Apollonius de Rhodes

APOLLONIUS DE RHODES

ARGONAUTIQUES.

CHANT DEUXIÈME: SCOLIES

Traduction française : H. De LA VILLE De MIRMONT

scolies du livre II- Chant III

Autre traduction

 

 

 

 

ARGONAUTIQUES

 

CHANT II

SCOLIES

 

 

 

 

262 CHANT II

V. 2. Le roi des Bébryces. — « Amycos était le roi des Bébryces. Il possédait à cette époque toutes les régions de la Bithynie, y compris le littoral. Quelques Bébryces s'établirent du côté de la Lydie, dans les contrées voisines d'Ephèse et de Magnésie. Charon dit qu'on appelait autrefois le pays de Lampsaque Bébrycie à cause des Bébryces qui l'habitaient. » (Scol.) Strabon dit que les Bébryces, qui ne sont pas cités par Homère, occupèrent la Mysie avant les Thyniens et les Bithyniens, et qu'ils étaient Thraces d'origine (464, 18); ils possédèrent la région d'Abydos (501, 47).

V. 4. La nymphe bithynienne Mélia. — « On ne sait lequel des deux noms est le nom propre. On dit qu'elle s'appelait Mélia, parce que certaines nymphes, au dire de Callimaque, portaient ce nom à cause de Mélia, tille d'Océanos; ou à cause de ce qu'elles habitaient les pommiers [μηλέα, pommier] : ce serait la même origine que celle du nom des Hamadryades. Bithynis viendrait de ce qu'elle était d'origine bithynienne. Le poète appelle Poséidon dieu de la génération, parce que, maitre de l'élément humide, il nourrit et engendre toute chose, puisque l'eau fait tout naître.» (Scol.) Dübner ne partage pas cette opinion du Scoliaste au sujet de Poséidon : « De Amyco tantum, sub hoc nomine eum colente, intelligendum ; mirifice nugantur scholiastae. » II semble cependant que Poséidon puisse être considéré comme dieu de la génération. « Cette heureuse union de l'eau et de la terre, d'où naissent les fruits nourriciers de la vie humaine, s'exprimait, dans le langage mythique, par l'image du commerce amoureux de Poséidon avec des nymphes ou avec des tilles de personnages fabuleux, » (Decharme, Mythologie, p. ?25.) L'orthographe des deux noms interdit toute confusion entre la nymphe Mélia (Μελίη) et les nymphes Méliades (Μηλιάδες). Quant à la mère d'Amycos, Apollodore la nomme Bithynis, d'après les édit. vulg., Bithynis ou Mélia, d'après l'édit. Hercher {I, 9, 20); il cite ailleurs deux Mélia : l'une, fille d'Océanos et femme d'Inachos (II, i, 1); l'autre, qui eut de Silène le centaure PhoIos (II, 5, 4). Les auteurs latins (Valérius Flaccus, IV, v. 119; Servius, ad Aeneid., V, v. 373; Hygin, Fabul., 17; Scol. ad Stat. Theb., III, v. 533, etc.) nomment cette nymphe Mélié. Brunck suit l'opinion d'Apollodore, ou plutôt des édit. vulg. de la Bibliotheca, et il ajoute : « Potior in his veterum Graecorum auctoritas quam Latinorum poetarum quorum nonnulli in diversa abierunt. »

V. 8. L'expédition, — « Théocrite a raconté les faits autrement [dans l'Idylle XXII] », dit le Scoliaste, et peut être mieux, ajoute Dübner : « Aliter et nescio an melius apud Theocritum. » L'épisode de Pollux et d'Amycos se trouvait encore dans d'autres auteurs anciens qui sont cités par le Scoliaste (voir la note au vers 98). Nous avons les récits 263 d'Apollodore (I, 9, 2) et de Valérius Flaccus (IV, v. i et suiv.), qui procèdent de celui d'Apollonios.

V. 28. Seul à seul. — « Aristote dit aussi que le lion agit de la sorte. » (Scol.)

V. 34. Olivier sauvage. — On sait que le bois en est fort dur. Il servait à faire les rouleaux de navire. (Voir la note au vers 843.) — Dübner : « Ligni genus durissimum e quo et Herculis clava. » Le Scoliaste dit que ce bâton raboteux d'olivier sauvage, semblable à ceux des bergers, est une preuve du caractère dur et féroce de celui qui le portait.

V. 40. Dans sa colère. — « Car on dit que la Terre, dans sa colère de voir les Titans précipités par Zeus au fond du Tartare, enfanta les géants. » (Scol.) Quant à Typhoeus ou Typhaon, qui sont généralement regardés comme deux noms du même monstre, quoique Hésiode et Apollonius établissent une distinction entre les deux, Apollodore lui attribue une nombreuse postérité : la Chimère (II, 3, 4), le lion de Némée (II, 5, i), le chien Orthros (II, 5, 10), le dragon des Hespérides (II, 5, ii), l'oiseau du Caucase (II, 5, n), le Sphinx (III, 5, 8).

V.48. Amycos, lui... — «  Amycos ne fait pas l'essai de ses forces. Par cela, le poète montre quel était son orgueil. » (Scol.)

V. 51. Lycoreus.— Lycoreus est un personnage imaginé par le poète et que l'histoire ne lui donne pas. » (Scol.) — Dans la Thébaïde de Stace (VII, v. 716), il est question d'un Lycoreus, fils d'Apollon. Cf. Hygin., Fabul., 161. Voir la note au v. 711.

V. 55. Sans tirer au sort. — « Par cela aussi, le poète montre de nouveau l'orgueil d'Amycos; pour que tu ne puisses pas ensuite m'adresser de reproches, il dit cela en homme déjà sûr de vaincre. C'est là aussi un langage de barbare. » (Scol.)

V. 73. A travers les parois (τοίχοιο). — « La paroi ou le flanc du navire s'appelait τοῖχος ou πλευρά. Les deux termes étaient synonymes, II semble toutefois que le premier était le terme technique. (Cartault, ouvr. cité, p. 53.) Ce sens du mot τοῖχος se trouve déjà dans Homère (Iliad., XV, v. 382 ; Odyss., XII, v. 420).

V. 76. Reculait devant lui en bondissant (ἀίσσων ἀλέεινεν) — Je traduis selon la leçon vulgaire des mss. et des anciennes éditions, celle que le Scoliaste connaissait et commentait et que Merkel reprend dans son edit. maior, après avoir admis dans l'edit. minor, à l'exemple de Brunck, Wellauer, etc., la correction ἀίσσοντ' proposée par Pierson dans ses Verisimil., p. 125. Le sens serait alors : Pollux reculait devant son adversaire bondissant contre lui. La leçon des mss. donne un sens qui convient mieux à la légèreté de Pollux. Merkel ne blâme pas d'ailleurs la correction de Pierson : Piersonus coniecit, fortassis recte. Brunck est plus absolu: pour lui, seule la correction est admissible: Vulgo ἀίσσων ἀλέεινεν, quae sibi repugnantia neutiquam conjungi passunt.

V. 79. Aux chevilles aiguës (γόμφοις). — « On appelle cheville un morceau de fer ou de bois, cylindrique ou quadrangulaire, généralement peu gros et peu long, dont on se sert pour lier ensemble les pièces qui entrent dans la composition d'un navire et dans les ouvrages de menuiserie (Jal)... Le second [le mot γόμφοι] s'applique aux chevilles 264 de bois. Elles jouaient un grand rôle dans la construction du navire. Eschyle (Suppl., v. 846), en parlant d'un vaisseau, l'appelle γομφοδέτῳ δόρει. Apollonius de Rhodes (III, v. 343) nous dit qu'elles maintiennent les diverses parties du navire Argo, de façon qu'il puisse braver l'effort de tous les ouragans. C'est au moyen de fortes chevilles de bots qu'étaient implantées sur la quille les diverses pièces de la membrure du bâtiment. » (Cartault, ouvr, cité, p. 43-44.) Ulysse use déjà de γόμφοι dans la construction de son chaland (Odyss., V, v. 248). Voir Vars, ouvr. cité, p. 161 et suiv.

V. 85.— Dübner : « Καί magnopere offendit; melius legeris κατ'. » Merkel a conservé καί et ne signale aucun texte où se trouve la correction désirée par Dübner.

V. 94. Sans se hâter. — Je dois rendre par un équivalent l'expression  παρ' ἐκ γόνυ γουνὸς ἀμείβων. qui ne peut se traduire littéralement en français, et qui signifie échangeant un genou contre un autre, mettant successivement un pied devant l'autre, c'est-à-dire, marchant sans hâte, ou, comme on dit vulgairement, « à pas comptés ». Homère emploie celte expression pour indiquer la lenteur de la retraite d'Ajax (Iliad., XI, v. 647).

V. 98. Cependant les hommes Bébryces... — « Apollonios présente Amycos comme tué. Mais Epicharme et Pisandre disent que Pollux le chargea de liens. Déilochos, dans le premier livre de son ouvrage sur Cyzique, dit qu'il fut tué au pugilat par Pollux. » (Scol.) — Pour les divers récits de la lutte d'Amycos et de Pollux, voir Stender, de Argonautarum expeditione, Keil, 1874, p. 51 et suiv.

V. 105-117. Itymoneus, Mimas, Oreidés, Talaos, Arétos, Ipliitos, Clytios.— Itymoneus n'est pas autrement connu; dans l'Iliade (XI, v. 672), il est question d'un Itymoneus, fils d'Hypérochos, qui est tue par Nestor. — Mimas, d'ailleurs inconnu, ne doit pas être confondu avec le fameux géant (le validus Mimas d'Horace) auquel Apollonios fera d'ailleurs allusion (Ch. III, v. 1227). Oreidès et Arétos sont inconnus. (Il est question dans Homère d'un fils de Nestor, d'un fils de Priam et d'un homme de Dulichion qui se nomment tous les trois Arétos.) Talaos, Iphitos et Clytios ont été cités dans le catalogue des Argonautes (Ch. 1, v. 86 et 118).

V. 106. A coups de pied.— Oublier fait remarquer que Pollux sans armes ne peut se défendre qu'au moyen de ses pieds et de ses mains, munies de ceste, il est vrai.

V. 118. Ancaios. — Ce héros a été cité dans le catalogue (Ch. I ,v. 164).

V. 123. Tels, dans les parcs... — Le Scoliaste remarque qu'il y a dans Homère une comparaison semblable (Iliad., XVI, v. 352). Il ajoute : « Πολιοί veut dire soit d'une couleur un peu cendrée, soit vénérables. Car cet animal était respecté des Athéniens. Celui qui a tué un loup doit réunir de quoi pourvoir à sa sépulture. D'ailleurs, comme lorsque Létô arriva enceinte à Délos, elle resta pendant douze jours changée en loup, il y a depuis, chaque année, une période fixe de douze jours où toute louve met bas : Philostéphane le dit dans ses Mémoires. » On s'explique comme Létô, personnification de la nuit (voir Decharme, Mythologie, p. 100) est changée en loup, animal nocturne. Quant à 265 Πολιοί, c'est évidemment une épithète de nature indiquant la couleur du loup auquel Homère l'applique déjà (Iliad., X, v. 334).

V. 140. Mariandyniens.— «Les fils de Phinée, nés de Cléiopâtré, étaient Parthénios et Crambos. D'Idaia, fille de Dardanos, ou de quelque concubine scythe, il eut Thynos et Mariandynos, de qui les deux peuples des Tbyniens et des Mariandyniens furent nommés. D'autres disent que ce nom vient de Mariandynos, fils de Cimmérios. » (Scol.) Voir, sur les fils de Phinée, la note au vers 178. Apollodore (I, 9, 23) mentionne l'arrivée des Argonautes chez les Mariandyniens, mais il ne dit rien de Mariandynos. Strabon rapporte que les Mariandyniens, qui ne sont pas nommés par Homère (475, 16), étaient, comme les Thyniens et les Bithyniens, originaires de Thrace (245, 35) et qu'ils habitaient auprès des Thyniens et des Paphlagoniens (466, 25; 482, 12). Ils devaient leur nom à Mariandynos (464, 29), sur lequel Strabon ne donne aucun renseignement. Les Mariandyniens sont cités dans le Périple de Scylax, | 91 (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I), dans Pomponius Mela (I, 19), etc.

V. 145. Qu'auraient-ils fait, ces gens-là, avec leur lâcheté (ᾖσιν ἀναλκείησιν ἔρεξαν)! — Dübner : « Sic legunt! Scilicet Βέβρυκες; sed post Amyci caedem ἀναλκεῖς erant. Sed ad Amycum ipsum referendum; sed optime Ruhnkenius, quamvis audacius, ἀτασθάλίῃσιν ἔρεξεν, scilicet Amycus: quid tum de eo futurum fuisset si Hercules, etc., scilicet: tum decretum caestu non fuisset. » Brunck rejette aussi la leçon vulgaire, quod nec Bebrycibus, nec eorum regi convenit. Il admet soit la conjecture de Ruhnken, soit une de ces deux qu'il propose lui-même : ἀπηνείῃσιν ou ἀγηνοίῃσιν. Horum quodcumque eligatur vulgato praeferendum erit. Merkel, qui ne change rien, propose simplement de remplacer le substantif, sans parler de mettre le verbe au singulier : « Poterat temptari ἀγηνορίῃσιν [fierté, arrogance], quod Etym. M., p. 9, 50, cum. Apoll. nomine sed versu Homerico e scholiis arripuit. » Je ne vois pas la nécessité de remplacer le substantif par un autre de sens opposé : les Bébryces ont montré peu de courage, et c'est d'ailleurs, dans l'antiquité, une habitude de rabaisser la valeur de l'ennemi vaincu.

V. 159. Ayant couronné... — « C'est à cause d'Apollon qu'ils se couronnaient de laurier. Ils se couronnaient de trois manières : sur la tête, sur le front, sur la nuque, plaçant les couronnes en signe de la joie de leur âme. Ces couronnes étaient faites avec le laurier auquel étaient fixées les amarres du navire. Ce n'est pas par une fiction poétique qu'ApoIlonios a imaginé ce laurier. Il y en avait réellement un en cet endroit, qui était un très grand arbre, comme dit Androitas le Ténédien dans son Périple de la Propontide, où il raconte en passant que la ville nommée Amycos, qui conserve encore quelques habitations, est éloignée de cinq stades du temple des Nymphes des Chalcédoniens. Apollodore, dans le premier livre de ses Pontiques, dit que là était le tombeau d'Amycos, et que celui qui aurait pris une branche du laurier se serait exposé à un reproche. » (Scol.) Strabon parle du temple des Chalcédoniens (265, 38; 482, 21), mais il ne dit rien de cette ville d'Amycos que l'on trouve mentionnée dans Pline 266 l'Ancien (N. H., V, 150; XVI, 239) sous le nom de Portus Amyci (aujourd'hui Beikos, d'après le Dictionnaire latin de Freund-Theil).

V. 160. A l'arbre et aux alentours. — Merkel écrit τῇ καί τε περί, corrigeant les textes vulgaires τῇ καὶ τὰ περί.  Wellauer, qui écrivait τῇ τῇ καὶ τῇ, expliquait et justifiait ainsi sa correction : « Lauro ad quam hic et illic retinacula alligata erant. Omisso priore τῇ, quod quam facile excidere potuerit nemo non videt, reliquae turbae exortae sunt. Neque in duplici τῇ τῇ offendi potest quum οἳ οἱ et similia saepissime occurrant.» Dübner avait déjà proposé la correction adoptée par Merkel: « Lege τῇ καί τε περί. Cf. v. 389 [où l'on lit τὼ καί τε] ; Iliad., IX, v. 159 [où l'on trouve aussi καί τε], » Cette correction est d'autant plus vraisemblable que, le laurier n'offrant pas une résistance suffisante, on avait dû enrouler un câble autour de son tronc, et les autres autour des rochers voisins. Le vers 166 où l'on voit les Argonautes, au moment de partir, détacher après les autres l'amarre fixée au laurier, νεάτης ἐκ δάφνης; (du laurier en dernier lieu), ne peut que confirmer cette hypothèse.

V. 163. Thérapnaïen. — Cet adjectif vient de Thérapnai qui, dit le Scoliaste, est le nom d'une ville ou d'un canton de Laconie (cf. Pausa nias, III, 14, 8). Strabon ne cite qu'une ville de Thérapné qui se trouve en Béotie (351, 31). Thérapnai en Laconie est le lieu de naissance des Dioscures (cf. Stace, Thebaid., VII, v. 793 : Therapnaei fratres), qui y étaient l'objet d'un culte. C'est sans doute le Thérapnaïen Pollux, vainqueur d'Amycos, que les héros célèbrent par leur chant. Le Scoliaste suppose cependant que l'ἐπινίκιον d'Orphée s'adresse à Apollon, qui avait un sanctuaire à Thérapnai; il a déjà dit (voir la note au vers 159) que les Argonautes se sont couronnés de laurier en l'honneur d'Apollon.

V. 168. Le Bosphore. — Voir la note au vers 1114 du Chant 1er où le Scoliaste donne l'étymologie ordinaire du mot (mer passée par la génisse Io). Ici, dans une longue note où il établit la distinction des divers Bosphores (Thrace, Scythique ou Cimmérien), il donne d'autres origines plus ou moins fantaisistes de ce nom. Il suffit de reproduire les renseignements qu'il emprunte aux anciens historiens : «Nymphis dit qu'Acarion raconte que les Phrygiens, ayant voulu traverser le détroit, construisirent un navire à l'avant duquel le mufle d'un taureau était sculpté. Après avoir traversé le bras de mer, ils le nommèrent Bosphore à cause de l'emblème que leur navire portait. Éphore raconte qu'Io, enlevée par les Phéniciens, fut conduite en Egypte : le roi de ce pays envoya à Inachos un taureau en échange de la jeune fille. Le taureau étant mort, on le porta de divers côtés, car cet animal n'était pas encore connu; et le Bosphore reçut son nom de ce qu'il avait été traversé par ceux qui portaient le taureau. »

V. 177. A la côte, en/ace de la terre de Bithynie (ἀντιπέρην). — Le Scoliaste est embarrassé pour expliquer ce mot ἁντιπέρην, que je traduis par en face de la terre de Bithynie: « II y a, dit-il, deux Bithynies, l'une sur le littoral de l'Europe, l'autre sur celui de l'Asie. Celle d'Europe est près du Salmydesse en Thrace, l'autre sur le Bosphore, à l'embouchure du Pont. [Strabon remarque bien que les Bithyniens sont originaires de Thrace et que de son temps il y en a encore en 267 Thrace (464, 12); il dit, d'autre part, que le Salmydesse est une longue côte du Pont-Euxin, rocheuse et sans ports (464, 17), mais il ne distingue pas deux Bithynies.] II y a une troisième Bithynie, qui est une île du Pont. [C'est l'île Thynia citée par Strabon (465,32).] On ne peut dire avec certitude à laquelle des deux Apollonios fait allusion, puisqu'elles sont l'une et l'autre ἐπὶ τῷ πέραν. Il vaut donc mieux penser qu'il s'agit de la Bithynie d'Europe. Car, dit le poète, le jour suivant, ils attachèrent les amarres en Bithynie : il est évident qu'ils viennent d'Asie en Europe. Et Phinée, au dire du plus grand nombre, habitait le Salmydesse, rivage de la Thrace qui se présente à gauche quand on entre dans le Pont. On ne peut hésiter sur la position de la côte du Salmydesse, quoique Eschyle (Prométhée, v. 726) place auprès du Thermodon le golfe terrible de Salmydesse.

Le Scoliaste a été évidemment gêné par la tradition constante qui place la demeure de Phinée dans le Salmydesse sur la côte thrace du Pont-Euxin. C'est ce qui Justine cette note embarrassée qui n'explique rien. Au vers 178, le Scoliaste répète que c'est en Thrace, sur le continent européen, que Phinée réside : mais il cite aussi Hellanicos, d'après lequel Phinée avait été roi de la Paphlagonie, en Asie. Au vers 181, il mentionne l'opinion de Phérécyde qui dit, en son livre XVIIIe que Phinée régnait sur tous les peuples d'Asie jusqu'au Bosphore de Thrace, c'est-à-dire sur les Bithyniens et les Paphlagoniens. Mais l'opinion commune, celle d'Apollodore (I, 9, 21) aussi bien que celle des modernes (cf. Decharme, Mythologie, p. 611), c'est que Phinée, tout au moins depuis sa cécité, demeurait sur la côte du Salmydesse. Il me semble évident qu'Apollonios n'a pu établir sur cette côte la demeure de Phinée, puisque, après avoir quitté le vieux devin, les héros doivent passer entre les roches Cyanées pour entrer dans le Pont. Or, il suffit de jeter les yeux sur la carte VI du Strabon, édit. Didot, pour se rendre compte que si les Argonautes étaient déjà arrivés à la côte du Salmydesse, qui est sur le Pont, ils auraient dû commencer par traverser le Bosphore de Thrace et par passer au milieu des roches Cyanées; en sorte que, partant de la côte du Salmydesse, ils se trouveraient déjà dans le Pont et n'auraient pas à traverser les roches Cyanées pour y pénétrer.— Holstenius (Luc Holste) suppose qu'Apollonios se trompe et nomme la Bithynie au lieu d'un cap de Thrace, le cap Thynias : « Confondit Bithyniam cum Thyniade loco ceu promontorio Thraciae. » Mais la côte Thyniade (θυνίας ἀκτή). ou le cap Thynias, est justement auprès de la côte du Salmydesse (Strabon, 205, 28; 464, 17). Que les Argonautes aient abordé à la côte du Salmydesse ou au cap Thynias, ils sont dans le Pont-Euxin et n'ont plus à franchir les roches Cyanées. — Dübner propose une explication ingénieuse du mot ἀντιπέρην. « Ex opposito, scilicet, ut saepe apud Apollonium, in opposito nonnullorum sinuum littore, ita ut eadem tamen sit terra. » Ce sens de ἀντιπέρην peut être confirmé par le sens de ἐκ δ' ἑτέρης etc. (v. 1115 du Ch. Ier voir la note à ce vers). Mais l'explication de ce passage semble bien simple : Apollonios sait que Phinée demeurait sur la côte du Salmydesse; l'économie de son poème ne lui permet pas d'admettre cette résidence 268 du vieux devin, qui doit donner aux Argonautes des instructions pour franchir les roches Cyanées. Il suppose donc que Phinée demeure bien en Thrace, mais sur la côte du Bosphore, en face de la Bithynie, et non sur la côte du Pont : ce qui est confirmé par le vers 271 où l'on voit les Boréades passer le Bosphore a la suite des Harpyes, pour aller vers les iles Strophades.

V. 178. L'Agénoride Phinée. — «A Salmydessos, sur la côte de Thrace, le vieux prophète aveugle Phineus, persécuté par les Harpyes, est délivré de ces monstres par les Boréades; il enseigne aux Argonautes le chemin de la Colchide... Il est à peine besoin d'indiquer le sens naturel de cette fable. Les Harpyes, vents d'orage, sont chassées par les fils de Borée, le vent du nord au souffle purifiant. Phineus, le prophète aveugle, est probablement le soleil enveloppé dans la nuée d'orage. » (Decharme, Mythol., p. 611, texte et note 3.) Le Scoliaste donne sur Phinée un grand nombre de renseignements (v. 178, 181, 207), dont voici le résumé : suivant Hellanicos, Phinée est le fils d'Agénor; suivant Hésiode, Asclépiade, Antimaque et Phérécyde, il est le fils de Phoinix, fils d'Agénor, et de Cassiépée, fille d'Arabos. Celle-ci donne à son mari Cilix, Phinée et Doryclos, et à Zeus, Atymnos. (D'après Apollodore, I, 9, 21, III, i, i et III, i, 2, Phinée était fils d'Agénor ou de Poséidon ; Cilix et Phoinix étaient fils d'Agénor, et Atymnos [Atymnios, dans Apollodore], de Zeus et de Cassiépée.) Les anciens attribuent beaucoup de motifs différents à la cécité de Phinée : Hésiode dit, dans les grandes Éées, que Phinée fut privé de la vue parce qu'il indiqua son chemin à Phrixos; dans le IIIe livre des Catalogues, il dit, au contraire, que ce fut par choix, ayant préféré une longue vie à l'usage de ses yeux. Istros dit qu'Aiétès, ayant su que Phinée avait sauvé les enfants de Phrixos par ses prédictions, le maudit; Hélios, qui l'entendit, priva Phinée de la vue. Sophocle dit que son infirmité lui vint de ce qu'il avait crevé les yeux à Parthénios et Crambos, fils qu'il avait eus de Cleiopâtré, persuadé par les calomnies d'idaia leur marâtre. D'après d'autres auteurs, les mauvais traitements qu'il infligea à ses fils lui auraient valu une punition plus forte, la mort. Dcnys, dans ses Argonautes, dit que Phinée fut tué par Héraclès, quand celui-ci eut vu ses enfants à l'abandon et eut appris que Phinée les avait chassés à cause des calomnies de l'épouse Scythe qu'il avait prise après avoir répudié Cleiopâtré. Un vieillard se fit le dénonciateur de Phinée auprès d'Héraclès. Aussi celui-ci, ayant découvert ces enfants innocents, les amena à la maison paternelle. Phinée se levait et voulait jeter l'un d'eux à la mer : Héraclès le tua alors à coups de pied. D'autre part, certains auteurs jugeant peu vraisemblable que Phinée ait vécu tant de vies d'hommes, ont pensé qu'il y a plusieurs personnages de ce nom et que c'est un autre Phinée, un descendant de Phoinix au septième degré, que les héros rencontrèrent, et que- celui-ci avait été privé de la vue pour avoir tendu des embûches à Pcrsée. Apollodore, dans son récit de l'expédition des Argonautes (I, 9, 21) parle longuement de Phinée et dit, comme Apollonios, que le vieux devin aveugle fut délivré des Harpyes par les Boréades et, en récompense, enseigna aux héros la route qu'ils auraient à suivre. La 269 cécité de Phinée viendrait, d'après Apollodore, soit de ce qu'il avait indiscrètement révélé aux hommes l'avenir — tradition suivie par Apollonios —, soit du fait de Borée et des Argonautes, en punition de ce qu'il avait aveuglé ses enfants sur les instigations de leur marâtre, soit du fait de Poséidon, qui l'aurait puni d'avoir indique aux enfants de Phrixos la route à suivre pour revenir par mer de Colchide en Hellade. Ailleurs (III, 15, 2), Apollodore raconte qu'Oréithyia, ravie par Borée, eut de lui deux filles, Cléiopâtré et Chioné, et deux fils, Zétès et Calais. Cléiopâtré épousa Phinée et eut de lui Plexippos et Pandion que leur père priva de la vue, trompé par les mensonges d'Idaia, fille de Dardanos, qu'il épousa après Cléiopâtré. Les Argonautes, dans leur voyage, le châtièrent de concert avec les fils de Borée. Cette tradition, on le voit, est tout à fait contraire à celle qu'Apollodore rapporte dans son récit du voyage des Argonautes. — Comme le mythe de Borée a reçu en Attique des développements particuliers (Decharme, Myihol., p. 502-563), comme la mère de Cléiopâtré, Oréithyia est une Attique, fille d'Érechthée ou de Pandion, il est probable que c'est à Athènes que la tradition de la cécité de Phinée, punition des mauvais traitements infligés aux enfants de Cléiopâtré, s'est développée et qu'Eschyle et Sophocle l'ont mise au théâtre dans leurs pièces intitulées Phinée, aujourd'hui perdues. Apollonios, qui devait rendre son Phinée intéressant et sympathique, n'a eu garde de rien prendre à ces légendes, et il donne à la cécité du vieux devin une origine honorable, qui en fait un héros philanthrope, à la manière de Prométhée. Quant à la tradition rapportée par le Scoliaste, d'après laquelle un autre Phinée aurait été privé de la vue pour avoir tendu des embûches à Persée, Apoliodore (II, 4, 3) raconte à peu près la même histoire dont le héros Phinée, fils de Bélos et frère de Céphée, fut change en pierre par Persée. Heyne (ad Apollodori Bibliothecam observationes, I, 9, 21) fait observer avec raison que si les traditions sur Phinée sont si différentes, cela vient de ce qu'elles ont été associées à beaucoup de légendes diverses: De Phineo miris modis fabulas variatae exstant: quia et in Argonauticis et in Heracliis eae tractatae, mox et in fabulas Atticas per Cleopatram uxorem inductae, et in scenam productae fuere.

V. 205. Un état de sommeil stupide (κώματι). — Dübner : « Hoc ipso verbo utuntur medici. » C'est-à-dire l'état comateux. Apollonios met une grande exactitude dans les descriptions physiologiques. On en verra des exemples au Chant III, à propos de Médée. Cf., en particulier, la note au vers 763 du Chant III.

V. 224. De quelque repaire funeste et mystérieux. — Dübner : «Alicunde, e loco funesto (ὀλεθρίῳ) : sic omnino interpretandum. »

V. 271. Au-dessus de la mer. — « Phérécyde, dans son livre VI, dit que les Boréades les poursuivirent à travers la mer Égée et la mer de Sicile. » (Scol.) Il est évident que, puisque les Harpyes sont en vue des Argonautes, alors qu'elles planent au-dessus de la mer, c'est le Bosphore qu'elles traversent. Elles ne peuvent se trouver déjà au-dessus de la mer Egée : la demeure de Phinée est donc bien sur la côte thrace du Bosphore. Voir la note au vers 177.

270 V. 274. En avant (πρόσσω). — Merkel, dans son cdit. maior, adopte avec raison l'heureuse conjecture πρόσσω, proposée par O. Schneider, au lieu de la leçon des mss. suivie par toutes les éditions, ὀπίσω (à la suite), qui fait double emploi avec le mot κατόπισθε du vers 273.

V. 276. Elles dépassaient en vitesse le souffle du Zéphyre. — Cf. ce qu'Hésiode dit de leur vol rapide, Thêog., v. 268-269.

V. 279. De chevreuils (πρόκας) -- Le mot πρόξ se trouve une fois dans Homère (Odyss., XVII, v. 296); les Scoliastes l'expliquent par les mots δορκάς (chevreuil femelle! ou ἔλαφος (cerf, biche). Le Scoliaste d'Apollonios donne du mot δορκὰς des explications fantaisistes: « C'est un animal semblable au cerf qu'on nomme νεβρός (faon ou chevreuil). Denys l'Athénien, dans ses Fondations des villes [je pense que le Scoliaste confond Denys de Pergame, surnommé l'Attique (Strabon, 534, 33), avec Denys de Chalcis, auteur des Κτίσεις ou Fondations des villes (Strabon, 484, 45)], dit que le cerf se nomme πρόξ, d'où le nom de la Proconnèse [Προκόννησος], île où ces animaux abondent. Cette île est aussi nommée Ἐλαφόνησος; [île des cerfs; cf. Plin., N. H., V, 151; Scylax, § 94, distingue les deux îles]. D'autres lisent Prochonnèse [Προχόηηνσον].; et disent que ce nom vient de ce que cette île fut réunie à une autre par des amas de terre [προσεχώσθη]. Philétas dit qu'on nomme πρόξ la biche qui a mis bas pour la première fois : ce mot équivaut à primipare [πρωτότοκος]. » — Je traduis ici πρόξ par chevreuil, comme le fait Theil, dans son Dictionnaire d'Homère et des Homêrides : car des faons ne seraient pas capables de distancer des chiens de chasse.

V. 286. Iris.— Le Scoliaste fait remarquer que, d'après Hésiode (fragment qui n'est connu que par cette allusion), c'est Hermès et non Iris qui arrêta les Boréades. Il ajoute que le poète a raison de supposer cette intervention d'Iris, puisqu'elle est sœur des Harpyes. Cf. Dübner : « Rarissime ab love mittitur Iris; hoc autem loco sic factum quia, e Thaumante et Electra, Harpyarum soror. » — En effet, Thaumas, second fils de Pontos, a épousé une tille d'Océanos, Electre (la brillante.) Cette union (Decharme, Mythol., p. 220) est une image des reflets éclatants de la vague imprégnée d'azur et de lumière. De cette union naissent les météores célestes qui semblent avoir leur origine dans les flots d'où on les voit s'élever, au fond desquels on les voit rentrer : Iris (l'arc-en-ciel), qui paraît d'ordinaire après l'orage, les Harpyes (les vents violents qui ravissent tout), Aello (le souffle de l'ouragan), Ocypeté (la tempête impétueuse), Celaeno (les nuées obscures).

V. 296. Les Strophades. — Le Scoliaste dit qu'en donnant cette interprétation du nom des Strophades, Apollonios suit Antimaque, dans sa Lydé; que, d'après Hésiode, ces îles devaient leur nom nouveau à ce fait que Zétès et Calaîs, en s'en retournant, avaient adressé à Zeus, honoré sur le mont Aînos, une prière pour qu'il retint les Harpyes en ce lieu. — Plotées signifie, d'après le Scoliaste, « entourées d'eau de toutes parts»; d'après Dübner « nantes insulae» [cf. Odyss., X, v. 3]. Certains auteurs, dit encore le Scoliaste, racontent que les Harpyes furent tuées par les Boréades. Hésiode et Antimaque adoptent la tradition suivie plus tard par Apollonios. — Strabon, qui ne parle pas du nom primitif de ces deux îles, dit que les Strophades se 271 trouvent dans la mer de Sicile, à 400 stades de Cyparissia, ville de la. côte de Messénie (308, 50). Le nom de Plotae est mentionné par Pline (N. H., IV, 53) et par Pomponius Mêla (II, 7).

V. 299. Une caverne de la Crète. — « Ce fait est affirmé par Néoptolème. L'auteur des Naupactiques et Phérécyde, dans son livre VI, disent que cette caverne de Crète est sous la hauteur Arginon. [D'après Charon, cité par Pausanias (X, 38), l'auteur des Naupactiques serait un nommé Carcinos de Naupacte. Keil (Index Scriptorum, p. 539, au mot Hesiodus) adopte l'opinion qui attribue ce poème à Hésiode.] » (Scol.)—Apollodore (I, 9, 21) suit des traditions toutes différentes de celles d'Apollonios. Il dit que les Harpyes devaient être tuées par les Boréades; que l'une d'elles tomba dans le fleuve Tigrés, du Péloponnèse, depuis nommé Harpys, et que l'autre (Apollodore n'en compte que deux), s'enfuyant vers la Propontide, alla jusqu'aux îles Échinades, qui, à cause d'elle, prirent le nom de Strophades, car elle se détourna de sa course pour s'y arrêter et tomba de fatigue sur le rivage avec celui qui la poursuivait. Les îles Échinades, sur la côte d'Étolie, n'ont aucun rapport avec les Strophades. Apollodore est, je crois, le seul à faire mention du fleuve Tigrés ou Harpys. Voir les notes critiques de Heyne à ce passage d'Apollodore.

V. 306. Comme dans un songe. — « II mangeait avidement avec un plaisir semblable à celui qu'on éprouve en songe, n'osant même pas supposer, à cause de ce qu'il avait souffert, qu'il se régalait, se croyant le jouet d'un rêve.» (Scol.) Dübner: « Sive : animum cibo delectans; sive: animum delectans, tanquam in somnis ederet; scilicet, ei videbatur quia dudum vere non vescitus erat. »

V. 318. Les roches Cyanées.— Voir la note au vers 3 du Chant Ier V. 328. Faites d'abord un essai par le vol d'une colombe. — « Asclépiade dit aussi, dans ses Histoires tragiques, que ceux qui vont entreprendre une navigation se servent d'une colombe. » (Scol.)

V. 333. Car votre salut... — Dübner : « Cato, ap. Sallust. : Frustra deos implores... »

V. 349. Le fleuve Rhébas... le cap Mêlas... l'île Thynias...— Le Scoliaste dit que le fleuve Rhébas est un fleuve de Bithynie; Strabon ne mentionne pas ce fleuve, non plus que le cap Mêlas, dont le Scoliaste se borne à dire « cap ainsi nommé ». L'île Thynias est citée par Strabon (405, 32). Le fleuve Rhébas est cité dans le Périple de Scylax, en même temps que l'île Thynias (Geogr. Graec. Minor., Didot, vol. I, p. 67), dans la Périégèse de Denys, qui donne de grands éloges au charme et à la beauté de son cours (v. 794-796), dans le Périple d'Arrien (Geogr. Graec. Minor., vol. I, p. 381), où il est question à la fois du fleuve Rhébas et du cap Mêlas. — Je lis au vers 349  ἄκρην τε Μέλαιναν et non ἀκτήν τε Μέλαιναν, qui est la leçon des mss. adoptée généralement par les éditeurs, y compris Merkel; ἄκρην est une correction de Pierson, adoptée par Brunck, Beck et Wellauer. D'ailleurs, le Scoliaste disait déjà : Μέλαιναν : ἄκτα οὕτως καλουμένη).

V. 352. La terre des Mariandyniens. — Voir la note au vers 140.

V. 353-355. Une route qui descend chef Adès... le cap Achérousias... l'Achéron... — Strabon ne parle ni de ce cap ni de ce fleuve. 272 On sait que le marais Achcrousias et le fleuve Achéron sont dans la Thesprotide. Il semble qu'ici Apollonios, servi par son érudition alexandrine, ait reproduit des traditions locales qui assimilaient un cours d'eau tributaire du Pont au fleuve fameux devenu fleuve infernal. Le Scoliaste constate, en effet, l'existence d'un Achéron dans le pays des Mariandyniens; il dit que ce fleuve est près d'Héraclée, qu'il passe pour descendre dans la demeure d'Adès et que les habitants du pays nomment Achérousias un cap situé près de la même ville. « Hérodore et Euphorion, dans le Xenion, disent que c'est par ce précipice que Héraclès tira Cerbère sur la terre où il vomit son venin qui donna naissance au poison nomme aconit. Andron de Téos, dans son Périple, dit que ce pays eut pour roi un certain Achéron, qui fut père de Dardanis; ayant eu commerce avec celle-ci, Héraclès la rendit mère d'un fils nommé Poimén. Dardanis et son fils étant morts vers le même temps, des endroits voisins d'Héraclée furent appelés de leurs noms Dardanis et Poimén. » (Scol.) Denys le Périégète rapporte la même tradition au sujet de Cerbère : c'est, dit-il, sur la terre des Mariandyniens que le chien du Cronide infernal, entraîne par les mains du magnanime Héraclès, vomit son venin terrible (v. 789-792). Diodore de Sicile raconte (XIV, 31) que, près d'Héraclée, colonie des Mégariens, se trouve la presqu'île Achérousias, où, selon la tradition, Héraclès amena des enfers Cerbère, après l'avoir tué. Voir, pour la presqu'île Achérousias, Hérodore (Fragm. 25, vol. II des Fr. Hitt. Graec., Didot), Eustathe {Comment, au vers 791 de la Périégèse de Denys). Le fleuve Achéron est aussi mentionné par Valérius Flaccus (IV, v. 5g5). Cf. Pline (N. H., VI, 4) et Ammien Marcellin : « Acherusium speciis, quod accolat μυχοπόντιον appellant... fluvii dîversi, Acheron... » (XXII, 8, 17.) Ce fleuve est aussi connu sous le nom de Soonautès. Voir la note au vers 746.

V. 359. Pélops l'Ênétéien. — Dübner: «Longe alla igitur hoc loco de Pelope traduntur quant vulgo. » L'Alexandrin Apollonios se garde bien en effet de suivre la tradition commune; il semble qu'il remonte aux légendes les plus antiques. C'est assez tard que les poètes tragiques font de Pélops le fils de Tantale. Au Chant II de l'Iliade, dans l'énumération des possesseurs primitifs du sceptre d'Agamemnon, il est dit qu'Hermès l'a transmis à Pélops, Pélops à Atrée, Atrée à Thyeste et Thyeste à Agamemnon (v. 100-108). Il n'est pas question du père de Pélops : celui-ci semble bien un fondateur de dynastie. Il n'y a rien d'impossible à ce que le héros éponyme du Péloponnèse soit originaire de l'Asie septentrionale, qu'il soit de la race de ces Énètes dont il est déjà question dans le Chant II de l'Iliade (v. 852), et dont Strabon dit que, suivant une opinion commune, ils étaient les premiers habitants de la Paphlagonie (465, 47). Strabon dit d'ailleurs (266, 44) que Pélops était Phrygien et qu'il amena son peuple dans la partie de l'Hellade qui prit ensuite son nom. Le Scoliaste constate que si, d'après Apollonios, Pélops était Paphlagonien, selon d'autres, il était Lydien, et qu'Euphorion admet les deux opinions.

V. 361. Carambis. — Le Scoliaste constate qu'Ephore, dans son livre IV, fait sur le cap Carambis les mêmes observations qu'Apollo- 273 nios. — Strabon parle de ce cap à plusieurs reprises et remarque même (103, 17) qu'il divise pour ainsi dire le Pont en deux mers. Le Carambis est également cité dans le Périple d'Arrien, dans la Périégèse de Denys (v. 785), etc.

V. 365. Le vaste Aigialos. — C'est, en effet, dit Strabon, une côte longue de cent stades où est situé le bourg paphlagonien d'Aigialos (464, 47). Mais le géographe place l'Aigialos avant le cap Carambis : « A l'Aigialos succède immédiatement le cap immense de Carambis, qui s'avance vers les Ourses, en face de la Chersonèse Taurique. » (467, 7-9.) C'est probablement à cause de cette erreur géographique d'Apollonios que les éditeurs — Merkel lui-même dans son edit. minor — ont conservé la leçon des mss., αἰγιαλός, signifiant un rivage. Dans son edit. maior, Merkel adopte la correction Αἰγιαλός;, proposée par O. Schneider, d'après Meineke (Vind. Strab., p. 192). D'ailleurs, un passage d'Eustathe, cité par Merkel, prouve que les anciens lisaient Αἰγιαλός; dans ce passage d'Apollonios : « Αἰγιαλός προσεχὴς τῷ πόντῳ μετὰ τὴν Κάραμβιν ἄκραν ὡς δηλοῖ Ἀπολλώνος. Eustath., ad II., p. 302, Lips. » II faut donc admettre qu'au temps d'Apollonios les géographes alexandrins n'avaient pas sur la position de l'Aigialos l'opinion que Strabon devait exprimer plus tard.— Dans sa note au vers 945, où il est encore question de l'Aigialos, le Scoliaste dit expressément que cette cote s'étend au delà du Carambis : « Après que le navigateur a doublé le cap Carambis, l'Aigialos s'étend sur une longueur de neuf cents stades jusqu'à Sinope. » Meineke (Vind. Strab., p. 214) a conjecturé mille stades au lieu de neuf cents. — On a déjà vu (note au vers 176 du Chant 1er) que Merkel a aussi corrigé dans son edit. maior en Αἰγιαλοῖο le mot αἰγιαλοῖο du vers 178 du Chant Ier.

V. 366. En un lieu où la grève fait saillie. — Le texte porte ἀκτῇ ἐπὶ προβλῆτι; Wellauer veut écrire ἄκρῃ : « Nam ἐπὶ πείρασιν αἰγιαλοῖο in fine littoris non est littus, sed promontorium; praeterea supra etiam v. 354 non erat ἀκτή sed ἄκρη προβολής; postremo conferatur Dionys. Perieg. v. 784, qui ex nostro loco profecit, et Orph. Arg. v. 733. » D'abord, il faut remarquer qu'au vers 354 il n'y a pas dans les mss. ἄκρη, qui est une correction de Pierson, mais bien ἀκτή; ensuite αἰγιαλός; et ἀκτή ne sont pas, comme Wellauer le croit, deux synonymes du latin littus: αἰγιαλός est une plage, ἀκτή une grève, où les flots se brisent (de ἄγνυμι). Quand même on n'admettrait pas qu'Αἰγιαλός soit ici un nom propre, on comprend sans peine qu'à une plage succède une grève qui fait saillie. L'Halys, aujourd'hui le Kizil-Irmak, se jette dans la Mer Noire à un endroit où la côte fait saillie, mais où il n'y a aucun cap. Enfin, les passages de Denys le Périégète et du Pseudo-Orphée, invoqués par Wellauer, n'ont aucune importance, puisque ces deux poètes disent que l'Halys se jette dans la mer auprès du cap Carambis, lequel est séparé par tout l'Aigialos de l'embouchure du fleuve.

Les eaux du fleuve Halys.— C'est un fleuve de Paphlagonie bien connu. Strabon, qui en parle souvent, dit que son nom vient des nombreuses salines (ἅλες) auprès desquelles il passe (468, 17).

V. 367. L'Iris. — Ce fleuve, souvent cité par Strabon, ne manque pas d'importance, quoique inférieur au fleuve Halys

274 V. 370-371. L'embouchure du Thermodon... le cap Thémiscyréios. — Strabon dit que le Thermodon parcourt la plaine de Thémiscyra (469, 8); d'après lui, à l'embouchure du Thermodon, la côte basse et plate se compose de terrains d'alluvions. — Je ne trouve aucune mention du cap Thémiscyréios ni dans Strabon, ni dans les autres géographes grecs. C. Muller, dans ses notes au Périple d'Arrien (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, p. 389), suppose que ce cap est le même que le cap des Amazones, mentionné par Apollonius, au vers 965 du même Chant. Le cap Thémiscyréios ou des Amazones ne serait autre que le cap Héracléios cité par Strabon (469, 52) : « Haec duorum promontoriorum distinctio nonnisi eo niti videtur, quod alto nomine poeta, alio geographi eumdem locum appellant. »

V. 373. La plaine de Doias. — Strabon n'en parle pas. Stéphane de Byzance dit, au mot Δοίαντος πεδίον : « C'est une plaine de Phrygie; on dit qu'Acmon et Doias étaient frères. Ils ont donné leurs noms à la forêt Doiantienne et à la forêt Acmonienne. » Voir la note au vers 992. « Acmon et Doias [qui ne sont pas cités dans la bibliothèque d'Apollodore] étaient deux frères. Aucune tradition, dit Phérécyde, n'enseigne quel était leur père. Non loin de la plaine de Doias, sont les trois villes des Amazones, Lycastia, Thémiscyra et Chadésia. Les Chalybes sont un peuple Scythe, voisin du Thermodon, nommé de Chalybs fils d'Arès. » (Scol.) Pour les Amazones, voir la note au vers 995; pour les Chalybes, voir la note au vers 1001.

V. 377. Les Tibaréniens. — C'était, dit le Scoliaste, un peuple Scythe voisin des Chalybes; Strabon cite souvent les Tibaréniens. Voir la note au vers 1010.

V. 378. Le cap Génétaios de Zeus Euxène. — C'est, dit le Scoliaste, un cap ainsi nommé du fleuve Génétès; il s'y trouve un temple de Zeus protecteur des étrangers. Voir Strabon (469, 53).

V. 379. Les Mossynoiciens. — Voir la note au vers 1016.

[V. 382-383.] Des demeures de bois... — Ces deux vers, que Merkel place entre crochets et ne fait pas entrer en ligne de compte, se trouvent dans le texte des mss. et de toutes les éditions antérieures à celle de Brunck, qui les a rejetés comme interpolés. Depuis Brunck, certaines éditions les ont conservés, entre crochets, d'autres (celles de Wellauer, Tauchnitz, Didot, etc.) les ont absolument rejetés. Dans l'edit. minor de Merkel, ils font partie intégrante du texte. Le second de ces vers se retrouve, dans certains mss. et dans les éditions, à la suite du vers 1016.

V. 382. Une île au sol nu. — C'est l'île Arétias. Il n'en est pas question dans Strabon. Scylax (Peripl., § 86) la nomme Ἄρεως νῆσος. Cf. Pomponius Mêla, II, 7; Pline, N. H., VI, 32 : « Chalceritis, quam Graeci Ariam dixerunt, Marti sacrant. » Au dire du Scoliaste, dans le Phrixos d'Euripide (voir p. 819 de l'Euripide grec-latin, Didot), il était parlé de cette île habitée par des oiseaux qui se servaient de leurs plumes comme de flèches. Contrairement à la tradition commune, d'après laquelle Héraclès aurait tué les oiseaux du lac Stymphale, ce seraient ces mêmes oiseaux qui auraient fui devant le héros jusqu'à cette île du Pont. Voir la note au vers 1052.

275 V. 387. Otréré et Antiopé. — Le Scoliaste constate qu'on ne sait pas dans le cours de quelle expédition elles ont élevé ce temple.

V. 388. Un secours souhaité. — La rencontre avec les fils de Phrixos et de Chalciopé. Voir le vers 1092.

V. 393-396. Les Philyres..., les Macrônes..., les Bécheires..., les Sapeires..., les Byzères... — Les Philyres sont ainsi nommés de Philyra, mère de Chiron. Voir la note au vers 1231. — Les Macrônes sont un peuple du Pont que le Scoliaste (Ch. Ier, v. 1024) assimile aux Macriens venus d'Eubée; les Sanniens qui habitent au delà de Trapézonte se nommaient autrefois Macrônes, dit Strabon (470, 8); mais il ne dit pas qu'ils soient venus de l'Eubée; Strabon ne mentionne pas les Bécheires; il dit que les Byzères étaient des barbares, habitant la contrée montagneuse qui est au-dessus de Trapézonte (470, 29). Le Scoliaste dit que les Sapeires devaient leur nom à l'abondance des saphirs qui se trouvaient dans leur pays. Voir la note au vers 1242.

V. 397. Vous continuerez de naviguer... — « Car après la Scythie la mer finit; le marais Méotide lui succède, après lequel est l'Océan Arctique. » (Scol.)

V. 399. Cytais.— « La Colchide est ainsi nommée delà ville Cytaia.» (Scol.) — Les Amarantes. — «Amarantes est une ville du Pont. Quelques-uns croient que c'est le nom des montagnes de Colchide d'où le Phase descend. Ce qu'ignorait Hégestrate d'Éphèse, qui a prétendu qu'on appelait Amarantiennes les prairies du Phase, parce qu'elles étaient florissantes et ne se flétrissaient pas [ἀμάραντος, qui ne se flétrit pas]. Ctésias dit, dans son livre II, que les Amarantes sont des montagnes de Colchide. Le Phase, d'après Ératosthène, descend des monts d'Arménie et se jette dans la mer, après avoir traverse le pays des Colchiens... Timée dit qu'une plaine de Colchide se nomme Circaienne; ce nom vient de Circé, sœur d'Aiétès. » (Scol.) Denys le Périégète dit aussi (v. 692-694) que le Phase, après avoir pris sa source dans les monts d'Arménie, traverse la plaine Circaienne pour se jeter, écumant, dans le Pont-Euxin. Cf. Avienus (v. 876) :

... Phasis... Circacaque lapsus in arva
Incidit Euxinum.

Priscien (v. 673) :

... Phasidos undae
Circaeosque secant campos.

— Voir la note au vers 1220 du Chant III sur le Phase Amarantien.

V. 404. Le sombre bois sacré d'Arès. — « Hellanicos dit que la Toison était dans le temple de Zeus. Beaucoup d'auteurs font mention d'une plaine, dite plaine d'Arès, qui se trouvait en Colchide, et d'une enceinte consacrée à Arès qui était dans cette plaine. » (Scol.)

V. 414. Après y avoir échappé. — Dübner : « Peius : hos scopulos in reditu superantes. Potius: in expeditione tacienda; nam hoc et haec verba et Phinei responsio liquida dant. »

V. 417. Aia, ville de Colchide... — Aia est citée par Strabon (38, 12).

V. 421. Une autre route... — Dübner : « Alium, id est diversum, ut vere accidit. Sed melius videtur : secundus cursus, id est simpliciter reditus. » J'aime mieux une autre, sens du Scoliaste, qui s'accorde avec le vers 414.

276 V. 424. Succès glorieux. — Dübner : « In hoc verbo sententiae pondus est. »

V. 434. L'antre du mont Dicté. — Voir la note au vers 509 du Chant Ier.

V. 447. Au comble du bonheur (ἀγλαίῃσιν).— Dübner : « ἐντάρια, honores sepulcri. » Cette interprétation de D¨üner me semble inadmissible : Phinée s'inquiète non pas d'avoir de belles funérailles, mais de jouir, après une vie si pénible, du repos de la mort, qui comblera ses vœux. Hoelzlin explique avec raison: « Anima corporis egressa ergastulo, etiam sine usu oculorum, omnigena circumfundetur voluptate.» Mais il traduit d'une manière assez vague: « Defunctus, omnis fiam nitoris compos. » Shaw traduit, avec plus de précision : « Mortuus, omnium particeps ero bonorum. » II est difficile de comprendre ce que Beck et Lehrs veulent dire exactement : « Mortuus, omnibus fruar ornamentis. »

V. 450. Érigène. — Érigène, celle qui naît le matin, est un surnom d'Eos (l'Aurore). Apollonios emploie la forme Ἠριγενής (cf. Ch. III, v. 824), et Homère la forme Ἠριγένεια. Voir Decharme, Mythol., p. 243.

V. 456. Paraibios. — « Apollonios dit que c'est un ami de Phinée, d'autres, un esclave fidèle. » (Scol.) Je ne sais à quels autres auteurs le Scoliaste fait allusion, car on ne trouve nulle part aucun renseignement sur ce Paraibios.

V. 460. La terre Thyniade. — Allusion évidente au pays où demeure Phinée. Il est certain que ce n'est pas l'île Thynias, île du Pont-Euxin, où les Argonautes, comme le leur prédit Phinée (v. 350), aborderont (v. 673-719). Par une singulière inadvertance, l'auteur de l'Index de l'Apollonios-Didot a cru qu'au vers 350 il était question de la demeure de Phinée, et il dit : Thynias, insula littoribus Bithyniae adjacens, ubi Phineus habitabat (II, 350); et plus loin : Thynias... insula, ubi Apollo Argonautis primo mane apparuit... (II, 673-719).— Ce n'est pas davantage — on l'a déjà dit à la note au vers 178 — cette Θυνιὰς ἀκτή, que Strabon mentionne comme voisine de la ville d'Apol- lonie et de la côte de Salmydesse (464, 17). Il s'agit ici de la terre de ces Thyniens, colonie des Thyniens d'Europe, qui ont passé en Asie et peuplé la Bithynie. (Strab., 464, 14; 243, 35.)

V. 461. Arrêteraient, par l'ordre de Zeus... — Dübner: « Omnino iungendum Διόθεν cum sequenti verbo σχήσουσιν. »

V. 467. Adressa... ces paroles... — Dübner fait remarquer la loquacité du vieillard.

V. 474. Reprendre haleine... — Dübner : « Omnino non sumendum metaphorice; est respiratio in labore. »

V. 477. D'une nymphe Hamadryade. — Après avoir cité Mnésimaque, qui dit que les Hamadryades naissent et meurent avec les chênes, le Scoliaste emprunte à Charon de Lampsaque une histoire d'Hamadryade qui fait le pendant de celle qui est racontée par Apollonios : Rhoicos, ayant vu un chêne qui manquait d'être renversé à terre, 277 ordonna à ses enfants de l'étayer. La nymphe, qui devait mourir en même temps que le chêne, apparut à Rhoicos, lui dit combien elle lui était reconnaissante de l'avoir sauvée et lui permit de demander ce qu'il souhaitait. Il osa lui demander d'avoir commerce avec elle et elle promit de le lui accorder : mais qu'il se gardât de fréquenter une autre femme; d'ailleurs, une abeille serait leur messagère. Un jour, pendant qu'il jouait, l'abeille vint voler auprès de lui. Il prononça alors des paroles amères qui mirent la nymphe en courroux au point qu'elle le priva de l'usage de ses membres. Voir, sur les Hamadryades, Decharme, Mythol., p. 355.

V. 500. Cyrène. — Le Scoliaste cite les traditions ayant rapport à Cyrène, fille du fleuve Pénée ou d'Hypseus, fils lui-même du Pénée; enlevée en Libye par Apollon, qui s'unit à elle dans le lieu où fut fondée la ville de Cyrène, elle enfanta Aristée. Voir Pindare, IXe Pythique. Il est assez curieux qu'Apollodore, du moins dans ce qui nous reste de sa Bibliothèque, ne parle pas de Cyrène (il cite une Cyrène, qui donna à Arès Diomède, roi de Thrace), et se borne à dire d'Aristée, dont il est question un peu partout (Diodore de Sicile, IV, 82; Pausa- nias, X, 17, 3, etc.), qu'il fut père d'Actéon (III, 4, a). — « Phérécyde et Ariaithos racontent que c'est sur un char traîné par des cygnes qu'Apollon fit enlever et conduire Cyrène à la ville qui devait porter son nom. Agroitas, dans le livre Ier de ses Libyques, dit qu'Apollon l'amena d'abord en Crète et, de là, en Libye... Mnaséas dit que c'est de son propre mouvement, et non pas enlevée par Apollon, qu'elle alla en Libye. Acésandros, dans son histoire de Cyrène, raconte qu'au moment où Cyrène fut amenée en Libye par Apollon, Eurypylos, roi du pays où devait s'élever la ville de Cyrène, avait promis la royauté en récompense à celui qui tuerait un lion par lequel le pays était dévasté : c'est Cyrène qui le tua ; elle eut pour fils Autouchos et Aristée. Phylarque dit qu'elle arriva en Libye avec plusieurs compagnons, et que, ceux-ci ayant été envoyés à la poursuite du lion, elle se joignit à eux. [Pindare raconte tout autrement cette lutte légendaire de Cyrène contre le lion.] Certains auteurs, Bacchylide entre autres, comptent quatre héros du nom d'Aristée : l'un, fils de Carystos, un autre fils de Chiron, un troisième fils de Gaia et d'Ouranos, et enfin le filsde Cyrène. » (Scol.) Voir, pour la légende d'Aristée, Decharme, Mythol., p. 491-492.

V. 504. L'Haimonie. — « C'est la Thessalie, ainsi nommée d'Haimon, fils d'Arès. » (Scol.) Voir Strabon (381, i3). Haimon fut père de Thessalos. Voir la note au vers 1090 du Chant III.

V. 505. Le Myrtose. — Strabon ne parle pas de cette montagne, qui est, dit le Scoliaste, voisine de Cyrène. Callimaque cite le Myrtose (Hymne à Apollon, v. 91).

V. 507. Agréas et Nomios. — « Parce que c'est dans un champ [ἐν ἄγρῳ] qu'Apollon s'unit à sa mère qui était bergère [νεμούσῃ]. D'autres disent que ces noms lui viennent de ce qu'il enseigna aux 'bergers à cultiver les champs. » (Scol.) Ἀγρεύς signifie le chasseur, plutôt que le dieu des champs, et Νόμιος, le protecteur des troupeaux.

V. 509. Chasseresse.— Le Scoliaste justifie ce surnom par l'histoire de la chasse au lion, rapportée dans la note au v. 500.

278 V. 510. Chiron. — Voir la note au vers 554 du Chant Ier.

V. 511. Pour le marier.— C'est Autonoé, fille de Cadmos, que les Muses firent épouser à Aristée (Apollodore, III, 4, 2).

V. 514. La plaine Athamantienne. — « Cette plaine, située près d'Halos, fut ainsi nommée d'Athamas, qui habita Halos, ayant quitté son royaume par suite de folie. » (Scol.) Il s'agit d'Athamas, fils d'Aiolos, frère de Crétheus, oncle de Pélias et père de Phrixos et d'Hellé. (Voir la note au vers 3 du Chant Ier.) Victime d'Héra, acharnée contre lui et sa seconde femme Ino, fille de Cadmos et sœur de Sémélé, dont elle avait recueilli le fils Dionysos, Athamas devint fou et tua, dans son égarement, Léarchos, un des fils qu'il avait eus d'Ino. Il quitta son royaume de Béotie et alla fonder la ville d'Halos (Strabon, 371, 47) en Phthie. (Cf. Pausanias, IX, 24).

V. 515. L'Othrys. — C'est un mont de Thessalie (Strabon, 371,4»; 374, 4); pour le fleuve Apidanos, voir la note au vers 36 du Chant Ier.

V. 516. Les iles Minoides. — « II désigne ainsi les Cyclades que Minos de Crète gouvernait, comme maître de la mer et des Iles. » (Scol.) Cette θαλασσοκρατία, que le Scoliaste attribue à Minos, est confirmée par le témoignage de Strabon (40, 31).

V. 517. Seirios. — C'est le chien du chasseur Orion, la plus brillante des étoiles fixes, qui fait son apparition dans le crépuscule du matin, au plus fort de l'été, alors que les chiens deviennent enragés : Seirios symbolise tous les effets funestes de la Canicule. Voir Decharme, Mythol., p. 150. Le Scoliaste veut que Seirios soit une altération du mot Ζείρος; venant de ζέσις; (ébullition) : mais Seirios appartient évidemment à la même racine que σέλασ, Σελήνη.

V. 520. Ccos. — L'île de Céos est une des Cyclades. Sur les monnaies de Céos on voyait, en mémoire du fait rapporté par Apollonius, la tête d'Aristée et l'image de Seirios, sous la forme d'un chien couronné de rayons. Voir Decharme, Mythol., p. 261.

V. 521. Parrhasiens... de la race de Lycaon. — « Les Parrhasiens sont un peuple d'Arcadie, ainsi nommés de la ville de Parrhasios. » (Scol.) Strabon, qui place ce peuple (333, 21) au sud de l'Arcadie, ne cite pas la ville de Parrhasios. Lycaon, fils de Pélasgos et de Méliboia ou de Cyllène (Apollodore, III, 8, i), premier roi des Arcadiens, fut métamorphosé en loup (Pausanias, VIII, 2). — L'Iliade (II, v. 608) mentionne la ville de Parrhasia. (Cf. Pline, N. H., IV, 20.)

V. 522. Zeus qui répand la pluie. — Zeus pluvieux (Ἰκμαῖος, d'ἰκμάς;, pluie) avait en effet un temple à Céos, dit le Scoliaste. Dieu de tous les phénomènes atmosphériques, Zeus est honoré en beaucoup d'endroits comme dieu de la pluie, avec des surnoms analogues à celui-ci. Voir Decharme, Mythol., p. 18, et Preller, Griech. Mythol., erster Band, dritte Auflage, p. 114 et 374.

V. 526. Pendant quarante jours. — « Les vents Étésiens soufflent pendant quarante jours, disent les uns, pendant cinquante, disent les autres, par exemple Timosthène. Ils commencent quand le soleil est à la fin du Cancer; ils soufflent pendant tout le Lion et cessent aux deux tiers de la Vierge. » (Scol.) — Les prêtres... — Voir Diodore de Sicile, IV, 82.

279 V. 528. Retenus par les vents. — Le Scoliaste fait observer que, venant du nord, les vents Étésiens sont, en effet, contraires aux navires qui veulent entrer dans le Pont.

V. 532. Au delà de la demeure de Phinée (πέρην). — « Le poète veut dire qu'ils traversèrent le détroit pour aller construire cet autel aux douze dieux en face d'eux (πέραν), sur la côte d'Asie. Il est donc évident qu'ils étaient alors en Europe. Il y a encore maintenant sur la côte d'Asie, en face de l'Europe, un lieu consacré ainsi nommé. Timosthène dit que les fils de Phrixos élevèrent douze autels aux douze dieux, et que les Argonautes n'en élevèrent qu'un à Poséidon. Hérodore dit que l'on sacrifia sur l'autel où Argos, fils de Phrixos, avait sacrifié à son retour. » (Scol.) Le sens attribué par le Scoliaste au mot πέρην me semble inadmissible. Brunck rejette le mot πέρην, qu'il remplace par πάρος;, ou par πέλας, et il explique : « In litoris extrema ora ad mare, » Büttmann (Lexilog., II, p. 31), cité par Wellauer, conserve πέρην, en lui attribuant le sens de ex adverso: « Monet... aram enim illam duodecim Deorum in littore Asiatico exstructam fuisse, ubi nomine Ἱερόν a multis scriptoribus commemoratur. » Pourquoi, étant en Europe avec Phinée, les Argonautes iraient-ils construire leur autel sur le continent opposé ? Comme περήν signifie au delà, je crois qu'on peut comprendre ce vers, à peu près comme Brunck : ils élèvent l'autel au delà de la demeure de Phinée, plus près de la mer, d'où il pourra être aperçu par les navigateurs.

V. 536. Les doubles amarres (διπλόα πείσματα). — Le poète ne dit pas que les amarres soient au nombre de deux; il indique qu'elles sont doublées. Les Argonautes ont amarré en faisant, pour obtenir plus de solidité, ce que l'on appelle aujourd'hui un tour-mort. « Un Tour mort est le Tour que l'on fait avec un cordage sur un autre cordage, ou sur un objet quelconque, avant de faire un nœud, et pour qu'il y ait plus de frottement exerce, et, par suite, plus de solidité dans le nœud. » (Dictionnaire de Bonnefoux et Pâris.)

V. 541. Tel un homme... — Le Scoliaste remarque que c'est une comparaison homérique (lliad., XV, v. 80). Mais cette mélancolie, qui ne se trouve guère dans l'Iliade et qui est si profonde ici, ne serait-elle pas une impression du temps où Apollonios était loin d'Alexandrie?

V. 543. Toutes les villes. — Au lieu de κέλευθοι (routes), leçon des mss., qui semble amenée par le mot κέλευθος du vers 644, avec lequel κέλευθοι fait double emploi, Merkel admet le mot πόληες (villes), que le Scoliaste, d'ailleurs, d'après son commentaire, paraît avoir lu dans son texte.

V. 559. Les derniers. — Puisque, dit le Scoliaste, le destin avait arrêté que ces roches deviendraient stables, une fois qu'un navire les aurait traversées.

V. 562. La colombe. — « Asclépiade aussi dit, dans le livre II de ses Histoires tragiques, que les Argonautes firent l'épreuve, des Symplégades au moyen d'une colombe. » (Scol.)— Voir la note au vers 328.

V. 575. Par lui-même (αὐτή). — Les mss. ont αὖτις. Kocchly, se fondant sur la leçon du vers 1268 du Chant IV, αὐτὴ πλημμυρίς écrit de même ici αὐτὴ πλημμυρίς. Merkel adopte cette correction, et change au 280 vert 674 αὖθις. leçon des mss., en αὖτις. Il estime avec raison que ce rapprochement des deux mots αὖτις et  αὖθις, placés à la tin de deui vers qui se suivent immédiatement, est dû à quelque grammairien qui aura voulu donner un exemple frappant de la différence de leur sens, différence que l'usage d'Apollonios ne semble pas confirmer dans les Argonautiques.

V. 591. La violence des flots le faisait reculer. — Je traduis suivant l'interprétation de Wellauer qui se fonde sur le Scoliaste : « Quantum  quovis remorum impulsu provehebatur Argo, bis tantum retro vehebatur, fluctuant vi rejecta. » L'explication erronée de Beck « quantum vero cedebat navis remigibus, bis tantum aequor resiluit » est reproduite par Lehrs.

V. 601. Les ornements du haut de la poupe (ἀφάστοιο ἄκρα κόρυμβα). — Il a déjà été question de l'ἄφλαστον (note au vers 1089 du Chant Ier). L'expression ἄκρα κόρυμβα se trouve dans l'Iliade (lX., v. 241). « C'est, dit M. Cartault (ouvr. cité, p. 82), une expression poétique qui s'applique aux uns aussi bien qu'aux autres [aux ἄφλαστα comme aux ἀκροστόλια » Le vers qui fait l'objet de cette note contredit l'affirmation suivante de M. Vars : « L'étambot ne se terminait pas en arête brusque, mais se recourbait en volutes élégantes, et représentait tantôt une aigrette, tantôt un corymbe. Cette partie se nommait τὸ ἄφλαστον, poétiquement τὰ ἄκρα κόρυμβα. » (Ouvr. cité, p. 55.) D'abord, les ἄκρα κόρυμβα ne sont pas un synonyme poétique de l'ἄφλαστον, puisque nous avons ici les ἄκρα κόρυμβα de l'ἄφλαστον et, ensuite, les ἄκρα κόρυμνα se trouvent aussi bien à la proue qu'à la poupe.

V. 602. Par le choc obstiné (νωλεμές, d'une manière continue). — Ce mot qui se retrouve au vers 605 (d'une manière stable) semble à Dübner hors de propos au vers 602 : le critique préférerait quelque mot ayant le sens de celeriter. Au vers 605, Brunck, pour éviter la répétition du terme, propose ἐμμενές qui a le même sens, et que Dübner désapprouve; Merkel pense qu'Apollonios a pu écrire νωχελές, qui signifie d'une manière lente et lourde.

V. 606. Les aurait vus (῎δών). — Dübner trouve que le mot est ici déplacé, et qu'il faudrait peut-être ἰών. Wackefield avait, dit Wellauer, déjà fait cette conjecture qui est d'ailleurs la leçon d'un des mss. du Vatican. Wellauer repousse la leçon ἰών, disant que ἰδών signifie ici «vivens, ut saepe»; il est plus simple d'expliquer, comme Hoelzlin, « interius videns ».

V. 611. Grâce au navire (αὐτῇ νηί).— Le Scoliaste propose deux sens: que nous sommes sauvés avec le navire (en sous-entendant σύν, ce qui arrive souvent devant le datif d'αὐτός), ou grâce au navire même : la fin du discours de Tiphys montre bien que tel est le sens.

V. 614. Avec des chevilles. — Voir la note au vers 79.

V. 631. Nuit gémissante. — Le Scoliaste rapproche ces vers de l'Odyssée (XXII, v. 195).

V. 637. Vous ramener. — Merkel adopte, dans son edit. maior, ὕμμε, leçon du Guelf. et conjecture de Brunck, au lieu de la leçon vulgaire ἄμμε, qu'il avait lui-même dans son edit. minor. Wellauer défend ἄμμε : « Sensus est : Sollicitus sum, an salvi redituri simus, verum non mea 281 sed vestra causa. » Cette nuance semble bien subtile. Oublier dit, de son côté : « Rectius in editionibus veteribus ἄμμε  qui ipse cum illis domum reverti vult. » Mais Jason vient de dire qu'il ne pense pas à lui : il se préoccupe uniquement du retour de ses compagnons et non du sien propre. La leçon ὕμμε semble donc la meilleure.

V. 650. Le Rhébas... le rocher de Coloné... le cap Mêlas. — Voir la note au vers 349. — Coloné est une hauteur près du fleuve Lycos. Nymphis d'Héraclée, dit le Scoliaste, en fait mention dans son livre sur Héraclée. Strabon n'en parle pas.

V. 652. Les bouches du fleuve Phyllis. — « Le Phyllis est un fleuve de Bithynie. » (Scol.) Strabon ne parle pas de ce fleuve; mais il dit (405, 19) qu'au nombre des fleuves de Bithynie qui coulent entre Chalcédon et Héraclée il s'en trouve un nommé le Psillis. Se fondant sur ce passage de Strabon et sur une phrase du livre VI de Pline où il est question du Psillis, Brunck voudrait écrire Ψιλληίδας au lieu de Φυλληίδας : niais Wellauer fait remarquer que Stéphane de Byzance indique nettement, aux mots Φυλλίς et Ψίλιον, l'existence en Bithynie de deux fleuves bien distincts, le Phyllis et le Psillis. D'ailleurs, Pline ne parle ni de l'un ni de l'autre de ces fleuves puisque la vraie leçon du passage sur lequel Brunck s'appuyait est Syris (N. H., VI, 4).

V. 653. Dipsacos. — Ce héros était fils du fleuve Phyllis et d'une nymphe du pays dont le Scoliaste ne dit rien de plus qu'Apollonios et dont Apollodore ne parle pas. Le Scoliaste ajoute que Phrixos fit chez Dipsacos un sacrifice à Zeus Laphystios. La légende de Phrixos est intimement liée au culte de Zeus Laphystios, le dieu glouton (λαφύσσω, dévorer), ou le dieu du mont Laphystion en Béotie (Pausanias, IX, 34, 5), qui était spécialementadoré à Orchomène (Pausanias, I, 24, 2). C'est à Zeus Laphystios qu'Athamas voulait sacrifier Phrixos. Voir Preller, Griech. Mythol., zweitcr Band, dritte Auflage, Athamas und die Athamantiden, p. 310 et suiv.

V. 659. Le Calpé. — Ce fleuve, dont le Scoliaste ne dit rien, est probablement le Calpas, fleuve de Bithynie, que Strabon (465, 20) cite immédiatement après le Psillis. C'est à l'embouchure de ce fleuve que se trouve le port Calpé, cité par Pline (Calpas portas, N. H., VI, 4), par Xénophon (Κάλπης λιμήν, Anabase, VI, ii, 13, etc.), par Arrien (Peripl., § 17 et 18), etc.

V. 662. Tels fendant le sol... — « La nage était extrêmement fatigante... Apollonius compare ses héros à des bœufs couverts de sueur qui tracent péniblement leur sillon. » (Cartault, ouvr. cité, p. 122.)

V. 673. L'île Thynias.— Voir la note au vers 349. Le Scoliaste ajoute ici, à propos de cette île, que, d'après Nymphis d'Héraclée, elle a sept stades de périmètre; et que Callisthène dit, dans son Périple, que les Hellènes appelaient l'île et le pays Thynias, et les barbares Bithynie.

V. 675. Des hommes Hyperboréens. — Pour ce qui concerne Apollon Hyperboréen, voir Decharme, Mythol., p. 107-109. Le Scoliaste donne des renseignements sur le peuple mythique des Hyperboréens : « Hérodote [IV, 36] dit qu'il n'y a pas réellement d'Hyperboréens, puisque, s'il y a des peuples au delà de Borée, il doit y en avoir au delà de Notes. [Sur cette opinion d'Hérodote, voir Strabon, 51, 35.] Poseidonios dit 282 qu'ils existent et habitent aux environs des Alpes d'Italie. Mnaséas dit que les Hyperboréens se nomment maintenant Delphiens. Hécatée dit que, jusqu'à son temps, il existait un peuple Hyperborëen. Il a composé un livre avec ce titre : Des Hyperboréens. Il y avait trois races d'Hyperboréens : les Épizéphyriens, les Épicnémidiens et les Ozoles. » Quand il dit que les Hyperboréens se nomment maintenant les Delphiens, Mnaseas fait sans doute allusion aux traditions sur les Hyperboréens qui avaient cours à Delphes : Apollon serait venu du pays des Hyperboréens à Delphes, et, nouveaux serviteurs du dieu, les Delphiens auraient remplacé les Hyperboréens dans l'office de θεράποντες Ἀπόλλωνος. Les Delphiens seraient donc, au temps de Mnaseas. les successeurs des Hyperboréens. Diodore de Sicile (II, 47) résume les traditions d'Hécatée sur les Hyperboréens. — Quant à cette division des Hyperboréens en Épizéphyriens, Épicnémidiens et Ozoles, division qui n'est mentionnée, à notre connaissance, nulle part ailleurs que dans cette scolie, elle semble le résultat d'une confusion entre les Hyperboréens et les Locriens dont les diverses tribus entourent la Phocide où se trouve Delphes. On sait, en effet, que les Locriens se divisent en Épicnémidiens, Épizéphyriens, Opuntiens et Ozoles (Strabon, 357, 25 et suiv.; 215, 32 et suiv.).

V. 686. Apollon Matinal. — « II y a dans l'île Thynias un temple d'Apollon. Hérodore dit que, s'il est nommé Apollon Matinal, et si un autel lui a été élevé dans l'île, ce n'est pas parce que le dieu leur est apparu au point du jour, mais parce que les Argonautes ont débarqué au point du jour.» (Scol.) Sur  Ἀπόλλων Ἑώιος, voir Preller, Griech. Mythol., erster Band, dritte Auflage, p. 199.

V. 699. Leurs cuisses dans une double enveloppe de graisse. — Je traduis comme Beck : « Duplicata (duplici omento involuta) femora. » Dübner explique cette expression par l'expression homérique δίπτυχα ποιήσαντες; (Iliad., I, v. 461), qui signifie la double couche de graisse dont on enveloppe les cuisses des victimes.

V. 704. Bistonie. — Voir la note au vers 34 du Chant !er.

V. 706. Delphyné. — C'est, dit le Scoliaste, d'après Maiandrios et Callimaque, le nom du dragon femelle qui gardait l'oracle de Delphes. Apollodore donne le nom de Delphyné à un monstre moitié serpent, moitié femme, qui garda Zeus enchaîné par Typhon (I, 6, 3). On sait que, d'après la tradition ordinaire, le monstre vaincu par Apollon est le serpent Python. Voir Decharme, Mythol., p. 103-105. Preller (Griech. Mythol., erster Band, dritte Auflage, p. 194) s'appuie justement sur ce vers d'Apollonios et sur les scolies qui l'accompagnent pour conjecturer que c'est une tradition alexandrine qui a remplacé, dans la légende d'Apollon vainqueur du serpent, le monstre Python par le dragon femelle Delphyné.

V. 707. Et combattait nu. — Le Scoliaste explique par « qui n'a pas atteint la puberté», et Dùbner par « impubes, sine lanugine », interprétations du mot γυμνός; qui semblent peu exactes. D'ailleurs, Apollon, plus âgé, n'est pas représenté barbu. Schneider proposait τυννός, enfant. Hoclzlin traduit γυμνός; par inermis ou « imberbis, seu investis, aut magis impubes ». Brunck adopte ce dernier sens.

283 V. 710. La Coiogène Létô. — Léto est fille de Coios et de Phoibé. Coios était un Titan, et Phoibé, une Titanide, fille d'Ouranos et de Gaia, comme Coios (Hésiode, Théog., v. 134 et suiv., v. 404 et suiv.; Apollodore, I, 2, 4). Dübner trouve ce détail trop familier: « Gaudet Latona crines eius permulcens : epico poeta indignum

V. 711. Les Nymphes Coryciennes, filles de Pleistos. — Le Scoliaste dit que, dans le Parnasse, il y avait un antre nommé Corycien de la nymphe Corycia, qui eut d'Apollon un fils nommé Lycoreus (voir la note au vers 51), de qui Delphes se nomma Lycoréia. Le fleuve Pleistos est un fleuve du pays; quant au Parnasse, d'après Hellanicos, il dut son nom à Parnassos, héros indigète. Andron dit que cette montagne s'appela d'abord Larnassos parce que le vaisseau (λάρναξ) de Deucalion y aborda, et ensuite Parnassos, par suite de l'altération de la première lettre. Les nymphes Coryciennes encourageaient le dieu alors qu'il lançait ses flèches au dragon ; elles lui criaient : « Lance, lance (ἵη, ἵη) tes traits!» d'où le surnom d'ἰηπαιήων. — Strabon (358, 11) dit que l'on connaît bien ce bel antre Corycien des Nymphes situé dans le Parnasse ; le Pleistos est un fleuve de Phocide (359, 15). Lycoréia est une ville située au-dessus de Delphes; ses habitants l'abandonnèrent pour s'établir à Delphes même (359, 11). D'après Macrobe (Sat., I, 17), Apollodore aurait donné une autre étymologie du surnom d'Apollon : Apotlodorus in libro quartodecimo Περὶ Θεῶν, ἰήιον Solem scribit ita appellari Apollinem ἀπὸ τοῦ κατὰζ τὸν κόσμον ἱέσθαι καὶ ἱέναι, quod sol per orbem impetu fertur. » La différence d'aspiration entre ἱέσθαι, ἱέναι et ἰήιον semble s'opposer à cette étymologie comme aussi à celle du Scoliaste (ἵη etἰππαιήων). Le surnom d'Apollon vient plutôt de l'interjection ἴή (de ἴά, cri).

V. 722. Sangarios. — « Le Sangarios est un fleuve de Phrygie, nommé Sangaros, au dire d'Asclépiade de Myrléa. Hermogène, dans son livre sur la Phrygie, dit qu'un certain Sangas, ayant été impie envers Rhéa, fut changé en ce fleuve qui, de lui, se nomma Sangarios. Dans les environs, dit Xanthos, il y a un temple de Déméter, déesse des montagnes. » (Scol.) Strabon parle souvent du Sangarios, fleuve de Bithynie (cf. 482, 14; 465, 21, etc.). Apollodore dit que, suivant certaines traditions, Hécube, que l'on donne ordinairement pour la fille de Dymas ou de Cissée, était la fille du fleuve Sangarios (III, 12, 5).

V. 723. Mariandyniens. — Voir la note au vers 140.

V. 724. Le cours du Lycos. — « Le Lycos est un fleuve qui porte le même nom que le roi, et qui coule au travers du pays des Mariandyniens. Le nom du marais Anthémoéisis vient de la fille de Lycos, femme de Dascylos, le fils de Tantale. » (Scol.) Strabon, qui parle du Lycos d'Arménie, affluent de l'Iris, du Lycos de Phrygie, affluent du Méandre, etc., ne cite pas le Lycos de Bithynie, dont il est d'ailleurs question dans Scylax (Peripl., § 91), dans Xénophon (Anabase, VI, ii, 3), dans Arrien (Peripl., § 18), etc., et peut-être dans Ovide (Pont., IV, i, v. 47), à côté du Sangarios :

Huc Lycus, hue Sagaris...

Apollodore parle de Lycos dans son récit de l'expédition des Argonautes 284 (I, 9, 23); il dit aussi (II, 5, 9) quel secours Héraclès lui avait porté contre les Bébryces; dans les Argonautiques (Ch. II, v. 774 et suiv.), c'est à Dascylos, père de Lycos, que le héros rend ces services. Le fils de Lycos se nomme aussi Dascylos (Arg., Ch. II, v. 803). Le Scoliaste dit, dans sa note au vers 732, qu'une fille du fleuve Lycos, nommée Anthémoéisis, femme de Dascylos, fils de Tantale, fut la mère de Lycos, l'hôte des Argonautes. Cette descendance du roi Lycos est, dit le Scoliaste, attestée par Hérodore et par Nymphis, dans le livre Ierde son ouvrage sur Héraclée. Le fleuve Lycos a donc une fille nommée Anthémoéisis, qui, mariée à Dascylos, a pour fils Lycos, roi des Mariandyniens, lequel a, à son tour, un fils nommé Dascylos.

V. 725. Les câbles qui maintiennent la voile (κάλωες) et tous les agrès du navire (ὅπλά τε νήια πάντα). — On a vu (note au vers 566 du Chant Ier) que les κάλωες; sont proprement les cargues. Pour ce qui est des ὅπλα, d'après M. Vars (ouvr. cité, p. 61), dans le navire antique « l'armement total se nommait ἡ σκεύη. Le gréement et la voilure se nommaient τὰ ὅπλα: le gréement seul, τὸ σκεῦος. » Les instruments en bois se nommaient τὰ σκεύη ξύλινα, les cordages ou manoeuvres, τὰ σκεύη κεμαστάi : d'après Pollux, cité par M. Cartault (ouvr. cité, p. 54), on désignait les uns et les autres sous le nom commun de τὰ ὅπλα : « Τὰ δὲ σύμπαντα σκεύη ὅπλα καλεῖται. »

V. 728. Achérousis. — Le Scoliaste dit que tous ces détails sur le cap Achérousis, voisin d'Héraclée, se trouvent dans le livre Ier de l'ouvrage de Nymphis sur Héraclée, où Apollonios semble les avoir pris.

V. 734. A l'intérieur...— « Dans la partie du cap Achérousis, qui est tournée vers le continent et vers le midi, se trouve la caverne de l'Achéron et l'abîme souterrain. » (Scol.)

V. 743. Les bouches du fleuve Achéron. — Voir la note aux vers 353-355.

V. 743. Du côté de l'Orient. — Je traduis suivant le texte ordinaire ἠοίην (cod. Laur. et Guelf., edit. minor de Merkel, etc.) ἠῴην (mss. de Paris, édit. vulg ). Dans son edit. maior, Merkel prétend que ce mot ici n'offre pas de sens, car le golfe où se jette le fleuve est du côté de l'Occident, comme le disent les scolies et comme le montrent les cartes de géographie. Je ne sais pas si le golfe en question est indiqué par beaucoup de cartes ; en tout cas, je ne le trouve pas dans la carte du Strabon-Didot. Quant au Scoliaste, qui n'est pas d'ailleurs généralement infaillible en pareille matière, il dit, dans sa note au vers 743 : « Le poète dit que l'Achéron... se jette dans la mer du côté de l'Orient (πρὸς ἀνατολάς;). » Quoi qu'il en soit, le texte du poète n'indique pas d'une manière précise l'orientation du golfe. Merkel conclut : « Aut igitur scribendum Ἠοίην pro nomine eius sinus, aut temptanda emendatio. » La correction tentée est Ἰονίην : « lonium mare pars occidentalis Ponti Euxini etiam Δ 288, 308 nuncupatur. Ammianus Marc. (XXII, 13): Bospori vocati quod per eos quondam Inachi filia... ad mare lonium permeavit.  » Nous verrons aux vers 289 (non 288) et 308 du Chant IV quelle est la valeur des renseignements géographiques donnés par Apollonios au sujet des bouches de l'Ister. Quant à 285 Ammien Marcellin, son autorité en matière de géographie n'a pas lieu d'être invoquée ici; dans le passage de son histoire que Merkel cite à l'appui de sa thèse, il est question des voyages d'Io : «Le nom des Bosphores de Thrace et de Cimmérie vient de ce que la fille d'Inachus, transformée en génisse, comme parlent les poètes, les traversa pour se rendre dans la mer Ionienne.  » Or, M. Decharme (Mythol., p. 63z) dit fort bien, à propos de la fille d'Inachus: « La fantaisie géographique des poètes s'était plu à décrire son itinéraire vagabond, itinéraire qui varie chez Eschyle lui-même. La tradition qui lui fait diriger d'abord sa course vers la mer Ionienne a sa raison unique dans le rapprochement établi par les Grecs entre le nom de cette mer et celui de la fille d'Inachus. » Les poètes n'ont jamais pensé à une mer Ionienne qui fût la partie occidentale du Pont-Euxin. D'ailleurs, puisque Ammien dit que lo a traversé les Bosphores pour se rendre dans la mer Ionienne, il donne à entendre qu'elle est sortie du Pont-Euxin pour arriver à la mer Ionienne, qui ne peut donc faire partie du Pont.

V. 746. Le Soonautès. — Ce second nom de l'Achéron se retrouve dans Pline (VI, 4): «Fliumina... Callichorum, Sonautes.»

V. 747. Les Mégariens de Nisaia. — Nisaia, ville de la Mégaride, ainsi nommée de son fondateur Nisos, servait de port et d'arsenal à Mégare dont elle était peu distante (Strabon, 337, 12; 336, 32). Le Scoliaste place l'événement raconte par Apollonios pendant le voyage que firent les Mégariens pour aller s'établir à Héraclée. Mais, d'après Strabon (464, 24), Héraclée, ville du Pont, située sur le territoire des Mariandynicns, est une colonie de Milet et non de Mégarc. Arrien dit, d'autre part (Peripl., § 18), qu'Héraclée est une ville grecque dorienne, colonie des Mégariens.

V. 758. Avec les Bébryces. — Le Scoliaste dit que, dans ces fréquentes guerres avec les Bébryces, les Mariandyniens étaient le plus souvent vaincus, et que Priolas, frère ou, suivant d'autres, fils de Lycos, avait été tué par Amycos. Dans sa note au vers 780, le Scoliaste dit que Priolas, qui semble d'ailleurs inconnu (Apollodore ne parle pas de lui), était frère de Lycos et fils de Titias (voir la scolie au vers 1126 du Chant 1er, lequel était ou l'un des Dactyles Idaiens, fils de Zeus, ou le fils aîné de Mariandynos, fils lui-même de Phrixos ou de Cimmérios, et héros éponyme de la ville de Tition. — Le Scoliaste a dit, dans sa note au vers 140, que Mariandynos était fils de Cimmérios ou de Phinée : la tradition suivie par Apollonios empêche qu'il ne soit, pour l'auteur des Argonautiques, fils de Phrixos; les fils de Phrixos sont, en effet, des jeunes gens qui vont paraître à la fin du Chant II. Leur père ne pourrait être le bisaïeul de ce Priolas qui fut tué avant le temps où Héraclès trouva tout jeune homme ce Lycos qui est maintenant le père d'un grand fils. Quoi qu'il en soit, les scolics de ce vers et celles des vers 724 et 752 permettent d'établir la filiation du Lycos qui accueille les Argonautes. Il a pour père Dascylos, fils de Tantale; pour mère Anthémoéisis, fille du fleuve Lycos. Ce Lycos est fils de Titias; Titias est fils de Zeus ou de Mariandynos, fils lui-même de Cimmérios, de Phinée ou de Phrixos. — Quant à la ville de Tition, c'est celle que 286 Strabon nomme Téion (464, 41). Scylax cite cette ville (Peripl., | 90). C. Müller corrige en Tfeiov la leçon Τίειον du ms. de Paris. Mais il remarque lui-même dans ses notes critiques au § 19 du Périple d'Arrien, où il est question aussi de Τίον, que cette ville est bien celle dont parle la scolie au vers 780 du Chant II des Argonautiques. Il propose de corriger dans cette scolie Τίτιον. en Τίον, en se fondant sur ce que cette ville a pour héros éponyme, d'après Stéphane de Byzance, un certain Tios de race milésienne. Mais si la ville a été nommée du nom de Titias, elle doit bien s'appeler Tition.

V. 777. A pied. — La conquête de la ceinture d'Hippolyté est le neuvième des travaux d'Héraclès (Decharme, Mythol., p. 515). Apollodore (II, 5, 9) dit, comme Apollonios, que c'est après sa victoire sur Hippolyté que le héros vint porter secours aux Mariandyniens. Le Scoliaste ajoute qu'Héraclès allait à pied, parcourant par voie de terre le continent d'Asie, parce qu'il n'était pas encore possible de passer au travers des Symplégades.

V. 782. Dans de lamentables élégies. — D'après le Scoliaste, Nymphis et Callistrate disent que c'est Bormos, fils de Titias, que l'on pleurait. Nymphis raconte aussi qu'Héraclès soumit les Phrygiens aux Mariandyniens.

V. 783. Titias. — Ce Titias est inconnu; ce ne peut être ni le Dactyle Idaien (Ch. Ier, v. 1226), ni le père de Priolas, en l'honneur de qui on célèbre les jeux funèbres (voir la note au vers 768). Le Titias dont il est ici question était un jeune homme au moment où il lutta au pugilat avec Héraclès.

V. 789. Rhébas... Coloné. — Voir la note au vers 650. Le Scoliaste dit que la soumission des Paphlagoniens à Lycos par Héraclès est racontée dans le livre Ier des Argotiques de Deinias, et dans le Xe des Bithyniques d'AscIépiade de Myrléa.— Pour l'explication de l'épithète Pélopeiens attribuée aux Paphlagoniens, voir la note au vers 359.

V. 791. Le noir Billaios. — Ce fleuve, omis par Strabon, mais cité par divers auteurs (Arrien, Peripl., § 19; Pline, N. H., VI, 4, etc.), est, dit le Scoliaste, un cours d'eau qui arrose la Phrygie et qui se jette dans la mer, près de la ville des Tianes (Tiéion).

V. 795. L'Hypios. — Ce fleuve est omis par Strabon. Le Scoliaste dit qu'il arrose la ville d'Hypia et qu'il a reçu son nom des monts Hypiens. L'Hypios est cité par Scylax (Peripl., § 91), Arrien, etc. Pline mentionne le mon; Hypius (N. H., V, 148).

V. 804. Aux bouches mêmes du Thermodon. — Pour le Thermodon, voir les vers 370 et 970, et les notes qui s'y rapportent.

V. 815. L'Abantiade Idmon. — Le Scoliaste dit que, d'après Hérodore, Idmon mourut dans le pays des Mariandyniens et que Promathidas, dans son histoire d'Héraclée, et Nymphis, dans le livre Ierde son ouvrage sur Héraclée, racontent qu'il fut tué par un sanglier. La même tradition se trouve dans Apollodore (I, 9, 23).

V. 823. Les accidents du terrain au bord de ce fleuve... — Au lieu de θρωσμοὺς ποταμοῖο, Brunck, se fondant sur la manière dont H. Estienne, dans le Thésaurus, cite ce vers, et probablement aussi sur la leçon du vers 199 du Chant III, θρωσμοῦ πεδίοιο, veut écrire πεδίοιοi, au lieu de 287 ποπαμοῖο qui lui semble une répétition absurde du même mot déjà mis. au vers 818. Je crois la leçon des mss. préférable : s'il peut y avoir des accidents de terrain (θρωσμούς) au bord d'un fleuve bourbeux, il n'y en a pas dans une plaine bourbeuse.

V. 843. Un tronc d'olivier sauvage dont on aurait pu faire un rouleau de navire. — Apollonios désigne cette poutre par le mot φάλαγξ dont il a déjà été question à propos du lancement du navire Argo (voir sur les φάλαγγες la note au vers 375 du Chant Ier). Les mss. et les édit. portent νηίου ἐκ κοτίνου φάλαγξ, une φάλαγξ d'olivier sauvage, arbre qui sert à la construction du vaisseau; Merkel corrige νηίου en νήιος : une φάλαγξ navale d'olivier sauvage. Ce qui semble indiquer qu'il est question d'une φάλαγξ appartenant au navire. Merkel peut avoir été amené à cette correction par la note du Scoliaste : «  Les héros avaient beaucoup de ces φάλαγγες pour tirer le navire à sec. C'est l'une d'elles qu'ils choisirent, etc...» Il est évident que le prodige est plus remarquable encore si c'est un vieux rouleau de navire qui reverdit tout à coup. Mais rien ne prouve que les Argonautes aient eu la place de porter dans leur navire une provision de ces lourds rouleaux. Au contraire, nous savons qu'ils n'avaient même pas de rames de rechange, puisque Héraclès, après avoir brisé son aviron, est forcé d'aller dans la forêt chercher un jeune sapin pour se faire une nouvelle rame (voir Ch. Ier, v. 1168 et la note à ce vers). M. Cartault (ouvr. cité, p. 161) remarque à ce propos que, « bien que rien ne nous atteste l'existence de rames de rechange, il est vraisemblable qu'un triérarque prévoyant se procurait à ses frais quelques avirons de plus pour parer à des accidents de cette nature ». Il est seulement vraisemblable qu'au temps de la civilisation athénienne les triérarques avaient des rames de rechange; il n'est pas prouvé le moins du monde qu'ils aient eu des φάλαγγες en vue d'un séjour à terre de longue durée. Peut-on admettre que les Argonautes qui, nous le savons, n'ont pas une provision de rames, en aient une de φάλαγγες. D'ailleurs, ces encombrants rouleaux ne leur auraient été d'aucune utilité. Nulle part nous ne les voyons, comme les Achéens devant Troie, tirer leur navire sur le rivage en prévision d'un long séjour à terre. Ils ne font que passer; ils mouillent presque toujours en pays ennemi. D'ailleurs, même à l'époque de la plus grande civilisation grecque, on comprend que les navires n'aient pas eu besoin de porter des ipiXa-nt; : on ne s'arrête à demeure que dans des ports d'importance, et ces ports possèdent tout le matériel nécessaire à hâter le navire à terre. Je suis donc persuadé que les Argonautes ne prennent pas, pour la dresser sur le tombeau d'Idmon, une φάλαγξ. qu'ils auraient eue dans leur navire. Ils coupent un tronc d'olivier sauvage qui aurait pu faire une φάλαγξ et ils le plantent sur l'éminence qui recouvre les restes de leur compagnon. Je traduis donc : Un tronc d'olivier sauvage dont on aurait pu faire un rouleau de navire, c'est-à-dire semblable par sa longueur et sa largeur à un rouleau. Ils lui donnent même la forme d'une φάλαγξ pour en faire un monument de leur navigation; et c'est un prodige que cette sorte de colonne funéraire, ce tronc dépouillé de ses branches, reverdisse encore. — Apollonios embellit ici, en l'imitant, le passage de l'Odyssée (XII, v. 14-15) où l'on voit Ulysse et ses  288 compagnons dresser en haut du tertre qui recouvre les cendres d'Elpénor une rame facile à manier.

V. 845. Et s'il faut que... — «Apollonius parle ainsi parce que les habitants d'Héraclée ne savaient pas quel était le héros mort sur leur territoire que l'oracle leur avait ordonné d'adorer comme protecteur de leur ville. Promathidas confirme cette ignorance des habitants d'Héraclée. Ephore, dans son livre V, et d'autres racontent que les Béotiens et les Mégariens fondèrent Héraclée dans le Pont. [On a vu, dans la note au vers 747, que telle n'est pas l'opinion de Strabon.] Hérodore dit que sur la place publique d'Héraclée se trouve le tombeau d'Idmon, au-dessus duquel est un olivier sauvage. Agamestor est quelque héros indigète. » (Scol.)

V. 854. L'Agniade Tiphys. — « Nymphis dit que Tiphys mourut à Héraclée; Hérodore dit que cette mort n'arriva pas quand les Argonautes se rendaient eu Colchide, mais quand ils en revenaient. » (Scol.) Apollodore place la mort de Tiphys chez les Mariandyniens, peu après celle d'Idmon (I, 9, 23).

V. 861. Où  l'empreinte (ἐντυπάς). — Voir la note au vers 264 du Chant Ier.

V. 865-872. Ancaios..., Astypalaia..., eaux Imbrasiennes..., Parthénia...—-Voir la note au vers 186 du Chant !e. « Simonide le Généalogiste dit, comme Apollonios, qu'Ancaios, le Samien, qui fut pilote après la mort de Tiphys, était fils de Poséidon et d'Astypalaia, fille de Phoinix. » (Scol.) Apollodore ne cite au nombre des Argonautes qu'Ancaios fils de Lycourgos (I, 9, 16), qui fut pilote après la mort de Tiphys (I, 9, 23).

V. 898. Acceptaient Ancaios avec faveur. — « Hérodore dit que c'est Erginos qui fut le pilote d'Argo après la mort de Tiphys.» (Scol.) Cette tradition a été suivie par Valérius Flaccus, qui  dit.(Arg. V, v. 63) que le chêne fatidique d'Argo demande lui-même Erginos pour pilote.

V. 901. L'Achéron. — D'après le Scoliaste, Hérodore, dans ses Argonautes, dit qu'ils firent cinq stades dans l'Achéron pour s'éloigner du port et arriver à la mer. — Voir la note au vers 913 du Chant Ier.

V. 904. Callichoros. — « Le Callichoros est un fleuve de Paphlagonie consacré à Dionysos, près d'Héraclée; Callimaque en fait mention. Il se jette dans la mer par une double embouchure. Il a été ainsi nommé parce que Dionysos, à son retour de chez les Indiens, institua des chœurs sur ses bords. On l'appelait aussi l'Oxynon. » (Scol.) Strabon ne mentionne pas le Callichoros; Scylax le cite (Peripl., § 90). Cf. Pline (N. H., VI, 4). Ammien Marcellin (XXII, 8, 22) parle de tous les lieux dont il est ici question : « Brevi spatio distant virorum monumenta nobilium, in quibus Sthenclus est humatus et Idmon et Tiphys... Praetercursis partibus memoratis, Aulion antrum est, et fluenta Callichori ex facto cognominati quod superatis post triennium Indicis nationibus, ad eos tractas Liber revenus, circa huius ripas virides et opacas orgia pristina reparavit et choros. » — Le nom du fleuve Oxynon se trouve, plus ou moins modifié, dans Arrien, Marcien, etc. (Voir les notes à la page 67 du vol. I des Geogr. Graec. Min. de Didot.) Pour le surnom Nyséien de Dionysos, voir Decharme, Mythol., p. 437-438. — II ne 289 semble pas possible d'établir nettement à quelle désignation moderne s'identifie le nom de l'antre Aulion. Αὔλιον signifie lieu de retraite pour la nuit : d'où, probablement, au vers 908 la leçon ηὐλίζετο de l'Et. M., que Merkel préfère à la leçon des mss., εὐνάζετο. (Voir les notes à la page 384 du vol. I des Geogr. Graec. Min. de Didot.)

V. 911. Sthénélos.— Le Scoliaste dit qu'Apollonios a emprunté à Promathidas l'histoire de la mort de Sthénélos, arrivée alors qu'il se rendait en Paphlagonie, mais qu'il a lui-même imaginé l'apparition. — Valérius Flaccus (V, v. 90) a reproduit l'épisode de Sthénélos. — Les mythographes citent plusieurs Sthénélos; le fils d'Actor est un des moins connus.

V. 920. Son casque brillant était orné de quatre cimiers (τετράφαλος). — Le φάλος est le cimier, éminence conique, qui s'élève le long du casque, et où se plante l'aigrette (λόφος). Les quatre cimiers du casque de Sthénélos forment, sans doute, un couronnement carré; du centre s'élève l'aigrette. Voir, pour le sens de τετράφαλος, les diverses explications proposées par les commentateurs d'Homère (Iliade, XII, v. 384; XXII, v. 315).

V. 924. Ils se hâtèrent donc d'amener la voile. — M. Cartault (ouvr. cité, p. 195) dit à propos de ce vers : « Quand on voulait arrêter brusquement le navire, on se servait des cargues pour plier la voile. »

V. 928. Les cuisses (μῆρα). — Brunck a corrigé en μῆρα la leçon μῆλα (brebis) des mss.; il dit à l'appui de cette correction : « Caesae in Inferorum sacris victimae integras comburebantur; quae autem Superis diis obferebantur, earum coxae tantum aris imponebantur, reliquae partes sacrificantium epulo reservabantur. Pueris haec nota sunt. » Merkel adopte la correction de Brunck, que Wellauer rejette parce que le mot μῆρα, très rare dans Homère, ne se trouve jamais dans les Argonautiques. J'ai traduit, au vers 926, ἔντομα μήλων par des brebis sacrifiées au mort, puisqu'elles sont sacrifiées en entier, et non par des parties de brebis, comme le voudrait Dübner, qui interprète : « Non viscera, sed praesectae partes. »

V. 929. Lyré. — D'après le Scoliaste, Promathidas dit qu'Orphée plaça sa lyre sur la colonne du tombeau, et certains auteurs disent qu'une partie de la Paphlagonie prit le nom de Lyré. Valérius Flaccus (V, v. 100) dit aussi que le nom de Lyré resta à cet endroit. Strabon ne mentionne pas d'endroit ainsi nommé.

V. 931. Ils hissèrent la voile et la déployèrent en la tendant sur les deux cordages de droite et de gauche (ἐς πόδας ἀμφοτέρους). — Hoelzlin explique ainsi cette manœuvre : « Velum igitur in utrumque pedem dimittere, est veli sinus utrinque alligare, adeoque plenis navigare velis. » Cf. Weil (Sept tragédies d'Euripide, note au vers 1010 d'Hécube] : « Comme terme de marine, ποῦς se dit toujours de l'un des deux cordages attachés aux deux bouts inférieurs de la voile. » On sait que le mot a passé en latin, par exemple Enéide, V, v. 830 :

Una omnes fecere pedem, parilerque sinistros,
Nunc dextros solvere sinus.

Les πόδες sont les écoutes : « Quand Apollonius de Rhodes (II, v. 931 ) 290 décrit la manœuvre qui consiste à larguer la voile, il s'exprime ainsi : Ayant hissé la voile, ils la déployèrent au moyen des deux πόδες. C'est bien là, comme nous l'avons vu, la fonction que Jal assigne aux écoutes... L'identitication des écoutes avec les πόδες n'en reste pas moins absolument certaine.» (Cartault, ouvr. cité, p. 221.) M. Vars (ouvr. cité, p. 83) traduit ce ver» d'Apollonios en se servant des termes techniques modernes : « La voile hissée, ils la bordent avec les deux écoutes, » Et il ajoute, en note : « Border une voile, c'est l'établir une fois déployée (larguée), en tirant (halant) sur les écoutes, afin de raidir la ralingue du bas. »

V. 936. Le cours du Parthénios. — « Le Parthénios est un fleuve de Paphlagonie qui se jette dans le Pont, près de la ville de Sésamos. Callisthène dit qu'il a reçu le nom de Parthénios [virginal], parce qu'Anémis s'y baigne. Quelques-uns, parce que son cours est tranquille et presque stagnant. » (Scol.) Strabon (463, 39) dit que le nom du fleuve lui vient de ce que, coulant au travers de plaines fleuries, il a, pour ainsi dire, un air virginal. Cf. Scylax (Peripl., § 90), Arrien (Peripl., § 19), etc.

V. 941. Sésamos.— «Sésamos est une ville de Paphlagonie, citée par Homère, [lliad., II, v. 853 : il est question dans ce passage du roi des Paphlagoniens, Pylaiménès, qui commandait aux peuples de Scsamos, du Cytorc, du fleuve Parthénios, de Cromna, d'Aigialos et d'Érythinos, tous noms qui reparaissent ici.] Sésamos reçut plus tard le nom d'Amastris, de la fille du frère de Oareios. » (Scol.) Strabon (466, 42) complète cette dernière indication du Scoliaste en disant qu'Amastris, femme de Dionysios, tyran d'Héraclée, était fille d'Oxyathras, frère du Oareios qui fut vaincu par Alexandre. Sésamos est aussi citée par Scylax (Peripl., § 90), par Mêla, par Pline, etc. — Des hauts rochers Érythiniens. — « Ce sont des hauteurs de Paphlagonie, ainsi nommées à cause de leur couleur [Ἐρυθῖνοι, rouges], et citées par Homère.» (Scol.) Mais Homère (lliad., II, v. 855) parle, semble-t-il, de la ville située au pied de ces rochers. Arrien (Peripl., § 20) ne dit pas nettement si, pour lui, le mot Erythinien désigne une ville ou des rochers. Stéphane de Byzance parle de la ville d'Érythinos, Ptolémée, des rochers. (Voir la note à la page 386 des Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I.) Strabon (467, 6) dit que l'on nommait, à cause de leur couleur rouge, Érythiniens deux rochers de Paphlagonie, appelés de son temps Érythriniens.

V. 942. Crobialos, Cromna, Cytoros. — Ce sont des villes de Paphlagonie, dit le Scoliaste. Dans le passage d'Homère, cité plus haut, le Scoliaste fait remarquer, ainsi que Strabon (464,47; 466, 54), qu'on lit souvent Crobialos au lieu d'Aigialos. Valérius Flaccus (V, v. 102) cite Crobialos. — Strabon (466, 46) dit que Sésamos, Cytoros, Cromna et Tiéos sont les quatre bourgs dont la réunion a formé Amastris; et que Cytoros, dont les environs produisent beaucoup de buis, et qui doit, d'après Ephore, son nom à Cytoros, fils de Phrixos, a été le marché de Sinope. Mais l'épithète ὑλήεις, couvert de forêts, permet de supposer qu'il s'agit ici non de la ville, mais du mont Cytoros, voisin lui aussi de la mer. Virgile s'est souvenu sans doute de ce passage 291 d'Apollonios quand il a dit (Georg., II, v. 437) : undantem buxo... Cytorum. Voir Catulle, IV, v. 11, Cytorio in iugo, v.13... Cytore buxifer; Valérius Flaccus, V, v. 105... pallentemque Cytorum, etc.

V. 943-943. Le cap Carambis... l'Aigialos. — Voir les notes aux vers 361 et 365. Valérius Flaccus ne parle pas de l'Aigialos, mais il cite le Carambis dans la prédiction de Phinée (IV, v. 599) et dans le récit de la navigation des héros (V, v. 107).

V. 946. La terre assyrienne. — II est évident qu'il ne s'agit pas ici de l'Assyrie proprement dite, mais bien de la Leuco-Syrie, pays du Pont, séparé de la Paphlagonie par le fleuve Halys. (Voir Strabon, 468, 21.) Scylax (Peripl., § 89), Denys (Perieg., v. 772 et suiv.), etc., donnent aussi le nom d'Assyrie au pays voisin de Sinope. « Le poète entend par Assyrie, la Syrie, la Cappadoce. Ce pays s'appelait autrefois Syrie, parce que, comme dit Hérodote [I, 6], le fleuve Halys, qui se jette dans le Pont, coule entre la Syrie et la Paphlagonie. Certains, parmi les anciens, appelaient ce pays Leucosyrie. » (Scol.)

— Sinopé — La ville qui prit le nom de Sinopé est bien connue. Il faut remarquer que, du temps de l'expédition des Argonautes, elle n'était pas encore fondée. (Voir Couat, ouvr. cité, p. 302, et Stender, ouvr. cité, p. 62.) Strabon parle longuement de Sinopé, colonie des Milésiens (467, 17 et suiv.), mais il dit d'autre part (38, 23) qu'aux environs de Sinopé on voit de nombreuses traces des expéditions de Jason et de Phrixos; ce qui prouve, en tous cas, que, suivant les anciennes légendes, ces expéditions se sont arrêtées auprès de l'endroit où Sinopé devait être fondée. — « Sinope, ville du Pont, fut nommée de Sinope, fille d'Asopos, qu'Apollon enleva et amena de Syrie aux bords du Pont; s'étant uni à elle, il en eut Syros, de qui descendent les Syriens. Andron [d'Halicarnasse], dans son ouvrage sur le Pont, dit que le pays des Assyriens était nommé Leucosyrie par opposition à la Syrie de Phénicie. Andron de Téos dit qu'une des Amazones, s'étant réfugiée vers le Pont, épousa le roi de ces pays; ayant coutume de boire beaucoup de vin, elle fut nommée Sanapé, nom qui, traduit en grec, signifie grande buveuse. Artëmidore dit que certains appelaient les Assyriens, Leucosyriens. Dans les Orphiques, il est dit que Sinope est fille d'Arès et d'Aiginé; suivant d'autres, d'Arès et de Parnasse; d'Asopos, suivant Eumélos et Aristote. Le poète dit qu'elle trompa le fleuve Halys, et Apollon et Zeus, leur ayant d'abord demandé d'obtenir d'eux ce qu'elle désirerait, et leur ayant dit ensuite qu'elle désirait garder sa virginité : ce qu'elle obtint, car ils étaient enchaînés par leur serment. Philostéphane dit, au contraire, qu'unie à Apollon elle enfanta celui qu'on appela Syros. Comme les ivrognes sont appelés sanapai dans le dialecte des Thraces, dialecte dont usent aussi les Amazones, la ville se nomma Sanapé et ensuite, par corruption, Sinope. L'Amazone ivrogne quitta la ville pour aller vers Lytidas, au dire d'Hécatée. » (Scol.) Tels sont à peu près tous les renseignements que nous avons sur Sinope. Apollodore s'occupe du fleuve Asopos, fils, suivant Àcousilaos, d'Océanos et de Téthys, et mari de Métope, fille du fleuve Ladon. Le mythographe nomme les deux fils d'Asopos, mais il ne cite qu'Aiginé parmi les vingt filles nées du fleuve et de Métopé 292  (III, 12, 6). Diodore de Sicile donne les noms des deux fils et des douze filles d'Asopos et de Métope : l'une d'elles est Sinopé qui, enlevée par Apollon, fut transportée à l'endroit où s'éleva la ville appelée Sinope de son nom. Sinopé donna à Apollon un fils, Syros, qui fut roi du peuple qui prit son nom, le peuple des Syriens (IV, 72).

V. 953. Le fleuve Halys. — Voir la note au vers 366.

V. 955. Les fils du vénérable Triccaien Deimachos, Deiléon, Autolycos et Phlogios. — Le Scoliaste dit qu'Autolycos et ses compagnons, s'étant égarés loin d'Héraclès, ou, suivant d'autres traditions, ayant été abandonnés par lui, se fixèrent pris de Sinope. Valérius Flaccus (V, v. il5) dit aussi que ces trois personnages furent recueillis par les Argonautes. Tricca est une ville de l'Histiaiotide en Thessalie (Strabon, 376, i); ce Deimachos de Tricca ne semble pas être le même que Deimachos, père d'Énarété, ni que Deimachos, fils de Nélée, cités tous deux par Apollodore (I, 7, 3; I, 9, 9). Ses trois fils ne sont pas mieux connus. Apollodore met au nombre des Argonautes Autolycos, fils d'Hermès (I, 9, 16), voleur proverbial, père d'AnticIée et aïeul maternel d'Ulysse. C'est probablement au fils de Deimachos que Strabon fait allusion quand il cite un Autolycos, compagnon de Jason, habitant de Sinope, où il était honoré comme un dieu et où Sthéois lui avait élevé une statue qui fut ravie par Lucullus (468, 2 et suiv.). Il n'y a aucun renseignement sur Deiléon et Phlogios. D'ailleurs, les trois fils de Deimachos ne jouent aucun rôle dans la suite du poème d'Apollonios.

V. 961. Le vent Argestès. — « C'est le Zéphyre, ainsi nommé parce qu'il commence (ἄρχεται) à souffler à la fin de l'été.» (Scol.) Dans Homère (lliad., XI, v. 306; XXI, v. 334), le mot ἀργεστής, que l'on explique par blanchâtre, qui amasse les nuages blancs (ἀργός), est une simple épithète du Notos, vent du Sud-Ouest. Il devint plus tard le nom d'un vent particulier que les Romains ont identifié avec le Corus, vent du Nord-Ouest. Cf. Pline (N. H., XVIII, 338) : Corus, Graecis dictus Argestes; Sénèque (Nat. Quaest., V, xvi) : Corus, qui apud quosdam Argestes dicitur; Aulu-Gelle (Att. Noct., II, xxii, 12) : Corus quem solent Graeci Ἀργεστήν vocare. Le scoliaste d'Apollonios assimile l'Argestès au Zéphyre, qui est le vent d'Ouest en général : c'est du vent du Nord-Ouest que les Argonautes ont besoin pour aller de Sinope au cap des Amazones.

V. 963. Le fleuve Halys, l'Iris. — Voir les notes aux vers 366 et 367.

V. 964. Les alluvions de la terre d'Assyrie. — Voir la note au vers 371. Le Scoliaste explique comment les grands fleuves qui arrosent cette terre ont formé à leurs embouchures des terrains d'alluvions. Il cite, à ce propos, Apollonidès.

V. 965. Le cap des Amazones. — «De Sinope à Trapézonte en Colchide [Trapézonte est dans le Pont et non en Colchide], à une distance de 3,ooo stades, il n'y a pas d'autre port que celui qui est dans le golfe Héracléios. » (Scol.) Voir, pour le port Héracléios, la note au vers 371. Le Scoliaste donne les renseignements suivants sur les Amazones : « Ephore, dans son livre IX, dit que les Amazones, insultées par les hommes, ceux-ci étant partis pour une guerre, tuèrent 293 ceux qui étaient restés dans le pays et ne reçurent plus ceux qui venaient de l'étranger. Denys, dans son livre II, dit qu'elles habitaient du côté de la Libye; que, supérieures en force à leurs voisins, elles les mirent en fuite, vinrent en Europe, y fondèrent plusieurs villes et se soumirent le peuple Atlantique, le plus puissant de ceux de la Libye. Zénothémis dit qu'elles habitaient en Ethiopie, et qu'ayant passé sur le continent opposé, elles s'unirent aux hommes de ces pays; si elles donnaient le jour à un enfant du sexe féminin, elles l'habituaient à leur genre de vie; si c'était un mâle, elles le donnaient aux hommes. » Voir sur les Amazones en général Apollodore (II, 3, i ; II, 5,9), Diodore de Sicile (II, 44 et suiv. ; leur victoire sur le peuple Atlantique, III, 54; leur défaite par Héraclès, IV, 16), etc., et la Mythol. de Decharme (p. 145), où sont indiqués les travaux modernes sur les Amazones, en particulier ceux de Mordtmann (Hanovre, 1862), et de Klugmann (Philologus, XXX). Stender (ouvr. cité, p. 63), s'autorisant du silence gardé, après Apollonius, par Apollodore, par Hygin et par Valérius Flaccus, sur les rapports des Argonautes avec les Amazones (Diodore, dans le long récit qu'il fait de l'expédition des Argonautes, IV, 40 et suiv., n'en dit rien non plus), suppose qu'ApoIlonios le premier a introduit les Amazones dans l'histoire des Argonautes. II se fonde sur la scolie au vers 990 : « Harmonia, nymphe naïade, de laquelle et d'Arès sont nées les Amazones, au dire de Phérécyde que suit Apollonios. » Apollonios suit-il Phérécyde pour tout l'épisode, ou simplement pour ce renseignement particulier sur la filiation des Amazones? Il est probable que c'est simplement pour cette question généalogique. (Voir Couat, ouvr. cité, p. 296, note 1.)

V. 966-968. Mélanippé... Hippolyté. — Le Scoliaste ne dit rien de Mélanippé, qui n'est pas non plus nommée par Apollodore dans le récit qu'il fait de la lutte d'Héraclès avec Hippolyté (II, 5, 9). Diodore de Sicile (IV, 16) raconte à peu près comme Apollonios l'épisode de Mélanippé. D'autres Mélanippé sont citées dans les légendes grecques. Le Scoliaste de Pindare (Nem., III, v. 64) rapporte des vers de l'Atthis d'Hégésinoos, où il est dit que Télamon tua Mélanippé, sœur de la reine des Amazones, qui portait le baudrier d'or. D'après Decharme (Mythol, p. 525), Hippolyté serait la même que Mélanippé: « Leur reine [des Amazones], Hippolyté ou Mélanippé, possédait comme insigne de sa royauté une ceinture qui lui avait été donnée par Arès. »

V. 969. Exempte de tout dommage (ἀπήμονα). — Dübner précise : indelibata virginitate.

V. 970. Auprès des embouchures du Thermodon. — Voir la note au vers 370. Strabon ne donne aucun de ces détails curieux sur le Thermodon, auxquels Apollonios se complaît. Arrien (Peripl., § 23), et Scylax (Peripl., § 89) citent simplement le nom du fleuve.

V. 977. Qu'on appelle, dit-on, monts Amazoniens. — Ces monts ne sont mentionnés que par Pline (N. H., VI, 10) : « Amnis Thermodon... praeτerque radices Amazonii montis lapsus. » Denys le Périégète (v. 772) dit que le Thermodon vient du mont Arménios, ἀπ' οὔρεος Ἀρμενίοιο. Cf. Priscien, v. 749; Aviénus, v. 960. Mais le mont Arménios est inconnu, et Strabon assure d'autre part qu'Ératosthène se 294 trompe en mettant le Thermodon au nombre des fleuves d'Arménie (453, 46). Dans la digression géographique dont il a déjà été question (voir note au vers 904), où Ammien Marcellin (XXII, 8) parle de tous les peuples et de tous les pays que nous trouvons cités par Apotlonios dans ce Chant II des Argonautiques, on lit : « Thermodon... ab Armonio defluens monte. » Le mont Armonius n'est pas plus connu que le mont Arménius. G. Mûller (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, note à la page 390) voudrait lire Amazonio monte, comme dans Pline. Mais il est plus probable qu'Ammien a écrit Acmonio, confondant le mont d'où sort le Thermodon avec le bois Acmonios auprès duquel il passe. Voir la note au vers 992.

V. 984. A l'abri d'un cap qui se recourbe. — Merkel dit : κυρτὴ ἄκρη erit λιμενηόχος (qui a un port).

V. 988. La plaine Doiantienne. — Voir la note au vers 373.

V. 990. De la race d'Arès. — Voir, à la note au vers g65, la citation de Phérécyde faite par le Scoliaste. Suivant les traditions ordinaires (Apollodore, III, 4, 2), Harmonia est fille d'Arès et non une de ses femmes. Le père des Amazones est, suivant la plupart des mythographes, Arès; leur mère, Otréré (Hygin, Fabul.,30), ou Aphrodite (Scol. Iliad., I, v. 189).

V. 992. Du bois Acmonios. — Nulle part, dit le Scoliaste, Eirénaios n'a donné d'éclaircissement sur le bois Acmonios; il est voisin du Thermodon. Phérécyde en fait mention dans son livre II. Voir la note au vers 373.

V. 993-999. Thémiscyréiennes..., Lycastiennes..., Chadésiennes...— Strabon dit que l'on plaçait le royaume des Amazones à Thémiscyra, dans les plaines du Thermodon (433, 21). D'après le Scoliaste, c'est d'une place de la Leucosyrie qu'Apollonios tire leur nom de Lycastiennes, et Hécatée les nomme Chadésiennes, de la ville de Chadésia. Dans sa note au vers 373, le Scoliaste a déjà dit que les trois villes des Amazones étaient Thémiscyra, Lycastia et Chadésia. Le nom de Lycastia se trouve, diversement modifié, dans Pomponius Mêla (1,19) : « Urbs... Lycasto », et dans Pline (N. H., VI, 9) : « In ora autem ab Amiso oppidum et flumen Chadisia, Lycastum, a quo Themiscyrena regio. » Scylax (Peripl., § 89) mentionne le fleuve Lycastos, qui est également cité dans le Périple de Ménippe (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. 1, p. 572), en même temps qu'un fleuve et un bourg du nom de Chadisios; ce dernier bourg est aussi nommé par Stéphane de Byzance.

V. 1001. Des Chalybes. — Voir Strabon (470, 30); Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, p. 65, note au § 88 du Périple de Scylax; Denys (Perieg., v. 708-771), qui s'inspire de ce passage d'Apollonios.

V. 1008. Ils supportent un dur labeur. — Le vers est spondaîque, peut-être pour insister sur la vie pénible des Chalybes, remarque Shaw, qui rapproche ce vers d'un autre spondaîque (Ch. Ier, v. 272), où le poète montre la triste existence k laquelle une jeune fille est condamnée par une marâtre.

V. 1009. Le cap Génétaios.— Voir la note au vers 378.

V. 1010. Des Tibaréniens. — Voir la note au vers 377. — Les Tiba- 295 réniens semblent avoir donné lieu à d'autres légendes; l'auteur de la Périégète, attribuée à Scymnos (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, p. 284, v. 914-916), prétend que les Tibaréniens s'efforcent de rire à propos de tout, pensant que c'est là le bonheur suprême. Cf. Ëphore (Fragment. Hist. Graec., Didot, vol. I, fragm. 82) : « Ëphore dit dans son livre V que les Tibaréniens sont possédés du goût de s'amuser et de rire. C'est en cela, d'après eux, que réside le bonheur suprême. » Mêla dit aussi (I, 19) : « Tibareni ...quibus in risu lusuque summum bonum est. » Le Scoliaste rapporte de plus que les Tibaréniens sont les plus lâches des hommes. Xénophon (Anabase, V, v) dit que 'les Grecs durent traverser le pays des Tibaréniens après celui des Chalybes, et qu'ils en reçurent des présents : il ne donne aucun détail sur l'usage bizarre attribué aux hommes de ce peuple par Apollonios et Nymphodore, cité par le Scoliaste, et aux hommes de Corse par Diodore de Sicile (V, 14). Cette coutume étrange, que les anthropologistes contemporains désignent sous le nom de couvade, servait à attester d'une manière symbolique les droits du père sur l'enfant nouveau-né. On la trouve encore dans quelques contrées de l'Europe et surtout en Amérique. Voir Zaborowski, article Couvade, vol. XIII de la Grande Encyclopédie (1891).

V. 1015. Le mont Sacré.— «Ce mont, qui s'étend jusqu'au Pont- Euxin, est mentionné par Ctésias dans le livre 1er de sa Périodos, et par Suidas, dans son livre II, à propos des Macrônes. Agathon [ou Andron, d'après C. Müller, Fragm. Hist. Graec., Didot, vol. IV, p. 291], dans son Périple du Pont, en parle d'une manière plus précise, disant qu'il est à une distance de cent stades de Trapézonte. Eirénaios prétend que Mnésimaque en parle dans son livre Iersur les Scythes: c'est une erreur, car Mnésimaque parle de la Scythie, située en Europe. » (Scol.) — Ce mont sacré n'est pas mentionné par Strabon, mais par Arrien (Peripl., § 24), etc.

V. 1016. Les Mossynoiciens.— On a de nombreux renseignements sur ce peuple étrange dont les usages bizarres semblent avoir vivement étonné les anciens. Strabon (470, 20 et suiv.) confirme les renseignements que donne Apollonios sur les demeures des Mossynoiciens. Il ajoute que ces barbares vivent de la chair des bêtes sauvages et des glands qui tombent des arbres; ils s'élancent du haut de leurs mossynes pour attaquer et piller les voyageurs. Le géographe dit que, parmi ces peuples, la tribu la plus sauvage était celle des Heptacomètes qui réussit à massacrer trois cohortes de Pompée, après les avoir enivrées d'une sorte de miel capiteux que distillent les branches de certains arbres de ces régions. Xénophon (Anabase, V, v) dit que les Grecs, pendant toute leur expédition, n'avaient jamais rencontré une nation dont les mœurs fussent plus éloignées des leurs. Il donne, d'ailleurs, à peu près les mêmes détails sur eux qu'Apollonios : « Ils font en public ce dont les autres humains se cachent et dont ils s'abstiendraient s'ils étaient vus.» — Pomponius Mêla (I, 19) : « Mossyni turres ligneas subeunt... promiscue concumbunt et palam [Apollonios ne parle pas de cette promiscuité, et le Scoliaste a soin de faire remarquer, dans sa note au vers 1025, que c'est avec sa propre femme, mais aux yeux de 296 tous, que chacun a commerce]; reges suffragio deligunt, vinculisque et artissima custodia tenent, atque ubi culpam prave quid imperando meruere, inedia totius diei officiant. » Cette particularité sur les punitions infligées au roi est aussi, dit le Scoliaste, rapportée par Éphore et par Nymphodore. Xénophon raconte que le roi est entretenu et gardé par ses sujets dans une tour de bois, située au sommet de la montagne. La Périégèse, attribuée à Scymnos (v. 900-910), rapporte à peu près les mêmes traditions sur les Mossynoiciens. — Valérius Flaccus (V, v. 141-154) se borne à résumer ce que dit Apollonios des Chalybes, des Tibaréniens, des Mossynoiciens, en évitant prudemment d'insister sur les détails trop réalistes. — Voir aussi Diodore de Sicile (XIV, 30), et les auteurs cités dans les Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, notes à la page 64.

V. 1031. L'île Arétias. — Voir la note au vers 382. — « On dit que cette île fut colonisée par Otréré, fille d'Arès. Timagète fait mention de 171e d'Arès et des oiseaux qui s'y trouvaient : oiseaux aux ailes de fer qu'on nomme les Stymphalides.» (Scol.) L'Ile Arétias est citée par Scylax (Peripl., § 86), par Arrien (Peripl., ? 14), etc. Hygin (Fabul., 20 et 21) raconte la lutte des Argonautes avec les oiseaux Stymphalides et la place dans une île voisine des Symplégades, Dia. Ailleurs (Fabul., 30), il dit qu'Héraclès tua ces oiseaux « in insula Martis », ce qui ne concorde aucunement avec les traditions ordinaires. Apollodore (II, 5, 6) raconte la lutte d'Héraclès contre les oiseaux Stymphalides, qui se trouvaient dans le marais Stymphalis, près de Stymphale, ville d'Arcadie; mais il ne dit nulle part que les Argonautes aient eu à les combattre.

V. 1041. Le baudrier. — Dübner dit à ce propos : «Male intellexerunt τελαμών, balteus; descendit super dextrum humerum, cui adsita vagina gladii; et in ipso iam Homero usurpatus est vulneribus curandis, deinde, abusive de eo quod dicimus : Verband. »

V. 1051. Car Héraclès... — Le Scoliaste donne plusieurs renseignements sur cet épisode qui est, d'après Apollodore (II, 5, 6), le sixième travail d'Héraclès: On ne pouvait, dit-on, repousser les oiseaux Stymphalides, qu'en étant muni d'un crotale d'airain, et en les effrayant par le bruit. On les nomme oiseaux nageurs, parce qu'ils nageaient dans un marais d'Arcadie, d'où Héraclès les chassa. Stymphélos est une ville d'Arcadie, et Stymphélis, un marais. Homère a dit : Ils possédaient Stymphélos [Iliad., II, v. 608]. De là se nomment Stymphélides ces oiseaux qu'Apollonios appelle nageurs. Séleucos, dans ses Mélanges, leur donne le même nom; Charès le fait aussi dans son livre sur les histoires d'Apollonios, lui qui était connu d'Apollonios. Mnaséas dit, en termes formels, que le héros Stymphalos et une femme nommée Ornis [oiseau] avaient eu pour filles les Stymphalides, qu'Héraclès tua parce qu'elles ne l'avaient pas accueilli et qu'elles avaient reçu comme hôtes les Molions. Phérécyde dit que ce n'étaient pas des femmes, mais des oiseaux qui furent tués par Héraclès, grâce à la cliquette qui lui avait été donnée pour faire du bruit et les effrayer. Hellanicos dit de même. On dit que le marais Stymphalis disparut dans des fondrières et fut desséché. » Cette cliquette — ou crotale 297 oeuvre d'Héphaistos, aurait été, dit le Scoliaste, donnée à Héraclès par Athéna; suivant Hellanicos, le héros se la serait fabriquée. — Apollodore (II, 5, 6) raconte qu'Héraclès, muni de crotales d'airain, oeuvre d'Héphaistos, qu'Athéna lui avait donnés, effraya les oiseaux Stym- phalideset les tua à coups de flèches. D'après Diodore de Sicile (IV, 13), c'est Héraclès qui imagine l'instrument d'airain dont le bruit fait fuir les oiseaux. Pausanias (VIII, 22) dit que dans un temple, à Stymphale, on voyait sculptées les images de ces oiseaux. M. Decharme (Mythol., p. 522) constate certains rapports entre leur légende et celle des Harpyes. Strabon (319, 4) dit qu'Héraclès chassa ces oiseaux avec un tympan et ses flèches. — Pour Amphidamas, voir la note au vers 162 du Chant Ier. Ce héros semble se donner pour témoin oculaire de la lutte d'Héraclès avec les oiseaux Stymphalides : aucun des auteurs qui racontent cette lutte ne dit qu'il y ait assisté.

V. 1081. Mais, comme après avoir échoué le navire (χρίμψαντες) — Le verbe χρίμπω, que les traducteurs, Beck par exemple, et Dübner dans ses notes manuscrites, rendent inexactement par appropinquare, est un terme technique qui diffère du terme ordinaire κέλλω, aborder, que nous trouvons souvent dans Homère et dans Apollonios (en particulier au vers 1090). Ce verbe a un sens particulier, « A côté de l'expression νῆα κέλσαι ou ἐπικέλσαι (Homère), on peut considérer le mot χρίμψασθαι comme une expression technique signifiant échouer sur le sable (Hymne hom. à Apoll., v. 439. Littéralement, χρίμψασθαι signifie plutôt, en ce cas, racler, frotter le sol que être sur le point d'aborder, comme on a pu le soutenir. Le sens de ce terme ressort clairement d'un passage d'Apollonius de Rhodes (II, v. 1082), où  χρίμψαντες; s'applique à un échouage effectué. Il en est de même dans Euripide (Hél., v. 533). Échouer violemment, brusquement, heurter un écueil se dit, par suite, ἐγχρίψασθαι. » (Vars, ouvr. cité, p. 151)

V. 1088. Ainsi les oiseaux...— « Pisandre dit, d'une manière probable, que les oiseaux s'envolèrent en Scythie, d'où ils partirent ensuite. » (Scol.) C'est à Pisandre qu'Apollonios emprunte sans doute la tradition du séjour des oiseaux Stymphalides dans l'île Arétias. Pausanias (VIII, 22) rapporte, en effet, qu'au dire de Pisandre, Héraclès ne les tua pas, mais les chassa d'Arcadie.

V. 1092. Les fils de Phrixos. — Pour Phrixos, voir la note au vers 3 du Chant 1er. — Les fils qu'il eut de Chalciopé sont Argos, qui prendra la parole devant les Argonautes et qui jouera un certain rôle dans les deux derniers chants, Cytisoros, Phrontis, le plus jeune (cf. Argonaut., Ch. IV, v. 72) et Mélas. D'après le Scoliaste (note au vers 1122), Hérodore dit, comme Apollonios, qu'ils sont nés de Chalciopé, fille d'Aiétès; mais Acousilaos et Hésiode, dans les Grandes Éées, les disent fils d'Iophossé, fille d'Aiétès; Hésiode donne à ces quatre héros les mêmes noms qu'Apollonios. Épiménide en ajoute un cinquième, Presbon. D'autre part, d'après le Scoliaste encore (note au vers 1149), Phérécyde, dans son livre VI, dit que leur mère s'appelait Euénia, et qu'elle avait pour paronyme Chalciopé et lophossa. Apollodore (I, 9, 1) donne aux quatre fils de Phrixos et de Chalciopé les mêmes noms qu'Apollonios. Hygin dit aussi (Fabul., 3) que Phrixos eut de Chalciopé quatre fils 298 auxquels il donne les mêmes noms qu'Apollonius et Apoliodore; c'est à l'île Dia, d'après Hygin (voir la note au vers 1031)que les Argonautes les recueillirent. D'après Valérius Flaccus (V, v. 461), c'est en Colchide, à la cour même d'Aiétès, que Jason les aurait rencontrés. Apoliodore confond Argos, fils de Phrixos, avec Argos, fils d'Arèstor, qui construisit le navire (voir la note au vers 226 du Chant Ier. Argos, fils de Phrixos, épousa Périmélé, fille d'Admète, de laquelle il eut Magnés, qui donna son nom à la Magnésie en Thessalie. — Strabon donne, d'après Éphore, le nom de Cytoros au fils de Phrixos, appelé d'ordinaire Cytisoros, et en fait le héros éponyme de Cytore, ville du Pont (466, 51). Cf. Méla (I, 19): ...A Citysoro, Phrixi filio... Cytoros. Phérécyde, d'après le Scoliaste de Pindare (Pyth., IV, v. 220), dit que Mélas épousa Euryclée qui lui donna Hypérès; c'est de ce dernier que la source Hypéréia prit son nom. Cette source Hypéréia est en Thessalie (Strabon, 370, 48).

V. 1099. L'Arctouros. — C'est, comme on sait, une étoile brillante de la constellation du Bouvier, qui se lève le 5 septembre et le 13 février, et qui se couche le 29 octobre et le 22 mai, au milieu de violents orages. Au sujet des pluies amenées par l'Arctouros, le Scoliaste cite Aratos (Phaenom., v. 744) et le Traité d'Astronomie de Démocrite. — Voir le Prologue du Rudens de Plaute, Virgile (Georg., I, v. 204), etc. D'après Hygin (Fabul., 130, 224), Icarios, roi légendaire d'Attique, dont Apollodore raconte l'histoire, sans parler de sa métamorphose en étoile (III, 14, 7), devint l'Arctouros. Ovide suit cette tradition (Met., X, v. 45o). Voir Servius (ad Georg., I, v. 68),

V. 1107. Ainsi. — Dübner explique le sens du mot αὔτως : « Id est, ita ut se tueri non possent. »

V. 1111. Une de ces poutres... — « Aussi nombreuses les poutres avaient été primitivement unies par les chevilles, aussi nombreuses elles se dispersaient, alors que le navire avait été fracassé. » (Scol.) Ce vers donne une nouvelle preuve de l'importance des chevilles (γόμφοι) dans l'agencement des pièces du vaisseau (voir la note au vers 79).

V. 1144. Monté sur un bélier. — Pour la légende de Phrixos, voir la note au vers 3 du Chant 1er, et Decharme (Mythol., p. 606 et suiv.). « Denys, dans ses Argonautes, dit que Crios était le nourricier de Phrixos; s'étant aperçu des embûches qu'Ino tendait à Phrixos, il le fit fuir; d'où le mythe que Phrixosavait été sauve par un bélier (κριός). » (Scol.)

Sur l'ordre de l'animal lui-même. — Le Scoliaste rappelle à ce propos que le bélier jouissait, en effet, de la voix humaine. D'après Diodore de Sicile (IV, 47), c'est un oracle qui ordonna à Phrixos d'immoler le bélier. Apollodore (I, 9, i) suit les traditions d'Apollonios pour tout ce qui concerne les aventures de Phrixos chez Aiétès : mais il ne dit pas que le bélier ait demandé la mort, et il précise le lieu où la toison fut suspendue : c'est à un chêne du bois d'Arès; c'est dans le temple d'Arès, dit Diodorc, qui cite aussi la tradition relative à Crios, rapportée par Denys, suivant le Scoliaste : « Le précepteur, qui s'appelait Crios, fut immolé, et, ayant été écorché, sa peau fut suspendue dans un temple, conformément à l'usage. Aiétès apprit ensuite par un oracle qu'il mourrait dès que la peau de Crios serait enlevée 299 par des navigateurs étrangers; le roi fit dorer cette peau afin qu'elle fût plus soigneusement gardée par des soldats qu'il y avait établis. Le lecteur est libre d'adopter l'opinion qui lui plaira le plus. » (Diodore, IV, 47, traduction Hoefer.) — Hygin (Fabul., 3): «(Phrixus), matris praeceptis, arietem immolavit, pellemque eius inauratam in templo Martis posuit. » Hygin dit encore (Fabul., 188) que ce bélier, fils de Poséidon et de Théophané, se nommait Chrysomallus.— Au vers 120 du Chant IV, le texte d'Apollonios indique clairement que le bélier fut immolé par l'ordre d'Hermès; ici, au contraire, c'est le bélier lui-même qui demande d'être tué. On peut supposer que l'une de ces deux traditions contradictoires appartient à la première édition des Argonautiques.

[V. 1146. Pendue. — Ce vers se trouve dans l'edit. minor de Merkel; l'edit. major l'a aussi, mais sans le faire compter dans la numération des vers, et les édit. en général, depuis celle de Brunck, l'omettent, car il se retrouve textuellement un peu plus loin (v. 1270).]

V. 1147. Qui avait protégé sa fuite (Φύξιος). — Cette épithète, dit le Scoliaste, a été donnée à Zeus chez les Thessaliens, soit parce qu'ils avaient pu fuir le déluge de Deucalion, soit à cause de la fuite même de Phrixos. Voir, pour la double origine du surnom de Ζεὺς Φύξιος, Preller, Griech. Mythol., dritte Auflage, erster Band, p. 116, n. 1 et zweiter Band, p. 311.

V. 1149. Sans exiger de présents de noces (Χαλλιόπην ἀνάεδωον).— L'adjectif peut signifier Chalciopé, qui ne reçoit pas de dot (lliad., XIII, v. 366), ou Chalciopé, pour laquelle le fiancé ne donne pas aux parents les présents d'usage (lliad., IX, v. 146); tel est évidemment ici le sens. Dübner explique : « Ita, ut Phrixus nihil ei pro ea solveret. »

V. 1162. « Crétheus. — Pour tous ces rapports de parenté, voir la note au vers 3 du Chant Ier.

V. 1171. Sans toit. — Dübner dit à ce propos : « Sine tecto; Pausanias magnum talium templorum numerum narrat; ara exstructa e minimis lapillis; — λίθος, proprie, minime statua. Cf. dea Pessinuntia. » La pierre noire qui représentait la Mère des Dieux se trouvait dans son temple, à Pessinonte, ville de la Grande Phrygie. Brunck ne veut pas admettre la vulgate μέλας λίθος et propose μέγας qui fait antithèse aux petits cailloux de l'autel extérieur : «  Μέγας λίθος : sic omnino legendum, manifesta oppositione inter hoc altare ex uno grandi lapide factum et alterum, quod e calculis structum erat... Voces μέγας, μέλας saepissime a librariis commutatae. Vide ad 119, 921.»

V. 1176. Pendant une année. — Le Scoliaste ne prend pas le mot ἐπηστανόν dans son sens précis; il explique: «Des chevaux qu'elles avaient nourris avec soin et abondamment. » Il semble que le poète veut dire que les Amazones engraissaient pendant un an les chevaux destinés à être immolés.

V. 1180. D'une piété solide ou bien injustes (οἵ τε θεουδέες, οὐ δὲ δίκαιοι). — La leçon n'est pas sûre : Brunck la trouve tout simplement absurde : vulgo inepte legitur, dit-il, et il préfère ἡδέ qui supprime l'opposition qui semble ici nécessaire (Zeus voit tous les hommes bons ou méchants). Merkel cite les diverses corrections qui ont été proposées; aucune ne 300 semble bien satisfaisante. Wellauer torture la construction de la phrase, pour lui faire signifier : « Probi viri Iovem non latent, et si quando in res adversas inciderunt, tamen ab eo servantur. »

V. 1186. Vers la ville riche du divin Orchomène (ἀφνειὴν... Πόλιν). — C'est une correction de Facius (Ep. crit., p. 12) complétée par Brunck, au lieu de μετὰ Φθίην. qu'ont les mss., et que le Scoliaste explique: « Les uns disent qu'une ville d'Orchomène se nommait Phthia [voir la note au vers 93 du Ch. Ier... Il peut aussi faire allusion a Orchomène, limitrophe de la Macédoine et de la Thessalie. Car le nom d'Orchomène désigne une montagne et une ville de Thessalie, de Béotie, d'Arcadie et du Pont. » Strabon mentionne Orchomène, la ville connue de Béotie (291, 13, etc.), et les Orchomènes d'Arcadie (333, 38) et d'Eubée (367, 17). La ville d'Orchomène, dans le Pont, semble inconnue. Il ne s'agit pas ici de la ville, mais du roi « Le divin Orchomène». Sur Orchomène, voir la note au vers 210 du Chant Ier. — Brunck : - Dixerant supra (v. 1153) Phrixi filii se navem conscendisse ut Orchomenum Boeotiae urbem peterent, quo eos se vecturum lason hic polliceri debet. Vera lectio eruitur ex eodem hoc versu, qui Libro IV inepte repetitus vulgo habetur post versum 348. — Confer III, 1073. »

V. 1187. Sa hache d'airain. — Le texte porte simplement χαλκῷ et ne précise pas de quel instrument d'airain la déesse s'est servie. II s'agit évidemment d'une hache de charpentier (πέλεκυς); c'est en effet au moyen d'une grande πέλεκυς d'airain, commode à manier, bien aiguisée sur les deux bords du tranchant et qui lui est fournie par Calypso (Odyss., V, v. 234-235), qu'Ulysse abat les vingt arbres, aunes, sapins et peupliers, qui lui sont nécessaires pour la construction de son chaland.

V. 1195. Accomplir des sacrifices expiatoires (ἀλθήσων). — Le mot ἀλθήσων est une correction de Merkel pour ἀμπλήσων, (explicatum non habere, coniectura opus esse visum) que Brunck s'efforce d'expliquer en se fondant sur Pindare (Pyth., IV, v. 282): « Sacrificia peracturus pro Phrixo, ad placandum Phrixum, ; id est, ad revocandos Phrixi manes, quibus peregre degentibus, Aeolidis irasci Jupiter non desinet.» Merkel se fonde pour sa correction sur l'emploi du mot ἀλθήσει dans Nicandre (Ther., v. 587) et du mot ἀλθάνειν dans Lycophron (v. 1122).

V. 1210. Du Caucase. — Au dire du Scoliaste, Hérodore raconte aussi que Typhon fut englouti sous les eaux du marais Serbonis, situé en Syrie. Au contraire, Phérécyde, dans sa Théogonie, dit que Typhon se réfugia sur le Caucase, et, une fois la montagne consumée par le tonnerre, en Italie, où l'île Pithécoussa se forma au-dessus de lui. Pour la légende de Typhon, voir Decharme (Mythol., p. 13, 274-276), Apollodore (I, 6, 3). D'après la tradition ordinaire, Typhon fut englouti sous l'Etna (Virgile, Aen., IX, v. 716; Hygin, Fabul., 152, etc.). Strabon (206, 33; 535, 42) rapporte la tradition d'après laquelle Typhon aurait été enseveli sous l'île Pithécoussa. — Le marais Serbonis, aux confins de l'Egypte et de la Syrie, est cité par Strabon (687, 53, etc.), par Diodore de Sicile (I, 30), par Pline (N. H., V, 68), etc.

V. 1221. Lutter avec Aiétés. — ll a déjà été souvent question d'Aiétès, et on le verra au Chant III jouer un rôle important. — C'est 301 un fils d'Hélios (v. 1204) et de l'Océanide Perséis; il est frère de Circé, de Perses et de Pasiphaé, femme de Minos (Apollodore, I, 9, i) ; il est père d'Apsyrtos, qu'il eut de la nymphe caucasienne Astérodéia (Argonaut., Ch. III, v. 241), et de Chalciopé et Médée, qu'il eut toutes deux de l'Océanide Eidyia (Argonaut., Ch. III, v. 243 ; Apollodore, I, 9, 23). Les traditions sur Aiétès varient beaucoup : par exemple, Diodore de Sicile (IV, 46) dit qu'Aiétès épousa Hécate, fille de son frère Perses, et en eut deux filles, Circée t Médée, et un fils, Aigialeus, que l'on assimile d'ordinaire à Apsyrtos. Ce nom d'Aigialeus se trouve aussi dans Justin (XLII, 3), et dans Pacuvius cité par Cicéron, N. D., III, 19, 48 : ...Absyrto fratri qui est, apud Pacuvium, Aegialeus. — Les scolies du Chant III donneront l'occasion de revenir sur quelques-unes de ces divergences entre les traditions concernant Aiétès. Quoi qu'il en soit, il semble qu'Aiétès est un héros solaire, serviteur d'Arès, représenté comme un dieu solaire. Voir Decharme, Mythol., p. 191.

V. I231. L'île Philyréide. — Voir les notes au vers 554 du Chant Ier, et au vers 393 du Chant II. II parle de l'ile des Philyres. Apollonios dit qu'elle prit son nom de Philyra, l'Océanide, qui habita dans cette région. Cronos s'unit à elle au temps qu'il était roi des Titans. Mais Rhéa l'ayant pris en flagrant délit, Cronos, plein de honte, se métamorphosa en cheval et Philyra s'enfuit en Thessalie. Phérécyde dit que Cronos, changé en cheval, s'unit à Philyra, fille d'Océanos, et que, à cause de cela, Chiron eut la double forme de l'homme et du cheval. Suidas, dans le livre Ier de ses Thessaliques, dit que Chiron fut fils dlxion et frère de Peirithoos. » (Scol.) — On voit que cette scolie rappelle et complète celle du Chant Ier, v. 554. Les Philyres ne sont pas mentionnés par Strabon. Denys (Perieg., v. 765-767) cite dans l'ordre suivant les peuples du littoral, à partir de la Colchide : les Byzères, les Bécheires, les Macrônes, les Philyres, les Mossynoiciens, les Tibaréniens et les Chalybes. Cf. Aviénus, v. 946, et Priscien, v. 740. Valérius Flaccus (V, v. 151 -162) énumère les Mossynoiciens, les Macrônes, les Byzères et les Philyres. Cf. Ammien Marcellin (XXII, 8, 21i) : « Chalybes... Byzares... et Sapires et Tibareni et Mossynoeci et Macrones et Philyres, populi nulla nobis assuetudine cogniti. »

V. 1238. Ces lieux, son séjour habituel. — D'après Virgile, qui imite les vers d'Apollonios (Georg., III, v. 92-94), cette aventure de Cronos et de Philyra aurait eu lieu sur le mont Pélion en Thessalie, et non dans l'île Philyréide. D'après Hygin (Fabul., 138), l'événement eut lieu en Thrace. — Philyra fut changée en tilleul, arbre « dont la fleur a dû être souvent en usage dans la médecine grecque primitive. » (Decharme, Mythol., p. 697.)

V. 1241. Union équivoque. — Le mot que je traduis par équivoque n'a pas précisément ce sens : c'est ἀμοιβαίῃ, dont Merkel dit fort bien : « Explicari adhuc non potuit, vix tamen ut corrigere tutum sit. » Quant au sens général, il se comprend : Chiron a les deux formes du dieu et du cheval, à cause des deux formes prises successivement par Cronos au moment de la conception.

V. 1242-1244. Le pays des Macrônes, la région immense des Bécheires, les Sapeires sauvages et les Byzères après eux. — Cf. la 302 note aux vers 393-396. On a vu (note au vers 1231) que les Macrônes sont cités par les divers géographes anciens. L'auteur anonyme d'un Périple du Pont-Euxin (Geogr. Graec. Min., Didot, vol. I, p. 410, § 37) dit que les Macrônes étaient aussi nommés Macrocéphales, et Scylax (Peripl., § 83) ne les désigne que sous cette dernière appellation. — Les Bécheires, que Strabon ne nomme pas, et les Byzères sont mentionnés au vers 765 de Denys, et aux vers 739 de Priscien et 946 d'Aviénus. Valérius Flaccus cite les Byzères (V, v. 151.) Ces divers peuples sont aussi nommés par Pline l'Ancien (VI, 11), et par Scylax (Peripl., § 82 et suiv.). Quant aux Sapeires, il n'en est guère question que dans les Histoires d'Hérodote (Σάσπειρες, I, 104, 110; III, 94, etc.), dans Stéphane de Byzance et dans l'ouvrage d'Ammien Marcellin, où les Sapires sont cités au milieu de toutes ces autres peuplades (XXII, 8,21).

V. 1248. — Le Scoliaste donne un certain nombre de renseignements à propos de la légende bien connue de Prométhée : « Prométhée était enchaîné sur le Caucase et l'aigle lui dévorait le foie. Agroitas, dans le livre XIII de ses Libyques, dit que l'on a cru que le foie de Prométhée était dévoré par un aigle, parce que la partie la plus importante de son pays était rongée par un fleuve appelé l'Aétos [l'Aigle], et que l'on donne souvent le nom de foie à une terre très fertile. Mais Héraclès ayant détourné le fleuve au moyen de tranchées, on crut que l'aigle avait été éloigné et Prométhée délivré de ses liens : Théophraste dit que Prométhée, qui était un sage, fit part le premier aux hommes de la philosophie, d'où le mythe qu'il leur avait fait part du feu. Hérodore se montre étranger à ces traditions dans ce qu'il raconte des liens de Prométhée : il dit en effet que c'était un roi des Scythes, qui, ne pouvant fournir le nécessaire à ses sujets parce qu'un fleuve appelé l'Aétos inondait les campagnes, fut enchaîné par les Scythes; mais Héraclès, ayant paru, détourna le fleuve dans la mer, et, à cause de cela, on imagina fabuleusement qu'Héraclès avait fait disparaître l'aigle et délivré Prométhée de ses liens. Phérécyde, dans son livre II dit que l'aigle envoyé contre Prométhée était né de Typhon et d'Echidna, fille de Phorcys. On dit que l'aigle mangeait le foie de Prométhée pendant le jour, et que ce qui en restait s'augmentait pendant la nuit pour devenir égal à ce qu'il était auparavant. Hésiode dit que Prométhée fut enchaîné et l'aigle envoyé contre lui parce qu'il avait dérobé le feu [Théog., v. 621; Œuvres et jours, v. 47 et suiv.]. Douris dit qu'il fut puni pour avoir été épris d'Athéné : d'où vient que les habitants des environs du Caucase ne rendent aucun culte à Zeus et à Athéné, seuls entre les dieux, parce qu'ils ont été cause du châtiment de Prométhée, et que ces peuples honorent au contraire Héraclès d'une manière excessive, parce qu'il a tué l'aigle de ses flèches. C'est donc naturellement qu'Apollonios, ayant eu à parler du Caucase, a fait mention de ces choses. » C'est la tradition la plus ordinaire qu'Héraclès, abandonné par les Argonautes (voir la note au vers 1289 du Chant Ier), délivra ensuite Prométhée : cette délivrance est un des exploits qui composent le XIe travail d'Héraclès, d'après Apollodore, qui dit, comme Phérécyde cité par le Scoliaste, que l'aigle était né de Typhon et 303 d'Échidna (II, 5, 11). D'après Valérius Flaccus (V, v. 155 et suiv.), c'est au moment où les Argonautes passent en vue du Caucase qu'à l'insu des héros Héraclès délivre Prométhée. — Diodore de Sicile (I, 19) suit une tradition à peu près identique à celles d'Agroitas et d'Hérodore que rapporte le Scoliaste. Prométhée, dit-il, était le gouverneur d'une partie de l'Egypte, au moment où le Nil, ayant rompu ses digues, inonda le pays; la plupart des habitants furent noyés et Prométhée pensait se tuer de désespoir. L'impétuosité du fleuve déborde l'avait fait surnommer l'Aétos (l'Aigle). Héraclès survint alors, répara les digues et fit rentrer le fleuve dans son lit : c'est, conclut Diodore, ce fait qui explique le mythe grec d'après lequel Héraclès tua l'aigle qui rongeait le foie de Prométhée.

V. 1260. L'habileté d'Argos.— Le Scoliaste fait remarquer qu'il s'agit ici d'Argos, fils de Phrixos, qui avait l'expérience de ces lieux. D'ailleurs, Argos, fils d'Arèstor, est le constructeur et non le pilote du navire. On a vu (v. 898) que c'est Ancaios qui a remplacé Tiphys au gouvernail ; Argos, fils de Phrixos, remplace à son tour Ancaios, mais provisoirement, pour amener les héros dans le Phase.

V. 1262. Aussitôt ils amenèrent la voile et la vergue et les placèrent dans la fosse du mât, où ils les rangèrent; le mât lui-même fut, bientôt après, abattu et couché. — « Pour dresser ou abaisser le mât, on pratiquait une ouverture qui traversait les baux et le pont situés à l'arrière du navire. Des madriers (aujourd'hui épontilles) devaient soutenir par dessous les baux ainsi tranchés. Cette sorte de fosse ou de cage pour le mât se nommait ἡ μεσόδμη ou ἱσοθήκη, et parfois aussi ἡ ἱστοδόκη... On voit en outre qu'avant d'incliner le mât, la voile et la vergue étaient amenées dans la μεσόδμη. L'extrémité du mât se nommait parfois τὸ ἴκριον. D'ἴκριον dérive le nom donné à la vergue par Homère (Odyss., V, v.234 [sic pour 254] et 318) et par Apollonius de Rhodes (II, v. 1262): τὸ ἐπίκριον. Le nom ordinaire était ἡ κεραία. Le premier terme doit avoir été en usage en Attique, le second dans le reste de la Grèce... Abattre le mât se disait τὸν ἱστὸν χαλᾶν (Apollonius de Rh., II, v. 1464 [sic pour v. 1264]); κλίνειν (Apollonius de Rh., IV, v. 1632). » (Vars, ouvr. cité, p. 63-64, 66, 98.)

V. 1264. A force de rames.— On a déjà vu (note au vers 913 du Chant Ier) dans quelles circonstances les anciens usaient des rames au lieu d'aller à la voile. M. Vars explique en particulier pourquoi il fallait entrer dans le port à la rame : «Alors on prenait les avirons, et l'on se dirigeait vers la terre. On était ainsi plus libre de ses mouvements, et on pouvait modérer la course à volonté. Si l'on avait abordé avec voiles dehors, le mât aurait été, suivant toute probabilité, lancé par-dessus bord. Nullus nauta plenis velis venit ad terram, sed cum adhuc in alto est, deponit vela et navigium ad littus remigando perducit. (Donat, ad Verg., Aen., V, v. 281.) C'est-à-dire : nul marin n'accoste toutes voiles dehors; c'est au large qu'on amène les voiles. On rame (nage) pour pousser le navire vers la cote.» (Ouvr. cité, p. 150.)

V. 1282. Dans un endroit où il était à flot (ὑψόθι). — On traduit d'ordinaire ὑψόθι, alte, au large. A propos d'un vers de l'Odyssée (IV, v. 78*), et non 780 comme il l'indique par erreur), M. Vars (ouvr, cité, 304 p. 143) établit que ὑψοῦ ὁρμίζειν ne signifie pas cingler vert la haute mer, mais bien ancrer, mouiller un navire qui est à flot. « En effet, on ne peut, au large, ni mouiller d'ancres, ni fixer, frapper d'amarres comme cela se voit dans Apollonius de Rhodes (II, v. 1283), où les Argonautes mettent à l'ancre dans une crique ombragée. » D'ailleurs, ce n'est pas dans une crique, c'est dans un marais (ἕλος), formé probablement par les eaux débondées du fleuve, que les Argonautes font pénétrer leur navire qui ne devait pas être à flot dans toutes les parties de ce marais; de plus, les Argonautes ne mouillent pas d'ancres, puisqu'ils ne connaissent que les pierres de fond, et ils ne frapperont d'amarres que quand ils seront sortis du marais et revenus dans le Phase (Ch. III, v. 575).