notice - Dissertation sur les jeux Olympiques Olympiques Pythiques Néméennes Isthmiques
PINDARE
DES JEUX ISTHMIQUES
Les
jeux Isthmiques, ainsi nommés de l'isthme de Corinthe qui joint le Péloponnèse
au reste de la Grèce, se célébraient dans cet isthme, près d'un temple de
Neptune et d'un bois de pins consacré à ce dieu. Ils furent institués en
l'honneur de Palémon ou Mélicerte, fils d'Athamas, roi de Thèbes, et d'Ino,
qui, pour échapper à la fureur de son mari, se précipita avec Mélicerte dans
la mer, où Neptune les reçut au nombre des divinités. Le corps de Palémon,
porté par un dauphin jusque sur le rivage de Corinthe, fut recueilli par
Sisyphe roi de cette ville, qui lui rendit les devoirs funèbres et consacra des
jeux à sa mémoire, environ 1350 ans avant Jésus-Christ.
Une autre tradition nous apprend que Thésée fut le fondateur de ces jeux qu'il
consacra à Neptune. L'opinion la plus probable est que leur origine remonte à
l'époque de Mélicerte, mais qu'ils reçurent en effet de Thésée une
organisation nouvelle.
De tous les peuples de la Grèce, les Eléens seuls étaient exclus de cette
solennité. Une formule d'imprécation des plus terribles leur en interdisait
l'approche. Ces jeux se célébraient tous les trois ans ou, selon d'autres, de
cinq en cinq ans. Interrompus quelque temps par l'oppression violente que Cypsélus,
roi de Corinthe, fit peser sur ses sujets, ils furent repris dans la suite, avec
plus de splendeur et de magnificence. Les désastres de Corinthe ne les
interrompirent nullement ; en attendant que cette ville sortît de ses ruines,
les habitants de Sicyone se chargèrent de leur célébration.
Des couronnes de pin et ensuite d'ache ou de persil flétri étaient le prix des
vainqueurs. On supprima par la suite le persil, et le pin reprit ses droits.
Les Romains, après leurs victoires, sous le consul Mummius, 144 ans avant Jésus-Christ,
élevèrent la magnificence de ces jeux au plus haut degré de splendeur.
À
HÉRODOTE (1),
THÉBAIN
Thèbes
au bouclier d'or, ô ma mère ! je quitte tout lorsqu'il s'agit de toi (2).
Pardonne, pierreuse Délos, si je suspends les chants que je t'ai destinés ;
les gens de bien ont-ils rien de plus cher, rien de plus vénérable que leurs
parents ? Modère donc ton impatience, île chérie d'Apollon ; bientôt avec
l'aide des dieux j'aurai accompli ma double promesse ; bientôt à la tête d'un
chœur que formeront les habitants de la maritime Céos, je chanterai Phébus à
la longue chevelure et l'isthme de Corinthe qui, semblable à une digue, s'élève
fièrement au milieu des deux mers. Déjà l'isthme, dans ses jeux solennels, a
ceint de six couronnes le front des enfants de Cadmus : leurs victoires ont étendu
au loin la gloire de ma patrie, de cette illustre Thèbes, où Alcmène mit au
monde ce fils intrépide, qui fit trembler jadis le chien terrible de Géryon (3).
Maintenant je vais célébrer la gloire d'Hérodote qui, sans le secours d'une
main étrangère, a conduit à la victoire son char attelé de quatre coursiers
agiles ; et pour que mes louanges lui soient plus honorables, je veux le chanter
à l'égal de Castor et d'IoIas. Héros fameux, tous deux habiles à diriger un
char rapide, ils firent également la gloire de Lacédémone et de Thèbes,
leurs patries. Mille fois on les vit triompher aux jeux solennels de la Grèce
et orner leurs demeures de trépieds, de vases et de coupes d'or, fruits délicieux
de leurs victoires. Ce fut dans ces luttes glorieuses qu'ils firent admirer leur
adresse et leur courage, tantôt nus au milieu de rudes combats, tantôt à la
course, revêtus d'une pesante armure ou couverts d'un bouclier retentissant.
Avec quelle impétuosité leurs bras nerveux lançaient-ils le javelot rapide ou
le disque de pierre ! Alors les cinq jeux n'étaient point réunis sous le nom
de pentathle, un prix particulier récompensait chaque genre de combat. Que de
couronnes de feuillage ombragèrent leurs fronts près de la fontaine de Dircé
et sur les bords de l'Eurotas (4),
lieux à jamais célèbres, qui virent naître le fils d'Iphiclès (5),
issu du même sang que les enfants de Sparte, et le fils de Tyndare (6),
descendant de ces Achéens qui peuplèrent le sol escarpé de Théraphé.
Héros immortels ! agréez mon hommage. En consacrant cet hymne à Neptune
Isthmien et aux rives d'Oucheste (7)
qui lui est chère, j'unirai les louanges d'Hérodote à celles d'Asopodore, son
illustre père. Je veux aussi célébrer Orchomène (8),
berceau de ses aïeux, qui l'accueillit si bien lui-même lorsque, après un
naufrage sur une mer orageuse, il fut réduit à la plus horrible détresse.
Maintenant son heureux destin lui a rendu sa première prospérité.
Le mortel qui s'est instruit par les leçons de l'adversité a acquis pour
l'avenir une sage prévoyance. Quand la vertu doit sa gloire à d'honorables dépenses
ou à de nobles efforts, il est juste de ne lui point envier ses succès et de
lui accorder les louanges qu'elle a méritées. D'autant plus qu'il est si
facile au sage de récompenser les pénibles travaux des athlètes par un éloge
dont la patrie partage également l'honneur. Il est pour les mortels différentes
récompenses de leurs fatigues : le berger, le laboureur, le chasseur, le
nautonier n'ambitionnent pas la même ; tous cependant font les mêmes efforts
pour repousser la misère et la faim. Mais celui qui est sorti victorieux de la
lice ou des combats meurtriers reçoit sa plus douce récompense s'il entend ses
concitoyens et les étrangers répéter son nom et ses exploits.
En célébrant la victoire que vient d'obtenir à la course des chars un ami, un
concitoyen, il faut aussi rendre de solennelles actions de grâces au fils de
Saturne, au puissant Neptune qui ébranle la terre et qui préside à ces nobles
exercices. Je n'oublierai pas non plus tes fils, ô Amphitryon ! le golfe de
Minya (9),
le bois d'Eleusis (10)
consacré à Cérès et l'Eubée (11),
lieux témoins des victoires d'Hérodote à la course. Enfin je rappellerai, ô
Protésilas (12)
! le monument que, près de Pylacè, érigèrent en ton honneur les belliqueux
Achéens. Mais c'est en vain que je voudrais embrasser dans les bornes étroites
d'un hymne toutes les victoires que Mercure, arbitre de nos jeux, a accordées
aux coursiers et au char d'Hérodote : ce qu'on est obligé de taire n'en est
pas moins honorable.
Puisse-t-il, élevé au plus haut point de gloire sur les ailes brillantes des
Muses à la voix éclatante, déposer un jour dans Thèbes aux sept portes ces
palmes qu'il aura cueillies aux champs de Pytho ou à Olympie, sur les bords
riants de l'Alphée ! Mais si l'homme jaloux d'enfouir dans sa maison d'obscurs
trésors, par un rire moqueur insulte à mes chants, qu'il sache que son âme
descendra sans gloire dans la nuit de l'Érèbe (13).
À
XÉNOCRATE (14)
D'AGRIGENTE
Quand
les poètes des jours anciens, ô Thrasybule ! assis sur le char des Muses à la
chevelure d'or, faisaient résonner sous leurs doigts la lyre harmonieuse, leurs
hymnes aussi doux que le miel chantaient de jeunes favoris, dont les charmes,
tels qu'un fruit mûri par l'automne, appelaient les voluptés de l'aimable Vénus.
La Muse n'était pas avide alors ; ses chants n'étaient point mercenaires, et
Terpsichore n'avait pas encore vendu au poids de l'or la mélodie de ses
accents.
Maintenant plus indulgente, elle nous permet d'adopter la maxime franche et véridique
de cet Argien (15)
qui, n'ayant plus ni amis ni richesses, s'écriait : "L'argent,
l'argent ! voilà tout l'homme."
Tu es sage, ô Thrasybule ! et tu comprends comment ces paroles peuvent se
rattacher aux chants par lesquels je célèbre la victoire isthmique que Neptune
vient d'accorder aux coursiers de Xénocrate. C'est à l'Isthme que ce dieu
s'est plu à orner sa tête d'une couronne de sélinum dorien pour honorer en
lui le vaillant écuyer et le flambeau d'Agrigente. À Crisa, le puissant
Apollon jeta sur lui un regard favorable et le combla de gloire. À Athènes,
accueilli avec honneur par les enfants d'Erechtée (16),
il n'eut qu'à se louer de la rapidité avec laquelle Nicomaque (17)
fit voler ses coursiers et dirigea son char dans la carrière.
Dés son entrée dans la lice olympique, les prêtres de Jupiter Éléen, chargés
de proclamer l'ouverture des jeux solennels, reconnurent en lui ce citoyen généreux
qui leur avait donné l'hospitalité ; ils le saluèrent avec affection,
lorsqu'au sein de leur terre natale, ils le virent se prosterner devant la
statue d'or de la Victoire, dans l'auguste enceinte de Jupiter Olympien, où les
fils d'Enésidame (18)
furent environnés d'honneurs immortels. Ces demeures sacrées, ô Thrasybule !
ne vous sont point inconnues à tous deux ; elles retentissent sans cesse du
chant des hymnes et des plus mélodieux concerts.
Il n'est ni écueil, ni sentier difficile au poète qui porte à des familles
illustres le juste tribut des sœurs de l'Hélicon. Puissé-je, semblable à
l'athlète qui lance au loin son disque, élever mes chants à la hauteur où Xénocrate
lui-même s'est élevé, en surpassant ses concitoyens par l'affabilité de ses
mœurs ! Objet des respects de tout le monde, il sait cependant se confondre
dans la foule ; fidèle à l'usage des enfants de la Grèce, il a rassemblé
de toutes parts de vigoureux coursiers, et prend soin de les nourrir. Avec
quelle magnificence ne se plaît-il pas à orner les festins célébrés en
l'honneur des dieux ! Jamais le souffle de l'adversité ne l'a contraint à
couvrir sa table hospitalière du voile de la parcimonie ; et il sait si bien réunir
dans sa maison toutes les jouissances de la vie, qu'on y goûte, l'été, la fraîcheur
des rives du Phase (19),
et l'hiver, la douce température des bords du Nil (20).
Que la crainte d'exposer ton père à l'envie qui assiège le cœur de l'homme
ne te porte pas, ô Thrasybule ! à laisser dans l'oubli ses vertus. Hâte-toi
de publier mes hymnes ; ma Muse ne les a point inspirés pour qu'ils demeurent
immobiles. Et toi, Nicasippe (21),
quand tu seras auprès de mon hôte, répète-lui ce chant consacré d la gloire
de sa famille.
À
MÉLISSUS (22),
THÉBAIN,
Vainqueur de la course des chevaux
Si
jamais un mortel fut digne d'entendre célébrer son nom par ses concitoyens, ce
fut celui qui, comblé par le sort des dons de la fortune et de la victoire, sut
préserver son cœur de l'orgueil, fils insolent de la Satiété. O Jupiter !
c'est de toi que les hommes reçoivent les grandes vertus ; mais la prospérité,
dont les fondements s'appuient sur une sage prévoyance, ne peut que s'accroître
et durer, tandis que celle qui découle de la perversité du cœur n'a que l'éclat
d'une fleur passagère.
Quant à l'athlète courageux, nos hymnes sont la plus digne récompense de ses
belles actions, et le poète, secondé par les Grâces, se plaît à
l'immortaliser dans ses chants. Ainsi deux victoires que la fortune a accordées
à Mélissus ont mis le comble à sa joie ; vainqueur à la course des chevaux,
il vient d'être couronné dans les vallées de l'Isthme, et naguère il a
entendu proclamer le nom de Thèbes, sa patrie, non loin de la sombre forêt
qu'habita jadis le lion si redouté.
Non, Mélissus n'a point dégénéré de la vertu de ses ancêtres. Vous savez
tous, Thébains, quelle gloire acquit jadis son aïeul Cléonyme à la course
des chars ; à quel degré d'honneur et de prospérité parvinrent par leurs
travaux et leurs victoires les Labdacides (23),
ses aïeux maternels ! Mais le Temps qui, dans sa course, entraîne les jours,
amène d'étranges changements : il élève l'un, abaisse l'autre ; les seuls
enfants des dieux sont à l'abri de ses coups.
AU
MÊME MÉLISSUS
De
quelque côté que ma Muse tourne ses regards, ô Mélissus ! partout se présente
à elle l'immense carrière de gloire qu'il a plu aux dieux d'ouvrir à tes pas.
Si d'abord je commence par chanter ta victoire récente aux jeux de l'Isthme,
soudain mon génie s'enflamme au souvenir des vertus dont la bonté divine a orné
les Cléonymides (24),
tes aïeux, jusqu'au dernier terme de leur vie. Ils ne furent cependant pas
exempts de revers, car le souffle de l'inconstante Fortune tantôt conduit les
mortels au bonheur, tantôt les précipite dans un abîme de maux.
Ainsi tes ancêtres (25)
furent autrefois honorés à Thèbes, et comme hôtes des Amphictions, et comme
ennemis de la discorde et de l'injure. La Renommée, qui d'un vol infatigable
annonce à l'univers la gloire des morts et des vivants, atteste que l'héroïsme
de la vertu s'étendit en eux jusqu'aux colonnes d'Hercule ; ils ne pouvaient le
porter au-delà. J'ajouterai qu'ils se distinguèrent également dans les
travaux de Mars au cœur d'airain, et dans l'art de former de vigoureux
coursiers. Mais hélas ! en un seul jour le cruel tourbillon de la guerre enleva
quatre héros à cette famille jusqu'alors si fortunée.
Maintenant, par la faveur des dieux, elle refleurit de nouveau sous nos yeux,
semblable à la terre qui, après les mois inconstants d'un hiver nébuleux, se
pare du vif incarnat de ses roses. Le dieu dont le trident ébranle le rivage,
qui se plaît dans Oucheste et à l'Isthme, rempart des flots, a ranimé devant
les murs de Corinthe l'antique renommée de leurs exploits, qui semblait plongée
dans l'oubli, et a rendu cette illustre maison digne de mes magnifiques accents.
Assoupie quelques moments, sa gloire se réveille entourée de toute sa
splendeur, et non moins éclatante que l'étoile du matin au milieu des astres
de la nuit.
Les poètes qui florissaient alors trouvèrent une ample matière à leurs
chants lorsque le héraut eut proclamé tes ancêtres vainqueurs, ô Mélissus !
soit dans la fertile Athènes, soit à Sicyone, dans les combats institués par
Adraste. Leurs chars disputèrent toujours le prix dans les grands jeux de la Grèce
; toujours ils se firent remarquer par le luxe et la beauté de leurs coursiers.
Il n'en est pas ainsi de ceux qui n'ont point tenté les combats : le silence et
l'oubli, voilà leur partage.
Cependant le succès de la lutte est incertain jusqu'au moment de la victoire ;
et plus d'une fois l'artifice et la ruse de l'homme faible triomphent de la
valeur du héros.
Témoin le redoutable Ajax qui, vaincu par Ulysse, se perça de son glaive au
milieu de la nuit et mérita ainsi le blâme de tous les enfants de la Grèce
accourus devant Troie. Mais Homère l'a vengé aux yeux de l'univers ; il
proclame sa valeur et en immortalise la mémoire dans ces chants divins que doit
répéter la postérité.
Ainsi la gloire des héros marche à l'immortalité avec les chants des poètes
qui l'ont célébrée dans leurs vers : c'est un rayon que rien ne peut
obscurcir et qui fait briller leurs actions sur la terre et au-delà des mers.
Puissent les Muses m'enflammer de leur feu divin ! Puissent-elles rendre mes
hymnes dignes de couronner la victoire que l'illustre rejeton de Télésius, Mélissus,
a remportée au pancrace. Sa valeur et son audace sont égales à celles du lion
rugissant, acharné à poursuivre sa proie, et son adresse, à celle du renard
qui, renversé sur le dos, arrête l'impétuosité de l'aigle. Ruse ou valeur,
tout est bon quand il s'agit de triompher d'un ennemi. (26)
Le sort n'a point donné à Mélissus la haute stature d'Orion (27)
; mais si son aspect n'offre rien d'imposant, sa force dans les combats n'en est
pas moins formidable. Tel fut jadis le fils d'Alcmène : petit de taille, mais
d'un courage inébranlable, il alla de la cité de Cadmus, dans la fertile
Libye, dans le palais d'Antée pour terrasser ce fier géant, qui avait été
assez cruel pour bâtir avec les crânes de ses hôtes un temple à Neptune.
Maintenant ce héros, après avoir parcouru toute la terre, sondé les abîmes
de la mer écumeuse et accoutumé les flots à porter des navires, habite
l'Olympe (28)
assis auprès du dieu qui porte l'égide. Honoré des Immortels, gendre cher à
Junon, il goûte dans un palais d'or le suprême bonheur entre les bras d'Hébé,
son épouse.
Et nous enfants de Thèbes, ses concitoyens, c'est pour lui qu'aux portes d'Électre
(29)
nous célébrons des festins solennels et couronnons nos autels de fleurs ;
c'est à lui que nous immolons de nombreuses victimes pour consoler les mânes
des huit enfants que lui donna Mégère, fille de Créon, et qui tous succombèrent
sous un fer meurtrier. Depuis le coucher du soleil, une flamme éclatante s'élève
jusqu'aux cieux, pendant toute la nuit, et répand dans les airs une odeur délicieuse.
Ce n'est que la deuxième aurore qui met fin à nos combats annuels, où de
nombreux athlètes viennent à l'envi déployer les forces de leurs corps.
Deux fois le vainqueur que je chante s'est montré dans cette carrière le front
ceint d'un myrte fleuri. Sa première couronne, il l'avait obtenue dans sa
jeunesse par sa docilité aux conseils du prudent Orsée qui guidait son char.
Qu'aujourd'hui cet habile écuyer partage la joie de Mélissus, en voyant son
nom associé dans cet hymne à celui de son heureux disciple !
À
PHYLACIDAS D'ÉGINE,
Vainqueur
au pancrace
Mère
du soleil, ô Thia (30)
! dont la puissance s'étend partout, c'est toi qui inspires aux mortels
l'estime de l'or dont ils regardent la possession comme le plus précieux de
tous les biens. C'est en ton honneur, puissante reine, que les vaisseaux
combattent sur la plaine liquide, et que les coursiers excitent les
applaudissements en faisant voler les chars dans l'arène.
Il s'est acquis une gloire immortelle, celui qui dans nos combats a vu son front
ceint de nombreuses couronnes, récompenses des triomphes que lui ont obtenus la
vitesse de ses pieds, la vigueur de son bras. La force est un don que l'homme ne
doit qu'à la bienveillance des dieux ; mais il est deux avantages dont nous
pouvons tous jouir et qui seuls font épanouir et fécondent la fleur de notre
vie : fortune et sagesse, vous avez tous si vous possédez ces deux biens.
N'aspirez donc point à devenir un Jupiter ; mortel, contentez-vous de ce qui
convient aux mortels.
Deux fois, ô Phylacidas ! les jeux de l'Isthme ont couronné ta valeur ; Némée
t'a vu, ainsi que ton frère Pythéas, remporter la victoire au pancrace...
Cependant mon cœur ne serait pas satisfait si je n'associais dans mes chants le
nom des Éacides à vos noms glorieux ; ce sera encore en votre faveur, ô fils
de Lampon ! que je viendrai à la suite des Grâces dans Égine, siège de la
justice et des lois. Si les héros que cette illustre cité a produits ont
constamment fait de la gloire, présent des dieux, le but de leurs efforts et de
leurs vœux, pourquoi porterait-on envie aux chants que je leur adresse, comme
la récompense de leurs nobles travaux ? La renommée fut de tout temps le
prix après lequel ont soupiré les plus vaillants guerriers. Que leurs vertus
aient été chantées au son des flûtes et des lyres, ils ont été satisfaits
; objets de vénération pour tous les mortels, ils ont fourni par la volonté
de Jupiter une abondante matière aux louanges des sages.
C'est ainsi qu'aux pompeuses solennités de l'Étolie, on se plaît à nommer
les valeureux enfants d'OEnée (31)
; à Thèbes, Iolas habile à conduire les coursiers reçoit un public hommage ;
Persée est honoré à Argos ; Castor et Pollux entendent célébrer leur valeur
sur les bords de l'Eurotas ; dans OEnone, on exalte la magnanimité d'Éaque et
de ses fils qui deux fois saccagèrent la cité de Troie, d'abord avec Hercule,
ensuite sous la conduite des fiers Atrides.
Maintenant, ô ma Muse ! élance ton char au-dessus de la terre ; dis-moi sous
quels coups succombèrent et Cycnus et Hector et l'intrépide Memnon, chef des
Ethiopiens ; quel héros, sur les rives du Caïcus (32),
perça de son javelot le vaillant Télèphe : rappelle-moi ces grands hommes à
qui toutes les bouches publient qu'Égine donna le jour.
Depuis longtemps cette cité fameuse s'est élevée par ses vertus, comme une
tour qui porte son faîte dans les nues ; aussi est-elle souvent le but vers
lequel ma Muse, juste dispensatrice de la gloire, a mille traits à lancer.
Salamine (33),
berceau d'Ajax, sauvée par ses flottes, ne fut-elle pas témoin de la bravoure
de ses peuples, dans ce terrible combat où une multitude aussi serrée qu'une
pluie orageuse tomba sous leurs coups comme les feuilles sous les coups de la grêle.
Toutefois, ô ma Muse, que tes louanges soient réservées et circonspectes ;
car c'est du puissant maître de toutes choses, c'est de Jupiter que viennent également
aux mortels et leurs biens et leurs maux. Mais les victoires des athlètes et
leurs combats, ma lyre peut les célébrer sans crainte ; les chants des poètes
sont, pour le triomphateur, aussi délicieux que le miel. Pourra-t-il se présenter
dans l'arène et se flatter de l'espoir d'une couronne, l'athlète qui connaît
la famille des Cléoniens ? Non : les travaux des héros qu'elle a produits ne
sont point enveloppés de ténèbres ; et les trésors qu'a prodigués leur générosité
ont mis pour jamais leurs espérances à l'abri des revers dans nos combats.
C'est à Pythéas, en finissant, que j'adresse mes louanges ; c'est lui qui, en
maître habile, parmi tant de robustes athlètes, a exercé les membres de
Philacidas et a développé en son disciple cette vigueur et cette égalité d'âme
garantes de la victoire. Apporte donc, ô ma Muse ! la couronne et les
bandelettes destinées au vainqueur ; et fais voler vers lui cet hymne que tu
viens de m'inspirer en son honneur.
À
PHYLACIDAS, À PYTHÉAS ET À EUTHYMÈNE LEUR ONCLE MATERNEL
Ainsi
que dans un banquet splendide auquel vient s'asseoir la fleur des citoyens,
vidons, ô ma Muse ! pour la race de Cléonicus (34),
la seconde coupe du nectar de nos hymnes. La première te fut offerte dans Némée,
ô Jupiter ! quand ses deux fils y reçurent les prémices de leur glorieux
triomphe ; cette seconde, nous la destinons au puissant maître de l'Isthme et
aux cinquante Néréides, maintenant surtout que Phylacidas, le plus jeune des
deux, vient d'y être proclamé vainqueur. Puissions-nous un jour offrir la
troisième en libation à Jupiter Sauveur, qu'Olympie adore, et faire encore une
fois tressaillir Égine par la douce harmonie de nos chants !
Le mortel généreux qui consacre avec joie ses travaux et ses trésors à la
recherche de la vertu, fille aimable du Ciel, recueille sous la protection des
dieux une ample moisson de gloire, et, arrivant enfin au port où il tendait, y
jette l'ancre au sein du bonheur et de la paix. Ainsi parvenu au comble de ses vœux,
l'heureux fils de Cléonicus attend que la vieillesse blanchisse ses cheveux et
le conduise au terme de sa carrière. Puisse Clotho, qui siège sur un trône
d'or, puissent ses inflexibles sœurs ne pas repousser la prière d'un mortel
qui nous est si cher ! Et vous nobles enfants d'Éaque, maintenant élevés sur
un char éclatant, dites si jamais je touchai le rivage de cette île qui vous
donna le jour sans éprouver le besoin sacré de chanter vos louanges. La gloire
a ouvert devant vous une immense carrière ; vous l'avez parcourue en tous sens,
et partout vos exploits ont laissé d'ineffaçables traces, depuis les sources
lointaines du Nil jusqu'aux régions hyperboréennes. Non, il n'est point de
ville si barbare, si étrangère à notre langage, qui n'ait entendu la Renommée
publier la gloire de Pélée, époux de la fille des dieux, d'Ajax et de Télamon
son père, que jadis le redoutable fils d'Alcmène conduisit sur ses vaisseaux
avec les Tirynthiens contre la superbe Troie. Ce Héros si terrible dans les
combats, avait reconnu dans Télamon un guerrier courageux ; aussi
l'associa-t-il aux travaux qu'il entreprit pour se venger du perfide Laomédon.
Ce fut avec ce vaillant compagnon d'armes qu'il s'empara de Pergame, tailla en
pièces des peuples entiers, et, dans les champs de Phlégra, terrassa le berger
Alcyon, haut comme une montagne : jamais dans aucun combat la main d'Hercule ne
tendit plus souvent son arc retentissant.
Sur le point de partir pour les rivages de Troie, il appelle le fils d'Éaque et
lui ordonne de faire annoncer le départ de la flotte par la voix du héraut
pendant que ses compagnons se livrent à la joie d'un festin. Déjà le fils
d'Amphitryon se tient debout, couvert de la peau du lion de Némée ; le brave Télamon
le presse de commencer les libations et lui présente une coupe d'or ciselée
pleine d'un vin pétillant. Hercule aussitôt levant au ciel ses invincibles
mains, s'écrie : "O Jupiter, ô mon père ! si jamais tu te montras
propice à mes vœux, daigne je t'en supplie, écouter aujourd'hui mon ardente
prière. Fais que de ce héros et d'Éribée, son épouse, naisse un fils
courageux que je puisse un jour voir assis à ma table hospitalière ; que ses
membres acquièrent dans les fatigues et les combats la dureté de la dépouille
qui couvre mes épaules et que dans la forêt de Némée j'enlevai au monstre
dont la défaite fut le premier de mes travaux ; qu'il soit enfin doué d'un
courage et d'une force à toute épreuve !"
Comme il achevait ces mots, Jupiter lui envoie du haut des airs l'aigle, le roi
des oiseaux. À la vue de ce présage, le cœur du Héros tressaille de joie ;
d'une voix prophétique, il s'écrie : "Il naîtra de toi, ô Télamon !
cet enfant que tu désires ! Tu l'appelleras Ajax (35)
du nom de l'aigle qui vient de nous apparaître ; il sera terrible dans les
combats, et sa valeur étendra au loin sa puissance." Après avoir
ainsi parlé, le héros s'assit.
Mais il serait trop long de rappeler ici tous les hauts faits des enfants d'Éaque.
D'ailleurs c'est en l'honneur de Phylacidus, de Pythéas et d'Euthymène, ô ma
Muse ! que tu viens aujourd'hui faire entendre tes hymnes et tes chants. Je
dirai donc en peu de mots, à la manière des Argiens (36),
que ces deux illustres frères et leur oncle ont signalé leur courage par de
nombreuses victoires au pancrace ; qu'après avoir été proclamés dans les
vallons ombragés de Némée, l'Isthme les a encore vus trois fois se ceindre de
la couronne du triomphe.
Quel éclat leur gloire ne répand-elle pas sur nos hymnes ! Comme elle attire
la douce rosée des Grâces sur la tribu des Psalychiades (37)
! Quelle prospérité assure à la maison de leur aïeul Thémistius (38),
leur présence en cette ville chérie des Immortels !
Par la vigilance et l'activité qu'il apporte à toutes ses entreprises, Lampon
fait voir qu'il sait mettre en pratique la maxime d'Hésiode, que souvent
il répète à ses fils ; ainsi il contribue à l'honneur de la cité qui lui
donna le jour. Quoiqu'il borne son bonheur à la jouissance d'une douce médiocrité,
il se fait chérir de ses hôtes par ses bienfaits, et jamais sa langue ne proféra
d'autres paroles que celles qui lui sont inspirées par la droiture de son cœur.
Enfin vous diriez à le voir parmi les autres athlètes qu'il est pour eux comme
la pierre de Naxos (39),
qui seule triomphe de la dureté du bronze.
Fontaine de Dircé, qu'aux portes de la cité de Cadmus firent autrefois jaillir
les filles de Mnémosyne à la ceinture d'or, laisse-moi toujours abreuver ainsi
de ton onde pure les athlètes que célèbrent mes chants.
À
STREPSIADE, THÉBAIN
Vainqueur au pancrace
Heureuse
Thèbes, de tous les titres de gloire dont s'enorgueillissent tes enfants, quel
est celui que tu te plais davantage à rappeler à ton souvenir ? Est-ce la
naissance du dieu à la flottante chevelure, de Bacchus, qui partage les
honneurs bruyants des fêtes de Cérès ou la visite du puissant roi des cieux,
que tu vis se métamorphoser en pluie d'or (40)
et s'introduire, au milieu de la nuit, dans le palais d'Amphitryon pour jouir
des embrassements d'Alcmène et donner la vie à Hercule ? Est-ce la sagesse du
divin Tirésias ou l'habileté d'Iolas à diriger les coursiers ? ou ces héros
qui naquirent tout armés des dents du dragon (41)
ou bien la retraite du bouillant Adraste, qui, fuyant tes remparts, alla cacher
sa honte dans Argos, abandonnant sur le champ de bataille ses nombreux
compagnons d'armes ? Serais-tu plus fière encore d'avoir fondé dans Lacédémone
une colonie dorienne, sous la conduite des Aegides (42)
qui, par l'ordre du dieu Pytho, s'emparèrent d'Amyclée ? ...
Sans doute ces titres antiques te sont chers, mais ils dorment ensevelis dans
l'oubli. Les mortels en effet perdent bientôt la mémoire des faits auxquels la
poésie n'a point imprimé le sceau de l'immortalité. Hâte-toi donc, ô cité
chérie ! de former aux accents de ma voix des chœurs pour célébrer la
victoire que Strepsiade a remportée au pancrace dans les solennités
isthmiques. C'est là que ce puissant athlète a commandé l'admiration autant
par sa force que par sa beauté, et qu'il a prouvé que ses vertus n'avaient
point dégénéré de celles des ses ancêtres. Les Muses aux cheveux d'ébène
ont répandu sur sa gloire le plus vif éclat ; elle rejaillit aussi sur
Strepsiade, son oncle maternel, que le fer de l'impitoyable Mars enleva dans la
carrière de l'honneur par une mort digne d'un héros.
Ainsi le guerrier qui repousse loin de sa chère patrie la tempête sanglante
des combats, qui, par son courage, fait retomber sur les ennemis les calamités
et la mort, accumule pour les siens et pour lui un trésor inépuisable de
gloire dont il jouira pendant sa vie et au-delà du tombeau. Généreux fils de
Diodalus, c'est ainsi que tu expiras au printemps de ta vie. Digne émule de la
vaillance de Méléagre, d'Hector et d'Amphiaraüs, avec quelle intrépidité ne
le vit-on pas te précipiter au milieu de la mêlée à la tête des braves qui,
dans ce jour funeste, soutinrent en héros le choc de Bellone et que ta perte
laissa inconsolables !
Mais Neptune, qui de ses humides bras resserre au loin le monde, a maintenant
fait succéder le calme à l'orage ; je veux donc chanter le front couronné de
laurier ; je veux chanter sans craindre que les dieux me voient d'un œil
d'envie, jouir du bonheur, que chaque jour m'apporte, et marcher en paix vers la
vieillesse et le terme fatal de ma carrière.
Nous sommes tous également sujets aux rigueurs du trépas, et tous également
nous ignorons l'heure où doit cesser notre destinée. En vain l'homme
aspirerait-il à de plus hautes destinées, en vain tenterait-il de s'élever
jusqu'aux parvis d'airain qu'habitent les Immortels : il éprouverait le sort de
Bellérophon, que Pégase précipita sur la terre lorsqu'il prétendit pénétrer
dans les célestes demeures et dans le conseil de Jupiter. Ainsi se change en
amertume la douceur d'une jouissance injuste.
Mais toi, puissant Apollon, qui, dans ta course oblique (43),
lances partout les rayons de ton disque éclatant, fais que dans les jeux de
Pytho nous soyons couronnés du laurier qui t'est consacré !
À
CLÉANDRE, D'ÉGINE
Que
l'un de vous, ô jeunes citoyens, jaloux de payer le tribut de louanges que mérite
la victoire de Cléandre, dirige les chœurs de danse vers les portiques de Télésarque,
qu'il y célèbre par cet hymne le double triomphe que son fils a remporté à
l'Isthme et à Némée.
Je vais, malgré la douleur qui m'accable (44),
ouvrir en sa faveur le trésor précieux des Muses ; il l'ordonne... Délivrés
enfin de trop longues calamités, pourquoi laisserions-nous nos têtes dépouillées
de couronnes ? pourquoi nos cœurs seraient-ils en proie à la tristesse ?
Mettons enfin un terme à des regrets inutiles, et après tant d'afflictions,
faisons entendre de nouveau les accents de l'allégresse.
L'orage qui devait écraser la Grèce, comme le roc qui menace Tantale, un dieu
l'a repoussé. L'éloignement du danger a fait cesser ma crainte : ainsi, dans
notre cœur mortel, le présent l'emporte toujours sur le passé. Le temps qui
nous conduit dans le chemin de la vie est incertain et trompeur ; mais la liberté
vient, comme un baume salutaire, guérir nos maux, surtout quand l'espérance
d'un meilleur avenir n'a jamais cessé de luire à nos yeux.
Enfant de Thèbes aux sept portes, je dois offrir à Égine l'hommage des chants
que m'inspirent les Grâces. Thèbes et Égine, nées d'un même père, les plus
jeunes des filles d'Aropus (45),
plurent à Jupiter qui règne sur tous les Immortels : il confia à l'une le
soin de gouverner, près des eaux limpides de Dircé, Thèbes, ma patrie, cité
amie des chars ; l'autre, il la transporta dans l'île d'OEnopie (46)
et la fit reposer à ses côtés. Bientôt elle donna pour fils au maître du
tonnerre Eaque, le plus vénérable des mortels et l'arbitre des différends même
des dieux. De ce héros naquirent des enfants semblables aux Immortels, et une
longue suite de descendants signalèrent leur courage et leur supériorité au
milieu du tumulte de la guerre et des travaux de Mars, sources de tant de larmes
et de deuil : à ces vertus, ils joignirent encore la tempérance et la sagesse.
Ainsi l'attesta jadis l'auguste assemblée des habitants des cieux, quand
survint entre Jupiter et Neptune, son illustre frère, une querelle fameuse au
sujet de Thétis : tous deux épris de cette déesse prétendaient l'avoir pour
épouse ; mais l'immortelle sagesse des dieux ne permit pas une telle union. Les
oracles furent entendus, et Thémis, au milieu du conseil céleste, fit entendre
ces paroles : "Il est écrit dans les destins que de la belle déesse de la
mer doit naître un roi plus puissant que son père. Ainsi les traits que
lancera le bras nerveux de ce fils seraient plus redoutables que la foudre, plus
formidables que le trident si jamais elle s'unissait à Jupiter ou au frère de
ce dieu puissant. Renoncez donc à vos rivalités, et que Thétis, en partageant
sa couche avec un mortel, voie son fils, semblable à Mars par la force de son
bras et à l'éclair par la vitesse de ses pieds, périr dans les combats. C'est
à moi de prononcer dans cet hymen fixé par le Destin : l'honneur de celle
alliance est réservé au vertueux fils d'Éaque, à Pélée, que nourrirent,
dit-on, les champs d'Iolcos. Que cette nouvelle soit à l'instant portée vers
l'antre sacré de Chiron ; que la fille de Nérée ne soit plus pour nous un
sujet de discorde, et qu'aussitôt que Phébé montrera aux mortels son disque
éclatant de lumière, elle accorde au héros les prémices de sa virginité.
"
Ainsi parla Thémis. Les doux fils de Saturne applaudirent à ses paroles par un
mouvement de leurs sourcils immortels. À l'instant s'accomplit la volonté du
Destin, et le roi des cieux lui-même prit soin, dit-on, de mettre le sceau à
l'hymen de Thétis. Bientôt la bouche des sages fit connaître au loin la vertu
du jeune Achille et publia partout ses exploits. Les champs fertiles de la Mysie
arrosés du sang de Télèphe, le retour des Atrides en Grèce, la délivrance
d'Hélène, les phalanges troyennes taillées en pièces dans tant de combats
meurtriers, le robuste Memnon, Hector et tant d'autres guerriers précipités
aux sombres bords, tels sont les hauts faits par lesquels Achille a immortalisé
la maison des Éacides et couvert de gloire Égine sa patrie. Les chants des poètes
le suivirent au-delà du trépas ; les vierges de l'Hélicon vinrent pleurer sur
sa tombe (47)
et honorer ses cendres de leurs gémissements. Ainsi il plut aux dieux que le
plus grand des héros fut encore après sa mort célébré dans les hymnes de
ces déesses.
Porté maintenant sur le char des Muses jusqu'au tombeau de Nicoclès, je
m'empresse d'honorer sa mémoire et de chanter la couronne de Sélinum, qu'à
l'Isthme les Doriens lui décernèrent ; elle fut la noble récompense de ses
victoires sur les athlètes voisins qui cédèrent à la violence de ses coups
inévitables. Oncle paternel au vainqueur que je chante, Nicoclès compte donc
en ce jour un descendant digne de lui.
O vous, jeunes compagnons de Cléandre ! chantez la victoire qu'il a remportée
au pancrace et tressez-lui une brillante couronne de myrte pour ceindre sa tête
! Ainsi vous le reçûtes autrefois quand il revint victorieux des luttes d'Épidaure,
instituées en l'honneur d'Alcathoüs (48).
Il est bien digne des éloges de ses concitoyens l'athlète que l'on vit,
toujours loin d'une obscure oisiveté, signaler sa jeunesse par les actions d'éclat
qui forment les héros.
FIN
DES OEUVRES DE PINDARE
NOTES
SUR LES ISTHMIQUES
ISTHMIQUE
I
(1)
Hérodote était fils d'Asopodore et originaire d'Orchomène. Quelques
dissensions civiles l'obligèrent à quitter Thèbes et à se retirer à Orchomène
; mais peu après il revint à Thèbes, et il occupa un rang honorable parmi ses
concitoyens.
(2)
Le scholiaste raconte que Pindare, ayant été engagé par les habitants de l'île
de Cos à composer un hymne en l'honneur de la naissance d'Apollon à Délos,
suspendit son travail pour célébrer la victoire remportée par son compatriote
Hérodote.
(3)
De Géryon. Géryon, roi d'Érythie
(que l'on croit avoir été en Espagne) était un géant à trois corps régis
par une seule âme. Il nourrissait ses bœufs de chair humaine. Le poète a mis
le pluriel pour le singulier en parlant de son chien, car la fable ne fait
mention que d'un seul chien de Géryon ; mais ce chien, nommé Orthrus, avait
deux têtes.
(4)
L'Eurotas coulait à Lacédémone.
(5)
Le fils d'Iphiclès. C'était Iolas.
(6)
Le fils de Tyndare. C'est-à-dire Castor.
(7)
Oucheste, ville de Béotie, consacrée
à Neptune ; elle était située sur le bord méridional du lac Céphise. Homère
en parle au 2e chant de l'Iliade :
"Et la divine Oucheste consacrée à Neptune."
(8)
Orchomène, autre ville de Béotie, célèbre
par ses richesses ; elle était située sur le bord oriental du Céphise.
Oud' os es Orchomenon potinessetai, oud'
osa Thêbas
Aiguptias othi pleista domois en ktêmata keitai
...
Oud' ei moi tosa dolê. .
(Iliade,
ch. 9-382.)
"Me donnât-il tout ce que le commerce apporte de richesses dans Orchomène
ou dans Thèbes, la capitale de l'Egypte, dont les maisons sont remplies
d'immenses trésors..."
(9)
Orchomène nommée par Homère la Minyenne,
pour la distinguer des autres villes du même nom ou parce que ce fut dans cette
Orchomène que le roi Minyas et ses descendants fixèrent leur résidence.
(10)
Éleusis, ville de l'Attique, entre
Athènes et Mégare.
(11)
L'Eubée (aujourd'hui Nègrepont),
grande île de la mer Égée, à l'ouest de la Béotie.
(12)
Protésilas, fils d'Iphiclès.
Il périt au siège de Troie, et on lui éleva un tombeau à Phylacée en
Arcadie, près la source de l'Alphée.
(13)
Horace a dit :
Nullus argenta color est avaris
Abditae terris, inimice lamnae
Crispe Salusti ; nisi temperato
Splendent usu
(Horace,
Ode 2, liv. 2)
ISTHMIQUE
II
(14)
Cette ode composée en l'honneur de Xénocrate est adressée à son frère
Thrasybule. Callistrate raconte que Xénocrate ayant offert à Pindare une somme
peu proportionnée à son travail, celui-ci s'en vengea en adressant son hymne
à Thrasybule. Le début semble confirmer ce récit.
(15)
Aristodème était de Sparte. Pindare
l'appelle Argien peut-être parce qu'il regarde Argos comme la capitale de tout
le Péloponnèse ou bien parce que les Argiens avaient comme les Lacédémoniens
le mérite de la concision.
(16)
Érechtée était roi d'Athènes et père
de Cécrops.
(17)
Nicomaque, écuyer de Xénocrate.
(18)
Les fils d'Énésidame, Théron et
Dinomène.
(19)
Le Phase, fleuve de la Scythie, pays
très froid.
(20)
Le Nil, fleuve d'Egypte coulant sous
un ciel brûlant.
(21)
Nicasippe était sans doute un
messager dépêché tout exprès par le poète vers Thrasybule pour lui remettre
son hymne.
ISTHMIQUE
III
(22)
Mélissus descendait d'OEdipe par sa mère.
(23)
Les Labdacides, descendants de Labdacus père de Laius, qui donna naissance
à OEdipe.
ISTMIQUE
IV
(24)
Les Kléonymides. Nom de la tribu à
laquelle appartenait Mélissus.
(25)
Les ancêtres de Mélissus avaient disputé des prix aux grands jeux panagurioi, panellanês agônes,
mais ils n'en avaient point obtenu.
(26)
Virgile suppose Orion d'une taille démesurée quand il dit :
. . . . . Quam Magnus Orion
Cum pedes incedit medii per maxima Nerei
Stagna viam scindens humero super eminet undas.
(27)
Oportet quidlibet facientem obscurare
hostem. Tout est bon contre un ennemi. Virgile a dit :
Dolus an virtus, quis in hoste requirat
?
(28)
Horace a dit :
Romulus et Liber pater et cum Castore
Pollux
Post ingentia facta, deorum in templa recepti
Dum terras, etc. (Epist., lib. 2,
1.)
Et ailleurs :
Dignum laude virum Musa vetat mori
Caelo Musa beat ; sic Jovis interest
Optatis epulis impiger Hercules.
(Lib.
4, ode 8.)
(29)
La porte d'Électre. L'une des sept
portes de Thèbes, près de laquelle les Thébains immolaient à Hercule des
enfants de Mégare.
ISTHMIQUE
V
(30)
Thias. Hésiode rapporte dans sa Théogonie
que cette déesse unie à Hypérion donna naissance à la Lune et au Soleil. Son
nom vient sans doute de theomai (je
vois) ou de thea (spectacle).
(31)
Oïnée était roi de Calydon et père
de Méléagre et de Tydée, fameux parmi les anciens héros de la Grèce.
(32)
Le Caïque. Fleuve de Mysie que les
Grecs étaient obligés de traverser pour arriver à Troie. Télèphe leur
refusa le passage, et les ayant attendus dans une embuscade, il les mit tous en
fuite, à l'exception d'Achille et de Patrocle. Télèphe blessé de la main
d'Achille consulta l'oracle de Delphes, qui lui répondit qu'il ne pouvait guérir
que par le même javelot qui l'avait blessé. Cette réponse détermina le roi
de Mysie à faire sa paix avec le fils de Pélée, qui appliqua sur la blessure
la rouille de son javelot avec des simples que le centaure Chiron lui avait fait
connaître.
(33)
Salamine, île du golfe Saronique, en
face d'Athènes et près de laquelle se livra la fameuse bataille navale contre
Xerxès. De tous les alliés d'Athènes les habitants d'Égine furent ceux
qui fournirent un plus grand nombre de vaisseaux.
ISTHMIQUE
VI
(34)
Le fils de Cléonicus, c'est-à-dire Lampon.
(35)
Tu l'appelleras Ajax. Pindare suppose
ici que le nom d'Ajax vient du mot aietos
(aigle).
(36)
Les Argiens comme les Lacédémoniens
(Voyez notes de la 2e Isthmique) passaient pour s'exprimer avec brièveté
et concision.
(37)
La tribu des Psalychiades. Tribu d'Égine
à laquelle appartenait Phylacidas.
(38)
Thémistius, un des ancêtres de
Phylacidas.
(39)
La pierre de Naxos.
...
Fungur vice cottis acutum
Reddere quae ferrum valet, exors ipsa secandi.
(HORACE. Art poét.)
En effet Lamon par ses conseils et ses exemples aiguisait le courage des autres
athlètes.
ISTHMIQUE
VII
(40)
Se métamorphoser en pluie d'or. Le poète confond ici, peut-être à
dessein, les amours de Jupiter tant avec Danaé qu'avec Alcmène.
(41)
Ou ces héros qui naquirent tout armés,
etc. Spartôn vient de spéirô
(semer). Il désigne donc les Thébains, dont les premiers étaient nés
des dents du dragon semées par Cadmus.
(42)
Sous la conduite des AEgides, etc. La
tribu des Aegides, originaire de Thèbes, s'était unie aux Héraclides partant
pour la conquête du Péloponnèse et s'était distinguée dans cette expédition.
(43)
Dans ta course oblique. Loxias, surnom
d'Apollon soit à cause de l'obscurité de ses oracles, soit à cause de
l'obliquité de sa course.
ISTHMIQUE
VIII
(44)
Malgré la douleur qui m'accable.
Cette ode fut composée immédiatement après la bataille de Salamine, où il
est probable que Pindare avait perdu plusieurs de ses amis ou de ses proches.
(45)
Les plus jeunes des filles d'Asopus.
Le fleuve Asopus eut vingt filles ; selon la fable, les plus jeunes furent Thèbes
et Égine.
(46)
L'île d'OEnopie. "Les anciens la nommèrent OEnopie, mais Éaque
changea ce nom en celui de la nymphe Égine, sa mère."
OEnopiam
veteres appellavere, sed ipse
Eacus, Aiginam genitricia nomine dixit.
(Ovide,
Métam.
liv. 8.)
(47)
Les vierges de l'Hélicon vinrent pleurer sur sa tombe. (Voyez Homère, Odyssée,
chant 24.)
(48)
En l'honneur d'Alcathoüs. Un lion
furieux dévastait le Cithéron ; Alcathoüs, fils de Pélops, le tua et
institua des jeux pour perpétuer le souvenir de sa victoire ; ils se célébraient
à Épidaure.
FIN DES NOTES SUR PINDARE