Aristote : Traité de l'Ame

ARISTOTE

TRAITE DE L'AME.

LIVRE II (PARTIE I)

LIVRE I - livre II (PARTIE II)

 

Autre traduction

 

 

 

 

TRAITÉ DE L'AME.

 

LIVRE SECOND.

Partie 1 (Chapitres I à V)

 

THÉORIE GÉNÉRALE ET DÉFINITION DE L'AME. — LA NUTRITION. — LA. SENSIBILITÉ.

 

 

 

CHAPITRE PREMIER.

Définition générale et préliminaire de l'âme.

L'âme est l'achèvement (l'entéléchie première) d'un corps formé par la nature, et doué de tous les organes nécessaires à la vie. Elle est la forme et l'essence du corps. Conséquences de cette définition : l'âme n'est point séparée du corps, mais elle y est peut-être comme le passager dans le vaisseau.

1  412a3 Τὰ μὲν δὴ ὑπὸ τῶν πρότερον παραδεδομένα περὶ ψυχῆς εἰρήσθω· πάλιν δ' ὥσπερ ἐξ ὑπαρχῆς ἐπανίωμεν, πειρώμενοι διορίσαι τί ἐστι ψυχὴ καὶ τίς ἂν εἴη κοινότατος λόγος αὐτῆς.

2 Λέγομεν δὴ γένος ἕν τι τῶν ὄντων τὴν οὐσίαν, ταύτης δὲ τὸ μέν, ὡς ὕλην, ὃ καθ' αὑτὸ οὐκ ἔστι τόδε τι, ἕτερον δὲ μορφὴν καὶ εἶδος, καθ' ἣν ἤδη λέγεται τόδε τι, καὶ τρίτον τὸ ἐκ τούτων. στι δ' ἡ μὲν ὕλη δύναμις, τὸ δ' εἶδος ἐντελέχεια, καὶ τοῦτο διχῶς, τὸ μὲν ὡς ἐπιστήμη, τὸ δ' ὡς τὸ θεωρεῖν. 3 412a.11 Οὐσίαι δὲ μάλιστ' εἶναι δοκοῦσι τὰ σώματα, καὶ τούτων τὰ φυσικά· ταῦτα γὰρ τῶν ἄλλων ἀρχαί. Τῶν δὲ φυσικῶν τὰ μὲν ἔχει ζωήν, τὰ δ' οὐκ ἔχει· ζωὴν δὲ λέγομεν τὴν δι' αὑτοῦ τροφήν τε καὶ αὔξησιν καὶ φθίσιν. στε πᾶν σῶμα φυσικὸν μετέχον ζωῆς οὐσία ἂν εἴη, οὐσία δ' οὕτως ὡς συνθέτη. 4 πεὶ δ' ἐστὶ καὶ σῶμα καὶ τοιόνδε, ζωὴν γὰρ ἔχον, οὐκ ἂν εἴη σῶμα ἡ ψυχή· οὐ γάρ ἐστι τῶν καθ' ὑποκειμένου τὸ σῶμα, μᾶλλον δ' ὡς ὑποκείμενον καὶ ὕλη. ναγκαῖον ἄρα τὴν ψυχὴν οὐσίαν εἶναι ὡς εἶδος σώματος φυσικοῦ δυνάμει ζωὴν ἔχοντος. δ' οὐσία ἐντελέχεια· τοιούτου ἄρα σώματος ἐντελέχεια. 5 Αὕτη δὲ λέγεται διχῶς, ἡ μὲν ὡς ἐπιστήμη, ἡ δ' ὡς τὸ θεωρεῖν. Φανερὸν οὖν ὅτι ὡς ἐπιστήμη· ἐν γὰρ τῷ ὑπάρχειν τὴν ψυχὴν καὶ ὕπνος καὶ ἐγρήγορσίς ἐστιν, ἀνάλογον δ' ἡ μὲν ἐγρήγορσις τῷ θεωρεῖν, ὁ δ' ὕπνος τῷ ἔχειν καὶ μὴ ἐνεργεῖν· προτέρα δὲ τῇ γενέσει ἐπὶ τοῦ αὐτοῦ ἡ ἐπιστήμη. Διὸ ἡ ψυχή ἐστιν ἐντελέχεια ἡ πρώτη σώματος φυσικοῦ δυνάμει ζωὴν ἔχοντος.  6 412b Τοιοῦτον δὲ ὃ ἂν ᾖ ὀργανικόν. (ργανα δὲ καὶ τὰ τῶν φυτῶν μέρη, ἀλλὰ παντελῶς ἁπλᾶ, οἷον τὸ φύλλον περικαρπίου σκέπασμα, τὸ δὲ περικάρπιον καρποῦ· αἱ δὲ ῥίζαι τῷ στόματι ἀνάλογον· ἄμφω γὰρ ἕλκει τὴν τροφήν.) Εἰ δή τι κοινὸν ἐπὶ πάσης ψυχῆς δεῖ λέγειν, εἴη ἂν ἐντελέχεια ἡ πρώτη σώματος φυσικοῦ ὀργανικοῦ.

7 Διὸ καὶ οὐ δεῖ ζητεῖν εἰ ἓν ἡ ψυχὴ καὶ τὸ σῶμα, ὥσπερ οὐδὲ τὸν κηρὸν καὶ τὸ σχῆμα, οὐδ' ὅλως τὴν ἑκάστου ὕλην καὶ τὸ οὗ ἡ ὕλη· τὸ γὰρ ἓν καὶ τὸ εἶναι ἐπεὶ πλεοναχῶς λέγεται, τὸ κυρίως ἡ ἐντελέχειά ἐστιν.

8  Καθόλου μὲν οὖν εἴρηται τί ἐστιν ἡ ψυχή· οὐσία γὰρ ἡ κατὰ τὸν λόγον. Τοῦτο δὲ τὸ τί ἦν εἶναι τῷ τοιῳδὶ σώματι, καθάπερ εἴ τι τῶν ὀργάνων φυσικὸν ἦν σῶμα, οἷον πέλεκυς· ἦν μὲν γὰρ ἂν τὸ πελέκει εἶναι ἡ οὐσία αὐτοῦ, καὶ ἡ ψυχὴ τοῦτο· χωρισθείσης δὲ ταύτης οὐκ ἂν ἔτι πέλεκυς ἦν, ἀλλ' ἢ ὁμωνύμως, νῦν δ' ἔστι πέλεκυς. Οὐ γὰρ τοιούτου σώματος τὸ τί ἦν εἶναι καὶ ὁ λόγος ἡ ψυχή, ἀλλὰ φυσικοῦ τοιουδί, ἔχοντος ἀρχὴν κινήσεως καὶ στάσεως ἐν ἑαυτῷ.

9 Θεωρεῖν δὲ καὶ ἐπὶ τῶν μερῶν δεῖ τὸ λεχθέν. Εἰ γὰρ ἦν ὁ ὀφθαλμὸς ζῷον, ψυχὴ ἂν ἦν αὐτοῦ ἡ ὄψις· αὕτη γὰρ οὐσία ὀφθαλμοῦ ἡ κατὰ τὸν λόγον (ὁ δ' ὀφθαλμὸς ὕλη ὄψεως), ἧς ἀπολειπούσης οὐκέτ' ὀφθαλμός, πλὴν ὁμωνύμως, καθάπερ ὁ λίθινος καὶ ὁ γεγραμμένος. Δεῖ δὴ λαβεῖν τὸ ἐπὶ μέρους ἐφ' ὅλου τοῦ ζῶντος σώματος· ἀνάλογον γὰρ ἔχει ὡς τὸ μέρος πρὸς τὸ μέρος, οὕτως ἡ ὅλη αἴσθησις πρὸς τὸ ὅλον σῶμα τὸ αἰσθητικόν, ᾗ τοιοῦτον. 10 στι δὲ οὐ τὸ ἀποβεβληκὸς τὴν ψυχὴν τὸ δυνάμει ὂν ὥστε ζῆν, ἀλλὰ τὸ ἔχον· τὸ δὲ σπέρμα καὶ ὁ καρπὸς τὸ δυνάμει τοιονδὶ σῶμα. 11 ς μὲν οὖν ἡ τμῆσις καὶ ἡ ὅρασις, οὕτω καὶ ἡ ἐγρήγορσις ἐντελέχεια, 413a ὡς δ' ἡ ὄψις καὶ ἡ δύναμις τοῦ ὀργάνου, ἡ ψυχή· τὸ δὲ σῶμα τὸ δυνάμει ὄν· ἀλλ' ὥσπερ ὀφθαλμὸς ἡ κόρη καὶ ἡ ὄψις, κἀκεῖ ἡ ψυχὴ καὶ τὸ σῶμα ζῷον.

12 τι μὲν οὖν οὐκ ἔστιν ἡ ψυχὴ χωριστὴ τοῦ σώματος, ἢ μέρη τινὰ αὐτῆς, εἰ μεριστὴ πέφυκεν, οὐκ ἄδηλον· ἐνίων γὰρ ἡ ἐντελέχεια τῶν μερῶν ἐστὶν αὐτῶν. Οὐ μὴν ἀλλ' ἔνιά γε οὐθὲν κωλύει, διὰ τὸ μηθενὸς εἶναι σώματος ἐντελεχείας. 13 τι δὲ ἄδηλον εἰ οὕτως ἐντελέχεια τοῦ σώματος ἡ ψυχὴ <ἢ> ὥσπερ πλωτὴρ πλοίου. Τύπῳ μὲν οὖν ταύτῃ διωρίσθω καὶ ὑπογεγράφθω περὶ ψυχῆς.

 

§ 1. 412a3 Jusqu'à présent nous avons exposé les opinions que nos prédécesseurs nous ont transmises sur l'âme. Maintenant revenons sur nos pas, comme pour reprendre notre point de départ; et essayons de définir ce que c'est que l'âme, et d'en donner la notion la plus générale possible.

§ 2. Nous disons d'abord que la substance est un genre particulier des êtres, et que dans la substance il faut distinguer, en premier lieu : la matière, c'est- à-dire ce qui n'est pas par soi-même telle chose spéciale; puis ensuite, la forme et l'espèce, et c'est d'après elles que la chose est dénommée spécialement; et en troisième lieu, le composé qui résulte de ces deux premiers éléments. La matière est une simple puissance; l'espèce est réalité parfaite, entéléchie; et entéléchie doit s'entendre de deux façons: c'est ou comme la science qui peut connaître, ou comme l'observation qui connaît. § 3. 412a. 11 Ce sont les corps surtout qui semblent être des substances, et particulièrement les corps naturels, qui sont, en effet, les principes des autres corps. Parmi les corps naturels, les uns ont la vie, les autres ne l'ont pas; et nous entendons par la vie ces trois faits : se nourrir par soi-même, se développer et périr. Ainsi, tout corps naturel doué de la vie est substance, mais substance composée comme on vient de dire. § 4. Puisque le corps est de telle façon particulière, et que, par exemple, il a la vie, le corps ne saurait être âme; car le corps n'est pas une des choses qui puissent être attribuées à un sujet, il remplit bien plutôt lui-même le rôle de sujet et de matière. Donc, nécessairement, l'âme ne peut être substance que comme forme d'un corps naturel qui a la vie en puissance. Mais la substance est une réalité parfaite, une entéléchie. L'âme est donc l'entéléchie du corps, tel que nous venons de le définir. § 5. Mais entéléchie a deux sens, selon qu'on la considère, ou comme la science, ou comme l'observation. On peut la considérer comme la science évidemment; car dans la vie de l'âme, il y a aussi sommeil et réveil : or, la veille répond à l'observation, tandis que le sommeil représente une simple faculté qu'on possède, et qui reste sans action. Mais la science est, pour un même objet, antérieure par génération ; donc l'âme est l'entéléchie première d'un corps naturel qui a la vie en puissance. § 6. Et il faut entendre, d'un corps qui est organique. Ainsi, les parties mêmes des plantes sont des organes, mais des organes excessivement simples, comme le pétale, qui est l'enveloppe du péricarpe, et le péricarpe, qui est l'enveloppe du fruit. Les racines répondent à la bouche, car ces deux parties prennent également la nourriture. Si donc on veut quelque définition commune à toute espèce d'âme, il faut dire que l'âme est l'entéléchie première d'un corps naturel organique.

§ 7. On voit par là qu'il ne faut pas chercher si le corps et l'âme sont une seule et même chose, pas plus qu'il ne faut chercher si la cire et la figure qu'elle reçoit sont identiques, pas plus qu'en général on ne doit demander si la matière de chaque objet est la même chose que ce dont elle est la matière : car l'Un et l'Etre ayant plusieurs sens, le sens dans lequel on doit proprement les entendre est la réalité parfaite, l'entéléchie.

§ 8. Nous avons donc exposé d'une manière toute générale ce qu'est l'âme : elle est l'essence que conçoit la raison. Mais l'essence, pour un corps quelconque, c'est d'être ce qu'il est; et, par exemple, si l'un des instruments dont nous nous servons pouvait être un corps naturel, et ainsi une hache, l'essence de la hache serait d'être hache, et ce serait là son âme ; car cette essence une fois enlevée, il n'y a plus de hache, si ce n'est par simple homonymie. Mais ici nous parlons de hache, et l'âme n'est pas l'essence et la notion d'un corps tel que la hache ; elle est la notion seulement d'un corps naturel, ayant en lui- même le principe du mouvement et du repos.

§ 9. On peut encore appliquer ceci aux parties de l'être animé. Si l'œil était l'animal, l'âme de l'animal serait aussi sa vue; car la vue est rationnellement l'essence de l'œil Mais l'œil est la matière de la vue ; et la vue venant à manquer, il n'y a plus d'œil, si ce n'est par homonymie, comme on appelle œil un œil de pierre, un œil en peinture. Il faut appliquer aussi ce qui est dit d'une partie du corps seulement, au corps vivant tout entier; car l'analogie d'une partie à une partie se retrouve pour la sensibilité tout entière, relativement au corps entier, qui sent en tant qu'il est sensible. §10. Or. ce n'est pas ce qui a perdu l'âme qui est en puissance l'être capable de vivre, mais c'est, au contraire, ce qui la possède. La semence et le fruit ne sont tel corps qu'en puissance. § 11. De même donc que la faculté de couper est l'essence de la hache, et que la vision est l'essence de l'œil, de même la veille est une réalité parfaite, une entéléchie; 413a et l'âme est comme la vue et comme la puissance de l'instrument. Le corps n'est que ce qui est en puissance; et de même que l'œil est à la fois la pupille et la vue, de même aussi l'âme et le corps sont ici l'animal.

§ 12. Il est donc clair que l'âme n'est pas séparée du corps, non plus qu'aucune de ses parties, si toutefois l'âme est divisée en parties; car il peut y avoir réalité parfaite, entéléchie, même de certaines parties. Mais certes rien n'empêche que quelques autres ne soient séparées, parce que ces parties ne sont les réalités parfaites, les entéléchies d'aucun corps. § 13. Mais ce qui reste obscur encore, c'est de savoir si l'âme est la réalité parfaite, l'entéléchie du corps, comme le passager est l'âme du vaisseau.

Tout ce qui a été dit jusqu'ici de l'âme ne doit guère être pris que comme une simple esquisse.

§ 1. Comme pour reprendre notre point de départ, ou d'une manière moins précise : « Comme pour reprendre les choses dès l'origine. »

La notion la plus générale possible. Aristote a reproché souvent aux théories de ses prédécesseurs  de n'embrasser qu'une partie de  la question, et de n'étudier l'âme que dans les animaux, ou dans l'homme. Il veut l'étudier dans tous les êtres vivants ; et, comme son cadre sera plus vaste, la notion qu'il donnera de l'âme sera aussi plus générale. Voir liv. 1, chap. 1, § 5.

§ 2. La substance est un genre particulier des êtres. Voir la théorie développée de la Substance dans les Catégories, chap. 5, et dans la Métaphysique. liv. V, ch. 6, 7 et 8, p. 1015. Voir l'explication d'Alexandre sur ce passage dans son traité des Questions, liv. II, chap. 24.

Il faut distinguer la matière.... puis ensuite l'espèce. Cuvier, au début de son Règne animal, croit devoir faire une distinction toute pareille ; et il déclare, comme Aristote, que, dans l'être organisé, la forme est beaucoup plus essentielle que la matière. « C'est sa forme propre, dit-il, qui constitue son espèce, et fait de lui ce qu'il est. » T. I, p. 14, édit. de 1829. La composition et la forme sont aussi pour Reil les deux éléments constitutifs de l'être organisé. Voir le Manuel de physiologie de M. Muller, t. 1, p. 22, de la trad. française.

Voir, pour la forme et la matière, la Métaphysique passim, et surtout liv. VII, chap. 3, et liv. VIII.

La matière est une simple puissance. Elle n'est rien, et peut être tout, avant que la forme l'ait spécifiquement déterminée.

L'espèce est réalité parfaite, entéléchie. J'ai paraphrasé ici encore le mot Entéléchie avant de le reproduire. Voir plus haut, liv. I, chap. 1, § 3. Le sens d'ailleurs en est parfaitement clair. Les Coïmbrois, dans leur commentaire, rendent toujours Entéléchie par : Actus et perfectio ; saint Thomas, d'après la vieille traduction qu'il suit, dit toujours : Actus. Cicéron, au liv. I des Tusculanes, a donné une explication de l'entéléchie, et il l'a appelée : Continuata motio et perennis. y est évident qu'il se trompe. Il s'est encore trompé en faisant d'elle une cinquième essence, un éther, comme l'a répété après lui saint Augustin, Cité de Dieu, 1. XXII, ch. 2. Les Coïmbrois ont réfuté cette méprise que Pacius a traitée aussi très durement: Inepta et ridicula. C'est que Cicéron lisait dans le texte « endélécheia, » au lieu de « entélécheia : » et de là sans doute son erreur. Le mot d'Endélécheia, dans le sens où Cicéron l'entend, est déjà dans Platon (voir le Lexique de Ast à ce mot) ; mais celui d'Entélécheia ne s'y trouve pas. Il appartient sans doute à Aristote, bien que d'ordinaire Aristote ait le soin de prévenir quand il forge les mots. Reid a cru devoir se moquer de cette définition qu'Aristote donne de l'âme, au lieu de tâcher de la comprendre : voir Recherches sur l'entend, humain, chap. 7.

Entéléchie doit t'entendre de deux façons. La distinction peut paraître subtile, et elle n'est pas très clairement indiquée : voir plus bas, § 5. J'ai tâché de la rendre plus précise dans ma traduction. Le texte dit seulement : « Ici comme la science, là comme la contemplation. » Voir une Idée analogue dans la Métaphysique, liv. II, chap. î, p. 991, a, 29, édit. de Berlin. La science représente un état fixe, acquis; la contemplation, l'observation, comme Aristote semble ici la comprendre, représente une action : la science serait en quelque sorte la faculté, et la contemplation l'emploi de cette faculté. Ceci, du reste, est encore développé plus loin, chap. 5, § 4.

§ 3. Et particulièrement les corps naturels. Voir, dans les Leçons de physique, liv. II, chap. 1, la définition de ce qu'on doit entendre par Nature, p. 192, édit. de Berlin.

Qui sont, en effet, les principes des autres corps que forme l'art de l'homme.

Et nous entendons par la vie. Aristote donnera plus loin de la vie une définition plus complète, et il y reconnaîtra quatre caractères principaux. Voir liv. II, chap. 2, § 2.

Composée comme on vient de dire. Il me semble que le texte est ici fort clair, bien qu'il ait embarrassé quelques commentateurs. Ceci se rapporte évidemment à ce qui a été dit plus haut des trois éléments qui composent toute substance réelle et individuelle. Voir le paragraphe précédent.

§ 4. De telle façon particulière. Le texte n'a qu'un simple adjectif : « Puisque le corps est tel. » Puisque le corps est une chose réelle et individuelle.

Qui puissent être attribués à un sujet. L'âme alors serait une sorte d'attribut du corps. L'expression dont se sert ici Aristote se rapporte tout- à-fait au langage qu'il a employé spécialement dans le traité des Catégories. Voir le chap. 3 de ce traité, et le ch. 5 relatif à la Substance.

Qui a la vie en puissance, qui peut vivre, qui peut devenir vivant, qui peut recevoir la vie. Dans le Phédon, p. 295 de la traduction de M. Cousin, Platon soutient aussi que c'est l'âme qui donne la vie au corps.

§ 5. Mais entéléchie a deux sens. Voir plus haut, § 3, où ces deux sens sont déjà indiqués.

Ou comme l'observation. Peut-être que le mot « d'attention » rendrait mieux la pensée d'Aristote; mais celui « d'observation » répond davantage au mot du texte.

La veille répond à l'observation, ou à l'attention.

Mais la science est antérieure. En effet, avant de porter son attention sur un objet qu'on sait, il faut le savoir ; avant d'étudier une idée que l'on a, il faut l'avoir. Il semble d'ailleurs assez singulier de comparer la science a un sommeil, quoique, dans les théories d'Aristote, la science soit toujours présentée comme un repos bien plutôt que comme un mouvement. En général, les commentateurs n'ont pas compris ce passage tout-à-fait comme je le fais ici. Le sens que j'ai adopté me paraît plus naturel et plus spécial.

L'entéléchie première, c'est-à-dire, l'entéléchie prise dans le gens supérieur qu'on vient d'indiquer, où la notion de la science est supérieure et antérieure à la notion de l'observation.

Qui a la vie en puissance. Voir le paragraphe précédent. Dans la Métaphysique, liv. VII, ch. 10, p. 1035, b, 20, Aristote dit que le corps et les parties du corps sont postérieures à l'âme. Voir aussi liv. VIII, chap. 3, p. 1043, édit. de Berlin.

§ 6. Et il faut entendre d'un corps qui est organique. Cuvier démontre aussi dans son Règne animal, t. I, p. 13, qu'il n'y a que les corps organisés qui puissent vivre. La distinction qu'ajoute Aristote est donc nécessaire, puisqu'il ne s'agit ici que des corps vivants.

Les racines ressemblent à la bouche. Voir la même pensée développée plus loin, chap. 4, § 7.

Commune à toute espèce d'âme. C'est la définition dont il a indiqué la recherche plus haut, § 1.

§ 7. Si le corps et l'âme sont une seule et même chose. Le corps est la matière, et l'âme est la forme, comme, dans un cachet, la cire est la matière, et l'empreinte que porte le cachet, est la forme qui le caractérise et le fait ce qu'il est.

Ce dont elle est la matière. Si la matière se confond avec l'objet même dont elle est la matière.

Car l'un et l'être ayant plusieurs sens. Voir la Métaphysique, liv. V, chap. 6 et 7, p. 1015 et suiv., édit. de Berlin.

Proprement et non métaphoriquement.

Est la réalité parfaite, l'entéléchie. Il n'y a d'être réel, d'être un et individuel, que celui qui est arrivé à ce point d'avoir tous les éléments qui le constituent véritablement. Le corps sans l'âme n'est qu'un cadavre. Cette fin de la phrase ne semble pas une conclusion très nécessaire de ce qui précède, et l'on attendait un autre résumé que celui-là. D'ailleurs la pensée est aussi claire qu'elle est exacte, et les commentateurs grecs n'ont point ici de variantes ni de changements à proposer.

§ 8. D'une manière toute générale. Le texte dit mot à mot ' « d'une manière universelle. »

Elle est l'essence, ou peut-être mieux : « la substance. »

Que conçoit la raison. Le texte dit seulement : « Selon la raison. »

L'essence de la hache serait d'être hache, c'est-à-dire de trancher comme une hache doit trancher. Le mot grec n'emporte pas d'ailleurs avec lui cette idée de Couper plus que l'étymologie du mot hache en français; mais la notion de Trancher est indissolublement jointe des deux parts à celle de hache.

Car cette essence une fois enlevée. Cette essence qui évidemment consiste à être tranchante.

Si ce n'est par simple homonymie. Voir plus bas, au paragraphe suivant, et aussi un passage analogue, dans la Politique, liv. I, chap. 1, § II, de mon éditons.

D'un corps naturel. La hache, au contraire, est un corps artificiel, formé des éléments que la nature fournit à l'homme. Voir, pour la fin de ce paragraphe, l'explication d'Alexandre dans son traité des Questions, liv. Il, ch. 25.

§ 9. Rationnellement. On peut comprendre aussi : « dans un rapport égal, proportionnellement, par analogie. »

L'œil est la matière de la vue, comme le corps est la matière de l'âme.

Comme... un œil de pierre. Voir un passage analogue dans le traité de la Génération des animaux, liv. II, ch. I, p. 735, a, 8 de l'éd. de Berlin; voir aussi le paragraphe précédent.

Se retrouve pour la sensibilité tout entière. De la sensibilité considérée dans l'œil seulement, dans une partie, il passe à la sensibilité considérée dans le corps entier ; et l'âme qui rend le corps sensible est assimilée à la vue pour l'œil, et à la faculté de couper pour la hache.

§ 10. Qui est en puissance l'être... de vivre, qui jouit de la vie, qui peut vivre.

La semence et le fruit ne sont tel corps qu'en puissance. Celte fin de la pensée ne parait pas très nécessaire; les commentaires grecs la donnent comme tout le reste. Alexandre d'Aphrodise l'explique dans son Traité des Questions, liv. II, ch. 25, § 2. Aristote veut sans doute distinguer dans le corps qui a l'âme, la puissance réelle qu'il a de vivre, et cette simple possibilité qui se trouve dans une semence, par exemple de devenir un arbre complet, par son développement naturel.

§ 11. De même. Résumé des trois paragraphes précédents. La vision. Aristote emploie ici ce mot de vision et non celui de vue, comme il l'a fait au § 9. Le mot de « vision » est certainement plus juste et répond mieux à la distinction faite plus haut des deux sens du mot « entéléchie.» La vue est la faculté, la vision est l'acte de cette faculté.

La veille est une réalité parfaite. Voir plus haut § 5. Il est évident que l'âme n'agit réellement que dans la veille. L'état singulier du sommeil lui ôte l'activité, qui est son essence propre.

Le corps n'est que ce qui est en puissance, c'est-à-dire matière. Voir plus haut § 2.

La pupille est prise ici pour exprimer les diverses parties matérielles dont l'œil se compose.

§ 12. Car il peut y avoir. Il semble que, pour la parfaite régularité du raisonnement, il faudrait une conjonction adversative, telle que Mais, Pourtant, Néanmoins, et non pas la conjonction Car. Aucun manuscrit ne donne ici de variante.

Réalité parfaite... pour certaines parties. Ce passage a une grande importance pour les commentateurs, et surtout pour Philopon, parce qu'ils y voient une réserve en faveur de l'intelligence, partie de l'âme séparable du corps, et ne mourant pas avec lui. Voir plus loin la théorie de l'intelligence, liv. III, chap. 5.

Mais certes. Je crois que tel est bien le sens de la conjonction qu'emploie ici Aristote.

Les entéléchies d'aucun corps. Il n'y a que l'âme qui soit achèvement et complément du corps. Quelques unes de ses parties, ou de ses fonctions, peuvent être isolées du corps, et par exemple l'intelligence, partie divine de l'homme, suivant Aristote. Les commentateurs, depuis Philopon jusqu'à Pacius, ont beaucoup insisté sur cette conséquence de la doctrine exposée ici, pour prouver qu'Aristote avait admis l'immortalité de l'âme. Ce passage, comme on le voit, n'est pas très décisif ; mais il y en a d'autres plus loin, ch. 2, § 9 et suiv., 3, ch. 15.

§ 13. Comme le passager est l'âme du vaisseau. En ce sens, l'âme serait parfaitement distincte du corps et séparable ; par conséquent elle serait immortelle, ou du moins elle pourrait l'être ; mais Aristote laisse ce point dans l'obscurité. Dans le Discours de la méthode, Descartes dit : « II ne suffit pas que l'âme soit logée « dans le corps humain, ainsi « qu'un pilote en son navire, sinon pour mouvoir ses membres, « mais il est besoin qu'elle soit « jointe et unie plus étroitement avec lui; » pag. 189, édit. de M. Cousin.

Que comme une simple esquisse. La même expression se retrouve encore plus loin, ch. 4, § 16 et ch. 11, § 12. Les Coïmbrois l'entendent autrement ; et ils traduisent le mot du texte par « Universaliter  » Je crois qu'en ceci ils se trompent, malgré les raisons spécieuses qu'ils avancent en faveur de leur opinion.

La définition de l'âme, telle qu'Aristote la donne dans ce chapitre, a fourni matière aux discussions les plus étendues et les pins intéressantes. Alexandre d'Aphrodise, dans son Traité de l'âme, liv. i. p. 76. éd. de 1559, en a conclu que l'âme était inséparable du corps. Par suite elle devait mourir avec lui, puisque la forme meurt avec ce dont elle est la forme. Dans l'antiquité, Plotin a combattu cette définition de l'âme; Ennéade, 4, ch. 2, ainsi que Proclus dans le livre V de son commentaire sur le Timée. On peut lire aussi la réfutation d'Eusèbe, Prépar. évang., liv. XV, ch. 10.

Les Coïmhrois, imitateurs en cela de tout le moyen-âge, se sont efforcés de  faire voir que cette doctrine d'Aristote était en parfait accord avec la doctrine catholique elle-même, lis admettent, avec le philosophe païen, que l'âme est vraiment et proprement la forme du corps; et ce qu'il y a de plus curieux, c'est qu'ils citent, à l'appui. les décisions des conciles, et surtout celui de Vienne sous Clément V, de summa Trinitate, § 2, et celui de Latran sous Léon X, session viii. Albert-le-Grand et saint Thomas, sans aller aussi loin, s'efforcent de démontrer que, suivant Aristote, l'âme intelligente est séparable du corps, tandis que l'âme nutritive, sensible, etc., est inséparable et meurt avec lui. L'opinion d'Aristote n'est pas aussi nette qu'ils la font; mais pourtant elle n'est pas contraire à cette interprétation. Seulement, Aristote n'a tiré de l'immortalité de l'âme aucune des conséquences que ce principe porte évidemment avec lui, et qu'il portait certainement pour les deux grands docteurs de l'Église. Dans la Métaphysique, les questions essentielles ne sont point discutées, et le peu qu'Aristote en a dit dans le Traité de l'âme ne peut paraître suffisant, surtout après les admirables théories de son maître Platon, que le disciple, suivant toute apparence, n'admettait pas sans restriction.

 Sur cette force, principe de l'être animé, qu'Aristote appelle ici âme, il faut consulter aussi la science contemporaine, qui n'a rien trouvé de mieux que de reprendre ces antiques et profondes théories d'acte et de puissance. Voir le Manuel de physiologie de M. Muller, tom. I, p. 20, de la trad. française. Ce qu'il y a de vraiment surprenant, c'est que la science ait perdu toute trace de la tradition d'où elle vient, et que M. Muller se contente de remonter jusqu'à Stahl, sans penser qu'il pourrait remonter encore deux mille ans plus haut. II cite les idées de Platon, fort éloignées de ce sujet, et ne songe point aux théories directes d'Aristote.

CHAPITRE II.

Défense et explication de la définition donnée : conditions d'une bonne définition.

Description générale de la vie. La vie se manifeste par ces quatre phénomènes isolés ou réunis : l'intelligence, la sensibilité, la locomotion et la nutrition. — Répartition de ces facultés dans les êtres; exemples tirés des plantes et des animaux.

L'âme est le principe et le résumé des quatre facuités qui constituent la vie.

Ces facuités sont-elles chacune l'âme tout entière, ou des parties de l'âme? Elles sont partagées entre les divers ordres d'êtres, et paraissent séparahles : exception pour l'intelligence qui a quelque chose d'éternel.

L'âme n'existe pas sans le corps, mais elle ne se confond pas absolument avec lui.

413a11 1 Ἐπεὶ δ' ἐκ τῶν ἀσαφῶν μὲν φανερωτέρων δὲ γίνεται τὸ σαφὲς καὶ κατὰ τὸν λόγον γνωριμώτερον, πειρατέον πάλιν οὕτω γ' ἐπελθεῖν περὶ αὐτῆς· οὐ γὰρ μόνον τὸ ὅτι δεῖ τὸν ὁριστικὸν λόγον δηλοῦν, ὥσπερ οἱ πλεῖστοι τῶν ὅρων λέγουσιν, ἀλλὰ καὶ τὴν αἰτίαν ἐνυπάρχειν καὶ ἐμφαίνεσθαι. Νῦν δ' ὥσπερ συμπεράσμαθ' οἱ λόγοι τῶν ὅρων εἰσίν· οἷον τί ἐστιν ὁ τετραγωνισμός; τὸ ἴσον ἑτερομήκει ὀρθογώνιον εἶναι ἰσόπλευρον. δὲ τοιοῦτος ὅρος λόγος τοῦ συμπεράσματος· ὁ δὲ λέγων ὅτι ἐστὶν ὁ τετραγωνισμὸς μέσης εὕρεσις τοῦ πράγματος λέγει τὸ αἴτιον.

2 Λέγομεν οὖν, ἀρχὴν λαβόντες τῆς σκέψεως, διωρίσθαι τὸ ἔμψυχον τοῦ ἀψύχου τῷ ζῆν. Πλεοναχῶς δὲ τοῦ ζῆν λεγομένου, κἂν ἕν τι τούτων ἐνυπάρχῃ μόνον, ζῆν αὐτό φαμεν, οἷον νοῦς, αἴσθησις, κίνησις καὶ στάσις ἡ κατὰ τόπον, ἔτι κίνησις ἡ κατὰ τροφὴν καὶ φθίσις τε καὶ αὔξησις. 3  Διὸ καὶ τὰ φυόμενα πάντα δοκεῖ ζῆν· φαίνεται γὰρ ἐν αὑτοῖς ἔχοντα δύναμιν καὶ ἀρχὴν τοιαύτην, δι' ἧς αὔξησίν τε καὶ φθίσιν λαμβάνουσι κατὰ τοὺς ἐναντίους τόπους· οὐ γὰρ ἄνω μὲν αὔξεται, κάτω δ' οὔ, ἀλλ' ὁμοίως ἐπ' ἄμφω καὶ πάντῃ, ὅσα ἀεὶ τρέφεταί τε καὶ ζῇ διὰ τέλους, ἕως ἂν δύνηται λαμβάνειν τροφήν. 4 Χωρίζεσθαι δὲ τοῦτο μὲν τῶν ἄλλων δυνατόν, τὰ δ' ἄλλα τούτου ἀδύνατον ἐν τοῖς θνητοῖς. Φανερὸν δ' ἐπὶ τῶν φυομένων· οὐδεμία γὰρ αὐτοῖς ὑπάρχει δύναμις ἄλλη 413b ψυχῆς. Τὸ μὲν οὖν ζῆν διὰ τὴν ἀρχὴν ταύτην ὑπάρχει τοῖς ζῶσι, τὸ δὲ ζῷον διὰ τὴν αἴσθησιν πρώτως· καὶ γὰρ τὰ μὴ κινούμενα μηδ' ἀλλάττοντα τόπον, ἔχοντα δ' αἴσθησιν, ζῷα λέγομεν καὶ οὐ ζῆν μόνον. 5 Αἰσθήσεως δὲ πρῶτον ὑπάρχει πᾶσιν ἁφή· ὥσπερ δὲ τὸ θρεπτικὸν δύναται χωρίζεσθαι τῆς ἁφῆς καὶ πάσης αἰσθήσεως, οὕτως ἡ ἁφὴ τῶν ἄλλων αἰσθήσεων (θρεπτικὸν δὲ λέγομεν τὸ τοιοῦτον μόριον τῆς ψυχῆς οὗ καὶ τὰ φυόμενα μετέχει), τὰ δὲ ζῷα πάντα φαίνεται τὴν ἁπτικὴν αἴσθησιν ἔχοντα· δι' ἣν δ' αἰτίαν ἑκάτερον τούτων συμβέβηκεν, ὕστερον ἐροῦμεν. 6 Νῦν δ' ἐπὶ τοσοῦτον εἰρήσθω μόνον, ὅτι ἐστὶν ἡ ψυχὴ τῶν εἰρημένων τούτων ἀρχὴ καὶ τούτοις ὥρισται, θρεπτικῷ, αἰσθητικῷ, διανοητικῷ, κινήσει.

7 Πότερον δὲ τούτων ἕκαστόν ἐστι ψυχὴ ἢ μόριον ψυχῆς, καὶ εἰ μόριον, πότερον οὕτως ὥστ' εἶναι χωριστὸν λόγῳ μόνον ἢ καὶ τόπῳ, περὶ μὲν τινῶν τούτων οὐ χαλεπὸν ἰδεῖν, ἔνια δὲ ἀπορίαν ἔχει. 8 σπερ γὰρ ἐπὶ τῶν φυτῶν ἔνια διαιρούμενα φαίνεται ζῶντα καὶ χωριζόμενα ἀπ' ἀλλήλων, ὡς οὔσης τῆς ἐν αὐτοῖς ψυχῆς ἐντελεχείᾳ μὲν μιᾶς ἐν ἑκάστῳ φυτῷ, δυνάμει δὲ πλειόνων, οὕτως ὁρῶμεν καὶ περὶ ἑτέρας διαφορὰς τῆς ψυχῆς συμβαῖνον ἐπὶ τῶν ἐντόμων ἐν τοῖς διατεμνομένοις· καὶ γὰρ αἴσθησιν ἑκάτερον τῶν μερῶν ἔχει καὶ κίνησιν τὴν κατὰ τόπον, εἰ δ' αἴσθησιν, καὶ φαντασίαν καὶ ὄρεξιν· ὅπου μὲν γὰρ αἴσθησις, καὶ λύπη τε καὶ ἡδονή, ὅπου δὲ ταῦτα, ἐξ ἀνάγκης καὶ ἐπιθυμία.  9 Περὶ δὲ τοῦ νοῦ καὶ τῆς θεωρητικῆς δυνάμεως οὐδέν πω φανερόν, ἀλλ' ἔοικε ψυχῆς γένος ἕτερον εἶναι, καὶ τοῦτο μόνον ἐνδέχεσθαι χωρίζεσθαι, καθάπερ τὸ ἀΐδιον τοῦ φθαρτοῦ.  10 Τὰ δὲ λοιπὰ μόρια τῆς ψυχῆς φανερὸν ἐκ τούτων ὅτι οὐκ ἔστι χωριστά, καθάπερ τινές φασιν· τῷ δὲ λόγῳ ὅτι ἕτερα, φανερόν· αἰσθητικῷ γὰρ εἶναι καὶ δοξαστικῷ ἕτερον, εἴπερ καὶ τὸ αἰσθάνεσθαι τοῦ δοξάζειν, ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἄλλων ἕκαστον τῶν εἰρημένων. 11 τι δ' ἐνίοις μὲν τῶν ζῴων ἅπανθ' ὑπάρχει ταῦτα, τισὶ δὲ τινὰ τούτων, ἑτέροις δὲ ἓν μόνον (τοῦτο δὲ ποιεῖ διαφορὰν 414a τῶν ζῴων)· διὰ τίνα δ' αἰτίαν, ὕστερον ἐπισκεπτέον. Παραπλήσιον δὲ καὶ περὶ τὰς αἰσθήσεις συμβέβηκεν· τὰ μὲν γὰρ ἔχει πάσας, τὰ δὲ τινάς, τὰ δὲ μίαν τὴν ἀναγκαιοτάτην, ἁφήν.

12  πεὶ δὲ ᾧ ζῶμεν καὶ αἰσθανόμεθα διχῶς λέγεται, καθάπερ ᾧ ἐπιστάμεθα (λέγομεν δὲ τὸ μὲν ἐπιστήμην τὸ δὲ ψυχήν, ἑκατέρῳ γὰρ τούτων φαμὲν ἐπίστασθαι), ὁμοίως δὲ καὶ [ᾧ] ὑγιαίνομεν τὸ μὲν ὑγιείᾳ τὸ δὲ μορίῳ τινὶ τοῦ σώματος ἢ καὶ ὅλῳ, τούτων δ' ἡ μὲν ἐπιστήμη τε καὶ ὑγίεια μορφὴ καὶ εἶδός τι καὶ λόγος καὶ οἷον ἐνέργεια τοῦ δεκτικοῦ, ἡ μὲν τοῦ ἐπιστημονικοῦ, ἡ δὲ τοῦ ὑγιαστοῦ (δοκεῖ γὰρ ἐν τῷ πάσχοντι καὶ διατιθεμένῳ ἡ τῶν ποιητικῶν ὑπάρχειν ἐνέργεια), ἡ ψυχὴ δὲ τοῦτο ᾧ ζῶμεν καὶ αἰσθανόμεθα καὶ διανοούμεθα πρώτως-ὥστε λόγος τις ἂν εἴη καὶ εἶδος, ἀλλ' οὐχ ὕλη καὶ τὸ ὑποκείμενον. 13 Τριχῶς γὰρ λεγομένης τῆς οὐσίας, καθάπερ εἴπομεν, ὧν τὸ μὲν εἶδος, τὸ δὲ ὕλη, τὸ δὲ ἐξ ἀμφοῖν, τούτων δ' ἡ μὲν ὕλη δύναμις, τὸ δὲ εἶδος ἐντελέχεια, ἐπεὶ τὸ ἐξ ἀμφοῖν ἔμψυχον, οὐ τὸ σῶμά ἐστιν ἐντελέχεια ψυχῆς, ἀλλ' αὕτη σώματός τινος. Καὶ διὰ τοῦτο καλῶς ὑπολαμβάνουσιν οἷς δοκεῖ μήτ' ἄνευ σώματος εἶναι μήτε σῶμά τι ἡ ψυχή· σῶμα μὲν γὰρ οὐκ ἔστι, σώματος δέ τι, 14 καὶ διὰ τοῦτο ἐν σώματι ὑπάρχει, καὶ ἐν σώματι τοιούτῳ, καὶ οὐχ ὥσπερ οἱ πρότερον εἰς σῶμα ἐνήρμοζον αὐτήν, οὐθὲν προσδιορίζοντες ἐν τίνι καὶ ποίῳ, καίπερ οὐδὲ φαινομένου τοῦ τυχόντος δέχεσθαι τὸ τυχόν. 15 Οὕτω δὲ γίνεται καὶ κατὰ λόγον· ἑκάστου γὰρ ἡ ἐντελέχεια ἐν τῷ δυνάμει ὑπάρχοντι καὶ τῇ οἰκείᾳ ὕλῃ πέφυκεν ἐγγίνεσθαι. τι μὲν οὖν ἐντελέχειά τίς ἐστι καὶ λόγος τοῦ δύναμιν ἔχοντος εἶναι τοιούτου, φανερὸν ἐκ τούτων.

 § 1. Mais comme ce qui est clair et plus connu, selon la raison, peut venir de choses qui sont obscures par leur nature, quoique cependant plus apparentes pour nous, essayons de nouveau de procéder ainsi qu'il suit à l'égard de l'âme. La véritable définition doit non seulement montrer l'existence de la chose comme le font la plupart des définitions, mais elle doit encore eu contenir la cause et la mettre en lumière. Souvent les jugements qui donnent des définitions sont des espèces de conclusions ; et, par exemple, si l'on demande: Qu'est-ce que faire la quadrature? et qu'on réponde : C'est trouver une figure à angles droits et à côtés égaux qui soit égale à une figure à côtés inégaux, une telle définition n'est que l'énoncé déjà conclusion. Quand au contraire on dit que la quadrature est la découverte d'une moyenne proportionnelle, on indique la cause même de la chose.

§ 2. Nous disons donc, pour commencer toute cette étude, que l'être animé se distingue de l'être inanimé, parce qu'il vit. Mais vivre ayant plusieurs sens, pour affirmer d'un être qu'il vit, il nous suffit qu'il y ait en lui une seule des choses suivantes : l'intelligence, la sensibilité, le mouvement et le repos dans l'espace, et aussi ce mouvement qui se rapporte à la nutrition, à l'accroissement et au dépérissement. § 3. Ce qui fait que de toutes les plantes on peut dire qu'elles vivent, c'est qu'elles paraissent avoir en elles-mêmes une force et un principe d'où elles tirent leur accroissement et leur dépérissement en sens contraires. Car on ne saurait soutenir qu'elles croissent par en haut seulement et non par en has; elles se développent et se nourrissent également des deux manières et en tous sens ; et elles continuent de vivre tout le temps qu'elles peuvent prendre de la nourriture. § 4. C'est qu'il est possible que cette fonction subsiste indépendamment de toutes les autres, tandis qu'il est impossible que sans elle les autres subsistent, dans les êtres mortels. Cela est de toute évidence pour les plantes, qui n'ont pas d'autre puissance de l'âme que celle-là. Ainsi donc c'est par ce principe que la vie appartient aux êtres qui vivent. Mais l'animal n'est constitué primitivement que par la sensibilité. Aussi les êtres qui ne sont pas doués de mouvement et qui ne changent pas de place, s'ils ont cependant la sensibilité, n'en sont pas moins appelés des animaux ; et nous ne disons pas simplement qu'ils vivent. § 5. Le premier sens qui appartient à tous les animaux, c'est le toucher; et de même que la nutrition peut s'isoler du toucher et de toute sensibilité, de même le toucher peut s'isoler de tous les autres sens. Nous appelons faculté de nutrition cette partie de l'âme qui est commune aux plantes elles-mêmes; mais tous les animaux sans exception paraissent avoir le sens du toucher. Nous dirons plus tard la cause de chacun de ces phénomènes. § 6. Pour le moment, bornons-nous à dire que l'âme est le principe des facultés suivantes, et se trouve définie par elles : la nutrition, la sensibilité, la pensée et le mouvement.

§ 7. Chacune de ces facultés est-elle l'âme, ou seulement une partie de l'âme? Et si c'est une partie, est-ce de façon qu'elle soit séparée seulement pour la raison, ou bien aussi séparée matériellement? Ce sont là des questions dont quelques unes peuvent aisément se résoudre, et dont quelques autres présentent de grandes difficultés. § 8. Ainsi, de même que, dans les plantes, quelques unes, comme on peut le voir, vivent après qu'on les a divisées et séparées les unes des autres, comme si pour ces êtres l'âme était parfaitement et réellement une dans chacune d'elles, et qu'en puissance elle fût multiple ; de même nous voyons, avec une autre différence de l'âme, un phénomène analogue se produire pour les insectes que l'on coupe. Chacune de leurs parties possède la sensibilité et la locomotion ; et si elles ont la sensibilité, elles ont aussi et l'imagination et le désir ; car là où il y a sensation, là aussi il y a peine et plaisir; et là où sont ces deux affections, il y a nécessairement désir. § 9. On ne saurait ici encore affirmer rien de fort clair, ni de l'intelligence ni de la faculté de percevoir; mais l'intelligence semble être un autre genre d'âme, et le seul qui puisse être isolé du reste, comme l'éternel s'isole du périssable. § 10. Quant aux autres parties de l'âme, les faits prouvent bien qu'elles ne sont pas séparables, ainsi qu'on le soutient quelquefois. Mais au point de vue de la raison, elles sont différentes évidemment; car c'est tout autre chose d'être sensible et d'être pensant, parce que sentir et juger sont choses très différentes. Et de même pour chacune des facultés qu'on vient de nommer. § 11. De plus, certains animaux les ont toutes, d'autres n'en ont que quelques unes, d'autres n'en ont qu'une seule. C'est là ce qui constitue 414a leur différence; et nous verrons plus tard quelle en est la cause. Mais il se passe quelque chose d'à peu près pareil pour les sens. Certains animaux les ont tous; d'autres n'en ont que quelques uns; d'autres enfin n'en ont qu'un seul; et c'est alors le plus nécessaire de tous, le toucher.

§ 12. De plus, ce par quoi nous vivons et sentons peut recevoir deux significations, de même que ce par quoi nous savons : ainsi nous appelons ce par quoi nous savons tantôt la science et tantôt l'âme, car nous disons qu'on sait par l'un des deux. De même ce par quoi nous sommes en santé, tantôt se nomme santé, et tantôt se rapporte à telle partie du corps ou même au corps entier. La science et la santé sont une espèce, elles sont une certaine forme, la notion, et pour ainsi dire l'acte de ce qui les reçoit, ici de ce qui est capable de savoir, là de ce qui est capable d'avoir la santé. C'est, en effet, dans le sujet passif, et dans l'être qui a telle disposition, que paraît avoir lieu l'acte des choses capables d'agir. Or, l'âme est ce par quoi nous vivons, sentons et pensons primitivement; elle doit donc être raison et forme, et non pas matière ou sujet. § 13. La substance, en effet, suppose, ainsi que nous l'avons dit, trois choses : la forme, la matière, et le composé, résultat de ces deux éléments. La matière n'est que puissance, et la forme est réalité parfaite, entéléchie ; et comme le résultat de toutes deux est l'être anime, le corps n'est pas la réalité parfaite, l'entéléchie de l'âme; c'est l'âme, au contraire, qui est la réalité parfaite, l'entéléchie du corps constitué de certaine manière. § 14. C'est là aussi ce qui donne toute raison à ceux qui prétendent, à la fois, que l'âme n'existe point sans le corps, et que l'âme n'est pas un corps. Non, elle n'est pas un corps, elle est quelque chose du corps; et voilà pourquoi elle est dans le corps, et dans le corps fait de telle façon; elle n'est pas, comme les philosophes antérieurs l'ont dit, dans un corps quelconque, oubliant d'ajouter dans quelle sorte de corps, quoique cependant il ne semble pas qu'une chose prise au hasard puisse indistinctement recevoir la première chose venue. § 15. Mais, en ceci, tout se passe suivant cette loi parfaitement raisonnable : la réalité parfaite, l'entéléchie de chaque chose ne se produit naturellement que dans ce qui est en puissance, et dans la matière qui est propre à la recevoir. Il est donc clair par là qu'il n'y a réalité parfaite, entéléchie et raison, que pour ce qui a la puissance de devenir de telle ou telle façon.

§ 1. Qui sont obscures par leur nature. J'ai cru devoir ajouter les trois derniers mots.

Quoique cependant plus apparentes pour nous. J'ai ajouté encore les deux derniers mots, afin que la pensée fût parfaitement intelligible. Je n'ai fait que suivre en cela l'interprétation de Philopon, qui est en outre tout-à-fait conforme à la doctrine aristotélique.

Ainsi qu'il suit. Le texte dit seulement. « Ainsi. »

La véritable définition. Voir dans les Derniers Analytiques les conditions de la définition, liv. II, ch. 7 et 10, et aussi dans la Métaphysique, liv. VII, ch. 12, p. 1037, h, 8, éd. de Berlin. Voir aussi plus haut, liv. I, ch. I, S 8. — En contenir la cause. Parce qu'on ne sait véritablement que quand on sait par la cause. Voir les Derniers Analytiques, liv. I, ch. 2, § 1, et liv. Il, ch. 11 et suiv.

Sont des espèces de conclusions. Alexandre d'Aphrodise proposait ici une variante que n'avaient pas admise jadis les commentateurs attiques, et que Philopon rejette aussi. Le texte, en effet, suffit parfaitement, et la variante serait sans importance. Dans les Derniers Analytiques, liv. II, ch. 1 à 10, Aristote a démontré comment la définition de l'essence pouvait être obtenue par une sorte de démonstration. Dans ce cas, la définition se trouve être une conclusion au lieu d'être un principe.

Qu'est-ce que... la quadrature. Non pas la quadrature du cercle, mais l'opération de géométrie par laquelle on obtient un carré égal à un rectangle donné. Aristote l'explique lui-même un peu plus bas. Dans les Derniers Analytiques, dans les Réfutations des sophistes, aussi bien que dans les Catégories, c'est de la quadrature du cercle qu'il s'agit. Voir les Catégories, ch. 7, § 19. - Derniers Analytiques, liv. I, ch. 9, § 1, et Réfut. des sophistes, ch. 11, §§ 3 et 5. La définition de la quadrature, telle qu'elle est donnée ici, est reproduite dans la Métaphysique, liv. III, ch. 5, p. 996, h, 21, éd. de Berlin.

On indique la cause même de la chose, et alors on a une véritable définition. Aristote va donc essayer, dans une nouvelle définition de l'âme, de donner la cause qui fait qu'elle est l'entéléchie d'un corps organisé et vivant.

§ 2. Nous disons donc. Voir le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise sur ce passage, Questions, liv. Il, ch. 25, §  3.

L'être animé se distingue de l'être inanimé. Voir la Physique, liv. ii, ch. 1, p. 192, b, 8, éd. de Berlin, où la classification générale des êtres est assez longuement développée.

Parce qu'il vit. La division des êtres en animés et inanimés est déjà dans le Timée de Platon (voir p. 212, traduct. de M. Cousin); et les plantes y sont classées par lui parmi les êtres animés. Cette division est admise aussi par Cuvier, Règne animal, t. I, p. 18; mais, pour Cuvier, l'être inanimé est vivant, et ainsi les plantes sont vivantes, quoique inanimées. L'être inanimé n'est ni sensible ni mobile. Comme Cuvier ajoute que cette division a été admise dès les premiers temps, il est probable qu'il a en vue Aristote. Mais alors on voit qu'il ne le reproduit pas très exactement ; car, pour Aristote, l'être inanimé ne vit pas, et la plante n'est pas un être inanimé. La division aristotélique se rapproche beaucoup de celle qui est aujourd'hui généralement admise : règne organique, règne inorganique.

Il suffit pour affirmer d'un être qu'il vit. Cuvier définit la vie (Règne animal, t. I, p. 11)   « le mouvement des molécules qui entrent et qui sortent pour entretenir le corps de l'animal. » La vie ne serait que la nutrition.

La sensibilité, le mouvement. Cuvier dit aussi, ib., p.46, que les caractères les plus influents pour classer les animaux sont la sensibilité et la locomotion ; ils établissent le degré de l'animalité. Il s'occupe aussi, ib., p. 40, des fonctions intellectuelles des animaux ; mais il ne revendique pas cette étude pour les naturalistes exclusivement, comme Aristote semble le faire; voir plus haut, liv. I, ch. I, § 11.

Qui se rapporte à la nutrition, à l'accroissement. Je préfère cette leçon, adoptée par M. Trendelenhourg d'après les manuscrits, à celle de l'édition de Berlin, qui met « l'accroissement et le dépérissement » au nominatif, au lieu de les rapporter à l'idée de mouvement relative aux trois termes qui la suivent. Simplicius et Philopon paraissent avoir eu cette dernière leçon.

II faut bien remarquer que ces grandes divisions, dans les facultés qui constituent la vie, sont encore aujourd'hui reconnues et suivies par la science moderne, qui n'a point eu à les modifier. Voir le Manuel de physiologie de M. Muller, t. I, p. 35, de la trad. française. On ne saurait trop insister sur ce point.

§ 3 Qu'elles vivent. C'est aussi ce que dit Platon : il va même jusqu'à appeler la plante un animal, Timée, p. 2t2, traduction de M. Cousin.

En sens contraires. La leçon vulgaire est : « dans des lieux contraires.  »J'ai préféré celle de l'édition Aldine, qui me semble s'accorder mieux avec ce qui suit.

Par en haut seulement. Voir plus loin l'opinion d'Empédocle sur l'accroissement des végétaux, chap. 4, § 7.

§ 4. Indépendamment de toutes les autres. C'est là ce qui donne à la nutrition la première place : elle ne dépend pas des autres fonctions ; les autres fonctions dépendent d'elle, au contraire.

Dans les êtres mortels. Je ne sais si cette restriction était bien nécessaire, quoique Philopon l'approuve fort. — Qui n'ont pas d'autre puissance de l'âme. La faculté végétative, qui se retrouve aussi dans les animaux.

C'est par ce principe que la vie appartient... Je crois qu'Afistole a bien fait de donner cette importance suprême à la nutrition ; et Cuvier, dans ses Considérations générales, n'a peut-être pas assez suivi son exemple.

L'animal n'est constitué primitivement que par la sensibilité. C'est que la sensibilité est le premier caractère qui distingue l'animal proprement dit de tous les autres êtres. Pour Cuvier, c'est tantôt la sensibilité aussi (Règne animal, t. 1, p. 18), tantôt c'est la respiration (ib., p. 21), avec trois autres caractères qui complètent ce premier : cavité intestinale, système circulatoire, composition chimique, où entre l'azote de plus que dans celle des végétaux. Peut-être la division d'Aristote, qui a le grand mérite d'être plus simple, a-t-elle aussi le mérite d'être plus profonde. Linné semble l'avoir adoptée.

Et qui ne changent pas de place, comme les zoophytes.

§ 5. Le premier sens qui appartient à tous les animaux, c'est le toucher. Cuvier remarque aussi (Règne animal, t. I, p. 3t1 que le toucher ne manque jamais dans les animaux. C'est, de plus, du toucher et des organes de la manducation que sont pris les caractères variables qui établissent les diversités essentielles des mammifères entre eux, ib., p. 65.

Le toucher peut s'isoler de tous les autres sens. Voir plus loin, § 11.

Nous dirons plus tard, dans les chapitres suivants : la nutrition dans le chap. 4, la sensibilité dans les chap. 5 et suiv.

§ 6. Des facultés suivantes. C'est l'ordre qu'il suivra dans tout ce traité pour l'étude de ces quatre facultés.

§ 7. Ou bien aussi séparée matériellement. Le texte dit : « Par le lieu. »

Quelques autres prétendent de grandes difficultés. On voit sans peine qu'ici, en effet, les difficultés sont immenses : attribuer à l'âme la nutrition, comme on lui accorde la pensée, la sensibilité, la locomotion, c'est un problème que la science, jusqu'ici, n'a pas pu résoudre. Le système de Stahl, qui n'admet qu'un seul principe pour toutes les fonctions diverses, se rapproche en ceci de celui d'Aristote, bien qu'il en dif

fère si complètement à tant d'autres égards. Descartes a consacré ta première partie presque entière du traité de la Formation du fœtus à démontrer que les fonctions du corps ne peuvent être attribuées à l'âme. Voir t. 4, p. 431, de l'édition de M. Cousin, et aussi le traité des Passions de l'âme.

§ 3. De même que dans les plantes. Voir plus haut, liv. I, cbap. 4, § 18, et chap. 6, § 26, la même observation déjà exprimée.

Avec une autre différence de l'âme, dans un autre ordre d'êtres, où l'âme n'est plus seulement nutritive, mais où elle est sensible et locomotrice.

Pour les insectes que l'on coupe. Voir aussi plus haut, liv. 1, chap. 5, § 26. Aristote veut sans doute parler surtout des vers.

Il y a nécessairement désir. Voir plus loin, chap. 3, § 3.

§ 9. On ne saurait ici encore affirmer rien. Ceci se rapporte à ce qui a été dit plus haut, § 7. Y a-t-il des parties de l'âme qui soient distinctes et séparables matériellement? Aristote n'affirme rien encore pour l'intelligence : il se réserve de le faire dans la théorie spéciale de l'intelligence, liv. III, chap. 5, § 2.

Ni de la faculté de percevoir. Le mot grec a peut-être un sens plus étendu ; mais je n'ai pu trouver de meilleur équivalent.

L'intelligence semble être. Alexandre d'Aphrodise se fondait sur cette forme dubitative pour soutenir qu'Aristote n'admet pas l'immortalité de l'âme. Philopon combat avec raison cette interprétation un peu subtile d'Alexandre. Mais si Aristote s'était prononcé plus nettement qu'il ne l'a fait sur cette question, le doute même n'eût pas été possible. Après avoir lu le Phédon, qui peut demander, par exemple, quelle est l'opinion de Platon?

Comme l'éternel s'isole du périssable. Voir plus loin, chap. 3, § 7, à la fin; et liv. lll. chap. 5, § 2.

§ 10. Qu'elles ne sont pas séparables, les unes des autres.

Ainsi qu'on le soutient quelquefois. Comme l'a fait Platon dans la République, liv. IV, p. 233 et suiv., et dans le Timée, p. 197 et suiv., trad. de M. Cousin.

Au point de vue de la raison. On a déjà vu une expression pareille, § 7, plus haut. On la trouvera encore liv. III, chap. 4, §,1. Je crois que c'est bien la pensée d'Aristote que j'ai rendue ; mais il serait possible de comprendre le texte dans un sens plus vulgaire, qui reviendrait, du reste, à peu près à celui que je donne " Pour le langage, verbalement. »

Tout autre chose d'être sensible et d'être pensant, parce que sentir et juger sont choses très différentes. Aristote n'a jamais hésité sur ce point, comme pourraient le faire croire les accusations de sensualisme dont il a été l'objet, et auxquelles, il faut le dire, il a quelquefois prêté, par la forme de son langage tout au moins. Voir les Derniers Analytiques, liv. Il, c. 19.

Et de même pour chacune des facultés. Ceci n'est pas très clair, et l'on peut comprendre, ou que les facultés de l'âme autres que l'intelligence ne sont pas séparables, ou bien qu'elles sont aussi différentes entre elles que le sont sentir et juger. Les commentateurs grecs n'ont rien dit sur ce point.

§ 11. De plus, certains animaux. Aristote essaie donc, comme il l'a promis implicitement, d'étendre sa théorie à la série entière  des êtres animés. Voir plus haut, liv. I, chap. 6, § 13.

Et nous verrons plus tard quelle en est la cause. Il s'agit sans doute ici, comme le croient Simplicius et Philopon, de la suite même de ce traité, et peut-être de l'Histoire des animaux, où les faits sont exposés tout au long en ce qui concerne l'organisation diverse des êtres animés.

Pour les sens. Plus haut, § 5, il a remarqué que le toucher est le seul sens qui se retrouve dans tous les animaux sans exception. Voir aussi passim dans ce traité.

§ 12. Ce par quoi nous vivons et sentons. C'est la traduction exacte du texte; peut-être eût-il mieux valu dire simplement : » Vivre et « sentir peuvent s'appliquer à « deux choses diverses, tout aussi « bien que savoir. » J'ai préféré rester plus fidèle, au risque d'être moins élégant.

L'acte des choses capables d'agir. Voir sur ces rapports de l'acte, au sujet qui le souffre ou qui le fait, le neuvième

livre de la Métaphysique.

Primitivement. J'ai conservé la formule péripatéticienne. On comprend sans peine que l'âme est le principe premier qui nous fait vivre, sentir et penser.

Raison et forme. Voir, dans le chapitre précédent, la définition de l'âme, à laquelle Aristote semble revenir ici.

Et non pas matière ou sujet. Voir plus haut, chap. 1, § 4.

§ 13. Ainsi que nous l'avons dit. Voir plus haut, ch. 1, § 9, où Aristote se sert à peu près des mêmes termes pour rendre la même idée.

C'est l'âme au contraire. Répétition de ce qui a été dit dans le chapitre précédent, et surtout § 6.

Constitué de certaine façon. C'est-à-dire étant pourvu d'organes qui le rendent capable de vivre. Voir plus haut/ ch. 1, §§ 5 et 6.

§ 14. A ceux qui prétendent. Il est bien difficile de savoir à quels philosophes Aristote veut ici faire allusion. C'est peut-être de Platon qu'il s'agit : du moins ce sont bien là les doctrines du Phédon et de la République.

Elle est quelque chose du corps. Il semblerait alors que l'âme est inséparable du corps et meurt avec lui. Pour prévenir cette conséquence évidente, Philopon rappelle ce qu'Aristote a dit plus haut de l'intelligence, § 9.

Dans le corps fait de telle façon. Dans le corps formé par la nature et pourvu d'organes qui le rendent capable de vivre ; voir le paragraphe précédent, et plus haut, ch. 1, § 6

Comme les philosophes antérieurs l'ont dit. Critique qu'il a déjà faite plus haut, et qui s'adresse aux Pythagoriciens surtout; voir liv. I, ch. 3, § 23.

§ 15. Celle loi parfaitement raisonnable. La formule dont je me sers ici paraîtra peut-être bien moderne, Aristote disant seulement : « suivant la raison. » Mais j'ai cru devoir l'employer pour être plus clair, et dans tous les cas elle n'est pas contraire à la rigueur aristotélique.

Dans la madère qui est propre à la recevoir. Voir le livre IX de la Métaphysique.

Et raison. Ce mot est fort vague ; celui du texte ne l'est pas moins, et je n'ai pu trouver un équivalent meilleur. On pourrait encore traduire : et notion.



 

CHAPITRE III.

Rapports divers des facultés entre elles. Rôle général du toucher ; il est le sens de la nutrition.

Il ne peut pas y avoir pour les diverses facultés une notion commune, de même qu'il n'y en a pas pour les diverses figures de géométrie; seulement, la faculté supérieure suppose et contient la faculté inférieure : la sensibilité suppose la nutrition, etc. — Subordination régulière des facultés entre elles: nutrition, sensibilité, locomotion, intelligence.

414a27 1 Τῶν δὲ δυνάμεων τῆς ψυχῆς αἱ λεχθεῖσαι τοῖς μὲν ὑπάρχουσι πᾶσαι, καθάπερ εἴπομεν, τοῖς δὲ τινὲς αὐτῶν, ἐνίοις δὲ μία μόνη. Δυνάμεις δ' εἴπομεν θρεπτικόν, αἰσθητικόν, ὀρεκτικόν, κινητικὸν κατὰ τόπον, διανοητικόν. 2  Ὑπάρχει δὲ τοῖς μὲν φυτοῖς τὸ θρεπτικὸν μόνον, ἑτέροις δὲ 414b τοῦτό τε καὶ τὸ αἰσθητικόν. Εἰ δὲ τὸ αἰσθητικόν, καὶ τὸ ὀρεκτικόν· ὄρεξις μὲν γὰρ ἐπιθυμία καὶ θυμὸς καὶ βούλησις, τὰ δὲ ζῷα πάντ' ἔχουσι μίαν γε τῶν αἰσθήσεων, τὴν ἁφήν· ᾧ δ' αἴσθησις ὑπάρχει, τούτῳ ἡδονή τε καὶ λύπη καὶ τὸ ἡδύ τε καὶ λυπηρόν, οἷς δὲ ταῦτα, καὶ ἐπιθυμία· τοῦ γὰρ ἡδέος ὄρεξις αὕτη. 3 τι δὲ τῆς τροφῆς αἴσθησιν ἔχουσιν· ἡ γὰρ ἁφὴ τῆς τροφῆς αἴσθησις· ξηροῖς γὰρ καὶ ὑγροῖς καὶ θερμοῖς καὶ ψυχροῖς τρέφεται τὰ ζῶντα πάντα, τούτων δ' αἴσθησις ἁφή, τῶν δ' ἄλλων αἰσθητῶν κατὰ συμβεβηκός. Οὐθὲν γὰρ εἰς τροφὴν συμβάλλεται ψόφος οὐδὲ χρῶμα οὐδὲ ὀσμή, ὁ δὲ χυμὸς ἕν τι τῶν ἁπτῶν ἐστιν. Πεῖνα δὲ καὶ δίψα ἐπιθυμία, καὶ ἡ μὲν πεῖνα ξηροῦ καὶ θερμοῦ, ἡ δὲ δίψα ὑγροῦ καὶ ψυχροῦ· ὁ δὲ χυμὸς οἷον ἥδυσμά τι τούτων ἐστίν. Διασαφητέον δὲ περὶ αὐτῶν ὕστερον, νῦν δ' ἐπὶ τοσοῦτον εἰρήσθω, ὅτι τῶν ζώντων τοῖς ἔχουσιν ἁφὴν καὶ ὄρεξις ὑπάρχει. Περὶ δὲ φαντασίας ἄδηλον, ὕστερον δ' ἐπισκεπτέον.

4 νίοις δὲ πρὸς τούτοις ὑπάρχει καὶ τὸ κατὰ τόπον κινητικόν, ἑτέροις δὲ καὶ τὸ διανοητικόν τε καὶ νοῦς, οἷον ἀνθρώποις καὶ εἴ τι τοιοῦτον ἕτερον ἔστιν ἢ τιμιώτερον.

5 Δῆλον οὖν ὅτι τὸν αὐτὸν τρόπον εἷς ἂν εἴη λόγος ψυχῆς τε καὶ σχήματος· οὔτε γὰρ ἐκεῖ σχῆμα παρὰ τὸ τρίγωνον ἔστι καὶ τὰ ἐφεξῆς, οὔτ' ἐνταῦθα ψυχὴ παρὰ τὰς εἰρημένας. Γένοιτο δ' ἂν καὶ ἐπὶ τῶν σχημάτων λόγος κοινός, ὃς ἐφαρμόσει μὲν πᾶσιν, ἴδιος δ' οὐδενὸς ἔσται σχήματος. μοίως δὲ καὶ ἐπὶ ταῖς εἰρημέναις ψυχαῖς. Διὸ γελοῖον ζητεῖν τὸν κοινὸν λόγον καὶ ἐπὶ τούτων καὶ ἐφ' ἑτέρων, ὃς οὐδενὸς ἔσται τῶν ὄντων ἴδιος λόγος, οὐδὲ κατὰ τὸ οἰκεῖον καὶ ἄτομον εἶδος, ἀφέντας τὸν τοιοῦτον. 6 (Παραπλησίως δ' ἔχει τῷ περὶ τῶν σχημάτων καὶ τὰ κατὰ ψυχήν· ἀεὶ γὰρ ἐν τῷ ἐφεξῆς ὑπάρχει δυνάμει τὸ πρότερον ἐπί τε τῶν σχημάτων καὶ ἐπὶ τῶν ἐμψύχων, οἷον ἐν τετραγώνῳ μὲν τρίγωνον, ἐν αἰσθητικῷ δὲ τὸ θρεπτι- κόν.) στε καθ' ἕκαστον ζητητέον, τίς ἑκάστου ψυχή, οἷον τίς φυτοῦ καὶ τίς ἀνθρώπου ἢ θηρίου.

415a Διὰ τίνα δ' αἰτίαν τῷ ἐφεξῆς οὕτως ἔχουσι, σκεπτέον. )Άνευ μὲν γὰρ τοῦ θρεπτικοῦ τὸ αἰσθητικὸν οὐκ ἔστιν· τοῦ δ' αἰσθητικοῦ χωρίζεται τὸ θρεπτικὸν ἐν τοῖς φυτοῖς. Πάλιν δ' ἄνευ μὲν τοῦ ἁπτικοῦ τῶν ἄλλων αἰσθήσεων οὐδεμία ὑπάρχει, ἁφὴ δ' ἄνευ τῶν ἄλλων ὑπάρχει· πολλὰ γὰρ τῶν ζῴων οὔτ' ὄψιν οὔτ' ἀκοὴν ἔχουσιν οὔτ' ὀσμῆς αἴσθησιν. Καὶ τῶν αἰσθητικῶν δὲ τὰ μὲν ἔχει τὸ κατὰ τόπον κινητικόν, τὰ δ' οὐκ ἔχει· τελευταῖον δὲ καὶ ἐλάχιστα λογισμὸν καὶ διάνοιαν· οἷς μὲν γὰρ ὑπάρχει λογισμὸς τῶν φθαρτῶν, τούτοις καὶ τὰ λοιπὰ πάντα, οἷς δ' ἐκείνων ἕκαστον, οὐ πᾶσι λογισμός, ἀλλὰ τοῖς μὲν οὐδὲ φαντασία, τὰ δὲ ταύτῃ μόνῃ ζῶσιν. Περὶ δὲ τοῦ θεωρητικοῦ νοῦ ἕτερος λόγος.

τι μὲν οὖν ὁ περὶ τούτων ἑκάστου λόγος, οὗτος οἰκειότατος καὶ περὶ ψυχῆς, δῆλον.

§ 1. 414a27 Les facultés de l'âme, que nous avons énumérées, ou bien appartiennent toutes ensemble à quelques êtres, ainsi que nous l'avons dit ; ou bien d'autres êtres n'en ont que quelques unes seulement; ou même d'autres n'en ont qu'une seule. Nous appelons facultés : la nutrition, les appétits, la sensibilité, la locomotion, la pensée. § 2. Les plantes n'ont que la nutrition; d'autres êtres 414b ont à la fois la nutrition et la sensibilité. Quand il y a sensibilité, il y a de plus appétit; car l'appétit est désir, passion et volonté. Il est un seul sens que tous les animaux sans exception possèdent, c'est le toucher. Mais l'être qui a sensibilité a aussi peine et plaisir, selon que l'objet est agréable ou pénible; et les êtres qui ont ces qualités ont en outre le désir, carie désir est l'appétit de ce qui fait plaisir. § 3. De plus, ces êtres ont aussi le sens de la nourriture, car le toucher est le sens de l'alimentation. Tous les animaux, en effet, se nourrissent de matières sèches et liquides, chaudes et froides : et le sens propre de toutes ces choses, c'est le toucher. S'il s'applique aux autres choses sensibles, c'est indirectement; en effet, ni le sou, ni la couleur, ni l'odeur, ne contribuent en rien à la nourriture de l'animal ; mais la saveur est une des choses accessibles au sens du toucher. La faim et la soif sont des désirs ; la faim se rapporte au sec et au chaud, la soif se rapporte au froid et au liquide ; mais la saveur est comme l'assaisonnement de tous les aliments. Nous nous expliquerons plus tard à ce sujet : disons seulement ici que ceux des animaux qui ont le toucher ont aussi l'appétit. Ont-ils aussi l'imagination? c'est ce qui est incertain, et nous reviendrons plus loin sur cette question.

§ 4. Quelques animaux ont, outre ces facultés, la locomotion. D'autres, comme l'homme, ont de plus la pensée et l'intelligence, et quelque autre faculté, s'il y en a, qui soit analogue ou même supérieure à celles-là.

§ 5. Il est donc clair que la définition de l'âme ne peut être une, que comme l'est celle de la figure en géométrie. Si, dans cette science, il n'y a pas d'autres figures que le triangle et les figures qui le suivent, ici non plus il n'y a pas d'autres espèces d'âmes que celles qu on a énumérées. Toutefois on pourrait chercher, même pour les figures, une notion commune qui convînt à toutes sans exception, et qui ne fût spécialement propre à aucune. Et de même pour les âmes que Ton a indiquées. Mais il serait ridicule de chercher pour elles, aussi bien que pour les figures géométriques, une notion commune qui ne serait ni la notion propre d'aucune des choses en question, ni relative à l'espèce particulière et individuelle que l'on considérerait. Laissons donc cette recherche de côté. § 6. Mais à un autre égard, il en est de même à peu près pour l'âme que pour les figures. Pour celles-ci et pour les êtres animés, le terme qui suit contient également, en puissance, le terme qui le précède; et, par exemple, le triangle est dans le carré, la nutrition dans la sensibilité; de telle sorte que, pour chaque être, il faut chercher spécialement quelle est l'âme dont il est doué; et ainsi, quelle est lame de la plante, celle de l'homme ou celle de la bête.

§ 7. Examinons quelle est la loi de cette série régulière. Sans nutrition, point de sensibilité: mais la nutrition dans les plantes est séparée de la sensibilité. D'autre part, sans le toucher, aucun des autres sens n'existe. Mais le toucher peut exister sans les autres : ainsi beaucoup d'animaux n'ont ni la vue, ni l'ouïe, et sont tout-à-fait privés du sens de l'odorat. Parmi les êtres doués de sensibilité, les uns possèdent la locomotion, d'autres ne l'ont pas. Enfin très peu d'animaux ont le raisonnement et la pensée. Ceux qui, parmi les êtres périssables, ont le raisonnement, ont aussi toutes les autres facultés ; mais ceux qui n'en ont qu'une n'ont pas tous le raisonnement. En outre, les uns sont dénués même de l'imagination, tandis que d'autres ne vivent que par elle. Quant à l'intelligence spéculative, c'est une tout autre question.

Il est donc évident que la définition qui convienne mieux a chacune de ces facultés, est aussi celle qui convient le mieux à l'âme.

§  1. Ainsi que nous l'avons dit, Plus haut, ch. î, §§ 2 et 11.

Nous appelons facultés... les appétits. Aristote ajoute l'appétit ou les appétits aux quatre facultés qu'il a énumérées plus haut, ch. 2, § 2, et qui, suivant lui, constituent la vie. Descartes fait des appétits un sens a part. Voir les Principes, ive partie, § 190, éd. de M. Cousin, Aux appétits, Descartes joint les passions, et porte ainsi les sens au nombre de sept.

§ 2. Les plantes n'ont que la  nutrition. Voir plus haut, ch. 2, § 3 et 4.

Il a de plus appétit.  Plus haut, ch. 2, § 5, il a dit désir, et non point appétit ; dans sa théorie, l'appétit parait être antérieur  au désir, et appartenir au corps,  comme le désir appartient à l'âme,

L'appétit est désir, passion et volonté. Ceci semblerait faire de l'appétit un acte moral, et non corporel.

C'est le toucher. C'est ce qui a déjà été dit plus haut, ch. 8, § 5.

A aussi peine et plaisir. Voir plus haut la même pensée, ch. 2, § 3.

§ 3. De plus, ces êtres. Le texte dit seulement et d'une manière toute indéterminée : Ils. J'ai traduit « ces êtres, » pour préciser davantage et montrer qu'il s'agit des êtres dont il vient d'être parlé, et qui ont nutrition et sensibilité.

Le toucher est le sens de l'alimentation. Aristote donne plus loin, liv. iii, ch. 12, § 7, ce rôle au goût, dont il fait, il est vrai, une sorte de toucher.

Tous les animaux se nourrissent. Comme il a dit plus haut que les plantes se nourrissent aussi, ch. 2, § 3, il semblerait qu'elles aussi devraient avoir le sens de la nutrition. Mais la nutrition est possible sans le secours des sens, et le toucher ne sera le sens de la nutrition que dans les êtres doués de sensibilité.

S'il s'applique aux choses sensibles, c'est indirectement, ou « par accident, » comme dit le texte. Cette opinion parait trop absolue, et Aristote lui-même ne semble pas la soutenir, plus loin dans ce livre, ch. 2, où le toucher paraît être applicable à toutes les choses sensibles, et non pas seulement aux choses destinées à la nutrition de l'animal. Voir sur le toucher, outre la théorie spéciale, le liv. III. ch. 12 et 13.

La saveur est une des choses accessibles au sens du toucher. Voir plus loin, ch. 9, § 2, le goût assimilé au toucher, et aussi ch. 10, § 1 et suiv.

Plus tard. Voir plus loin la théorie du goût, ch. 10.

Ont-ils aussi l'imagination? Voir plus haut, ch. 2, § 8.

Nous y reviendrons plus loin. Voir la théorie de l'imagination, liv. III, ch. 38.

§ 4. Outre ces facultés, la locomotion. Voir liv. III, ch. 9.

D'autres ont la pensée et l'intelligence. Voir liv. III, ch. 4. On doit remarquer ici, comme je l'ai déjà dit plus haut, que le mot du texte qui exprime la pensée est un dérivé de celui qui exprime l'intelligence. Notre langue n'a pu m'offrir des rapports analogues entre les mots que j'ai dû employer.

Et quelque autre faculté s'il y en a. Simplicius et Philopon entendent autrement ce passage, où le vague de l'expression grecque peut en effet prêter à l'équivoque. Au lieu de faculté, ils comprennent qu'il s'agit ici d'une espèce analogue à l'espèce humaine ou même supérieure, celle des démons, par exemple, et des dieux, dont il est parlé au ch. 8 du livre XII de la Métaphysique. J'ai préféré le sens que je donne, quoique Aristote ne semble nulle part reconnaître de faculté au-dessus de l'intelligence, laquelle nous met en rapport avec les principes. Si l'on admettait l'interprétation des commentateurs grecs, il faudrait traduire : « Ou quelque autre espèce a d'êtres qui soit analogue, ou même supérieure à l'espèce humaine. »

§ 5. La définition de l'âme ne peut être une. C'est une des questions qu'Aristote a indiquées, liv. I, ch. 1, § 5.

Le triangle et les figures qui le suivent. Le triangle forme toutes les figures rectilignes qui ont plus de trois côtés ; c'est-à-dire que toutes ces figures peuvent être divisées en triangles, le carré en deux triangles, le pentagone en trois, l'hexagone en quatre, etc. La géométrie a plus tard réduit ceci en théorème exprès.

Il n'y a pas d'autres espèces d'âmes. En dehors des espèces réelles: nutritives, sensibles, etc., il n'y a pas d'âme en général, d'âme universelle.

Qu'on a énumérées. Plus haut, ch. 2, § 2.

Mais il serait ridicule de chercher. C'est déjà ce qu'Aristote fait entendre, liv. I, ch. 1, § 5. Pacius suppose avec raison qu'il s'agit ici de la théorie des idées qu'Aristote attaque indirectement.

Une notion commune. Ou une définition qui ne conviendrait à aucune espèce d'âme en particulier, et qui pourtant conviendrait à toutes en général. La définition qu'il a donnée lui-même au ch. 1 de ce livre doit donc pouvoir s'appliquer spécialement à chaque espèce d'âme qu'il a distinguée.

§ 6. Le triangle est dans le carré, puisque le carré peut se partager en deux triangles.

 La nutrition dans la sensibilité. C'est-à-dire que la sensibilité suppose nécessairement la nutrition.

Quelle est l'âme de la plante. C'est uniquement l'âme nutritive, comme il l'a dit plus haut, ch. 2, §§ 3 et 5.

§ 7. La loi de cette série régulière. Le texte dit mot à mot : « Par quelle cause ils sont dans le suivant. »

Sans la nutrition point de sensibilité. On doit remarquer tout ce qu'a de simple et de profond cette subordination des facultés de la vie entre elles. La science moderne ne pourrait mieux dire; et rarement elle a aussi bien dit.

Quant à Inintelligence spéculative. Voir plus haut, chap. 2, § 9, et plus loin la théorie de l'intelligence, liv. III, chap. 4 et chap. 5,  § 2.

C'est une tout autre question, ou bien : « Il en « sera question ailleurs. »

Il est donc évident. Aristote semble clore ici la discussion, qu'il a annoncée dans les mêmes termes à peu près, au début de ce second livre, chap, l, § 1.

CHAPITRE IV.

De l'âme nutritive. — Comme ii convient d'étudier les fonctions avant les facultés, et les objets des fonctions avant les fonctions mêmes, il faut savoir ce que c'est que la nutrition avant d'étudier l'âme nutritive.

Théorie générale de la nutrition. La reproduction et la perpétuité des espèces est la cause finale de la nutrition dans les êtres. — Réfutation d'une opinion d'Empédocle sur l'accroissement des végétaux, et de l'opinion de quelques philosophes qui font du feu la cause de la nutrition. — La nutrition est tout à la fois une action du contraire sur le contraire, et une action du semblable sur le semblable. — La digestion exige que tous les êtres vivants soient doués de chaleur.

L'âme nutritive se confond avec l'âme génératrice.

415a13 1 Ἀναγκαῖον δὲ τὸν μέλλοντα περὶ τούτων σκέψιν ποιεῖσθαι λαβεῖν ἕκαστον αὐτῶν τί ἐστιν, εἶθ' οὕτως περὶ τῶν ἐχομένων καὶ περὶ τῶν ἄλλων ἐπιζητεῖν. Εἰ δὲ χρὴ λέγειν τί ἕκαστον αὐτῶν, οἷον τί τὸ νοητικὸν ἢ τὸ αἰσθητικὸν ἢ τὸ θρεπτικόν, πρότερον ἔτι λεκτέον τί τὸ νοεῖν καὶ τί τὸ αἰσθάνεσθαι· πρότεραι γάρ εἰσι τῶν δυνάμεων αἱ ἐνέργειαι καὶ αἱ πράξεις κατὰ τὸν λόγον. Εἰ δ' οὕτως, τούτων δ' ἔτι πρότερα τὰ ἀντικείμενα δεῖ τεθεωρηκέναι, περὶ ἐκείνων πρῶτον ἂν δέοι διορίσαι διὰ τὴν αὐτὴν αἰτίαν, οἷον περὶ τροφῆς καὶ αἰσθητοῦ καὶ νοητοῦ.

Ὥστε πρῶτον περὶ τροφῆς καὶ γεννήσεως λεκτέον· ἡ γὰρ θρεπτικὴ ψυχὴ καὶ τοῖς ἄλλοις ὑπάρχει, καὶ πρώτη καὶ κοινοτάτη δύναμίς ἐστι ψυχῆς, καθ' ἣν ὑπάρχει τὸ ζῆν ἅπασιν. Ἧς ἐστὶν ἔργα γεννῆσαι καὶ τροφῇ χρῆσθαι· φυσικώτατον γὰρ τῶν ἔργων τοῖς ζῶσιν, ὅσα τέλεια καὶ μὴ πηρώματα ἢ τὴν γένεσιν αὐτομάτην ἔχει, τὸ ποιῆσαι ἕτερον οἷον αὐτό, ζῷον μὲν ζῷον, φυτὸν δὲ φυτόν, ἵνα τοῦ ἀεὶ καὶ τοῦ θείου μετέχωσιν ᾗ 415b δύνανται· πάντα γὰρ ἐκείνου ὀρέγεται, καὶ ἐκείνου ἕνεκα πράττει ὅσα πράττει κατὰ φύσιν (τὸ δ' οὗ ἕνεκα διττόν, τὸ μὲν οὗ, τὸ δὲ ᾧ). Ἐπεὶ οὖν κοινωνεῖν ἀδυνατεῖ τοῦ ἀεὶ καὶ τοῦ θείου τῇ συνεχείᾳ, διὰ τὸ μηδὲν ἐνδέχεσθαι τῶν φθαρτῶν ταὐτὸ καὶ ἓν ἀριθμῷ διαμένειν, ᾗ δύναται μετέχειν ἕκαστον, κοινωνεῖ ταύτῃ, τὸ μὲν μᾶλλον τὸ δ' ἧττον, καὶ διαμένει οὐκ αὐτὸ ἀλλ' οἷον αὐτό, ἀριθμῷ μὲν οὐχ ἕν, εἴδει δ' ἕν.

3  Ἔστι δὲ ἡ ψυχὴ τοῦ ζῶντος σώματος αἰτία καὶ ἀρχή. Ταῦτα δὲ πολλαχῶς λέγεται, ὁμοίως δ' ἡ ψυχὴ κατὰ τοὺς διωρισμένους τρόπους τρεῖς αἰτία· καὶ γὰρ ὅθεν ἡ κίνησις καὶ οὗ ἕνεκα καὶ ὡς ἡ οὐσία τῶν ἐμψύχων σωμάτων ἡ ψυχὴ αἰτία. 4 Ὅτι μὲν οὖν ὡς οὐσία, δῆλον· τὸ γὰρ αἴτιον τοῦ εἶναι πᾶσιν ἡ οὐσία, τὸ δὲ ζῆν τοῖς ζῶσι τὸ εἶναί ἐστιν, αἰτία δὲ καὶ ἀρχὴ τούτου ἡ ψυχή. Ἔτι τοῦ δυνάμει ὄντος λόγος ἡ ἐντελέχεια. 5 Φανερὸν δ' ὡς καὶ οὗ ἕνεκεν ἡ ψυχὴ αἰτία· ὥσπερ γὰρ ὁ νοῦς ἕνεκά του ποιεῖ, τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ ἡ φύσις, καὶ τοῦτ' ἔστιν αὐτῆς τέλος. Τοιοῦτον δ' ἐν τοῖς ζῴοις ἡ ψυχὴ κατὰ φύσιν· πάντα γὰρ τὰ φυσικὰ σώματα τῆς ψυχῆς ὄργανα, καθάπερ τὰ τῶν ζῴων, οὕτω καὶ τὰ τῶν φυτῶν, ὡς ἕνεκα τῆς ψυχῆς ὄντα· διττῶς δὲ τὸ οὗ ἕνεκα, τό τε οὗ καὶ τὸ ᾧ.  6 Ἀλλὰ μὴν καὶ ὅθεν πρῶτον ἡ κατὰ τόπον κίνησις, ψυχή· οὐ πᾶσι δ' ὑπάρχει τοῖς ζῶσιν ἡ δύναμις αὕτη. Ἔστι δὲ καὶ ἀλλοίωσις καὶ αὔξησις κατὰ ψυχήν· ἡ μὲν γὰρ αἴσθησις ἀλλοίωσίς τις εἶναι δοκεῖ, αἰσθάνεται δ' οὐθὲν ὃ μὴ μετέχει ψυχῆς, ὁμοίως δὲ καὶ περὶ αὐξήσεώς τε καὶ φθίσεως ἔχει· οὐδὲν γὰρ φθίνει οὐδ' αὔξεται φυσικῶς μὴ τρεφόμενον, τρέφεται δ' οὐθὲν ὃ μὴ κοινωνεῖ ζωῆς. 416a 7 Ἐμπεδοκλῆς δ' οὐ καλῶς εἴρηκε τοῦτο προστιθείς, τὴν αὔξησιν συμβαίνειν τοῖς φυτοῖς κάτω μὲν συρριζουμένοις διὰ τὸ τὴν γῆν οὕτω φέρεσθαι κατὰ φύσιν, ἄνω δὲ διὰ τὸ <τὸ> πῦρ ὡσαύτως. Οὔτε γὰρ τὸ ἄνω καὶ κάτω καλῶς λαμβάνει (οὐ γὰρ ταὐτὸ πᾶσι τὸ ἄνω καὶ κάτω καὶ τῷ παντί, ἀλλ' ὡς ἡ κεφαλὴ τῶν ζῴων, οὕτως αἱ ῥίζαι τῶν φυτῶν, εἰ χρὴ τὰ ὄργανα λέγειν ἕτερα καὶ ταὐτὰ τοῖς ἔργοις) πρὸς δὲ τούτοις τί τὸ συνέχον εἰς τἀναντία φερόμενα τὸ πῦρ καὶ τὴν γῆν; διασπασθήσεται γάρ, εἰ μή τι ἔσται τὸ κωλύον· εἰ δ' ἔσται, τοῦτ' ἔστιν ἡ ψυχή, καὶ τὸ αἴτιον τοῦ αὐξάνεσθαι καὶ τρέφεσθαι.

8 Δοκεῖ δέ τισιν ἡ τοῦ πυρὸς φύσις ἁπλῶς αἰτία τῆς τροφῆς καὶ τῆς αὐξήσεως εἶναι· καὶ γὰρ αὐτὸ φαίνεται μόνον τῶν σωμάτων [ἢ τῶν στοιχείων] τρεφόμενον καὶ αὐξόμενον, διὸ καὶ ἐν τοῖς φυτοῖς καὶ ἐν τοῖς ζῴοις ὑπολάβοι τις ἂν τοῦτο εἶναι τὸ ἐργαζόμενον. Τὸ δὲ συναίτιον μέν πώς ἐστιν, οὐ μὴν ἁπλῶς γε αἴτιον, ἀλλὰ μᾶλλον ἡ ψυχή· ἡ μὲν γὰρ τοῦ πυρὸς αὔξησις εἰς ἄπειρον, ἕως ἂν ᾖ τὸ καυστόν, τῶν δὲ φύσει συνισταμένων πάντων ἔστι πέρας καὶ λόγος μεγέθους τε καὶ αὐξήσεως· ταῦτα δὲ ψυχῆς, ἀλλ' οὐ πυρός, καὶ λόγου μᾶλλον ἢ ὕλης.

9  Ἐπεὶ δ' ἡ αὐτὴ δύναμις τῆς ψυχῆς θρεπτικὴ καὶ γεννητική, περὶ τροφῆς ἀναγκαῖον διωρίσθαι πρῶτον· ἀφορίζεται γὰρ πρὸς τὰς ἄλλας δυνάμεις τῷ ἔργῳ τούτῳ. Δοκεῖ δ' εἶναι ἡ τροφὴ τὸ ἐναντίον τῷ ἐναντίῳ, οὐ πᾶν δὲ παντί, ἀλλ' ὅσα τῶν ἐναντίων μὴ μόνον γένεσιν ἐξ ἀλλήλων ἔχουσιν ἀλλὰ καὶ αὔξησιν· γίνεται γὰρ πολλὰ ἐξ ἀλλήλων, ἀλλ' οὐ πάντα ποσά, οἷον ὑγιὲς ἐκ κάμνοντος. Φαίνεται δ' οὐδ' ἐκεῖνα τὸν αὐτὸν τρόπον ἀλλήλοις εἶναι τροφή, ἀλλὰ τὸ μὲν ὕδωρ τῷ πυρὶ τροφή, τὸ δὲ πῦρ οὐ τρέφει τὸ ὕδωρ. Ἐν μὲν οὖν τοῖς ἁπλοῖς σώμασι ταῦτ' εἶναι δοκεῖ μάλιστα τὸ μὲν τροφὴ τὸ δὲ τρεφόμενον. 10 Ἀπορίαν δ' ἔχει· φασὶ γὰρ οἱ μὲν τὸ ὅμοιον τῷ ὁμοίῳ τρέφεσθαι, καθάπερ καὶ αὐξάνεσθαι, τοῖς δ' ὥσπερ εἴπομεν τοὔμπαλιν δοκεῖ, τὸ ἐναντίον τῷ ἐναντίῳ, ὡς ἀπαθοῦς ὄντος τοῦ ὁμοίου ὑπὸ τοῦ ὁμοίου, τὴν δὲ τροφὴν δεῖν μεταβάλλειν καὶ πέττεσθαι· ἡ δὲ μεταβολὴ πᾶσιν εἰς τὸ ἀντικείμενον ἢ τὸ μεταξύ. Ἔτι πάσχει τι ἡ τροφὴ ὑπὸ τοῦ τρεφομένου, ἀλλ' οὐ τοῦτο ὑπὸ τῆς 416b τροφῆς, ὥσπερ οὐδ' ὁ τέκτων ὑπὸ τῆς ὕλης, ἀλλ' ὑπ' ἐκεί- νου αὕτη· ὁ δὲ τέκτων μεταβάλλει μόνον εἰς ἐνέργειαν ἐξ ἀργίας. 11 Πότερον δ' ἐστὶν ἡ τροφὴ τὸ τελευταῖον προσγινόμενον ἢ τὸ πρῶτον, ἔχει διαφοράν. Εἰ δ' ἄμφω, ἀλλ' ἡ μὲν ἄπεπτος ἡ δὲ πεπεμμένη, ἀμφοτέρως ἂν ἐνδέχοιτο τὴν τροφὴν λέγειν· ᾗ μὲν γὰρ ἄπεπτος, τὸ ἐναντίον τῷ ἐναντίῳ τρέφεται, ᾗ δὲ πεπεμμένη, τὸ ὅμοιον τῷ ὁμοίῳ. Ὥστε φανερὸν ὅτι λέγουσί τινα τρόπον ἀμφότεροι καὶ ὀρθῶς καὶ οὐκ ὀρθῶς. 12 416b9 Ἐπεὶ δ' οὐθὲν τρέφεται μὴ μετέχον ζωῆς, τὸ ἔμψυχον ἂν εἴη σῶμα τὸ τρεφόμενον, ᾗ ἔμψυχον, ὥστε καὶ ἡ τροφὴ πρὸς ἔμψυχόν ἐστι, καὶ οὐ κατὰ συμβεβηκός.  13 Ἔστι δ' ἕτερον τροφῇ καὶ αὐξητικῷ εἶναι· ᾗ μὲν γὰρ ποσόν τι τὸ ἔμψυχον, αὐξητικόν, ᾗ δὲ τόδε τι καὶ οὐσία, τροφή (σώζει γὰρ τὴν οὐσίαν, καὶ μέχρι τούτου ἔστιν ἕως ἂν τρέφηται), καὶ γενέσεως ποιητικόν, οὐ τοῦ τρεφομένου, ἀλλ' οἷον τὸ τρεφόμενον· ἤδη γὰρ ἔστιν αὐτοῦ ἡ οὐσία, γεννᾷ δ' οὐθὲν αὐτὸ ἑαυτό, ἀλλὰ σώζει. Ὥσθ' ἡ μὲν τοιαύτη τῆς ψυχῆς ἀρχὴ δύναμίς ἐστιν οἵα σώζειν τὸ ἔχον αὐτὴν ᾗ τοιοῦτον, ἡ δὲ τροφὴ παρασκευάζει ἐνεργεῖν· διὸ στερηθὲν τροφῆς οὐ δύναται εἶναι. 14 [Ἐπεὶ δ' ἔστι τρία, τὸ τρεφόμενον καὶ ᾧ τρέφεται καὶ τὸ τρέφον, τὸ μὲν τρέφον ἐστὶν ἡ πρώτη ψυχή, τὸ δὲ τρεφόμενον τὸ ἔχον ταύτην σῶμα, ᾧ δὲ τρέφεται, ἡ τροφή.] 15 Ἐπεὶ δὲ ἀπὸ τοῦ τέλους ἅπαντα προσαγορεύειν δίκαιον, τέλος δὲ τὸ γεννῆσαι οἷον αὐτό, εἴη ἂν ἡ πρώτη ψυχὴ γεννητικὴ οἷον αὐτό. <Ἐπεὶ δ' ἔστι τρία, 416b25Α τὸ τρεφόμενον καὶ ᾧ τρέφεται καὶ τὸ τρέφον, τὸ μὲν τρέφον ἐστὶν ἡ πρώτη ψυχή, τὸ δὲ τρεφόμενον τὸ ἔχον ταύτην σῶμα, ᾧ δὲ τρέφεται, ἡ τροφή.> 16 Ἔστι δὲ ᾧ τρέφει διττόν, ὥσπερ καὶ ᾧ κυβερνᾷ καὶ ἡ χεὶρ καὶ τὸ πηδά- λιον, τὸ μὲν κινοῦν καὶ κινούμενον, τὸ δὲ κινούμενον μόνον. Πᾶσαν δ' ἀναγκαῖον τροφὴν δύνασθαι πέττεσθαι, ἐργάζεται δὲ τὴν πέψιν τὸ θερμόν· διὸ πᾶν ἔμψυχον ἔχει θερμότητα.

Τύπῳ μὲν οὖν ἡ τροφὴ τί ἐστιν εἴρηται· διασαφητέον δ' ἐστὶν ὕστερον περὶ αὐτῆς ἐν τοῖς οἰκείοις λόγοις.

§ 1. 415a13 Pour étudier ces facultés, il est nécessaire de bien comprendre d'abord ce qu'est chacune d'elles, et ensuite de rechercher les conséquences qu'elles entraînent, et tout le reste. Mais pour dire ce qu'est chacune d'elles, et par exemple ce que c'est que la pensée, ou la sensibilité, ou la nutrition, il faut en outre dire préalablement ce que c'est que penser et sentir ; car les actes et les fonctions sont rationnellement antérieurs aux facultés. Et s'il en est ainsi et s'il faut, même encore avant les actes, étudier les opposés de ces actes, il faut ici, par le même motif, déterminer ces opposés : je veux dire qu'il faut déterminer ce que c'est que nourriture, objet sensible, objet intelligible.

§ 2. Ainsi donc, il faut tout d'abord parler de l'alimentation et de la génération, car l'âme nutritive se retrouve aussi dans les autres âmes; et c'est la première et la plus commune des facultés de l'âme, celle par laquelle la vie appartient à tous les êtres animés. Ses actes sont d'engendrer, et d'employer la nourriture. L'acte le plus naturel aux êtres vivants qui sont complets, et qui ne sont ni avortés ni produits par génération spontanée, c'est de produire un autre être pareil à eux, l'animal un animal, la plante une plante, afin de participer de l'éternel et du divin autant 415b qu'ils le peuvent. Tous, en effet, ont ce désir instinctif; et c'est en vue de cet acte qu'ils font tout ce qu'ils font selon la nature. D'ailleurs la cause finale est double, et l'on y peut distinguer le but poursuivi, et l'être pour lequel ce but est poursuivi. Mais comme ces êtres ne peuvent jouir de l'éternel et du divin par leur propre continuité, parce qu'aucun des êtres périssables ne saurait demeurer identique et un numériquement, chacun d'eux y participe pourtant, dans la mesure où il le peut, les uns plus, les autres moins ; et si ce n'est pas l'être même qui subsiste, c'est presque lui: s'il n'est pas un en nombre, il est un du moins en espèce.

§ 3. L'âme est la cause et le principe du corps vivant. Cause et principe peuvent s'entendre en plusieurs sens. Pareillement l'âme est cause, suivant les trois modes déterminés de cause ; car l'âme est cause, en ce qu'elle est le principe même d'où vient le mouvement, ce en vue de quoi il a lieu, et en tant qu'elle est l'essence des corps animés. § 4. Comme essence, cela est évident; car c'est l'essence qui est cause de l'être pour toutes choses: or, vivre pour les êtres qui vivent, c'est être ; et la cause et le principe de tout cela, c'est l'âme. De plus, la réalité parfaite, l'entéléchie, est la raison de ce qui est en puissance. § 5. Il n'est pas moins clair que l'âme est cause aussi en tant que cause finale ; car, de même que l'intelligence agit en vue de quelque fin, de même aussi agit la nature ; c'est une fin qu'elle poursuit, et cette fin, dans les animaux, c'est précisément l'âme faite selon la nature. Ainsi tous les corps formés parla nature sont les instruments de l'âme; et de même que le sont ceux des animaux, de même aussi le sont ceux des plantes; tous sont faits en vue de l'âme : or, la cause finale est double, c'est le but poursuivi, c'est l'être pour lequel ce but est poursuivi. § 6. Le principe d'où vient primitivement la locomotion, c'est l'âme, bien que cette faculté n'appartienne pas à tous les êtres vivants. De plus, l'altération et l'accroissement se rapportent aussi à l'âme ; car la sensation paraît bien être une sorte d'altération, et nul être ne sent, à moins qu'il n'ait une âme. De même pour l'accroissement et le dépérissement : nul être ne dépérit ni ne croît, dans la nature, sans se nourrir, et nul ne se nourrit qu'il ne participe aussi à la vie. § 7. 416a Empédocle n'a pas eu raison, quand il a prétendu que les végétaux prennent leur accroissement en poussant leurs racines en bas, parce que c'est là le sens dans lequel la terre est naturellement portée ; et qu'ils poussent en haut, parce que le feu se dirige ainsi. Il n'a pas bien compris le haut et le bas; le haut et le bas ne sont pas identiques pour tous les êtres et pour l'univers. Ce qu'est la tête <Jans les animaux, les racines le sont dans les plantes, si c'est par les fonctions qu'il faut distinguer ou identifier les organes. En outre, qu'est-ce qui réunit ici le feu et la terre portés en sens contraires? Ils se sépareront sans aucun doute s'il n'y a pas quelque cause qui les en empêche; et si cette cause existe, ce ne peut être que l'âme, et la cause qui fait que les plantes croissent et se nourrissent.

§ 8. Quelques philosophes ont pensé que la nature du feu est la cause absolue de la nutrition et de l'accroissement. Comme il est le seul des corps, ou des éléments, qui paraisse se nourrir et s'accroître, on était amené à supposer que c'est lui aussi qui, dans les plantes et les animaux, produit ces deux phénomènes. Il est bien possible qu'il y contribue avec d'autres causes ; mais il n'en est pas exclusivement cause, et c'est bien plutôt l'âme. L'accroissement du feu s'étend à l'infini, tant qu'il y a du combustible; mais dans tous les corps formés par la nature, il y a une limite et un rapport de grandeur et d'accroissement. Or, ceci appartient à l'âme et non au feu, au rapport plutôt qu'à la matière.

§ 9. Puisque la même faculté de l'âme est à la fois nutritive et génératrice, il faut nécessairement parler d'abord de l'alimentation; car c'est cette fonction spécialement qui distingue cette faculté de l'âme de toutes les autres. La nourriture paraît être un contraire agissant sur un contraire, mais non pas un contraire quelconque agissant sur un contraire quelconque; elle se rapporte à tous ces contraires qui non seulement s'engendrent mutuellement, mais qui aussi s'accroissent les uns par les autres. Il y a, du reste, beaucoup de choses qui viennent les unes des autres, sans être d'ailleurs des quantités; par exemple le sain vient du malade. Mais ces contraires ne paraissent pas être de la même façon aliment les uns pour les autres; ainsi l'eau est aliment pour le feu, mais le feu ne nourrit pas l'eau. Et dans les autres corps, il semble que les deux parties principales soient, l'une la nourriture, et l'autre, le corps nourri. § 10. Mais il y a une difficulté, et la voici : les uns disent que c'est le semblable qui nourrit le semblable, de même que c'est lui qui l'accroît; et d'autres, à l'inverse, pensent, comme nous le disons ici, que c'est le contraire qui nourrit le contraire, le semblable ne pouvant être affecté par le semblable. Selon eux, la nourriture change et est digérée. Or, un changement se fait toujours soit en l'opposé, soit en l'intermédiaire. De plus, la nourriture elle-même est en un sens affectée par le corps qu'elle nourrit, et le corps ne l'est pas par la 416b nourriture; de même que l'ouvrier n'est pas affecté par la matière, tandis que la matière, au contraire, l'est par lui : seulement, l'ouvrier la fait passer de l'inertie à l'acte. § 11. Mais il importe de savoir si l'on parle de la nourriture dans le dernier état où elle se trouve, ou dans le premier ; si on l'appelle nourriture sous ces deux formes, bien qu'elle soit tantôt non digérée et tantôt digérée, on peut alors admettre les deux explications pour l'action de la nourriture; car en tant que non digérée, c'est le contraire qui nourrit le contraire ; en tant que digérée, c'est le semblable qui nourrit le semblable. On le voit donc, les deux opinions sont en quelque sorte en partie vraies, et en partie fausses. § 12. 416b9 Mais comme nul être ne se nourrit qui n'ait aussi la vie, le corps animé serait le corps qui se nourrit, en tant qu'animé; et par suite, le mot nourriture est un terme relatif au corps animé, et ne doit point se prendre en un sens indirect. § 13. C'est du reste tout autre chose que de donner nourriture, et de donner accroissement. C'est en tant que la nourriture est quantité que l'accroissement se produit ; c'est en tant qu'elle est chose spéciale et essence que la nutrition a lieu. L'être, en effet, conserve son essence, il subsiste tout autant de temps qu'il se nourrit. La nourriture n'engendre pas l'être qu'elle nourrit, elle est en quelque sorte l'être nourri lui-même ; car elle est déjà elle-même l'essence ; et les êtres ne s'engendrent jamais eux-mêmes, ils ne font que se conserver. En un mot\ ce principe de l'âme, c'est la force capable de conserver ce qui la possède, tel qu'il est. La nourriture le dispose à agir ainsi; et de là vient que ce qui est privé de nourriture ne peut vivre. § 14 Il y a ici trois choses : l'être nourri, ce par quoi il est nourri, et ce qui le nourrit. Ce qui le nourrit, c'est la première âme ; l'être nourri, c'est le corps qui a cette âme ; et ce par quoi il est nourri, c'est l'aliment. § 15. Mais comme il est convenable de dénommer toutes les choses par la fin à laquelle elles tendent, et qu'ici la fin c'est de produire un être semblable à soi, la première âme serait donc celle qui fait que l'être engendre un être pareil à lui. § 16. Ce par quoi l'être est nourri est double, de même qu'est double aussi ce par quoi l'on gouverne un vaisseau : la main et le gouvernail ; l'une moteur et mue tout ensemble, l'autre moteur seulement. D'autre part, il faut nécessairement que toute nourriture puisse être digérée. Or, c'est la chaleur qui fait la digestion; et voilà pourquoi tout être animé a de la chaleur.

On n'a du reste fait ici qu'une esquisse de ce qu'est la nutrition. Les éclaircissements viendront plus tard dans les traités consacrés spécialement à ce sujet.

§ 1. Les conséquences qu'elles entraînent. C'est ainsi que, plus haut, liv. I, chap. i, § 1, Aristote a établi qu'il faut d'abord étudier l'âme elle-même puis les faits accessoires qui se rapportent à elle.

Et tout le reste. Ces mots sont donnés par quelques manuscrits : Thémistius, Simplicius, Philopon, ne paraissent pas les avoir connus, non plus qu'Alexandre d'Aphrodise. Je crois  qu'on pont les conserver sans inconvénient; car cette expression est conforme au langage habituel d'Aristote.

Les actes et les fonctions. Je n'ai rien trouvé de mieux pour rendre les mots grecs ; mais ils sont à la fois moins précis et plus énergiques que ceux que notre langue m'a fournis.

Sont rationnellement antérieurs aux facultés, tandis que pour nous, au contraire, pour nos sens, quand nous observons, ils sont postérieurs. Aristote s'est également demandé, plus haut, liv. I, chap. 4, § 6, s'il fallait étudier les fonctions avant les facultés, ou réciproquement.

Les opposés. J'ai traduit fidèlement le mot grec, et la suite prouve clairement quel est ici le sens de la pensée; mais cette expression parait d'abord singulière, quoiqu'au fond elle soit très juste.

§ 2. L'âme nutritive se retrouve aussi dans les autres âmes. Voir plus haut, chap. 3, § 6.

Celle par laquelle la vie appartient à tous les êtres animés. Voir ci-dessus, chap. 2, §§ 3 et 4. Le texte dit seulement: « à tous; » j'ai cru devoir ajouter les trois derniers mots pour être parfaitement clair.

Ni produits par génération spontanée. Voir le traité de la Génération des animaux, liv. III, chap. 11, p. 701, a, 18, et b, 26, édit. de Berlin, et Histoire des animaux, liv. V, chap. 1, a, 18, et aussi pour la génération des anguilles, liv. VI, chap. 16,p. 570, a, 16, edit, de Berlin. Cette théorie de la génération spontanée, soutenue jusque dans ces derniers temps, paraît aujourd'hui à peu près bannie de la science. On peut voir, sur ce point curieux, les prolégomènes du Manuel de physiologie de M. Muller, trad, franc, de M. Jourdan, t. 1, p. 9 et suiv. M. Muller laisse la question fort indécise, et la renvoie en grande partie de la physiologie, qui ne peut la résoudre par l'expérience, à la philosophie, qui, par le raisonnement, peut aller plus loin que l'expérience.

C'est de produire un être pareil à eux. Voir la même pensée dans la Politique, liv. I, chap. 1, § 4, p. 6, de mon édition. Voir aussi cette théorie développée tout au long dans le Banquet de Platon, à qui elle appartient primitivement; voir la trad. de M. Cousin, p. 307 et suiv., et les Lois, liv. IV, p. 247.

Afin de participer de l'éternel et du divin. Cuvier a aussi exprimé cette belle pensée, Règne animal, t.1, p. 4 5 et 16, et il a parlé « de formes fixes qui se perpétuent par la génération. »

Tout ce qu'ils font selon la nature. J'ai conservé la formule aristotélique, quoiqu'il fût possible sans doute de rendre l'expression bien plus nette.

La cause finale est double. M. Trendelenbourg trouve avec raison que ces mots et cette idée, qui reparaîtra plus loin, § 5, sont ici mal placés ; mais les commentateurs les ont, ainsi que les manuscrits ; et il faut les conserver tout en reconnaissant qu'ils ne sont pas très utiles.

Il est un du moins en espèce. L'importance qu'Aristote donne ici à la perpétuité des espèces explique comment il a consacré tout on traité, et l'on de ses plus beaux ouvrages, à la génération des animaux.

Quelques manuscrits ajoutent à la fin de ce paragraphe la phrase suivante, dont les commentateurs n'ont pas trace, et qui a été rejetée avec raison de la plupart des éditions : « Et voilà, pourquoi la semence des animaux et des plantes est l'instrument de  l'âme. » Voir plus bas la note au § 6.

§ 3. L'âme est ta cause et le principe. Voir une expression analogue, plus haut, liv. I, chap. 1, § 1.

 Suivant les trois modes déterminés de cause. Aristote ne veut pas dire qu'il n'y a que trois causes; car il a établi, au contraire, dans la Métaphysique, tout comme dans les Derniers Analytiques, qu'il y en a quatre. Voir dans la Métaphysique tout le liv. I, et liv. IV, ch. 3, p. 1013, a, et la Physique, liv. II, chap. 3, p. 104, b, édit. de Berlin; voir aussi les Derniers Analytiques, liv. II, chap. 11, g 1, de ma traduction. Mais l'âme évidemment ne peut être la cause matérielle de l'être ; et voilà comment Aristote parie ici de trois causes et non de quatre.

§ 4. Est la raison de ce qui est en puissance. L'expression du texte est aussi vague que celle que j'emploie ici. Voir plus haut, pour l'entéléchie, chap. 1, § 2 et suiv.; et chap. 2, § 16.

§ 5. L'âme est cause aussi en tant que cause finale. Après avoir montré que l'âme est cause essentielle ou formelle, il prouve qu'elle est cause finale, de même qu'il prouvera au paragraphe suivant qu'elle est cause motrice,

De même aussi agit la nature,  Voir cette pensée développée, Leçons de physique, liv. II, ch. 8, p. 198, b, et suiv.

Ainsi tous les corps formés par la nature sont les instruments de l'âme. Voir plus haut la note au § 2. Cette phrase aura été sans doute déplacée par quelques manuscrits.

Or, la cause finale est double. Voir plus haut la même phrase, § 2.

§ 6. Le principe d'où vient primitivement la locomotion, c'est l'âme. Il a combattu cette théorie es philosophes antérieurs à lui, liv. I, chap. 2, § 1 et suiv. Il est  difficile d'expliquer cette contradiction, qui paraît évidente, à  moins qu'on ne dise que le mouvement vient primitivement de l'objet vers lequel se meut l'ani mal et non de l'âme elle-même. Voir liv. III, chap. 10.

Bien que cette faculté n'appartienne pas à tous les êtres vivants, aux plantes,  par exemple, qu'il a comprises  parmi les êtres vivants ; et à des  animaux qui ne changent pas de place, comme les huîtres, etc.

 La sensation parait bien être une  sorte d'altération, ou de modification. Voir plus loin, chap. 5, § 1, la définition générale de la sen sation.

Nul être ne dépérit ni ne croît... sans se nourrir. On ne sait rien d'assez positif sur l'accroissement des minéraux pour affirmer que la loi posée ici par Aristote, et qui paraît fort vraisemblable, ne soit pas généralement exacte.

§ 7. Empédocle n'a pas eu raison. Aristote a établi plus haut, ch. 2, § 3, que les plantes ont une âme parce qu'elles vivent, et ont en elle une force qui les fait croître haut et bas.

Ce qu'est la tête dans les animaux. Il a dit plus haut, chap. l, § 6, que les racines remplissent dans les plantes les foncions de la bouche dans les animaux. Ainsi les racines seraient le haut pour les plantes, et non  pas le bas, comme Empédocle le croyait. Théophraste a aussi réfuté l'opinion que combat ici Aristote dans son traité des Causes des plantes, liv. I, chap. 13.

En outre, qu'est-ce qui réunit..., si  les plantes n'ont pas de principe unique, de principe qui leur donne  la vie ; si elles n'ont pas d'âme,

§  8. Quelques philosophes. Les  commentateurs ne nous disent  pas quels sont les philosophes auxquels Aristote fait allusion,  Simplicius croit qu'entre autres il s'agit ici d'Empédocle encore,

La cause absolue, et unique par conséquent. Aristote ne nie pas que le feu ne contribue au phénomène de la nutrition ; mais à cette première cause, il veut joindre aussi l'action de plusieurs autres.

Un rapport de grandeur. Le mot du texte est aussi vague que celui de rapport.

Au rapport plutôt qu'à la matière. Aristote reprend ici le même mot dont il vient de se servir quelques lignes plus haut. J'ai dû le répéter aussi, quoique l'opposition entre les idées de rapport et de matière soit peu marquée.

§ 9. A la fois nutritive et génératrice. Voir plus haut, § 2.

Ces contraires qui non seulement s'engendrent mutuellement. Voir dans les Catégories le chapitre relatif aux Opposés, ch. 10, § 6, et le ch. 11 relatif aux Contraires.

Le sain vient du malade. L'idée de santé ne se conçoit que par l'idée contraire, l'idée de maladie.

L'eau est aliment pour le feu. On ne voit pas trop comment le feu s'alimente de l'eau, qui au contraire l'éteint.

Et dans les autres corps. La plupart des éditions et des manuscrits disent : « dans les corps simples. » Jai préféré la leçon que j'ai traduite, d'abord, parce qu'elle est donnée par Philopon et quelques manuscrits, mais surtout parce que la pensée me semble plus vraie et plus conforme au contexte. Il ne peut pas être question ici des corps simples; il s'agit au contraire des corps animés, des corps vivants, où le corps qui est nourri et le corps qui nourrit semblent les deux éléments essentiels.

Les deux parties principales. Ma traduction est ici un peu plus précise que le texte, pour le besoin même de la clarté.

§ 10. Comme nous le disons ici, ou bien : « comme nous l'avons dit, » plus haut, au paragraphe précédent.

Le semblable ne pouvant être affecté par le semblable. Principe bien vague, mais dont le sens sera fixé plus loin par les développements qui suivent.

Est en un sens affectée. Le texte dit mot à mot : « souffre quelque chose. »

 Et le corps ne l'est pas par la nourriture. Il faut sous-entendre la restriction du membre de phrase précédent : « en un sens; » car autrement ceci paraîtrait trop contestable. Le corps est certainement modifié par la nourriture, sans l'être autant que lui-même la modifie. La comparaison qui suit fait mieux comprendre la pensée.

De l'inertie à l'acte. Pour rendre toute la valeur de l'expression grecque, il aurait fallu traduire : « de l'inaction à l'acte. » Mais j'ai préféré le mot d'inertie qui est l'expression en quelque sorte technique.

§ 11. Le dernier état où elle se trouve. Le texte dit plus simplement : « le dernier produit. » Le mot même de produit ne rend pas toute la force du mot grec. Maïs il est impossible de reproduire ici la nuance tout entière.

C'est le semblable qui nourrit le semblable. Voir plus loin, ch. 6, § 1.

§ 12. Mais comme nul être ne se nourrit qui naît aussi la vie. Principe posé plus haut, ch. 2 §§§ 2 et 3.

Nourriture est un terme relatif au corps animé. J'ai dû être ici plus explicite que le texte, pour rendre la pensée tout-à-fait claire. Aristote veut dire que le mot nourriture n'a sa vraie signification que quand on le rapporte à an corps animé qui peut croître et se développer, et non pas quand on l'applique d'une manière indirecte & tout autre chose qu'un corps animé, au feu par exemple, comme il l'a fait plus haut,  § 9.

En un sens indirect. Le texte dit : « par accident. »

§ 11. C'est en tant que la nourriture. J'ai admis ici la variante de Sophonias, citée par M. Tren-delenbourg, et je l'ai même interprétée, puisque Sophonias dit seulement : « la chose ajoutée. » Mais les manuscrits et toutes les éditions ont: «le corps animé. » Avec ce mot, le sens n'en est pas moins juste, quoique le développement de la pensée soit peut-être moins direct. II faudrait alors traduire : « C'est en tant que le corps animé est quantité qu'il s'accroît : mais  c'est en tant qu'il est tel corps  spécial et substance qu'il reçoit de la nourriture. » La grammaire s'arrange peut-être mieux du sens que j'ai suivi dans ma traduction. Si d'ailleurs on admettait le. sens que je donne dans cette note, il faudrait nécessairement changer aussi le début de la phrase, et dire : « c'est, du reste, tout autre chose de recevoir nourriture et de recevoir accroissement. »

L'Être, en effet, conserve son essence. Le texte dit seulement: « il conserve son essence ; » et ceci semblerait prouver que la leçon vulgaire est la bonne. Aristote sous-entendrait « le corps animé » de la phrase précédente.

Tout autant de temps, qu'il se nourrit. Voir plus haut la même pensée, ch. 2, § 3.

 Car elle est déjà elle-même l'essence, quand elle est digérée; cette phrase semblerait donner raison à la variante de Sophonias.

Ce principe de l'âme. La faculté de nutrition.

La force. Le texte dit : « la puissance. »

Tel qu'il est. Mot à mot - « en tant que  tel. » Ce qui peut offrir un sens un peu différent de celui que j'ai adopté.

Le dispose à agir. Il faut entendre ici le mot agir dans le sens où le prend habituellement la doctrine péripatéticienne : « à agir, à être en acte, à avoir son développement parfait et achevé. »

§ 14. Ce par quoi il est nourri et ce qui le nourrit. La distinction peut paraître subtile, mais la suite la justifie.

C'est la première âme. L'âme nutritive sans laquelle les autres âmes, ou, pour mieux dire, les autres parties de l'âme, ne pourraient pas subsister. Voir plus haut, ch. 3, §§ 6 et 7.

§ 15. La première âme. Voir le paragraphe précédent.

 Que l'être engendre. Voir plus haut, § 2, où Aristote a confondu à peu près la nutrition et la génération.

§ 16. Ce par quoi l'être est nourri est double. — Voir la distinction déjà faite plus haut au § 11.

De même qu'est double aussi. La comparaison ne sert pas beaucoup ici à éclaircir la pensée.

L'autre moteur seulement. Ceci est la leçon de l'édition de Berlin et de M. Trendelenbourg, d'après Alexandre d'Aphrodise, cité par Philopon. La leçon vulgaire est : « L'autre est mû seulement. » Cette leçon est tout aussi bonne, si même elle n'est préférable. Elle s'applique aux diverses parties de la comparaison ; seulement les rapports sont un peu changés et dans un sens peut-être plus clair.

C'est la chaleur qui fait la digestion. Il s'ensuivrait que l'âme nourrirait le corps : 1* par la chaleur qui est nécessaire à la digestion, 2° par l'aliment qui est digéré, tout comme le matelot conduit le vaisseau par le gouvernail que sa main met en mouvement. Voir la comparaison déjà faite ci-dessus de l'âme et du passager, ch. 1, § 18.

Il faut remarquer le rôle très important et très net qu'Aristote attribue à la chaleur dans l'organisation animale. Cuvier, Règne animal, t.1, p. 16, n'est pas aussi positif.

 On n'a fait qu'une esquisse. Voir plus haut une expression analogue, ch. 1, § 13, et plus loin ch. 11,  § 12.

Dans les traités consacrés spécialement à ce sujet. Pacius croit qu'il s'agit du traité sur la Génération des animaux. D'après Simplicius et Philopon, il s'agirait aussi du traité de la Génération et de la Corruption. Aristote avait fait un traité spécial sur la Nourriture dont il est parlé dans le traité du Sommeil et de la Veille, comme le remarque M. Trendelenbourg.

CHAPITRE V.

Théorie générale de la sensibilité : c'est une simple puissance qui a besoin du dehors pour entrer en acte et arriver à sa perfection. — Examen de cette opinion  « que le semblable peut être affecté par le semblable. » Cette opinion est vraie, mais avec une distinction entre l'acte et la puissance. Le sens, avant d'être affecté par l'objet sensible, lui est dissemblable ; il lui devient en quelque sorte semblable, après en avoir été affecté.

416b32 1 Διωρισμένων δὲ τούτων λέγωμεν κοινῇ περὶ πάσης αἰσθήσεως.

Ἡ δ' αἴσθησις ἐν τῷ κινεῖσθαί τε καὶ πάσχειν συμβαίνει, καθάπερ εἴρηται· δοκεῖ γὰρ ἀλλοίωσίς τις εἶναι. Φασὶ δέ τινες καὶ τὸ ὅμοιον ὑπὸ τοῦ ὁμοίου πάσχειν. 417a Τοῦτο δὲ πῶς δυνατὸν ἢ ἀδύνατον, εἰρήκαμεν ἐν τοῖς καθόλου λόγοις περὶ τοῦ ποιεῖν καὶ πάσχειν. 2 Ἔχει δ' ἀπορίαν διὰ τί καὶ τῶν αἰσθήσεων αὐτῶν οὐ γίνεται αἴσθησις, καὶ διὰ τί ἄνευ τῶν ἔξω οὐ ποιοῦσιν αἴσθησιν, ἐνόντος πυρὸς καὶ γῆς καὶ τῶν ἄλλων στοιχείων, ὧν ἐστιν ἡ αἴσθησις καθ' αὑτὰ ἢ τὰ συμβεβηκότα τούτοις. Δῆλον οὖν ὅτι τὸ αἰσθητικὸν οὐκ ἔστιν ἐνεργείᾳ, ἀλλὰ δυνάμει μόνον, διὸ οὐκ αἰσθάνεται, καθάπερ τὸ καυστὸν οὐ καίεται αὐτὸ καθ' αὑτὸ ἄνευ τοῦ καυστικοῦ· ἔκαιε γὰρ ἂν ἑαυτό, καὶ οὐθὲν ἐδεῖτο τοῦ ἐντελεχείᾳ πυρὸς ὄντος. Ἐπειδὴ δὲ τὸ αἰσθάνεσθαι λέγομεν διχῶς (τό τε γὰρ δυνάμει ἀκοῦον καὶ ὁρῶν ἀκούειν καὶ ὁρᾶν λέγομεν, κἂν τύχῃ καθεῦδον, καὶ τὸ ἤδη ἐνεργοῦν), διχῶς ἂν λέγοιτο καὶ ἡ αἴσθησις, ἡ μὲν ὡς δυνάμει, ἡ δὲ ὡς ἐνεργείᾳ. Ὁμοίως δὲ καὶ τὸ αἰσθητόν, τό τε δυνάμει ὂν καὶ τὸ ἐνεργείᾳ. 3 Πρῶτον μὲν οὖν ὡς τοῦ αὐτοῦ ὄντος τοῦ πάσχειν καὶ τοῦ κινεῖσθαι καὶ τοῦ ἐνεργεῖν λέγωμεν· καὶ γὰρ ἔστιν ἡ κίνησις ἐνέργειά τις, ἀτελὴς μέντοι, καθάπερ ἐν ἑτέροις εἴρηται. Πάντα δὲ πάσχει καὶ κινεῖται ὑπὸ τοῦ ποιητικοῦ καὶ ἐνεργείᾳ ὄντος. Διὸ ἔστι μὲν ὡς ὑπὸ τοῦ ὁμοίου πάσχει, ἔστι δὲ ὡς ὑπὸ τοῦ ἀνομοίου, καθάπερ εἴπομεν· πάσχει μὲν γὰρ τὸ ἀνόμοιον, πεπονθὸς δ' ὅμοιόν ἐστιν. 4 Διαιρετέον δὲ καὶ περὶ δυνάμεως καὶ ἐντελεχείας· νῦν γὰρ ἁπλῶς ἐλέγομεν περὶ αὐτῶν. Ἔστι μὲν γὰρ οὕτως ἐπιστῆμόν τι ὡς ἂν εἴποιμεν ἄνθρωπον ἐπιστήμονα ὅτι ὁ ἄνθρωπος τῶν ἐπιστημόνων καὶ ἐχόντων ἐπιστήμην· ἔστι δ' ὡς ἤδη λέγομεν ἐπιστήμονα τὸν ἔχοντα τὴν γραμματικήν· ἑκάτερος δὲ τούτων οὐ τὸν αὐτὸν τρόπον δυνατός ἐστιν, ἀλλ' ὁ μὲν ὅτι τὸ γένος τοιοῦτον καὶ ἡ ὕλη, ὁ δ' ὅτι βουληθεὶς δυνατὸς θεωρεῖν, ἂν μή τι κωλύσῃ τῶν ἔξωθεν· ὁ δ' ἤδη θεωρῶν, ἐντελεχείᾳ ὢν καὶ κυρίως ἐπιστάμενος τόδε τὸ Α. Ἀμφότεροι μὲν οὖν οἱ πρῶτοι, κατὰ δύναμιν ἐπιστήμονες 417a30α <ὄντες, ἐνεργείᾳ γίνονται ἐπιστήμονες,> 417a31 ἀλλ' ὁ μὲν διὰ μαθήσεως ἀλλοιωθεὶς καὶ πολλάκις ἐξ ἐναντίας μεταβαλὼν ἕξεως, ὁ δ' ἐκ τοῦ ἔχειν τὴν ἀριθμητικὴν 417b ἢ τὴν γραμματικήν, μὴ ἐνεργεῖν δέ, εἰς τὸ ἐνεργεῖν, ἄλλον τρόπον.

5  Οὐκ ἔστι δ' ἁπλοῦν οὐδὲ τὸ πάσχειν, ἀλλὰ τὸ μὲν φθορά τις ὑπὸ τοῦ ἐναντίου, τὸ δὲ σωτηρία μᾶλλον ὑπὸ τοῦ ἐντελεχείᾳ ὄντος τοῦ δυνάμει ὄντος καὶ ὁμοίου οὕτως ὡς δύναμις ἔχει πρὸς ἐντελέχειαν· θεωροῦν γὰρ γίνεται τὸ ἔχον τὴν ἐπιστήμην, ὅπερ ἢ οὐκ ἔστιν ἀλλοιοῦσθαι (εἰς αὑτὸ γὰρ ἡ ἐπίδοσις καὶ εἰς ἐντελέχειαν) ἢ ἕτερον γένος ἀλλοιώσεως. Διὸ οὐ καλῶς ἔχει λέγειν τὸ φρονοῦν, ὅταν φρονῇ, ἀλλοιοῦσθαι, ὥσπερ οὐδὲ τὸν οἰκοδόμον ὅταν οἰκοδομῇ. Τὸ μὲν οὖν εἰς ἐντελέχειαν ἄγειν ἐκ δυνάμει ὄντος [κατὰ] τὸ νοοῦν καὶ φρονοῦν οὐ διδασκαλίαν ἀλλ' ἑτέραν ἐπωνυμίαν ἔχειν δίκαιον· τὸ δ' ἐκ δυνάμει ὄντος μανθάνον καὶ λαμβάνον ἐπιστήμην ὑπὸ τοῦ ἐντελεχείᾳ ὄντος καὶ διδασκαλικοῦ ἤτοι οὐδὲ πάσχειν φατέον, [ὥσπερ εἴρηται,] ἢ δύο τρόπους εἶναι ἀλλοιώσεως, τήν τε ἐπὶ τὰς στερητικὰς διαθέσεις μεταβολὴν καὶ τὴν ἐπὶ τὰς ἕξεις καὶ τὴν φύσιν. 6 Οῦ δ' αἰσθητικοῦ ἡ μὲν πρώτη μεταβολὴ γίνεται ὑπὸ τοῦ γεννῶντος, ὅταν δὲ γεννηθῇ, ἔχει ἤδη, ὥσπερ ἐπιστήμην, καὶ τὸ αἰσθάνεσθαι. Τὸ κατ' ἐνέργειαν δὲ ὁμοίως λέγεται τῷ θεωρεῖν· διαφέρει δέ, ὅτι τοῦ μὲν τὰ ποιητικὰ τῆς ἐνεργείας ἔξωθεν, τὸ ὁρατὸν καὶ τὸ ἀκουστόν, ὁμοίως δὲ καὶ τὰ λοιπὰ τῶν αἰσθητῶν. Αἴτιον δ' ὅτι τῶν καθ' ἕκαστον ἡ κατ' ἐνέργειαν αἴσθησις, ἡ δ' ἐπιστήμη τῶν καθόλου· ταῦτα δ' ἐν αὐτῇ πώς ἐστι τῇ ψυχῇ. Διὸ νοῆσαι μὲν ἐπ' αὐτῷ, ὁπόταν βούληται, αἰσθάνεσθαι δ' οὐκ ἐπ' αὐτῷ· ἀναγκαῖον γὰρ ὑπάρχειν τὸ αἰσθητόν. Ὁμοίως δὲ τοῦτο ἔχει κἀν ταῖς ἐπιστήμαις ταῖς τῶν αἰσθητῶν, καὶ διὰ τὴν αὐτὴν αἰτίαν, ὅτι τὰ αἰσθητὰ τῶν καθ' ἕκαστα καὶ τῶν ἔξωθεν 7 ἀλλὰ περὶ μὲν τούτων διασαφῆσαι καιρὸς γένοιτ' ἂν καὶ εἰςαῦθις· νῦν δὲ διωρίσθω τοσοῦτον, ὅτι οὐχ ἁπλοῦ ὄντος τοῦ δυνάμει λεγομένου, ἀλλὰ τοῦ μὲν ὥσπερ ἂν εἴποιμεν τὸν παῖδα δύνασθαι στρατηγεῖν, τοῦ δὲ ὡς τὸν ἐν ἡλικίᾳ ὄντα, οὕτως ἔχει [418a] τὸ αἰσθητικόν. Ἐπεὶ δ' ἀνώνυμος αὐτῶν ἡ διαφορά, διώρισται δὲ περὶ αὐτῶν ὅτι ἕτερα καὶ πῶς ἕτερα, χρῆσθαι ἀναγκαῖον τῷ πάσχειν καὶ ἀλλοιοῦσθαι ὡς κυρίοις ὀνόμασιν. Τὸ δ' αἰσθητικὸν δυνάμει ἐστὶν οἷον τὸ αἰσθητὸν ἤδη ἐντελεχείᾳ, καθάπερ εἴρηται. Πάσχει μὲν οὖν οὐχ ὅμοιον ὄν, πεπονθὸς δ' ὡμοίωται καὶ ἔστιν οἷον ἐκεῖνο.

§ 1. 416b32 Ces points une fois fixés, parlons de la sensation en général et dans toute son étendue.

La sensation, ainsi qu'on la dit, consiste à être mû et à éprouver quelque chose; et elle paraît être une sorte d'altération que l'être supporte. 417a Quelquefois on a prétendu qu'il n'y a que le semblable qui puisse être affecté par le semblable : nous avons dit, dans nos études générales sur l'Action et la Passion, jusqu'à quel point cela est possible ou ne l'est pas. § 2. Mais on demande pourquoi il n'y a pas sensation des sensations elles-mêmes, et pourquoi la sensation ne peut avoir lieu qu'avec les objets extérieurs, bien que le feu, la terre et les autres éléments soient dans l'être sensible, et qu'il y ait pourtant sensation, soit de ces éléments mêmes, soit de leurs accidents. C'est qu'évidemment la sensibilité n'est pas en acte, elle est seulement en puissance. Il en est de même du combustible, qui ne brûle pas tout seul et sans la chose qui le doit faire brûler; car alors il se brûlerait lui-même, et n'aurait aucun besoin du feu réel et effectif, du feu en entéléchie. Mais comme sentir a pour nous une double acception, et que de l'être qui entend et qui voit en puissance, nous disons qu'il voit et qu'il entend, quoiqu'il soit endormi, tout aussi bien que nous le disons de l'être qui agit réellement, il faut distinguer dans la sensation ce double sens, et reconnaître, d'une part, la sensation en acte, et de l'autre, la sensation en puissance ; il en est de même pour sentir, sentir en puissance et sentir en acte. § 3. Disons donc, d'abord, que pour nous c'est une même chose que souffrir, et être mû et être en acte. C'est qu'en effet le mouvement est une sorte d'acte, mais d'acte incomplet. Toutefois, comme on l'a dit ailleurs, toutes choses souffrent et sont mues par un être qui peut faire et qui est en acte ; et voilà aussi pourquoi, dans un sens, c'est le semblable qui est affecté par le semblable; et, dans un autre sens, c'est le dissemblable. Ainsi que nous l'avons dit, ce qui souffre, c'est le dissemblable; mais ce qui a souffert est semblable. § 4. Il faut, en outre, distinguer, même pour la puissance, comme pour la réalité parfaite ou entéléchie ; car ici, nous parlons de toutes deux d'une manière absolue. Ainsi nous disons qu'un être quelconque est savant, comme, par exemple, nous dirions que l'homme est savant, parce que l'homme fait partie des êtres qui sont savants et qui ont la science. Mais aussi nous disons également d'un homme qu'il est savant, quand il possède la grammaire. Pourtant ces deux hommes ne peuvent pas de la même façon : l'un peut savoir parce qu'il a tel genre et telle matière ; l'autre peut employer son savoir, dès qu'il le voudra, en supposant toujours que rien du dehors ne vienne faire obstacle. Mais c'est celui qui applique actuellement sa science, qui est savant en toute réalité, en entéléchie; c'est celui qui sait, à proprement parler, telle chose spéciale, A par exemple. Ces deux premiers hommes sont donc l'un et l'autre savants en puissance ; mais l'un est savant parce qu'il a été modifié par l'étude, qui l'a fait passer souvent d'un état tout contraire à l'état où il est ; l'autre est savant d'une autre façon, parce que, possédant la sensation 417b ou la grammaire sans en faire usage, il passe à l'acte quand il le veut.

§ 5. Mais souffrir n'est pas davantage un terme simple ; il signifie tantôt une sorte de destruction faite par le contraire, tantôt il signifie plutôt la conservation de ce qui est en puissance, accomplie par ce qui est en parfaite réalité, en entéléchie; la conservation de ce qui est semblable, dans le rapport de la puissance à la réalité. Ainsi, l'être qui possède la science devient percevant tel objet de sa science ; et cela, certes, n'est pas une altération, car c'est un simple développement de l'être en lui-même vers sa parfaite réalité, son entéléchie; ou, du moins, c'est un tout autre genre d'altération. Ainsi donc, on aurait tort de dire que l'être qui pense, quand il pense, est altéré; tout aussi bien qu'on aurait tort de dire que le constructeur est altéré, quand il construit. Donc, ce qui fait passer l'être qui est en puissance à la réalité parfaite, à l'entéléchie, en fait d'intelligence et de pensée, doit s'appeler, non pas du nom d'apprentissage, mais d'un tout autre nom. Même de l'être qui de la simple puissance passe à la science, et la reçoit de celui qui la possède en toute réalité, en entéléchie, et qui peut la transmettre, on ne doit pas dire qu'il souffre, ainsi qu'on l'a fait voir; ou bien alors, il faut admettre deux sortes d'altération, l'une qui est un changement en des dispositions privatives, et l'autre un changement qui mène à telles habitudes et à telle nature. § 6. Le premier changement de ce genre, dans l'être sensible, vient de l'être même qui l'engendre; et quand il est engendré, il a déjà comme la science et la sensibilité. Être en acte a les mêmes nuances qu'avait plus haut le mot de percevoir; mais ici il y a cette différence que quand l'acte existe, ce qui le produit vient du dehors : c'est l'objet vu, l'objet entendu, ou tel autre objet sensible. La cause en est que la sensation en acte ne s'applique qu'aux choses particulières, tandis que la science s'applique aux choses universelles. Mais les universaux sont en quelque sorte dans lame elle-même. De là vient qu'on peut penser spontanément, quand on le veut; mais on ne peut pas sentir spontanément, car il faut de toute nécessité qu'il y ait une chose à sentir. Il en est tout-à-fait ainsi, même dans la science que nous acquérons des choses sensibles, et par un motif tout pareil, puisque les choses sensibles sont à la fois particulières et du dehors. Mais nous retrouverons encore l'occasion d'éclaircir ceci davantage. § 7. Pour le moment, bornons-nous dire que cette expression, être en puissance, n'est pas une expression simple, et qu'il faut l'entendre tantôt en ce sens, par exemple, où nous disons qu'un enfant pourrait être général d'armée ; tantôt en ce sens où nous le disons de celui qui est réellement en âge d'être général. Le mot de sensibilité [418a] a tout-à-fait les mêmes nuances. Mais comme cette différence n'a pas reçu de nom spécial, bien que nous ayons dit pourtant que ces acceptions sont distinctes et comment elles le sont, nous avons dû nécessairement nous servir des mots souffrir et être altéré, comme d'expressions reçues. Mais l'être qui sent est en puissance à peu près comme est en réalité, en entéléchie, l'être senti, ainsi qu'on l'a dit. Il n'est donc pas semblable, quand il souffre; mais quand il a souffert, il est rendu semblable; et il est comme l'objet même qui l'affecte.

(suite) (chapitres VI à XI)

 

§ 1. Parlons de la sensation. Voir la discussion d'Alexandre d'Aphrodise sur ce passage dans ses Questions, liv. III, chap. 3.

Ainsi qu'on l'a dit. Plus haut, chap. 4, § 6 ; ou bien peut-être doit-on entendre ceci d'une manière plus générale, et sans le rapporter à aucun autre ouvrage d'Aristote.

Une sorte d'altération. Ce sont les termes mêmes dont il s'est servi plus haut, ch. 4, § 6.

Le semblable qui puisse être affecté par le semblable. Voir plus haut, chap. 4, § 6.

Dans nos études générales sur l'Action et la Passion. Suivant Simplicius et Philopon, c'est le traité de la Génération et de la Corruption, où cette question a été discutée d'une manière générale. Ces études générales sur l'Action et la Passion (l'agir et le pâtir) sont aussi mentionnées sous ce titre dans le traité de la Génération des animaux, liv. IV, chap. 3, p. 768, b, 24, édition de Berlin, comme le fait observer M. Trendelenbourg. D'après Philopon, Alexandre ajoutait à cette phrase la suivante : « Et il faut en parler encore ici. » Thémistius et Sophonias paraissent avoir connu aussi cette addition. Voir l'édition de M. Trendelenbourg, p. 363.

§ 2. Il n'y a pas sensation des sensations elles-mêmes. Voir sur ce point la discussion spéciale du liv. III, chap. 2, § 1. Peut-être, pour être plus clair, faudrait-il traduire : « Il n'y a pas sensation des sens eux-mêmes : » mais le mot dont Aristote se sert est le même; et, au risque d'être obscur, j'ai du l'imiter. Du reste, comme le mot qui signifie « sensation » en grec signifie aussi « sens,» il est possible qu'il y ait ici une sorte d'équivoque. Ce qui suit ne peut laisser de doute sur la pensée générale.

Soient dans l'être sensible. J'ai ajouté ces trois derniers mots pour rendre toute la valeur de l'expression du texte, qui d'ailleurs est plus concise.

Qu'il y ait pourtant sensation, soit de ces éléments, au dehors.

Soit de leurs accidents, c'est-à-dire de leurs effets. k

N'est pas en acte, n'est pas réellement et perpétuellement active : elle ne l'est que sous l'excitation de l'objet extérieur et sensible.

Elle est seulement en puissance, comme toutes les facultés qui ne sont en elles-mêmes que de simples puissances de faire, et qui ne se réalisent qu'en agissant. Ce passage est, comme on peut le voir sans peine, un des plus importants de cette théorie. Est elle parfaitement conforme aux faits?

Du feu réel et effectif, du feu en entéléchie. J'ai paraphrasé ici comme j'ai dû le faire plus haut, liv. I, chap. 1, § 3, et liv. 2, ch. 1, § 2.

Et qui voit en puissance, qui est capable de voir et d'entendre. J'ai préféré conserver dans la traduction la formule péripatéticienne.

Quoiqu'il soit endormi. Voir plus haut, chap. 1, § 5, une pensée analogue. L'entéléchie, la réalisation complète de la faculté, quand elle devient active, exige la veille.

Sentir en puissance et sentir en acte. Nulle part, dans Aristote, cette distinction de la puissance et de l'acte n'est plus nette qu'ici.

§ 3. Que souffrir et être mû et être en acte. D'après la définition donnée plus haut de la sensibilité, ce rapprochement, qui a d'abord quelque chose de choquant, est parfaitement juste. La sensibilité, tant qu'elle n'est pas mue par un objet extérieur, tant qu'elle n'est pas modifiée, altérée par lui, tant qu'elle ne souffre et n'éprouve rien, n'est qu'en puissance. Elle entre en acte, elle est en acte, du moment seulement où elle souffre et est modifiée par le dehors.

Mais d'acte incomplet, parce que le mouvement a toujours un but; et, dès que le but est atteint, le mouvement n'est plus.

Comme on l'a dit ailleurs. Voir les Leçons de physique, liv. III, ch. I, p. 501, b, 32, édit. de Berlin.

Qui peut faire. J'ai préféré cette expression, qui est peu élégante, à une longue périphrase.

Dans un sens, c'est le semblable. C'est un être en acte, un être réel qui agit sur la sensibilité devenue réelle, entrant en acte comme lui et par lui.

Ainsi que nous l'avons dit, dans le chapitre précédent, § 11.

Ce qui souffre, c'est le dissemblable, la sensibilité qui n'est d'abord qu'en puissance.

Ce qui a souffert est semblable. La sensibilité, affectée par l'être actuel, réel, devient actuelle et réelle tout autant que lui; et, en ce sens, elle lui est semblable. Voir la même idée répétée plus bas, à la fin de ce chapitre.

§ 4. Comme pour la réalité parfaite. J'ai rendu ici ma traduction plus précise que le texte, parce que je crois que ceci se rapporte aux distinctions faites plus haut entre les deux sens d'entéléchie, chap. 1, § 2 et § 6.

D'une manière absolue, ou générale, c'est-à-dire sans distinguer les sens divers, ou les limitations diverses que ce mot peut recevoir.

L'homme fait partie des êtres qui sont savants, ou, pour mieux dire : qui peuvent le devenir; c'est ce que signifie probablement ce qu'Aristote ajoute : « Et qui ont la science. »

Ne peuvent pas de la même façon. J'ai cru pouvoir employer cette expression, qui, d'après ce qui précède et ce qui suit, n'a rien d'obscur, quelque concise qu'elle soit.

Et telle matière, telle substance matérielle, organisée de façon qu'il est homme.

Employer son savoir. Textuellement : « Contempler, » mot dont Aristote s'est aussi servi plus haut dans le même sens, chap. 1, § 2, et dont il se sert encore dans ce paragraphe même : « Celui qui applique actuellement sa science. » Pour rendre ma traduction parfaitement claire, j'ai dû varier mes expressions, bien qu'Aristote se serve toujours du même mot.

Ces deux premiers hommes. Celui qui peut apprendre et devenir savant, par cela seul qu'il est d'une espèce d'êtres à qui la science est possible ; et celui qui, possédant la science, ne s'en sert pas, mais pourrait s'en servir.

La sensation. Thémistius, si l'on en croit sa paraphrase, semblerait avoir lu « l'arithmétique, » au lieu de « la sensation : » mais je n'ai pu admettre cette variante, que rien n'autorise, toute préférable qu'elle serait. L'idée de « sensation » est obscure ici, parce que rien ne l'amène et qu'elle est encore fort éloignée de celle de science. Elles sont de nouveau toutes deux réunies au § 6.

Sans en faire usage. Le texte dit : « sans agir. »

§ 5. Mais souffrir, ou éprouver quelque chose. Voir plus haut, § 1 et § 3. Souffrir, ne doit emporter ici qu'une simple idée de passiveté, sans aucune idée de douleur.

Et est semblable dans le rapport, etc. L'expression de « semblable » n'est peut-être pas ici tout-à-fait exacte; mais c'est celle même dont se sert Aristote, et la restriction qu'il y joint sert à l'expliquer.

Devient percevant tel objet de sa science. Le texte dit simplement comme au paragraphe précédent : « Contemplant. » J'ai cru devoir prendre une périphrase, afin d'être plus clair.

Vers sa parfaite réalité, son entéléchie, qui est d'être savant en acte.

Ainsi donc, on aurait tort de dire. Voir le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise sur ce point, Questions, liv. III, chap. 2.

Qui est en puissance, qui possède déjà la science, et peut s'en servir quand il le veut.

Du nom d'apprentissage. L'apprentissage sera seulement pour celui qui d'ignorant devient, ou tâche de devenir, savant.

De la simple puissance passe è ta science. L'être ignorant qui passa de son ignorance à la science.

Qu'il souffre. Le terme est impropre en français tout aussi bien qu'en grec

Ainsi qu'on l'a fait voir, par tout ce qui précède; mais le texte signifie aussi et plus directement : « Ainsi qu'on l'a dit » Peut-être ce sens est-il plus naturel ; et ceci alors se rapporterait à Platon, comme l'a cru Simplicius. ou à tout autre philosophe qui aurait appelé l'acquisition de la science une altération.

Qui mène à telles habitudes, en prenant le mot « habitudes » dans son sens étymologique.

§ 6. Il a déjà comme la science et la sensibilité. Il les a, en effet, déjà en puissance, puisqu'il est homme : il les mettra plus tard en acte.

Qu'avait plus haut le mot de percevoir. Le texte dit simplement : « Est dit semblablement à percevoir. » Voir ci-dessus, § 5 et chap. 1, §§ 2 et 5.

 Mais ici, c'est-à-dire, quand il est question de la sensibilité active, réelle.

La sensation en acte ne s'applique qu'aux choses particulières. Voir les Derniers Analytiques, liv. I, chap. 31.

Les universaux. Ce terme tout scolastique rend très exactement l'expression d'Aristote.

Sont en quelque sorte dans l'âme elle-même. Voir sur cette question si importante la théorie de l'acquisition des principes, Derniers Analytiques, liv. II, chap. 19. Le principe que pose ici Aristote se rapproche de celui du conceptualisme.

On peut penser spontanément. Voir plus loin, liv. III. chap. 3, § 4, une pensée tout-à-fait analogue.

Dans la science que nous acquérons des choses sensibles. Le texte dit au pluriel : « Dans les sciences. » J'ai préféré le singulier comme plus clair; mais il serait possible aussi de traduire : « Dans les notions. »

L'occasion d'éclaircir ceci davantage. Simplicius et Philopon pensent qu'Aristote veut désigner ici le troisième livre de ce Traité de l'Ame. Il est possible qu'il s'agisse aussi de quelque autre ouvrage, et, par exemple, des Derniers Analytiques et de la Métaphysique.

§ 7. Être en puissance. Il faut rapprocher ce passage de tous les passages analogues de la Métaphysique, et surtout du liv. V, ch. 12, et liv. IX tout entier. Celui-ci a l'avantage d'être parfaitement clair.

Un enfant pourrait être général d'armée. C'est le premier sens qu'il a donné à . l'idée de puissance. Voir plus haut, § 4.

Le mot de sensibilité a tout-à-fait les mêmes nuances, en français aussi ; mais notre langue philosophique a peut-être en ceci, quand elle est employée par des esprits vigoureux et clairs, quelque supériorité : elle ne confondra point sensation, sensibilité, perception, comme est forcée de le faire souvent la langue grecque. C'est le progrès même de l'analyse des idées qui a amené ce progrès dans le langage de la philosophie.

Nous avons dit. Aristote parait sentir et regretter les lacunes de la langue dont il se sert.

Mais l'être qui sent. Résumé de la doctrine qui précède, et répétition de quelques idées déjà exprimées plus haut, § 1 et surtout  § 3.

Ainsi qu'on l'a dit. Plus haut, § 3.

Et il est comme l'objet même qui l'affecte. Il faut remarquer toutes les restrictions qu'Aristote met à cette théorie, qui, sans elles, pourrait paraître purement matérialiste.