικός· διαφέρει δὲ τοῦ θεωρητικοῦ τῷ τέλει. Καὶ ἡ ὄρεξις <δ'> ἕνεκά του πᾶσα· οὗ γὰρ ἡ ὄρεξις, αὕτη ἀρχὴ τοῦ πρακτικοῦ νοῦ, τὸ δ' ἔσχατον ἀρχὴ τῆς πράξεως. στε εὐλόγως δύο ταῦτα φαίνεται τὰ κινοῦντα, ὄρεξις καὶ διάνοια πρακτική· τὸ ὀρεκτὸν γὰρ κι- νεῖ, καὶ διὰ τοῦτο ἡ διάνοια κινεῖ, ὅτι ἀρχὴ αὐτῆς ἐστι τὸ ὀρεκτόν. 3 Καὶ ἡ φαντασία δὲ ὅταν κινῇ, οὐ κινεῖ ἄνευ ὀρέξεως. ν δή τι τὸ κινοῦν, τὸ ὀρεκτικόν. Εἰ γὰρ δύο, νοῦς καὶ ὄρεξις, ἐκίνουν, κατὰ κοινὸν ἄν τι ἐκίνουν εἶδος· νῦν δὲ ὁ μὲν νοῦς οὐ φαίνεται κινῶν ἄνευ ὀρέξεως (ἡ γὰρ βούλησις ὄρεξις, ὅταν δὲ κατὰ τὸν λογισμὸν κινῆται, καὶ κατὰ βούλησιν κινεῖται), ἡ δ' ὄρεξις κινεῖ καὶ παρὰ τὸν λογισμόν· ἡ γὰρ ἐπιθυμία ὄρεξίς τίς ἐστιν.

4 Νοῦς μὲν οὖν πᾶς ὀρθός ἐστιν· ὄρεξις δὲ καὶ φαντασία καὶ ὀρθὴ καὶ οὐκ ὀρθή. Διὸ ἀεὶ κινεῖ μὲν τὸ ὀρεκτόν, ἀλλὰ τοῦτ' ἐστὶν ἢ τὸ ἀγαθὸν ἢ τὸ φαινόμενον ἀγαθόν· οὐ πᾶν δέ, ἀλλὰ τὸ πρακτὸν ἀγαθόν. Πρακτὸν δ' ἐστὶ τὸ ἐνδεχόμενον καὶ ἄλλως ἔχειν.

5 τι μὲν οὖν ἡ τοιαύτη δύναμις κινεῖ τῆς ψυχῆς, ἡ καλουμένη 433b ὄρεξις, φανερόν. Τοῖς δὲ διαιροῦσι τὰ μέρη τῆς ψυχῆς, ἐὰν κατὰ τὰς δυνάμεις διαιρῶσι καὶ χωρίζωσι, πάμπολλα γίνεται, θρεπτικόν, αἰσθητικόν, νοητικόν, βουλευτικόν, ἔτι ὀρεκτικόν· ταῦτα γὰρ πλέον διαφέρει ἀλλήλων ἢ ἐπιθυμητικὸν καὶ θυμικόν.

6 πεὶ δ' ὀρέξεις γίνονται ἐναντίαι ἀλλήλαις, τοῦτο δὲ συμβαίνει ὅταν ὁ λόγος καὶ αἱ ἐπιθυμίαι ἐναντίαι ὦσι, γίνεται δ' ἐν τοῖς χρόνου αἴσθησιν ἔχουσιν (ὁ μὲν γὰρ νοῦς διὰ τὸ μέλλον ἀνθέλκειν κελεύει, ἡ δ' ἐπιθυμία διὰ τὸ ἤδη· φαίνεται γὰρ τὸ ἤδη ἡδὺ καὶ ἁπλῶς ἡδὺ καὶ ἀγαθὸν ἁπλῶς, διὰ τὸ μὴ ὁρᾶν τὸ μέλλον), εἴδει μὲν ἓν ἂν εἴη τὸ κινοῦν, τὸ ὀρεκτικόν, ᾗ ὀρεκτικόν-πρῶτον δὲ πάντων τὸ ὀρεκτόν· τοῦτο γὰρ κινεῖ οὐ κινούμενον, τῷ νοηθῆναι ἢ φαντασθῆναι-ἀριθμῷ δὲ πλείω τὰ κινοῦντα. 7  πεὶ δ' ἔστι τρία, ἓν μὲν τὸ κινοῦν, δεύτερον δ' ᾧ κινεῖ, ἔτι τρίτον τὸ κινούμενον, τὸ δὲ κινοῦν διττόν, τὸ μὲν ἀκίνητον, τὸ δὲ κινοῦν καὶ κινούμενον, ἔστι δὴ τὸ μὲν ἀκίνητον τὸ πρακτὸν ἀγαθόν, τὸ δὲ κινοῦν καὶ κινούμενον τὸ ὀρεκτικόν (κινεῖται γὰρ τὸ κινούμενον ᾗ ὀρέγεται, καὶ ἡ ὄρεξις κίνησίς τίς ἐστιν, ἡ ἐνεργείᾳ), τὸ δὲ κινούμενον τὸ ζῷον· ᾧ δὲ κινεῖ ὀργάνῳ ἡ ὄρεξις, ἤδη τοῦτο σωματικόν ἐστιν-διὸ ἐν τοῖς κοινοῖς σώματος καὶ ψυχῆς ἔργοις θεωρητέον περὶ αὐτοῦ. 8  Νῦν δὲ ὡς ἐν κεφαλαίῳ εἰπεῖν, τὸ κινοῦν ὀργανικῶς ὅπου ἀρχὴ καὶ τελευτὴ τὸ αὐτό-οἷον ὁ γιγγλυμός· ἐνταῦθα γὰρ τὸ κυρτὸν καὶ τὸ κοῖλον τὸ μὲν τελευτὴ τὸ δ' ἀρχή (διὸ τὸ μὲν ἠρεμεῖ τὸ δὲ κινεῖται), λόγῳ μὲν ἕτερα ὄντα, μεγέθει δ' ἀχώριστα. Πάντα γὰρ ὤσει καὶ ἕλξει κινεῖται· διὸ δεῖ, ὥσπερ ἐν κύκλῳ, μένειν τι, καὶ ἐντεῦθεν ἄρχεσθαι τὴν κίνησιν.

9 λως μὲν οὖν, ὥσπερ εἴρηται, ᾗ ὀρεκτικὸν τὸ ζῷον, ταύτῃ αὑτοῦ κινητικόν· ὀρεκτικὸν δὲ οὐκ ἄνευ φαντασίας· φαντασία δὲ πᾶσα ἢ λογιστικὴ ἢ αἰσθητική. Ταύτης μὲν οὖν καὶ τὰ ἄλλα ζῷα μετέχει.

1 433a9 Voilà donc les deux principes qui semblent être les moteurs dans l'animal : c'est ou l'appétit, ou l'intelligence, si l'on admet toutefois qu'on puisse regarder l'imagination comme une sorte de pensée intellectuelle; car la science n'est pas la seule conséquence qu'ait l'imagination ; et dans les animaux autres que l'homme, s'il n'y a ni l'intelligence, ni le raisonnement, il y a du moins l'imagination. Ainsi donc, les deux causes de la locomotion, ce sont l'intelligence et l'appétit. 2 Et j'entends ici l'intelligence qui calcule, en vue de quelque but, l'intelligence pratique; elle diffère de l'intelligence spéculative par la fin qu'elle se propose. Tout appétit tend à quelque objet; et la chose dont il y a appétit devient précisément le principe de l'intelligence pratique : le but final est le principe de l'action C'est donc, ce semble, avec bien de la raison qu'on peut regarder ces deux facultés, l'appétit et la pensée pratique, comme les causes de la locomotion. L'objet désiré produit le mouvement; et par là, la pensée aussi le produit, parce que c'est l'objet désiré qui est son principe. 3 L'imagination , même quand elle meut l'animal, ne le meut pas sans l'appétit. Ainsi donc, c'est l'objet de l'appétit qui seul est ce qui détermine le mouvement ; car s'il y avait deux causes de mouvement, l'intelligence et l'appétit, elles produiraient toutes deux le mouvement selon une forme commune. Mais, loin de là, l'intelligence, dans l'état actuel des choses, ne semble pas pouvoir déterminer le mouvement sans l'appétit, car la volonté aussi est un appétit; et quand l'être se meut par suite d'un raisonnement, c'est encore avec la volonté qu'il se meut. l'appétit, au contraire, le meut souvent contre le raisonnement; car le désir n'est qu'une sorte d'appétit.

4 L'intelligence est donc toujours juste; mais l'appétit et l'imagination peuvent être tantôt justes et tantôt ne l'être pas. Ainsi, c'est toujours l'objet de l'appétit qui provoque le mouvement; et c'est ou un bien réel ou un bien apparent; ce n'est pas le bien dans toute sa généralité, mais c'est le bien qui est à faire : et à faire, signifie ce qui pourrait aussi être autrement qu'il n'est.

5 Il est donc évident que c'est cette faculté de l'âme qu'on nomme  433b l'appétit, qui est la cause du mouvement. Mais quand l'on divise l'âme en parties , si c'est d'après ses facultés qu'on la divise et la sépare, on en distingue alors un grand nombre : nutritive, sensible, intelligente, volontaire, appétitive; et toutes ces parties diffèrent plus entre elles que la partie affective et la partie passionnée.

6 Les appétits peuvent être contraires les uns aux autres; et cette opposition se manifeste quand la raison et la passion se combattent; mais elle ne peut se produire que dans des êtres qui ont le sentiment du temps. L'intelligence commande de résister à cause du résultat futur; mais le désir commande par le besoin d'être satisfait sur-le-champ. L'objet qui est actuellement agréable paraît être absolument agréable, absolument bon, parce que l'être ne prévoit pas ce qui doit suivre. Spécifiquement, le principe qui meut serait donc unique : c'est la partie appétitive de l'âme, en tant qu'appétitive. Mais le premier de tous les moteurs n'en est pas moins l'objet que poursuit l'appétit; car sans être mû lui-même, il meut, parce qu'il est conçu par l'intelligence ou qu'il est imaginé. Mais numériquement, les moteurs peuvent être multiples. 7 Il faut ici distinguer trois termes : le moteur d'abord; le second, ce par quoi il meut; et le troisième enfin, le mobile. Mais le moteur peut être de deux façons : soit immobile, soit moteur et mû tout à la fois. Le moteur immobile, c'est le bien qui est à faire ; le moteur tout à la fois moteur et mû, c'est l'appétit; car ce qui appelé est mû en tant qu'il appète, et l'appétition est une sorte de mouvement en tant qu'elle est acte. D'autre part, le mobile, c'est l'animal ; et l'instrument par lequel l'appétit communique le mouvement étant un instrument tout corporel, c'est dans les fonctions communes du corps et de l'âme qu'il convient de l étudier. 8 Mais ici, pour exprimer tout en un mot, on peut dire que le moteur organique, celui où une même chose se trouve à la fois principe et fin, est comme un gond. Dans un gond, la mortaise et le tenon se trouvent être, l'un la fin et l'autre le principe. Voilà pourquoi l'un reste en repos et l'autre est en mouvement. Rationnellement, ce sont deux pièces différentes, mais elles sont indivisibles en réalité ; car tous les mouvements ont lieu par impulsion et traction ; et il faut qu'il y ait toujours quelque point qui demeure en place, comme le centre dans le cercle, et que ce soit de là que parte tout le mouvement.

9 En résumé donc, comme on l'a déjà dit, c'est en tant que l'animal est susceptible d'appétit qu'il se meut lui-même. Il ne peut pas être susceptible d'appétit sans imagination ; or toute imagination est ou raisonnable ou sensible ; et c'est ainsi que les autres animaux ont l'imagination tout aussi bien que l'homme.

§ 1. Qui semblent, parce que l'appétit, se trouvant dans toutes les parties de l'âme, il semble difficile de l'attribuer spécialement à l'une d'elles, et que la locomotion ne dépend exclusivement ni de l'appétit ni de l'intelligence , comme on le verra plus tard. La cause première du mouvement est l'objet réel auquel tend l'appétit : l'appétit lui-même et l'intelligence ne sont que de» causes apparentes.

De pensée intellectuelle, d'acte de l'intelligence, plutôt que l'intelligence proprement dite.

La science, dans l'homme, dont l'intelligence ne peut rien concevoir sans l'intermédiaire des images.

Et dans les animaux autres que l'homme, mot à mot : « dans les autres animaux. »

II y a du moins l'imagination, qui supplée à l'intelligence, et qui, comme elle, peut donner le mouvement à l'animal.

§ 2. L'intelligence pratique. Voir plus haut, ch. 5, § 2.

L'intelligence spéculative, qu'il ne faut pas confondre avec l'intelligence passive. Dans le chap. 5, l'intelligence active, opposée à l'intelligence passive, est précisément celle qui spécule, qui comprend, et qui, par suite, peut déterminer la volonté et l'action. J'ai été obligé de prendre le mot « pratique » pour rendre la différence des deux mots grecs; mais, en français, la nuance « d'activé et de pratique » n'est peut-être pas aussi distincte.

Par la fin qu'elle se propose, ou mieux peut-être : « parce qu'elle se propose une fin. »

Le but final. Le texte dit simplement : « le dernier, ou l'extrême. »

L'objet désiré par l'appétit, « Désiré» m'a paru suffire, quoique je ne conserve point ainsi l'analogie verbale qui est dans le grec. Simplicius et divers manuscrits, suivis par les Aldes et Sylburge, donnent ici une variante qui mérite la plus grande attention. Au lieu de l'objet de l'appétit, le mot qu'ils emploient signifie la « faculté de l'appétit ; » et c'est précisément la même expression dont Aristote s'est servi plus haut, liv. 1I, ch. 3, § 1 ; mais il parait que le contexte (voir plus has la fin du § 6 ) exige ici la leçon que j'ai suivie, après M. Trendelenbourg et l'éd. de Berlin ; elle est justifiée d'ailleurs par la théorie exposée sur le même point dans les Leçons de physique, liv. VIII, ch. 2, p. 253, a, 13, éd. de Berlin, et par la théorie générale d'Aristote sur l'immobilité nécessaire du premier moteur, Métaphysique, liv. XII

C'est l'objet désiré qui est son principe. Même remarque. § 3. Sans l'appétit, qui a toujours en vue un certain objet qui l'excite.

C'est l'objet de l'appétit, ou l'objet désiré.

Qui seul est ce qui détermine le mouvement. Voilà, pourquoi Aristote a, plus haut, usé d'une expression restrictive , et que l'appétit et l'intelligence lui ont semblé des causes de mouvement.

Selon une forme commune, c'est-à-dire que, de même que l'intelligence. quand elle cause le mouvement, est toujours accompagnée d'appétit, de même l'appétit devrait toujours être accompagné d'intelligence , ce qui n'est pas.

Dans l'état actuel des choses, mot à mot : « maintenant. »

Car la volonté aussi est un appétit. Voir plus haut, chap. 9, § 3. — Par la volonté qu'il se meut. Même remarque.

Mais l'appétit, au contraire , le meut souvent contre le raisonnement, et c'est là ce qui fait que l'intelligence et l'appétit, comme causes de mouvement, n'agissent pas selon une forme commune.

Le désir n'est qu'une sorte d'appétit. Les deux mots grecs sont un peu plus différents que ne le sont les mots français « désir et appétit : » peut-être faudrait-il traduire passion au lieu de « désir. » La passion échappe à la raison plus encore que le désir.

§ 4. L'intelligence est donc toujours juste. Voir plus haut, ch. 6, §§ 1 et 7.

Justes, ou « droites, » comme le dit le texte littéralement.

C'est l'objet de l'appétit. Voir plus haut la note sur le § 2.

Dans toute sa généralité. Le texte dit : « le bien tout entier, » tout le bien.

Ce qui pourrait aussi être autrement qu'il n'est, parce qu'il n'y a pas de nécessité là où la volonté doit s'exercer. La volonté ou liberté, et la nécessité s'excluent mutuellement.

§ 5. Qui est la cause du mouvement , dans l'âme ; mais ce n'est pas la cause première du mouvement : cette cause première est l'objet même auquel s'applique celte faculté de l'âme, comme il a été dit plus haut à la fin du § 2.

On en distingue alors un grand nombre. Voir plus haut celles qu'Aristote a distinguées, liv. ii, chap. 3, § 1.

Diffèrent plus entre elles que la partie affective et la partie passionnée. Cent la critique qu'*Aristote a déjà adressée à Platon : voir plus haut, chap. 9, § 2.

§ 6. La raison et la passion se combattent, et il y a dans l'une et dans l'autre appétit. comme il a été dit plus haut, chap. 9, § 3.

Qui ont le sentiment du temps. Et Aristote en explique le motif : là où il n'y a qu'appétit sans raison qui puisse calculer les suites, les appétits ne se combattent pas ; l'animal n'obéit qu'à un instinct aveugle. — Sur-le-champ. Le texte dit mot à mot : déjà. Je n'ai pu rendre toute la force de celte expression , et j'ai dû la paraphraser.

Actuellement. Le texte dit encore : déjà.

Ne prévoit pas ce qui doit suivre, attendu qu'il n'a pas la notion du temps. Cuver, Règne animal, l.I, p. 42, distingue aussi, dans l'intelligence, la prudence qui prévoit les conséquences des sensations. Voir en outre Cicéron, de Officiis, lib. I, cité par Reid, Essai sur les facultés de l'esprit humain, essai III. part. in, chap. 2.

Spécifiquement, opposé à « numériquement, » qui est plus bas.

Serait donc unique. Aristote prend encore une forme dubitative. Voir plus haut, § 5 et § 2.

C'est la partie appétitive de l'âme en tant qu'appétitive. Cette dernière restriction est nécessaire , puisque l'appétit peut se trouver dans l'intelligence, dans la sensibilité, dans l'imagination ; voir plus haut, chap. 9, § 3.

Sans être mû lui-même il meut. Ainsi Aristote rattache le mouvement, dans l'être animé, au principe général par lequel il explique le mouvement dans l'univers. Voir la Métaphysique, liv. XII, chap. 7, p. 1072, b, 14, édit. de Berlin. C'est le principe suprême « auquel sont suspendus le ciel et la nature. » Dans la Morale à Eudème, liv. VII, chap. 14, p. 1218,a, 25, édit. de Berlin , la cause du mouvement dans l'âme de l'homme est rapportée directement à Dieu.

Mais numériquement, attendu que les parties de l'âme dans lesquelles se trouve l'appétit sont elles-mêmes diverses. Voir plus haut, chap. 9, § 3.

§ 7. II faut distinguer ici trois termes. Ces distinctions se retrouvent tout-à-fait identiques dans les Leçons de Physique, liv. VIII, ch. 5, p. 256, a, 22. éd. de Berlin , et aussi dans la Métaphysique, liv. XII, ch. 7.

Le moteur peut être de deux façons. Même remarque.

C'est le bien qui est à faire. Dans la Métaphysique aussi, c'est le désirable qui est le moteur immobile, liv. XII, ch. 7, p. 1072, a, 26, éd. de Berlin.

Ce qui appète. J'ai admis ce mot, qui est peu en usage, afin de conserver l'analogie qui est en grec, et qui devait être conservée autant que possible. L'édition de Berlin donne ici une leçon qui n'est point préférable à la leçon vulgaire, bien qu'elle ait l'autorité de quelques manuscrits : « ce qui « est mû est mû en tant qu'il appète. » Je la repousse à l'exemple de M. Trendelenhourg.

L'appétition. J'ai tâché de rendre par ce mot, que je me permets de forger, la ressemblance que présente le mot grec avec celui qui précède.

En tant qu'elle est acte. Philipon donne ici une variante . « est une sorte de mouvement ou d'acte. » Simplicius a la leçon ordinaire. qu'il convient de ne pas changer.

Le mobile. Le troisième terme dont il a été question au début du paragraphe.

Communiqua le mouvement. Le texte dit tout simplement : meut.

Les fonctions communes. Aristote ne dit point quelles sont ces fonctions communes; dans le Traité du Mouvement des animaux, et particulièrement aux chapitres 6 et 7, pages 700, b, et suiv., éd. de Berlin, Aristote, en parlant du mouvement de l'âme, dans les animaux doués d'intelligence, se réfère à la fois, et à son ouvrage spécial sur l'âme, et à ses théories de la Philosophie première, c'est-à-dire de la Métaphysique.

§ 8. Est comme un gond. Les mêmes idées sont développées dans le Traité du Mouvement des animaux, ch. 1, p. 698, a, 15, et dans le Traité de la Marche des animaux, ch. 12, p. 711, a, 11, éd. de Berlin.

La mortaise et le tenon. Le texte dit : « le raccourci et le creux. » Peut-être vaudrait-il mieux prendre des expressions moins techniques, et par conséquent plus générales, que celles que j'ai adoptées.

Tous les mouvements. Le texte est moins précis ; mais cette pensée se retrouve identiquement et sous cette forme générale dans le Traité de la Marche des animaux, ch. 2, p. 704, b, 23.

En réalité. Mot à mot : « en grandeur. »

Impulsion et traction. Il est difficile de trouver des mots plus convenables pour rendre ceux du texte.

§. 9. Comme on l'a déjà dit, au début même de ce chapitre et à la fin de l'autre.

Sans imagination. Voir plus haut, § 3.

Les autres animaux. Voir plus haut, ch. 3, § 7. Aristote entend toujours parler ici des animaux supérieurs. Il dira quelque chose du principe du mouvement dans les animaux Inférieurs, au début du chapitre suivant.

CHAPITRE XI.

Dans les animaux inférieurs, le mouvement est encore produit par la même cause; mais c'est la partie la plus infime de l'imagination qui chez eux le détermine.

Rôle de la volonté et de la raison.

433b31 1 Σκεπτέον δὲ καὶ περὶ τῶν ἀτελῶν τί τὸ κινοῦν ἐστιν, 434a οἷς ἁφῇ μόνον ὑπάρχει αἴσθησις, πότερον ἐνδέχεται φαντασίαν ὑπάρχειν τούτοις, ἢ οὔ, καὶ ἐπιθυμίαν. Φαίνεται γὰρ λύπη καὶ ἡδονὴ ἐνοῦσα, εἰ δὲ ταῦτα, καὶ ἐπιθυμίαν ἀνάγκη. Φαντασία δὲ πῶς ἂν ἐνείη; ἢ ὥσπερ καὶ κινεῖται ἀορίστως, καὶ ταῦτ' ἔνεστι μέν, ἀορίστως δ' ἔνεστιν.

2 μὲν οὖν αἰσθητικὴ φαντασία, ὥσπερ εἴρηται, καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις ζῴοις ὑπάρ- χει, ἡ δὲ βουλευτικὴ ἐν τοῖς λογιστικοῖς (πότερον γὰρ πράξει τόδε ἢ τόδε, λογισμοῦ ἤδη ἐστὶν ἔργον· καὶ ἀνάγκη ἑνὶ μετρεῖν· τὸ μεῖζον γὰρ διώκει· ὥστε δύναται ἓν ἐκ πλειόνων φαντασμάτων ποιεῖν). Καὶ αἴτιον τοῦτο τοῦ δόξαν μὴ δοκεῖν ἔχειν, ὅτι τὴν ἐκ συλλογισμοῦ οὐκ ἔχει, αὕτη δὲ κινεῖ· 3 διὸ τὸ βουλευτικὸν οὐκ ἔχει ἡ ὄρεξις· νικᾷ δ' ἐνίοτε καὶ κινεῖ ὁτὲ μὲν αὕτη ἐκείνην, ὁτὲ δ' ἐκείνη ταύτην, ὥσπερ σφαῖρα <σφαῖραν>, ἡ ὄρεξις τὴν ὄρεξιν, ὅταν ἀκρασία γένηται· φύσει δὲ ἀεὶ ἡ ἄνω ἀρχικωτέρα καὶ κινεῖ· ὥστε τρεῖς φορὰς ἤδη κινεῖσθαι. 5  Τὸ δ' ἐπιστημονικὸν οὐ κινεῖται, ἀλλὰ μένει. πεὶ δ' ἡ μὲν καθόλου ὑπόληψις καὶ λόγος, ἡ δὲ τοῦ καθ' ἕκαστον (ἡ μὲν γὰρ λέγει ὅτι δεῖ τὸν τοιοῦτον τὸ τοιόνδε πράττειν, ἡ δὲ ὅτι τόδε τοιόνδε, κἀγὼ δὲ τοιόσδε), ἢ δὴ αὕτη κινεῖ ἡ δόξα, οὐχ ἡ καθόλου, ἢ ἄμφω, ἀλλ' ἡ μὲν ἠρεμοῦσα μᾶλλον, ἡ δ' οὔ.

1 433b31 Il faut étudier aussi, pour les animaux imparfaits , quel est le moteur qui les anime. 434a Et par exemple, pour ceux qui n'ont pas d'autre sens que le toucher, peuvent-ils ou ne peuvent-ils pas avoir l imagination et le désir? Il paraît bien qu'ils éprouvent douleur et plaisir; et si ces deux sentiments existent en eux, il faut nécessairement aussi qu'il y ait désir. Mais comment l'imagination pourrait-elle être dans ces animaux ? On doit répondre que de même qu'ils sont mus d'une manière tout indéterminée, de même ces sensations sont eu eux, c'est-à-dire y sont indéterminément.

2 Ainsi, l'imagination sensible se trouve, comme je l'ai dit, dans les autres animaux. Mais l'imagination qui va jusqu'à la volonté se trouve exclusivement dans les animaux doués de raison. Faut-il faire telle ou telle chose? c'est là une pure affaire de raisonnement; et l'être doit nécessairement ici rapporter tout à une mesure unique; car il poursuit le meilleur; et c'est ainsi que l'être raisonnable peut réduire à l'unité plusieurs images diverses. Si d'ailleurs les animaux inférieurs paraissent ne pas avoir la faculté d'opinion, c'est qu'ils n'ont pas cette opinion qui vient du raisonnement, tandis que l'imagination douée de volonté la possède. 3 Ainsi, l'appétit n'a pas la volonté qui délibère. Mais parfois il l'emporte sur la volonté et la met en mouvement. Parfois aussi, c'est la volonté qui l'emporte sur l'appétit; et c'est comme une halle renvoyée de l'un à l'autre. Enfin, l'appétit meut l'appétit, et c'est le cas de l'intempérance. Mais c'est toujours la partie supérieure qui naturellement est la plus dominatrice; et elle produit le mouvement, qui peut d'ailleurs se partager ainsi en ces trois directions diverses. 4 D'un autre côté, la partie de l'âme qui sait n'est pas mise en mouvement; elle demeure en place. Mais puisque l'on doit distinguer la conception de l'universel ou raison , de la conception du particulier; et, par exemple, la première dit que tel être doit faire telle chose, et l'autre que cette chose, cette chose actuelle, est telle chose, et que moi, par exemple, je suis de telle façon; c'est la conception particulière qui meut, ce n'est pas la conception universelle. Ou bien si l'on admet que ce sont les deux qui peuvent causer le mouvement, l'une du moins doit être considérée comme restant plutôt en repos, et l'autre comme n'y restant pas.

§ 1. Pour les animaux imparfaits, c'est-à-dire, comme la suite l'explique, qui n'ont qu'un seul sens, celui du toucher, dans lequel il faut comprendre aussi celui du goût : ces animaux sont les zoophytes, les mollusques.

II faut nécessairement aussi qu'il y ait désir , et par suite aussi imagination. Ceci semblerait contredire ce qu'Aristote a dit plus haut, chap. 3, § 7, quand il refusait l'imagination a un certain nombre d'animaux, comme l'abeille, le ver, etc.

D'une manière tout indéterminée. Il est assez difficile de comprendre ce qu'Aristote veut dire ici. D'abord il ne s'agit point de locomotion, il s'agit seulement d'un mouvement qui modifie l'animal sans que l'animal change de place. Quand l'animal est affecté par un objet extérieur, il sent uniquement que cet objet lui cause du plaisir ou de la douleur; il ne sent pas quel est cet objet, il ne le distingue pas, il ne le détermine pas; et, par suite, le mouvement qui se passe en lui est indéterminé, tout comme la faculté de sentir qu'il possède.

Ces sensations du plaisir et de la douleur.

Il semble que ce premier paragraphe serait mieux placé à la fin du chapitre précédent, plutôt qu'au commencement de celui-ci; mais j'ai cru devoir suivre la division reçue.

§ 2. Comme je l'ai dit, à la fin du chapitre précédent, § 9.

Dans les autres animaux, dans les animaux autres que l'homme.

L'imagination qui va jusqu'à la volonté, ou à la délibération. Aristote a nommé cette Imagination, raisonnable ou raisonnante, chap. 10, § 9, en l'opposant, comme ici, è l'imagination sensible.

A une mesure unique, qui est le parti le meilleur à prendre, comme le dit la phrase suivante.

Le meilleur, mot à mot. · le « plus grand ; » et cette expression du texte se rapporte mieux à l'idée de mesure que celle de la traduction; mais l'idée de meilleur est ici plus claire, si elle est moins logique.

L'être raisonnable. Le texte ne donne aucun sujet.

Les animaux inférieurs. Même remarque.

La faculté d'opinion, s'ils ne délibèrent pas, comme l'homme le fait.

Du raisonnement, mot à mot : « du syllogisme. »

Tandis que l'imagination douée de volonté la possède. Le texte dit simplement : « Celle-ci (possède) celle-là. »

§ 3. La volonté qui délibère. J'ai paraphrasé le texte.

Et c'est comme une balle renvoyée de l'un à l'autre. Le texte dit simplement : « comme une balle » ou une sphère. Le sens que j'ai adopte est celui qu'adopte également Simplicius. D'autres commentateurs , Thémistius en tête, ont cru qu'il s'agissait ici des sphères célestes, parmi lesquelles la sphère supérieure entraîne dans son mouvement la sphère inférieure qui dépend d'elle. La raison entraînerait ainsi l'appétit, parce qu'elle lui serait supérieure. M. Trendelenhourg adopte ce sens, et le trouve fort préférable à tout autre. J'avoue que je suis d'un avis tout opposé; ce qui m'y détermine, c'est l'expression tout-à-fait analogue du livre II, chap. 8, § 4 ; et, bien que la comparaison dont se sert Aristote ne soit peut-être pas fort exacte, elle me paraît très naturelle et très claire. Cette interprétation, je dois le dire, a de plus contre elle saint Thomas et les Coïmhrois.

Enfin l'appétit. J'ai adopté ici la légère correction que propose M. Trendelenhourg.

L'appétit meut l'appétit, c'est-à-dire que l'appétit s'excite lui-même en se satisfaisant outre mesure, comme dans les hommes qui se laissent aller à l'intempérance.

La partie supérieure. L'épithète est un peu vague ; mais c'est la reproduction exacte du texte. Aristote veut dire sans doute que c'est de la partie qui l'emporte sur l'autre que vient le mouvement, soit dans le sens de la raison, soit dans le sens de l'appétit.

En ces trois directions diverses. Il me semble que ceci se rapporte bien aux trois mouvements qu'Aristote vient d'énumérer : 1° le mouvement que la raison donne à l'appétit ; 2° le mouvement que l'appétit impose à la raison ; 3° le mouvement désordonné que l'appétit donne à l'appétit. Les commentateurs, qui ont appliqué la comparaison de ce paragraphe aux sphères célestes, veulent retrouver ici, pour être conséquents , les trois mouvements dont, suivant eux, les sphères célestes sont animées.

§ 4. La partie de l'âme qui sait, c'est l'intelligence, l'entendement, qui, selon Aristote, est impassible (voir plus haut, chap. 5, § 1). et qui par conséquent ne reçoit point de mouvement.

La conception de l'universel. M. Trendclenbourg rappelle ici avec raison le passage du traité du Mouvement des animaux , ch. 7, p. 701, a, 10 et suiv., édit. de Berlin, où Aristote présente l'action dans les animaux comme le résultat et la conclusion d'un syllogisme. La conception universelle, c'est le majeur ; la conception particulière, c'est le moyen; et l'action qui suit cette conception particulière est le mineur. Le moyen seul est la cause du mouvement; et, si l'animal n'en avait pas la conception, il n'agirait pas. Voir plus haut, chap 10. § 4.

La conception de l'universel.. du particulier. Le texte dit : « universelle... particulière. »

Cette chose actuelle. J'ai ajouté ces mots d'après la leçon adoptée par l'édition de Berlin et par M. Trendelenbourg, sur l'autorité de deux manuscrits. Elle n'est pas indispensable , mais elle complète la pensée.

C'est la conception particulière. J'ai paraphrasé toute cette fin du paragraphe pour la rendre plus claire et plus précise.

 

CHAPITRE XII.

Retour sur la répartition des facultés de l'âme parmi les êtres. La nutrition appartient à tous les êtres vivants; la sensibilité appartient à tous les animaux. — Le corps de l'animal doit être composé. — Rôle du toucher et du goût, sens de la nutrition , dans la conservation de l'animaL Le toucher et le goût sont nécessaires; les autres sens ne sont qu'utiles.

Mouvement particulier de l'altération qui s'accomplit sur place; rôle indispensable de l'air dans l'acte de la vision.

434a21 1 Τὴν μὲν οὖν θρεπτικὴν ψυχὴν ἀνάγκη πᾶν ἔχειν ὅτι περ ἂν ζῇ καὶ ψυχὴν ἔχῃ, ἀπὸ γενέσεως καὶ μέχρι φθορᾶς· ἀνάγκη γὰρ τὸ γενόμενον αὔξησιν ἔχειν καὶ ἀκμὴν καὶ φθίσιν, ταῦτα δ' ἄνευ τροφῆς ἀδύνατον· ἀνάγκη ἄρα ἐνεῖναι τὴν θρεπτικὴν δύναμιν ἐν πᾶσι τοῖς φυομένοις καὶ φθίνουσιν· 2 αἴσθησιν δ' οὐκ ἀναγκαῖον ἐν ἅπασι τοῖς ζῶσιν· οὔτε γὰρ ὅσων τὸ σῶμα ἁπλοῦν ἐνδέχεται αὐτὴν ἔχειν, [οὔτε ἄνευ ταύτης οἷόν τε οὐθὲν εἶναι ζῷον] οὔτε ὅσα μὴ δεκτικὰ τῶν εἰδῶν ἄνευ τῆς ὕλης. 3 τὸ δὲ ζῷον ἀναγκαῖον αἴσθησιν ἔχειν, 434a30α <οὐδὲ ἄνευ ταύτης οἷόν τε οὐθὲν εἶναι ζῷον,> 434a31 εἰ μηθὲν μάτην ποιεῖ ἡ φύσις. ἕνεκά του γὰρ πάντα ὑπάρχει τὰ φύσει, ἢ συμπτώματα ἔσται τῶν ἕνεκά του. εἰ οὖν πᾶν σῶμα πορευτικόν, μὴ ἔχον αἴσθησιν, φθείροιτο ἂν καὶ 434b εἰς τέλος οὐκ ἂν ἔλθοι, ὅ ἐστι φύσεως ἔργον (πῶς γὰρ θρέψεται; τοῖς μὲν γὰρ μονίμοις ὑπάρχει τοῦτο ὅθεν πεφύκασιν, 4  οὐχ οἷόν τε δὲ σῶμα ἔχειν μὲν ψυχὴν καὶ νοῦν κριτικόν, αἴσθησιν δὲ μὴ ἔχειν, μὴ μόνιμον ὄν, γενητὸν δέ-ἀλλὰ μὴν οὐδὲ ἀγένητον· διὰ τί γὰρ οὐχ ἕξει; ἢ γὰρ τῇ ψυχῇ βέλτιον ἢ τῷ σώματι, νῦν δ' οὐδέτερον· ἡ μὲν γὰρ οὐ μᾶλλον νοήσει, τῷ δ' οὐθὲν ἔσται μᾶλλον δι' ἐκεῖνο) -οὐθὲν ἄρα ἔχει ψυχὴν σῶμα μὴ μόνιμον <ὂν> ἄνευ αἰσθήσεως. 5  ἀλλὰ μὴν εἴγε αἴσθησιν ἔχει, ἀνάγκη τὸ σῶμα εἶναι ἢ ἁπλοῦν ἢ μικτόν. οὐχ οἷόν τε δὲ ἁπλοῦν· ἁφὴν γὰρ οὐχ ἕξει, ἔστι δὲ ἀνάγκη ταύτην ἔχειν. τοῦτο δὲ ἐκ τῶνδε δῆλον. 6 ἐπεὶ γὰρ τὸ ζῷον σῶμα ἔμψυχόν ἐστι, σῶμα δὲ ἅπαν ἁπτόν, [ἁπτὸν δὲ τὸ αἰσθητὸν ἁφῇ,] ἀνάγκη [καὶ] τὸ τοῦ ζῴου σῶμα ἁπτικὸν εἶναι, εἰ μέλλει σώζεσθαι τὸ ζῷον. αἱ γὰρ ἄλλαι αἰσθήσεις δι' ἑτέρων αἰσθάνονται, οἷον ὄσφρησις ὄψις ἀκοή· ἁπτόμενον δέ, εἰ μὴ ἕξει αἴσθησιν, οὐ δυνήσεται τὰ μὲν φεύγειν τὰ δὲ λαβεῖν. εἰ δὲ τοῦτο, ἀδύνατον ἔσται σώζεσθαι τὸ ζῷον. 7 διὸ καὶ ἡ γεῦσίς ἐστιν ὥσπερ ἁφή τις· τροφῆς γάρ ἐστιν, ἡ δὲ τροφὴ τὸ σῶμα ἁπτόν. ψόφος δὲ καὶ χρῶμα καὶ ὀσμὴ οὐ τρέφει, οὐδὲ ποιεῖ οὔτ' αὔξησιν οὔτε φθίσιν· ὥστε καὶ τὴν γεῦσιν ἀνάγκη ἁφὴν εἶναί τινα, διὰ τὸ τοῦ ἁπτοῦ καὶ θρεπτικοῦ αἴσθησιν εἶναι· αὗται μὲν οὖν ἀναγκαῖαι τῷ ζῴῳ, καὶ φανερὸν ὅτι οὐχ οἷόν τε ἄνευ ἁφῆς εἶναι ζῷον, 8  αἱ δὲ ἄλλαι τοῦ τε εὖ ἕνεκα καὶ γένει ζῴων ἤδη οὐ τῷ τυχόντι· ἀλλὰ τισίν, οἷον τῷ πορευτικῷ, ἀνάγκη ὑπάρχειν· εἰ γὰρ μέλλει σώζεσθαι, οὐ μόνον δεῖ ἁπτόμενον αἰσθάνεσθαι ἀλλὰ καὶ ἄποθεν. τοῦτο δ' ἂν εἴη, εἰ διὰ τοῦ μεταξὺ αἰσθητικὸν εἴη τῷ ἐκεῖνο μὲν ὑπὸ τοῦ αἰσθητοῦ πάσχειν καὶ κινεῖσθαι, αὐτὸ δ' ὑπ' ἐκείνου. 9  ὥσπερ γὰρ τὸ κινοῦν κατὰ τόπον μέχρι του μεταβάλλειν ποιεῖ, καὶ τὸ ὦσαν ἕτερον ποιεῖ ὥστε ὠθεῖν, καὶ ἔστι διὰ μέσου ἡ κίνησις, καὶ τὸ μὲν πρῶτον κινοῦν ὠθεῖ οὐκ ὠθούμενον, τὸ δ' ἔσχατον μόνον ὠθεῖται οὐκ ὦσαν, τὸ δὲ μέσον ἄμφω, 435a πολλὰ δὲ τὰ μέσα, οὕτω καὶ ἐπ' ἀλλοιώσεως, πλὴν ὅτι μένοντος ἐν τῷ αὐτῷ τόπῳ ἀλλοιοῖ, οἷον εἰ εἰς κηρὸν βάψειέ τις, μέχρι τούτου ἐκινήθη, ἕως ἔβαψεν· λίθος δὲ οὐδέν, ἀλλ' ὕδωρ μέχρι πόρρω· ὁ δ' ἀὴρ ἐπὶ πλεῖστον κινεῖται καὶ ποιεῖ καὶ πάσχει, ἐὰν μένῃ καὶ εἷς ᾖ. διὸ καὶ περὶ ἀνακλάσεως βέλτιον ἢ τὴν ὄψιν ἐξιοῦσαν ἀνακλᾶσθαι τὸν ἀέρα πάσχειν ὑπὸ τοῦ σχήματος καὶ χρώματος, μέχρι περ οὗ ἂν ᾖ εἷς. ἐπὶ δὲ τοῦ λείου ἐστὶν εἷς· διὸ πάλιν οὗτος τὴν ὄψιν κινεῖ, ὥσπερ ἂν εἰ τὸ ἐν τῷ κηρῷ σημεῖον διεδίδοτο μέχρι τοῦ πέρατος.

1 Il faut donc nécessairement que tout être qui vit ait l'âme nutritive, et qu'il l'ait depuis sa naissance jusqu'à sa mort; car il faut nécessairement que ce qui est une fois né croisse, se développe et périsse; et tout cela n'est possible que par la nutrition. Ainsi donc, il est également indispensable que la faculté nutritive se trouve dans tous les êtres qui se produisent et qui meurent. 2 Mais il n'est pas nécessaire qu'il y ait sensibilité dans tous les êtres vivants. Ainsi, tous ceux dont le corps est simple sont privés du toucher, tout comme il est impossible que sans le toucher il y ait un animal La sensibilité n'est pas faite davantage pour ceux qui ne peuvent recevoir les formes des objets sans la matière. 3 Mais c'est chose nécessaire que l'animal soit doué de la sensibilité, s'il est vrai que la nature ne fait rien en vain; car toutes les choses de la nature ont un but, ou bien sont les conditions des choses qui ont un but. Si donc tout corps qui peut se déplacer n'avait pas la sensibilité, il périrait infailliblement, et n'arriverait pas à sa fin, qui est le grand objet de la nature. Comment, en effet, pourrait-il se nourrir? Mais, pour les êtres qui restent en place, ils tirent directement la nourriture qui les fait vivre du lieu même où ils naissent. 4 Il n'est pas possible davantage qu'un corps ait une âme, et une intelligence qui juge, s'il n'a pas la sensibilité; j'entends un corps qui n'est pas immobile et qui est engendré Car pourquoi l'animal ne l'aurait-il pas? c'est que ce serait mieux ou pour son âme ou pour son corps. Mais ici il n'y a ni l'un ni l'autre de ces avantages; l'âme ne pensera pas plus, et le corps ne durera pas plus, pour être privé de cette faculté. Ainsi, aucun corps non immobile ne peut avoir une âme sans la sensibilité. 5 Mais si le corps a la sensibilité, il faut nécessairement qu'il soit ou simple ou composé. Or, il n'est pas possible qu'il soit simple, puisque, s'il l'était, il n'aurait pas le toucher, et qu'il est indispensable qu'il le possède. 6 Voici ce qui le prouve bien : comme l'animal est un corps doué d'une âme, et que tout corps est tangible, tangible signifiant ce qui peut être senti par le toucher, il faut aussi que le corps de l'animal possède le sens du toucher pour que l'animal puisse se conserver. Tous les autres sens, en effet, l'odorat, la vue, l'ouïe, sentent par des intermédiaires différents d'eux; mais quand l'être touche, s'il n'a pas la sensibilité, il ne pourra ni éviter certaines choses, ni en prendre certaines autres; et dans ces conditions, il est impossible que l'animai puisse se conserver. 7 Voilà aussi pourquoi le goût est une sorte de toucher; il est le sens de la nutrition; et la nourriture est quelque chose qui peut être touché. Au contraire, le son, la couleur, l'odeur ne nourrissent pas, et ne causent dans l'animal ni l'accroissement ni le dépérissement. Mais il y a nécessité que le goût soit une espèce de toucher, parce qu'il est le sens de ce qui peut être touché et peut nourrir. Voilà donc les sens qui sont nécessaires à l'animal ; et il est évident qu'il ne peut y avoir d'animal sans toucher. 8 Les autres sens sont seulement utiles au bien de l'animal ; et aussi appartiennent-ils, non pas à tous les animaux quels qu'ils soient, mais seulement à quelques uns ; et ils sont nécessaires, par exemple, à l'animal qui marche. Pour qu'il puisse vivre, il ne faut pas uniquement qu'il sente quand il touche les objets, il faut encore qu'il les sente de loin; et c'est ce qui se réalise, s'il peut sentir à travers un intermédiaire, parce qu'alors cet intermédiaire est affecté et mis en mouvement par l'objet sensible, et que l'être l'est ensuite par l'intermédiaire. 9 Ainsi, dans la locomotion, le moteur qui meut l'animal dans l'espace, agit sur lui jusqu'à le faire changer de place; et l'agent qui pousse l'être, fait que cet être va jusqu'à en pousser aussi un autre. Il y a ici mouvement par un intermédiaire; le premier moteur pousse sans être poussé lui-même ; et le dernier est poussé seulement, sans pousser à son tour. L'intermédiaire a les deux mouvements à la fois; et les intermédiaires peuvent être très nombreux. Il en est absolument.de même pour l'altération de l'être: seulement, il subit l'action des choses qui l'altèrent tout en demeurant dans le même lieu. C'est comme lorsqu'on plonge un cachet dans la cire; elle est mue jusqu'à cette profondeur où le cachet y est plongé. Dans ce même cas, il n'y a pas d'altération pour la pierre ; mais l'altération de l'eau peut aller fort loin. Quant à l'air, il est de tous les corps le plus mobile ; il agit et il souffre, pourvu qu'il demeure et garde son unité. Voilà aussi pourquoi, dans la réfraction de la lumière, il vaut mieux, plutôt que d'admettre que la vision sortant de l'œil est réfractée, supposer que c'est l'air qui est affecté par les figures et les couleurs, dans toute l'étendue où il conserve son unité; et il la conserve sur une surface unie. Voilà aussi pourquoi à son tour il meut la vue, comme si l'empreinte marquée sur la superficie de la cire était transmise jusqu'à l'extrémité.


 

§ 1. Aristote a terminé l'analyse des quatre grandes facultés dont il avait parlé plus haut, liv. II, chap. 2, § 2 ; il ne lui reste plus qu'à recueillir les généralités les plus importantes sur ces quatre facultés : nutrition, sensibilité, intelligence, locomotion, et de terminer par ce résumé le traité qu'il a consacré à l'étude de l'Ame. Il ne pourra d'ailleurs ici que répéter ce qu'il a déjà dit antérieurement.

Tout cela n'est possible que par la nutrition. Voir plus haut, liv. ii, chap. 2, § 4; voir aussi Cuvier, Règne animal,  t. I, p. 12.

§ 2. Dans tous les êtres vivants. Il faut nécessairement admettre ici la correction proposée par Philopon, et qui consiste à substituer êtres vivants à « animaux. » La différence en grec ne porte que sur quelques lettres.

La sensibilité n'est indispensable qu'à l'animal, et c'est elle qui le constitue essentiellement. Voir plus haut, liv. ii, chap. 2,, § 4.

Dont le corps est simple. Voir plus bas. § 6, et aussi plus haut, liv. II, chap. 1, § 4.

Les formes des objets sans la matière, précisément parce que la sensibilité est la (acuité de recevoir la forme sans la matière. Voir plus haut, liv. ii, chap. 12, § 1.

§ 3. La nature ne fait rien en vain, principe des causes finales dont Aristote a fait un si large et si judicieux emploi.

Sont les conditions. C'est, à ce qu'il me semble, le sens propre du mot grec.

Qui peut se déplacer, mot à mot : qui marche.

N'avait pas la sensibilité. M. Treodelenbourg propose ici une correction que n'autorise aucun manuscrit, et qui n'est pas indispensable.

Infailliblement. J'ai ajouté ce mot à la fois pour compléter la pensée, et pour rendre toute la force de la tournure grecque.

Le grand objet, mot à mot : l'œuvre.

Directement. J'ai ajouté ce mot.

Du lieu même où ils naissent. Je repousse, avec M. Trendelenbourg, la variante admise par l'édition de Berlin; et je conserve la leçon vulgaire, qui est beaucoup plus satisfaisante.

Cuvier, Règne animal, t. 1, p. 19, reconnaît aussi la locomotilité comme un des caractères distinctive de l'animal

§ 4. Une âme et une intelligence qui juge. Voir plus haut, chap. 9, § 1

S'il n'a pas la sensibilité. Sans la nutrition, pas de sensibilité ; sans la sensibilité, pas d'intelligence. Voir plus haut, ch. 8, § 3.

Et qui est engendré, comme le sont tous les animaux doués de locomotion.

Pourquoi l'animal ne l'aurait-il pas? C'est la leçon adoptée par Simplicius et par plusieurs éditeurs , entre autres par les Coïmbrois dans leur traduction.

Ainsi aucun corps non immobile. Cette conclusion est parfaitement conséquente à tout ce qui précède. Mais tout ce paragraphe est présenté sous une forme très différente par divers commentateurs et divers manuscrits. Le voici d'après cette autre leçon : « mais qui est engendré. J'ajoute qu'un corps qui n'est pas engendré ne peut pas avoir non plus la sensibilité ; car pourquoi l'aurait-il? pas plus, pour avoir cette faculté. Ainsi...» Cette leçon , comme on voit, a le grave inconvénient de troubler toute la suite du raisonnement. Si Thémistius et Philopon l'admettent, Simplicius la repousse. Saint Thomas cherche vainement à l'expliquer; les Coïmbrois, qui l'admettent dans leur texte, la suppriment dans leur traduction. Je crois que celle que j'ai adoptée est de beaucoup préférable; et elle a pour elle tout autant d'autorités que l'autre. Elle a de plus, et ceci doit être décisif, l'autorité de la logique que l'autre n'a pas.

§ 5. Il n'est pas possible qu'il soit simple. Voir plus loin. ch. 13, § 1.

La science moderne arrive par des voies bien différentes à une conclusion analogue ; Cuvier, Règne animal, p, 20, tome 1, établit aussi que le corps de l'animal ne peut être simple, et qu'il se compose au moins de quatre éléments : hydrogène, oxygène, carbone et azote.

S'il l'était, il n'aurait pas le toucher. Voir plus haut, § 2, et liv. Il, ch. 12, la théorie générale du toucher.

Et qu'il est indispensable qu'il le possède. C'est ce qu'Aristote a déjà prouvé dans le § 9, et au liv. II, ch. 12, et dans divers autres passa ges ; il croit devoir y revenir plus au long; et le toucher, tel qu'il l'entend ici, semble presque se confondre pour lui avec la sensibilité, qui est essentielle à l'animal.

§ 6. Tangible signifiant. Cette explication ne paraît pas ici bien nécessaire.

Possède le sens du toucher. Voir plus has, ch. 13. § I.

Pour que l'animal puisse se conserver. La sensibilité constitue l'animal, et le toucher sert à le conserver.

Différents d'eux. C'est le, je crois, la force du mot grec.

II est impossible que l'animal puisse se conserver, plus haut, liv. II, ch. 2, § 5. Aristote a dit que le toucher appartient i» tous les animaux ; c'est seulement ici qu'il en dit la cause. Plus haut aussi, liv. ii, ch. 3, § 3, il a établi que le sens du toucher est le sens de l'alimentation.

§ 7. Le goût est une sorte de toucher. Voir plus haut, liv. Il, ch. 3, § 3.

II est le sens de la nutrition, Id. ib. Aristote a dit la même chose du sens du toucher, qu'il confond du reste sous ce point de vue avec celui du goût.

Le son, la couleur, l'odeur. Voir plus haut, liv. II, ch. 3, § 3, et plus loin ch. 13, § 2.

Les sens qui sont nécessaires, absolument indispensables; les autres complètent l'animal, lui sont utiles. mais ne lui sont pas essentiels ; sans eux il pourrait exister. Voir le § suivant.

§ 8. Les autres sens sont seulement utiles. Voir plus bas une pensée analogue, ch. 13, § 4.

L'animal qui marche. Et voilà pourquoi les animaux qui restent en place, les zoophytes, par exemple, et certains mollusques, n'ont pas ces sens; c'est qu'ils n'en ont pas besoin.

A travers un intermédiaire. L'air surtout, et l'eau aussi ; voir ci-dessus la théorie des divers sens, liv. II, ch. 5 et suiv., et surtout la théorie du toucher, ch. 11.

Mis en mouvement par l'objet sensible. L'air, par la lumière et le son, par exemple.

Et que l'être l'est ensuite par l'intermédiaire. Ce sont là des théories qu'admettrait encore la science actuelle.

§ 9. Dans la locomotion. J'ai ajouté ces mots pour mieux faire sentir la comparaison qui suit, et parce que j'ai été forcé de couper la phrase, qui est très longue en grec.

 A les deux mouvements à la fois, c'est-à-dire qu'il est poussé et qu'il pousse à son tour; il reçoit le mouvement et le transmet.

Il en est absolument de même, Voilà la seconde partie de la phrase du texte ; et Aristote reconnaît dans le mouvement d'altération qui a lieu sur place, les mêmes éléments que dans le mouvement qui se fait par un déplacement dans l'espace. Seulement, il aurait peut-être dû développer davantage sa pensée pour la rendre plus claire.

Tout en demeurant dans le même lieu. J'ai préféré à l'ancienne leçon qu'adopte M. Trendelenbonrg celle de l'édit. de Berlin  « Seulement les choses qui l'altèrent demeurent en place. »

On plonge un cachet. J'ai ajouté ces derniers mots, qui sont nécessaires pour compléter la pensée, et qui de plus sont justifiés par la fin du paragraphe.

Dans ce même cas. J'ai encore ajouté ces mots : je les crois nécessaires aussi. Dans le cas où l'on applique le cachet sur la pierre, la pierre n'éprouve aucune altération.

Mais l'altération de l'eau. Les commentateurs croient qu'il s'agit toujours de l'altération de l'eau par le cachet qu'on poserait sur elle. Cette idée semble, du reste, assez bizarre; elle le semble encore bien davantage, si on l'applique à l'air ; et pourtant, il est difficile de comprendre ce passage autrement.

Pourvu qu'il demeure et garde son unité, pourvu qu'il ne s'échappe pas et garde sa continuité depuis l'objet jusqu'à l'œil qui voit cet objet.

Que la vision sortant de l'œil est réfractée. Ce sont là les théories de Platon; voir le Timée, p. 145, de la trad. de M. Cousin.

Que c'est fuir qui est affecté. Cette hypothèse est en effet la vraie ; et celle de Platon est à la fois beaucoup plus compliquée et beaucoup moins exacte.

Où il conserve son unité, c'est-à-dire sa continuité. Voir plus haut, liv. II, ch. 7, § 5.

Sur une surface unie. Le texte a un sens peu précis, et je ne suis pas sûr de l'avoir bien compris.

A son tour. M. Trendelenbourg a de la peine à s'expliquer celte idée; il semble cependant que ce qui précède la justifie. L'air est affecté par les figures et les couleurs , et à son tour il affecte la vue.

Sur la superficie de la cire. Le texte dit seulement . « dans la « cire. »

Jusqu'à l'extrémité « de la cire. » Reid a beaucoup blâmé cette comparaison, Rech. sur l'entendement humain , chapitre 5 , section 8.

Tout ce paragraphe offre de grandes difficultés, et par malheur le commentaire de Simplicius manque précisément sur ce point ; celui de Philopon est très insuffisant; et la paraphrase de Thémistius ne l'est pas moins.
 

CHAPITRE XIII.

Dernières considérations sur l'importance dn toucher; c'est le seul sens où l'excès de la sensation puisse détruire directement l'animal, parce qu'il est le seul qui constitue l'animal essentiellement.

435a11 1 Ὅτι δ' οὐχ οἷόν τε ἁπλοῦν εἶναι τὸ τοῦ ζῴου σῶμα, φανερόν, λέγω δ' οἷον πύρινον ἢ ἀέρινον. ἄνευ μὲν γὰρ ἁφῆς οὐδεμίαν ἐνδέχεται ἄλλην αἴσθησιν ἔχειν (τὸ γὰρ σῶμα ἁπτικὸν τὸ ἔμψυχον πᾶν, ὥσπερ εἴρηται)· τὰ δὲ ἄλλα ἔξω γῆς αἰσθητήρια μὲν ἂν γένοιτο, πάντα δὲ τῷ δι' ἑτέρου αἰσθάνεσθαι ποιεῖ τὴν αἴσθησιν, καὶ διὰ τῶν μετα- ξύ, ἡ δ' ἁφὴ τῷ αὐτῶν ἅπτεσθαί ἐστιν, διὸ καὶ τοὔνομα τοῦτο ἔχει. καίτοι καὶ τὰ ἄλλα αἰσθητήρια ἁφῇ αἰσθάνεται, ἀλλὰ δι' ἑτέρου· αὕτη δὲ δοκεῖ μόνη δι' αὑτῆς. ὥστε τῶν μὲν τοιούτων στοιχείων οὐθὲν ἂν εἴη σῶμα τοῦ ζῴου. οὐδὲ δὴ γήϊνον. πάντων γὰρ ἡ ἁφὴ τῶν ἁπτῶν ἐστὶν ὥσπερ μεσότης, καὶ δεκτικὸν τὸ αἰσθητήριον οὐ μόνον ὅσαι διαφοραὶ γῆς εἰσίν, ἀλλὰ καὶ θερμοῦ καὶ ψυχροῦ καὶ τῶν ἄλλων ἁπτῶν ἁπάντων. καὶ διὰ τοῦτο τοῖς ὀστοῖς καὶ ταῖς θριξὶ καὶ τοῖς τοιούτοις μορίοις οὐκ αἰσθανόμεθα, ὅτι γῆς ἐστιν, 435b καὶ τὰ φυτὰ διὰ τοῦτο οὐδεμίαν ἔχει αἴσθησιν, ὅτι γῆς ἐστιν· ἄνευ δὲ ἁφῆς οὐδεμίαν οἷόν τε ἄλλην ὑπάρχειν, τοῦτο δὲ τὸ αἰσθητήριον οὐκ ἔστιν οὔτε γῆς οὔτε ἄλλου τῶν στοιχείων οὐδενός. 2  φανερὸν τοίνυν ὅτι ἀνάγκη μόνης ταύτης στερισκόμενα τῆς αἰσθήσεως τὰ ζῷα ἀποθνήσκειν· οὔτε γὰρ ταύτην ἔχειν οἷόν τε μὴ ζῷον ὄν, οὔτε ζῷον ὂν ἄλλην ἔχειν ἀνάγκη πλὴν ταύτην. καὶ διὰ τοῦτο τὰ μὲν ἄλλα αἰσθητὰ ταῖς ὑπερβολαῖς οὐ διαφθείρει τὸ ζῷον, οἷον χρῶμα καὶ ψόφος καὶ ὀσμή, ἀλλὰ μόνον τὰ αἰσθητήρια (ἂν μὴ κατὰ συμβεβηκός, οἷον ἂν ἅμα τῷ ψόφῳ ὦσις γένηται καὶ πληγή), καὶ ὑπὸ ὁραμάτων καὶ ὀσμῆς ἕτερα κινεῖται, ἃ τῇ ἁφῇ φθείρει (καὶ ὁ χυμὸς δὲ ᾗ ἅμα συμβαίνει ἁπτικὸν εἶναι, ταύτῃ φθείρει), 3 ἡ δὲ τῶν ἁπτῶν ὑπερβολή, οἷον θερμῶν καὶ ψυχρῶν καὶ σκληρῶν, ἀναιρεῖ τὸ ζῷον· παντὸς μὲν γὰρ ὑπερβολὴ αἰσθητοῦ ἀναιρεῖ τὸ αἰσθητήριον, ὥστε καὶ τὸ ἁπτὸν τὴν ἁφήν, ταύτῃ δὲ ὥρισται τὸ ζῷον· ἄνευ γὰρ ἁφῆς δέδεικται ὅτι ἀδύνατον εἶναι ζῷον. διὸ ἡ τῶν ἁπτῶν ὑπερβολὴ οὐ μόνον τὸ αἰσθητήριον φθείρει, ἀλλὰ καὶ τὸ ζῷον, ὅτι ἀνάγκη μόνην ἔχειν ταύτην. τὰς δ' ἄλλας αἰσθήσεις ἔχει τὸ ζῷον, ὥσπερ εἴρηται, οὐ τοῦ εἶναι ἕνεκα ἀλλὰ τοῦ εὖ, οἷον ὄψιν, ἐπεὶ ἐν ἀέρι καὶ ὕδατι, ὅπως ὁρᾷ, ὅλως δ' ἐπεὶ ἐν διαφανεῖ, γεῦσιν δὲ διὰ τὸ ἡδὺ καὶ λυπηρόν, ἵνα αἰσθάνηται τὸ ἐν τροφῇ καὶ ἐπιθυμῇ καὶ κινῆται, ἀκοὴν δὲ ὅπως σημαίνηταί τι αὐτῷ [γλῶτταν δὲ ὅπως σημαίνῃ τι ἑτέρῳ].

1 435a11 Il est donc évident qu'il n'est pas possible que le corps de l'animal soit simple, je veux dire, uniquement de feu ou d'air. En effet, l'animai ne peut, sans le toucher, avoir aucun autre sens; et tout corps animé a aussi le toucher, ainsi que je l'ai dit. Mais les autres éléments, si l'on excepte la terre, peuvent devenir des organes de sensation, et tous les sens produisent la sensation, en sentant par autre chose qu'eux-mêmes et par des intermédiaires. Le toucher seul sent les choses en les touchant directement , et voilà pourquoi il reçoit ce nom. Pourtant les autres organes sentent aussi par le toucher; mais c'est au travers d'une autre chose intermédiaire, tandis que le toucher est le seul qui paraisse sentir directement par lui-même. Ainsi donc, le corps de l'animal ne saurait être aucun de ces éléments. Il ne saurait davantage non plus être de terre ; car le toucher s'applique à toutes les choses tangibles comme une sorte de moyen terme ; et l'organe reçoit non seulement toutes les différences dont la terre est susceptible, mais encore celles du chaud, du froid, et de toutes les autres qualités perceptibles au toucher. Si nous ne sentons ni par les os, ni par les cheveux, ni par les autres parties analogues. c'est parce qu'elles sont de terre; 435b et les plantes non plus n'ont aucune sensibilité, parce qu'elles sont de terre également. Il n'est donc pas possible que sans le toucher aucun autre sens existe; et cet organe n'est ni de terre, ni d'aucun autre élément. 2 Il est, par cela même, évident que c'est aussi le seul sens dont les animaux ne puissent être privés sans mourir; car il n'est pas possible que ce qui n'est pas animal le possède; et quand l'animal existe, il n'est pas d'autre sens que celui-là qui lui soit indispensable. Voila aussi pourquoi les autres sensations ne détruisent pas l'animal par leur violence : la couleur, le bruit, l'odeur; elles détruisent seulement le jeu des organes. Elles ne peuvent détruire l'animal qu'indirectement, et, par exemple, si une impulsion violente ou un coup violent accompagne le son ; ou bien si les sensations de la vue ou de l'odorat mettent en mouvement d'autres parties qui détruisent l'animal par le toucher. De même , si les saveurs peuvent tuer l'animal, c'est que l'organe du goût est eu même temps tactile. 3 Mais la violence des sensations du toucher, et, par exemple, la violence du froid, de la chaleur, de la dureté, peut détruire l'animal C'est que l'excès de toute chose sensible détruit l'organe qui la sent; le tangible détruit donc le toucher, et le toucher est ce qui constitue essentiellement l'animal, puisqu'il a été démontré que sans le toucher il est impossible que l'animal existe. Ainsi donc , l'excès des choses tangibles détruit, non pas seulement l'organe, mais aussi l'animal, parce que ce sens est le seul qu'il doive nécessairement avoir. C'est que l'animal, comme on l'a dit, possède les autres sens, non pas pour être simplement, mais pour être bien. Ainsi, il a la vue afin qu'étant dans l'eau et dans l'air comme il y est, et d'une manière générale dans le diaphane, il puisse y voir; il a le goût qui doit s'appliquer à ce qui est doux ou désagréable, afin qu'il sente les qualités de ses aliments, qu'il les désire et se meuve pour les avoir; il a l'ouïe pour comprendre lui-même les choses, tout comme il a la langue pour les faire comprendre à autrui.

 

§ 1. Il est donc évident. Dans le chapitre précédent, § 5, Aristote a essayé de prouver que le corps de l'animal ne peut être simple, parce que l'animal possède le sens du toucher, et que le toucher lui est indispensable. Il a démontré le second point; il revient ici au premier. Le raisonnement aurait pu être plus concis et plus rigoureux; mais il se suit, et la forme de conclusion dont se sert Aristote est justifiée par ce qui précède.

Uniquement de feu ou d'air. C'est ce qui a été établi plus haut, liv. II, chap. 11, § 4 , et à peu près par les mêmes motifs qu'ici. C'est d'ailleurs une opinion d'Hippocrate ; voir le Traité de la nature de l'homme.

L'animal ne peut, sans le toucher, avoir aucun autre sens. Le toucher est le sens qui constitue essentiellement l'animal : tous les autres supposent celui-là.

Ainsi que je l'ai dit. Plus haut, chap. 12, § 6.

Des organes de sensation. L'expression peut ne pas sembler très juste; elle est la traduction fidèle du texte. La pensée, du reste, est fort claire, si l'on se rappelle les théories antérieures de la vision et de l'ouïe.

En les touchant directement. Voir la théorie du toucher, liv. II, chap. 11.

Sentent aussi par le toucher. Cette question a déjà été posée plus haut, liv. II, chap. Il, § 7. Descartes s'est appuyé de ce passage pour expliquer le mystère de l'Eucharistie, dans ses réponses à Arnauld, Œuvres complètes, t. II, p. 82, édit. de M. Cousin.

Aucun de ces éléments simples, et par conséquent simple comme eux.

Être de terre. Plus haut, liv. II, chap. 11, § 4, il a été établi que le corps de l'animal pourrait bien être un mélange de terre et d'autres éléments.

S'applique à toutes les choses tangibles, qu'elles se rapportent ou non à l'élément de la terre. Voir plus haut, liv. ii, chap. 11, § 11.

Celles du chaud et du froid, qui sont, non plus de la terre, mais du feu.

Nous ne sentons ni par les os. Ceci a déjà été dit plus haut, liv. I, ch. 6, § 9.

Cuvier, Règne animal, t I, p. 12, a établi, comme le fait Aristote, qu'il est impossible que le corps de l'animal fût simple, et Il a soutenu qu'il devait être composé. Voir plus haut, ch. 12, § 5, n.

§ 2. Le seul sens dont les animaux ne puissent être privés. Plus haut, chap 12, § 7.

Ne détruisent pas l'animal. Voir plus haut, liv. II, chap. ii, § 8.

Le jeu des organes. Le texte dit simplement: « les organes. »

D'autres parties qui détruisent l'animal par le toucher. Cette idée peut paraître subtile; et cela revient à dire que tous les sens ne sont que des modifications du toucher, comme Aristote l'a dit au paragraphe précédent.

§ 3. Mais la violence des sensations du toucher. Quelque opinion que la physiologie actuelle puisse avoir sur cette théorie, l'explication d'Aristote est certainement fort ingénieuse; et elle semble s'accorder parfaitement avec les faits.

Détruit l'organe qui la sent, ou mieux peut-être : « Faction de l'organe, » plutôt que l'organe lui-même. Il est possible,  d'ailleurs, que l'excès d'une sensation aille jusqu'à détruire complètement l'organe. Une lumière trop vive peut aveugler : un bruit trop fort peut rendre sourd.

Il a été démontré. Dans le chapitre précédent, § 6.

Ainsi donc. Ceci ne semble qu'une répétition de la phrase précédente, et une répétition peu utile.

Comme on l'a dit. Voir le chapitre ci-dessus, §§ 5 et suiv.

Simplement. J'ai ajouté ce mot afin de rendre la pensée plus claire.

Dans le diaphane. Voir, pour le sens de ce mot, liv. II, chap. 7, la théorie de la vision.

La langue, qui sert aussi au sens du goût. Voir une pensée analogue dans le Timée. p. 209, trad. de M. Cousin.

Philopon conteste la justesse de ces dernières pensées qui ne peuvent s'appliquer, dit-il, aux animaux en général, et qui ne concernent que l'homme. Voir aussi plus haut, liv. ii, ch. 8, § 10.

FIN DU TRAITE DE L'AME