262 CHANT II
V. 2. Le roi des Bébryces. — « Amycos était le roi des Bébryces. Il
possédait à cette époque toutes les régions de la Bithynie, y compris le
littoral. Quelques Bébryces s'établirent du côté de la Lydie, dans les contrées
voisines d'Ephèse et de Magnésie. Charon dit qu'on appelait autrefois le pays de
Lampsaque Bébrycie à cause des Bébryces qui l'habitaient. » (Scol.) Strabon dit
que les Bébryces, qui ne sont pas cités par Homère, occupèrent la Mysie avant
les Thyniens et les Bithyniens, et qu'ils étaient Thraces d'origine (464, 18);
ils possédèrent la région d'Abydos (501, 47).
V. 4. La nymphe bithynienne Mélia. — « On ne sait lequel des deux noms
est le nom propre. On dit qu'elle s'appelait Mélia, parce que certaines
nymphes, au dire de Callimaque, portaient ce nom à cause de Mélia, tille d'Océanos;
ou à cause de ce qu'elles habitaient les pommiers [μηλέα, pommier] : ce serait
la même origine que celle du nom des Hamadryades. Bithynis viendrait de
ce qu'elle était d'origine bithynienne. Le poète appelle Poséidon dieu de la
génération, parce que, maitre de l'élément humide, il nourrit et engendre toute
chose, puisque l'eau fait tout naître.» (Scol.) Dübner ne partage pas cette
opinion du Scoliaste au sujet de Poséidon : « De Amyco tantum, sub hoc nomine
eum colente, intelligendum ; mirifice nugantur scholiastae. » II semble
cependant que Poséidon puisse être considéré comme dieu de la génération. «
Cette heureuse union de l'eau et de la terre, d'où naissent les fruits
nourriciers de la vie humaine, s'exprimait, dans le langage mythique, par
l'image du commerce amoureux de Poséidon avec des nymphes ou avec des tilles de
personnages fabuleux, » (Decharme, Mythologie, p. ?25.) L'orthographe des
deux noms interdit toute confusion entre la nymphe Mélia (Μελίη) et les
nymphes Méliades (Μηλιάδες). Quant à la mère d'Amycos, Apollodore la
nomme Bithynis, d'après les édit. vulg., Bithynis ou Mélia, d'après l'édit.
Hercher {I, 9, 20); il cite ailleurs deux Mélia : l'une, fille d'Océanos et
femme d'Inachos (II, i, 1); l'autre, qui eut de Silène le centaure PhoIos (II,
5, 4). Les auteurs latins (Valérius Flaccus, IV, v. 119; Servius, ad Aeneid.,
V, v. 373; Hygin, Fabul., 17; Scol. ad Stat. Theb., III, v. 533,
etc.) nomment cette nymphe Mélié. Brunck suit l'opinion d'Apollodore, ou
plutôt des édit. vulg. de la Bibliotheca, et il ajoute : « Potior in
his veterum Graecorum auctoritas quam Latinorum poetarum quorum nonnulli in
diversa abierunt. »
V. 8. L'expédition, — « Théocrite a raconté les faits autrement [dans
l'Idylle XXII] », dit le Scoliaste, et peut être mieux, ajoute Dübner : «
Aliter et nescio an melius apud Theocritum. » L'épisode de Pollux et d'Amycos
se trouvait encore dans d'autres auteurs anciens qui sont cités par le Scoliaste
(voir la note au vers 98). Nous avons les récits
263 d'Apollodore (I, 9, 2) et de
Valérius Flaccus (IV, v. i et suiv.), qui procèdent de celui d'Apollonios.
V. 28. Seul à seul. — « Aristote dit aussi que le lion agit de la sorte.
» (Scol.)
V. 34. Olivier sauvage. — On sait que le bois en est fort dur. Il servait
à faire les rouleaux de navire. (Voir la note au vers 843.) — Dübner : «
Ligni genus durissimum e quo et Herculis clava. » Le Scoliaste dit que ce
bâton raboteux d'olivier sauvage, semblable à ceux des bergers, est une preuve
du caractère dur et féroce de celui qui le portait.
V. 40. Dans sa colère. — « Car on dit que la Terre, dans sa colère de
voir les Titans précipités par Zeus au fond du Tartare, enfanta les géants. » (Scol.)
Quant à Typhoeus ou Typhaon, qui sont généralement regardés comme deux noms du
même monstre, quoique Hésiode et Apollonius établissent une distinction entre
les deux, Apollodore lui attribue une nombreuse postérité : la Chimère (II, 3,
4), le lion de Némée (II, 5, i), le chien Orthros (II, 5, 10), le dragon des
Hespérides (II, 5, ii), l'oiseau du Caucase (II, 5, n), le Sphinx (III, 5, 8).
V.48. Amycos, lui... — « Amycos ne fait pas l'essai de ses forces.
Par cela, le poète montre quel était son orgueil. » (Scol.)
V. 51. Lycoreus.— Lycoreus est un personnage imaginé par le poète et que
l'histoire ne lui donne pas. » (Scol.) — Dans la Thébaïde de Stace (VII, v.
716), il est question d'un Lycoreus, fils d'Apollon. Cf. Hygin., Fabul.,
161. Voir la note au v. 711.
V. 55. Sans tirer au sort. — « Par cela aussi, le poète montre de nouveau
l'orgueil d'Amycos; pour que tu ne puisses pas ensuite m'adresser de reproches,
il dit cela en homme déjà sûr de vaincre. C'est là aussi un langage de barbare.
» (Scol.)
V. 73. A travers les parois (τοίχοιο). — « La paroi ou le flanc du navire
s'appelait τοῖχος ou πλευρά. Les deux termes étaient synonymes, II semble
toutefois que le premier était le terme technique. (Cartault, ouvr. cité,
p. 53.) Ce sens du mot τοῖχος se trouve déjà dans Homère (Iliad., XV, v.
382 ; Odyss., XII, v. 420).
V. 76. Reculait devant lui en bondissant (ἀίσσων ἀλέεινεν) — Je traduis
selon la leçon vulgaire des mss. et des anciennes éditions, celle que le
Scoliaste connaissait et commentait et que Merkel reprend dans son edit. maior,
après avoir admis dans l'edit. minor, à l'exemple de Brunck, Wellauer, etc., la
correction ἀίσσοντ' proposée par Pierson dans ses Verisimil., p. 125. Le
sens serait alors : Pollux reculait devant son adversaire bondissant contre
lui. La leçon des mss. donne un sens qui convient mieux à la légèreté de
Pollux. Merkel ne blâme pas d'ailleurs la correction de Pierson : Piersonus
coniecit, fortassis recte. Brunck est plus absolu: pour lui, seule la
correction est admissible: Vulgo ἀίσσων ἀλέεινεν, quae sibi
repugnantia neutiquam conjungi passunt.
V. 79. Aux chevilles aiguës (γόμφοις). — « On appelle cheville un morceau
de fer ou de bois, cylindrique ou quadrangulaire, généralement peu gros et peu
long, dont on se sert pour lier ensemble les pièces qui entrent dans la
composition d'un navire et dans les ouvrages de menuiserie (Jal)... Le second
[le mot γόμφοι] s'applique aux chevilles 264
de bois. Elles jouaient un grand rôle dans la construction du navire. Eschyle (Suppl.,
v. 846), en parlant d'un vaisseau, l'appelle γομφοδέτῳ δόρει. Apollonius de
Rhodes (III, v. 343) nous dit qu'elles maintiennent les diverses parties du
navire Argo, de façon qu'il puisse braver l'effort de tous les ouragans. C'est
au moyen de fortes chevilles de bots qu'étaient implantées sur la quille les
diverses pièces de la membrure du bâtiment. » (Cartault, ouvr, cité, p.
43-44.) Ulysse use déjà de γόμφοι dans la construction de son chaland (Odyss.,
V, v. 248). Voir Vars, ouvr. cité, p. 161 et suiv.
V. 85.— Dübner : « Καί magnopere offendit; melius legeris κατ'. » Merkel
a conservé καί et ne signale aucun texte où se trouve la correction désirée par
Dübner.
V. 94. Sans se hâter. — Je dois rendre par un équivalent l'expression
παρ' ἐκ γόνυ γουνὸς ἀμείβων. qui ne peut se traduire littéralement en français,
et qui signifie échangeant un genou contre un autre, mettant successivement
un pied devant l'autre, c'est-à-dire, marchant sans hâte, ou, comme on dit
vulgairement, « à pas comptés ». Homère emploie celte expression pour indiquer
la lenteur de la retraite d'Ajax (Iliad., XI, v. 647).
V. 98. Cependant les hommes Bébryces... — « Apollonios présente Amycos
comme tué. Mais Epicharme et Pisandre disent que Pollux le chargea de liens.
Déilochos, dans le premier livre de son ouvrage sur Cyzique, dit qu'il fut tué
au pugilat par Pollux. » (Scol.) — Pour les divers récits de la lutte d'Amycos
et de Pollux, voir Stender, de Argonautarum expeditione, Keil, 1874, p.
51 et suiv.
V. 105-117. Itymoneus, Mimas, Oreidés, Talaos, Arétos, Ipliitos, Clytios.—
Itymoneus n'est pas autrement connu; dans l'Iliade (XI, v. 672), il est
question d'un Itymoneus, fils d'Hypérochos, qui est tue par Nestor. — Mimas,
d'ailleurs inconnu, ne doit pas être confondu avec le fameux géant (le
validus Mimas d'Horace) auquel Apollonios fera d'ailleurs allusion (Ch. III,
v. 1227). Oreidès et Arétos sont inconnus. (Il est question dans Homère d'un
fils de Nestor, d'un fils de Priam et d'un homme de Dulichion qui se nomment
tous les trois Arétos.) Talaos, Iphitos et Clytios ont été cités dans le
catalogue des Argonautes (Ch. 1, v. 86 et 118).
V. 106. A coups de pied.— Oublier fait remarquer que Pollux sans armes ne
peut se défendre qu'au moyen de ses pieds et de ses mains, munies de ceste, il
est vrai.
V. 118. Ancaios. — Ce héros a été cité dans le catalogue (Ch. I ,v. 164).
V. 123. Tels, dans les parcs... — Le Scoliaste remarque qu'il y a dans
Homère une comparaison semblable (Iliad., XVI, v. 352). Il ajoute : «
Πολιοί veut dire soit d'une couleur un peu cendrée, soit vénérables. Car cet
animal était respecté des Athéniens. Celui qui a tué un loup doit réunir de quoi
pourvoir à sa sépulture. D'ailleurs, comme lorsque Létô arriva enceinte à Délos,
elle resta pendant douze jours changée en loup, il y a depuis, chaque année, une
période fixe de douze jours où toute louve met bas : Philostéphane le dit dans
ses Mémoires. » On s'explique comme Létô, personnification de la nuit
(voir Decharme, Mythologie, p. 100) est changée en loup, animal nocturne.
Quant à 265 Πολιοί, c'est
évidemment une épithète de nature indiquant la couleur du loup auquel Homère
l'applique déjà (Iliad., X, v. 334).
V. 140. Mariandyniens.— «Les fils de Phinée, nés de Cléiopâtré, étaient
Parthénios et Crambos. D'Idaia, fille de Dardanos, ou de quelque concubine
scythe, il eut Thynos et Mariandynos, de qui les deux peuples des Tbyniens et
des Mariandyniens furent nommés. D'autres disent que ce nom vient de Mariandynos,
fils de Cimmérios. » (Scol.) Voir, sur les fils de Phinée, la note au vers 178.
Apollodore (I, 9, 23) mentionne l'arrivée des Argonautes chez les Mariandyniens,
mais il ne dit rien de Mariandynos. Strabon rapporte que les Mariandyniens, qui
ne sont pas nommés par Homère (475, 16), étaient, comme les Thyniens et les
Bithyniens, originaires de Thrace (245, 35) et qu'ils habitaient auprès des
Thyniens et des Paphlagoniens (466, 25; 482, 12). Ils devaient leur nom à
Mariandynos (464, 29), sur lequel Strabon ne donne aucun renseignement. Les
Mariandyniens sont cités dans le Périple de Scylax, | 91 (Geogr. Graec.
Min., Didot, vol. I), dans Pomponius Mela (I, 19), etc.
V. 145. Qu'auraient-ils fait, ces gens-là, avec leur lâcheté (ᾖσιν
ἀναλκείησιν ἔρεξαν)! — Dübner : « Sic legunt! Scilicet Βέβρυκες; sed
post Amyci caedem ἀναλκεῖς erant. Sed ad Amycum ipsum referendum; sed
optime Ruhnkenius, quamvis audacius, ἀτασθάλίῃσιν ἔρεξεν, scilicet Amycus:
quid tum de eo futurum fuisset si Hercules, etc., scilicet: tum decretum caestu
non fuisset. » Brunck rejette aussi la leçon vulgaire, quod nec
Bebrycibus, nec eorum regi convenit. Il admet soit la conjecture de Ruhnken,
soit une de ces deux qu'il propose lui-même : ἀπηνείῃσιν ou ἀγηνοίῃσιν. Horum
quodcumque eligatur vulgato praeferendum erit. Merkel, qui ne change rien,
propose simplement de remplacer le substantif, sans parler de mettre le verbe au
singulier : « Poterat temptari ἀγηνορίῃσιν [fierté, arrogance], quod
Etym. M., p. 9, 50, cum. Apoll. nomine sed versu Homerico e scholiis arripuit.
» Je ne vois pas la nécessité de remplacer le substantif par un autre de sens
opposé : les Bébryces ont montré peu de courage, et c'est d'ailleurs, dans
l'antiquité, une habitude de rabaisser la valeur de l'ennemi vaincu.
V. 159. Ayant couronné... — « C'est à cause d'Apollon qu'ils se
couronnaient de laurier. Ils se couronnaient de trois manières : sur la tête,
sur le front, sur la nuque, plaçant les couronnes en signe de la joie de leur
âme. Ces couronnes étaient faites avec le laurier auquel étaient fixées les
amarres du navire. Ce n'est pas par une fiction poétique qu'ApoIlonios a imaginé
ce laurier. Il y en avait réellement un en cet endroit, qui était un très grand
arbre, comme dit Androitas le Ténédien dans son Périple de la Propontide,
où il raconte en passant que la ville nommée Amycos, qui conserve encore
quelques habitations, est éloignée de cinq stades du temple des Nymphes des
Chalcédoniens. Apollodore, dans le premier livre de ses Pontiques, dit que là
était le tombeau d'Amycos, et que celui qui aurait pris une branche du laurier
se serait exposé à un reproche. » (Scol.) Strabon parle du temple des
Chalcédoniens (265, 38; 482, 21), mais il ne dit rien de cette ville d'Amycos
que l'on trouve mentionnée dans Pline 266
l'Ancien (N. H., V, 150; XVI, 239) sous le nom de Portus Amyci
(aujourd'hui Beikos, d'après le Dictionnaire latin de Freund-Theil).
V. 160. A l'arbre et aux alentours. — Merkel écrit τῇ καί τε περί,
corrigeant les textes vulgaires τῇ καὶ τὰ περί. Wellauer, qui écrivait τῇ
τῇ καὶ τῇ, expliquait et justifiait ainsi sa correction : « Lauro ad quam hic
et illic retinacula alligata erant. Omisso priore τῇ, quod quam facile
excidere potuerit nemo non videt, reliquae turbae exortae sunt. Neque in duplici
τῇ τῇ offendi potest quum οἳ οἱ et similia saepissime occurrant.» Dübner
avait déjà proposé la correction adoptée par Merkel: « Lege τῇ καί τε
περί. Cf. v. 389 [où l'on lit τὼ καί τε] ; Iliad., IX, v. 159 [où l'on
trouve aussi καί τε], » Cette correction est d'autant plus vraisemblable que, le
laurier n'offrant pas une résistance suffisante, on avait dû enrouler un câble
autour de son tronc, et les autres autour des rochers voisins. Le vers 166 où
l'on voit les Argonautes, au moment de partir, détacher après les autres
l'amarre fixée au laurier, νεάτης ἐκ δάφνης; (du laurier en dernier lieu), ne
peut que confirmer cette hypothèse.
V. 163. Thérapnaïen. — Cet adjectif vient de Thérapnai qui, dit le
Scoliaste, est le nom d'une ville ou d'un canton de Laconie (cf. Pausa nias,
III, 14, 8). Strabon ne cite qu'une ville de Thérapné qui se trouve en Béotie
(351, 31). Thérapnai en Laconie est le lieu de naissance des Dioscures (cf.
Stace, Thebaid., VII, v. 793 : Therapnaei fratres), qui y étaient
l'objet d'un culte. C'est sans doute le Thérapnaïen Pollux, vainqueur d'Amycos,
que les héros célèbrent par leur chant. Le Scoliaste suppose cependant que l'ἐπινίκιον
d'Orphée s'adresse à Apollon, qui avait un sanctuaire à Thérapnai; il a déjà dit
(voir la note au vers 159) que les Argonautes se sont couronnés de laurier en
l'honneur d'Apollon.
V. 168. Le Bosphore. — Voir la note au vers 1114 du Chant 1er où le
Scoliaste donne l'étymologie ordinaire du mot (mer passée par la génisse Io).
Ici, dans une longue note où il établit la distinction des divers Bosphores
(Thrace, Scythique ou Cimmérien), il donne d'autres origines plus ou moins
fantaisistes de ce nom. Il suffit de reproduire les renseignements qu'il
emprunte aux anciens historiens : «Nymphis dit qu'Acarion raconte que les
Phrygiens, ayant voulu traverser le détroit, construisirent un navire à l'avant
duquel le mufle d'un taureau était sculpté. Après avoir traversé le bras de mer,
ils le nommèrent Bosphore à cause de l'emblème que leur navire portait. Éphore
raconte qu'Io, enlevée par les Phéniciens, fut conduite en Egypte : le roi de ce
pays envoya à Inachos un taureau en échange de la jeune fille. Le taureau étant
mort, on le porta de divers côtés, car cet animal n'était pas encore connu; et
le Bosphore reçut son nom de ce qu'il avait été traversé par ceux qui portaient
le taureau. »
V. 177. A la côte, en/ace de la terre de Bithynie (ἀντιπέρην). — Le
Scoliaste est embarrassé pour expliquer ce mot ἁντιπέρην, que je traduis par en
face de la terre de Bithynie: « II y a, dit-il, deux Bithynies, l'une sur le
littoral de l'Europe, l'autre sur celui de l'Asie. Celle d'Europe est près du
Salmydesse en Thrace, l'autre sur le Bosphore, à l'embouchure du Pont. [Strabon
remarque bien que les Bithyniens sont originaires de Thrace et que de son temps
il y en a encore en 267 Thrace
(464, 12); il dit, d'autre part, que le Salmydesse est une longue côte du
Pont-Euxin, rocheuse et sans ports (464, 17), mais il ne distingue pas deux
Bithynies.] II y a une troisième Bithynie, qui est une île du Pont. [C'est l'île
Thynia citée par Strabon (465,32).] On ne peut dire avec certitude à laquelle
des deux Apollonios fait allusion, puisqu'elles sont l'une et l'autre ἐπὶ τῷ
πέραν. Il vaut donc mieux penser qu'il s'agit de la Bithynie d'Europe. Car, dit
le poète, le jour suivant, ils attachèrent les amarres en Bithynie : il est
évident qu'ils viennent d'Asie en Europe. Et Phinée, au dire du plus grand
nombre, habitait le Salmydesse, rivage de la Thrace qui se présente à gauche
quand on entre dans le Pont. On ne peut hésiter sur la position de la côte du
Salmydesse, quoique Eschyle (Prométhée, v. 726) place auprès du Thermodon
le golfe terrible de Salmydesse.
Le Scoliaste a été évidemment gêné par la tradition constante qui place la
demeure de Phinée dans le Salmydesse sur la côte thrace du Pont-Euxin. C'est ce
qui Justine cette note embarrassée qui n'explique rien. Au vers 178, le
Scoliaste répète que c'est en Thrace, sur le continent européen, que Phinée
réside : mais il cite aussi Hellanicos, d'après lequel Phinée avait été roi de
la Paphlagonie, en Asie. Au vers 181, il mentionne l'opinion de Phérécyde qui
dit, en son livre XVIIIe que Phinée régnait sur tous les peuples d'Asie jusqu'au
Bosphore de Thrace, c'est-à-dire sur les Bithyniens et les Paphlagoniens. Mais
l'opinion commune, celle d'Apollodore (I, 9, 21) aussi bien que celle des
modernes (cf. Decharme, Mythologie, p. 611), c'est que Phinée, tout au
moins depuis sa cécité, demeurait sur la côte du Salmydesse. Il me semble
évident qu'Apollonios n'a pu établir sur cette côte la demeure de Phinée,
puisque, après avoir quitté le vieux devin, les héros doivent passer entre les
roches Cyanées pour entrer dans le Pont. Or, il suffit de jeter les yeux sur la
carte VI du Strabon, édit. Didot, pour se rendre compte que si les Argonautes
étaient déjà arrivés à la côte du Salmydesse, qui est sur le Pont, ils auraient
dû commencer par traverser le Bosphore de Thrace et par passer au milieu des
roches Cyanées; en sorte que, partant de la côte du Salmydesse, ils se
trouveraient déjà dans le Pont et n'auraient pas à traverser les roches Cyanées
pour y pénétrer.— Holstenius (Luc Holste) suppose qu'Apollonios se trompe et
nomme la Bithynie au lieu d'un cap de Thrace, le cap Thynias : « Confondit
Bithyniam cum Thyniade loco ceu promontorio Thraciae. » Mais la côte
Thyniade (θυνίας ἀκτή). ou le cap Thynias, est justement auprès de la côte du
Salmydesse (Strabon, 205, 28; 464, 17). Que les Argonautes aient abordé à la
côte du Salmydesse ou au cap Thynias, ils sont dans le Pont-Euxin et n'ont plus
à franchir les roches Cyanées. — Dübner propose une explication ingénieuse du
mot ἀντιπέρην. « Ex opposito, scilicet, ut saepe apud Apollonium, in
opposito nonnullorum sinuum littore, ita ut eadem tamen sit terra. » Ce sens
de ἀντιπέρην peut être confirmé par le sens de ἐκ δ' ἑτέρης etc. (v. 1115 du Ch.
Ier voir la note à ce vers). Mais l'explication de ce passage semble bien simple
: Apollonios sait que Phinée demeurait sur la côte du Salmydesse; l'économie de
son poème ne lui permet pas d'admettre cette résidence
268 du vieux devin, qui doit donner
aux Argonautes des instructions pour franchir les roches Cyanées. Il suppose
donc que Phinée demeure bien en Thrace, mais sur la côte du Bosphore, en face de
la Bithynie, et non sur la côte du Pont : ce qui est confirmé par le vers 271 où
l'on voit les Boréades passer le Bosphore a la suite des Harpyes, pour aller
vers les iles Strophades.
V. 178. L'Agénoride Phinée. — «A Salmydessos, sur la côte de Thrace, le
vieux prophète aveugle Phineus, persécuté par les Harpyes, est délivré de ces
monstres par les Boréades; il enseigne aux Argonautes le chemin de la
Colchide... Il est à peine besoin d'indiquer le sens naturel de cette fable. Les
Harpyes, vents d'orage, sont chassées par les fils de Borée, le vent du nord au
souffle purifiant. Phineus, le prophète aveugle, est probablement le soleil
enveloppé dans la nuée d'orage. » (Decharme, Mythol., p. 611, texte et
note 3.) Le Scoliaste donne sur Phinée un grand nombre de renseignements (v.
178, 181, 207), dont voici le résumé : suivant Hellanicos, Phinée est le fils
d'Agénor; suivant Hésiode, Asclépiade, Antimaque et Phérécyde, il est le fils de
Phoinix, fils d'Agénor, et de Cassiépée, fille d'Arabos. Celle-ci donne à son
mari Cilix, Phinée et Doryclos, et à Zeus, Atymnos. (D'après Apollodore, I, 9,
21, III, i, i et III, i, 2, Phinée était fils d'Agénor ou de Poséidon ; Cilix et
Phoinix étaient fils d'Agénor, et Atymnos [Atymnios, dans Apollodore], de Zeus
et de Cassiépée.) Les anciens attribuent beaucoup de motifs différents à la
cécité de Phinée : Hésiode dit, dans les grandes Éées, que Phinée fut privé de
la vue parce qu'il indiqua son chemin à Phrixos; dans le IIIe livre des
Catalogues, il dit, au contraire, que ce fut par choix, ayant préféré une longue
vie à l'usage de ses yeux. Istros dit qu'Aiétès, ayant su que Phinée avait sauvé
les enfants de Phrixos par ses prédictions, le maudit; Hélios, qui l'entendit,
priva Phinée de la vue. Sophocle dit que son infirmité lui vint de ce qu'il
avait crevé les yeux à Parthénios et Crambos, fils qu'il avait eus de Cleiopâtré,
persuadé par les calomnies d'idaia leur marâtre. D'après d'autres auteurs, les
mauvais traitements qu'il infligea à ses fils lui auraient valu une punition
plus forte, la mort. Dcnys, dans ses Argonautes, dit que Phinée fut tué par
Héraclès, quand celui-ci eut vu ses enfants à l'abandon et eut appris que Phinée
les avait chassés à cause des calomnies de l'épouse Scythe qu'il avait prise
après avoir répudié Cleiopâtré. Un vieillard se fit le dénonciateur de Phinée
auprès d'Héraclès. Aussi celui-ci, ayant découvert ces enfants innocents, les
amena à la maison paternelle. Phinée se levait et voulait jeter l'un d'eux à la
mer : Héraclès le tua alors à coups de pied. D'autre part, certains auteurs
jugeant peu vraisemblable que Phinée ait vécu tant de vies d'hommes, ont pensé
qu'il y a plusieurs personnages de ce nom et que c'est un autre Phinée, un
descendant de Phoinix au septième degré, que les héros rencontrèrent, et que-
celui-ci avait été privé de la vue pour avoir tendu des embûches à Pcrsée.
Apollodore, dans son récit de l'expédition des Argonautes (I, 9, 21) parle
longuement de Phinée et dit, comme Apollonios, que le vieux devin aveugle fut
délivré des Harpyes par les Boréades et, en récompense, enseigna aux héros la
route qu'ils auraient à suivre. La 269
cécité de Phinée viendrait, d'après Apollodore, soit de ce qu'il avait
indiscrètement révélé aux hommes l'avenir — tradition suivie par Apollonios —,
soit du fait de Borée et des Argonautes, en punition de ce qu'il avait aveuglé
ses enfants sur les instigations de leur marâtre, soit du fait de Poséidon, qui
l'aurait puni d'avoir indique aux enfants de Phrixos la route à suivre pour
revenir par mer de Colchide en Hellade. Ailleurs (III, 15, 2), Apollodore
raconte qu'Oréithyia, ravie par Borée, eut de lui deux filles, Cléiopâtré et
Chioné, et deux fils, Zétès et Calais. Cléiopâtré épousa Phinée et eut de lui
Plexippos et Pandion que leur père priva de la vue, trompé par les mensonges d'Idaia,
fille de Dardanos, qu'il épousa après Cléiopâtré. Les Argonautes, dans leur
voyage, le châtièrent de concert avec les fils de Borée. Cette tradition, on le
voit, est tout à fait contraire à celle qu'Apollodore rapporte dans son récit du
voyage des Argonautes. — Comme le mythe de Borée a reçu en Attique des
développements particuliers (Decharme, Myihol., p. 502-563), comme la
mère de Cléiopâtré, Oréithyia est une Attique, fille d'Érechthée ou de Pandion,
il est probable que c'est à Athènes que la tradition de la cécité de Phinée,
punition des mauvais traitements infligés aux enfants de Cléiopâtré, s'est
développée et qu'Eschyle et Sophocle l'ont mise au théâtre dans leurs pièces
intitulées Phinée, aujourd'hui perdues. Apollonios, qui devait rendre son Phinée
intéressant et sympathique, n'a eu garde de rien prendre à ces légendes, et il
donne à la cécité du vieux devin une origine honorable, qui en fait un héros
philanthrope, à la manière de Prométhée. Quant à la tradition rapportée par le
Scoliaste, d'après laquelle un autre Phinée aurait été privé de la vue pour
avoir tendu des embûches à Persée, Apoliodore (II, 4, 3) raconte à peu près la
même histoire dont le héros Phinée, fils de Bélos et frère de Céphée, fut change
en pierre par Persée. Heyne (ad Apollodori Bibliothecam observationes, I,
9, 21) fait observer avec raison que si les traditions sur Phinée sont si
différentes, cela vient de ce qu'elles ont été associées à beaucoup de légendes
diverses: De Phineo miris modis fabulas variatae exstant: quia et in
Argonauticis et in Heracliis eae tractatae, mox et in fabulas Atticas per
Cleopatram uxorem inductae, et in scenam productae fuere.
V. 205. Un état de sommeil stupide (κώματι). — Dübner : « Hoc ipso
verbo utuntur medici. » C'est-à-dire l'état comateux. Apollonios met une
grande exactitude dans les descriptions physiologiques. On en verra des exemples
au Chant III, à propos de Médée. Cf., en particulier, la note au vers 763 du
Chant III.
V. 224. De quelque repaire funeste et mystérieux. — Dübner : «Alicunde,
e loco funesto (ὀλεθρίῳ) : sic omnino interpretandum. »
V. 271. Au-dessus de la mer. — « Phérécyde, dans son livre VI, dit que
les Boréades les poursuivirent à travers la mer Égée et la mer de Sicile. » (Scol.)
Il est évident que, puisque les Harpyes sont en vue des Argonautes, alors
qu'elles planent au-dessus de la mer, c'est le Bosphore qu'elles traversent.
Elles ne peuvent se trouver déjà au-dessus de la mer Egée : la demeure de Phinée
est donc bien sur la côte thrace du Bosphore. Voir la note au vers 177.
270
V. 274. En avant (πρόσσω). — Merkel, dans son cdit. maior, adopte avec raison
l'heureuse conjecture πρόσσω, proposée par O. Schneider, au lieu de la leçon des
mss. suivie par toutes les éditions, ὀπίσω (à la suite), qui fait double emploi
avec le mot κατόπισθε du vers 273.
V. 276. Elles dépassaient en vitesse le souffle
du Zéphyre. — Cf. ce qu'Hésiode dit de leur vol rapide, Thêog., v.
268-269.
V. 279. De chevreuils (πρόκας) -- Le mot
πρόξ se trouve une fois dans Homère (Odyss., XVII, v. 296); les
Scoliastes l'expliquent par les mots δορκάς (chevreuil femelle! ou ἔλαφος (cerf,
biche). Le Scoliaste d'Apollonios donne du mot δορκὰς des explications
fantaisistes: « C'est un animal semblable au cerf qu'on nomme νεβρός (faon ou
chevreuil). Denys l'Athénien, dans ses Fondations des villes [je pense
que le Scoliaste confond Denys de Pergame, surnommé l'Attique (Strabon, 534,
33), avec Denys de Chalcis, auteur des Κτίσεις ou Fondations des villes
(Strabon, 484, 45)], dit que le cerf se nomme πρόξ, d'où le nom de la Proconnèse
[Προκόννησος], île où ces animaux abondent. Cette île est aussi nommée
Ἐλαφόνησος; [île des cerfs; cf. Plin., N. H., V, 151; Scylax, § 94,
distingue les deux îles]. D'autres lisent Prochonnèse [Προχόηηνσον].; et disent
que ce nom vient de ce que cette île fut réunie à une autre par des amas de
terre [προσεχώσθη]. Philétas dit qu'on nomme πρόξ la biche qui a mis bas pour la
première fois : ce mot équivaut à primipare [πρωτότοκος]. » — Je traduis ici
πρόξ par chevreuil, comme le fait Theil, dans son Dictionnaire d'Homère et
des Homêrides : car des faons ne seraient pas capables de distancer des
chiens de chasse.
V. 286. Iris.— Le Scoliaste fait remarquer
que, d'après Hésiode (fragment qui n'est connu que par cette allusion), c'est
Hermès et non Iris qui arrêta les Boréades. Il ajoute que le poète a raison de
supposer cette intervention d'Iris, puisqu'elle est sœur des Harpyes. Cf. Dübner
: « Rarissime ab love mittitur Iris; hoc autem loco sic factum quia, e
Thaumante et Electra, Harpyarum soror. » — En effet, Thaumas, second fils de
Pontos, a épousé une tille d'Océanos, Electre (la brillante.) Cette union
(Decharme, Mythol., p. 220) est une image des reflets éclatants de la
vague imprégnée d'azur et de lumière. De cette union naissent les météores
célestes qui semblent avoir leur origine dans les flots d'où on les voit
s'élever, au fond desquels on les voit rentrer : Iris (l'arc-en-ciel), qui
paraît d'ordinaire après l'orage, les Harpyes (les vents violents qui
ravissent tout), Aello (le souffle de l'ouragan), Ocypeté (la
tempête impétueuse), Celaeno (les nuées obscures).
V. 296. Les Strophades. — Le Scoliaste dit
qu'en donnant cette interprétation du nom des Strophades, Apollonios suit
Antimaque, dans sa Lydé; que, d'après Hésiode, ces îles devaient leur nom
nouveau à ce fait que Zétès et Calaîs, en s'en retournant, avaient adressé à
Zeus, honoré sur le mont Aînos, une prière pour qu'il retint les Harpyes en ce
lieu. — Plotées signifie, d'après le Scoliaste, « entourées d'eau de
toutes parts»; d'après Dübner « nantes insulae» [cf. Odyss.,
X, v. 3]. Certains auteurs, dit encore le Scoliaste, racontent que les Harpyes
furent tuées par les Boréades. Hésiode et Antimaque adoptent la tradition suivie
plus tard par Apollonios. — Strabon, qui ne parle pas du nom primitif de ces
deux îles, dit que les Strophades se 271
trouvent dans la mer de Sicile, à 400 stades de Cyparissia, ville de la. côte de
Messénie (308, 50). Le nom de Plotae est mentionné par Pline (N. H., IV,
53) et par Pomponius Mêla (II, 7).
V. 299. Une caverne de la Crète. — « Ce
fait est affirmé par Néoptolème. L'auteur des Naupactiques et Phérécyde,
dans son livre VI, disent que cette caverne de Crète est sous la hauteur Arginon.
[D'après Charon, cité par Pausanias (X, 38), l'auteur des Naupactiques
serait un nommé Carcinos de Naupacte. Keil (Index Scriptorum, p. 539, au
mot Hesiodus) adopte l'opinion qui attribue ce poème à Hésiode.] » (Scol.)—Apollodore
(I, 9, 21) suit des traditions toutes différentes de celles d'Apollonios. Il dit
que les Harpyes devaient être tuées par les Boréades; que l'une d'elles tomba
dans le fleuve Tigrés, du Péloponnèse, depuis nommé Harpys, et que l'autre
(Apollodore n'en compte que deux), s'enfuyant vers la Propontide, alla jusqu'aux
îles Échinades, qui, à cause d'elle, prirent le nom de Strophades, car elle se
détourna de sa course pour s'y arrêter et tomba de fatigue sur le rivage avec
celui qui la poursuivait. Les îles Échinades, sur la côte d'Étolie, n'ont aucun
rapport avec les Strophades. Apollodore est, je crois, le seul à faire mention
du fleuve Tigrés ou Harpys. Voir les notes critiques de Heyne à ce passage
d'Apollodore.
V. 306. Comme dans un songe. — « II
mangeait avidement avec un plaisir semblable à celui qu'on éprouve en songe,
n'osant même pas supposer, à cause de ce qu'il avait souffert, qu'il se
régalait, se croyant le jouet d'un rêve.» (Scol.) Dübner: « Sive : animum
cibo delectans; sive: animum delectans, tanquam in somnis ederet; scilicet, ei
videbatur quia dudum vere non vescitus erat. »
V. 318. Les roches Cyanées.— Voir la note
au vers 3 du Chant Ier V. 328. Faites d'abord un essai par le vol d'une
colombe. — « Asclépiade dit aussi, dans ses Histoires tragiques, que
ceux qui vont entreprendre une navigation se servent d'une colombe. » (Scol.)
V. 333. Car votre salut... — Dübner : «
Cato, ap. Sallust. : Frustra deos implores... »
V. 349. Le fleuve Rhébas... le cap Mêlas...
l'île Thynias...— Le Scoliaste dit que le fleuve Rhébas est un fleuve de
Bithynie; Strabon ne mentionne pas ce fleuve, non plus que le cap Mêlas, dont le
Scoliaste se borne à dire « cap ainsi nommé ». L'île Thynias est citée par
Strabon (405, 32). Le fleuve Rhébas est cité dans le Périple de Scylax, en même
temps que l'île Thynias (Geogr. Graec. Minor., Didot, vol. I, p. 67),
dans la Périégèse de Denys, qui donne de grands éloges au charme et à la
beauté de son cours (v. 794-796), dans le Périple d'Arrien (Geogr.
Graec. Minor., vol. I, p. 381), où il est question à la fois du fleuve
Rhébas et du cap Mêlas. — Je lis au vers 349 ἄκρην τε Μέλαιναν et non
ἀκτήν τε Μέλαιναν, qui est la leçon des mss. adoptée généralement par les
éditeurs, y compris Merkel; ἄκρην est une correction de Pierson, adoptée par
Brunck, Beck et Wellauer. D'ailleurs, le Scoliaste disait déjà : Μέλαιναν : ἄκτα
οὕτως καλουμένη).
V. 352. La terre des Mariandyniens. — Voir
la note au vers 140.
V. 353-355. Une route qui descend chef Adès...
le cap Achérousias... l'Achéron... — Strabon ne parle ni de ce cap ni de
ce fleuve. 272 On sait que le
marais Achcrousias et le fleuve Achéron sont dans la Thesprotide. Il semble
qu'ici Apollonios, servi par son érudition alexandrine, ait reproduit des
traditions locales qui assimilaient un cours d'eau tributaire du Pont au fleuve
fameux devenu fleuve infernal. Le Scoliaste constate, en effet, l'existence d'un
Achéron dans le pays des Mariandyniens; il dit que ce fleuve est près
d'Héraclée, qu'il passe pour descendre dans la demeure d'Adès et que les
habitants du pays nomment Achérousias un cap situé près de la même ville. «
Hérodore et Euphorion, dans le Xenion, disent que c'est par ce précipice
que Héraclès tira Cerbère sur la terre où il vomit son venin qui donna naissance
au poison nomme aconit. Andron de Téos, dans son Périple, dit que ce pays
eut pour roi un certain Achéron, qui fut père de Dardanis; ayant eu commerce
avec celle-ci, Héraclès la rendit mère d'un fils nommé Poimén. Dardanis et son
fils étant morts vers le même temps, des endroits voisins d'Héraclée furent
appelés de leurs noms Dardanis et Poimén. » (Scol.) Denys le Périégète rapporte
la même tradition au sujet de Cerbère : c'est, dit-il, sur la terre des
Mariandyniens que le chien du Cronide infernal, entraîne par les mains du
magnanime Héraclès, vomit son venin terrible (v. 789-792). Diodore de Sicile
raconte (XIV, 31) que, près d'Héraclée, colonie des Mégariens, se trouve la
presqu'île Achérousias, où, selon la tradition, Héraclès amena des enfers
Cerbère, après l'avoir tué. Voir, pour la presqu'île Achérousias, Hérodore (Fragm.
25, vol. II des Fr. Hitt. Graec., Didot), Eustathe {Comment, au vers 791
de la Périégèse de Denys). Le fleuve Achéron est aussi mentionné par Valérius
Flaccus (IV, v. 5g5). Cf. Pline (N. H., VI, 4) et Ammien Marcellin : «
Acherusium speciis, quod accolat μυχοπόντιον appellant... fluvii dîversi,
Acheron... » (XXII, 8, 17.) Ce fleuve est aussi connu sous le nom de
Soonautès. Voir la note au vers 746.
V. 359. Pélops l'Ênétéien. — Dübner: «Longe
alla igitur hoc loco de Pelope traduntur quant vulgo. » L'Alexandrin
Apollonios se garde bien en effet de suivre la tradition commune; il semble
qu'il remonte aux légendes les plus antiques. C'est assez tard que les poètes
tragiques font de Pélops le fils de Tantale. Au Chant II de l'Iliade, dans
l'énumération des possesseurs primitifs du sceptre d'Agamemnon, il est dit
qu'Hermès l'a transmis à Pélops, Pélops à Atrée, Atrée à Thyeste et Thyeste à
Agamemnon (v. 100-108). Il n'est pas question du père de Pélops : celui-ci
semble bien un fondateur de dynastie. Il n'y a rien d'impossible à ce que le
héros éponyme du Péloponnèse soit originaire de l'Asie septentrionale, qu'il
soit de la race de ces Énètes dont il est déjà question dans le Chant II de l'Iliade
(v. 852), et dont Strabon dit que, suivant une opinion commune, ils étaient les
premiers habitants de la Paphlagonie (465, 47). Strabon dit d'ailleurs (266, 44)
que Pélops était Phrygien et qu'il amena son peuple dans la partie de l'Hellade
qui prit ensuite son nom. Le Scoliaste constate que si, d'après Apollonios,
Pélops était Paphlagonien, selon d'autres, il était Lydien, et qu'Euphorion
admet les deux opinions.
V. 361. Carambis. — Le Scoliaste constate
qu'Ephore, dans son livre IV, fait sur le cap Carambis les mêmes observations
qu'Apollo- 273 nios. — Strabon
parle de ce cap à plusieurs reprises et remarque même (103, 17) qu'il divise
pour ainsi dire le Pont en deux mers. Le Carambis est également cité dans le
Périple d'Arrien, dans la Périégèse de Denys (v. 785), etc.
V. 365. Le vaste Aigialos. — C'est, en
effet, dit Strabon, une côte longue de cent stades où est situé le bourg
paphlagonien d'Aigialos (464, 47). Mais le géographe place l'Aigialos avant le
cap Carambis : « A l'Aigialos succède immédiatement le cap immense de Carambis,
qui s'avance vers les Ourses, en face de la Chersonèse Taurique. » (467, 7-9.)
C'est probablement à cause de cette erreur géographique d'Apollonios que les
éditeurs — Merkel lui-même dans son edit. minor — ont conservé la leçon des
mss., αἰγιαλός, signifiant un rivage. Dans son edit. maior, Merkel adopte
la correction Αἰγιαλός;, proposée par O. Schneider, d'après Meineke (Vind.
Strab., p. 192). D'ailleurs, un passage d'Eustathe, cité par Merkel, prouve
que les anciens lisaient Αἰγιαλός; dans ce passage d'Apollonios : « Αἰγιαλός
προσεχὴς τῷ πόντῳ μετὰ τὴν Κάραμβιν ἄκραν ὡς δηλοῖ Ἀπολλώνος. Eustath., ad II.,
p. 302, Lips. » II faut donc admettre qu'au temps d'Apollonios les géographes
alexandrins n'avaient pas sur la position de l'Aigialos l'opinion que Strabon
devait exprimer plus tard.— Dans sa note au vers 945, où il est encore question
de l'Aigialos, le Scoliaste dit expressément que cette cote s'étend au delà du
Carambis : « Après que le navigateur a doublé le cap Carambis, l'Aigialos
s'étend sur une longueur de neuf cents stades jusqu'à Sinope. » Meineke (Vind.
Strab., p. 214) a conjecturé mille stades au lieu de neuf cents. — On a déjà
vu (note au vers 176 du Chant 1er) que Merkel a aussi corrigé dans son edit.
maior en Αἰγιαλοῖο le mot αἰγιαλοῖο du vers 178 du Chant Ier.
V. 366. En un lieu où la grève fait saillie.
— Le texte porte ἀκτῇ ἐπὶ προβλῆτι; Wellauer veut écrire ἄκρῃ : « Nam
ἐπὶ πείρασιν αἰγιαλοῖο in fine littoris non est littus, sed promontorium;
praeterea supra etiam v. 354 non erat ἀκτή sed ἄκρη προβολής; postremo
conferatur Dionys. Perieg. v. 784, qui ex nostro loco profecit, et Orph.
Arg. v. 733. » D'abord, il faut remarquer qu'au vers 354 il n'y a pas dans
les mss. ἄκρη, qui est une correction de Pierson, mais bien ἀκτή; ensuite
αἰγιαλός; et ἀκτή ne sont pas, comme Wellauer le croit, deux synonymes du latin
littus: αἰγιαλός est une plage, ἀκτή une grève, où les
flots se brisent (de ἄγνυμι). Quand même on n'admettrait pas qu'Αἰγιαλός soit
ici un nom propre, on comprend sans peine qu'à une plage succède une grève qui
fait saillie. L'Halys, aujourd'hui le Kizil-Irmak, se jette dans la Mer Noire à
un endroit où la côte fait saillie, mais où il n'y a aucun cap. Enfin, les
passages de Denys le Périégète et du Pseudo-Orphée, invoqués par Wellauer, n'ont
aucune importance, puisque ces deux poètes disent que l'Halys se jette dans la
mer auprès du cap Carambis, lequel est séparé par tout l'Aigialos de
l'embouchure du fleuve.
Les eaux du fleuve Halys.— C'est un fleuve
de Paphlagonie bien connu. Strabon, qui en parle souvent, dit que son nom vient
des nombreuses salines (ἅλες) auprès desquelles il passe (468, 17).
V. 367. L'Iris. — Ce fleuve, souvent cité
par Strabon, ne manque pas d'importance, quoique inférieur au fleuve Halys
274
V. 370-371. L'embouchure du Thermodon... le cap Thémiscyréios. — Strabon
dit que le Thermodon parcourt la plaine de Thémiscyra (469, 8); d'après lui, à
l'embouchure du Thermodon, la côte basse et plate se compose de terrains
d'alluvions. — Je ne trouve aucune mention du cap Thémiscyréios ni dans Strabon,
ni dans les autres géographes grecs. C. Muller, dans ses notes au Périple
d'Arrien (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, p. 389), suppose que ce cap
est le même que le cap des Amazones, mentionné par Apollonius, au vers 965 du
même Chant. Le cap Thémiscyréios ou des Amazones ne serait autre que le cap
Héracléios cité par Strabon (469, 52) : « Haec duorum promontoriorum
distinctio nonnisi eo niti videtur, quod alto nomine poeta, alio geographi
eumdem locum appellant. »
V. 373. La plaine de Doias. — Strabon n'en
parle pas. Stéphane de Byzance dit, au mot Δοίαντος πεδίον : « C'est une plaine
de Phrygie; on dit qu'Acmon et Doias étaient frères. Ils ont donné leurs noms à
la forêt Doiantienne et à la forêt Acmonienne. » Voir la note au vers 992. «
Acmon et Doias [qui ne sont pas cités dans la bibliothèque d'Apollodore] étaient
deux frères. Aucune tradition, dit Phérécyde, n'enseigne quel était leur père.
Non loin de la plaine de Doias, sont les trois villes des Amazones, Lycastia,
Thémiscyra et Chadésia. Les Chalybes sont un peuple Scythe, voisin du Thermodon,
nommé de Chalybs fils d'Arès. » (Scol.) Pour les Amazones, voir la note au vers
995; pour les Chalybes, voir la note au vers 1001.
V. 377. Les Tibaréniens. — C'était, dit le
Scoliaste, un peuple Scythe voisin des Chalybes; Strabon cite souvent les
Tibaréniens. Voir la note au vers 1010.
V. 378. Le cap Génétaios de Zeus Euxène. —
C'est, dit le Scoliaste, un cap ainsi nommé du fleuve Génétès; il s'y trouve un
temple de Zeus protecteur des étrangers. Voir Strabon (469, 53).
V. 379. Les Mossynoiciens. — Voir la note
au vers 1016.
[V. 382-383.] Des demeures de bois... — Ces
deux vers, que Merkel place entre crochets et ne fait pas entrer en ligne de
compte, se trouvent dans le texte des mss. et de toutes les éditions antérieures
à celle de Brunck, qui les a rejetés comme interpolés. Depuis Brunck, certaines
éditions les ont conservés, entre crochets, d'autres (celles de Wellauer,
Tauchnitz, Didot, etc.) les ont absolument rejetés. Dans l'edit. minor de Merkel,
ils font partie intégrante du texte. Le second de ces vers se retrouve, dans
certains mss. et dans les éditions, à la suite du vers 1016.
V. 382. Une île au sol nu. — C'est l'île
Arétias. Il n'en est pas question dans Strabon. Scylax (Peripl., § 86) la
nomme Ἄρεως νῆσος. Cf. Pomponius Mêla, II, 7; Pline, N. H., VI, 32 : «
Chalceritis, quam Graeci Ariam dixerunt, Marti sacrant. » Au dire du
Scoliaste, dans le Phrixos d'Euripide (voir p. 819 de l'Euripide
grec-latin, Didot), il était parlé de cette île habitée par des oiseaux qui se
servaient de leurs plumes comme de flèches. Contrairement à la tradition
commune, d'après laquelle Héraclès aurait tué les oiseaux du lac Stymphale, ce
seraient ces mêmes oiseaux qui auraient fui devant le héros jusqu'à cette île du
Pont. Voir la note au vers 1052.
275
V. 387. Otréré et Antiopé. — Le Scoliaste constate qu'on ne sait pas dans
le cours de quelle expédition elles ont élevé ce temple.
V. 388. Un secours souhaité. — La rencontre
avec les fils de Phrixos et de Chalciopé. Voir le vers 1092.
V. 393-396. Les Philyres..., les Macrônes...,
les Bécheires..., les Sapeires..., les Byzères... — Les Philyres sont ainsi
nommés de Philyra, mère de Chiron. Voir la note au vers 1231. — Les Macrônes
sont un peuple du Pont que le Scoliaste (Ch. Ier, v. 1024) assimile aux Macriens
venus d'Eubée; les Sanniens qui habitent au delà de Trapézonte se nommaient
autrefois Macrônes, dit Strabon (470, 8); mais il ne dit pas qu'ils soient venus
de l'Eubée; Strabon ne mentionne pas les Bécheires; il dit que les Byzères
étaient des barbares, habitant la contrée montagneuse qui est au-dessus de
Trapézonte (470, 29). Le Scoliaste dit que les Sapeires devaient leur nom à
l'abondance des saphirs qui se trouvaient dans leur pays. Voir la note au vers
1242.
V. 397. Vous continuerez de naviguer... — «
Car après la Scythie la mer finit; le marais Méotide lui succède, après lequel
est l'Océan Arctique. » (Scol.)
V. 399. Cytais.— « La Colchide est ainsi
nommée delà ville Cytaia.» (Scol.) — Les Amarantes. — «Amarantes est une
ville du Pont. Quelques-uns croient que c'est le nom des montagnes de Colchide
d'où le Phase descend. Ce qu'ignorait Hégestrate d'Éphèse, qui a prétendu qu'on
appelait Amarantiennes les prairies du Phase, parce qu'elles étaient
florissantes et ne se flétrissaient pas [ἀμάραντος, qui ne se flétrit pas].
Ctésias dit, dans son livre II, que les Amarantes sont des montagnes de
Colchide. Le Phase, d'après Ératosthène, descend des monts d'Arménie et se jette
dans la mer, après avoir traverse le pays des Colchiens... Timée dit qu'une
plaine de Colchide se nomme Circaienne; ce nom vient de Circé, sœur d'Aiétès. »
(Scol.) Denys le Périégète dit aussi (v. 692-694) que le Phase, après avoir pris
sa source dans les monts d'Arménie, traverse la plaine Circaienne pour se jeter,
écumant, dans le Pont-Euxin. Cf. Avienus (v. 876) :
... Phasis... Circacaque lapsus in arva
Incidit Euxinum.
Priscien (v. 673) :
... Phasidos undae
Circaeosque secant campos.
— Voir la note au vers 1220 du Chant III sur le
Phase Amarantien.
V. 404. Le sombre bois sacré d'Arès. — «
Hellanicos dit que la Toison était dans le temple de Zeus. Beaucoup d'auteurs
font mention d'une plaine, dite plaine d'Arès, qui se trouvait en Colchide, et
d'une enceinte consacrée à Arès qui était dans cette plaine. » (Scol.)
V. 414. Après y avoir échappé. — Dübner : «
Peius : hos scopulos in reditu superantes. Potius: in expeditione tacienda;
nam hoc et haec verba et Phinei responsio liquida dant. »
V. 417. Aia, ville de Colchide... — Aia est
citée par Strabon (38, 12).
V. 421. Une autre route... — Dübner : «
Alium, id est diversum, ut vere accidit. Sed melius videtur : secundus cursus,
id est simpliciter reditus. » J'aime mieux une autre, sens du Scoliaste, qui
s'accorde avec le vers 414.
276
V. 424. Succès glorieux. — Dübner : « In hoc verbo sententiae pondus
est. »
V. 434. L'antre du mont Dicté. — Voir la
note au vers 509 du Chant Ier.
V. 447. Au comble du bonheur (ἀγλαίῃσιν).— Dübner
: « ἐντάρια, honores sepulcri. » Cette interprétation de D¨üner me semble
inadmissible : Phinée s'inquiète non pas d'avoir de belles funérailles, mais de
jouir, après une vie si pénible, du repos de la mort, qui comblera ses vœux.
Hoelzlin explique avec raison: « Anima corporis egressa ergastulo, etiam sine
usu oculorum, omnigena circumfundetur voluptate.» Mais il traduit d'une
manière assez vague: « Defunctus, omnis fiam nitoris compos. » Shaw
traduit, avec plus de précision : « Mortuus, omnium particeps ero bonorum.
» II est difficile de comprendre ce que Beck et Lehrs veulent dire exactement :
« Mortuus, omnibus fruar ornamentis. »
V. 450. Érigène. — Érigène, celle qui naît
le matin, est un surnom d'Eos (l'Aurore). Apollonios emploie la forme Ἠριγενής
(cf. Ch. III, v. 824), et Homère la forme Ἠριγένεια. Voir Decharme, Mythol.,
p. 243.
V. 456. Paraibios. — « Apollonios dit que
c'est un ami de Phinée, d'autres, un esclave fidèle. » (Scol.) Je ne sais à
quels autres auteurs le Scoliaste fait allusion, car on ne trouve nulle part
aucun renseignement sur ce Paraibios.
V. 460. La terre Thyniade. — Allusion évidente au
pays où demeure Phinée. Il est certain que ce n'est pas l'île Thynias, île du
Pont-Euxin, où les Argonautes, comme le leur prédit Phinée (v. 350), aborderont
(v. 673-719). Par une singulière inadvertance, l'auteur de l'Index de
l'Apollonios-Didot a cru qu'au vers 350 il était question de la demeure de
Phinée, et il dit : Thynias, insula littoribus Bithyniae adjacens, ubi
Phineus habitabat (II, 350); et plus loin : Thynias... insula, ubi Apollo
Argonautis primo mane apparuit... (II, 673-719).— Ce n'est pas davantage —
on l'a déjà dit à la note au vers 178 — cette Θυνιὰς ἀκτή, que Strabon mentionne
comme voisine de la ville d'Apol- lonie et de la côte de Salmydesse (464, 17).
Il s'agit ici de la terre de ces Thyniens, colonie des Thyniens d'Europe, qui
ont passé en Asie et peuplé la Bithynie. (Strab., 464, 14; 243, 35.)
V. 461. Arrêteraient, par l'ordre de Zeus...
— Dübner: « Omnino iungendum Διόθεν cum sequenti verbo σχήσουσιν.
»
V. 467. Adressa... ces paroles... — Dübner
fait remarquer la loquacité du vieillard.
V. 474. Reprendre haleine... — Dübner : «
Omnino non sumendum metaphorice; est respiratio in labore. »
V. 477. D'une nymphe Hamadryade. — Après
avoir cité Mnésimaque, qui dit que les Hamadryades naissent et meurent avec les
chênes, le Scoliaste emprunte à Charon de Lampsaque une histoire d'Hamadryade
qui fait le pendant de celle qui est racontée par Apollonios : Rhoicos, ayant vu
un chêne qui manquait d'être renversé à terre,
277 ordonna à ses enfants de l'étayer.
La nymphe, qui devait mourir en même temps que le chêne, apparut à Rhoicos, lui
dit combien elle lui était reconnaissante de l'avoir sauvée et lui permit de
demander ce qu'il souhaitait. Il osa lui demander d'avoir commerce avec elle et
elle promit de le lui accorder : mais qu'il se gardât de fréquenter une autre
femme; d'ailleurs, une abeille serait leur messagère. Un jour, pendant qu'il
jouait, l'abeille vint voler auprès de lui. Il prononça alors des paroles amères
qui mirent la nymphe en courroux au point qu'elle le priva de l'usage de ses
membres. Voir, sur les Hamadryades, Decharme, Mythol., p. 355.
V. 500. Cyrène. — Le Scoliaste cite les
traditions ayant rapport à Cyrène, fille du fleuve Pénée ou d'Hypseus, fils
lui-même du Pénée; enlevée en Libye par Apollon, qui s'unit à elle dans le lieu
où fut fondée la ville de Cyrène, elle enfanta Aristée. Voir Pindare, IXe
Pythique. Il est assez curieux qu'Apollodore, du moins dans ce qui nous reste de
sa Bibliothèque, ne parle pas de Cyrène (il cite une Cyrène, qui donna à
Arès Diomède, roi de Thrace), et se borne à dire d'Aristée, dont il est question
un peu partout (Diodore de Sicile, IV, 82; Pausa- nias, X, 17, 3, etc.), qu'il
fut père d'Actéon (III, 4, a). — « Phérécyde et Ariaithos racontent que c'est
sur un char traîné par des cygnes qu'Apollon fit enlever et conduire Cyrène à la
ville qui devait porter son nom. Agroitas, dans le livre Ier de ses Libyques,
dit qu'Apollon l'amena d'abord en Crète et, de là, en Libye... Mnaséas dit que
c'est de son propre mouvement, et non pas enlevée par Apollon, qu'elle alla en
Libye. Acésandros, dans son histoire de Cyrène, raconte qu'au moment où Cyrène
fut amenée en Libye par Apollon, Eurypylos, roi du pays où devait s'élever la
ville de Cyrène, avait promis la royauté en récompense à celui qui tuerait un
lion par lequel le pays était dévasté : c'est Cyrène qui le tua ; elle eut pour
fils Autouchos et Aristée. Phylarque dit qu'elle arriva en Libye avec plusieurs
compagnons, et que, ceux-ci ayant été envoyés à la poursuite du lion, elle se
joignit à eux. [Pindare raconte tout autrement cette lutte légendaire de Cyrène
contre le lion.] Certains auteurs, Bacchylide entre autres, comptent quatre
héros du nom d'Aristée : l'un, fils de Carystos, un autre fils de Chiron, un
troisième fils de Gaia et d'Ouranos, et enfin le filsde Cyrène. » (Scol.) Voir,
pour la légende d'Aristée, Decharme, Mythol., p. 491-492.
V. 504. L'Haimonie. — « C'est la Thessalie,
ainsi nommée d'Haimon, fils d'Arès. » (Scol.) Voir Strabon (381, i3). Haimon fut
père de Thessalos. Voir la note au vers 1090 du Chant III.
V. 505. Le Myrtose. — Strabon ne parle pas
de cette montagne, qui est, dit le Scoliaste, voisine de Cyrène. Callimaque cite
le Myrtose (Hymne à Apollon, v. 91).
V. 507. Agréas et Nomios. — « Parce que
c'est dans un champ [ἐν ἄγρῳ] qu'Apollon s'unit à sa mère qui était bergère [νεμούσῃ].
D'autres disent que ces noms lui viennent de ce qu'il enseigna aux 'bergers à
cultiver les champs. » (Scol.) Ἀγρεύς signifie le chasseur, plutôt que le dieu
des champs, et Νόμιος, le protecteur des troupeaux.
V. 509. Chasseresse.— Le Scoliaste justifie
ce surnom par l'histoire de la chasse au lion, rapportée dans la note au v. 500.
278
V. 510. Chiron. — Voir la note au vers 554 du Chant Ier.
V. 511. Pour le marier.— C'est Autonoé,
fille de Cadmos, que les Muses firent épouser à Aristée (Apollodore, III, 4, 2).
V. 514. La plaine Athamantienne. — « Cette
plaine, située près d'Halos, fut ainsi nommée d'Athamas, qui habita Halos, ayant
quitté son royaume par suite de folie. » (Scol.) Il s'agit d'Athamas, fils d'Aiolos,
frère de Crétheus, oncle de Pélias et père de Phrixos et d'Hellé. (Voir la note
au vers 3 du Chant Ier.) Victime d'Héra, acharnée contre lui et sa seconde femme
Ino, fille de Cadmos et sœur de Sémélé, dont elle avait recueilli le fils
Dionysos, Athamas devint fou et tua, dans son égarement, Léarchos, un des fils
qu'il avait eus d'Ino. Il quitta son royaume de Béotie et alla fonder la ville
d'Halos (Strabon, 371, 47) en Phthie. (Cf. Pausanias, IX, 24).
V. 515. L'Othrys. — C'est un mont de
Thessalie (Strabon, 371,4»; 374, 4); pour le fleuve Apidanos, voir la note au
vers 36 du Chant Ier.
V. 516. Les iles Minoides. — « II désigne
ainsi les Cyclades que Minos de Crète gouvernait, comme maître de la mer et des
Iles. » (Scol.) Cette θαλασσοκρατία, que le Scoliaste attribue à Minos, est
confirmée par le témoignage de Strabon (40, 31).
V. 517. Seirios. — C'est le chien du
chasseur Orion, la plus brillante des étoiles fixes, qui fait son apparition
dans le crépuscule du matin, au plus fort de l'été, alors que les chiens
deviennent enragés : Seirios symbolise tous les effets funestes de la Canicule.
Voir Decharme, Mythol., p. 150. Le Scoliaste veut que Seirios soit une
altération du mot Ζείρος; venant de ζέσις; (ébullition) : mais Seirios
appartient évidemment à la même racine que σέλασ, Σελήνη.
V. 520. Ccos. — L'île de Céos est une des
Cyclades. Sur les monnaies de Céos on voyait, en mémoire du fait rapporté par
Apollonius, la tête d'Aristée et l'image de Seirios, sous la forme d'un chien
couronné de rayons. Voir Decharme, Mythol., p. 261.
V. 521. Parrhasiens... de la race de Lycaon.
— « Les Parrhasiens sont un peuple d'Arcadie, ainsi nommés de la ville de
Parrhasios. » (Scol.) Strabon, qui place ce peuple (333, 21) au sud de
l'Arcadie, ne cite pas la ville de Parrhasios. Lycaon, fils de Pélasgos et de
Méliboia ou de Cyllène (Apollodore, III, 8, i), premier roi des Arcadiens, fut
métamorphosé en loup (Pausanias, VIII, 2). — L'Iliade (II, v. 608) mentionne la
ville de Parrhasia. (Cf. Pline, N. H., IV, 20.)
V. 522. Zeus qui répand la pluie. — Zeus
pluvieux (Ἰκμαῖος, d'ἰκμάς;, pluie) avait en effet un temple à Céos, dit le
Scoliaste. Dieu de tous les phénomènes atmosphériques, Zeus est honoré en
beaucoup d'endroits comme dieu de la pluie, avec des surnoms analogues à
celui-ci. Voir Decharme, Mythol., p. 18, et Preller, Griech. Mythol.,
erster Band, dritte Auflage, p. 114 et 374.
V. 526. Pendant quarante jours. — « Les
vents Étésiens soufflent pendant quarante jours, disent les uns, pendant
cinquante, disent les autres, par exemple Timosthène. Ils commencent quand le
soleil est à la fin du Cancer; ils soufflent pendant tout le Lion et cessent aux
deux tiers de la Vierge. » (Scol.) — Les prêtres... — Voir Diodore de
Sicile, IV, 82.
279
V. 528. Retenus par les vents. — Le Scoliaste fait observer que, venant
du nord, les vents Étésiens sont, en effet, contraires aux navires qui veulent
entrer dans le Pont.
V. 532. Au delà de la demeure de Phinée (πέρην).
— « Le poète veut dire qu'ils traversèrent le détroit pour aller construire cet
autel aux douze dieux en face d'eux (πέραν), sur la côte d'Asie. Il est donc
évident qu'ils étaient alors en Europe. Il y a encore maintenant sur la côte
d'Asie, en face de l'Europe, un lieu consacré ainsi nommé. Timosthène dit que
les fils de Phrixos élevèrent douze autels aux douze dieux, et que les
Argonautes n'en élevèrent qu'un à Poséidon. Hérodore dit que l'on sacrifia sur
l'autel où Argos, fils de Phrixos, avait sacrifié à son retour. » (Scol.) Le
sens attribué par le Scoliaste au mot πέρην me semble inadmissible. Brunck
rejette le mot πέρην, qu'il remplace par πάρος;, ou par πέλας, et il explique :
« In litoris extrema ora ad mare, » Büttmann (Lexilog., II, p.
31), cité par Wellauer, conserve πέρην, en lui attribuant le sens de ex
adverso: « Monet... aram enim illam duodecim Deorum in littore Asiatico
exstructam fuisse, ubi nomine Ἱερόν a multis scriptoribus commemoratur.
» Pourquoi, étant en Europe avec Phinée, les Argonautes iraient-ils construire
leur autel sur le continent opposé ? Comme περήν signifie au delà, je crois
qu'on peut comprendre ce vers, à peu près comme Brunck : ils élèvent l'autel au
delà de la demeure de Phinée, plus près de la mer, d'où il pourra être aperçu
par les navigateurs.
V. 536. Les doubles amarres (διπλόα
πείσματα). — Le poète ne dit pas que les amarres soient au nombre de deux; il
indique qu'elles sont doublées. Les Argonautes ont amarré en faisant, pour
obtenir plus de solidité, ce que l'on appelle aujourd'hui un tour-mort. « Un
Tour mort est le Tour que l'on fait avec un cordage sur un autre cordage, ou sur
un objet quelconque, avant de faire un nœud, et pour qu'il y ait plus de
frottement exerce, et, par suite, plus de solidité dans le nœud. » (Dictionnaire
de Bonnefoux et Pâris.)
V. 541. Tel un homme... — Le Scoliaste
remarque que c'est une comparaison homérique (lliad., XV, v. 80). Mais
cette mélancolie, qui ne se trouve guère dans l'Iliade et qui est si
profonde ici, ne serait-elle pas une impression du temps où Apollonios était
loin d'Alexandrie?
V. 543. Toutes les villes. — Au lieu de
κέλευθοι (routes), leçon des mss., qui semble amenée par le mot κέλευθος
du vers 644, avec lequel κέλευθοι fait double emploi, Merkel admet le mot πόληες
(villes), que le Scoliaste, d'ailleurs, d'après son commentaire, paraît
avoir lu dans son texte.
V. 559. Les derniers. — Puisque, dit le
Scoliaste, le destin avait arrêté que ces roches deviendraient stables, une fois
qu'un navire les aurait traversées.
V. 562. La colombe. — « Asclépiade aussi
dit, dans le livre II de ses Histoires tragiques, que les Argonautes
firent l'épreuve, des Symplégades au moyen d'une colombe. » (Scol.)— Voir la
note au vers 328.
V. 575. Par lui-même (αὐτή). — Les mss. ont αὖτις.
Kocchly, se fondant sur la leçon du vers 1268 du Chant IV, αὐτὴ πλημμυρίς écrit
de même ici αὐτὴ πλημμυρίς. Merkel adopte cette correction, et change au
280 vert 674 αὖθις. leçon des mss., en
αὖτις. Il estime avec raison que ce rapprochement des deux mots αὖτις et
αὖθις, placés à la tin de deui vers qui se suivent immédiatement, est dû à
quelque grammairien qui aura voulu donner un exemple frappant de la différence
de leur sens, différence que l'usage d'Apollonios ne semble pas confirmer dans
les Argonautiques.
V. 591. La violence des flots le faisait
reculer. — Je traduis suivant l'interprétation de Wellauer qui se fonde sur
le Scoliaste : « Quantum quovis remorum impulsu provehebatur Argo, bis
tantum retro vehebatur, fluctuant vi rejecta. » L'explication erronée de
Beck « quantum vero cedebat navis remigibus, bis tantum aequor resiluit »
est reproduite par Lehrs.
V. 601. Les ornements du haut de la poupe (ἀφάστοιο
ἄκρα κόρυμβα). — Il a déjà été question de l'ἄφλαστον (note au vers 1089 du
Chant Ier). L'expression ἄκρα κόρυμβα se trouve dans l'Iliade (lX., v. 241). «
C'est, dit M. Cartault (ouvr. cité, p. 82), une expression poétique qui
s'applique aux uns aussi bien qu'aux autres [aux ἄφλαστα comme aux ἀκροστόλια »
Le vers qui fait l'objet de cette note contredit l'affirmation suivante de M.
Vars : « L'étambot ne se terminait pas en arête brusque, mais se recourbait en
volutes élégantes, et représentait tantôt une aigrette, tantôt un corymbe. Cette
partie se nommait τὸ ἄφλαστον, poétiquement τὰ ἄκρα κόρυμβα. » (Ouvr. cité,
p. 55.) D'abord, les ἄκρα κόρυμβα ne sont pas un synonyme poétique de l'ἄφλαστον,
puisque nous avons ici les ἄκρα κόρυμβα de l'ἄφλαστον et, ensuite, les ἄκρα
κόρυμνα se trouvent aussi bien à la proue qu'à la poupe.
V. 602. Par le choc obstiné (νωλεμές,
d'une manière continue). — Ce mot qui se retrouve au vers 605 (d'une
manière stable) semble à Dübner hors de propos au vers 602 : le critique
préférerait quelque mot ayant le sens de celeriter. Au vers 605, Brunck, pour
éviter la répétition du terme, propose ἐμμενές qui a le même sens, et que Dübner
désapprouve; Merkel pense qu'Apollonios a pu écrire νωχελές, qui signifie
d'une manière lente et lourde.
V. 606. Les aurait vus (῎δών). — Dübner
trouve que le mot est ici déplacé, et qu'il faudrait peut-être ἰών. Wackefield
avait, dit Wellauer, déjà fait cette conjecture qui est d'ailleurs la leçon d'un
des mss. du Vatican. Wellauer repousse la leçon ἰών, disant que ἰδών signifie
ici «vivens, ut saepe»; il est plus simple d'expliquer, comme Hoelzlin, «
interius videns ».
V. 611. Grâce au navire (αὐτῇ νηί).— Le
Scoliaste propose deux sens: que nous sommes sauvés avec le navire (en
sous-entendant σύν, ce qui arrive souvent devant le datif d'αὐτός), ou grâce au
navire même : la fin du discours de Tiphys montre bien que tel est le sens.
V. 614. Avec des chevilles. — Voir la note
au vers 79.
V. 631. Nuit gémissante. — Le Scoliaste
rapproche ces vers de l'Odyssée (XXII, v. 195).
V. 637. Vous ramener. — Merkel adopte, dans
son edit. maior, ὕμμε, leçon du Guelf. et conjecture de Brunck, au lieu de la
leçon vulgaire ἄμμε, qu'il avait lui-même dans son edit. minor. Wellauer défend
ἄμμε : « Sensus est : Sollicitus sum, an salvi redituri simus, verum non
mea 281 sed vestra causa. » Cette
nuance semble bien subtile. Oublier dit, de son côté : « Rectius in editionibus
veteribus ἄμμε qui ipse cum illis domum reverti vult. » Mais Jason vient
de dire qu'il ne pense pas à lui : il se préoccupe uniquement du retour de ses
compagnons et non du sien propre. La leçon ὕμμε semble donc la meilleure.
V. 650. Le Rhébas... le rocher de Coloné... le
cap Mêlas. — Voir la note au vers 349. — Coloné est une hauteur près du
fleuve Lycos. Nymphis d'Héraclée, dit le Scoliaste, en fait mention dans son
livre sur Héraclée. Strabon n'en parle pas.
V. 652. Les bouches du fleuve Phyllis. — «
Le Phyllis est un fleuve de Bithynie. » (Scol.) Strabon ne parle pas de ce
fleuve; mais il dit (405, 19) qu'au nombre des fleuves de Bithynie qui coulent
entre Chalcédon et Héraclée il s'en trouve un nommé le Psillis. Se fondant sur
ce passage de Strabon et sur une phrase du livre VI de Pline où il est question
du Psillis, Brunck voudrait écrire Ψιλληίδας au lieu de Φυλληίδας : niais
Wellauer fait remarquer que Stéphane de Byzance indique nettement, aux mots
Φυλλίς et Ψίλιον, l'existence en Bithynie de deux fleuves bien distincts, le
Phyllis et le Psillis. D'ailleurs, Pline ne parle ni de l'un ni de l'autre de
ces fleuves puisque la vraie leçon du passage sur lequel Brunck s'appuyait est
Syris (N. H., VI, 4).
V. 653. Dipsacos. — Ce héros était fils du fleuve Phyllis et d'une nymphe du
pays dont le Scoliaste ne dit rien de plus qu'Apollonios et dont Apollodore ne
parle pas. Le Scoliaste ajoute que Phrixos fit chez Dipsacos un sacrifice à Zeus
Laphystios. La légende de Phrixos est intimement liée au culte de Zeus
Laphystios, le dieu glouton (λαφύσσω, dévorer), ou le dieu du mont Laphystion en
Béotie (Pausanias, IX, 34, 5), qui était spécialementadoré à Orchomène
(Pausanias, I, 24, 2). C'est à Zeus Laphystios qu'Athamas voulait sacrifier
Phrixos. Voir Preller, Griech. Mythol., zweitcr Band, dritte Auflage, Athamas
und die Athamantiden, p. 310 et suiv.
V. 659. Le Calpé. — Ce fleuve, dont le Scoliaste ne dit rien, est probablement
le Calpas, fleuve de Bithynie, que Strabon (465, 20) cite immédiatement après le
Psillis. C'est à l'embouchure de ce fleuve que se trouve le port Calpé, cité par
Pline (Calpas portas, N. H., VI, 4), par Xénophon (Κάλπης λιμήν,
Anabase, VI, ii,
13, etc.), par Arrien (Peripl., § 17 et 18), etc.
V. 662. Tels fendant le sol... — « La nage était extrêmement fatigante...
Apollonius compare ses héros à des bœufs couverts de sueur qui tracent
péniblement leur sillon. » (Cartault, ouvr. cité, p. 122.)
V. 673. L'île Thynias.— Voir la note au vers 349. Le Scoliaste ajoute ici, à
propos de cette île, que, d'après Nymphis d'Héraclée, elle a sept stades de
périmètre; et que Callisthène dit, dans son Périple, que les Hellènes appelaient
l'île et le pays Thynias, et les barbares Bithynie.
V. 675. Des hommes Hyperboréens. — Pour ce qui concerne
Apollon Hyperboréen,
voir Decharme, Mythol., p. 107-109. Le Scoliaste donne des renseignements sur le
peuple mythique des Hyperboréens : « Hérodote [IV, 36] dit qu'il n'y a pas
réellement d'Hyperboréens, puisque, s'il y a des peuples au delà de Borée, il
doit y en avoir au delà de Notes. [Sur cette opinion d'Hérodote, voir Strabon,
51, 35.] Poseidonios dit 282 qu'ils existent et habitent aux environs des Alpes
d'Italie. Mnaséas dit que les Hyperboréens se nomment maintenant Delphiens.
Hécatée dit que, jusqu'à son temps, il existait un peuple Hyperborëen. Il a
composé un livre avec ce titre : Des Hyperboréens. Il y avait trois races d'Hyperboréens : les Épizéphyriens, les Épicnémidiens et les Ozoles. » Quand il
dit que les Hyperboréens se nomment maintenant les Delphiens, Mnaseas fait sans
doute allusion aux traditions sur les Hyperboréens qui avaient cours à Delphes :
Apollon serait venu du pays des Hyperboréens à Delphes, et, nouveaux serviteurs
du dieu, les Delphiens auraient remplacé les Hyperboréens dans l'office de
θεράποντες Ἀπόλλωνος. Les Delphiens seraient donc, au temps de Mnaseas. les
successeurs des Hyperboréens. Diodore de Sicile (II, 47) résume les traditions
d'Hécatée sur les Hyperboréens. — Quant à cette division des Hyperboréens en
Épizéphyriens, Épicnémidiens et Ozoles, division qui n'est mentionnée, à notre
connaissance, nulle part ailleurs que dans cette scolie, elle semble le résultat
d'une confusion entre les Hyperboréens et les Locriens dont les diverses tribus
entourent la Phocide où se trouve Delphes. On sait, en effet, que les Locriens
se divisent en Épicnémidiens, Épizéphyriens, Opuntiens et Ozoles (Strabon, 357,
25 et suiv.; 215, 32 et suiv.).
V. 686. Apollon Matinal. — « II y a dans l'île Thynias un temple d'Apollon.
Hérodore dit que, s'il est nommé Apollon Matinal, et si un autel lui a été élevé
dans l'île, ce n'est pas parce que le dieu leur est apparu au point du jour,
mais parce que les Argonautes ont débarqué au point du jour.» (Scol.) Sur
Ἀπόλλων Ἑώιος, voir Preller, Griech. Mythol., erster Band, dritte Auflage, p. 199.
V. 699. Leurs cuisses dans une double enveloppe de graisse. — Je traduis comme
Beck : « Duplicata (duplici omento involuta) femora. » Dübner explique cette
expression par l'expression homérique δίπτυχα ποιήσαντες; (Iliad., I, v.
461), qui signifie la double couche de graisse dont on enveloppe les cuisses des
victimes.
V. 704. Bistonie. — Voir la note au vers 34 du Chant !er.
V. 706. Delphyné. — C'est, dit le Scoliaste, d'après Maiandrios et Callimaque,
le nom du dragon femelle qui gardait l'oracle de Delphes. Apollodore donne le
nom de Delphyné à un monstre moitié serpent, moitié femme, qui garda Zeus
enchaîné par Typhon (I, 6, 3). On sait que, d'après la tradition ordinaire, le
monstre vaincu par Apollon est le serpent Python. Voir Decharme, Mythol., p.
103-105. Preller (Griech. Mythol., erster Band, dritte Auflage, p. 194)
s'appuie justement sur ce vers d'Apollonios et sur les scolies qui
l'accompagnent pour conjecturer que c'est une tradition alexandrine qui a
remplacé, dans la légende d'Apollon vainqueur du serpent, le monstre Python par
le dragon femelle Delphyné.
V. 707. Et combattait nu. — Le Scoliaste explique par
« qui n'a pas atteint la
puberté», et Dùbner par « impubes, sine lanugine », interprétations du mot
γυμνός;
qui semblent peu exactes. D'ailleurs, Apollon, plus âgé, n'est pas représenté
barbu. Schneider proposait τυννός, enfant. Hoclzlin traduit γυμνός; par
inermis
ou « imberbis, seu investis, aut magis impubes ». Brunck adopte ce dernier sens.
283
V. 710. La Coiogène Létô. — Léto est fille de Coios et de Phoibé. Coios était un
Titan, et Phoibé, une Titanide, fille d'Ouranos et de Gaia, comme Coios
(Hésiode, Théog., v. 134 et suiv., v. 404 et suiv.; Apollodore, I, 2, 4). Dübner
trouve ce détail trop familier: « Gaudet Latona crines eius permulcens : epico
poeta indignum l»
V. 711. Les Nymphes Coryciennes, filles de Pleistos. — Le Scoliaste dit que,
dans le Parnasse, il y avait un antre nommé Corycien de la nymphe Corycia, qui
eut d'Apollon un fils nommé Lycoreus (voir la note au vers 51), de qui Delphes
se nomma Lycoréia. Le fleuve Pleistos est un fleuve du pays; quant au Parnasse,
d'après Hellanicos, il dut son nom à Parnassos, héros indigète. Andron dit que
cette montagne s'appela d'abord Larnassos parce que le vaisseau (λάρναξ) de
Deucalion y aborda, et ensuite Parnassos, par suite de l'altération de la
première lettre. Les nymphes Coryciennes encourageaient le dieu alors qu'il
lançait ses flèches au dragon ; elles lui criaient : « Lance, lance (ἵη, ἵη)
tes traits!» d'où le surnom d'ἰηπαιήων. — Strabon (358, 11) dit que l'on
connaît bien ce bel antre Corycien des Nymphes situé dans le Parnasse ; le
Pleistos est un fleuve de Phocide (359, 15). Lycoréia est une ville située
au-dessus de Delphes; ses habitants l'abandonnèrent pour s'établir à Delphes
même (359, 11). D'après Macrobe (Sat., I, 17), Apollodore aurait donné une autre
étymologie du surnom d'Apollon : Apotlodorus in libro quartodecimo
Περὶ Θεῶν, ἰήιον Solem scribit ita appellari Apollinem ἀπὸ τοῦ κατὰζ τὸν
κόσμον ἱέσθαι καὶ ἱέναι, quod sol per orbem impetu fertur. » La différence d'aspiration entre
ἱέσθαι, ἱέναι et ἰήιον semble s'opposer à cette étymologie comme aussi à celle du
Scoliaste (ἵη etἰππαιήων). Le surnom d'Apollon vient plutôt de
l'interjection ἴή (de ἴά, cri).
V. 722. Sangarios. — « Le Sangarios est un fleuve de Phrygie, nommé Sangaros, au
dire d'Asclépiade de Myrléa. Hermogène, dans son livre sur la Phrygie, dit qu'un
certain Sangas, ayant été impie envers Rhéa, fut changé en ce fleuve qui, de
lui, se nomma Sangarios. Dans les environs, dit Xanthos, il y a un temple de
Déméter, déesse des montagnes. » (Scol.) Strabon parle souvent du Sangarios,
fleuve de Bithynie (cf. 482, 14; 465, 21, etc.). Apollodore dit que, suivant
certaines traditions, Hécube, que l'on donne ordinairement pour la fille de
Dymas ou de Cissée, était la fille du fleuve Sangarios (III, 12, 5).
V. 723. Mariandyniens. — Voir la note au vers 140.
V. 724. Le cours du Lycos. — « Le Lycos est un fleuve qui porte le même nom que
le roi, et qui coule au travers du pays des Mariandyniens. Le nom du marais
Anthémoéisis vient de la fille de Lycos, femme de Dascylos, le fils de Tantale.
» (Scol.) Strabon, qui parle du Lycos d'Arménie, affluent de l'Iris, du Lycos de
Phrygie, affluent du Méandre, etc., ne cite pas le Lycos de Bithynie, dont il
est d'ailleurs question dans Scylax (Peripl., § 91), dans Xénophon (Anabase, VI,
ii, 3), dans Arrien (Peripl., § 18), etc., et peut-être dans Ovide (Pont., IV, i,
v. 47), à côté du Sangarios :
Huc Lycus, hue Sagaris...
Apollodore parle de Lycos dans son récit de
l'expédition des Argonautes 284
(I, 9, 23); il dit aussi (II, 5, 9) quel secours Héraclès lui avait porté contre
les Bébryces; dans les Argonautiques (Ch. II, v. 774 et suiv.), c'est à Dascylos,
père de Lycos, que le héros rend ces services. Le fils de Lycos se nomme aussi
Dascylos (Arg., Ch. II, v. 803). Le Scoliaste dit, dans sa note au vers 732,
qu'une fille du fleuve Lycos, nommée Anthémoéisis, femme de Dascylos, fils de
Tantale, fut la mère de Lycos, l'hôte des Argonautes. Cette descendance du roi
Lycos est, dit le Scoliaste, attestée par Hérodore et par Nymphis, dans le livre
Ierde son ouvrage sur Héraclée. Le fleuve Lycos a donc une fille nommée
Anthémoéisis, qui, mariée à Dascylos, a pour fils Lycos, roi des Mariandyniens,
lequel a, à son tour, un fils nommé Dascylos.
V. 725. Les câbles qui maintiennent la voile (κάλωες)
et tous les agrès du
navire (ὅπλά τε νήια πάντα). — On a vu (note au vers 566 du Chant Ier) que les
κάλωες; sont proprement les cargues. Pour ce qui est des ὅπλα, d'après M. Vars (ouvr.
cité, p. 61), dans le navire antique « l'armement total se nommait ἡ σκεύη.
Le gréement et la voilure se nommaient τὰ ὅπλα: le gréement seul, τὸ σκεῦος. »
Les instruments en bois se nommaient τὰ σκεύη ξύλινα, les cordages ou
manoeuvres, τὰ σκεύη κεμαστάi : d'après Pollux, cité par M. Cartault (ouvr.
cité, p. 54), on désignait les uns et les autres sous le nom commun de τὰ ὅπλα
: « Τὰ δὲ σύμπαντα σκεύη ὅπλα καλεῖται. »
V. 728. Achérousis. — Le Scoliaste dit que tous ces détails sur le cap
Achérousis, voisin d'Héraclée, se trouvent dans le livre Ier de l'ouvrage de
Nymphis sur Héraclée, où Apollonios semble les avoir pris.
V. 734. A l'intérieur...— « Dans la partie du cap Achérousis, qui est tournée
vers le continent et vers le midi, se trouve la caverne de l'Achéron et l'abîme
souterrain. » (Scol.)
V. 743. Les bouches du fleuve Achéron. — Voir
la note aux vers 353-355.
V. 743. Du côté de l'Orient. — Je traduis suivant le texte ordinaire
ἠοίην (cod.
Laur. et Guelf., edit. minor de Merkel, etc.) ἠῴην (mss. de Paris, édit. vulg
). Dans son edit. maior, Merkel prétend que ce mot ici n'offre pas de sens, car
le golfe où se jette le fleuve est du côté de l'Occident, comme le disent les
scolies et comme le montrent les cartes de géographie. Je ne sais pas si le golfe
en question est indiqué par beaucoup de cartes ; en tout cas, je ne le trouve
pas dans la carte du Strabon-Didot. Quant au Scoliaste, qui n'est pas d'ailleurs
généralement infaillible en pareille matière, il dit, dans sa note au vers 743 :
« Le poète dit que l'Achéron... se jette dans la mer du côté de l'Orient (πρὸς
ἀνατολάς;). » Quoi qu'il en soit, le texte du poète n'indique pas d'une manière
précise l'orientation du golfe. Merkel conclut : « Aut igitur scribendum
Ἠοίην pro nomine eius sinus, aut temptanda emendatio. » La correction tentée est
Ἰονίην
: « lonium mare pars occidentalis Ponti Euxini etiam Δ 288, 308 nuncupatur.
Ammianus Marc. (XXII, 13): Bospori vocati quod per eos quondam Inachi filia...
ad mare lonium permeavit. » Nous verrons aux vers 289 (non 288) et 308 du Chant
IV quelle est la valeur des renseignements géographiques donnés par Apollonios
au sujet des bouches de l'Ister. Quant à
285 Ammien Marcellin, son autorité en
matière de géographie n'a pas lieu d'être invoquée ici; dans le passage de son
histoire que Merkel cite à l'appui de sa thèse, il est question des voyages d'Io
: «Le nom des Bosphores de Thrace et de Cimmérie vient de ce que la fille d'Inachus,
transformée en génisse, comme parlent les poètes, les traversa pour se rendre
dans la mer Ionienne. » Or, M. Decharme (Mythol., p. 63z) dit fort bien, à propos
de la fille d'Inachus: « La fantaisie géographique des poètes s'était plu à
décrire son itinéraire vagabond, itinéraire qui varie chez Eschyle lui-même. La
tradition qui lui fait diriger d'abord sa course vers la mer Ionienne a sa
raison unique dans le rapprochement établi par les Grecs entre le nom de cette
mer et celui de la fille d'Inachus. » Les poètes n'ont jamais pensé à une mer
Ionienne qui fût la partie occidentale du Pont-Euxin. D'ailleurs, puisque Ammien
dit que lo a traversé les Bosphores pour se rendre dans la mer Ionienne, il
donne à entendre qu'elle est sortie du Pont-Euxin pour arriver à la mer
Ionienne, qui ne peut donc faire partie du Pont.
V. 746. Le Soonautès. — Ce second nom de l'Achéron se retrouve dans Pline (VI,
4): «Fliumina... Callichorum, Sonautes.»
V. 747. Les Mégariens de Nisaia. — Nisaia, ville de la Mégaride, ainsi nommée de
son fondateur Nisos, servait de port et d'arsenal à Mégare dont elle était peu
distante (Strabon, 337, 12; 336, 32). Le Scoliaste place l'événement raconte par
Apollonios pendant le voyage que firent les Mégariens pour aller s'établir à
Héraclée. Mais, d'après Strabon (464, 24), Héraclée, ville du Pont, située sur
le territoire des Mariandynicns, est une colonie de Milet et non de Mégarc.
Arrien dit, d'autre part (Peripl., § 18), qu'Héraclée est une ville grecque
dorienne, colonie des Mégariens.
V. 758. Avec les Bébryces. — Le Scoliaste dit que, dans ces fréquentes guerres
avec les Bébryces, les Mariandyniens étaient le plus souvent vaincus, et que
Priolas, frère ou, suivant d'autres, fils de Lycos, avait été tué par Amycos.
Dans sa note au vers 780, le Scoliaste dit que Priolas, qui semble d'ailleurs
inconnu (Apollodore ne parle pas de lui), était frère de Lycos et fils de Titias
(voir la scolie au vers 1126 du Chant 1er, lequel était ou l'un des Dactyles
Idaiens, fils de Zeus, ou le fils aîné de Mariandynos, fils lui-même de Phrixos
ou de Cimmérios, et héros éponyme de la ville de Tition. — Le Scoliaste a dit,
dans sa note au vers 140, que Mariandynos était fils de Cimmérios ou de Phinée :
la tradition suivie par Apollonios empêche qu'il ne soit, pour l'auteur des
Argonautiques, fils de Phrixos; les fils de Phrixos sont, en effet, des jeunes
gens qui vont paraître à la fin du Chant II. Leur père ne pourrait être le
bisaïeul de ce Priolas qui fut tué avant le temps où Héraclès trouva tout jeune
homme ce Lycos qui est maintenant le père d'un grand fils. Quoi qu'il en soit,
les scolics de ce vers et celles des vers 724 et 752 permettent d'établir la
filiation du Lycos qui accueille les Argonautes. Il a pour père Dascylos, fils
de Tantale; pour mère Anthémoéisis, fille du fleuve Lycos. Ce Lycos est fils de
Titias; Titias est fils de Zeus ou de Mariandynos, fils lui-même de Cimmérios,
de Phinée ou de Phrixos. — Quant à la ville de Tition, c'est celle que
286 Strabon
nomme Téion (464, 41). Scylax cite cette ville (Peripl., | 90). C. Müller
corrige en Tfeiov la leçon Τίειον du ms. de Paris. Mais il remarque lui-même
dans ses notes critiques au § 19 du Périple d'Arrien, où il est question aussi
de Τίον, que cette ville est bien celle dont parle la scolie au vers 780 du
Chant II des Argonautiques. Il propose de corriger dans cette scolie Τίτιον. en
Τίον, en se fondant sur ce que cette ville a pour héros éponyme, d'après
Stéphane de Byzance, un certain Tios de race milésienne. Mais si la ville a été
nommée du nom de Titias, elle doit bien s'appeler Tition.
V. 777. A pied. — La conquête de la ceinture d'Hippolyté est le neuvième des
travaux d'Héraclès (Decharme, Mythol., p. 515). Apollodore (II, 5, 9) dit,
comme Apollonios, que c'est après sa victoire sur Hippolyté que le héros vint
porter secours aux Mariandyniens. Le Scoliaste ajoute qu'Héraclès allait à pied,
parcourant par voie de terre le continent d'Asie, parce qu'il n'était pas encore
possible de passer au travers des Symplégades.
V. 782. Dans de lamentables élégies. — D'après le Scoliaste, Nymphis et
Callistrate disent que c'est Bormos, fils de Titias, que l'on pleurait. Nymphis
raconte aussi qu'Héraclès soumit les Phrygiens aux Mariandyniens.
V. 783. Titias. — Ce Titias est inconnu; ce ne peut être ni le Dactyle Idaien
(Ch. Ier, v. 1226), ni le père de Priolas, en l'honneur de qui on célèbre les
jeux funèbres (voir la note au vers 768). Le Titias dont il est ici question
était un jeune homme au moment où il lutta au pugilat avec Héraclès.
V. 789. Rhébas... Coloné. — Voir la note au vers 650. Le Scoliaste dit que la
soumission des Paphlagoniens à Lycos par Héraclès est racontée dans le livre Ier
des Argotiques de Deinias, et dans le Xe des Bithyniques d'AscIépiade de Myrléa.—
Pour l'explication de l'épithète Pélopeiens attribuée aux Paphlagoniens, voir la
note au vers 359.
V. 791. Le noir Billaios. — Ce fleuve, omis par Strabon, mais cité par divers
auteurs (Arrien, Peripl., § 19; Pline, N. H., VI, 4, etc.), est, dit le
Scoliaste, un cours d'eau qui arrose la Phrygie et qui se jette dans la mer,
près de la ville des Tianes (Tiéion).
V. 795. L'Hypios. — Ce fleuve est omis par Strabon. Le Scoliaste dit qu'il
arrose la ville d'Hypia et qu'il a reçu son nom des monts Hypiens. L'Hypios est
cité par Scylax (Peripl., § 91), Arrien, etc. Pline mentionne le mon; Hypius (N.
H., V, 148).
V. 804. Aux bouches mêmes du Thermodon. — Pour le Thermodon, voir les vers 370
et 970, et les notes qui s'y rapportent.
V. 815. L'Abantiade Idmon. — Le Scoliaste dit que, d'après Hérodore, Idmon
mourut dans le pays des Mariandyniens et que Promathidas, dans son histoire d'Héraclée,
et Nymphis, dans le livre Ierde son ouvrage sur Héraclée, racontent qu'il fut
tué par un sanglier. La même tradition se trouve dans Apollodore (I, 9, 23).
V. 823. Les accidents du terrain au bord de ce fleuve... — Au lieu de
θρωσμοὺς ποταμοῖο, Brunck, se fondant sur la manière dont H. Estienne, dans le
Thésaurus, cite ce vers, et probablement aussi sur la leçon du vers 199 du Chant
III, θρωσμοῦ πεδίοιο, veut écrire πεδίοιοi, au lieu de
287 ποπαμοῖο qui lui
semble une répétition absurde du même mot déjà mis. au vers 818. Je crois la
leçon des mss. préférable : s'il peut y avoir des accidents de terrain (θρωσμούς)
au bord d'un fleuve bourbeux, il n'y en a pas dans une plaine bourbeuse.
V. 843. Un tronc d'olivier sauvage dont on aurait pu faire un rouleau de navire.
— Apollonios désigne cette poutre par le mot φάλαγξ dont il a déjà été question
à propos du lancement du navire Argo (voir sur les φάλαγγες la note au vers
375 du Chant Ier). Les mss. et les édit. portent νηίου ἐκ κοτίνου φάλαγξ, une
φάλαγξ d'olivier sauvage, arbre qui sert à la construction du vaisseau; Merkel
corrige νηίου en νήιος : une φάλαγξ navale d'olivier sauvage. Ce qui semble
indiquer qu'il est question d'une φάλαγξ appartenant au navire. Merkel peut
avoir été amené à cette correction par la note du Scoliaste : « Les héros
avaient beaucoup de ces φάλαγγες pour tirer le navire à sec. C'est l'une d'elles
qu'ils choisirent, etc...» Il est évident que le prodige est plus remarquable
encore si c'est un vieux rouleau de navire qui reverdit tout à coup. Mais rien
ne prouve que les Argonautes aient eu la place de porter dans leur navire une
provision de ces lourds rouleaux. Au contraire, nous savons qu'ils n'avaient
même pas de rames de rechange, puisque Héraclès, après avoir brisé son aviron,
est forcé d'aller dans la forêt chercher un jeune sapin pour se faire une
nouvelle rame (voir Ch. Ier, v. 1168 et la note à ce vers). M. Cartault (ouvr.
cité, p. 161) remarque à ce propos que, « bien que rien ne nous atteste
l'existence de rames de rechange, il est vraisemblable qu'un triérarque
prévoyant se procurait à ses frais quelques avirons de plus pour parer à des
accidents de cette nature ». Il est seulement vraisemblable qu'au temps de la
civilisation athénienne les triérarques avaient des rames de rechange; il n'est
pas prouvé le moins du monde qu'ils aient eu des φάλαγγες en vue d'un séjour
à terre de longue durée. Peut-on admettre que les Argonautes qui, nous le
savons, n'ont pas une provision de rames, en aient une de φάλαγγες.
D'ailleurs, ces encombrants rouleaux ne leur auraient été d'aucune utilité.
Nulle part nous ne les voyons, comme les Achéens devant Troie, tirer leur navire
sur le rivage en prévision d'un long séjour à terre. Ils ne font que passer; ils
mouillent presque toujours en pays ennemi. D'ailleurs, même à l'époque de la
plus grande civilisation grecque, on comprend que les navires n'aient pas eu
besoin de porter des ipiXa-nt; : on ne s'arrête à demeure que dans des ports
d'importance, et ces ports possèdent tout le matériel nécessaire à hâter le
navire à terre. Je suis donc persuadé que les Argonautes ne prennent pas, pour
la dresser sur le tombeau d'Idmon, une φάλαγξ. qu'ils auraient eue dans leur
navire. Ils coupent un tronc d'olivier sauvage qui aurait pu faire une
φάλαγξ et
ils le plantent sur l'éminence qui recouvre les restes de leur compagnon. Je
traduis donc : Un tronc d'olivier sauvage dont on aurait pu faire un rouleau de
navire, c'est-à-dire semblable par sa longueur et sa largeur à un rouleau. Ils
lui donnent même la forme d'une φάλαγξ pour en faire un monument de leur
navigation; et c'est un prodige que cette sorte de colonne funéraire, ce tronc
dépouillé de ses branches, reverdisse encore. — Apollonios embellit ici, en
l'imitant, le passage de l'Odyssée (XII, v. 14-15) où l'on voit Ulysse et ses
288 compagnons dresser en haut du tertre qui recouvre les cendres d'Elpénor une rame
facile à manier.
V. 845. Et s'il faut que... — «Apollonius parle ainsi parce que les habitants
d'Héraclée ne savaient pas quel était le héros mort sur leur territoire que
l'oracle leur avait ordonné d'adorer comme protecteur de leur ville. Promathidas
confirme cette ignorance des habitants d'Héraclée. Ephore, dans son livre V, et
d'autres racontent que les Béotiens et les Mégariens fondèrent Héraclée dans le
Pont. [On a vu, dans la note au vers 747, que telle n'est pas l'opinion de
Strabon.] Hérodore dit que sur la place publique d'Héraclée se trouve le tombeau
d'Idmon, au-dessus duquel est un olivier sauvage. Agamestor est quelque héros
indigète. » (Scol.)
V. 854. L'Agniade Tiphys. — « Nymphis dit que Tiphys mourut à Héraclée;
Hérodore dit que cette mort n'arriva pas quand les Argonautes se rendaient eu
Colchide, mais quand ils en revenaient. » (Scol.) Apollodore place la mort de
Tiphys chez les Mariandyniens, peu après celle d'Idmon (I, 9, 23).
V. 861. Où l'empreinte (ἐντυπάς). — Voir la note au vers 264 du Chant Ier.
V. 865-872. Ancaios..., Astypalaia..., eaux Imbrasiennes..., Parthénia...—-Voir
la note au vers 186 du Chant !e. « Simonide le Généalogiste dit, comme
Apollonios, qu'Ancaios, le Samien, qui fut pilote après la mort de Tiphys, était
fils de Poséidon et d'Astypalaia, fille de Phoinix. » (Scol.) Apollodore ne cite
au nombre des Argonautes qu'Ancaios fils de Lycourgos (I, 9, 16), qui fut
pilote après la mort de Tiphys (I, 9, 23).
V. 898. Acceptaient Ancaios avec faveur. — « Hérodore dit que c'est Erginos qui
fut le pilote d'Argo après la mort de Tiphys.» (Scol.) Cette tradition a été
suivie par Valérius Flaccus, qui dit.(Arg. V, v. 63) que le chêne fatidique d'Argo
demande lui-même Erginos pour pilote.
V. 901. L'Achéron. — D'après le Scoliaste, Hérodore, dans ses
Argonautes,
dit qu'ils firent cinq stades dans l'Achéron pour s'éloigner du port et arriver
à la mer. — Voir la note au vers 913 du Chant Ier.
V. 904. Callichoros. — « Le Callichoros est un fleuve de Paphlagonie consacré à
Dionysos, près d'Héraclée; Callimaque en fait mention. Il se jette dans la mer
par une double embouchure. Il a été ainsi nommé parce que Dionysos, à son retour
de chez les Indiens, institua des chœurs sur ses bords. On l'appelait aussi l'Oxynon.
» (Scol.) Strabon ne mentionne pas le Callichoros; Scylax le cite (Peripl.,
§
90). Cf. Pline (N. H., VI, 4). Ammien Marcellin (XXII, 8, 22) parle de tous les
lieux dont il est ici question : « Brevi spatio distant virorum monumenta
nobilium, in quibus Sthenclus est humatus et Idmon et Tiphys... Praetercursis
partibus memoratis, Aulion antrum est, et fluenta Callichori ex facto
cognominati quod superatis post triennium Indicis nationibus, ad eos tractas
Liber revenus, circa huius ripas virides et opacas orgia pristina reparavit et
choros. » — Le nom du fleuve Oxynon se trouve, plus ou moins modifié, dans
Arrien, Marcien, etc. (Voir les notes à la page 67 du vol. I des Geogr. Graec.
Min. de Didot.) Pour le surnom Nyséien de Dionysos, voir Decharme, Mythol., p.
437-438. — II ne 289 semble pas
possible d'établir nettement à quelle désignation moderne s'identifie le nom de
l'antre Aulion. Αὔλιον signifie lieu de retraite pour la nuit : d'où,
probablement, au vers 908 la leçon ηὐλίζετο de l'Et. M., que Merkel préfère à la
leçon des mss., εὐνάζετο. (Voir les notes à la page 384 du vol. I des Geogr.
Graec. Min. de Didot.)
V. 911. Sthénélos.— Le Scoliaste dit qu'Apollonios a emprunté
à Promathidas
l'histoire de la mort de Sthénélos, arrivée alors qu'il se rendait en
Paphlagonie, mais qu'il a lui-même imaginé l'apparition. — Valérius Flaccus (V,
v. 90) a reproduit l'épisode de Sthénélos. — Les mythographes citent plusieurs
Sthénélos; le fils d'Actor est un des moins connus.
V. 920. Son casque brillant était orné de quatre cimiers (τετράφαλος). — Le
φάλος est le cimier, éminence conique, qui s'élève le long du casque, et où se
plante l'aigrette (λόφος). Les quatre cimiers du casque de Sthénélos forment,
sans doute, un couronnement carré; du centre s'élève l'aigrette. Voir, pour le
sens de τετράφαλος, les diverses explications proposées par les commentateurs
d'Homère (Iliade, XII, v. 384; XXII, v. 315).
V. 924. Ils se hâtèrent donc d'amener la voile. — M. Cartault (ouvr. cité, p.
195) dit à propos de ce vers : « Quand on voulait arrêter brusquement le navire,
on se servait des cargues pour plier la voile. »
V. 928. Les cuisses (μῆρα). — Brunck a corrigé en
μῆρα la leçon μῆλα
(brebis) des mss.; il dit à l'appui de cette correction : « Caesae in Inferorum
sacris victimae integras comburebantur; quae autem Superis diis obferebantur,
earum coxae tantum aris imponebantur, reliquae partes sacrificantium epulo
reservabantur. Pueris haec nota sunt. » Merkel adopte la correction de Brunck,
que Wellauer rejette parce que le mot μῆρα, très rare dans Homère, ne se
trouve jamais dans les Argonautiques. J'ai traduit, au vers 926,
ἔντομα μήλων
par des brebis sacrifiées au mort, puisqu'elles sont sacrifiées en entier, et
non par des parties de brebis, comme le voudrait Dübner, qui interprète : « Non
viscera, sed praesectae partes. »
V. 929. Lyré. — D'après le Scoliaste, Promathidas dit qu'Orphée plaça sa lyre
sur la colonne du tombeau, et certains auteurs disent qu'une partie de la
Paphlagonie prit le nom de Lyré. Valérius Flaccus (V, v. 100) dit aussi que le
nom de Lyré resta à cet endroit. Strabon ne mentionne pas d'endroit ainsi nommé.
V. 931. Ils hissèrent la voile et la déployèrent en la tendant sur les deux
cordages de droite et de gauche (ἐς πόδας ἀμφοτέρους). — Hoelzlin explique
ainsi cette manœuvre : « Velum igitur in utrumque pedem dimittere, est veli
sinus utrinque alligare, adeoque plenis navigare velis. » Cf. Weil (Sept
tragédies d'Euripide, note au vers 1010 d'Hécube] : « Comme terme de marine,
ποῦς se dit toujours de l'un des deux cordages attachés aux deux bouts
inférieurs de la voile. » On sait que le mot a passé en latin, par exemple
Enéide, V, v. 830 :
Una omnes fecere pedem, parilerque sinistros,
Nunc dextros solvere sinus.
Les πόδες sont les écoutes : « Quand Apollonius de Rhodes (II, v.
931 ) 290 décrit
la manœuvre qui consiste à larguer la voile, il s'exprime ainsi : Ayant hissé la
voile, ils la déployèrent au moyen des deux πόδες. C'est bien là, comme nous
l'avons vu, la fonction que Jal assigne aux écoutes... L'identitication des
écoutes avec les πόδες n'en reste pas moins absolument certaine.» (Cartault,
ouvr.
cité, p. 221.) M. Vars (ouvr. cité, p. 83) traduit ce ver» d'Apollonios en se
servant des termes techniques modernes : « La voile hissée, ils la bordent avec
les deux écoutes, » Et il ajoute, en note : « Border une voile, c'est l'établir
une fois déployée (larguée), en tirant (halant) sur les écoutes, afin de raidir
la ralingue du bas. »
V. 936. Le cours du Parthénios. — « Le Parthénios est un fleuve de Paphlagonie
qui se jette dans le Pont, près de la ville de Sésamos. Callisthène dit qu'il a
reçu le nom de Parthénios [virginal], parce qu'Anémis s'y baigne. Quelques-uns,
parce que son cours est tranquille et presque stagnant. » (Scol.) Strabon (463,
39) dit que le nom du fleuve lui vient de ce que, coulant au travers de plaines
fleuries, il a, pour ainsi dire, un air virginal. Cf. Scylax (Peripl., § 90),
Arrien (Peripl., § 19), etc.
V. 941. Sésamos.— «Sésamos est une ville de Paphlagonie, citée par Homère, [lliad.,
II, v. 853 : il est question dans ce passage du roi des Paphlagoniens,
Pylaiménès, qui commandait aux peuples de Scsamos, du Cytorc, du fleuve
Parthénios, de Cromna, d'Aigialos et d'Érythinos, tous noms qui reparaissent
ici.] Sésamos reçut plus tard le nom d'Amastris, de la fille du frère de Oareios.
» (Scol.) Strabon (466, 42) complète cette dernière indication du Scoliaste en
disant qu'Amastris, femme de Dionysios, tyran d'Héraclée, était fille d'Oxyathras, frère du Oareios qui fut vaincu par Alexandre. Sésamos est aussi citée
par Scylax (Peripl., § 90), par Mêla, par Pline, etc. — Des hauts rochers
Érythiniens. — « Ce sont des hauteurs de Paphlagonie, ainsi nommées à cause de
leur couleur [Ἐρυθῖνοι, rouges], et citées par Homère.» (Scol.) Mais Homère (lliad.,
II, v. 855) parle, semble-t-il, de la ville située au pied de ces rochers.
Arrien (Peripl., § 20) ne dit pas nettement si, pour lui, le mot Erythinien
désigne une ville ou des rochers. Stéphane de Byzance parle de la ville d'Érythinos,
Ptolémée, des rochers. (Voir la note à la page 386 des Geogr. Graec. Min.,
Didot,
vol. I.) Strabon (467, 6) dit que l'on nommait, à cause de leur couleur rouge,
Érythiniens deux rochers de Paphlagonie, appelés de son temps
Érythriniens.
V. 942. Crobialos, Cromna, Cytoros. — Ce sont des villes de Paphlagonie, dit le
Scoliaste. Dans le passage d'Homère, cité plus haut, le Scoliaste fait
remarquer, ainsi que Strabon (464,47; 466, 54), qu'on lit souvent Crobialos au
lieu d'Aigialos. Valérius Flaccus (V, v. 102) cite Crobialos. — Strabon (466, 46)
dit que Sésamos, Cytoros, Cromna et Tiéos sont les quatre bourgs dont la réunion
a formé Amastris; et que Cytoros, dont les environs produisent beaucoup de buis,
et qui doit, d'après Ephore, son nom à Cytoros, fils de Phrixos, a été le marché
de Sinope. Mais l'épithète ὑλήεις, couvert de forêts, permet de supposer qu'il
s'agit ici non de la ville, mais du mont Cytoros, voisin lui aussi de la mer.
Virgile s'est souvenu sans doute de ce passage
291 d'Apollonios quand il a dit
(Georg., II, v. 437) : undantem buxo... Cytorum. Voir Catulle, IV, v.
11, Cytorio
in iugo, v.13... Cytore buxifer; Valérius Flaccus, V, v. 105... pallentemque
Cytorum, etc.
V. 943-943. Le cap Carambis... l'Aigialos. — Voir les notes aux vers 361 et 365.
Valérius Flaccus ne parle pas de l'Aigialos, mais il cite le Carambis dans la
prédiction de Phinée (IV, v. 599) et dans le récit de la navigation des héros
(V, v. 107).
V. 946. La terre assyrienne. — II est évident qu'il ne s'agit pas ici de
l'Assyrie proprement dite, mais bien de la Leuco-Syrie, pays du Pont, séparé de
la Paphlagonie par le fleuve Halys. (Voir Strabon, 468, 21.) Scylax (Peripl., §
89), Denys (Perieg., v. 772 et suiv.), etc., donnent aussi le nom d'Assyrie au
pays voisin de Sinope. « Le poète entend par Assyrie, la Syrie, la Cappadoce. Ce
pays s'appelait autrefois Syrie, parce que, comme dit Hérodote [I, 6], le fleuve
Halys, qui se jette dans le Pont, coule entre la Syrie et la Paphlagonie.
Certains, parmi les anciens, appelaient ce pays Leucosyrie. » (Scol.)
— Sinopé — La ville qui prit le nom de Sinopé est bien connue. Il faut
remarquer que, du temps de l'expédition des Argonautes, elle n'était pas encore
fondée. (Voir Couat, ouvr. cité, p. 302, et Stender, ouvr. cité, p. 62.)
Strabon parle longuement de Sinopé, colonie des Milésiens (467, 17 et suiv.),
mais il dit d'autre part (38, 23) qu'aux environs de Sinopé on voit de
nombreuses traces des expéditions de Jason et de Phrixos; ce qui prouve, en tous
cas, que, suivant les anciennes légendes, ces expéditions se sont arrêtées
auprès de l'endroit où Sinopé devait être fondée. — « Sinope, ville du Pont, fut
nommée de Sinope, fille d'Asopos, qu'Apollon enleva et amena de Syrie aux bords
du Pont; s'étant uni à elle, il en eut Syros, de qui descendent les Syriens.
Andron [d'Halicarnasse], dans son ouvrage sur le Pont, dit que le pays des
Assyriens était nommé Leucosyrie par opposition à la Syrie de Phénicie. Andron
de Téos dit qu'une des Amazones, s'étant réfugiée vers le Pont, épousa le roi de
ces pays; ayant coutume de boire beaucoup de vin, elle fut nommée Sanapé, nom
qui, traduit en grec, signifie grande buveuse. Artëmidore dit que certains
appelaient les Assyriens, Leucosyriens. Dans les Orphiques, il est dit que
Sinope est fille d'Arès et d'Aiginé; suivant d'autres, d'Arès et de Parnasse; d'Asopos,
suivant Eumélos et Aristote. Le poète dit qu'elle trompa le fleuve Halys, et
Apollon et Zeus, leur ayant d'abord demandé d'obtenir d'eux ce qu'elle
désirerait, et leur ayant dit ensuite qu'elle désirait garder sa virginité : ce
qu'elle obtint, car ils étaient enchaînés par leur serment. Philostéphane dit,
au contraire, qu'unie à Apollon elle enfanta celui qu'on appela Syros. Comme les
ivrognes sont appelés sanapai dans le dialecte des Thraces, dialecte dont usent
aussi les Amazones, la ville se nomma Sanapé et ensuite, par corruption, Sinope.
L'Amazone ivrogne quitta la ville pour aller vers Lytidas, au dire d'Hécatée. »
(Scol.) Tels sont à peu près tous les renseignements que nous avons sur Sinope.
Apollodore s'occupe du fleuve Asopos, fils, suivant Àcousilaos, d'Océanos et de
Téthys, et mari de Métope, fille du fleuve Ladon. Le mythographe nomme les deux
fils d'Asopos, mais il ne cite qu'Aiginé parmi les vingt filles nées du fleuve
et de Métopé 292 (III, 12, 6). Diodore de Sicile donne les noms des deux
fils et des
douze filles d'Asopos et de Métope : l'une d'elles est Sinopé qui, enlevée par
Apollon, fut transportée à l'endroit où s'éleva la ville appelée Sinope de son
nom. Sinopé donna à Apollon un fils, Syros, qui fut roi du peuple qui prit son
nom, le peuple des Syriens (IV, 72).
V. 953. Le fleuve Halys. — Voir la note au
vers 366.
V. 955. Les fils du vénérable Triccaien Deimachos, Deiléon, Autolycos et Phlogios. — Le Scoliaste dit qu'Autolycos et ses compagnons, s'étant
égarés loin d'Héraclès, ou, suivant d'autres traditions, ayant été abandonnés
par lui, se fixèrent pris de Sinope. Valérius Flaccus (V, v. il5) dit aussi que
ces trois personnages furent recueillis par les Argonautes. Tricca est une ville
de l'Histiaiotide en Thessalie (Strabon, 376, i); ce Deimachos de Tricca ne
semble pas être le même que Deimachos, père d'Énarété, ni que Deimachos, fils de
Nélée, cités tous deux par Apollodore (I, 7, 3; I, 9, 9). Ses trois fils ne sont
pas mieux connus. Apollodore met au nombre des Argonautes Autolycos, fils
d'Hermès (I, 9, 16), voleur proverbial, père d'AnticIée et aïeul maternel
d'Ulysse. C'est probablement au fils de Deimachos que Strabon fait allusion
quand il cite un Autolycos, compagnon de Jason, habitant de Sinope, où il était
honoré comme un dieu et où Sthéois lui avait élevé une statue qui fut ravie par
Lucullus (468, 2 et suiv.). Il n'y a aucun renseignement sur Deiléon et Phlogios.
D'ailleurs, les trois fils de Deimachos ne jouent aucun rôle dans la suite du
poème d'Apollonios.
V. 961. Le vent Argestès. — « C'est le Zéphyre, ainsi nommé parce qu'il commence
(ἄρχεται) à souffler à la fin de l'été.» (Scol.) Dans Homère (lliad., XI, v.
306; XXI, v. 334), le mot ἀργεστής, que l'on explique par blanchâtre,
qui
amasse les nuages blancs (ἀργός), est une simple épithète du Notos, vent du
Sud-Ouest. Il devint plus tard le nom d'un vent particulier que les Romains ont
identifié avec le Corus, vent du Nord-Ouest. Cf. Pline (N. H., XVIII, 338) :
Corus, Graecis dictus Argestes; Sénèque (Nat. Quaest., V, xvi) : Corus, qui
apud quosdam Argestes dicitur; Aulu-Gelle (Att. Noct., II, xxii, 12) :
Corus quem
solent Graeci Ἀργεστήν vocare. Le scoliaste d'Apollonios assimile l'Argestès
au Zéphyre, qui est le vent d'Ouest en général : c'est du vent du Nord-Ouest que
les Argonautes ont besoin pour aller de Sinope au cap des Amazones.
V. 963. Le fleuve Halys, l'Iris. — Voir les notes aux vers 366 et 367.
V. 964. Les alluvions de la terre d'Assyrie. — Voir la note au vers 371. Le
Scoliaste explique comment les grands fleuves qui arrosent cette terre ont formé
à leurs embouchures des terrains d'alluvions. Il cite, à ce propos, Apollonidès.
V. 965. Le cap des Amazones. — «De Sinope à Trapézonte en Colchide [Trapézonte
est dans le Pont et non en Colchide], à une distance de 3,ooo stades, il n'y a
pas d'autre port que celui qui est dans le golfe Héracléios. » (Scol.) Voir,
pour le port Héracléios, la note au vers 371. Le Scoliaste donne les
renseignements suivants sur les Amazones : « Ephore, dans son livre IX, dit que
les Amazones, insultées par les hommes, ceux-ci étant partis pour une guerre,
tuèrent 293 ceux qui étaient restés dans le pays et ne reçurent plus ceux qui
venaient de l'étranger. Denys, dans son livre II, dit qu'elles habitaient du
côté de la Libye; que, supérieures en force à leurs voisins, elles les mirent en
fuite, vinrent en Europe, y fondèrent plusieurs villes et se soumirent le peuple
Atlantique, le plus puissant de ceux de la Libye. Zénothémis dit qu'elles
habitaient en Ethiopie, et qu'ayant passé sur le continent opposé, elles
s'unirent aux hommes de ces pays; si elles donnaient le jour à un enfant du sexe
féminin, elles l'habituaient à leur genre de vie; si c'était un mâle, elles le
donnaient aux hommes. » Voir sur les Amazones en général Apollodore (II, 3, i ;
II, 5,9), Diodore de Sicile (II, 44 et suiv. ; leur victoire sur le peuple
Atlantique, III, 54; leur défaite par Héraclès, IV, 16), etc., et la Mythol. de
Decharme (p. 145), où sont indiqués les travaux modernes sur les Amazones, en
particulier ceux de Mordtmann (Hanovre, 1862), et de Klugmann (Philologus, XXX).
Stender (ouvr. cité, p. 63), s'autorisant du silence gardé, après Apollonius,
par Apollodore, par Hygin et par Valérius Flaccus, sur les rapports des
Argonautes avec les Amazones (Diodore, dans le long récit qu'il fait de
l'expédition des Argonautes, IV, 40 et suiv., n'en dit rien non plus), suppose
qu'ApoIlonios le premier a introduit les Amazones dans l'histoire des
Argonautes. II se fonde sur la scolie au vers 990 : « Harmonia, nymphe naïade,
de laquelle et d'Arès sont nées les Amazones, au dire de Phérécyde que suit
Apollonios. » Apollonios suit-il Phérécyde pour tout l'épisode, ou simplement
pour ce renseignement particulier sur la filiation des Amazones? Il est probable
que c'est simplement pour cette question généalogique. (Voir Couat, ouvr. cité,
p. 296, note 1.)
V. 966-968. Mélanippé... Hippolyté. — Le Scoliaste ne dit rien de Mélanippé, qui
n'est pas non plus nommée par Apollodore dans le récit qu'il fait de la lutte
d'Héraclès avec Hippolyté (II, 5, 9). Diodore de Sicile (IV, 16) raconte à peu
près comme Apollonios l'épisode de Mélanippé. D'autres Mélanippé sont citées
dans les légendes grecques. Le Scoliaste de Pindare (Nem., III, v. 64) rapporte
des vers de l'Atthis d'Hégésinoos, où il est dit que Télamon tua Mélanippé, sœur
de la reine des Amazones, qui portait le baudrier d'or. D'après Decharme (Mythol,
p. 525), Hippolyté serait la même que Mélanippé: « Leur reine [des Amazones],
Hippolyté ou Mélanippé, possédait comme insigne de sa royauté une ceinture qui
lui avait été donnée par Arès. »
V. 969. Exempte de tout dommage (ἀπήμονα). — Dübner précise :
indelibata
virginitate.
V. 970. Auprès des embouchures du Thermodon. — Voir la note au vers 370. Strabon
ne donne aucun de ces détails curieux sur le Thermodon, auxquels Apollonios se
complaît. Arrien (Peripl., § 23), et Scylax (Peripl., § 89) citent simplement
le nom du fleuve.
V. 977. Qu'on appelle, dit-on, monts Amazoniens. — Ces monts ne sont mentionnés
que par Pline (N. H., VI, 10) : « Amnis Thermodon... praeτerque radices Amazonii
montis lapsus. » Denys le Périégète (v. 772) dit que le Thermodon vient du mont
Arménios, ἀπ' οὔρεος Ἀρμενίοιο. Cf. Priscien, v. 749; Aviénus, v. 960. Mais le
mont Arménios est inconnu, et Strabon assure d'autre part qu'Ératosthène se
294
trompe en mettant le Thermodon au nombre des fleuves d'Arménie (453, 46). Dans
la digression géographique dont il a déjà été question (voir note au vers 904),
où Ammien Marcellin (XXII, 8) parle de tous les peuples et de tous les pays que
nous trouvons cités par Apotlonios dans ce Chant II des Argonautiques, on lit :
« Thermodon... ab Armonio defluens monte. » Le mont Armonius n'est pas plus
connu que le mont Arménius. G. Mûller (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, note
à la page 390) voudrait lire Amazonio monte, comme dans Pline. Mais il est plus
probable qu'Ammien a écrit Acmonio, confondant le mont d'où sort le Thermodon
avec le bois Acmonios auprès duquel il passe. Voir la note au vers 992.
V. 984. A l'abri d'un cap qui se recourbe. — Merkel dit :
κυρτὴ ἄκρη erit
λιμενηόχος (qui a un port).
V. 988. La plaine Doiantienne. — Voir la note au vers 373.
V. 990. De la race d'Arès. — Voir, à la note au vers g65, la citation de
Phérécyde faite par le Scoliaste. Suivant les traditions ordinaires (Apollodore,
III, 4, 2), Harmonia est fille d'Arès et non une de ses femmes. Le père des
Amazones est, suivant la plupart des mythographes, Arès; leur mère, Otréré
(Hygin, Fabul.,30), ou Aphrodite (Scol. Iliad., I, v. 189).
V. 992. Du bois Acmonios. — Nulle part, dit le Scoliaste, Eirénaios n'a donné
d'éclaircissement sur le bois Acmonios; il est voisin du Thermodon. Phérécyde en
fait mention dans son livre II. Voir la note au vers 373.
V. 993-999. Thémiscyréiennes..., Lycastiennes..., Chadésiennes...— Strabon dit
que l'on plaçait le royaume des Amazones à Thémiscyra, dans les plaines du
Thermodon (433, 21). D'après le Scoliaste, c'est d'une place de la Leucosyrie
qu'Apollonios tire leur nom de Lycastiennes, et Hécatée les nomme Chadésiennes,
de la ville de Chadésia. Dans sa note au vers 373, le Scoliaste a déjà dit que
les trois villes des Amazones étaient Thémiscyra, Lycastia et Chadésia. Le nom
de Lycastia se trouve, diversement modifié, dans Pomponius Mêla (1,19) : « Urbs...
Lycasto », et dans Pline (N. H., VI, 9) : « In ora autem ab Amiso oppidum et
flumen Chadisia, Lycastum, a quo Themiscyrena regio. » Scylax (Peripl.,
§ 89)
mentionne le fleuve Lycastos, qui est également cité dans le Périple de Ménippe
(Geogr. Graec. Min., Didot, vol. 1, p. 572), en même temps qu'un fleuve et un
bourg du nom de Chadisios; ce dernier bourg est aussi nommé par Stéphane de
Byzance.
V. 1001. Des Chalybes. — Voir Strabon (470, 30);
Geogr. Graec. Min., Didot,
vol. I, p. 65, note au § 88 du Périple de Scylax; Denys (Perieg., v. 708-771),
qui s'inspire de ce passage d'Apollonios.
V. 1008. Ils supportent un dur labeur. — Le vers est spondaîque, peut-être pour
insister sur la vie pénible des Chalybes, remarque Shaw, qui rapproche ce vers
d'un autre spondaîque (Ch. Ier, v. 272), où le poète montre la triste existence k
laquelle une jeune fille est condamnée par une marâtre.
V. 1009. Le cap Génétaios.— Voir la note au vers 378.
V. 1010. Des Tibaréniens. — Voir la note au vers 377. — Les Tiba-
295 réniens semblent
avoir donné lieu à d'autres légendes; l'auteur de la Périégète, attribuée à
Scymnos (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, p. 284, v. 914-916), prétend que les
Tibaréniens s'efforcent de rire à propos de tout, pensant que c'est là le
bonheur suprême. Cf. Ëphore (Fragment. Hist. Graec., Didot, vol. I, fragm. 82) :
« Ëphore dit dans son livre V que les Tibaréniens sont possédés du goût de
s'amuser et de rire. C'est en cela, d'après eux, que réside le bonheur suprême.
» Mêla dit aussi (I, 19) : « Tibareni ...quibus in risu lusuque summum bonum
est. » Le Scoliaste rapporte de plus que les Tibaréniens sont les plus lâches
des hommes. Xénophon (Anabase, V, v) dit que 'les Grecs durent traverser le pays
des Tibaréniens après celui des Chalybes, et qu'ils en reçurent des présents :
il ne donne aucun détail sur l'usage bizarre attribué aux hommes de ce peuple
par Apollonios et Nymphodore, cité par le Scoliaste, et aux hommes de Corse
par Diodore de Sicile (V, 14). Cette coutume étrange, que les anthropologistes
contemporains désignent sous le nom de couvade, servait à attester d'une manière
symbolique les droits du père sur l'enfant nouveau-né. On la trouve encore dans
quelques contrées de l'Europe et surtout en Amérique. Voir Zaborowski, article
Couvade, vol. XIII de la Grande Encyclopédie (1891).
V. 1015. Le mont Sacré.— «Ce mont, qui s'étend jusqu'au Pont- Euxin, est
mentionné par Ctésias dans le livre 1er de sa Périodos, et par Suidas, dans son
livre II, à propos des Macrônes. Agathon [ou Andron, d'après C. Müller, Fragm.
Hist. Graec., Didot, vol. IV, p. 291], dans son Périple du Pont, en parle d'une
manière plus précise, disant qu'il est à une distance de cent stades de
Trapézonte. Eirénaios prétend que Mnésimaque en parle dans son livre Iersur les
Scythes: c'est une erreur, car Mnésimaque parle de la Scythie, située en Europe.
» (Scol.) — Ce mont sacré n'est pas mentionné par Strabon, mais par Arrien (Peripl.,
§ 24), etc.
V. 1016. Les Mossynoiciens.— On a de nombreux renseignements sur ce peuple
étrange dont les usages bizarres semblent avoir vivement étonné les anciens.
Strabon (470, 20 et suiv.) confirme les renseignements que donne Apollonios sur
les demeures des Mossynoiciens. Il ajoute que ces barbares vivent de la chair
des bêtes sauvages et des glands qui tombent des arbres; ils s'élancent du haut
de leurs mossynes pour attaquer et piller les voyageurs. Le géographe dit que,
parmi ces peuples, la tribu la plus sauvage était celle des Heptacomètes qui
réussit à massacrer trois cohortes de Pompée, après les avoir enivrées d'une
sorte de miel capiteux que distillent les branches de certains arbres de ces
régions. Xénophon (Anabase, V, v) dit que les Grecs, pendant toute leur
expédition, n'avaient jamais rencontré une nation dont les mœurs fussent plus
éloignées des leurs. Il donne, d'ailleurs, à peu près les mêmes détails sur eux
qu'Apollonios : « Ils font en public ce dont les autres humains se cachent et
dont ils s'abstiendraient s'ils étaient vus.» — Pomponius Mêla (I, 19) : «
Mossyni
turres ligneas subeunt... promiscue concumbunt et palam [Apollonios ne parle
pas de cette promiscuité, et le Scoliaste a soin de faire remarquer, dans sa
note au vers 1025, que c'est avec sa propre femme, mais aux yeux de
296 tous, que
chacun a commerce]; reges suffragio deligunt, vinculisque et artissima custodia
tenent, atque ubi culpam prave quid imperando meruere, inedia totius diei
officiant. » Cette particularité sur les punitions infligées au roi est aussi,
dit le Scoliaste, rapportée par Éphore et par Nymphodore. Xénophon raconte que
le roi est entretenu et gardé par ses sujets dans une tour de bois, située au
sommet de la montagne. La Périégèse, attribuée à Scymnos (v. 900-910), rapporte
à peu près les mêmes traditions sur les Mossynoiciens. — Valérius Flaccus (V, v. 141-154) se borne à résumer ce que dit Apollonios des Chalybes, des Tibaréniens,
des Mossynoiciens, en évitant prudemment d'insister sur les détails trop
réalistes. — Voir aussi Diodore de Sicile (XIV, 30), et les auteurs cités dans
les Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, notes à la page 64.
V. 1031. L'île Arétias. — Voir la note au vers 382. — « On dit que cette île fut
colonisée par Otréré, fille d'Arès. Timagète fait mention de 171e d'Arès et des
oiseaux qui s'y trouvaient : oiseaux aux ailes de fer qu'on nomme les
Stymphalides.» (Scol.) L'Ile Arétias est citée par Scylax (Peripl., § 86), par
Arrien (Peripl., ? 14), etc. Hygin (Fabul., 20 et 21) raconte la lutte des
Argonautes avec les oiseaux Stymphalides et la place dans une île voisine des
Symplégades, Dia. Ailleurs (Fabul., 30), il dit qu'Héraclès tua ces oiseaux
« in
insula Martis », ce qui ne concorde aucunement avec les traditions ordinaires.
Apollodore (II, 5, 6) raconte la lutte d'Héraclès contre les oiseaux
Stymphalides, qui se trouvaient dans le marais Stymphalis, près de Stymphale,
ville d'Arcadie; mais il ne dit nulle part que les Argonautes aient eu à les
combattre.
V. 1041. Le baudrier. — Dübner dit à ce propos : «Male intellexerunt
τελαμών,
balteus; descendit super dextrum humerum, cui adsita vagina gladii; et in ipso
iam Homero usurpatus est vulneribus curandis, deinde, abusive de eo quod dicimus
: Verband. »
V. 1051. Car Héraclès... — Le Scoliaste donne plusieurs renseignements sur cet
épisode qui est, d'après Apollodore (II, 5, 6), le sixième travail d'Héraclès:
On ne pouvait, dit-on, repousser les oiseaux Stymphalides, qu'en étant muni d'un
crotale d'airain, et en les effrayant par le bruit. On les nomme oiseaux
nageurs, parce qu'ils nageaient dans un marais d'Arcadie, d'où Héraclès les
chassa. Stymphélos est une ville d'Arcadie, et Stymphélis, un marais. Homère a
dit : Ils possédaient Stymphélos [Iliad., II, v. 608]. De là se nomment Stymphélides ces oiseaux qu'Apollonios appelle nageurs. Séleucos, dans ses
Mélanges,
leur donne le même nom; Charès le fait aussi dans son livre sur les histoires
d'Apollonios, lui qui était connu d'Apollonios. Mnaséas dit, en termes formels,
que le héros Stymphalos et une femme nommée Ornis [oiseau] avaient eu pour
filles
les Stymphalides, qu'Héraclès tua parce qu'elles ne l'avaient pas accueilli et
qu'elles avaient reçu comme hôtes les Molions. Phérécyde dit que ce n'étaient
pas des femmes, mais des oiseaux qui furent tués par Héraclès, grâce à la
cliquette qui lui avait été donnée pour faire du bruit et les effrayer.
Hellanicos dit de même. On dit que le marais Stymphalis disparut dans des
fondrières et fut desséché. » Cette cliquette — ou crotale —
297 oeuvre d'Héphaistos,
aurait été, dit le Scoliaste, donnée à Héraclès par Athéna; suivant Hellanicos,
le héros se la serait fabriquée. — Apollodore (II, 5, 6) raconte qu'Héraclès,
muni de crotales d'airain, oeuvre d'Héphaistos, qu'Athéna lui avait donnés,
effraya les oiseaux Stym- phalideset les tua à coups de flèches. D'après Diodore
de Sicile (IV, 13), c'est Héraclès qui imagine l'instrument d'airain dont le
bruit fait fuir les oiseaux. Pausanias (VIII, 22) dit que dans un temple, à
Stymphale, on voyait sculptées les images de ces oiseaux. M. Decharme (Mythol.,
p. 522) constate certains rapports entre leur légende et celle des Harpyes.
Strabon (319, 4) dit qu'Héraclès chassa ces oiseaux avec un tympan et ses
flèches. — Pour Amphidamas, voir la note au vers 162 du Chant Ier. Ce héros
semble se donner pour témoin oculaire de la lutte d'Héraclès avec les oiseaux
Stymphalides : aucun des auteurs qui racontent cette lutte ne dit qu'il y ait
assisté.
V. 1081. Mais, comme après avoir échoué le navire (χρίμψαντες) — Le verbe
χρίμπω,
que les traducteurs, Beck par exemple, et Dübner dans ses notes manuscrites,
rendent inexactement par appropinquare, est un terme technique qui diffère du
terme ordinaire κέλλω, aborder, que nous trouvons souvent dans Homère et dans
Apollonios (en particulier au vers 1090). Ce verbe a un sens particulier, « A
côté de l'expression νῆα κέλσαι ou ἐπικέλσαι (Homère), on peut considérer le
mot χρίμψασθαι comme une expression technique signifiant échouer sur le
sable (Hymne hom. à Apoll., v. 439. Littéralement, χρίμψασθαι signifie
plutôt, en ce cas, racler, frotter le sol que être sur le point d'aborder, comme
on a pu le soutenir. Le sens de ce terme ressort clairement d'un passage
d'Apollonius de Rhodes (II, v. 1082), où χρίμψαντες; s'applique à un échouage
effectué. Il en est de même dans Euripide (Hél., v. 533). Échouer violemment,
brusquement, heurter un écueil se dit, par suite, ἐγχρίψασθαι. » (Vars, ouvr.
cité, p. 151)
V. 1088. Ainsi les oiseaux...— « Pisandre dit, d'une manière probable, que les
oiseaux s'envolèrent en Scythie, d'où ils partirent ensuite. » (Scol.) C'est à
Pisandre qu'Apollonios emprunte sans doute la tradition du séjour des oiseaux
Stymphalides dans l'île Arétias. Pausanias (VIII, 22) rapporte, en effet, qu'au
dire de Pisandre, Héraclès ne les tua pas, mais les chassa d'Arcadie.
V. 1092. Les fils de Phrixos. — Pour Phrixos, voir la note au vers 3 du Chant
1er. — Les fils qu'il eut de Chalciopé sont Argos, qui prendra la parole devant
les Argonautes et qui jouera un certain rôle dans les deux derniers chants,
Cytisoros, Phrontis, le plus jeune (cf. Argonaut., Ch. IV, v. 72) et Mélas.
D'après le Scoliaste (note au vers 1122), Hérodore dit, comme Apollonios,
qu'ils sont nés de Chalciopé, fille d'Aiétès; mais Acousilaos et Hésiode, dans
les Grandes Éées, les disent fils d'Iophossé, fille d'Aiétès; Hésiode donne à
ces quatre héros les mêmes noms qu'Apollonios. Épiménide en ajoute un cinquième,
Presbon. D'autre part, d'après le Scoliaste encore (note au vers 1149),
Phérécyde, dans son livre VI, dit que leur mère s'appelait Euénia, et qu'elle
avait pour paronyme Chalciopé et lophossa. Apollodore (I, 9, 1) donne aux quatre
fils de Phrixos et de Chalciopé les mêmes noms qu'Apollonios. Hygin dit aussi (Fabul.,
3) que Phrixos eut de Chalciopé quatre fils
298 auxquels il donne les mêmes noms
qu'Apollonius et Apoliodore; c'est à l'île Dia, d'après Hygin (voir la note au
vers 1031)que les Argonautes les recueillirent. D'après Valérius Flaccus (V, v.
461), c'est en Colchide, à la cour même d'Aiétès, que Jason les aurait
rencontrés. Apoliodore confond Argos, fils de Phrixos, avec Argos, fils d'Arèstor,
qui construisit le navire (voir la note au vers 226 du Chant Ier. Argos, fils de
Phrixos, épousa Périmélé, fille d'Admète, de laquelle il eut Magnés, qui donna
son nom à la Magnésie en Thessalie. — Strabon donne, d'après Éphore, le nom de
Cytoros au fils de Phrixos, appelé d'ordinaire Cytisoros, et en fait le héros
éponyme de Cytore, ville du Pont (466, 51). Cf. Méla (I, 19): ...A Citysoro,
Phrixi filio... Cytoros. Phérécyde, d'après le Scoliaste de Pindare (Pyth., IV,
v. 220), dit que Mélas épousa Euryclée qui lui donna Hypérès; c'est de ce
dernier que la source Hypéréia prit son nom. Cette source Hypéréia est en
Thessalie (Strabon, 370, 48).
V. 1099. L'Arctouros. — C'est, comme on sait, une étoile brillante de la
constellation du Bouvier, qui se lève le 5 septembre et le 13 février, et qui se
couche le 29 octobre et le 22 mai, au milieu de violents orages. Au sujet des
pluies amenées par l'Arctouros, le Scoliaste cite Aratos (Phaenom., v. 744) et
le Traité d'Astronomie de Démocrite. — Voir le Prologue du Rudens de Plaute,
Virgile (Georg., I, v. 204), etc. D'après Hygin (Fabul., 130, 224), Icarios,
roi légendaire d'Attique, dont Apollodore raconte l'histoire, sans parler de sa
métamorphose en étoile (III, 14, 7), devint l'Arctouros. Ovide suit cette
tradition (Met., X, v. 45o). Voir Servius (ad Georg., I, v. 68),
V. 1107. Ainsi. — Dübner explique le sens du mot
αὔτως : « Id est, ita ut se
tueri non possent. »
V. 1111. Une de ces poutres... — « Aussi nombreuses les poutres avaient été
primitivement unies par les chevilles, aussi nombreuses elles se dispersaient,
alors que le navire avait été fracassé. » (Scol.) Ce vers donne une nouvelle
preuve de l'importance des chevilles (γόμφοι) dans l'agencement des pièces du
vaisseau (voir la note au vers 79).
V. 1144. Monté sur un bélier. — Pour la légende de Phrixos, voir la note au vers
3 du Chant 1er, et Decharme (Mythol., p. 606 et suiv.). « Denys, dans ses
Argonautes, dit que Crios était le nourricier de Phrixos; s'étant aperçu des
embûches qu'Ino tendait à Phrixos, il le fit fuir; d'où le mythe que
Phrixosavait été sauve par un bélier (κριός). » (Scol.)
Sur l'ordre de l'animal lui-même. — Le Scoliaste rappelle à ce propos que le
bélier jouissait, en effet, de la voix humaine. D'après Diodore de Sicile (IV,
47), c'est un oracle qui ordonna à Phrixos d'immoler le bélier. Apollodore (I,
9, i) suit les traditions d'Apollonios pour tout ce qui concerne les aventures
de Phrixos chez Aiétès : mais il ne dit pas que le bélier ait demandé la mort,
et il précise le lieu où la toison fut suspendue : c'est à un chêne du bois
d'Arès; c'est dans le temple d'Arès, dit Diodorc, qui cite aussi la tradition
relative à Crios, rapportée par Denys, suivant le Scoliaste : « Le précepteur,
qui s'appelait Crios, fut immolé, et, ayant été écorché, sa peau fut suspendue
dans un temple, conformément à l'usage. Aiétès apprit ensuite par un oracle
qu'il mourrait dès que la peau de Crios serait enlevée
299 par des navigateurs étrangers; le roi fit dorer
cette peau afin qu'elle fût plus soigneusement gardée par des soldats qu'il y
avait établis. Le lecteur est libre d'adopter l'opinion qui lui plaira le plus.
» (Diodore, IV, 47, traduction Hoefer.) — Hygin (Fabul., 3): «(Phrixus),
matris praeceptis, arietem immolavit, pellemque eius inauratam in templo Martis
posuit. » Hygin dit encore (Fabul., 188) que ce bélier, fils de Poséidon et de
Théophané, se nommait Chrysomallus.— Au vers 120 du Chant IV, le texte
d'Apollonios indique clairement que le bélier fut immolé par l'ordre d'Hermès;
ici, au contraire, c'est le bélier lui-même qui demande d'être tué. On peut
supposer que l'une de ces deux traditions contradictoires appartient à la
première édition des Argonautiques.
[V. 1146. Pendue. — Ce vers se trouve dans l'edit. minor de Merkel; l'edit.
major l'a aussi, mais sans le faire compter dans la numération des vers, et les
édit. en général, depuis celle de Brunck, l'omettent, car il se retrouve
textuellement un peu plus loin (v. 1270).]
V. 1147. Qui avait protégé sa fuite (Φύξιος). — Cette épithète, dit le
Scoliaste, a été donnée à Zeus chez les Thessaliens, soit parce qu'ils avaient
pu fuir le déluge de Deucalion, soit à cause de la fuite même de Phrixos. Voir,
pour la double origine du surnom de Ζεὺς Φύξιος, Preller, Griech. Mythol.,
dritte Auflage, erster Band, p. 116, n. 1 et zweiter Band, p. 311.
V. 1149. Sans exiger de présents de noces (Χαλλιόπην
ἀνάεδωον).— L'adjectif
peut signifier Chalciopé, qui ne reçoit pas de dot (lliad., XIII, v. 366), ou
Chalciopé, pour laquelle le fiancé ne donne pas aux parents les présents d'usage
(lliad., IX, v. 146); tel est évidemment ici le sens. Dübner explique : « Ita,
ut Phrixus nihil ei pro ea solveret. »
V. 1162. « Crétheus. — Pour tous ces rapports de parenté, voir la note au vers 3
du Chant Ier.
V. 1171. Sans toit. — Dübner dit à ce propos :
« Sine tecto; Pausanias magnum
talium templorum numerum narrat; ara exstructa e minimis lapillis; — λίθος,
proprie, minime statua. Cf. dea Pessinuntia. » La pierre noire qui représentait
la Mère des Dieux se trouvait dans son temple, à Pessinonte, ville de la Grande
Phrygie. Brunck ne veut pas admettre la vulgate μέλας λίθος et propose μέγας qui fait antithèse aux petits cailloux de l'autel extérieur : «
Μέγας λίθος : sic omnino legendum, manifesta oppositione inter hoc altare ex
uno grandi lapide factum et alterum, quod e calculis structum erat... Voces
μέγας, μέλας saepissime a librariis commutatae. Vide ad 119, 921.»
V. 1176. Pendant une année. — Le Scoliaste
ne prend pas le mot ἐπηστανόν
dans son sens précis; il explique: «Des chevaux qu'elles avaient nourris avec
soin et abondamment. » Il semble que le poète veut dire que les Amazones
engraissaient pendant un an les chevaux destinés à être immolés.
V. 1180. D'une piété solide ou bien injustes (οἵ
τε θεουδέες, οὐ δὲ δίκαιοι). —
La leçon n'est pas sûre : Brunck la trouve tout simplement absurde : vulgo
inepte legitur, dit-il, et il préfère ἡδέ qui supprime l'opposition qui semble
ici nécessaire (Zeus voit tous les hommes bons ou méchants). Merkel cite les
diverses corrections qui ont été proposées; aucune ne
300 semble bien satisfaisante.
Wellauer torture la construction de la phrase, pour lui faire signifier : «
Probi viri Iovem non latent, et si quando in res adversas inciderunt, tamen ab
eo servantur. »
V. 1186. Vers la ville riche du divin Orchomène
(ἀφνειὴν... Πόλιν). — C'est une
correction de Facius (Ep. crit., p. 12) complétée par Brunck, au lieu de
μετὰ Φθίην.
qu'ont les mss., et que le Scoliaste explique: « Les uns disent qu'une ville
d'Orchomène se nommait Phthia [voir la note au vers 93 du Ch. Ier... Il peut
aussi faire allusion a Orchomène, limitrophe de la Macédoine et de la Thessalie.
Car le nom d'Orchomène désigne une montagne et une ville de Thessalie, de
Béotie, d'Arcadie et du Pont. » Strabon mentionne Orchomène, la ville connue de
Béotie (291, 13, etc.), et les Orchomènes d'Arcadie (333, 38) et d'Eubée (367,
17). La ville d'Orchomène, dans le Pont, semble inconnue. Il ne s'agit pas ici
de la ville, mais du roi « Le divin Orchomène». Sur Orchomène, voir la note au
vers 210 du Chant Ier. — Brunck : - Dixerant supra (v. 1153) Phrixi filii se
navem conscendisse ut Orchomenum Boeotiae urbem peterent, quo eos se vecturum
lason hic polliceri debet. Vera lectio eruitur ex eodem hoc versu, qui Libro IV
inepte repetitus vulgo habetur post versum 348. — Confer III, 1073. »
V. 1187. Sa hache d'airain. — Le texte porte simplement
χαλκῷ et ne précise pas
de quel instrument d'airain la déesse s'est servie. II s'agit évidemment d'une
hache de charpentier (πέλεκυς); c'est en effet au moyen d'une grande
πέλεκυς
d'airain, commode à manier, bien aiguisée sur les deux bords du tranchant et qui
lui est fournie par Calypso (Odyss., V, v. 234-235), qu'Ulysse abat les vingt
arbres, aunes, sapins et peupliers, qui lui sont nécessaires pour la
construction de son chaland.
V. 1195. Accomplir des sacrifices expiatoires (ἀλθήσων). — Le mot
ἀλθήσων est
une correction de Merkel pour ἀμπλήσων, (explicatum non habere, coniectura
opus esse visum) que Brunck s'efforce d'expliquer en se fondant sur Pindare (Pyth.,
IV, v. 282): « Sacrificia peracturus pro Phrixo, ad placandum Phrixum, ; id est, ad
revocandos Phrixi manes, quibus peregre degentibus, Aeolidis irasci Jupiter
non desinet.» Merkel se fonde pour sa correction sur l'emploi du mot
ἀλθήσει
dans Nicandre (Ther., v. 587) et du mot ἀλθάνειν dans Lycophron (v. 1122).
V. 1210. Du Caucase. — Au dire du Scoliaste, Hérodore raconte aussi que Typhon
fut englouti sous les eaux du marais Serbonis, situé en Syrie. Au contraire,
Phérécyde, dans sa Théogonie, dit que Typhon se réfugia sur le Caucase, et, une
fois la montagne consumée par le tonnerre, en Italie, où l'île Pithécoussa se
forma au-dessus de lui. Pour la légende de Typhon, voir Decharme (Mythol., p.
13, 274-276), Apollodore (I, 6, 3). D'après la tradition ordinaire, Typhon fut
englouti sous l'Etna (Virgile, Aen., IX, v. 716; Hygin, Fabul., 152, etc.).
Strabon (206, 33; 535, 42) rapporte la tradition d'après laquelle Typhon aurait
été enseveli sous l'île Pithécoussa. — Le marais Serbonis, aux confins de
l'Egypte et de la Syrie, est cité par Strabon (687, 53, etc.), par Diodore de
Sicile (I, 30), par Pline (N. H., V, 68), etc.
V. 1221. Lutter avec Aiétés. — ll a déjà été souvent question d'Aiétès, et on le
verra au Chant III jouer un rôle important. — C'est
301 un fils d'Hélios (v. 1204)
et de l'Océanide Perséis; il est frère de Circé, de Perses et de Pasiphaé, femme
de Minos (Apollodore, I, 9, i) ; il est père d'Apsyrtos, qu'il eut de la nymphe
caucasienne Astérodéia (Argonaut., Ch. III, v. 241), et de Chalciopé et Médée,
qu'il eut toutes deux de l'Océanide Eidyia (Argonaut., Ch. III, v. 243 ;
Apollodore, I, 9, 23). Les traditions sur Aiétès varient beaucoup : par exemple,
Diodore de Sicile (IV, 46) dit qu'Aiétès épousa Hécate, fille de son frère
Perses, et en eut deux filles, Circée t Médée, et un fils, Aigialeus, que l'on
assimile d'ordinaire à Apsyrtos. Ce nom d'Aigialeus se trouve aussi dans Justin
(XLII, 3), et dans Pacuvius cité par Cicéron, N. D., III, 19, 48 : ...Absyrto fratri
qui est, apud Pacuvium, Aegialeus. — Les scolies du Chant III donneront
l'occasion de revenir sur quelques-unes de ces divergences entre les traditions
concernant Aiétès. Quoi qu'il en soit, il semble qu'Aiétès est un héros solaire,
serviteur d'Arès, représenté comme un dieu solaire. Voir Decharme, Mythol., p.
191.
V. I231. L'île Philyréide. — Voir les notes au vers 554 du Chant Ier, et au vers
393 du Chant II. II parle de l'ile des Philyres. Apollonios dit qu'elle prit son
nom de Philyra, l'Océanide, qui habita dans cette région. Cronos s'unit à elle
au temps qu'il était roi des Titans. Mais Rhéa l'ayant pris en flagrant délit,
Cronos, plein de honte, se métamorphosa en cheval et Philyra s'enfuit en
Thessalie. Phérécyde dit que Cronos, changé en cheval, s'unit à Philyra, fille
d'Océanos, et que, à cause de cela, Chiron eut la double forme de l'homme et du
cheval. Suidas, dans le livre Ier de ses Thessaliques, dit que Chiron fut fils
dlxion et frère de Peirithoos. » (Scol.) — On voit que cette scolie rappelle et
complète celle du Chant Ier, v. 554. Les Philyres ne sont pas mentionnés
par Strabon. Denys (Perieg., v. 765-767) cite dans l'ordre suivant les peuples du
littoral, à partir de la Colchide : les Byzères, les Bécheires, les Macrônes,
les Philyres, les Mossynoiciens, les Tibaréniens et les Chalybes. Cf. Aviénus,
v. 946, et Priscien, v. 740. Valérius Flaccus (V, v. 151 -162) énumère les
Mossynoiciens, les Macrônes, les Byzères et les Philyres. Cf. Ammien Marcellin
(XXII, 8, 21i) : « Chalybes... Byzares... et Sapires et Tibareni et Mossynoeci
et Macrones et Philyres, populi nulla nobis assuetudine cogniti. »
V. 1238. Ces lieux, son séjour habituel. — D'après Virgile, qui imite les vers
d'Apollonios (Georg., III, v. 92-94), cette aventure de Cronos et de Philyra
aurait eu lieu sur le mont Pélion en Thessalie, et non dans l'île Philyréide.
D'après Hygin (Fabul., 138), l'événement eut lieu en Thrace. — Philyra fut
changée en tilleul, arbre « dont la fleur a dû être souvent en usage dans la
médecine grecque primitive. » (Decharme, Mythol., p. 697.)
V. 1241. Union équivoque. — Le mot que je traduis par équivoque n'a pas
précisément ce sens : c'est ἀμοιβαίῃ, dont Merkel dit fort bien : « Explicari
adhuc non potuit, vix tamen ut corrigere tutum sit. » Quant au sens général, il
se comprend : Chiron a les deux formes du dieu et du cheval, à cause des deux
formes prises successivement par Cronos au moment de la conception.
V. 1242-1244. Le pays des Macrônes, la région immense des Bécheires, les
Sapeires sauvages et les Byzères après eux. — Cf. la
302 note aux vers 393-396. On a
vu (note au vers 1231) que les Macrônes sont cités par les divers géographes
anciens. L'auteur anonyme d'un Périple du Pont-Euxin (Geogr. Graec.
Min.,
Didot, vol. I, p. 410, § 37) dit que les Macrônes étaient aussi nommés
Macrocéphales, et Scylax (Peripl., § 83) ne les désigne que sous cette dernière
appellation. — Les Bécheires, que Strabon ne nomme pas, et les Byzères sont
mentionnés au vers 765 de Denys, et aux vers 739 de Priscien et 946 d'Aviénus.
Valérius Flaccus cite les Byzères (V, v. 151.) Ces divers peuples sont aussi
nommés par Pline l'Ancien (VI, 11), et par Scylax (Peripl., § 82 et suiv.).
Quant aux Sapeires, il n'en est guère question que dans les Histoires d'Hérodote
(Σάσπειρες, I, 104, 110; III, 94, etc.), dans Stéphane de Byzance et dans
l'ouvrage d'Ammien Marcellin, où les Sapires sont cités au milieu de toutes ces
autres peuplades (XXII,
8,21).
V. 1248. — Le Scoliaste donne un certain nombre de renseignements à propos de la
légende bien connue de Prométhée : « Prométhée était enchaîné sur le Caucase et
l'aigle lui dévorait le foie. Agroitas, dans le livre XIII de ses Libyques, dit
que l'on a cru que le foie de Prométhée était dévoré par un aigle, parce que la
partie la plus importante de son pays était rongée par un fleuve appelé l'Aétos
[l'Aigle], et que l'on donne souvent le nom de foie à une terre très fertile.
Mais Héraclès ayant détourné le fleuve au moyen de tranchées, on crut que
l'aigle avait été éloigné et Prométhée délivré de ses liens : Théophraste dit
que Prométhée, qui était un sage, fit part le premier aux hommes de la
philosophie, d'où le mythe qu'il leur avait fait part du feu. Hérodore se montre
étranger à ces traditions dans ce qu'il raconte des liens de Prométhée : il dit
en effet que c'était un roi des Scythes, qui, ne pouvant fournir le nécessaire à
ses sujets parce qu'un fleuve appelé l'Aétos inondait les campagnes, fut
enchaîné par les Scythes; mais Héraclès, ayant paru, détourna le fleuve dans la
mer, et, à cause de cela, on imagina fabuleusement qu'Héraclès avait fait
disparaître l'aigle et délivré Prométhée de ses liens. Phérécyde, dans son livre
II dit que l'aigle envoyé contre Prométhée était né de Typhon et d'Echidna,
fille
de Phorcys. On dit que l'aigle mangeait le foie de Prométhée pendant le jour, et
que ce qui en restait s'augmentait pendant la nuit pour devenir égal à ce qu'il
était auparavant. Hésiode dit que Prométhée fut enchaîné et l'aigle envoyé
contre lui parce qu'il avait dérobé le feu [Théog., v. 621; Œuvres et jours,
v. 47 et suiv.]. Douris dit qu'il fut puni pour avoir été épris d'Athéné : d'où
vient que les habitants des environs du Caucase ne rendent aucun culte à Zeus et
à Athéné, seuls entre les dieux, parce qu'ils ont été cause du châtiment de
Prométhée, et que ces peuples honorent au contraire Héraclès d'une manière
excessive, parce qu'il a tué l'aigle de ses flèches. C'est donc naturellement
qu'Apollonios, ayant eu à parler du Caucase, a fait mention de ces choses. »
C'est la tradition la plus ordinaire qu'Héraclès, abandonné par les Argonautes
(voir la note au vers 1289 du Chant Ier), délivra ensuite Prométhée : cette
délivrance est un des exploits qui composent le XIe travail d'Héraclès, d'après
Apollodore, qui dit, comme Phérécyde cité par le Scoliaste, que l'aigle était né
de Typhon et 303 d'Échidna (II, 5, 11). D'après Valérius Flaccus (V, v.
155 et
suiv.), c'est au moment où les Argonautes passent en vue du Caucase qu'à l'insu
des héros Héraclès délivre Prométhée. — Diodore de Sicile (I, 19) suit une
tradition à peu près identique à celles d'Agroitas et d'Hérodore que rapporte le
Scoliaste. Prométhée, dit-il, était le gouverneur d'une partie de l'Egypte, au
moment où le Nil, ayant rompu ses digues, inonda le pays; la plupart des
habitants furent noyés et Prométhée pensait se tuer de désespoir. L'impétuosité
du fleuve déborde l'avait fait surnommer l'Aétos (l'Aigle). Héraclès survint
alors, répara les digues et fit rentrer le fleuve dans son lit : c'est, conclut
Diodore, ce fait qui explique le mythe grec d'après lequel Héraclès tua l'aigle
qui rongeait le foie de Prométhée.
V. 1260. L'habileté d'Argos.— Le Scoliaste fait remarquer qu'il s'agit ici
d'Argos, fils de Phrixos, qui avait l'expérience de ces lieux. D'ailleurs,
Argos, fils d'Arèstor, est le constructeur et non le pilote du navire. On a vu
(v. 898) que c'est Ancaios qui a remplacé Tiphys au gouvernail ; Argos, fils de
Phrixos, remplace à son tour Ancaios, mais provisoirement, pour amener les héros
dans le Phase.
V. 1262. Aussitôt ils amenèrent la voile et la vergue et les placèrent dans la
fosse du mât, où ils les rangèrent; le mât lui-même fut, bientôt après, abattu
et couché. — « Pour dresser ou abaisser le mât, on pratiquait une ouverture qui
traversait les baux et le pont situés à l'arrière du navire. Des madriers
(aujourd'hui épontilles) devaient soutenir par dessous les baux ainsi tranchés.
Cette sorte de fosse ou de cage pour le mât se nommait ἡ μεσόδμη ou ἱσοθήκη, et parfois aussi
ἡ ἱστοδόκη... On voit en outre qu'avant d'incliner
le mât, la voile et la vergue étaient amenées dans la μεσόδμη.
L'extrémité du mât se nommait parfois τὸ ἴκριον. D'ἴκριον dérive le nom donné à
la vergue par Homère (Odyss., V, v.234 [sic pour 254] et 318) et par Apollonius
de Rhodes (II, v. 1262): τὸ ἐπίκριον. Le nom ordinaire était ἡ κεραία. Le
premier terme doit avoir été en usage en Attique, le second dans le reste de la
Grèce... Abattre le mât se disait τὸν ἱστὸν χαλᾶν (Apollonius de Rh., II, v.
1464 [sic pour v. 1264]); κλίνειν (Apollonius de Rh., IV, v. 1632). » (Vars,
ouvr. cité, p. 63-64, 66, 98.)
V. 1264. A force de rames.— On a déjà vu (note au vers 913 du Chant Ier) dans
quelles circonstances les anciens usaient des rames au lieu d'aller à la voile.
M. Vars explique en particulier pourquoi il fallait entrer dans le port à la
rame : «Alors on prenait les avirons, et l'on se dirigeait vers la terre. On
était ainsi plus libre de ses mouvements, et on pouvait modérer la course à
volonté. Si l'on avait abordé avec voiles dehors, le mât aurait été, suivant
toute probabilité, lancé par-dessus bord. Nullus nauta plenis velis venit ad
terram, sed cum adhuc in alto est, deponit vela et navigium ad littus remigando
perducit. (Donat, ad Verg., Aen., V, v. 281.) C'est-à-dire : nul marin n'accoste
toutes voiles dehors; c'est au large qu'on amène les voiles. On rame (nage) pour
pousser le navire vers la cote.» (Ouvr. cité, p. 150.)
V. 1282. Dans un endroit où il était à flot (ὑψόθι). — On traduit d'ordinaire
ὑψόθι, alte, au large. A propos d'un vers de l'Odyssée (IV, v. 78*), et non 780
comme il l'indique par erreur), M. Vars (ouvr, cité,
304
p. 143) établit que ὑψοῦ ὁρμίζειν ne signifie pas cingler vert la haute mer,
mais bien ancrer, mouiller un navire qui est à flot. « En effet, on ne peut, au
large, ni mouiller d'ancres, ni fixer, frapper d'amarres comme cela se voit dans
Apollonius de Rhodes (II, v. 1283), où les Argonautes mettent à l'ancre dans une
crique ombragée. » D'ailleurs, ce n'est pas dans une crique, c'est dans un
marais (ἕλος), formé probablement par les eaux débondées du fleuve, que les
Argonautes font pénétrer leur navire qui ne devait pas être à flot dans toutes
les parties de ce marais; de plus, les Argonautes ne mouillent pas d'ancres,
puisqu'ils ne connaissent que les pierres de fond, et ils ne frapperont
d'amarres que quand ils seront sortis du marais et revenus dans le Phase (Ch.
III, v. 575). |