PROCLUS

 

COMMENTAIRE DE PROCLUS SUR LE PARMÉNIDE

 

LIVRE SIXIÈME

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

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COMMENTAIRE DE PROCLUS SUR LE PARMÉNIDE

Sept Livres sur le Parménide

 

LIVRE SIXIÈME.[1]

 

 

§ 122. — « Soit donc, dit il ; si l'un est, n'est il pas certain[2] que l'un ne saurait être plusieurs? — Et comment le serait-il? —Donc nécessairement il n'y a pas de lui, partie, et il n'est pas un tout. — Comment cela? — »[3]

D'abord sur la question comment Parménide a établi dans son exposition le nombre des hypothèses[4] qu'il a déterminé, c'est ce qu'il nous faut en examiner en abordant cette recherche; car qu'il y ait quatre hypothèses, ou six, ou huit, ou neuf ou dix, il importe de voir d'où viennent ces nombres qu'on amène ici. Car on pourrait soulever l'objection logique à savoir si la pluralité des hypothèses ne ruine pas la première et alors il n'y a rien qui ait rapport à la méthode exposée; car en partant d'elle, si toutefois on la pose, nous n'avons que deux seules hypothèses ; lune, si l'un est; l'autre s'il n'est pas, que doit il s'ensuivre? Il n'y en a pas davantage, si du moins nous nous rappelons les règles que nous avons précédemment formulées:[5] comment donc au lieu de deux, en fait-on un si grand nombre. Je veux, en répondant d'abord à cette question, aborder le laborieux examen des sujets mêmes que nous avons à traiter. Je dis donc que le nombre des hypothèses présenté se manifeste d'une façon très conséquente par les termes dont est formée l'hypothèse; car si l'un est, il y aura cinq hypothèses, par suite de l’hyparxis différente de l'un, que nous avons fait connaître plus haut ; s'il n'est pas, il y en a quatre, par la notion différente qu'on se peut faire du non être. Car l'un se dit en trois sens: tantôt comme supérieur à l'être; tantôt comme au même rang que l'être ; tantôt comme abaissé au-dessous de l'être, et le non être se dit en deux significations : tantôt comme n'étant absolument pas ; tantôt comme étant sous un rapport, tantôt comme n'étant pas sous un autre. Nécessairement donc la discussion procédant selon les significations de ces deux termes,[6] multiplie et diversifie les hypothèses, parce qu'elle recherche dans la première, quel rapport l'un, qui est supérieur à l'être, soutient et avec lui-même et avec les autres, τὰ ἄλλα, dans la deuxième, comment se comporte l'un, qui est immanent à l'être, dans la troisième, comment se comporte l'un qui est plus pauvre d'essence que l'être et par rapport ù lui-même et par rapport aux autres; dans la quatrième, comment les autres, ayant participé de l'un, se comporteront par rapport à eux-mêmes et à l'un ; dans la cinquième, comment les autres n'ayant pas participé de l'un, se comporteront par rapport à eux-mêmes et à l'un; dans la sixième,[7] comment l’un, s'il n'est pas en ce sens que sous un rapport il est, sous un autre n'est pas, se comportera relativement et à lui-même et aux autres; dans la septième, comment l'un s il n'est pas, dans le sens de l'absolu non être, se comportera relativement et à lui-même et aux autres ; dans la huitième, comment les autres se comporteront par rapport et à eux-mêmes et à l'un qui n'est pas, quand on les coordonne à celui qui sous un rapport est, sous un autre n'est pas; dans la neuvième, comment les autres, coordonnés à l'un qui n'est pas absolument, se comporteront relativement et à eux mêmes et à l'un qui n'est pas. Et c'est à celle-ci que prend fin la méthode qui a traversé et suivi toutes les significations de l'un et du non être, et par toutes ces significations étant arrivée à sa fin achevée, a rassemblé et réuni toute la théorie en neuf hypothèses. Car dans l'un qui a le sens vrai de un, se trouvent les conclusions impossibles et les affirmatives et les négatives et les deux réunies ensemble : par exemple que l'un,[8] n'est ni le même ni autre, et qu'il est en même temps, le même et autre, et encore qu'il est à la fois et le même et n'est pas le même, qu'il est autre et n'est pas autre. Nécessairement donc celui qui veut, sur cet un, tirer toutes les conclusions, se livre véritablement à un jeu. Un jeu indigne d un homme âgé et vraiment enfantin, et il faut se prononcer énergiquement contre cette méthode. Mais si l'on veut rester dans le vrai, dans toutes les conclusions qui se peuvent formuler concernant l'un, en admettant que l'un est, et qui sont les conséquences nécessaires de l’existence de l’un, en sorte que sont fausses les conséquences de l'hypothèse du non être de l'un (car il est impossible et que des propositions vraies suivent de deux prémisses contradictoires et que les contradictoires appartiennent au même sujet, à moins que les conséquences nécessaires ne soient entendues dans des sens différents,[9] — par conséquent il est clair[10] que l'un doit être pris dans des sens différents, afin que dans l'un des sens, les négations soient vraies, dans l'autre, les affirmations qui sont les conséquences nécessaires de la position de l'un. Et ainsi il faut ramener à des unions la pluralité des hypothèses, quoiqu'elles soient toutes posées sur l'un de Parménide, parce que l’argumentation le considère ou en tant que un, ou en tant que être ou en tant que un et en tant que être à la fois et que par là elle aboutit à des conclusions différentes, et que d'un autre côté, lorsqu'on pose que l'un n'est pas, soit que nous entendions celui qui n'est pas sous un rapport, ou le non étant absolument,[11] elle aboutit par là, dans les deux cas, à des conclusions absurdes,[12] et que par toutes ces démarches logiques, elle constitue le nombre complet de neuf hypothèses, selon la division que nous avions établie. Maintenant, qu'il y a trois conceptions de l'un, considéré ou comme seulement un, ou comme participé par l'être, et par là étant imparfait, ou comme participé, il est vrai, mais dans le sens d'un état habituel, d'une possession constante, ς ἕξις,[13] cela est évident. Car la raison est ou imparticipable,[14] ou participable et substantielle, ou participable, comme état constant et essentiel; l'âme également est ou imparticipable, ou participable mais séparable des choses qui participent d'elle, ou participable et inséparable de ces mêmes choses. Or nous avons tous ces sens et de la raison et de l'âme, chez Platon, dans le Timée, et d'une manière très distincte. Et qu'aussi non être se dise en deux sens, tantôt comme étant sous un rapport, tantôt comme n'étant pas sous un autre, et comme le non être absolu, c'est une division qu'il a établie lui même dans la République. De sorte que si celui là est dit en trois sens, celui ci en deux, il est logique que le nombre des hypothèses soit celui qui est posé ; caries autres, si l'un est posé être, seront nécessairement divisés en deux, selon qu'ils participent de l'un, ou n'en participent pas; et s'il est posé n'être pas ils seront également divisés en deux, selon que l'un est relativement, mais cependant est étant,[15] ou qu'il n'est absolument pas, et ils ont alors ou le être et l'un relatif, ou le non un absolu, de sorte qu'il y aura nécessairement neuf hypothèses.

Que tel est réellement le nombre des hypothèses, la preuve certaine en a été faite par ceux-là même qui n'ont vu dans le dialogue que son caractère logique[16] et qui n'ont poursuivi et atteint que les traces des raisonnements de Platon. Car quoique ce ne fussent que des traces, en les suivant, ceux qui nous ont précédés ne se sont pas trompés sur le vrai plan et le but du philosophe, et sur l'économie de cette laborieuse recherche. Mais qu’est-il besoin d'en dire plus long? Le philosophe lui-même va nous éclaircir la division, lorsque nous entrerons dans le fond des mots mêmes, et nous montrera que tous ceux qui ont à tort diminué ou augmenté le nombre des hypothèses, ont, les uns confondu ensemble celles qui sont différentes, les autres[17] ont divisé celles qui sont unies et suspendues à un seul principe Pour nous, nous devrons nous arrêter aux termes mêmes et affirmer que les hypothèses sont en nombre égal (à celui des termes), et c'est, suivant nous, le nombre que Platon lui même nous fera connaître dans le cours de son dialogue ; car il ne faut pas tirer la division totale d'ailleurs que des termes donnés. Il y a donc neuf hypothèses : ce nombre est produit de la manière que nous avons dite, à savoir des notions différentes que nous avons de l'un et du non être. De sorte qu'en réponse à cette question, il n'est pas nécessaire d'en dire davantage ; ce que nous avons dit suffit en ce qui concerne le point de vue logique des questions proposées.

Maintenant quelques-uns s'appuyant sur des arguments plus difficiles et plus embarrassants, ne pensent pas qu'il y ait plusieurs hypothèses,[18] ni que les conclusions[19] multiples et diverses, portent sur des sujets multiples et différents; mais ils demandent : admettez-vous dans toutes les hypothèses un seul et même sens de l'un, ou n'admettez-vous pas qu'il soit partout le même et qu'il est différent selon les diverses hypothèses? Car si l’on donne à l'un, un seul et même sens, il n'y aura pas plusieurs hypothèses, mais une seule; car il n'y a qu'une seule hypothèse pour une seule idée; le dialogue n'aura pas pour sujet les principes, comme vous le prétendez, diront-ils, mais un principe. Car l'un dont il traite est un principe, mais pas du tout les principes. Mais si l'un est entendu dans plusieurs sens, si c'est parce qu'il est, dans les différents passages compris dans un sens différent, qu'on combine les arguments hypothétiques et qu'on diversifie les hypothèses, on manque le but de la méthode précédemment décrite ; car il faut, pour considérer ce qui résulte, que ce soit toujours le seul et même un qu'on pose ou qu'on supprime, et qu'on ne saute pas d'un sens à un autre. C'est là, comme je l'ai dit, une question de beaucoup plus embarrassante que la précédente, qui était d'un caractère de logique formelle. Avant de passer à la solution de cette objection, je veux présenter quelques idées qui contribueront à l'intelligence pénétrante et complète[20] du sujet qui nous est proposé. Ainsi donc appelant l'un le principe de tous les êtres et de tous les non êtres[21] (puisque être unifiés est pour tous un bien et le plus grand des biens, tandis qu'être séparés absolument de l'un[22] est un mal et le plus grand des maux ; car la division devient la cause de la dissemblance et de l'antipathie et de la tendance des choses à sortir de l'état qui est selon la nature), ainsi donc appelant l'un le principe du tout, comme le chorège pour tout du plus grand des biens, qui donne l'unité à toutes les choses, et c'est pour cela que nous le dénommons un, partant de cette idée, nous disons que par cela même, tout principe, en tant qu'il remplit parmi les êtres cette haute fonction, est une sorte d'hénade et ce qu'il y a, dans chaque ordre des choses réelles, de plus parfaitement un.

D'abord nous posons cette force archique[23] non pas dans les parties, mais dans les touts, ni dans un quelconque déterminé des plusieurs, mais dans les monades qui conservent dans leur nature les choses de la pluralité; ensuite nous la considérons surtout dans les sommités des monades, et dans ce qu'il y a de plus parfaitement un en elles, dans la nature où elles sont unifiées à l'un, où elles sont déifiées, où elles ne s'écartent pas de ce principe unique et un.[24] Voici ce que je veux dire : (car parlons ici du fond des choses mêmes[25]) les causes visibles de la lumière sont nombreuses, les unes dans le ciel, les autres au-dessous de la lune : car ce sont des lumières différentes qui descendent, sous des formes différentes, du feu matériel, de la lune et des autres astres, dans ce bas monde. Mais si l'on cherche la monade une de tout le feu encosmique, de laquelle dépendent les autres choses lumineuses, et qui sont les chorèges de la lumière, on n'en admettra pas une autre, je crois, que la révolution visible du soleil.[26] C'est elle en effet qui procédant de quelque lieu d'en haut, de la lumière invisible et cachée[27] et du diacosme hypercéleste, sème et répartit, selon la loi de la proportion, à toutes les choses encosmiques, la lumière : car de quelle autre source[28] les astres et l'élément obscur de la matière participent-ils de la lumière? Mais, quoi! appellerons-nous donc ce corps visible et phénoménal, principe de la lumière? Non! car il est étendu dans l'espace, divisible; des différentes parties qu'il contient procède une différente lumière, et nous, nous cherchons le principe unique de la lumière.

Faut-il donc prendre l'âme qui dirige le mouvement des corps comme ce qui a la puissance d'engendrer par elle-même la lumière? Sans doute elle engendre aussi la lumière, mais pas cependant primairement : car elle est pluralité, et la lumière est la manifestation d'une hypostase simple et uniforme. Sera-ce donc la raison, cause de l'âme, (qui sera la source de la lumière)? Mais la raison est très intimement unie à l'âme, et n'est pas encore le principe suprême et premier. Il reste donc que ce soit l'un de cette raison, son hyparxis et pour ainsi dire sa fleur, qui soit le premier principe et le principe de cette lumière. Car le véritable soleil qui règne dans le monde visible est le fils du Bien.[29] Toute hénade vient de là, et toute divinité vient de l'hénade des hénades et de la source des Dieux.[30] Et de même que celle là est pour les intelligibles le principe de la lumière intelligible, de même l’hénade de l’ordre héliaque est pour les choses visibles le principe de la lumière d'ici-bas : de sorte que s'il faut concevoir la cause une et le principe un de toute la lumière encosmique, c'est cette hénade qu'il faut prendre, parce qu'elle est analogue à l'un, qu'elle est fondée selon un mode secret et caché en lui, et qu'elle est inséparable de lui. Comme cette hénade est placée selon son rang avant la raison[31] héliaque, il y a aussi dans la raison en tant que raison, l'un participé par elle, sorte de semence jetée en elle,[32] et par l'intermédiaire de laquelle elle est rattachée à cette hénade, et ce n'est pas seulement en elle (la raison) qu'est cet un : il est aussi dans l'âme héliaque; — car cette âme aussi, par la vertu de son un propre, remonte à cette hénade par l'intermédiaire de l'un qui est dans la raison. De même encore dans le corps héliaque, il y a nécessairement une sorte d'écho de cette hénade ; car il faut que ce corps participe des choses qui sont au-dessus de lui : de l'âme, selon la vie qui a été semée en lui;[33] de la raison, selon l'espèce;[34] de l'hénade, selon l'un, puisque l'âme participe de la raison et de cette hénade, et que les participations sont différentes selon les différents participés,[35] et l'on pourrait dire que cet un est la cause immédiate[36] de la lumière solaire, qui le possède par la participation de cette hénade. De même si l'on cherchait la racine, si on peut la nommer ainsi, de tous les corps, d'où ont poussé les corps qui sont dans le ciel et ceux qui sont au-dessous de la lune, soit les touts, soit les parties, ce ne serait pas sans raison vraisemblable que nous dirions que c'est cette nature[37] qui est le principe pour tous les corps du mouvement et du repos, et qu'elle a son fondement en eux, soit qu'ils se meuvent soit qu'ils soient en repos. Et j'appelle nature cette vie une, située au-dessus[38] de tout le Cosmos, et qui, placée après la raison et l’âme, par l'intermédiaire de la raison et de l’âme, participe de la génération ; c'est elle qui, plutôt que l'un quelconque des plusieurs ou des choses particulières, est principe : mais néanmoins elle, non plus, n'est pas au sens propre, principe : car elle a une pluralité de forces, et emploie des forces différentes pour bien diriger les parties différentes du tout. Mais nous, nous cherchons pour le moment le principe un et commun de tout et non les principes distincts, divisés et plusieurs. Si donc nous devons découvrir[39] le principe un et unique, il nous faut remontera ce qu'il y a de plus un dans la nature et à sa fleur,[40] en tant que même la nature est Dieu,[41] qui est suspendu à sa source propre, qui conserve dans son essence et unit le Tout et le fait sympathique à lui-même : c'est cet un là, qui est le principe de toute génération et pour la pluralité des puissances de la nature et pour les natures particulières et en un mot pour toutes les choses gouvernées par la nature.

Parlons en troisième lieu de la connaissance; car nous disons qu'il y a un principe de la connaissance, mais assurément nous n'entendons pas que ce soit l'opinion ni la sensation : car il n'y a en elles aucune partie[42] capable de connaître[43] qui soit sans matière et sans figure; nous ne dirons pas non plus que la connaissance conjecturale, ni même la connaissance de l'entendement discursif soit le principe de la connaissance ; car l'une ne connaît pas les causes et la raison lui fait défaut,[44] comme le dit également Diotime:[45] car elle poursuit et cherche exclusivement le ὅτι des choses (c'est-à-dire qu'elles sont);[46] l'autre, quoiqu'elle connaisse la cause, ne saisit cependant les choses que divisément ; elle n'en possède pas le tout, ni le toujours, ni le de la même manière, ni le tout d'un bloc, ni l’incomposé, ni le simple. Il ne faut donc pas poser ces facultés comme principe de la connaissance. C'est peut être la raison qui est le principe de la connaissance ; car toute connaissance dans la raison est simultanée; elle ne procède pas par actes transitifs ni par actes divisés. Or, si la connaissance de la raison est implurifiée et comme absolument implurifiée est une, sans doute nous devrions la poser principe de la connaissance. Mais puisqu'il n'y a pas qu'une seule pensée dans la raison, mais que la pensée est diversifiée, puisqu'il y a en elle plusieurs pensées, et que la pensée du tout n'est pas de la même manière la pensée des autres intelligibles, car de même que les intelligibles sont distincts les uns des autres, de même aussi les pensées de ces intelligibles;[47] nécessairement aucune de ces pensées n'est le principe de la connaissance:[48] car elles sont toutes semblablement des pensées.[49] Mais si l'on veut formuler le principe un de la connaissance, il faut poser pour tel l'un de la raison, celui qui a la puissance d'engendrer toutes les connaissances qui sont en elle, et qu'on voit dans les ordres deuxièmes des êtres. Car ce principe détaché et élevé au-dessus des plusieurs, est pour eux principe de la connaissance, mais ii ne se confond pas avec l'identité des intellectuels;[50] car il est coordonné et accouplé à la différence et est plus pauvre que la substance (intellectuelle), tandis que l'un est au-delà de la substance intellectuelle et la conserve dans son tout,[51] et c'est par là que l'un est Dieu et raison, mais non par l'identité ni par la substance : car il n'est pas Dieu, universellement, en tant que raison ; puisqu'il y a aussi une raison particulière, et qui n'est pas Dieu. Le propre de la raison est de voir, de comprendre, de juger les êtres,[52] et le propre du Dieu est d'unir, d'engendrer, de conduire selon sa providence chacun de ces êtres.[53] Ainsi par ce qui d'elle n'est pas raison, la raison est Dieu ; et par ce qui d'elle n'est pas Dieu, le Dieu qui est en elle, est raison.[54] La raison divine, qui est le tout, est une substance intellectuelle accompagnée de sa sommité propre et de sa propre unité,[55] se connaissant elle-même en tant qu'intellectuelle, s'enivrant, comme quelqu'un[56] l'a dit de nectar, engendrant la connaissance universelle, entant qu'elle est la fleur de la raison et est une hénade hypersubstantielle. Ainsi donc encore une fois, en cherchant le principe de la connaissance, nous sommes remontés à l'un. Et ce n'est pas seulement dans ces choses,[57] mais dans toutes les autres que nous trouverions semblablement que les monades sont en tête de leurs nombres propres, et que les hénades des monades sont les principes les plus vrais des choses;[58] car partout l'un est principe. Et c'est de ce principe qu'a dû dire Socrate dans le Phèdre: Le principe est inengendré.[59] Car s'il n'est pas possible qu'aucune des espèces fasse tout entière défaut, à beaucoup plus forte raison il est nécessaire que le principe suprême de chaque chose soit conservé et demeure éternellement, afin qu'autour de ce principe, ait son hypostase toute la pluralité des choses qui sortent,[60] d'une manière propre, de chaque principe. C'est la même chose de dire hénade ou principe, puisque le principe est en toutes choses ce qu'elles ont de plus un. De sorte que celui qui traite dans une discussion de tous les uns, traitera des principes,[61] et qu'il n'y a aucune différence entre dire que le sujet (du dialogue de Platon) est : les Principes et dire que c'est l'un. C'est pourquoi ces grands esprits[62] ont jugé bon d'appeler un, toute substance incorporelle, et autres, ἄλλα, toute substance corporelle et en un mot toute substance divisible. De sorte que, dans quelque sens que tu entendes l'un, tu ne sors pas du domaine de la science qui étudie les hypostases incorporelles et les hénades archiques ; car toutes les hénades sont les unes dans les autres et unies les unes aux autres; et leur union est beaucoup plus grande que la communauté et l'identité qu'on trouve dans les êtres : car dans ceux-ci, il y a mélange des espèces, ressemblance, amitié, participation mutuelle; mais l'union de celles-là étant une union d'hénades, est de beaucoup plus uniforme,[63] ineffable, et au-dessus de toute autre union. Toutes sont dans toutes, ce qui ne se trouve pas dans les espèces : les espèces participent bien les unes des autres, mais ne sont pas toutes en toutes. Mais cependant, malgré l'union qui y règne, les hénades gardent une telle pureté sans mélange,[64] la propriété caractéristique de chacune est tellement plus parfaite que la différence des espèces, en ce qu'elle garde sans les confondre ses éléments divins et ses puissances propres distinctes, que autres sont les plus générales, autres les plus particulières; autres celles qui sont selon la persistance, autres celles qui sont selon la procession, autres celles qui sont selon la conversion, autres celles qui sont capables d'engendrer, autres celles qui ont la puissance de faire remonter, autres les démiurgiques, et en un mot les propriétés des Dieux[65] différents sont différentes, telles que sont la propriété de contenir dans son système les parties d'un tout,[66] la propriété télésiurgique, démiurgique, assimilatrice, et toutes celles que nous avons admises et nommées avec celles là. Ainsi donc quoique l'union soit là inexprimable, la propriété caractéristique de chacune ne l’est pas moins; car toutes les hénades sont dans toutes les hénades, et chacune est à part et pour soi, χωρίς, et nous pouvons, en partant des choses inférieures et qui leur sont suspendues, connaître et leur union et leur propriété distinctive. Car dans les Dieux visibles, nous affirmons qu'autre est l'âme héliaque, autre l'âme de la terre, en voyant que les corps visibles ont entre eux de grandes différences et selon la substance et selon les puissances, et selon l'importance et la valeur de la fonction qu'ils remplissent dans l'univers. De même donc qu'en nous appuyant sur ces données sensibles, nous saisissons la différence des substances incorporelles,[67] de même en parlant de la diversité des substances incorporelles, nous pouvons connaître la distinction sans mélange des hénades premières et hypersubstantielles et les propriétés distinctives de chacune. Car chaque hénade a une pluralité qui lui est suspendue, celle ci, une pluralité intelligible, celle-là une pluralité intellectuelle ; mais comme il y en a aussi une qui possède une pluralité qui est intelligible et à la fois intellectuelle, sans détermination, en tant qu'il y a en elle une pluralité imparticipable et une participable, une hypercosmique et une encosmique, et comme la procession des hénades ne va que jusque là,[68] considérant ainsi la largeur[69] (l'extension) de toute l’hypostase intellectuelle qui leur sert de substrat,[70] et la diversité proportionnée et mesurée qui procède du principe caché dans le distingué, nous sommes assurés[71] qu'il y a dans les hénades elles-mêmes et propriété distinctive et ordre, en même temps qu'union. C'est donc par la différence des participants que nous connaissons la distinction des participés : car ce n'est pas en participant au même, sans aucune diversité dans le mode de participation, que les participants auraient pris une si grande différence les uns avec les autres.

Tout ce que nous venons de dire concerne l'hypostase des hénades premières, de leur communauté[72] et de leur distinction les unes par rapport aux autres, caractères que nous nommons habituellement, l'un, propriété distinctive, l'autre, union, les opposant même par les mots et les séparant de l'identité et de la différence qui se trouvent dans les substances.

Car ces hénades hypersubstantielles[73] sont, comme quelqu'un l'a dit[74] les sommités et les fleurs, (des substances). Or, puisqu'il y a en elles, comme nous l'avons dit, union et distinction, Parménide, se proposant précisément de dérouler au grand jour toute leur procession en partant d'en haut, de l’hénade séparée des choses et élevée au-dessus d'elles, pose pour hypothèse l'un qui lui est propre, c'est à dire celui qui est perçu dans les êtres et vu tantôt en tant que un, tantôt en tant que participé. Il conserve toujours la même majeure[75] en l'envisageant sous plusieurs points de vue ; mais la conséquence varie, afin de montrer par l'identité de la majeure, l'union des hénades divines, (car quelle que soit celle que tu prendras, tu la prends identique aux autres, parce qu'elles sont toutes les unes dans les autres, qu'elles ont leur racine enfoncées dans l'un ; car de même que les arbres, même par leurs têtes[76] ont leur fondement dans la terre, et par elles sont terrestres, de même les choses divines, par leurs propres sommités, ont leur racine dans l'un, et chacune d'elles est hénade et un, par son union avec l'un, quoiqu'elle ne se confonde pas avec lui) et de démontrer et par la variété et le changement de la conséquence, où il prend tantôt le tout, tantôt la figure, tantôt quelque autre caractère, et cela par des propositions affirmatives ou négatives, la distinction de ces hénades et la propriété caractéristique de chacun des ordres divins ; enfin de prouver, par l'argument hypothétique tout entier, à la fois la communauté de ces ordres divins et la pureté sans mélange de chacun d'eux. Ainsi la majeure conditionnante, τὸ ἡγούαενον, est une, les conséquents, τὰ έπόμενα, sont plusieurs ; plusieurs aussi sont les arguments hypothétiques, τὰ συνημμένα, et les hypothèses sont plus de deux : Parménide, par l'hypothèse de l'un être, tantôt remontant à l'un qui est avant les hénades participables, tantôt parcourant leur largeur[77] dans les êtres,[78] tantôt découvrant l'hypostase abaissée de leur être. Et en un mot, puisqu'il a dit plus haut de cette méthode, que son but, après avoir posé une certaine chose déterminée, τόδε τι, est de voir qu'est-ce qui en résulte pour elle par rapport à elle-même et aux autres, et qu'est-ce qui n'en résulte pas, et à leur tour qu'est-ce qui en résulte pour les autres et par rapport à eux-mêmes et par rapport à la chose posée par hypothèse, nous verrons que, selon la première hypothèse, il démontre quelles choses ne s'ensuivent pas pour l'un par rapport à lui-même et par rapport aux autres ; — selon la deuxième, quelles choses en résultent ; — et selon la troisième, quelles choses en résultent et n'en résultent pas ; et que dans les deux hypothèses suivantes, il examine quelles choses résultent pour les autres et par rapport à eux-mêmes et par rapport à la chose posée, et quelles ne résultent pas, et enfin que dans les quatre dernières, il varie et multiplie semblablement les hypothèses. De sorte qu'il ne faut pas se laisser troubler en voyant la multitude des hypothèses, ni croire qu'il ne se renferme pas dans les limites de la méthode qu'il a proposée, ni qu'il s'écarte de la recherche de l'hénade en traitant des principes,[79] mais reconnaître qu'il nous en montre à la fois et l'union et la distinction ; car toutes sont réunies par le fait de demeurer dans l'un, et sont distinctes par le fait qu'elles ont une procession de l'un différente ; et n'étonne pas si nous affirmons cela (la procession) dans les hénades divines ; car même dans les substances intellectuelles nous avons l'habitude de nommer ainsi une, toute substance indivisible et toute substance intellectuelle, et toutes les raisons, une, et inversement d'appeler raison une, toutes les raisons, à cause de l'identité qui réunit et conserve dans leur système toutes les hypostases intellectuelles. S'il en est ainsi dans celles ci, que faut-il penser quand il s'agit des hénades qui sont dans les êtres? Ne faut-il pas penser qu'elles sont unies d'une façon éminente,[80] qu'elles sont les unes dans les autres ; que leur mélange est extrême ; qu'elles ne sortent pas de l'un ; qu'elles ont toutes la forme de l'un? en effet en toutes choses, celles du premier degré gardent la forme de leur propre cause. Le premier des corps en est là plus vivant, de sorte qu'il se rapproche de l'âme ; des âmes, la première ressemble à la raison[81] des raisons, la première est Dieu ; de sorte que des nombres aussi, le premier ressemble à l'un, est hénadique et hypersubstantiel, comme l'un. Si donc les hénades sont nombre, il y a en elles en même temps pluralité et union : — voilà ce que nous avions à dire sur ce sujet.

Mais puisque Parménide selon les différentes hypothèses pose et renverse des choses différentes, et que souvent il nie les mêmes choses d'une certaine façon et les affirme d'une autre,[82] et en un mot puisqu'il joue un jeu réellement difficultueux en se faisant sa route à travers la nature même, et non, comme quelques-uns l'ont dit avec une légèreté frivole, se livrant à une sorte de gymnastique logique sans vie et vide de contenu réel, et puisqu'il ne cherche pas à jeter les grâces du style ni la magnificence dans des arguments probables, tous ceux de nos prédécesseurs qui ont vraiment compris la doctrine de Platon, ont pensé à accorder avec les hypothèses un certain contenu qui leur fût propre, afin que selon chaque hypothèse, on vit apparaître clairement un certain ordre des êtres, découvert par les procédés de la méthode de Parménide,[83] et qui ferait voir la différence des autres ordres dont l'hypostase est différente,[84] et de celui-ci même, et dans quelle mesure cet ordre a une influence sur les autres choses. Dans ce sentiment qui leur est commun, ils ont fait la répartition de ce contenu réel entre les hypothèses, en suivant, les uns certaines directions, les autres certaines[85] autres. Mais nous devons préalablement définir ce qu'appellent hypothèse, ceux qui ont voulu montrer la concordance des démonstrations d'un contenu réel avec certaines hypothèses, et faire observer qu'ils n'entendent pas la méthode dans son sens pur[86] (car il y a deux hypothèses selon cette méthode, l’une qui seulement pose que l'un est, l'autre qu'il n'est pas) ; mais ils nomment hypothèse, la proposition qui, s'emparant d'une partie de la méthode, amène les conclusions semblables, ou toutes affirmatives, ou toutes négatives, ou l'un et l'autre à la fois. Il ne leur importe pas si les conclusions que nous tirons de la chose posée sont par rapport à elle-même ou par rapport à quelque autre chose ; ils regardent seulement si la qualité est la même, et c'est ainsi qu'ils établissent certaines hypothèses pour l'un, et certaines autres différentes, pour les autres que l'un ; et dans chacune prise dans son sens simple, les mêmes antécédents conditionnants étant posés, ils recherchent si les conséquences diffèrent par la qualité, et alors il appellent cela l'hypothèse. Ceci étant expliqué, passons à ce qui suit. Les uns donc divisant en huit toutes les hypothèses, disent, que dans la première Parménide traite de l'un; dans la deuxième, de la raison et de l'hypostase intellectuelle ; dans la troisième, des âmes douées de raison ; dans la quatrième, des âmes privées de raison ; dans la cinquième, de la matière à laquelle appartient une certaine aptitude à la participation des espèces ; dans la sixième, de la matière déjà pourvue d'ordre, et ayant reçu en acte les espèces ; dans la septième, encore de la matière mais de la matière complètement privée des espèces elles mêmes et de l'aptitude à en participer, de la matière, entendue dans son sens nu, en soi et par soi;[87] dans la huitième, de l'espèce engagée dans la matière ; car c'est là tout ce qui reste appartenir aux principes[88] après l'un, après la raison, après les deux genres d'âmes, après la matière sous ses formes multiples. Mais si ce système d'arrangement et de division est exact en ce qu'il maintient chaque principe, — car l'espèce dans la matière est une sorte de principe quoique composée d'éléments et quoique matière ; l'âme est nécessairement un principe, quoique l'âme irrationnelle le soit d'une façon, l'âme pensante d'une autre, et outre ceux-là, la raison, tant vantée et honorée, et à plus forte raison, le Dieu est un principe ; — si cet arrangement maintient les principes, il pêche en ce qui concerne leur nombre et leur ordre ; car puisqu'il y a manifestement neuf hypothèses, comme il sera prouvé par les termes mêmes de Platon, il diminue, à tort, leur nombre, et de plus renverse l'ordre des choses réelles, en amenant en dernier lieu l'espèce, qui est supérieure non pas seulement à la matière privée des espèces, mais à l'aptitude qu'elle peut avoir pour elles : et en outre parce que dans l'ordre qu'il établit, ce système met avant la matière ordonnée la matière dépourvue d'ordre et n'ayant que des manifestations vides des espèces. Et cependant ce système a trouvé, même chez des esprits au courant de la science, une sorte d'approbation fondée. Car, disent-ils, l'hypothèse qui pose seulement l'aptitude de la matière a été placée la première parce qu'elle est plus claire que celle qui n'a même pas reçu cette aptitude, et est plus obscure que celle qui est déjà pourvue d'ordre, et peut faire mieux voir la nature de la matière[89] que celle qui est déjà possédée par les espèces, et elle répugne moins[90] à l'entendement réfléchissant que celle dont la perception est nécessairement faite par la privation. Mais d'autres, et en plus grand nombre, ont refusé leur agrément à cette opinion et l'ont contredite. De ceux qui ont admis la division des hypothèses en neuf, les uns en ont réparti le contenu réel comme il suit : la première traiterait du Dieu absolument premier : car tous s'accordent sur ce point ; la deuxième, de la largeur intelligible ; la troisième, de l’âme, (mais non pas seulement de l'âme pensante, comme leurs prédécesseurs l'avaient dit) ; la quatrième, d'un certain corps qui est pourvu d'ordre ; la cinquième, du corps dépourvu d'ordre; la sixième, de la matière pourvue d'ordre ; la septième, de la matière dépourvue d'ordre ; la huitième, des espèces matérielles, mais perçues dans un substrat; la neuvième, des espèces matérielles considérées en soi et à part de la matière. Ils ont établi là, eux aussi, en certaines parties, un bon ordre et une bonne division; mais ils prennent deux fois la même chose : car en quoi la matière ordonnée diffère-t-elle du corps dépourvu d'ordre ou pourvu d'ordre, c'est ce qu'on ne saurait dire ; car si la chose sans qualité, devenue corps, a reçu l’ordre, elle est identique au corps dépourvu d'ordre, et les deux seront la même chose. De plus ils ne présentent pas dans leur système les principes des êtres ; car comment un principe peut-il être pourvu d ordre dans un corps?[91] et comment celui-ci n'est-il pas ce dont l’hypostase est faite des principes? et comment la cinquième peut-elle traiter du corps non pourvu d ordre? la conclusion de cette hypothèse est ouvertement, que les autres, qui ne participent pas de l'un, ne sont ni en repos ni en mouvement ; or le corps non pourvu d'ordre,[92] tumultueusement il est vrai, et d'une façon désordonnée, se meut cependant, dit le Timée. Et comment l’espèce qui est conçue mentalement sans matière pourrait-elle être le principe de quelque chose? Car les principes conçus par abstraction n’ont pas une hypostase mais seulement une hyparxis. En effet, dans les cas où la pensée abstraite a son domaine et joue le rôle prédominant, avec la suppression[93] de cet acte mental on fait évanouir l'hypostase des choses conçues, tandis que les principes sont par eux-mêmes des principes, et non par les opérations de notre entendement réfléchissant. En un mot il y a manifestement beaucoup d objections contre cette opinion, parce que la neuvième hypothèse renversant tout, ne permet d établir aucun être par une action mentale et se prononce contre cette espèce d'être qu'on appelle de raison.[94]

Ceux qui sont venus après ceux-ci[95] introduisent dans les hypothèses les êtres réels ; ils disent que la première traite de Dieu et des Dieux; car elle traite non seulement de l'un, mais encore de toutes les hénades divines ; la troisième[96] n'a plus pour objet l’âme, comme l'avaient dit ceux qui les ont précédés, mais les genres supérieurs à nous, les anges, les démons, les héros;[97] (car ces genres sont suspendus immédiatement (sans intermédiaires) aux Dieux et sont supérieurs aux âmes universelles; c'est là une opinion des plus paradoxales et qui fait qu'ils lui donnent dans les hypothèses rang avant les âmes). La quatrième a pour sujet les âmes pensantes ; la cinquième, les âmes inférieures, dont la vie est mêlée dans la trame des âmes pensantes ; la sixième, les espèces engagées dans la matière[98] et toutes les raisons séminales ; ensuite la septième, la matière elle-même ; la huitième, le corps céleste ; la neuvième, le corps engendré et sublunaire. Ceux ci sont exacts, en ce qu'ils ne prennent pas deux lois la même chose ; mais ils ont tort en faisant entrer dans la sphère de cet arrangement les genres supérieurs; car s'ils sont intellectuels, nous avons dans la deuxième hypothèse une discussion qui porte sur toute la largeur intellectuelle; s'ils sont physiques, il est évident que la question qui les concerne sera comprise dans l'hypothèse sur les âmes. Enfin ils commettent encore une erreur en admettant des conséquences et non des principes, dans les dernières hypothèses.

L'erreur commune à tous ces systèmes dans cette question, c'est de n'avoir pas vu que les cinq premières hypothèses aboutissent à des conclusions vraies, et que les quatre autres montrent des conclusions absurdes,[99] or c'est là ce que Parménide se propose de démontrer: comment, l'un étant, tous les êtres sont engendrés, et comment, l'un n'étant pas, tous sont anéantis, et qu'il n'y a plus absolument rien. C'est là ce que toute la méthode a pour but de démontrer et par la position de propositions vraies et par la réfutation des fausses. Par exemple, si la proposition hypothétique est : s'il y a une providence, tous les êtres seront comme il est bon qu'ils soient ; s'il n'y a pas de providence, rien ne sera bien et les choses universelles et les particulières seront mal administrées:[100] donc il y a une Providence ; car son être est cause des biens, et son non être des maux. Il aurait donc fallu que ces critiques sussent que le but de Parménide était de montrer que par le être de l'un, tous les êtres obtiennent et possèdent leur hypostase, et que par son non être toute la nature des choses s'évanouit complètement, et c'est ce que lui-même dit ouvertement dans la conclusion de toutes les hypothèses.[101] Et s'ils avaient vu cela, nécessairement, ils n'auraient pas donné aux quatre dernières hypothèses des sujets différents ; ils n'auraient pas poussé leurs raisonnements en ligne droite;[102] mais ils auraient vu dans les cinq hypothèses les principes des êtres, et n'auraient pas cherché pour le groupe des quatre autres des natures propres et particulières ; mais ils auraient dû démontrer que de la suppression de l'un, il résulte que beaucoup des conséquences qui nous paraissent être possibles sont absurdes. Pour éviter cette faute, le premier, à notre connaissance, le philosophe de Rhodes[103] a disposé d'une autre manière les hypothèses : il en porte à dix le nombre total, opposant aux cinq premières les cinq autres, et soutenant que la première montre que, si l'un est, il en résulte les théories philosophiques les plus dignes d'admiration: ce sont toutes celles que même ailleurs a professées Platon sur l'un; concernant la sixième, que si l'un n'est pas, aucun des philosophèmes qui peuvent être posés sur l'un, ne concordera avec cette hypothèse ; que dans la deuxième et la septième, qui traitent de la raison et de l'intelligible, on examine, tantôt, que s'il est, il en résulte pour eux toutes les plus belles vérités,[104] tantôt, que s'il n'est pas, nous détruisons toutes les vérités que nous possédons sur eux ; dans la troisième et la huitième, qui traitent des objets de l'entendement discursif, (car ceux-ci viennent immédiatement à la suite des intelligibles), tantôt, que s'il est, il est démontré que ces objets concordent avec nos notions, tantôt, s'il n'est pas, qu'ils se montrent en désaccord avec elles ; dans la quatrième et la neuvième, qui ont pour sujet les espèces corporelles, (car elles sont des objets de l'entendement discursif, selon la division de la ligne dans la République), que si l'un est, ces objets sont, mais que s'il n'est pas, il n'est pas possible qu'ils soient; dans les deux dernières, la cinquième et la dixième, qui traitent du réceptacle des corps, tantôt que la dixième est d'accord avec la cinquième,[105] qui pose l'être de l'un, tantôt qu'elle n'est pas d'accord avec elle.[106] Il faut admirer cette disposition et à cause de l'ordre qu'elle établit et à cause de l'intelligence pénétrante qu'elle atteste; car l'auteur a compris que tantôt il faut prendre les conclusions comme absurdes, tantôt comme vraies et résultant de la nature des choses ; et en outre on peut excuser l'innovation qu'il présente sur le nombre des hypothèses et en imaginant une certaine hypothèse qui ne sert à rien et surtout en essayant d'en opposer aux cinq premières un nombre égal, chacune à chacune. Il n'y a rien d'absurde à soutenir que l'un n'est pas, et on ne conclurait[107] rien d'impossible en admettant cette hypothèse ; car cet un n'est pas l'un absolument premier de l'universalité des choses ; il est seulement supérieur à l'être.[108] Mais les absurdités qui viennent après cette hypothèse, en sont des conséquences nécessaires: ainsi nous ne pourrons pas faire correspondre la sixième hypothèse[109] à la première[110] ni les autres aux autres : car c'est cet ordre qui lui a donné l'idée de diviser l'hypothèse qui était une, et d'augmenter le nombre. Après ces commentateurs, Plutarque, notre grand père, (qui avait admis sur l'autorité des anciens maîtres que les hypothèses sont au nombre de neuf, et concluait, conformément à la nouvelle interprétation, d'après les cinq, du fait que l'un est, la vérité des propositions, mais dans les autres montrait les absurdités résultant du fait que l'un n'est pas, et en outre que tout le traité a pour objet les principes) — soutient que par le fait que l'un est, sont les hypostases premières et archiques des êtres, aussi bien celles qui en sont séparées et élevées au-dessus d'elles que celles qui apparaissent et se manifestent dans les choses mêmes, et que par le fait que l'un n'est pas, l’ordre des choses disparaît complètement. Admettant ces données, il établit que la première hypothèse a pour sujet Dieu ; la deuxième, la raison ; la troisième, l'âme ; la quatrième, l'espèce matérielle; la cinquième, la matière, dans lesquelles[111] dernières sont posés les autres que l'un : (car, comme nous l'avons dit, c'était l'usage chez les Pythagoriciens de nommer un toutes les substances incorporelles et séparables, et autres la substance corporelle et dont l'hypostase est dans les corps) de sorte que, comme il est rationnel, les trois hypothèses qui recherchent quel rapport l'un soutient avec lui même et avec les autres, ont pour sujet les trois causes archiques,[112] les trois causes séparables ; les deux autres,[113] qui recherchent comment se comportent les autres et par rapport les uns aux autres et par rapporta l'un, amènent la forme et la matière ; car celles-ci sont réellement autres,[114] et appartiennent à d'autres, et non à elles mêmes:[115] ce sont plutôt des causes coopérantes que des causes mêmes, comme il a été déterminé dans le Phédon. Ayant donc vu que par le fait de l'être de l'un, Parménide par ces cinq hypothèses, amène ces cinq principes, et ceux qui sont en dehors des choses et ceux qui sont en elles, il dit que dans les quatre dernières il est démontré que, si cet un qui est dans les êtres n'est pas, — si l’on entend ce non être comme sous un rapport étant, sous un autre n'étant pas, il n'y aura plus que le sensible; (car n'étant pas intelligible, l'un sera seulement sensible); et parmi les connaissances, il n'y aura plus que la sensation, ce qui est démontré absurde dans la sixième hypothèse, à savoir, que parmi les connaissances il n'y ait que la sensation, et que parmi les choses connaissables, il n'y ait que les choses sensibles. Mais si l'un n'est véritablement pas, entendu dans le sens du non être absolu, toute connaissance s’évanouit, comme tout objet connaissable, ce dont l'absurdité est démontrée dans la septième des hypothèses ; et de même les autres, l'un n'étant pas, ce que pose la sixième hypothèse, seront semblables à des rêves et à des ombres, thèse dont la huitième des hypothèses démontre l'absurdité. Et si l'un n'est pas, dans le sens de l'absolument non étant, il n'aura même pas l'hypostase de ces imaginations qui se produisent dans les rêves, comme le prouve clairement la neuvième des hypothèses. De sorte que si l’on disait que la première hypothèse est par rapport aux autres hypothèses[116] ce que le premier et unique principe de l'universalité des choses est aux êtres, que les quatre suivantes du premier groupe traitent des principes qui sont après l'un, et que les quatre qui viennent après celles-là concluent que l'un étant supprimé, tout ce qui est montré enfermé dans des limites,[117] est par la même anéanti, on aurait présenté une interprétation exacte et vraie. Car la troisième[118] hypothèse montrant que si l'un être est, sera tout l'ordre de l'âme, la septième montre que, s'il n'est pas, toutes les facultés de connaissance sont anéanties, la faculté de sensation, celle de l'imagination, celle de l'entendement. La quatrième montrant que si cet un là est, sont aussi en quelque manière les espèces matérielles, (car celles-ci participent en quelque manière de l'un être), la huitième montre, que si cet un là seul n'est pas, la pluralité des sensibles sera comme des rêves, et ils ne participeront d'aucune manière de la substance et de la distinction spécifique. La cinquième faisant voir que si l'un est, sera aussi la matière (quoique ne participant pas de l'un être, en tant qu'il est étant, mais seulement en tant qu'il est un), la neuvième montre que rien absolument ne sera et ne participe même d'une ombre, si l'un n'est pas ; car comment, cette cause étant anéantie, pourrait-il y avoir l'une quelconque de toutes les choses? Nous avons donc selon ce plan, la première hypothèse traitant de l'un, que Platon, dans la République[119] a posé ouvertement au-delà de la substance et de l'être ; les quatre suivantes traitant des êtres, dont les deux premières ont pour sujet les êtres qui sont toujours, les deux autres, les êtres engendrés, d'après la division du Timée, qui distingue des choses connaissables par la pensée aidée de l'entendement,[120] les choses connaissables par l'opinion aidée de la sensation;[121] ou si tu le préfères, les quatre seront selon la division de la ligne, dans la République,[122] dont il a attribué une partie aux intelligibles, l'autre aux sensibles, l’une aux hénades, l'autre à ce qu'on appelle ici les autres ; et de la partie la plus grande, l’une consiste dans les intelligibles, l'autre dans les choses objets de l'entendement discursif, de même que de nos deux hypothèses, l'une a pour objet la raison, l'autre l'âme ; et de la partie la plus petite, il a attribué l'une aux choses sensibles, l'autre aux choses perçues par l'imagination, de même qu'ici nous avons dit que la quatrième a pour objet les espèces matérielles, qui sont proprement sensibles ; la cinquième, la matière, qui est analogue aux choses vues par l'imagination, à cause de l'indétermination de la connaissance que nous acquérons d'elle. Ainsi donc quatre principes, après le principe un et premier, deux séparés des choses et élevés au-dessus d'elles,[123] deux qui servent à compléter la nature des choses,[124] et quatre hypothèses après la première, où l'un est posé être, et quatre autres montrant les absurdités qui résultent si l'on supprime l'un : voilà ce qu'on doit adopter de ce grand homme qui, par une science parfaite, distingue les uns des autres les buts des hypothèses, qui amène les principes suprêmes, tous, sans qu'ils nous en manque un, qui a pris une conscience sûre de toute la méthode de discussion de Parménide, et qui, après en avoir distingué les membres, reconstitue en un corps vivant et un les opinions dispersées et confondues dans les écrits des anciens.[125] Que pourrons-nous donc dire, après tant et de si éminents commentateurs de Platon? Qu'ajouterons-nous de notre propre fonds? Sans doute il nous conviendra de répéter bien haut ce mot d'Homère,[126] « le dernier est le plus parfait[127] ». C'est celui qui, à Athènes, nous a dirigé dans ces études,[128] qui a allumé la lumière intellectuelle qui éclaire toute cette discipline, tantôt la ramenant à une forme d'interprétation plus théologique, tantôt se bornant à faire quelques changements, tout en suivant fidèlement et Platon lui-même et le texte de son ouvrage. Car il estime que la première hypothèse a pour sujet le Dieu absolument premier ; la deuxième, les intelligibles ; mais puisqu’il y a une largeur dans les intelligibles et une pluralité d'ordres des Dieux, il estime que chacun de ces ordres est désigné d'un nom symbolique par Platon, qu'ils sont tous exprimés par des noms philosophiques, qui ne sont pas, d'habitude, employés par les auteurs qui ont écrit des Théogonies, mais qui ne signifient pas les hyparxis des Dieux, comme le font les surnoms des genres divins qui nous ont été révélés par les Dieux eux mêmes ; mais il pense, comme je l'ai dit,[129] que par des termes connus des philosophes, tels que totalité,[130] pluralité, infinité, limite, qui ont avec ces ordres un rapport extrême d'affinité et occupent le rang qui leur appartient,[131] nous sont enseignées et interprétées, sans qu'il en manque, toutes les processions divines intelligibles, intellectuelles, hypercosmiques. C'est par là que sont en outre acquises toutes les conséquences qui en dérivent, qui sont les symboles des diacosmes divins ; et de plus, toutes celles qui sont affirmées dans la deuxième hypothèse[132] sont niées selon la première: ce qui fait voir,[133] que la cause première est séparée et élevée au dessus de tous les diacosmes divins, tandis que les autres (causes) ont procédé diversement selon diverses propriétés caractéristiques déterminées ; car dans celle-ci[134] l'un n'est pas le premier un; (car tout y est tissu avec l'être[135]); ce n'est pas non plus l'un inséparable de l'être : mais il est en lui (dans l'un) comme une sorte d'habitude, de possession constante et habituelle, ὡς ἕξις τις. Ainsi donc il le distingue clairement et affirme que cet un ci est à part (pour et en lui-même), et évidemment qu'il signifie une hénade divine, absolue et indépendante. Car toute cause séparable, présidant à une pluralité, engendre une double pluralité, l’une séparable, semblable à elle-même, l'autre inséparable de ses participants. Ainsi de même que l'âme une a engendré et les âmes séparables des corps et les inséparables, et de même que la raison une et universelle a créé d'une part les raisons séparables des âmes et les raisons qui sont en elles selon l'habitude, καθ' ἕξιν, de même l'un a produit d'une part les hénades absolues et indépendantes, séparées et au-dessus de leurs participants, et d'autres comme étant les unions[136] d'autres choses unifiées selon elles et dans lesquelles elles sont. Il dit donc que toute la deuxième hypothèse nous fait apparaître la pluralité des hénades absolues et indépendantes, auxquelles sont rattachées toutes les choses dont nous parie la deuxième hypothèse, qui nous fait connaître clairement, dans leur succession, toutes les propriétés de ces choses, par le moyen de ces hénades, et quelle est leur nature.[137] Si cela est exact, il nous faut examiner chacune des conclusions, voir à quels ordres divins chacune convient, et opérer ainsi la division[138] de la deuxième hypothèse selon ses membres naturels.[139] La troisième ne traite pas de toute espèce d'âme purement,[140] mais de toutes celles qui ont procédé après l'âme divine : car toutes lésâmes divines sont comprises dans la deuxième hypothèse, et il est évident que c'est en celle-là que Platon lui-même a dit que l'un participe aussi du temps. Or participer du temps est une propriété qui appartient aux âmes premières, mais non aux substances intellectuelles, dans lesquelles n'ont place ni le : était, ni le : sera, mais seulement le : est, qui est éternel. Donc la substance universelle étant divisée en substance divinisée et substance considérée en soi et par soi, toute substance divinisée, sans exception ni réserve ni addition, qu'elle soit par hyparxis, intelligible ou intellectuelle ou physique, est exposée dans la deuxième des hypothèses ; de sorte que si tu veux concevoir, selon cette théorie, comment et dans quel ordre ont été disposées les hypothèses qui suivent, admets que la première hypothèse est sur l'un Dieu,[141] et explique comment il engendre et ordonne tous les ordres des Dieux ; que la deuxième traite de tous les ordres divins et explique comment ils ont procédé de l'un, et de l’ordre conjoint et lié à chaque substance;[142] que la troisième traite des âmes qui sont devenues semblables aux Dieux, mais n'ont pas obtenu, dans le partage, une substance divinisée ; que la quatrième traite des choses matérielles, et explique comment elles sont produites par les dieux et dans quels rangs elles ont été produites ; que la cinquième traite de la matière et explique comment elle ne participe pas des hénades spécifiques, et a obtenu, dans le partage,[143] son hypostase d'en haut, de la monade hypersubstantielle et une;[144] car l'un et l'illumination de l'un va jusqu'à la matière[145] et en éclaire la nature indéterminée. Voilà les idées générales et les points de vue communs que j'avais à présenter sur les hypothèses : mais il faut maintenant exposer sur chacune à part les arguments qui lui appartiennent en propre. Il nous faut donc de nouveau reprendre dès le commencement le texte littéral de la première hypothèse, et examiner toute la discussion qui porte sur elle.

 

 

§ 123. — « Soit donc, dit-il : Si l'un est, n'est-il pas certain que l'un ne sera pas plusieurs[146] »?

Il nous faut dire d'abord quel est le but de la première hypothèse : est ce Dieu seulement, ou Dieu et les Dieux, comme le disent quelques commentateurs. Car il est évident que la discussion porte sur une chose qui possède une hyparxis, et que contrairement à l'idée que quelques-uns s'en sont faite, cet un n'est pas exclusivement dépourvu d'hypostase, et que l'hypothèse n'aboutit pas à une conclusion absurde, quoiqu'on puisse apporter en témoignage ce qui est dit à la fin de l'hypothèse : « Est-ce que tout cela que nous disons de l'un n'est pas impossible?[147] » (nous expliquerons dans quel sens il a dit cela), il est évident, comme je le disais, que cet un, dont l'argumentation présente nie tous les prédicats, n'est pas dépourvu d'hypostase; car toutes les conclusions qui sont prouvées être impossibles par une argumentation rigoureuse, il en démontre l'impossibilité par l'hypothèse ou par la conséquence : quand l'une et l'autre sont possibles, la proposition qu'on expose est possible. Or l'hypothèse que l'un est, est vraie. En effet l'hôte d'Élée[148] montre que c'est la chose du monde la plus absurde[149] que l'un ne soit pas, puisque c'est seulement parce qu'il a participé à cet un là, préexistant en toute chose, que l'un réel[150] existe. Car il a, là,[151] défini, à son tour, le être véritablement un absolument sans parties. Or ce qui est démontré tout d'abord dans la première hypothèse, c'est que l'un n'a pas de parties, et il amène, comme conséquences à sa suite, toutes les autres conclusions qui se suivent et qui sont démontrées par des lemmes nécessaires. Si donc l'un véritablement un, (car tous les autres sont véritablement) est avant les véritablement, il est ridicule de dire que le véritablement est dépourvu d'hypostase.[152] Le véritablement un est l'un sans parties,[153] et c'est celui qui dans la première hypothèse est démontré au-delà de tout,[154] puisque du fait qu'il n'a pas de parties, s'ensuivent toutes les propriétés par lesquelles il est démontré être l'un avant tout. Il est donc nécessaire absolument que ce soit cet un dont tout est nié, car c'est nécessairement lui, puisque le sans parties est véritablement un. En effet, comme il est dit dans le Sophiste, le véritablement un est tel qu'est exposé ici l'un. Ainsi donc la conséquence des propositions de l'argument hypothétique est nécessaire. Donc tout ce qui est est quelque chose, qui a une hyparxis, est prouvé par cette force de la conséquence. Si donc ce dont traite la discussion est quelque chose qui a une hypostase, il est évident d'un autre côté que ce quelque chose n'est pas substantiel : car il niera de l'un la substance même.[155] Il reste donc nécessairement que cet un soit de la catégorie des choses qui sont après la substance, telles que le devenir, ou la matière ou appartienne à la catégorie des choses qui sont au-dessus de la substance.[156] Or il n'est pas de la catégorie des choses qui sont après la substance ; (car tout ce qui appartient à cette catégorie participe du temps, en tant que génération et devenir: et il nie cela même de l'un, à savoir qu'il participe du temps :) il est donc en quelque sorte comme la matière; mais il prouve que celui-ci même n'est pas. Donc il est au-dessus de la substance, cet un sur lequel portent les démonstrations selon la première hypothèse. Donc nécessairement, puisque le divin seul, mais tout le divin, est au-dessus de la substance, la discussion engagée ici porte exclusivement sur le Dieu Premier, qui seul est au-dessus de la substance, ou aussi sur tous les dieux qui viennent après lui, comme le pensent quelques auteurs dont l'opinion est pour nous digne de respect. Car puisque tout Dieu, en tant que Dieu, est une hénade (car ce qui constitue la divinité de toute substance, c'est l'un), ils croient pouvoir rattacher par cet un à la recherche sur le Dieu premier, l'exposition de la doctrine relative à tous les dieux; car tous sont des hénades hypersubstantielles, et qui s'élèvent au-dessus de la pluralité des êtres et sont les sommités des substances. Mais si nous appelons dans le même sens un et la cause absolument première et les autres dieux, il fallait leur assigner une seule hypothèse ; car nous ne ferions par là que dire que la discussion ne porte pas plutôt sur l'un primairement un que sur les autres hénades?[157] Mais si l’un absolument premier, comme ils le pensent eux-mêmes de préférence, est assurément ce qui est seul et à part de tout, qui ne se coordonne avec aucune des autres choses, qui est imparticipable lui même et se ravit, comme ils le disent, au-dessus et se détache de l'universalité des choses, qui, séparé et élevé au-dessus d'elles, est inconnaissable à tous, si d'un autre côté chacune des autres hénades est en quelque manière participable et non pas seulement hénade, mais aussi participant de sa pluralité propre et de la substance[158] soit intelligible, soit intellectuelle, soit psychique, soit corporelle : — car la participation procède jusqu'à cette dernière: — quelle raison y a-t-il alors de rapporter à une seule hypothèse l'un qui n'est pas connuméré avec les êtres, ni en général coordonné avec les plusieurs, c'est-à-dire avec les hénades qui sont, il est vrai, participées par les êtres, mais qui embrassent et contiennent les plusieurs? Car les mêmes raisonnements ne s'appliquent pas à l'âme imparticipable et à l'âme participable ; les propriétés caractéristiques de la participable ne sauraient convenir à l'imparticipable, et celles de l'âme supérieure à celles de la plus pauvre; car l'une alors ne serait pas en soi et par soi et ne serait pas séparée et élevée au-dessus des plusieurs, ni l'autre coordonnée à la pluralité des âmes.[159] Mais il ne faut pas davantage connumérer la raison participable avec les raisons plusieurs, car[160] les propriétés caractéristiques de toutes ces raisons ne sont pas les mêmes. En effet alors l'une ne jouerait pas le rôle de monade, et les autres celui de nombre, dont l'hypostase est autour de cette monade. Et si ceux qui ont avancé cette théorie sur la première hypothèse croient que les trois Rois dont il est question dans les Lettres existent par le deuxième un,[161] (en effet c'est ainsi que le pensent dans leurs explications sur ceux-ci, ceux qui soutiennent que la première hypothèse a pour objet non seulement Dieu, mais tous les dieux purement dieux, (sans restriction ni réserve, ni limitation, ni détermination) afin que l'un ne soit pas connuméré avec les choses inférieures, parce qu'il est supérieur à toute connumération avec les choses qui viennent après lui, et ne peut se coordonner avec aucune,[162] — c'est ainsi qu'ils interprètent la théologie de Platon) — comment pourrons nous encore ranger Dieu et les Dieux dans une seule et même hypothèse, et faire accorder également avec eux tous les mêmes négations. Car supposons même que tout Dieu soit un:[163] du moins l'un qui est en lui n'est ni séparable ni inconnaissable ni incirconscrit de la même manière que l'un absolument premier. Et si Platon lui-même à la fin de la première hypothèse dit que l'un ne participe ni de la substance ni de l'être, et que l'un n'est participé par aucune substance, comment est-il possible d'unir et de lier cet un avec les autres hénades, puisqu'elles sont toutes participées par des substances.[164] De même donc que si quelqu'un disait que l'âme ne se sert d'aucun corps, il ne parlerait pas de toute âme, mais seulement de l'âme imparticipable, et s'il disait en général que la raison n'est pas participée par l'âme, il parlerait seulement de la raison imparticipable, de même, celui qui pose l'un hypersubstantiel absolument séparé et élevé au-dessus de toute substance et de tout être, entend seulement l'un absolument premier et imparticipable et- non tout ce qui est, de quelque manière que ce soit, un. Et s'il dit encore que l'un est au-delà de l'un et de la substance, (car il ne donne pas ici à ce mot son sens propre et éminent)[165] comment pourrait-on être dans le vrai en le disant des hénades qui sont après le premier un; car de l'un participé par la pluralité et de celui qui est immanent aux êtres, il n'est pas du tout possible de dire qu'il est supérieur à l'un, puisqu'il n'est même pas pure ment élevé au-dessus et séparé de l'être.[166] C'est comme si quelqu'un prétendait que l'âme qui a des points communs avec les corps est supérieure à l'âme. Et si nous croyons toute la pluralité[167] des Dieux et tout l'un qui est participé par l'être, exposés et traités dans la deuxième hypothèse[168] si c'est celui-là même qu'ils étudient et cherchent en poussant toute la discussion sur les dieux dans la première hypothèse,[169] de quoi devra traiter[170] cette discussion ci qui ajoute aux considérations sur le Premier la recherche relative à la pluralité des Dieux? Car cet un là, coordonné à l'être et qui procède avec l'être, qu'est il autre chose que la pluralité des Dieux, qui divinise toute l’hypostase de l'être et qui contient dans son essence une[171] toute la pluralité substantielle? Car toute substance divine est comme le substrat des hénades des Dieux, et tout l'un participé est le principe d'unité de la substance intelligible ou intellectuelle, et, en outre, de la substance psychique ou corporelle, et chacun des dieux n'est autre chose que ce qui a participé de l'un. Car de même que l'homme au sens éminent n'est tel que selon l'unie, de même le dieu au sens éminent n'est tel que selon l'un; car chacun des deux (l'un et l'âme) est l'élément le plus éminent et le plus vrai de ceux qui constituent chacun des deux (l'homme et le Dieu) dans son essence complète, et chacune de toutes les choses ne subsiste que par son élément le plus propre et le plus vrai. Donc nécessairement la première hypothèse a pour objet seulement Dieu, en tant que celui-ci est générateur de la pluralité des Dieux, qu'il est de plus séparé et élevé au dessus de la pluralité, et qu'il est incoordonné avec ceux qui ont procédé de lui. C'est pourquoi il nie tout de cet un, en tant qu'il est fondé au dessus de tout, qu'il est séparé et élevé au-dessus de tout, qu'il produit toutes les propriétés distinctives des dieux, tandis que, par son hyparxis, il est lui-même indéterminé et incirconscrit pour tous;[172] car il n'est pas un certain un, τὶ ἓν, mais purement un :il n'est ni intelligible ou intellectuel, mais il est le principe de l'hypostase des hénades intelligibles et des hénades intellectuelles. Car dans tous les ordres de principes il faut que la pluralité participée suit précédée et présidée[173] par leur imparticipable et leur espèce primordiale, quoique l'imparticipable soit une cause encore supérieure à l'espère. C'est ainsi qu'avant les espèces matérielles sont[174] les espèces immatérielles, et avant la vie qui devient dans un autre, la vie séparable, qui n'appartient qu'à elle-même, la vie sans mélange; c'est ainsi que toutes les choses qui sont devenues les choses d'un autre[175] sont précédées et présidées par les choses qui ont leur hypostase par elles-mêmes;[176] donc aussi avant la pluralité des âmes qui se sont partagé les corps est, selon la substance, l’âme imparticipable qui se retourne vers le lieu hypercéleste,[177] et avant la pluralité des raisons, la raison une imparticipable, séparable, fondée dès l'éternité en elle-même, maintenant d’en haut, dans son tout, toutes les substances intellectuelles; et au-dessus de la pluralité des êtres plane l'intelligible absolument premier, sans mélange, qui subsiste par lui-même et seul de son espèce; car autre est l'intelligible dans chaque raison, el autre l'intelligible qui est fondé en lui-même et au-dessus de celui là. Celui-ci est uniquement intelligible, l'autre est intelligible, mais placé dans les intellectuels; donc aussi au-delà de la pluralité des hénades participées est l’un imparticipable, séparé, comme il a été déjà dit, et élevé au-dessus de tous les diacosmes divins. Ainsi il s'en faut de beaucoup que nous appelions le Dieu Premier la sommité de l'intelligible, comme je vois que le font quelques-uns des plus éminents dans la théologie,[178] et que nous fassions le Père de là-haut identique à l'auteur de Tout. Car celui-ci est une hénade participable : il est donc nommé Père intelligible et la sommité des intelligibles, et s'il embrasse tout l'intelligible,[179] du moins c'est comme Père, tandis que le premier Dieu, dans toute la première hypothèse est dit, non pas Père, mais supérieur à toutes les divinités paternelles. Car celui-là est opposé[180] à la puissance et à la raison des choses dont il est dit le Père, et il constitue avec celles-ci un tout complet, une seule triade.[181] Et c'est là le Dieu véritablement premier, qui est ainsi séparé et élevé au dessus de toute opposition et de toute composition avec toute chose; il est ainsi beaucoup plus que le Père intelligible;[182] car il n'est le Père d'aucune des choses inférieures, ni tout entier participable ; il n'est ni au-dessous de la substance intellectuelle, ni au dessous de la substance intelligible.[183] Son unité l'élève au-dessus des hénades participées : il se ravit lui-même au-dessus de toutes les processions de l'être. Concevons donc, nous, comme le but de la première hypothèse, ceci: à savoir qu'elle remonte de l'un être à l'être véritablement être, examine comment il se sépare et s'élève au-dessus de l'universalité des choses, et comment il ne peut être connuméré avec aucun des diacosmes divins.

Deuxièmement[184] voyons à ce sujet quel mode d'argumentation conviendra à cette recherche, comment nous aborderons le plus correctement l'interprétation des questions posées ici, comment enfin, nous pourrons mettre en jeu notre activité mentale au point de vue logique, dirai-je, et intellectuel et en même temps divin,[185] afin que nous soyons en état de comprendre la puissance de démonstration de Parménide, de suivre ses conceptions qui ont pour objet l'être réellement être, de remonter enfin par un mouvement d'enthousiasme intellectuel, â la conscience ineffable et inconcevable à la raison, de l'un. Car nous, en tant qu'appartenant à l'ordre des âmes, nous possédons des images des causes absolument premières ; nous participons à l'âme universelle, à la largeur intellectuelle[186] et à l’hénade divine. Il nous faut donc réveiller en nous les puissances de ces images, pour saisir les questions ici proposées : comment nous rapprocherons-nous plus près de l'un, si ce n'est en réveillant l'un de l’âme, qui est en nous, pour ainsi dire, l'image de l'un, selon laquelle, nous disent les plus exacts des théologiens,[187] nait surtout l'enthousiasme.[188] Et comment ferons-nous briller de toute sa lumière cet un là même, cette fleur de l'âme, si nous ne mettions pas d'abord en mouvement notre activité selon la raison? car l'activité conforme à ta raison amène l'âme à l'état d'activité sereine ; et comment acquerrions-nous cet état de parfaite activité intellectuelle, si nous ne procédions pas par des concepts logiques, si nous n'employions pas, avant les plus simples, des notions plus composées? Nous avons donc besoin, dans les propositions mineures d'un grand art de démonstration, et dans les recherches de l'être d'une grande force d'activité intellectuelle; (caries ordres de l'être sont niés de l'un) d'un grand élan d'enthousiasme intellectuel[189] dans l'acte de conscience, qui saisit - ce qui est séparé et élevé au-dessus de tous les êtres, afin que nous ne soyons pas, sans nous en apercevoir, rejetés par les négations dans le non être, dans l'incertitude qui l'enveloppe, par l'imagination qui n’a pas de limites précises, mais que réveillant l'un en nous, et réchauffant notre âme, grâce à lui, nous nous rattachions à l'un en soi, que nous nous élancions d'un bond pour ainsi dire au-delà de tout l'intelligible qui est en nous, que nous nous y installions à demeure,[190] que, renonçant à toutes nos autres activités, nous nous confondions avec lui seul, nous formions autour de lui comme une sorte de chœur chantant, abandonnant les pensées de notre âme qui tournent autour des choses inférieures.[191] Ainsi donc le mode de discussion que nous adopterons sera logique, intellectuel, mystique.[192] Car c'est ainsi que l'on comprendra l'hypothèse présentée ici.

Une troisième et autre question devra être examinée : que sont ces hypothèses elles-mêmes? ont-elles plus de force ou moins que les affirmations. Tout le monde croit que l'affirmation est d'un ordre plus élevé que la négation : car la négation est privation et l'affirmation, disent-ils, est une certaine présence réelle, une sorte d'habitude, de possession ; dans les espèces et les choses spécifiées, l'affirmation est supérieure en dignité à la négation ; car il faut que les espèces aient ces deux choses : et l'état habituel qui constitue leur nature et la force d'éviter la privation. En un mot, l'être est plus apparenté aux êtres que le non être, et l'affirmation que la négation : car l'être est le paradigme de l'affirmation, le non être celui de la négation. Et on voit clairement quel rapport il a établi dans le Sophiste entre le non être et l'être, et qu'il a dit que l'être a une puissance supérieure;[193] car s'il a dit là que le non être n'est pas moins que l'être, en ajoutant : s'il est permis de s'exprimer ainsi, il a montré la supériorité de l'être. Donc, dans toutes les choses étant, l'affirmation purement, sans limitation ni addition, a plus de valeur que la négation. Mais puisque le non être est pris en plusieurs sens; dans l'un comme supérieur à l'être,[194] dans l'autre, comme au même rang que l'être,[195] dans l'autre, comme privation de l'être, il est évident que nous aurons à examiner trois espèces de négations : l'une qui est au-dessus de l'affirmation, l'autre au-dessous de l'affirmation, l'autre enfin qui est en quelque sorte l'égale de l'affirmation. Ainsi donc l'affirmation n'est pas, comme si elle était unique en son espèce, toujours supérieure à la négation : il y a des cas où elle est au second rang, c'est lorsque la négation pose ce non être qui est au delà de l'être. Mais puisque ce non être est de deux sortes, l'un qui est embrassé par l'être, l'autre qui n'est connuméré avec aucun des êtres, il est évident qu'au sens propre, ni l'affirmation ni la négation ne s'appliquent à celui-ci, mais que c'est à l'autre que s'applique la négation, comme aussi l'affirmation entant qu'il a quelque chose de commun avec l'être. Mais si aucune proposition n'est vraie, au sens propre, de celui-là, (je parle de celui qui ne se coordonne pas avec l'être) on s'exprimera plus proprement en ce qui le concerne par des négations que par des affirmations : car de même que lorsqu'il s'agit des êtres, les affirmations conviennent, de même les négations conviennent au non être. Pour généraliser, l’affirmation veut mettre la main sur quelque espèce, et lorsque l'âme dit qu'une chose est présente dans une autre et fait une affirmation, elle pose quelqu'une des choses qui sont de la même nature qu'elle.[196] Or le Premier est au dessus de de l'espèce ; il n'est pas permis d'introduire en lui aucune des choses qui appartient à l'ordre inférieur, et de transporter à lui les choses en nous, qui nous appartiennent en propre. Sans nous en apercevoir, c'est nous mêmes et non pas lui que nous affirmons ainsi. Nous aurons donc tort, quand il s'agit de lui, de nous servir des affirmations : il faut plutôt prendre pour le désigner les propositions qui nient de lui les choses inférieures (à lui);[197] car les affirmations veulent absolument connaître qu'une certaine chose appartient à une autre. Mais le Premier est inconnaissable par les connaissances qui sont du même ordre que les êtres, et il n'est pas possible de concevoir quelque chose comme lui appartenant, mais plutôt quelque chose qui ne lui appartient pas ; car il se dérobe et est au-dessus de toute composition et de toute participation.[198] Et en outre, les affirmations montrent et expriment quelque chose de déterminé ; les négations ont une valeur indéfinie; car le non homme est quelque chose de plus infini que le : homme; il est donc plus conforme à sa nature que la cause insaisie et insaisissable et indéterminée de l'un soit exposée par des négations. Les affirmations découpent en morceaux les êtres; les négations les ramènent à la forme simple, de la forme circonscrite à la forme incirconscrite, de la forme divisée par des limites propres, à l'indétermination. Comment donc ne conviendraient-elles pas à la recherche de l'un? car sa nature incompréhensible, insaisissable et inconnaissable à nos conceptions particulières, s'il est permis de le dire, ne peut être exposée que par là. Donc les négations ont une plus grande valeur que les affirmations ; elles conviennent à ceux qui remontent du particulier à l'universel, de ce qui est coordonné à ce qui est incoordonné, de l'espèce morcelée de la connaissance à l'espèce d'activité mentale incirconscrite, uniée et simple.

En quatrième lieu nous chercherons à concevoir comment et de quelle manière ces négations conviennent à la cause première. Ce n'est pas assurément[199] comme à des choses susceptibles d'admettre l'affirmation, mais qui ne l'ont pas admise : comme si nous disions que Socrate n'est pas blanc; car d'une façon générale, l'un n'est susceptible d'admettre aucune chose,[200] mais il est séparé et élevé au-dessus de tout être et de toute participation ; ce n'est pas non plus comme ce qui ne peut absolument pas admettre l’affirmation, qui n'en a que la privation, qui ne peut se mêler à l'espèce, comme si l'on disait que la ligne est un non blanc, parce qu'elle ne peut pas participer de la blancheur : car le Premier n'est pas purement séparé des choses niées de lui, et on ne peut pas dire que toutes ces choses n'ont aucune communauté avec l'un, puisqu'au contraire elles sont produites de lui : ni non plus que, de même que la blancheur ni n'engendre la ligne ni n'est engendrée par elle, de même les choses qui viennent après l'un ne sont pas engendrées par l'un; car c'est de lui qu'elles ont leur hypostase. Ce n'est pas non plus dans le sens où nous dirions que la négation est entendue selon le mode moyen, à savoir quand elle est appliquée à des choses qui, il est vrai, ne peuvent admettre l’affirmation, mais qui sont causes, pour d'autres choses où elles se trouvent, que l'affirmation y est admise, comme par exemple, le mouvement n'est pas mû, mais le mobile l’est : la négation est donc dite de lui ; car il n'est pas mû, quoique les autres choses soient mues par lui. Et, d'une façon générale, chacun des états passifs est exempt de cet état même;[201] car étant simple, il est ou il n'est pas; mais ce qui subit cet état passif par lui-même,[202] c'est le composé; car l'un ne devient pas dans l'un; il est cause des affirmations dont nous lui attribuons les négations; mais il ne s'introduit pas dans les choses dont il est cause. Et s'il me faut dire sommairement ce que je pense[203] de même que l'un est cause de l'universalité des choses, de même les négations sont causes des affirmations. C'est pourquoi tout ce que la deuxième hypothèse, disons-le d'avance, affirme, tout cela est nié par la première; car toutes les propositions affirmatives procèdent de ces propositions négatives, et l'un est cause de celles-ci en tant que un[204] avant tout. Car de même que l’âme qui est incorporelle produit le corps, que la raison, qui est pour ainsi dire sans âme, χψυ/oc, parce qu'elle n'est pas âme, a donné l'hypostase à l'âme, de même l'un qui est implurifié a donné l'hypostase à toute la pluralité, l'un qui est sans nombre a donné l'hypostase au nombre, et sans figure a donné l'hypostase h la figure. Et il en est de même des autres: il n'est aucune des choses dont il crée l'hypostase; car le causant n'est ni autre ni le même que ses propres produits,[205] et s'il n'est aucune des choses qu'il crée, et s'il les crée toutes, il n'est aucune de toutes. Si donc nous connaissons toutes choses par des affirmations, nous le faisons connaître, lui, par la négation de chacune de toutes. Et ainsi cette espèce de négation est génératrice de la pluralité des affirmations. Ainsi la propriété d être sans figure, appliquée à l'un, n'est pas la même qu'appliquée à la matière, qui est perçue par la privation de la figure, tandis que l'autre engendre et produit tout l’ordre de la figure. Dans la matière donc, les négations ont une moindre valeur que les affirmations parce qu'elles sont des privations, et que les affirmations sont des participations des choses dont elle est privée par elle-même ; dans les êtres, les négations sont du même rang que les affirmations; car le non être participe de la substance non moins que l'être,[206] comme il est dit dans le Sophiste.[207] Dans l'un elles montrent la supériorité de la cause, et par là ont une plus haute valeur que les affirmations. C'est pourquoi, en ce qui concerne les causants des choses qui viennent après l'un, les négations des choses inférieures à eux, qui leur sont attribuées, sont vraies. Ainsi lorsque nous disons que l'âme ne parle pas et ne se tait pas, nous ne disons pas cela d'elle dans le même sens que lorsque nous parlons des pierres, de morceaux de bois, ou de toute autre chose insensible, mais en tant qu'elle est génératrice des deux facultés dans l’animal, et de la voix et du silence, et nous disons de même que la nature n'est ni une chose blanche ni une chose noire, mais une chose incolore et de plus étrangère à la catégorie de l'étendue. La considérons-nous donc comme la matière? Pas du tout; car elle est supérieure en dignité aux choses qui sont niées d'elle; mais nous la con sidérons comme génératrice des couleurs et de toutes les propriétés variées de l'espace. Semblablement donc, nous disons que la monade est sans nombre, non pas parce qu'elle est abaissée a un rang inférieur aux nombres et est indéterminée, mais parce qu'elle engendre les nombres et les définit et détermine. Je parle de la monade absolument première et que nous disons posséder toutes les espèces des nombres. Donc tout ce qu'il nie de l'un, procède de l'un; car il faut qu'il ne soit aucune de toutes les choses afin que toutes soient issues de lui. C'est pour cela, je crois, qu'il nie souvent même les contraires, en disant par exemple qu'il (l'un) n'est ni tout ni partie, ni le même ni durèrent, ni immobile ni mû.[208] Car l'un est exempt de toute opposition ; il plane au-dessus de toute relation ; il est pur de toute dyade, parce qu'il est la cause de toute la pluralité de ces deux ordres de couples,[209] et de la première dyade et de toute relation et de toute opposition. La nature est cause de toutes les oppositions corporelles, l'âme de toutes les causes vitales, la raison de tous les genres psychiques, l'un de toutes les divisions, purement;[210] car on ne peut pas dire qu'il est la cause des unes, et n'est pas la cause des autres. Mais causant de toutes les oppositions, il n'est lui-même opposé à rien : car il faudrait qu'il y eût quelque autre causant de cette opposition, et l'un ne serait plus le causant de toutes. Nous soutenons donc par ces raisons que les négations contenues dans la première hypothèse, sont génératrices des affirmations qui seront examinées dans la deuxième. Car toutes les choses que le Premier engendre dans la première, sont toutes engendrées dans la deuxième et procèdent dans leur ordre propre,[211] et on voit ainsi apparaître le diacosme des Dieux tenant son hypostase de l’hénade séparée et élevée au-dessus d'eux

Voici une cinquième question qu'il faut étudier à la suite de celles-ci : Comment, si Parménide a dit qu'il commencera par l'un qui lui est propre, commence-t-il par les négations de l'un et non par les affirmations, lorsque lui-même dans son poème, affirme tout de lui et n'en nie rien : car il dit qu'il est complet (a toutes ses parties), οὐλομερές, immobile, qu'il est nécessaire,[212] qu'il n'est pas une chose qui se dérobe à la pensée, et que celui-là est dans l’erreur[213] qui prétend qu'il n'est pas.[214] « Car l'une (des voies pour arriver à connaître,) celle qui dit qu'il (l'un) est, est, d'après lui, le chemin de la persuasion; l'autre, qui dit qu'il n'est pas, et qu'il est nécessaire qu'il ne soit pas, celle-là je te dis que c'est le chemin d'une parfaite erreur.[215] »

Et en général, il s'étend avec force sur lui, et écrit qu'il est et exprimable et intelligible.[216] Comment donc l'un de Parménide ayant une telle nature, Parménide ici, disant qu'il va commencer par cet un cette méthode logique qu'il a proposée, procède-t il d'abord par les négations des choses que là (dans son poème) il a affirmées de l'un qui lui est propre? A cette question il faut répondre que l'étranger, dans le Sophiste,[217] s'appuyant sur son premier maître[218] pour montrer que l'un être est au-delà des êtres plusieurs, et rectifiant Parménide, par là, place[219] l'un être avant les plusieurs, recherche si l'un de Parménide est réellement un, et si être un en soi est identique à l'être,[220] ou si l'un, dans sa nature propre, est une chose, et l'être une autre: et dans cette recherche, il a montré que si l'un être est un tout déterminé. comme l'a dit Parménide, il a commencement et fin, il est partagé en ces parties,[221] et qu'ayant toutes ses parties, il a nécessairement, il est vrai, subi l'action de l'un, qu'il participe de l'un dans son tout, mais qu'il n'est pas cependant le véritablement un ; c'est pourquoi c'est à ce principe que le grand Parménide s'est élevé, comme le plus ferme et le plus assuré, parce qu'il est le plus sans besoin. Mais il est nécessaire de dire avec Platon que l'unifié n'est pas l'un même, mais ce qui a subi l'influence de l'un, et il est évident alors qu'il sera placé, dans l'ordre des principes, après l'un.[222]

Car il faut que le principe ne participe d'aucune autre chose, parce que tout participant est nécessairement inférieur au participé, comme ayant besoin de quelque chose autre que lui et dont il désire participer.[223] De sorte que si quelqu'un raisonne en conséquence de la position de l'un, il niera tout ce qu'affirme celui qui pose l'un ayant participé de l'un. Ainsi donc, comme nous l'avons dit souvent, Parménide même ici commence par l'un qui lui est propre, c'est-à-dire ayant participé de l'un,

Mais considérant surtout l'un, en tant qu'il est seulement un, et non comme l'un ayant participé de l'un, et envisageait la participation, il fait remonter la discussion au concept pur de l'un, et par là il a connu nécessairement, négativement tout ce qu'il a attribué affirmativement à ce qui a participé de l'un, mais n'est pas identique à l'un être. Et même aussi il a commencé les négations par le tout, par lequel l'hôte d'Elée a montré que l'un, qui a participé de l'être, est l'un de Parménide, mais non le véritablement un, et il formule ainsi sa première conclusion : à savoir que l'un n'est pas un tout. Et il faudrait que les Platoniciens vissent que Parménide démontre ici par le concept de l'un, la thèse qu'ailleurs le sage disciple de Parménide,[224] ramenant à la vérité[225] l'opinion de celui-ci, a prouvée, et ne vinssent pas accuser la première hypothèse de parler à vide, mais cherchassent à quel sujet réel appliquée cette hypothèse est vraie, et qu'ils l'apprissent de Platon ; mais ce que nous venons de dire suffit sur ce point.

Peut-être quelqu'un nous posera-t il encore cette question: est-ce que nous employons les formes négatives par suite de la faiblesse de la nature humaine, qui ne peut pas saisir la simplicité de l'un par une sorte d'intuition violente et divine,[226] par une connaissance de vive force et prise comme d'assaut,[227] ou bien les facultés supérieures de notre âme connaissent-elles l'un négativement et par analogie? nous répondons que la raison, par les pensées, qui sont en elle, accouplées aux espèces, les connaît, et embrasse les intelligibles, et que c'est là une sorte de connaissance affirmative : car l’être est intimement proche de l’être:[228] elle est ce qu'elle pense, et elle pense ce qu'elle dit : donc ce qu'elle est, la raison le dit en quelque manière par sa propre pensée ; elle est rattachée et réunie à l'un par l'hénade qui est au-dessus de la raison, et par cette union connaît l'un qui est, par le non étant:[229] donc elle connaît négativement l'un ; car elle a deux sortes de connaissances, l’une en tant que raison, l'autre en tant que non raison, l’une, comme se connaissant elle même, l'autre, comme par une ivresse,[230] selon le mot de quelqu'un, et comme ravie par le nectar d'un transport divin ; l’une, connaissant qu'il est, l'autre qu'il n'est pas. Ainsi donc cette raison si glorifiée a une de ses connaissances négative, et l'autre affirmative. Or si la raison et les âmes divines par leurs propres sommités et leurs unifications,[231] s'élancent d'une pensée mue par un transport divin vers l'un, et si elles sont des âmes divines surtout à cause de cet acte, mais par leurs facultés intellectuelles sont aussi séparées et élevées au dessus de la raison[232] et l'entourent, comme en dansant en chœur autour d'elle; et si par leurs facultés noétiques elles se connaissent elles mêmes et déploient et développent leur propre substance qui est sans mélange et leurs propres notions ; et si par leurs facultés conjecturales, elles anticipent et rectifient comme il convient toutes les perceptions sensibles.[233] Ces connaissances et toutes leurs autres connaissances sont affirmatives.[234] Car elles connaissent que les êtres sont, et c'est là le propre de l'affirmation ; mais le caractère négatif de la connaissance est aussi en elles, par l'acte mental mystique qui les porte vers l'un ; car elles ne connaissent pas que l'un est, mais qu'il n'est pas, en tant qu'il est supérieur à: il est ; or la pensée que il n'est pas est une négation. Donc puisque les Ames divines et la raison si vénérée connaissent l'un par négation, qu'est-il besoin d'accuser d'impuissance notre âme, qui a la force et le désir de faire voir négativement la nature incompréhensible de l'un; car rien du Premier, dit-il, rien n'est pareil à ce que nous connaissons habituellement, comme il l'a dit lui-même dans les Lettres.[235] Ce qui est la cause, pour l'âme, de tous ses maux, c'est de chercher le caractère propre du Premier, de confier au raisonnement la fonction de le connaître, tandis qu'il faut[236] éveiller l'un qui est en nous, afin d'être capables, conformément au rang que nous occupons, de connaître d'une certaine manière le semblable, s'il est permis de le dire, par le semblable. Car de même que nous connaissons les choses opinables par l'opinion, les choses dianoétiques par l'entendement discursif, et les choses intelligibles par la faculté intellectuelle qui est en nous, de même nous connaissons l'un par l'un qui est en nous. Cet un est identique à non être l'un, et celui ci est identique à la négation de l'un;[237] car le non être est négation, mais non l'absolument non être; car ce non être ci, outre le non étant, est aussi Rien : c'est pourquoi il est tombé hors de toute hypostase et est privé de l'un même. Ainsi, outre toutes les autres choses (qu'il n'est pas), il n'est pas même un, et ce qui ne participe pas à l'un étant absolument non participant,[238] est dépourvu de toute hypostase ; car tout contenu réel fait défaut au dernier[239] (le non être absolu) : car avant lui est l'être, et avant l'être le vivre, et avant le vivre, le penser : c'est pour cela que quelque chose qui ne pense pas peut vivre et être, et quelque chose qui n'est pas vivant, peut être et que le non être un a une sorte d'hypostase; tandis que ce qui n'est pas même un, outre toutes les choses (qu'il n'est pas), est nécessairement tombé hors de tout ; c'est là l'absolument non être. Maintenant l'un qui est avant l'être est, il est vrai, non être, mais cependant pas aussi rien : car étant un, il est impossible de le dire : rien. Appelons-le donc non être, et concevons· le par le semblable qui est en nous (car il y a en nous une sorte de semence de ce non être,) et appelons-le seulement un[240] parce qu'il est tellement séparé et élevé au-dessus des êtres, dans la crainte que, sans nous en apercevoir, nous ne soyons entraînés dans la région de l'indétermination, et que nous ne projetions[241] le non être par un acte de l'imagination et non par un acte d'une raison mue par un transport divin.[242] Car cela non seulement nous éloignerait de la connaissance de l'un, mais même de celle de l'être. Ainsi donc, que les négations ont un rapport d'affinité avec l'un, de quelle manière toutes choses sont niées de lui, que toute connaissance de l'un a lieu par négation, cela, parce que nous avons dit, est clair.

Nous avons encore une septième question à examiner : à savoir, si tous les êtres sont niés de l'un, et, s'ils ne le sont pas tous, quelle est la répartition, et pourquoi le dialogue va jusqu'à ceux-ci, et par suite de quelle considération il s'y arrête.

D'abord il nous faut assurément exposer toutes les choses qui, dans la première hypothèse, sont niées de l'un ; elles sont ainsi rangées dans l'ordre de succession : il est dit qu'il est non plusieurs, qu'il n'est ni tout ni parties, qu'il n'a ni commencement, ni milieu, ni fin, qu'il n'a aucune limite, qu'il n'a pas de figure, qu'il n'est pas dans un autre,[243] ni dans lui-même, qu'il n'est pas en repos et qu'il ne se meut pas, qu'il n'est ni le même ni autre, qu'il n'est ni semblable ni dissemblable, qu'il n'est ni égal ni plus grand ni plus petit, qu'il n'est ni plus vieux ni plus jeune, qu'il ne participe absolument pas de la génération parce qu'il ne participe pas du temps, qu'il n'est ni nommable ni exprimable, qu'il n'est ni l'objet de l'opinion ni l'objet de la science. Voilà donc, pour les énumérer chacune sommairement, toutes les choses qui sont niées. Mais pour quelle raison celles-là seulement ont été admises, nous avons à le rechercher. Et si toutes les choses qui sont n'importe comment, ne sont pas[244] niées de lui, comment ne le sont-elles pas toutes, et pour quelle raison, c'est une chose qui vaut sans doute la peine que nous la connaissions; car elle a déjà a ceux qui nous ont précédé, occasionné de grands et nombreux embarras. Je laisse de côté[245] complètement ceux qui disent que les deux espèces du quantum, le discret et le continu, sont niées de l'un ; car il n'y a pas que deux espèces du quantum selon les Pythagoriciens et selon Platon, qui nous crie lui-même partout qu'il y a trois sciences qui ont pour objet le quantum : l'arithmétique, la science qui mesure, la statique, (l'art de peser). De plus, toutes les espèces qui sont admises (dans les négations) ne sont pas toutes de la nature du quantum, par exemple la figure, le être mû, le être en repos ; — et tous ceux qui croient que dans ces négations se déroulent les dix catégories ; car ces négations ne sont pas les seules choses qui soient subsumées sous les dix catégories ; on pourrait en nommer beaucoup d'autres dont Parménide ne fait aucune mention ; — et ceux qui nous rebattent les oreilles des cinq genres de l'être:[246] ceux-là en effet, il les a niés de l'un, à savoir, la substance, le même, l'autre, le mouvement et le repos : mais il ne nie pas seulement ces choses-là, mais encore la figure,[247] le tout, le temps, le nombre, le semblable et le dissemblable qui ne sont pas des genres de l’être. Tous ceux qui veulent montrer toutes ces négations dans la monade sont encore de tous les plus dignes d'être crus; car la monade est sous un mode caché, plusieurs, tout et parties ; elle embrasse les figures, est en elle-même et dans un autre, en tant qu'elle est présente à toutes les choses qui procèdent d'elle ; elle est en repos et en mouvement, elle demeure et à la fois elle procède; en se multipliant elle ne sort jamais d'elle-même. Évidemment on peut affirmer encore d'elle le semblable et également les autres propriétés ; mais puisqu'il est facile de montrer ces propriétés dans la monade, il faut les faire précéder de celle ci : que la monade est imitation de la raison, de sorte que toutes les autres sont, beaucoup antérieurement, anticipées dans la raison, et elles sont niées de l'un parce qu'il est au-dessus de la raison et de toute la substance intellectuelle; et c'est aussi parce qu'il a vu cela, que Parménide dans son poème sur l'être véritablement être, pose en outre en lui la sphéricité, le tout, le même et l'autre : car il le nomme à la fois « semblable à une masse sphérique, partout absolument égale distance de son centre, ayant toutes ses parties et immobile,[248] » de sorte que toutes ces propriétés sont primairement dans la raison, secondairement et comme image dans la monade et dans tout le sensible, physiquement dans celui-ci, imitativement[249] dans celle-là. Car la sphère intelligible, c'est la raison ; la sphère dianoétique, c'est la monade; la sphère sensible, c'est ce monde, qui porte en lui-même les images des dieux éternels. Ceux donc qui introduisent ici la monade auraient parfaitement raison, s'ils passaient de la monade[250] à la raison, et s'ils niaient ces propriétés de l'un[251] parce qu'il est au-dessus de la raison. Car l'Un ne sera pas bien grand ni bien vénérable, s'il dépasse seulement la monade, puisque la raison même est au-dessus d'elle, mais s il est supérieur à la raison et aux pléromes de la raison. Mais eux, ne nous disent pas pour quelle raison ces propriétés là sont seules admises, et pourquoi pas un plus grand ou un plus petit nombre que celles qui sont énumérées; car elles n'appartiennent pas seules à la monade et on pourrait en trouver aussi beaucoup d'autres ; car elle est impaire et paire et contient chacune des espèces qui sont au dessous de celles là. Pourquoi donc parmi toutes, celles-là seulement, c'est ce qu'on ne dit pas clairement. Seul d'entre tous ceux que nous connaissons, le Chef de notre École,[252] qui appartient au chœur de Platon dans la connaissance des choses divines, a vu que tout ce qu'il affirme successivement par la deuxième hypothèse, il le nie de l'un, comme il a été dit plusieurs fois ; et que chacune de ces propriétés est là le symbole de quelque ordre de Dieux : les plusieurs, le tout, la figure, le dans soi-même et dans un autre et chacune de celles qui viennent ensuite ; car toutes ne se manifestent pas d'une manière semblable dans tous les ordres de l'être ; mais ici apparaît la pluralité, ailleurs quelque autre propriété particulière des dieux.[253] Car, comme nous l'avons appris dans le Sophiste,[254] l'un être est absolument premier, au deuxième rang vient le tout (la totalité qualitative) : au troisième, le tout,[255] la totalité quantitative, et de même que dans le Phèdre,[256] après les dieux intelligibles apparaît au premier rang la substance incolore, non figurée et intangible; au deuxième la couleur, au troisième la figure, il en est de même aussi[257] pour les autres propriétés, et dans les différents ordres de l'être se manifestent différentes espèces de choses réelles. Si donc toutes ces propriétés nous montrent la largeur[258] de l'un être dans une succession sériée et sans qu'il en manque aucune, et s'il veut que l'un soit au-delà et au dessus de tous les êtres, il est rationnel qu'il nie ces propriétés seules, de l'un. Comment chacune d'elles est divisée par les ordres divins, nous le saurons avec plus de précision, quand il sera question de la deuxième hypothèse. Ainsi quelles sont les propriétés niées de l'un, qu'elles sont nécessairement seulement dans ce nombre, (car c'est le même nombre que celui des ordres distingués et énumérés des êtres[259]), cela résulte clairement de ce que nous avons dit. Maintenant il est clair aussi que toutes sont prises de la propriété particulière de l'être, et non de la vie et de la connaissance.[260] Car vouloir et désirer et toutes les fonctions de cette nature, sont propres aux vivants ; penser, raisonner, sentir, sont propres aux êtres capables de connaissance; mais là ces propriétés[261] sont communes à tout ce qui est, de quelque manière qu'il soit. Donc toutes les propriétés dont il a été question appartiennent à tous les êtres animés (et inanimés,)[262] parce qu'elles sont la conséquence nécessaire de leur être[263] et comme il est logique ; (car l'hypothèse est : Si l'un est, qu'est-ce qui s'ensuit). Toutes ces propriétés il les nie toutes de l'un, afin de nier à la fin cela même : l'un est puisqu'il dit « si donc l'un est » cet un n'est pas, en ce sens qu'il est supérieur à le : il est; car il n'admet aucune des choses qui sont la conséquence nécessaire du : il est, et il est rationnel que celles-là seulement qui appartiennent aux êtres, en tant qu'être, soient en toutes celles qu'affirme et pose la deuxième hypothèse, et que nie la première. Nous ne pourrions en effet, sauf celles-là, en trouver qui soient communes à tous les êtres ; celles qui sont plus haut qu'elles, étant plus universelles, les autres, qui sont plus bas, étant plus particulières, C'est pourquoi en éliminant celles qui sont plus haut, il élimine celles qui les suivent selon l'hypothèse. Il a donc admirablement[264] découvert quelles sont les choses qui sont les conséquences de l'être en tant qu'être et celles-là, il les affirme dans la deuxième hypothèse et les nie dans la première, voulant montrer que l'un est au-delà des êtres en montrant qu'il est au-delà des propriétés communes à tous les êtres, et ce sont toutes celles qui sont niées de l'un selon la première hypothèse ; de sorte que si l'un ne les admet pas, il n'admet pas non plus le est.[265] Si quelque un s'imagine que cette hypothèse aboutit à des conclusions impossibles, qu'il se rappelle ce qui est écrit dans le Sophiste, dans le passage[266] où mettant à l'épreuve la thèse de Parménide sur l'être, et démontrant qu’il ne peut pas être un[267] et surtout d'après lui-même qui dit que l'être est un tout, il ajoute très clairement : « Car il faut que le véritablement un soit sans parties.[268] » Et l'objection critique faite ici à Parménide n'est pas sans fondement. Car celui-ci a dit à peu près[269] qu'il[270] est véritablement un, de sorte qu'il est aussi indivisible, de sorte qu'il n'a pas de parties, de sorte que tout ce qui est démontré à la suite de cet un est la conclusion de la première hypothèse; de sorte que toute la première hypothèse est vraie et s'accorde parfaitement à l'un véritablement un et à lui seul, et que celui-ci est la cause de tous les êtres. Ainsi les négations ne nous jettent pas dans le non être absolu, mais au contraire, nous amènent à l'un en soi, au véritablement un. Car il serait absurde que l'être véritablement être fût, (et pourquoi dire : l'être? car on peut dire aussi le véritablement égal, ou le véritablement beau, et chacune des espèces) et que le véritablement un, entre tous, ne fût pas, ou ne fût qu'un nom, et que par ce nom tous les êtres fussent conservés et fussent.[271] Mais s'il est, il est évident qu'il n'est pas plusieurs ; car il ne serait pas véritablement un, s'il était rempli du pas un ; car les plusieurs sont non un. Et s'il n'est pas plusieurs, ceci admis, toute la première hypothèse encore une fois en résulte, et il ne faut pas l'accuser de poser des impossibles. Ce point est donc ainsi démontré.

Maintenant la huitième question que nous devons examiner concerne l’ordre des négations, à savoir : si elles commencent par en haut et par les premières, comment se fait-il qu'il supprime d'abord les plusieurs, et en dernier lieu l'un lui-même; (car il nous semble aussi à nous que l'un est d'une plus haute dignité que la pluralité, et que l'être est, parmi les êtres, celui qui a la dignité la plus haute) mais s'il commence par les dernières, comment admet-il après les genres de l'être, et l'égal et le semblable, l'inégal, et le plus grand et le moindre? car ce sont des catégories plus pauvres[272] que les genres de l'être. Il vaut donc mieux dire qu’il commence par les plus élevées et procède jusques aux dernières négations.[273] C'est ainsi que aussi dans le Phèdre,[274] niant du plus haut des ordres intellectuels tous les ordres qui le suivent et procèdent de lui, il opère l'élimination par en haut, en disant d'abord qu'il est incolore, ensuite qu'il est sans figurent en troisième lieu, non apparent, car c'est l'ordre qui règne sur les trois triades intellectuelles : la triade qui contient les choses dans leur essence et leur tout, qu'il range selon la couleur; la seconde, la triade télésiurgique, qu'il admet selon la figure ; la triade intellectuelle qu'il nous désigne symboliquement par le toucher, comme nous l'avons interprété dans notre commentaire sur la palinodie.[275] Et ces triades[276] occupent le même rang que les négations. Ainsi donc aussi ici les négations commencent par en haut, et procèdent et se déroulent en même temps que l'ordre des diacosmes divins.qui ont tous pour principe générateur, l'un. Et que ce soit à la fin qu'ilote à l'un l'un en soi et l'être, il ne faut pas nous en étonner, et si nous suivons exactement tout l’ordre de la discussion, nous le comprendrons très clairement Car je pense qu'il est par soi-même évident que dans les conclusions affirmatives il faut commencer par les conséquences de l'hypothèse les plus proches par leur origine de cette hypothèse, et démontrer par elles les conséquences affirmatives qui le sont le moins, tandis que dans les négations, il faut commencer par celles qui sont le plus étrangères et par elles ce qui ne résulte pas de l'hypothèse. Car il faut, avons nous dit, que ceux qui emploient cette méthode commencent par les choses les plus connues. C'est donc pour cela qu'il nie d'abord de l'un les plusieurs, qui se manifestent les premiers, et desquels résulte, dans un ordre sérié de succession, tout ce qui est nié entre les plusieurs et l'un. Le dernier nié est l'un même, qui est, lui[277] le plus proche par son origine (logique) de la thèse; il est participé par la substance, et par là, il est un certain un, mais non l'un purement. Il fallait donc que le commencement de toute cette hypothèse, puisque les conclusions en sont négatives, fût le : non plusieurs, et que la fin en fût : le non un.[278]

Après avoir établi ces déterminations, nous aurons à examiner, en neuvième lieu,[279] quel est le premier nié : or c'est lui-même qui dit : que l'un est[280] non plusieurs. Donc ce sont lès plusieurs qui sont la première chose qu'il nie de l'un Mais où[281] sont donc ces plusieurs, et qu'est-ce que cette pluralité que n'est pas l'un? Il y a, en fait, des critiques qui disent qu'il supprime de l'un les plusieurs qui sont partout, parce que l'un est au-dessus de toute pluralité, soit intelligible soit sensible : mais nous les engagerons à se rappeler que dans la deuxième hypothèse les plusieurs sont affirmés. Quelle pluralité sensible verrons nous donc en elle? car tous ces plusieurs sont dits des êtres réellement êtres, parce que là l'un et l’être sont égalés D'autres, plus sérieux que ceux-là, croient qu'il nie de l'un la pluralité intellectuelle; car assurément le Premier est l'un implurifié, ensuite vient la raison qui est un plusieurs; puis l'âme, qui est un ei plusieurs, parce que, par suite de la division, elle a besoin de conjonctions; puis le corps qui est plusieurs et un, parce que, en tant que divisible, il est caractérisé par la pluralité; enfin la matière qui est seulement plusieurs. C'est donc ce plusieurs, qui est la pluralité intellectuelle, qu'il supprime de la cause première afin qu'elle soit seulement un et au dessus de la raison. Nous leur demanderons donc : Eh! qu'entendez vous donc,[282] vous autres, par la raison? Car s'ils entendent la raison, au sens vrai et propre, qui est deuxième après l'intelligible, non seulement l'un est au-delà la pluralité intelligible, mais l’intelligible l’est également, comme étant d'une essence supérieure à la raison.[283] Et s'ils appellent raison tout l’intelligible, ils méconnaissent la différence qui distingue les Dieux de la génération des êtres qui procèdent selon une loi déterminée par la mesure. Il y en a encore qui sont inspirés par un mouvement plus divin de l'âme, qui, méprisant[284] la pluralité sensible, et ne s'arrêtant même pas à la pluralité intellectuelle, soutiennent qu'avant les intellectuelles sont les monades intelligibles, d'où est sortie, pour se manifester, toute la pluralité intellectuelle selon les nombreux ordres qui la divisent. C'est donc cette pluralité qu'il retranche de l'un, pluralité qui est intelligible, parce qu'elle vient sans discontinuité après l’un, et non la pluralité intellectuelle, et il ne faut pas être étonné si l'un est séparé et élevé au-dessus de la pluralité intellectuelle, au-dessus de laquelle planent aussi les monades intelligibles. C'est donc là une[285] explication divine et qui nous fait remonter à certaines causes plus simples. Il faut encore observer que dans les intellectuels il y a beaucoup d'ordres, et, comme on le dit chez les Théologiens, il y a en eux trois triades que nous démontrerons clairement avoir été transportées de là dans la deuxième hypothèse.[286] Il y a aussi dans les intelligibles et intellectuels autant de triades analogues à celles-là. S'il on est ainsi, il est clair qu'il faut poser ces plusieurs, ou bien[287] selon la première pluralité, c'est à-dire la pluralité intelligible : car ces plusieurs, en tant que plusieurs, subsistent uniquement par l'un, et c'est d'eux que procède par en haut le triadique, jusques aux derniers degrés, dans les intellectuels, dans les hypercosmiques, dans les sensibles, et dans tout ce qui, participant n'importe comment de l'être, participe de cette triade ; car quelque un des Dieux a dit :

« La Raison du Père[288] a dit que tout soit divisé en trois : et quand, par un signe d'approbation, il a eu témoigné sa volonté, aussitôt tout a été partagé (en trois)[289] ».

C'est donc cette pluralité intelligible qui la première s'est manifestée en sortant de l'un, qu'il a dû nier tout d'abord de l'un, et c'est parce qu'ils sont remontés jusqu'à cet ordre que quelques commentateurs en ont identifié la sommité avec l'un. — Ou bien[290] ces plusieurs, qu'on vient tout à l'heure par les raisons précédentes, de nier de l'un, il faut les placer selon la pluralité intelligible ou selon la pluralité absolument première, dans les intellectuels qui sont aussi à la fois intelligibles;[291] car la pluralité des hénades n'est pas dans les Dieux intelligibles, mais dans ceux qui viennent immédiatement après eux : il n'y a en effet, qu'une seule hénade pour chaque triade intelligible. La pluralité des hénades se voit donc d'abord dans le premier ordre des intelligibles et intellectuels, comme cela deviendra clair par les choses qui seront démontrées dans la deuxième hypothèse.[292] Maintenant donc il faut comprendre que Platon supprime et retranche l'un de toute la pluralité des hénades, parce que c'est lui qui les engendre et leur donne l'hypostase, et il fait cela, en admettant a priori selon les notions communes, que l'un est non plusieurs. Voilà pourquoi c'est par cet ordre qu'il commence les négations, parce que c'est l’ordre dans lequel a apparu la première pluralité des hénades, issue de la première hénade. Où est cette première pluralité des hénades, c'est, comme nous l'avons dit, la deuxième hypothèse qui nous l'enseignera clairement ; la discussion montrera qu'elle est dans les premiers des Dieux intelligibles et intellectuels, mais non des Dieux qui sont nommés seulement intelligibles, et s'il y a,[293] même parmi ceux-ci, une pluralité, c'est dans un autre sens, qui ne fait pas que l'un est aussi plusieurs, et au contraire que les plusieurs sont un. Car à la proposition : la un est non plusieurs, est évidemment contraire la proposition : le un est plusieurs ; et à la proposition : le un être plusieurs, est contraire la proposition : le un être non plusieurs ; de sorte que s'il dit : le un être non plusieurs, nous devrons poser que ces plusieurs sont de l'ordre des plusieurs intelligibles, et lorsqu'il dit : l'un non ces plusieurs, nous les placerons là où il est prouvé qu'est d'abord l'un plusieurs, mais non l'un être. Or il sera prouvé qu'il est après les ordres intelligibles, comme nous le disons, et dans ce qu'on appelle les diacosmes intelligibles et intellectuels des Dieux, lors de la discussion qui montrera qu'à part est l'un plurifié, à part l'être, et qui retranchera de l'un en dernier lieu la pluralité intelligible même, reliant ainsi la fin au commencement, et démontrant là que[294] l'un n'est pas l'un être, comme nous l'apprendrons par cette démonstration. En voilà assez sur ce point.

Il nous reste à étudier le texte même, afin de le mettre d'accord avec la théorie du fond des choses. Cette proposition, donc, que le un est le non plusieurs, il n'a pas cru qu'elle avait besoin d'une démonstration ni même d'une explication destinée à la faire admettre; mais il l'admet d'après une notion commune et indubitable.[295] Car il faut, dans l'examen des questions sur le Premier, et dans celles-là surtout, réveiller les notions communes, puisque toutes choses spontanément et sans intention expresse se règlent sur lui, et réveiller tous les principes qui sont en acte selon la raison et tous ceux dont l'acte est seulement selon la nature. En un mot il faut que le principe de toute démonstration soit l'indémontrable, et que les notions communes président aux démonstrations et les précèdent, comme le disent les géomètres.[296] Or il n'y a rien qui nous soit plus connu et plus clairement que la proposition : l'un n'est pas plusieurs ; c'est pourquoi il l'admet, parce qu'il n'a pas besoin pour l'admettre d'aucun appareil démonstratif ni d'un plus grand développement. Il tire donc de la notion commune, que l'un est non plusieurs. Mais s'il faut donner de cet axiome une explication qui la fasse accepter,[297] nous dirons qu'en toutes choses, chaque un qui est primairement tel est séparé et élevé au-dessus des choses qui sont pour ainsi dire ses contraires, et qu'il est purement ce qu'il est, de même que le primairement beau n'est d'aucune manière non beau, et que l'être qui est de cette façon[298] n'est pas aussi non être, de sorte que le primairement un n'est pas aussi plusieurs; car s'il y a aussi en lui pluralité, il serait unifié, mais non un purement. Or avant l'unifié est l'un, de même qu'avant le spécifié, il y a assurément quelque chose de spécifiant. Il y aurait donc quelque chose qui serait au-delà du premier étant : ce qui est impossible ; et si celui-là, à son tour, a avant lui une pluralité, nous aurons à en rechercher un autre, et alors ou bien nous marcherons à l'infini, ou après avoir trouvé ce qui est seulement un, nous dirons que celui là est nécessairement seul causant, tandis que la pluralité unifiée est sans doute apparentée au principe, mais n'est pas principe même. Donc l’un n'est pas plusieurs, mais causant des plusieurs; car il est non plusieurs dans ce sens que non plusieurs est principe générateur des plusieurs ; or ce que nous disons ici s'applique à la négation entendue selon la notion commune.

Maintenant nous avons encore à examiner quelle est la nature, ποἴον, de cet un qu'admet Parménide lorsqu'il dit : si un est.[299] Car si c'est l'un qui lui est propre, la proposition : l'un ne saurait être plusieurs, est fausse ; car l’un être[300] est plusieurs; et si c'est le primairement un, l'un imparticipable, la conséquence est vraie, mais ce n'est pas là l'un de Parménide, car celui-ci est l'un être, comme nous l'avons dit plus haut. Et maintenant il faut remarquer qu'après avoir promis de poser pour hypothèse son un propre, et après avoir posé celui ci, par la proposition : s'il est; (car le est est propre à cet un,) il va maintenant, usant de la notion commune de l'un, remonter de celui ci à l'un en soi,[301] qui n'est ni plusieurs ni aucune des autres choses. En effet,[302] après avoir admis l’un être, tantôt appuyant sa pensée sur le un et usant du est selon seulement une représentation[303] toute passive, afin de pouvoir faire une proposition,[304] il trouve la cause qui est avant[305] l'un être même ; tantôt s'appuyant également sur les deux idées (un et est), il déroule d'en haut toute la pluralité des substances divines jusqu'à la dernière ; tantôt insistant davantage sur le est, comme le terme conditionnant et dominant, et n'employant le un que pour ne pas le réduire au non étant en le privant de l'un, il expose l’hypostase qui résulte de cette condition, pour la substance divine.[306] Il est possible que l'un ne participe pas de l'être, mais que l'être ne participe pas de l'un, cela est impossible, car le non être est possible,[307] et en effet l'un est un tel (non être);[308] mais le pas même un, absolument dépourvu de l'un, il est impossible qu'il soit, de quelque manière que ce soit. La voie (logique) qui part donc de l'un être se dirige ou vers le principe supérieur (à l'un être), c'est-à-dire vers lui, (c'est à dire vers l'un), ou vers ce qui est au-dessous. Par la méthode qui remonte,[309] on voit apparaître le véritablement un, élevé au dessus et délivré de toutes les formes de l'être : c'est pourquoi il en supprime à la fin le : il est un, parce que même cette affirmation ne convient pas à l'un. Voilà tout ce qu'il y a à répondre à cette question.

Maintenant l'entrée en matière de la première hypothèse montre l'ardeur empressée de celui qui parle, en se portant avec toute son énergie vers le sujet proposé, et qui y ramène l'auditeur ; car ce mot : soit !, (εἶεν), est plein d'énergie, et de nature à rehausser les forces de l'âme, en ne nous laissant pas pour ainsi dire nous endormir devant la question qui va être traitée, ni même l'approcher avec un esprit de mollesse et d'indifférence; car c'est bien là ce que signifie l'Oracle émis au sujet des Dieux :

« La lâche indifférence des mortels qui n'ont d'inclination que pour les choses d'ici-bas, c'est déserter Dieu.[310] »

Car il faut, si nous devons comprendre ces conceptions négatives de l'un, nous arracher nous mêmes à nos propres habitudes, supprimer la diversité et la multiplicité de notre vie, nous dépouiller des pensées des plusieurs, faire que l'âme s'appartienne à elle-même et à elle seule, et dans cet état la déployer tout entière en la dirigeant vers le divin, et la disposer à recevoir la faculté de l'enthousiasme, afin que nous mêmes, ayant cherché d'abord (l'un)[311] par la négation de la pluralité qui est en nous, nous remontions, par cet état, au concept implurifié de l'un. Mais c'est là une chose évidente. — On pourrait encore faire cette question : pourquoi n'a-t-il pas, de même qu'il l’a fait dans les autres, c'est à dire qu'il a retranché de l'un véritablement un, les contraires, par exemple, qu'il a démontré qu'il n'est pas le même et qu'il n'est pas l'autre, qu'il n'est pas en repos et qu'il n'est pas en mouvement,[312] pourquoi de la même manière n'a-t-il pas démontré qu'il n'est pas plusieurs et qu'il n'est pas un, mais s'est borné à poser comme mineure qu'il n'est pas plusieurs, et n'a pas, avec ce caractère, démontré qu'il n'est pas un, afin de le montrer partout pur des contraires, ne pouvant pas être les deux (contraires), (car l'un n'est pas l'un et l'autre ensemble) ni contradictoire à l'un ou à l'autre : car il aurait fallu[313] alors un un préexistant pour faire celui-ci même un? A cette question nous répondons, en nous plaçant au point de vue logique, qu'il fallait maintenir l'hypothèse d'où part et procède la discussion : or l'hypothèse est : s'il est un. La conséquence logique est de conclure le: il n'est pas plusieurs; (car le concept de l'un écarte et nie la pluralité ;) ce qui ne s'ensuit pas, c'est le : il n'est pas un, même si l'un contraire à la pluralité est autre (que celui dont il est question). Et s'il en est ainsi, il sera possible de supprimer l'un du véritablement un; et c'est ce qu'il fera à la fin,[314] (car il niera l'un qui est accompagné du : est ;) et il est aussi possible de l'y admettre,[315] de même qu'il n'était pas possible que le n'être pas plusieurs ne fût pas le un dans ce sens,[316] parce qu'il fallait que la discussion partit nécessairement de prémisses accordées par tout le monde et indiscutables, et non de propositions ayant besoin d'une preuve. C'est là le précepte de tous ceux qui admettent cette méthode de gymnastique logique. Voilà donc ce qu'il faut répondre, comme je le disais tout à l'heure, en se plaçant au point de vue formel.[317]

Mais à ceux qui regardent les choses mêmes, le contenu, il faut dire que nécessairement cet un, dont les plusieurs sont le contraire,[318] coexiste avec la pluralité, de même que le même coexiste avec l'autre, et qu'il n'y a pas d'un impluriiié, ni non plus de pluralité sans unité.[319] Car l'un est un dans la pluralité, parce que la pluralité a subi l'action de l'un. Donc Parménide en même temps qu'il nie de l'un[320] les plusieurs, a aussi fait disparaître cet un,[321] comme nié avec et en même temps qu'eux.[322] Car si cet un là était le véritablement un, il ne serait pas uniquement non plusieurs, en tant que coexistant avec les plusieurs; il ne serait pas en soi non plusieurs, et plusieurs par accident; il ne serait jamais le purement non plusieurs ; mais seulement le non plusieurs dans certaines circonstances, quoique partout notre raison réclame le purement avant le relativement, et refuse de prendre pour principes des choses qui sont, ce qu'elles sont seulement relativement. C'est pour cela que l'hypothèse a mis les espèces avant les choses sensibles, parce qu'elle cherche les intelligibles purement intelligibles avant les êtres qui ne sont que relativement êtres et seulement homonymes aux intelligibles. Parménide ayant donc posé que l'un est non plusieurs, et entendant ce non plusieurs dans le sens de purement non plusieurs, n'avait pas conséquemment besoin de supprimer l'un qui est relativement non plusieurs et non purement plusieurs.

Partant de ces données et passant aux choses mêmes, nous disons que c'est cet un qu'il a dit dans le Sophiste,[323] en tant que véritablement un, être sans parties et différent de celui qui a subi l'action de l’être[324] et qu'il a nommé dans les Lettres,[325] le Premier de tout, celui auquel il ne faut pas appliquer le : de quelle espèce donc; car tout le quale n'est pas purement : par exemple, on dit : quelle espèce de beau, ποἵον καλόν, ou quelle espèce d'égal. En effet le quale étant une différence fait un certain beau, τὶ καλόν, et un certain égal, de sorte qu'il ne faut pas attribuer le quale à l'un en soi et purement un, afin qu'il ne devienne pas tel ou tel un au lieu de l'un en soi. Si donc l'un en soi et le Premier c'est la même chose, et si le Premier est Dieu, il est évident que l'un en soi et Dieu c'est la même chose, et que ce n'est pas un certain Dieu, mais Dieu en soi, et ceux qui disent que le Premier est Démiurge ou Père,[326] ont tort;[327] car le Démiurge et le Père sont un certain Dieu particulier; cela est évident; car ce n'est pas tout Dieu[328] qui est démiurge ou père, et le Premier est purement Dieu ; c'est par lui que tous les Dieux sont dieux, et tous ceux qui sont démiurges par le premier démiurge et pères par le premier père, sont des dieux déterminés, τινές. Disons donc que l'un est Dieu purement, parce qu'il est pour tous les dieux la cause qu'ils sont dieux, non pas certains dieux, tels que Dieux démiurgiques, paternels, ou ayant quelque autre forme particulière de la divinité, forme qui est le divin d'une certaine espèce, mais non le purement divin. C'est pour cela que dans les Lettres, Platon n'a pas voulu que l’on fit à l'égard du Premier la question:[329] de quelle espèce donc? afin que nous ne fassions pas du Premier quelque chose de particulier, au lieu du purement Premier. Car la question quelle espèce d'animal, s'applique dans son vrai sens iuin certain animal, et non à l'animal purement: car le purement tout[330] (animal) est sans détermination d'espèce, ἄποιον, parce qu'il est antérieur à la différence qui fait l'animal qui a un quoi, τί, et non le purement. Car qu'est-ce que, l'animal, τί ? c'est l'animal déterminé par une qualité. Nous obtenons donc par là la conclusion que le Premier et l'un c'est la même chose. Ajoutons encore que c'est ce qui dans la République,[331] est appelé le Bien, et dit là au-delà de l'être, au-delà de la substance et être hypersubstantiel. Car l'un et le Bien, c'est la même chose, si, comme il est dit dans le Phédon,[332] le Bien est ce qui contient toutes les choses dans leur essence : or ce qui contient toutes les choses dans leur essence, c'est la même chose que l'un. Ou alors il est ou au delà de l'un, ou n'est rien, ούοεν, c'est-à dire non un, et l'un et l'autre sont absurdes. Donc le Premier, le Roi de Tout et le Bien, c'est le véritablement un.

 

 

§ 124. — « Il est donc nécessaire et qu'il n'y ait pas de partie de lui, et qu'il ne soit pas un tout. — Pourquoi donc? — La partie est sans doute[333] partie d'un tout? — Oui. — Qu'est-ce que le tout? Ce à quoi aucune partie ne manque, ne serait-ce pas un tout?[334] — Assurément —. Donc par ces deux raisons ensemble, et parce qu'il est un tout et parce qu'il a des parties, l'un serait composé de parties. — Nécessairement[335] ».

La première négation de l'un, c'est que l'un n'est pas plusieurs : car il est primairement générateur des plusieurs. En effet la première pluralité, la pluralité en soi, qui est la plus haute de toutes, a procédé de l'un. La deuxième négation après celle-là, c'est que l'un et n'est pas un tout et n'a pas de parties : car ce second ordre[336] a été créé par l'un, après la première pluralité, qui est ce qu'il a nié, en premier lieu, de l'un. Et afin que nous nous fassions de cela une notion très claire, examinons ceci tout d'abord au point de vue logique; car celui qui abordera par là les arguments verra que ce que nous disons est exact. Ainsi donc voici une chose qui est pour tous manifeste : c'est que lorsqu’un argument hypothétique, par la suppression de l'antécédent conditionnant, prouve la suppression du conséquent conditionné, l'antécédent est plus universel : par exemple, dans l'argument hypothétique : s'il n'est pas animal, il n'est pas homme : or il n'est pas animal : donc il n'est pas non plus homme : l'animal est plus universel que l'homme. Car comment autrement l'animal supprimé supprimerait-il en même temps l'autre, s'il ne possédait pas une puissance de généralité plus grande. Car même dans les choses qui sont dites être sur le pied d'égalité, il y a encore une certaine supériorité dans celles dont la suppression emporte avec elle une autre suppression, sur celles dont la suppression est emportée avec elle, par cela même qu'elles sont pour l'autre la condition de leur suppression et que par elles mêmes elles suppriment aussi cet autre,[337] sinon selon le quantum, du moins selon la puissance. Qu'il soit donc bien établi que dans les conclusions négatives, lorsque par la suppression de l'antécédent conditionnant, nous concluons le conséquent[338] comme conclusion négative, l'antécédent conditionnant a une plus grande puissance (logique), et que lorsque par la suppression du conséquent nous supprimons l'antécédent, c'est le conséquent qui a une plus grande puissance. Et en général ce qui, par la suppression de lui même, supprime en même temps l'autre, soit conséquent soit antécédent, est plus fort et plus puissant que cet autre. Voilà donc un premier point sur lequel on est d'accord.

Le deuxième est celui-ci : tout ce qui a une compréhension selon la puissance, plus grande qu'un autre, est, rationnellement, plus près de l'un, parce que l'un en soi est de tous les principes, s'il est permis de le dire, le plus compréhensif, qu'il n'y a rien en dehors de l'un, pas même la privation elle-même et même les choses les plus vides de contenu réel Par conséquent, même si l’un n'existait pas de quelque manière, il serait nécessaire que les choses qui sont le plus rapprochées de l'un fussent plus compréhensives que celles qui en sont plus éloignées, imitant la cause incirconscrite et l'excédant infini de l’un.[339] C'est ainsi que l'être est plus compréhensif que la vie et que la raison est plus près de l'un et la vie plus que la· raison. Ces deux axiomes étant posés, regardons comment Parménide prouve syllogistiquement que l'un n'est pas un tout et qu'il n'a pas de parties, et suivons la marche de son raisonnement : s'il est un tout, dit-il, ou s'il a des parties, l'un est plusieurs : or il n'est pas plusieurs, comme il a été dit auparavant : donc l'un ne sera pas un tout et n'aura pas de parties;[340] et inversement, si l'un est non plusieurs, il n'est pas un tout et il n'a pas de parties. Dans ces deux directions de l'argumentation, par la suppression des plusieurs sont avec eux supprimés les parties et le tout. Il est donc acquis pour nous que ce qui, dans les arguments hypothétiques, supprime avec lui-même l’autre partie, est plus puissant et plus compréhensif. Or le plus compréhensif est le plus près de l'un; donc ces plusieurs sont plus près de l'un que[341] le tout et les parties; car les parties sont plusieurs, mais les plusieurs ne sont pas nécessairement parties, de sorte que les plusieurs sont plus compréhensifs que les parties : ils sont donc au-delà des parties. Donc les plusieurs sont premiers dans les êtres; le tout et les parties sont deuxièmes; et voilà pourquoi[342] l'un produit ceux-ci les premiers, et par les plusieurs, les deuxièmes; car toujours les premiers procédants produisent aussi, par leurs propres causes, les choses qui viennent à leur suite. Si donc les négations engendrent les affirma lions, il est évident que la première négation engendre les premiers principes, la deuxième, les deuxièmes, car ce qui a les plusieurs purement est plus général que le tout et que ce qui a des parties et est formé de limités ; car qu'arriverait il si les plusieurs étaient infinis?[343] De sorte que si quelque chose a des parties, elle a besoin des plusieurs ; mais si elle a seulement une pluralité, elle n'est pas[344] nécessairement un tout. Et vois ici l’ordre géométrique des arguments, comment il a été admis comme axiome et comme notion commune, que l'un n'est pas plusieurs; comment il est prouvé par l'intermédiaire de cette notion commune qu'il n'est pas un tout et qu'il n'a pas de parties, et ensuite qu'il n'a ni commencement ni fin, par la conclusion précédente, et ainsi de suite en suivant la série, la véritable Chaîne d'or des êtres, dans lesquels tous viennent de l'un, mais ceux-ci sans médiation, ceux-là par un seul membre moyen, ceux là par deux, ceux-là par un plus grand nombre,[345] mais tous purement de l'un. Ainsi donc par la méthode logique il a été démontré que le rang de ces plusieurs est avant le tout et les parties. Mais si tu veux te placer au point de vue du contenu réel, regarde : les plusieurs, en tant que plusieurs, ont une seule cause, l'un ; car il n'y a pas d'autre principe d'où toute pluralité soit dérivée que de l'un, puisque la pluralité des êtres en tant que intelligible, vient de l'être, mais en tant que pluralité tient son hypostase de l'un. Car si la pluralité la tenait de toute autre cause que de l'un, nécessairement cette cause devrait être, à son tour, ou un, ou rien, ou non un. Si elle n'est rien, il η est pas possible qu'elle soit une cause ; mais d'un autre côté si elle n'est pas un, étant non un, elle ne différera en rien des plusieurs, tandis que la cause partout diffère de ce qu'elle produit. Il reste donc à admettre ou bien que les plusieurs n'ont pas de cause, qu'ils sont incoordinables les uns avec les autres et infiniment de fois infinis, parce qu'il n'y a aucun un en eux, ou bien que l'un est cause pour les plusieurs de leur être. Car ou chacun des plusieurs n'est pas un, non plus que le composé de tous, et ainsi ils seront tous infiniment de fois infinis, ou bien chacun d'eux est un. et le composé de tous n'est pas un, et ils ne seront pas coordinables les uns avec les autres;[346] car les choses coordonnées entre elles participent nécessairement de l'un; ou bien c'est l'inverse, et si chacun d'eux est infiniment de fois infini, parce qu'il n'est participant d'aucun un, ou bien tous deux participent de l'un, et alors il y a avant eux un principe qui fait l'un des deux ensemble, et des parties et du tout, principe qui ne sera pas un tout et n'aura pas de parties; ou bien inversement, à celui-ci l'un fera défaut,[347] et si nous ne voulons pas aller à l'infini, nous arriverons à l'un qui est avant le tout et les parties.[348] Outre cela, et s'il y avait quelque autre cause des plusieurs que l'un, il n'y aurait pas une pluralité des hénades, qu'il (Parménide) fait produire, comme l'un.[349] Si donc il y a plusieurs hénades, ce sera l'un qui sera cause de ces pu-sieurs en tant que plusieurs ; car l'un est cause primairement des hénades, et c'est pour cela qu'elles sont dites hénades, et la pluralité des êtres vient de la pluralité des hénades, de sorte que toute pluralité est par l'un, aussi bien que le tout des êtres[350] et que leurs parties. En effet si l’un être est un tout, il est assurément évident que le tout est avec le être et que si l'un est participé, nécessairement cet un coexiste avec l’être, et que si celui-ci est uniquement l'être par soi, il est substance. Si donc le tout et la partie sont en quelque manière des êtres soit par hyparxis soit par participation, ils sont également produits de l'un, mais aussi de la substance, si du moins le tout et la partie tombent dans la catégorie des êtres. C'est ce que dit Parménide quand il les a placés dans l'un être, on disant que l'un étant est un tout et a des parties, en rattachant l'être à l'un, et voyant le tout dans l'être un, et en faisant, comme de raison, du tout un certain être, τὶ ὄν.[351] Car tout ce qui participe de la totalité substantielle, cela participe aussi de la substance : mais tout ce qui participe de la substance ne participe pas aussi de la totalité.[352] Ainsi donc les parties de la substance, en tant qu'elles sont parties, en participant de la substance ne participent pas de la totalité, en tant qu'elles sont telles. S'il en est ainsi,[353] la substance est au-delà de la totalité substantielle ; donc le tout substantiel participe de la substance, mais n'est pas la même chose que la substance. Ainsi donc s'il y a quelque totalité uniforme[354] elle participe de l'un ; mais si la partie uniée participe nécessairement de l'un, il n'est pas nécessaire qu'elle soit aussi un tout, ou plutôt, cela est impossible en tant qu'elle est partie.[355] Or, ou bien le tout et la partie sont quelque chose de substantiel, ou quelque chose d'unie, (car il y a même dans les substances et dans les hénades tout et partie) : donc l'un est au delà du tout et de la partie, aussi bien substantiels qu'unies. Et non pas cela seulement; mais les plusieurs aussi préexistent au tout et aux parties, car chacun d'eux est nécessairement, en quelque manière, plusieurs, comme nous le montrerons.[356] Or les plusieurs qui ont été posés primairement participent de l'un seul. Donc les plusieurs sont au-delà du tout et des parties. Voilà ce qu'il nous fallait démontrer et comment il fallait le faire.

Maintenant il faut examiner la vérité de ces démonstrations, et, si elles sont des démonstrations, elles nous montreront que tout tout nécessairement embrasse quelque pluralité. Donc toute totalité a nécessairement une manifestation qui laisse voir ses parties propres ; car l’une, celle qui est dans la partie, est nécessairement coordonnée avec la partie, et non seulement est un tout, mais aussi partie ; celle qui est formée des parties est remplie et constituée complète par ses propres parties ; celle qui est antérieure aux parties possède les causes des parties, de sorte qu'elle possède aussi les causes de la pluralité. Donc l'un n'est d'aucune manière un tout[357] Car si tout tout est accompagné de pluralité, et que l'un soit sans pluralité, la conséquence est que l'un n'est pas un tout. Au rebours, la partie est partie d'un autre, de sorte que ce qui a des parties a pluralité ; car toute partie veut, avec d'autres, compléter une certaine chose une ; or ces autres, il est évident qu'ils sont plusieurs. Si donc l'un ne participe d'aucune pluralité et si ce qui a des parties a pluralité, il est clair que l'un ne saurait avoir de parties. Ainsi il est démontré que l'un n'est pas un tout et qu'il n'a pas de parties.[358] Et tu vois que ce premier point a été démontré par les non plusieurs, de même que dans les êtres la totalité est produite par la première pluralité ; or ce qui est prouvé par la cause, est l'objet d'une véritable démonstration. Si donc le tout est un tout par les plusieurs, inversement le non être plusieurs est la cause du non être un tout, et l'un seul est la cause de ces deux caractères. Et c'est là cet un duquel le sage d'Élée a montré qu'il ne peut pas être réellement un, je parle ici du tout : car il dit que rien n'empêche qu'il subisse une modification de la part de l'un, mais qu'il est impossible qu'il soit l'un. Ainsi donc en montrant là[359] ce qui a été démontré, que l'un de Parménide n'est pas véritablement un, il a démontré ici que le véritablement un n'est pas un tout[360] en convertissant la première argumentation qui a été donnée ici, avec l'autre démonstration ; car là il montre[361] que, s'il est un tout, il n'est pas véritablement un, et ici il montre que s'il est véritablement un, il n'est pas un tout. De sorte qu'il faut refuser de croire que ces théorèmes soient de Platon, ou les accepter et considérer que, suivant Platon, c'est là le premier principe et que le véritablement un est le Premier, et tel est bien celui-ci. Et s'il semble que le tout et ce qui a des parties, ce soit en quelque manière la même chose, il ne faut pas s'en étonner ; car nous voyons qu'une même chose est à la fois unifiée et distinguée: comme unifiée nous la qualifions de tout, et comme distinguée nous la disons ayant des parties ; mais l'un n'est ni unifié, de sorte qu'il n'est pas un tout, ni distingué, de sorte qu'il n'a pas de parties; car s'il est unifié, comme s'il est distingué, il est plusieurs. En effet l'unifié est une pluralité subjuguée par l'un:[362] or l'un est au delà de toute pluralité, et de la pluralité unifiée et à plus forte raison de la pluralité discrète. En voilà assez sur ce point.

On pourrait encore poser la question : est-ce qu'il (Parménide) nie ces catégories de l'un, en le considérant par rapport à lui-même, sans examiner ce qui en résulte pour lui, ou par rapport aux autres:[363] car il a paru à quelques commentateurs que les plusieurs étaient autres[364] que l'un, et ceux-ci, le tout et la figure, étant niés de l'un, les autres le sont également. Il est évident que le philosophe a admis au commencement de l'hypothèse tout ce qui ne résulte pas pour l'un même par rapport à lui-même ; car qu'il est implurifié et qu'il n'est pas un tout, ce sont des considérations qui le concernent lui-même en lui-même et quand bien même il n'y aurait pas d’autres ; au milieu, il amène tout ce qui ne résulte pas pour lui ni par rapport à lui-même ni par rapport aux autres,[365] comme qu'il n'est pas le même que lui même, ni différent de lui-même, ni le même que les autres ni différent des autres, ni semblable ni dissemblables sous les mêmes rapports, ni touché ni réparé également; — et à la fin, tout ce qui ne résulte pas de l'un par rapport aux autres seulement, où il est aussi montré qu'il n'est ni exprimable, ni concevable par l'opinion, ni compris par la science, ni en général connaissable à quelque un des autres, mais qu’il est, lui, détaché et élevé au dessus des autres soit connaissances soit connaissables,[366] s'il est permis de le dire, parce que étant seulement par lui-même, il n'est coordonné avec aucun des autres, mais reste indéfinissable pour tous. Et lorsqu'il dit que l'un n'est pas plusieurs, il ne dit pas que les autres que l'un ne sont pas l'un, comme niant ceux-là de l'un, mais il dit qu'il n'a pas en lui-même de pluralité; et que l'un n'est pas en même temps que un aussi plusieurs, mais qu'il est exclusivement un, l'un en soi, purifié de toute pluralité. Car lorsque dans la seconde hypothèse, l'hypothèse Jupitérine,[367] il affirme que l'un est plusieurs, qu'il est implurifié, exclusivement un, et qu'ainsi il n'est pas un tout et n'a pas de parties, c’est que l'hypothèse[368] examine comment cet un se comporte par rapport à lui-même.

 

 

§ 125. « — L'un serait alors, des deux manières, plusieurs et non pas un. — C'est vrai. — Or il faut que l'un ne soit pas plusieurs, mais un seulement. — Il le faut. — Il ne sera donc pas un tout et n'aura pas de parties, si l'un doit être un. — Non certes.[369] »

Il réunit ici et résume par ces mots toute l'argumentation, que nous avons exposée plus haut, et que sans doute[370] il est à propos de rappeler maintenante savoir, que l'un n'est pas plusieurs et que le tout est plusieurs : donc l'un n'est pas un tout ; et en outre, que l'un n'est pas plusieurs,[371] que ce qui a des parties est plusieurs,[372] donc l'un n'a pas de parties. De sorte que le syllogisme qui conclut : donc l'un n'a pas de parties, est de la seconde figure[373] et a la forme d'un argument hypothétique: S'il est un tout, l'un a des parties ; si l'un a des parties, il est plusieurs : or l'un n'est pas plusieurs : donc il n'est pas un tout et n'a pas de parties. Et considère moi cette rigueur logique de Platon qui ne dit pas que l'un est indivis (ἀμερές), mais qu'il n'a pas de parties : car l'indivis n'est pas la même chose que n'avoir pas de parties ; car il est possible de dire celui-ci de l'un, mais il n'est pas absolument pas possible de lui attribuer l'indivis ; car l'indivis exprime parfois une certaine nature et pour ainsi dire une certaine espèce : ou plutôt il n'exprime pas autre chose que l'espèce uniforme, pas autre chose que ce que Timée a appelée l'indivisible. Il est ainsi évident' qu'ici (Platon) appelle la même chose indifféremment et indivis et indivisible, mettant l’un de ces mots à la place de l'autre, comme il a été écrit[374] au commencement de la psychogonie.[375] Dans le Sophiste[376] il a appelé le véritablement un, indivis, lorsqu'il dit : « Car à mon sens, il faut que le véritablement un soit indivis, » lui donnant là la même signification que l'indivisible qu'il a appelé ici : le n'ayant pas de parties. De sorte que s'il y a quelque chose qui n'ait pas de parties, cela, d'après lui, est indivis. Mais n'est pas indivis, ajAepéç, ce qui n'a pas de parties,[377] puisque chacun des genres de l'être est tantôt indivis, tantôt divisible, tantôt intermédiaire entre les deux. Ainsi le point est indivis, comme n'ayant pas de parties semblables à celles qui seraient parties d'un objet occupant un espace étendu : il n'est pas purement indivis en tant que n’ayant aucune partie; car la notion du point est complétée par certaines choses, et toutes les choses qui complètent l'essence d'une autre chose, font fonction et ont le rang départies par rapport à la chose qu'elles complètent. Ainsi même la monade,[378] parce qu'elle n'est pas formée de certaines parties distinctes, comme tous les nombres qui sont formés d’elle, (est indivise);[379] mais comme elle est constituée par certaines choses qui font que la monade diffère du point, en disant que ces choses sont des parties de la notion de la monade, on ne commettrait pas d'erreur ; car les choses qui contribuent à la définition de chaque espèce sont certainement parties de cette espèce, et cette espèce en est composée comme de part es, et est une sorte de tout qui a subi l’influence de l'un, mais qui n'est pas elle-même l'un : seul le purement un, n'est ni formé de parties en tant que continues ni en tant que discrètes ni en tant que complétives : il est. lui, exclusivement un, purement un, et non unifié. C'est là une chose certaine, et il n'en saurait être autrement.

Et cependant je vois beaucoup de trouble jeté dans cette question par ceux qui croient que ces négations nous conduisent à l'absolu non être ou à quelque chose de semblable, par suite de l’indétermination de notre imagination[380] qui ne trouve pas ici à saisir une certaine chose déterminée, puisqu'il n'y a rien de posé catégoriquement, que tout est purement supprimé de l’un, et qui par suite se persuadent qu'il faut introduire ici une certaine nature, un certain caractère particulier de l'un. C'est là ce que pensent certains critiques qui remontent de la raison et de la substance intellectuelle à l'un, veulent avant la raison placer la rationalité, la rationalité étant plus simple que la raison et pour ainsi dire l’habitude, ἕξις, la possession de la puissance de penser. Car les actes, disent-ils, sont antérieurs aux substances, parce qu'ils sont plus un qu'elles, et avant le penser, τὸ νοεῖν, est le pensant, appelant ainsi non le sujet en acte, mais le principe causant de l'acte,[381] comme ce qui crée la pensée : comme si l'on disait le animant ou le mouvant, et qu'avant celui-ci on plaçait de nouveau le νόημα, l'entité objective de la pensée, estimant que celui ci est le premier comme le plus indivis, de même que le κίνημα est avant le mouvant. Et ce n'est pas seulement dans cette forme de démonstration[382] qu'ils agissent ainsi : ils font de inertie pour chaque espèce ; de manière qu'ils aboutissent toujours à des termes semblables ; je veux dire par exemple, ἀγάθομα, κάλλωμα, ἀρέτωμα, ταύτωμα, et autres semblables, et que tout ce qui est tel est un.[383] Mais il faut leur demander si tous ces plusieurs diffèrent les uns des autres par leur essence ou seulement par le nom. Ensuite ils ne disent pas ce qu'est l'un, qu'ils ont mis le premier ; ils se complaisent dans un bavardage vide en traitant des choses les plus divines. Et si ces choses digèrent les unes des autres par la substance, ils admettront dans l'un la pluralité, quoique Platon l'ait niée de l'un avant tous les autres attributs et cela sans la moindre équivoque. Et d'où ont ils pris ces noms, à quels théologiens ont ils entendu dire que les substances sont après et inférieures aux actes? Car partout Platon et les autres théologiens disent que les actes sont suspendus aux puissances[384] et les puissances aux substances. Mais il est inutile de les réfuter, d'autres se sont chargés vis à vis d eux défaire bonne justice. Il y en a aussi qui veulent distinguer Dieu de l'essence de Dieu,[385] et attribuer au Premier l'essence de Dieu, et considérer cela comme la propriété distinctive de l’un : à ceux là, il faut demander comment ils entendent cette essence de lui, τὸ εἶναι αὐτῷ, lorsque Platon lui retranche le : il est ; et comment dans ces termes nous distinguerons le chacun et l'essence de chacun, et comment nous transférerons toutes ces sortes de règles des choses composées aux simples,[386] aux divines, aux plus unes de toutes. Car nous ne pouvons admettre, quand il s'agit de lame, que l'âme est une chose et l'essence de l'âme une autre, ni quand il s'agit d’aucune autre des espèces immatérielles; donc à beaucoup plus forte raison, nous refuserons d'introduire, quand il s'agit de Dieux, de semblables différences. Et comment l'un sera t il autre que l'essence de l’un? par là nous ferons, sans nous en apercevoir, l'un non un, puisqu'il est au dessous de l'essence de l'un et participe d'un principe supérieur à lui. D'autres ont dit qu’étant causant de tout, fondé le premier, au dessus de la vie, au-dessus de la raison, au-dessus de l’être même, il a, en quelque manière, les causes de fous ces principes, quoiqu'on ne puisse ni dire ni concevoir comment, mais sous un mode le plus un possible, et qui nous est inconnaissable ; qu'il y a en lui les causants cachés des choses universelles, paradigmes avant les paradigmes, qu'il est le premier tout, le tout en soi, avant les touts, un tout qui n’a pas besoin de parties. Car le tout qui est avant les parties a encore, en quelque manière, besoin des parties, mais celui-ci, que Platon a bien connu, ce tout avant les touts, n'a pas besoin de parties. Ceux qui soutiennent cette thèse ne comprennent rien à Platon, s'ils croient que, en ce qui concerne l'un, il n'emploie que le procédé de l'élimination ; ils ne se souviennent pas de ce qui est écrit dans la lettre à Denys,[387] et de la prescription qui y est faite, de ne donner à l'un aucun prédicat, mais de les lui ôter tous, afin que, sans nous en apercevoir, nous ne lui attribuions quelque propriété qui appartienne aussi à notre nature et ne convienne qu’à nous. Car la il a expliqué clairement[388] que cette recherche, ce désir de savoir de quelle espèce ou nature est l'un, est la cause de tous les maux. Outre ces difficultés, comment garderons-nous l’un? Car le tout des touts est plus compréhensif que les touts sous la forme de l'unité. Mais l'un en soi en est séparé et élevé au dessus de lui, et dépasse et surpasse toute espèce de totalité : or le tout des touts, (puisqu'il appartient à l’ordre moyen des intelligibles, comme nous le montrerons : car cet ordre dépasse et surpasse la totalité intellectuelle et l'embrasse de tous les côtés), le tout des touts est un des intelligibles,[389] mais l'un est au-delà des intelligibles. Et si non seulement à partir de la raison, de la vie et de l'être, nous déposons dans l'un les causes inconnaissables de tout, mais encore à partir de chacun des êtres, par exemple, de la beauté, de la vertu, du juste, et de chacune des autres espèces, l'un sera, en quantité, en aussi grand nombre que la raison ; il ne sera plus en aucune manière, un, et ainsi nous aurons, sans nous en apercevoir, doublé le nombre des êtres ; car ils seront eux et leurs causants, ayant leur hypostase dans l'un. Et alors nous aurons à rechercher à leur sujet comment étant plusieurs ils sont unifiés, et nous les forcerons de reconnaître que nécessairement avanteux est l’un; et alors ou bien gardant l'un en soi et l'un au sens propre, nous les retrancherons tous de lui, ou bien au contraire nous les poserons tous en lui, et nous triplerons les êtres, et remontant toujours ainsi à l'infini, nous n'aurons plus où nous arrêter et nous serons obligés de dire que l'un même a une pluralité,[390] ce que quelques-uns des partisans de Platon ont spontanément osé dire, quoique toute pluralité réclame et postule quelque autre principe qui donne l'union à la pluralité ; ou bien, s il n'y en a aucun de tel, nous serons obligés de dire que cette pluralité première n'ayant qu'une union introduite du dehors, n'est pas un principe absolu et se suffisant à lui-même, parce qu il manque d'unité. Il vaut donc mieux, comme Platon l'a fait,[391] s'arrêter aux négations et par elles démontrer la supériorité de l'un qui est affranchi et séparé de tout, parce qu'il n'est ni intelligible, ni intellectuel, ni aucune autre des propriétés qui nous sont connues par des appréhensions divisibles : car étant causant de toutes, il n'est aucune de ces toutes : et il ne faut pas dire qu'inconnaissable à nous, il est connaissable à lui-même ; car cela même, nous l'ignorons, puisque dire qu'il est la source de la divinité, comme le beau en soi et le primairement beau est l’hénade de tous les beaux ; et comme régal en soi, et l'égalité primairement égalité est l’hénade de tous les égaux (car même dans ces sortes d'espèces, nous ne cherchons pas ce qu'est (τίστί)[392] le beau en soi, mais nous savons qu'il est la source de la divinité et nous estimons que cela est suffisant), ainsi donc dire que l'un est la source de toute divinité, et qu'il est le Dieu en soi, (αὐτοθεός), (car tout Dieu, en tant que Dieu, tient son hypostase de l'un), même dire cela n'est pas absolument exact. Car si, comme le dit Platon,[393] il n'y a pas de lui, même un nom, comment l'appellerions-nous Dieu en soi ou de quelque autre nom? Ce nom même et tous les autres sont complètement plus vides et plus pauvres que la supériorité inconnaissable de Γιιη. Si donc il faut exprimer un jugement affirmativement sur lui, je crois, en m'appuyant sur le suffrage de Platon, qu'il vaut mieux l'appeler Source de toute divinité, mais avec quelque réserve,[394] puisque nous le disons aussi fauteur de tout, la fin de tout, le désirable pour tout ; car c'est en vue de lui[395] que tout est ; c'est lui qui est l'autour de toutes les choses belles, comme lui même le dit dans les Lettres[396] ternies par lesquels nous ne disons pas ce qu'il est, τί, mais comment se comportent par rapport à lui, les choses qui viennent après lui et dont il est l'auteur. Donc pour nous résumer brièvement, toute divinité est sainte,[397] mais l'un même n'est rien autre chose que la divinité en soi, αὐτοθεότης par laquelle il arrive à tous les Dieux d'être dieux, comme il arrive à toutes les raisons d'être raisons par la première raison, et aux âmes d'être âmes par l’âme première : car ce qui est primairement est cause pour les autres d'être secondairement ce qu'il est lui même primairement. — Ces explications sont suffisantes sur ce point.

Mais il faut aussi aborder l'étude du texte et voir comment Platon montre que ces négations ne sont pas privatives, mais qu'il faut les entendre dans le sens d'une supériorité qui les sépare et les élève au dessus des affirmations; car l'un, dit-il, ne doit être ni un tout ni ayant des parties : et il démontre cela par sa supériorité selon le bien. Et voici la preuve, c'est qu'aux choses qui sont privées, nous n'ajoutons pas le mot : il faut. Qui, en effet, dirait jamais qu'il faut que l’âme s'ignore elle même, parce que l'ignorance est pour les choses capables de connaître, privation. C'est ainsi qui! dit lui-même dans le Théétète[398] à l'occasion de tous les maux, qu'il est nécessaire qu'ils soient. Donc ce n'est pas aux choses privées qu'il faut appliquer le : il ne faut pas être, mais aux choses qui sont supérieures aux habitudes.[399] Par exemple, il faut que le Premier ne se pense pas lui-même, parce qu'il est supérieur à l'acte de penser; il faut qu'il ne soit pas plusieurs, parce qu'il est supérieur aux plusieurs; il faut qu'il ne soit pas un tout ni qu'il ait des parties, parce qu'il est supérieur à ces propriétés: car le: i t faut, n'exprime pas ici la privation, mais un excédant de puissance. C'est parce que Platon, comme je l'ai dit, veut montrer cela, qu'il ajoute le : il faut,[400] destiné à rappeler la puissance de signification de ces négations, et en même temps à faire voir qu'il va traiter d'une certaine chose subsistant réellement, et non d'une chose dépourvue d'hyparxis. Car qui dirait d'une chose dépourvue d'hyparxis qu'il faut qu'elle soit dépourvue d'hyparxis? le il faut n'est dit que des touts[401] possédant l'hyparxis.

 

 

§ 125 bis. — « Donc s'il n’a aucune partie, il n'a non plus ni commencement, ni fin, ni milieu: car ce seraient là, ipso facto, des parties de lui. — Parfaitement.[402] »

Il a d'abord séparé l'un de la première pluralité; en second lieu, il a retranché de l'un la totalité, qui contient le lien qui unit les dieux intellectuels, et que c'est cette totalité et non pas -seulement la totalité intelligible qu'il a retranchée de l'un sera pour nous tout à fait clair, par la deuxième hypothèse. En avançant dans le cours de la discussion, nous verrons encore très clairement pour quelle raison il a commencé par cette pluralité les négations, comme nous l'avons dit plus haut, et non par la sommité intellectuelle, qui est l'un être en soi, tandis qu'il supprimera celui-ci tout à la fin, en montrant que l'un est au-delà de tout l'intelligible. Le troisième attribut qu'il enlève maintenant, c'est le commencement, le milieu, la fin, qui est le symbole de l'ordre abaissé[403] ou qui est caractérisé par le tout et ce qui a des parties; et nous ferons remarquer qu'il démontre encore ce théorème au moyen de celui qui précède, conformément aux règles de la démonstration : car si l'un n'a pas de parties, il n'aura ni commencement, ni milieu, ni fin ; car tout ce qui a commencement, milieu et fin, a des parties.[404] Or l'antécédent conditionnant est, donc le conséquent est : donc si l'antécédent est supprimé, le conséquent est supprimé par lui et avec lui; donc ce qui a commencement, milieu et fin, est symbole d'un ordre plus particulier, car le plus universel est un causant plus puissant, et le plus particulier est plus éloigné du principe, puisque cela arrive même aux choses.[405] Mais ce qui a des parties, il n'est pas encore évident par là qu'il a commencement, milieu et fin, puisqu'il peut y avoir un tout composé de deux parties? en effet, la dyade est, sous un certain rapport, une sorte de tout, et c'est par là qu'elle est le principe de toutes les choses divisibles. Mais ce qui a commencement, milieu et fin, dans une triade est premier. Et si l'on dit que tout tout est triadique, rien n'empêche cependant que ce qui a de telles parties, comme on vient de le dire,[406] ne soit par cela même, en quelque manière, une chose parfaite[407] et préexistante au parfait qui est aussi un tout. C'est pourquoi il n'a pas établi sa démonstration sur le tout, mais sur le fait d'avoir des parties. Mais tout cela est clair d'après ce que nous avons dit plus haut.

Quelques-uns présentent cette objection qui n'est pas sans raison d'être : Comment Parménide introduit il ici, sans la moindre hésitation : « Car de telles choses seraient des parties »: car il nous dit clairement ceci : que tout ce qui a commencement, fin et milieu, possède le commencement de soi-même, le milieu de soi-même, la fin de soi-même: or ceci n'est pas exact : ainsi la ligne a le point comme commencement et fin, et l’on ne peut pas dire que ce sont là des parties de la ligne : car d'aucune chose[408] qui a une limite, les parties ne sont infinies : or les points sont infinis, mais la ligne n'est pas composée de points, et en général il n'est pas possible qu'une grandeur soit composée de points. A cette objection,[409] il faut répondre d'abord que Platon, traitant de l'un, a eu raison de dire:[410] « S'il a commencement, milieu et fin, ce serait là des parties : » car l'un n'est pas composé de choses dissemblables, assemblées pêle-mêle ensemble, comme la ligne, et il n'aura pas des limites terminales semblables. Mais il l'a dit dans ce sens, que si en général on plaçait dans l'un : fin, milieu et commencement, ce serait là des complémentaires de l'un, de sorte qu'ils feraient, par rapport à lui, fonction de parties, et ce sont ces parties là qu'il aura, comme la triade a, comme parties, le commencement le milieu et la fin. Il faut dire ensuite que si quelque chose a certaines limites, ces limites auraient d'autres choses comme parties, à savoir, toutes celles qui sont limitées et entourées par elles; car puisqu'elles sont limites, elles sont limites de certaines choses : et la chose qui les a sera nécessairement composée de celles dans lesquelles elles sont, et aura celles-là pour parties. De sorte que par la proposition : « ces choses là seraient les parties de lui », nous entendrons non pas les limites mêmes, mais les choses limitées. Et en effet si quelque chose a des limites, elle a aussi des parties ; mais si quelque chose a des parties, il n'est pas nécessaire qu'elle ait des limites, mais certaines autres choses des parties[411] comme chacun des nombres. Il a donc eu raison de dire que tout ce qui a commencement, milieu et fin aura des parties : car il aura ou ces moments ou ce en quoi ces moments sont. Voilà ce qu'il y a d'abord à dire. En second lieu, on pourrait répondre avec beaucoup plus d'exactitude, que la partie est de ces choses qui ont plusieurs significations; car, ce qui a partiellement des caractères en quelque sorte les mêmes que le tout, et tous ceux que le tout a universellement, nous l'appelons partie : par exemple, nous disons que chacune des plusieurs raisons est une partie de la raison universelle, quoique toutes les espèces soient dans chacune,[412] et que la sphère fixe est une partie du tout, quoique celle-ci embrasse tout, mais d'une autre manière que le monde; et le mot[413] a une seconde signification encore, à savoir, ce qui est complémentaire de quelque chose, comme nous disons que toutes les sphères sont des parties du Tout, et que les facultés de l'entendement discursif et de l'opinion sont des parties de l'unie; car les uns complètent le tout, les autres l'âme. Enfin outre ces deux sens, nous appelons, selon une signification commune, partie, tout ce qui est coordonné, de n'importe quelle manière, a une certaine chose, pour contribuera constituer son unité. C'est ainsi que lu pourrais dire que chacun de nous est une partie du monde, non pas qu'il complète le tout, comme si le tout était formé par nous ; car le tout ne devient pas imparfait par la mort de l'un de nous; mais parce que nous aussi nous sommes coordonnés ù toutes les parties du monde, que nous sommes soumis au même gouvernement que toutes les autres choses, et en un mot que nous sommes dans le monde comme dans un animal un, et que nous sommes individuellement tous des parties du tout, que nous le complétons, non pas en tant qu'il est, mais en tant qu’il est capable d'engendrer.[414] Ainsi la partie étant entendue dans trois sens, et Platon ayant dit précédemment que l'un n'en a aucune, il est évident qu'il ôte de l'un toutes les notions qu'on se fait de la partie: car tout ce qui a partie dans quelque sens que ce soit, a pluralité : or l'un n'a pas de pluralité : donc il n'aura absolument pas de parties. S'il est tel, il n'aura ni commencement, ni milieu, ni fin: car ces moments-là, tu pourrais dire qu'ils sont des parties de la chose qui les a, dans le troisième sens du mot partie, qui dit que tout ce qui est coordonné, n'importe de quelle manière, à quelque chose, en est une partie, et que le tout est complété par la composition et la réunion de ces moments. Car la ligne en tant que ligne,[415] doit certainement avoir d'autres parties que ces moments, mais en tant que limite, elle est certainement limitée par eux, parce qu’ils en sont les complémentaires; car c est par ces moments qu'elle est et est dite limitée, et ceux-ci pourront donc être dits limités, quoique pas en tant que ligne.

A cette objection nous répondrons encore en signalant cette autre différence du mot partie, à savoir ; qu’on appelle encore le commencement et la fin, parties de la chose dans laquelle ils sont. Quelques-uns soulèvent encore une difficulté, en posant la question à un autre point de vue. Comment l’étranger Athénien, dans les Lois,[416] dit il que « Dieu, possède le commencement, les milieux et la fin de tout » tandis que Parménide, ici, expose qu'il n'a ni commencement, ni milieu, ni fin : ce sont, en quelque sorte, ce qu'on appelle des sous-contraires (ὑπεναντία).[417]

Maintenant à cette objection, quelques uns répondent que le Premier a commencement, milieu et fin, et qu'il ne les a pas : car il les a d'une manière latente, secrète (κρυφίος), et d'une façon distincte et divisément, il ne les a pas ; car tout est en lui sous un mode inexprimable, inconcevable, et connaissable seulement à lui-même. Nous n'admettrons pas cette explication qui plurifie encore, n'importe de quelle manière, le Premier; car cette pluralité latente et indivisible convient à quelque autre classe des choses du second ordre, mais non au Premier en soi, qui est pur de toute pluralité. En général, des divisions, les unes, les divisions monadiques vont jusqu'aux intelligibles, les autres qui s'étendent dans les nombres, ne sont perçues que dans les diacosmes qui viennent à la suite des intelligibles. Mais l'un est antérieur à toute division, à toute pluralité, aussi bien l'unifiée que la pluralité discrète;[418] il est exclusivement un. Laissons donc de côté cette explication qui est sans aucune force : car nous ne nous proposons pas de réfuter les autres ni de discuter les opinions des autres, si ce n'est en passant et par occasion. Mais il en est qui répondent plus spirituellement et plus ingénieusement à l'objection, en disant qu’à la vérité l'Étranger Athénien parle de Dieu, et que c'est aussi de Dieu que traite Parménide. Mais que celui ci traite du Dieu premier qui est séparé et élevé au dessus de toute pluralité, tandis que l'autre parle d'un certain Dieu, qui a son rang dans un autre ordre, et pourquoi ne pas le dire clairement, du Démiurge et du Père, dont les paroles sont parfaitement justes.[419] Car le mot : « accomplissant sa marche circulaire » ne convient pas à l'un, et les mots : « que Diké le suit », nous indiquent un ordre absolument autre, un tout autre Dieu,[420] et on a raison d'attribuer ces caractères au Démiurge, qui divise en trois le Tout, selon la triade démiurgique, (fui. par la connaissance intellectuelle embrasse le Tout et, accompagné de la Justice, ramène dans la voie du bien, les autres, τὰ ἄλλα. Cette interprétation est exacte, comme je l'ai dit. Mais celle de notre Maître[421] est encore plus parfaite : il réfute l'instance en disant que ce n'est pas la même chose de rechercher comment l'un se comporte par rapport à lui même et comment il se comporte par rapport aux autres, comme nous l'avons dit plusieurs fois. Ces questions ayant été bien distinguées et définies, Platon a eu raison, maintenant qu'il recherche quelles choses ne résultent pas pour l'un par rapport à lui-même, de nier de lui le commencement, le milieu et la fin: car ces moments introduiraient dans l'un[422] la pluralité. D'un autre côté l'Étranger Athénien dit, non pas comment le Dieu se comporte par rapport à lui même, mais comment il se comporte par rapport aux autres, et qu'il a le commencement, le milieu, et la fin en ce sens que ces moments-là sont dans toutes les choses mais non en Dieu, et que le Dieu parce qu'il est avant tout, est exempt d'avoir le commencement, le milieu et la fin, mais contient et embrasse tous les êtres dans lesquels sont ces trois moments. De sorte que si, dans cet ouvrage là, il traite aussi du Premier, cela n'est pas en contradiction avec ce qu'il dit ici. Car l'Etranger Athénien dit non pas que le Dieu a en lui-même et par rapport à lui même cette triade, mais qu'il plane sur tous les êtres, dans lesquels sont ces trois moments. Et si dans les Lettres[423] il dit que tout est autour du Roi de Tout, qu'il est la fin que tout se propose, qu'il est l'auteur de tout ce qui est beau, il est évident que c'est lui aussi qui est le commencement, (le principe) de tout, le milieu et la fin, mais par là il ne dit pas qu'il α commencement, milieu et fin : car il nous enseigne comment il a ces moments par rapport aux autres, mais non qu'il les a par rapport à lui-même. Le Premier est donc le principe, le milieu et la fin des autres, mais il ne se divise pas par lui même en principe, milieu et fin. Car il est le principe de tout, parce que tout vient de lui ; il en est la fin, parce que tout tend à lui ; parce que tout ce qui veut enfanter, tout ce qui désire, se porte naturellement vers l'un, comme le bien unique, et il est milieu, parce que tous les centres des êtres soit intelligibles, soit intellectuels, soit psychiques, soit sensibles, tendent[424] tous vers l'un. De sorte qu'il est principe, fin et milieu de tout,[425] mais que lui même par rapport à lui-même n'a aucun de ces moments, parce qu’il n'a pas même toute autre pluralité, pas même par rapport à un autre. De sorte qu'il n'a pas de principe, parce que rien n'est plus puissant que lui, et qu'il n'est pas par une cause; il n'a pas non plus une Qn, parce qu'il n'est pour aucune fin ; car tout ce qui a une fin est nécessairement pour quelque but; or l'un est uniquement ce pourquoi (sont toutes les choses», comme la matière et le dernier de tout[426] est uniquement pour une fin. Et il n'y a pas de milieu de l'un, autour duquel comme milieu, l'un serait, afin que l'un ne soit pas plusieurs, en étant le milieu de tous. Donc l'un est séparé et élevé au-dessus de ces moments : il ne faut lui en attribuer aucun, mais, comme Platon l'expose, il faut demeurer dans les négations : car lorsque nous disons qu'il est désirable, ou fin, nous voulons dire que ce sont les autres qui tendent vers lui ; car par une nécessité de la nature, toutes les choses qui sont après le Premier, désirent le Premier; et comment les choses qui ont leur centre et leur racine dans le Premier pourraient-elles ne pas désirer leur propre cause? Ces moments expriment donc un rapport des choses à lui, mais lui, il est séparé et élevé au dessus de toutes les choses également.

 

 

§ 126 — « Or la fin et le commencement sont la limite de chaque chose. — Assurément. — Donc l'un est infini, s'il n'a ni commencement ni fin. — Il est infini.[427] »

Dans la deuxième hypothèse[428] pour constituer cette triade, je dis: le commencement, le milieu et la fin,[429] après l'un et les plusieurs, le tout et ce qui a des parties, il crée le limité et l'infini, coordonnant ensemble ces trois antithèses: car ce sont les expressions d'un ordre divin, qui demeure, procède, et se penche sur lui-même, qui se contient lui-même dans son essence avec une intensité extrême. Ensuite, il engendre de la même manière, d'abord ce qui a des extrêmes, puis les choses qui ont le commencement, le milieu et la fin ; troisièmement le droit et le circulaire et le mélangé, qui sont les marques caractéristiques d'un autre ordre divin, qui vient immédiatement après celui-là. Maintenant dans le passage don t nous traitons, après le tout et ce qui a des parties, il a nié de l'un la triade que nous avons déjà nommée,[430] le commencement, le milieu et la fin, et de là, il a conclu qu'il est infini : or, l'infini est-ce qui n'a pas d'extrémité. Car dans l'infini, il n'y a rien d'extrême, ni comme commencement, ni comme fin. Il pouvait donc montrer par le fait qu'il n'a pas d'extrémités, que l'un est sans commencement et sans fin, et qu'il n'a pas d'extrémités par le fait, qu'il n'a pas de parties et qu’il n'est pas plusieurs. Mais il a établi son argumentation en partant des choses plus connues et plus faciles à connaître, et a conclu directement du fait qu'il n'a pas de parties, qu'il est sans principe et sans fin,[431] afin qu'il ne soit pas trois au lieu d'un. De cette démonstration, il a tiré ensuite le corollaire que l'un est infini, puisqu'il n'a ni commencement ni Un, admettant a priori le commencement, le milieu et la fin, qui est la même chose que l'extrémité. Il me semble donc que cet infini maintenant ne signifie pas purement la négation de la limite, mais la suppression des extrémités. Ainsi donc affirmant dans la deuxième hypothèse[432] le fait qu'il a des extrêmes, et comme de juste, le niant ici, il démontre qu'il est infini parce qu'il n'a pas de termes extrêmes, ce que nous appelons habituellement, des limites. Mais ce limité et son contraire, l'infini, qu'il affirmera de l'un après le tout et les parties dans la deuxième hypothèse, il le passe sous silence, parce qu'il l'a supprimé, avec le tout et les parties, de la pluralité qui l'entoure, ou même avant cela, parce qu'il l'a supprimé par le moyen des plusieurs. Car tout limité et toute pluralité infinie est ou plusieurs seulement, ou à la fois tout et ayant des parties. Si d'un côté il a l'infini en puissance, et si en acte, il est quelque chose de limité, un certain tout et ayant des parties, par là même, il est plusieurs; si d'un autre côté, il est séparément limité, et séparément infini, il le sera en acte. Or il est impossible qu'il soit, d'un côté à la fois un certain tout et ayant des parties, et que de l'autre, il soit, sans empêchement, exclusivement plusieurs; car l'infini η étant pas un tout, est par conséquent,[433] plusieurs. Par là donc qu'il a nié le tout et ce qui a des parties, par là, il lui était possible de nier le limité et l'infini.

Mais qu'il conçoive que parfois et dans une certaine mesure, ces moments soient coordonnés les uns aux autres, c'est-à-dire le tout et les parties avec le limité et l’infini, cela nous deviendra manifeste parce que nous dirons lorsque nous aurons à parler de la pluralité des Dieux. Mais pour le moment notre objet est de soutenir que l'un est l'auteur de tout, et qu'il crée tous les nombres[434] divins.

Ici on a encore l’habitude de rechercher comment l'un est infini.[435] Les uns disent que l'un est qualifié d'infini, parce qu'il ne peut pas être parcouru, et parce qu'il est la limite des touts. (Car l'infini se dit en deux sens; tantôt comme l'insaisissable et ce qui ne peut être parcouru ; tantôt comme ce qui est limite et n'a pas une autre chose qui lui soit limite ; or l'un est infini dans les deux sens ; et comme insaisissable aux choses qui viennent immédiatement après lui, et comme une chose dont on ne peut faire le tout, et en outre comme limite des touts, et n'ayant besoin d'aucune autre chose qui lui soit une limite). — D'autres le disent infini comme ayant une puissance infinie, comme générateur de toutes choses, comme auteur de toute l'infinité qui est dans les êtres et comme étendant le don de lui-même à toutes les choses qui sont un tout;[436] car toutes choses sont contenues dans l'un, toutes sont par l'un, et elles ne sauraient subsister par leur propre nature, si elles ne devenaient pas un. — Les autres, parce que la raison est limite et que l'un est au-dessus de la raison, par cela ils le disent infini ; car, disent-ils, Platon n'attribue que deux choses seulement à l'un, l'infini et l'immobile, puisque la raison est limite et que l'âme est mouvement, montrant par là qu'il est plus puissant que la raison et que l'âme ; car ce sont trois hypostases archiques,[437] dont la première préside aux deux autres et les précède.

Pour nous, tout en estimant que ces explications et d'autres semblables sont fort ingénieuses, quoique nous approuvions les unes plus que les autres, nous écouterons notre maître,[438] qui a ici poursuivi avec une force extrême et atteint directement[439] la pensée de Platon, et nous jugerons que ceux là ont saisi et contemplé la vérité, qui voient d'abord combien il y a dans les êtres d'ordres d'infinité; ensuite quelles sont les processions de la limite qui sont pour ainsi dire les contraires de ces ordres, et après cela, qui examinent enfin[440] qu'est ce qu'est ici l'infini. Car à ceux qui aborderont selon cette manière de l'entendre l'étude du sujet proposé, se manifestera facilement ce qu'a voulu dire Platon. Il faut donc, pour commencer par en bas, considérer cette infinité dans la matière, parce qu'elle est par elle-même indéfinie et amorphe et informe, tandis que les espèces et les formes sont les limites de la matière. Il faut ensuite la considérer dans le corps non qualiiié, selon la division ; car c'est le premier divisible à l'infini, comme le premier étendu. Il faut aussi la voir selon les qualités premières qui subsistent autour de l'infini, dans lesquelles, pour la première fois, est le plus et le moins; car c'est par ces propriétés (plus et moins) que Socrate dans le Philèbe caractérise l'infini.[441] Il faut encore la voir dans toutes les choses de la génération; car la génération a l'infini selon sa propriété d'être sans cesse et toujours engendrée, selon le cercle qu'elle décrit et qui n'a pas de point d'arrêt, selon les changements et transmutations indéfinies des choses susceptibles d'être engendrées, qui sans cesse deviennent et sans cesse périssent, et dans lesquelles l'infinité selon la pluralité a son origine, parce qu'elle existe uniquement dans le devenir sans cesse, et que jamais elle n'appartient à quelque chose[442] qui soit lié et enchaîné. Avant ces infinis il faut voir encore. L’infini dans le mouvement circulaire du Ciel; lui aussi possède l'infini par suite de la puissance infinie du moteur; car il est corps, et en tant que corps, n'a pas une puissance infinie; mais par la participation de la raison, le corps lui-même est toujours[443] et le mouvement est infini. Ne finissant pas et étant continu, ce mouvement identifie la fin et le commencement. Encore avant ceux-ci, il faut concevoir l'infini dans l'âme; car quoique pensant par des actes transitifs, elle a une puissance de mouvement qui ne fait jamais défaut; elle est toujours en mouvement ; elle lie les unes aux autres ses périodes.[444] Et encore avant l'âme, il faut considérer l'infinité dans le temps lui même, qui mesure toutes les périodes de l'âme. Car lui aussi, dans son tout, est infini, parce que son acte, par lequel il déroule successivement les mouvements des âmes, et par lequel il en mesure les périodes procédant selon le nombre, est infini selon la puissance : car jamais il ne cesse de demeurer, de procéder, de s'attacher à l'un, de dérouler le nombre, qui mesure les mouvements de toutes les autres choses.[445] Mais avant le temps encore, considère moi l'infini dans la raison en soi et dans la vie intellectuelle : car cette vie n'est pas sujette à un mouvement transitif; elle est toujours présente tout entière et d'un seul bloc ; elle est éternelle et d’une puissance infinie. Car la constance et l'indéfectibilité du mouvement est lofait de sa substance et de sa puissance qui ne fait jamais défaut, mais qui a toujours l'acte de vivre éveillé ; c'est par cette puissance que tout ce qui est mû, peut toujours être mû, parce qu'il participe dans le mouvement de l'infinité en repos. Et ce n'est pas seulement jusqu'à ces choses que va l'infini ; mais avant la raison, il y a nécessairement l'éternité elle même, tant célébrée, l'éternité qui est infinie et embrasse toute l'infinité intellectuelle. Car d'où viendrait à la raison le fait de vivre éternellement, si ce n'est de l’éternité? L'éternité est donc infinie et avant la raison, selon la puissance. Ou plutôt les autres sont infinis selon la puissance, mais l'éternité est puissance; car la première éternité n'est pas autre chose que la puissance.[446] Remonte donc enfin à la source primordiale de l'infinité, et par ce mouvement d'ascension, en engendrant la cause secrète de tous ces infinis quelle qu'en soit la nature, tu verras, dans la mesure du possible, que c'est de là que découlent tous les infinis : ce sera, si tu veux, l'infini en soi ; tel qu'est, dans Orphée, le Chaos,[447] dont il a dit ce mot : « Il n'avait aucune limite » ; car l’éternité, quoiqu'elle soit infinie par le toujours, cependant assurément comme mesure des choses éternelles est aussi limite. Mais le Chaos est primairement infini, et exclusivement infini, et source de toutes les infinités, intelligible, intellectuelle, psychique, corporelle, matérielle. Tu vois donc combien il y a de classes d'infinités, et que toujours les secondes sont rattachées aux premières; car l'infinité matérielle est contenue dans son essence par la puissance de génération qui engendre toujours, celle-ci par le mouvement incessant de l'éther, ne peut jamais faire défaut, et ce mouvement incessant de l'éther est produit par le mouvement périodique, qui ne s'arrête jamais, de l’âme divine : car il en est une image; et le mouvement périodique de celle-ci est déroulé par la puissance continue et indéfectible du temps, parce qu'elle fait coïncider en une seule chose le commencement et la fin, parle maintenant du temps, τὸ νῦν χρονικόν, et l'acte du temps est infini par suite de l'infinité intellectuelle qui est toujours en repos. La raison vit à l'infini par l'éternité; car l'éternel vient à toutes choses de l'éternité, et c'est à elle que sont suspendus, pour tous les <Hres, pour les uns d'une manière plus évidente, pour les autres, d'une manière plus obscure, l'être et le vivre.[448] L'éternité est infinie, par la source de l'infinité, qui, d'en haut, donne l’indéfectibilité à toutes les substances, les puissances, les actes, les processions, les générations, et l'ordre des infinis remonte jusqu'à cette source et descend de cette source; car l’ordre des choses belles descend de la beauté en soi ; l’ordre des égalités, de la première égalité, et l’ordre des infinités de l’infinité en soi, αὐτοαπεφία : voilà ce qu'il y a à dire sur les ordres de l’infini.

Maintenant il faut examiner cette série de la limite, qui procède d'en haut en même temps que l’infini. Car le Dieu a produit à la fois ces deux causes, la limite et l’infini, ou si tu aimes mieux que nous parlions la langue Orphique : l’Éther et le Chaos.[449] Car le Chaos est infini, parce qu’il peut contenir toutes les puissances, toutes les infinités, qu'il embrasse les autres infinis et est pour ainsi dire le plus infini des infinis. La limite, c'est l’Éther, parce que cet éther limite tout et mesure tout. Ainsi donc la première limite, la limite en soi est la source, la marque indélébile, στίγμα,[450] préexistante de toutes les limites intelligibles, intellectuelles, hypercosmiques, encosmiques, elle est la mesure et le terme, ὅρός, de tout. La deuxième limite, est celle qui est selon l’éternité car l'éternité, comme nous l'avons dit, est à la fois infinie et limite; en tant qu'elle est l'auteur de la vie indéfectible, et comme puissance, le chorège du toujours, elle est infinie ; mais en tant qu'elle est mesure de tout acte intellectuel, le terme de la vie de la raison qu'elle définit d'en haut, elle est limite, lit par conséquent elle appartient à la catégorie des choses mélangées dont l’hypostase est composée de la limite et de l'infinité : de là vient que nous ne devons pas la dire : le primairement infini,[451] comme Socrate le dit dans le Philèbe,[452] car le primairement de chacun de tous les mélangés est séparé et élevé au-dessus d'eux. La troisième limite par conséquent, nous la devrons considérer dans la raison: car selon qu'elle demeure en elle-même dans la pensée, et qu'elle a une vie une et toujours la même, elle est déterminée et limitée; car le caractère d'être non transitive et d'être en repos,[453] appartient à la nature limitée; et en général étant nombre, évidemment par là elle participe de la limite. La quatrième limite est le temps, et en tant qu'il procède selon le nombre et comme mesure des périodes psychiques : car en toutes choses le mesurant, en tant qu'il mesure, et ce qui définit les autres, participant de la cause de la rimite, peut se mesurer soi-même et se déterminer.[454] La cinquième après les précédentes est le mouvement périodique de l'âme et le cercle qui se réalise toujours suivant la même loi ; c'est la mesure invisible des mouvements apparents; car le mouvement d'évolution des choses mues par un autre est déterminé par le mouvement circulaire de la vie. La sixième est le mouvement de l'éther qui s'accomplit selon la même loi, dans le même lieu, autour du même centre : elle limite de tous côtés l'élément désordonné des choses matérielles, se replie en un seul cercle et se détermine par soi-même; car l'infini de ce mouvement de l'éther consiste dans le encore une fois et encore une fois, mais non dans le fait de rebrousser chemin en arrière; il n'est pas infini, comme une ligne droite, ni comme l'infini d'ici-bas, privé de limite. Son mouvement périodique un est infini par le souventes fois. La septième limite est l'hypostase indéfectible des espèces, je parle des espèces matérielles, et le fait qu'aucune des choses formant des touts n'est détruite, que toutes choses sont déterminées, les individuelles par les générales et les parties par les touts;[455] elle montre l'opposition ici-bas de la limite par rapport à l'infini ; car tandis que les choses engendrées sont soumises à des changements d'une infinité d'espèces, cependant les espèces sont déterminées; elles demeurent les mêmes et ne deviennent ni plus nombreuses ni moins nombreuses.[456] Appelons huitième limite tout quantum qui est à l'état particulier dans les choses matérielles, comme nous avons plus haut appelé le quale infini, parce qu'il ne reçoit pas le plus et le moins[457] comme l'a dit Socrate dans le Philèbe. La neuvième limite est le corps sans qualité comme tout, ὅλον; car il n'est pas infini selon la grandeur, mais il est aussi grand qu'est le tout, το ττϊν; car nécessairement le sujet dans son tout est dit du tout, τοῦ παντός[458] La dixième limite est l'espèce matérielle, isolément prise, qui contient la matière^ circonscrit ce qu'elle a d'indéfini et d'amorphe; et c'est parce qu'ils n'ont eu en vue que cette limite que certains auteurs ont ramené la limite et l'infini, à la forme et à la matière. Tel est le nombre des classes de la limite. Nous aurons à en examiner sommairement les nombreuses différences.

Il nous reste à rechercher si l'un est dit infini dans le sens où nous prenons affirmativement l'infinité dans les êtres, ou dans un autre sens quelconque. Or s'il était dit infini dans le premier sens, il faudrait plutôt l'appeler non infini; car dans toute opposition contraire, il est nécessaire ou que l'un soit séparé des deux contraires, et ne soit ni l'un ni l'autre des deux, ou qu'il soit désigné lui-même plutôt par le nom du plus puissant des contraires ; car à la chose plus excellente de toutes, il faut attribuer l'indéfini, et non le caractère plus pauvre de quelque façon qu'on l'entende. Ainsi l'opposition contraire étant celle de l'un et de la pluralité.[459] Nous qualifions celle-là[460] de un, et l'opposition contraire étant celle du causant au causé, nous donnons à celle-là le nom de causant; carie causant est meilleur que le causé, et l'un que la pluralité. Or il faut la dire ou au dessus du causant ou au dessus de l'un, ou un et causant, mais non pluralité et causé. Car à quoi attribuerions-nous les propriétés les plus nobles, si nous renvoyions à l'un les pires d'entre-elles? Si donc la limite était meilleure que l'infini, ce n'est pas de l'infini que nous devrons emprunter le nom de celle-là;[461] car il n'est pas permis de tirer son nom du pire, mais bien du meilleur, par la négation, comme nous l'avons exposé plus haut. Car cet infini est la même chose que ce qui n'a pas de limite, comme ce qui n'a pas de parties est la même chose que l’indivisible, lorsque l'on place l'indivisible dans l'un. Et puisqu'il ne vient pas d'une autre cause, et qu'il n'y a pas quelque autre chose qui soit sa cause finale, naturellement, il est infini ; car chaque chose est limitée par son causant, et atteint par lui sa propre fin. Donc que la limite soit quelque chose d'intelligible ou quelque chose d'intellectuel, l'un est au delà de toute la série de la limite. Et si dans les Lois[462] le Dieu est dit la mesure de tout,[463] il ne faut pas s'en étonner. Car là, il est dit mesure de tout comme le désirable de tout, et le principe qui fixe et limite à toutes les choses leur être, leur puissance et leur perfection : mais ici il est démontré être infini comme n'ayant besoin d'aucune li mite, ni d'aucune autre mesure. Car toutes choses, par l'intermédiaire de celles-ci,[464] sont niées de lui dans son rapport à lui-même. Il est donc infini parce qu'il est au-dessus de toute limite, car il n'y a pas de limite dans le rapport à soi-même;[465] car il n'est, comme nous l'avons dit, ni commencement ni milieu ni fin.[466] C'est pour cela que nous avons identifié cet infini avec ce qui n'a pas d'extrêmes, comme l'indivisible avec ce qui n'a pas de parties, et que nous disons que par l'infini, est nié ce qui a des extrêmes,[467] sans faire entrer dans l'un ni la puissance ni la pluralité indéfinie, ni aucun autre des caractères exprimés par le mot infini, mais entendant ce qui n'est limité par rien,[468] qui n'a ni commencement propre ni fin propre, ce que nous appelons les extrêmes des choses qui les ont, et nous renvoyons (pour le désigner) à l'un seulement, en conséquence des caractères affirmatifs qui seront démontrés dans la deuxième hypothèse.[469]

 

 

§ 127 « Donc, il est aussi sans figure, car il ne participe ni de la figure ronde ni de la figure rectiligne. — Comment en effet? »[470]

Il a d'abord retranché de l'un les plusieurs, et cela en s'appuyant sur la notion commune; ensuite, le tout et ce qui a des parties ; et cela, par la raison que l'un n'est pas plusieurs ; en troisième lieu, il a dit qu'il n'a ni commencement, ni milieu ni fin ; et cela, par la raison qu'il n'a pas de parties ; (comme corollaire résultant de cette dernière conclusion, il a admis[471] qu'il est au-delà de la limite qui est coordonnée avec les parties et qui fait ce qui a des extrêmes: or la limite est double, comme commencement et comme fin). — Quatrièmement il retranche maintenant le droit et le courbe, que dans la deuxième hypothèse il rangera après ce qui a des extrêmes et ce qui a commencement, milieu et fin.[472] Mais avant de démontrer par un syllogisme en forme ce quatrième point, il exprime d'avance la conclusion par ces mots : « il est donc aussi sans figure. » Car il faut que les notions intellectuelles précèdent les syllogismes en forme scientifique, parce que la raison embrasse les principes de la science. Ainsi l'anticipation de la conclusion imite l'intuition de la raison qui saisit le tout en bloc,[473] et le procédé qui marche par des syllogismes imite et reproduit l'évolution de la science, qui procède de la raison. Et remarque bien que la conclusion est plus générale que les syllogismes;[474] car ceux-ci opèrent la démonstration on prenant séparément le droit et séparément le rond, tandis que la conclusion pose absolument que l'un est sans figure. Celle-ci est donc évidente. Mais maintenant parlons de ces figures ; ce sont là des espèces communes à toutes les choses étendues dans l'espace;[475] car nous divisons les lignes par le droit, le curviligne, le mixte ; de même aussi les surfaces et les solides, sauf que dans les lignes le droit et le curviligne sont dépourvus de toute figure, tandis qu'ils sont susceptibles de prendre une figure dans les surfaces et les solides. Les uns sont nommés rectilignes, les autres curvilignes ; ce qui en est composé est appelé mixte. Il est évident que Platon entend ici tout ce qui laisse voir des[476] figures, et non ce qui est seulement droit et courbe, mais n'a pas de figure:[477] Car il a été dit déjà et démontré que l'un n'a pas de limite ; de sorte qu'il faut nier de lui le droit qui a des limites: et tel est ce qui a une figure ; car il entend par limites ce qui enveloppe et comprend les choses limitées, ce qui n'arrive qu'aux choses ayant figure.

Mais il importe en outre d'admirer la parfaite rigueur des termes du texte; car il n'a pas dit qu'il n'est ni droit ni courbe, (car il n'a pas encore formulé cotte conclusion qu'il est sans figure; car qu'est-ce qui l'empêchait d'avoir une quelconque des figures mixtes, par exemple, la figure cylindrique ou conique ou quelque autre des figures mixtes),[478] mais il a dit qu'une participe ni du droit ni du rond ; car si nous lui attribuions quelque une des figures mixtes, il participera de ces deux à la fois. Voici ce que je veux dire ; si nous cherchions si la nature[479] est quelque chose de blanc ou de noir, après avoir démontré qu'elle n'est ni quelque chose de blanc, ni quelque chose de noir, il n'est pas encore prouvé nécessaire ment qu'elle est sans couleur; mais s'il est prouvé qu'elle ne participe ni du blanc ni du noir, il est prouvé certainement qu'elle est sans couleur ; car les intermédiaires jouissent de la participation de ces deux couleurs à la fois, puisque les moyens sont composés des extrêmes. Il a donc dit que l'un ne participe ni du rond ni du droit, afin qu'il n'ait aucune de ces figures, ni aucune des figures mixtes, parce que ces figures mixtes participent nécessairement des deux extrêmes. Carie cône et le cylindre ont certainement certains extrêmes, et un commencement comme un milieu, parce qu'ils participent du rond et du droit, de sorte que l'argument qui supprime la participation de ces deux ci, supprime en même temps la participation des extrêmes et des moyens.[480] Il y a en outre ceci d'évident : c'est que cette conclusion est plus particulière que celle qui la précède ; car si quelque chose participe de la figure, elle a des extrêmes et un moyen ; mais tout ce qui a des extrêmes et un moyen ne participe pas par cela même de la figure ; car il est possible qu'une ligne ait des extrêmes et un milieu, et de même le nombre, le temps, le mouvement qui sont tous cependant des choses sans figure. Donc cette proposition est plus universelle que participer de la figure ; c'est pourquoi avec elle-même elle supprime le fait de participer de la figure; mais elle n'est pas la cause de la négation de cette dernière. Or le passage de la figure au rond et au droit s'est opéré très rationnellement;[481] car il était possible de nier en générai de l'un la figure, en montrant que la figure a une limite et un terme, et que l'un ne peut recevoir aucune limite ni aucun terme.[482] Mais il veut produire son raisonnement selon les deux séries coordonnées en partant d'en haut, et ainsi il a pris tout d'abord, après les plusieurs, le tout et les parties, puis ensuite les extrêmes et le moyen, puis enfin le droit et le rond ; et en outre ce qui est dans soi-même et dans un autre, ensuite le être debout et être couché ou assis,[483] et par ce lemme, il montre que l'un n'est aucune de ces choses ; car il est impossible qu'il soit les deux contraires à la fois (car il ne demeurerait plus un, conformément à l'hypothèse) ni l'un des deux ; car il aurait en lui même son contraire et son contradictoire. Or il faut qu'avant toute opposition de contraires soit l'un, ou alors il ne serait pas cause de tout ; car il ne serait pas cause des choses dont il est le contraire. Mais procédant selon les deux séries des êtres, il passe maintenant très correctement de la figure au droit et au rond, et par cette transition, il dispose son raisonnement de telle sorte qu'après ces figures il pourra nier de l'un toute autre figure -— Voilà ce que nous devions dire au sujet des mots mêmes du texte.

Mais puisque[484] la sommité intelligible des intellectuels, qu'il appelle dans le Phèdre le lieu hypercéleste, est désignée là de sans couleur et sans figure et d'intangible, devrons-nous donc de même[485] dire que cet ordre, comme aussi l'un, est sans figure, ou faut-il le qualifier autrement, et de quelle manière? Car le mode de négation n'est pas le même et pour cet ordre et pour l'un: car dans cet ordre, il nie certaines déterminations et en affirme certaines autres; car il dit qu'il est la substance même des êtres, visible seulement au gouverneur de l'âme, (la raison) et qu'autour de lui est le genre de la science véritable, parce qu’il y a un autre ordre avant lui, que celui-ci est séparé et au-dessus de certaines choses ; mais il participe de certaines autres, tandis que de l'un, il nie tout, et n'affirme rien ; car il n'y a rien avant l'un, et il est séparé et au-dessus de tous les êtres également. Le mode de l'élimination est donc différent, et si tu veux faire sérieusement attention aux mots eux-mêmes, tu trouveras qu'il a eu raison d'appeler cet ordre sans figure, et de dire que l'un n'est participant d'aucune figure. Chacune de ces formules n'est donc pas identique à l'autre, comme l'indivisible n'est pas identique à n'avoir aucune partie. C'est de la même manière qu'il a appelé cet ordre la substance sans figure, et qu'il a dit de l'un qu'il n'est participant d'aucune figure. Si donc il faut exprimer franchement ce que je pense, cet ordre là, comme produisant la figure intellectuelle, a été dit sans figure, parce qu'il est absolument supérieur à la figure et qu'il engendre cette espèce de figure : il n'est donc pas abaissé au-dessous de la figure intelligible; car la raison intelligible ombrasse et comprend les causes intelligibles de la figure, du tout, de la pluralité et de tout. Et il y a des figures qui sont absolument[486] inconnaissables et inexprimables,[487] ce sont celles dont la manifestation extérieure commence par les intelligibles, qui sont connaissables à la seule raison intelligible, et dans d'autres choses, en tant qu'il y a quelque chose de semblable, comme cela est, les figures de tous les Dieux qui viennent après cette raison, sont déposées en eux, par elle. Les unes sont connaissables et exprimables, parce qu'elles sont en rapport de convenance avec les puissances des Dieux, mais non avec leurs hyparxis mêmes, selon lesquelles ils possèdent la propriété d'être Dieux, et parce qu'elles sont en rapport de convenance avec les substances intellectuelles par le moyen desquelles elles se manifestent aux regards intellectuels des âmes. De toutes ces figures la cause uniforme et unique est embrassée et contenue dans la raison intelligible. Le lieu hypercéleste, qui est la sommité des intellectuels, est le principe de toutes les figures intellectuelles, comme nous l'avons montré en commentant et expliquant le Phèdre.[488] C'est pourquoi il est, à la vérité sans figure, mais n'est pas purement (et sans réserve) séparé et au-dessus de toute figure. Il a donc procédé, il est vrai, selon la sommité du Père, et selon son caractère inexprimable ; mais il est plus pauvre que les figures qui sont en lui.[489] L'un a établi son fondement absolument au-dessus de tout le diacosme des figures, et du diacosme secret, et du diacosme intellectuel, et il est séparé et au-dessus de toutes les figures et inconnaissables et connaissais. Quelle différence y a-t-il entre elles, cela est facile à connaître à ceux qui ont entendu la voix des Dieux.[490] Que Platon a lui aussi connu ces figures, nous l'avons montré par d'autres raisons, et voilà pourquoi il dit que l'un ne participe d'aucune figure; car la cause intelligible des figures et la figure intellectuelle est abaissée au-dessous de l'un. Donc le sans figure n'est pas la même chose que n'avoir aucune figure, comme il a été dit plus haut.

 

 

§ 128. — « Or, rond est,[491] n'est ce pas, ce dont les extrêmes sont de tous les côtés à égale distance du milieu? — Oui. — Et le droit n'est-ce pas ce dont le milieu est en avant[492] des deux extrêmes. — Parfaitement.[493] »

Ce droit et ce rond, et le fait que les définitions ici formulées sont vraies, appliquées aux choses divines, il est évident qu'il ne faut pas les entendre dans le sens mathématique ni dans le sens vulgaire, mais d'une manière qui est en rapport de convenance avec la recherche qu'on se propose de faire ici. C'est pourquoi quelques auteurs ont dit que le droit, c'est la propriété de la raison de ne pas se laisser incliner ni modifier, le rond ce qui se replie sur lui-même et agit sur lui-même : c'est la notion qu'en donne Parménide quand il proclame l'être :

« Semblables la masse d'une sphère, qui, de tous ses points, est à égale distance du milieu.[494] »

C'est ce qui a fait dire à quelques écrivains que Platon, par cette démonstration, fait allusion au Parménide des poèmes qui dit,[495] que l'un est séparé et au-dessus de toute figure soit périphérique, soit droite. Pour nous, nous n'admettons pas cette explication qui s'écarte de la philosophie[496] des anciens, et qui nous représente Parménide s'accusant lui même, et cela dans une scène d'un dialogue de Platon, dans laquelle se trouvent bien des épithètes données à Parménide qui proclament le respect qu'il avait pour ce grand homme : car celui-ci ayant en vue un certain un, celui-là un certain autre ils n'ont ni l'un ni l'autre affirmé ni nié la forme sphérique de l'un. Quant à ce droit et à ce rond, nous les interprétons selon la procession et la conversion;[497] car la procession se perçoit dans le mouvement droit, et par là se fait à elle même une fin. Donc chacun des intellectuels procède dans toutes choses selon la ligne droite, et se retourne (selon la ligne courbe[498]) vers son propre bien, qui est dans chaque chose son milieu, parce que chaque chose, de tous ses côtés, semblablement embrasse son bien, appuie sur lui comme sur un centre toute sa pluralité et toutes ses puissances. Si[499] donc tu soutiens que chacun des intellectuels est rond, c'est parce que tous sont à égale distance de leur milieu ; car il est unifié par le tout de lui-même à son propre bien, et il n'est pas d'un côté plus, d'un autre moins éloigné, comme des chevaux de notre âme, l'un conduit vers le bien, l'autre est incliné par son poids vers la terre ; mais de tous les côtés semblablement chaque intellectuel embrasse son bien qui fait fonction de centre, tandis que le droit est ce dont le milieu s'oppose aux extrêmes. Si tu soutiens que selon la procession les choses se séparent les unes des autres, le procédant du demeurant, le plurifié de l'unifié, tu auras raison de le dire, et tu auras touché la vérité des choses. Car si tu veux y regarder, tu verras que c'est la procession qui distingue les choses les unes des autres et, en procédant, fait les unes premières, les autres intermédiaires, les autres les dernières, et fait que les intermédiaires sont les principes de la distinction des premières et des dernières, et pour ainsi dire en avant d'elles. La conversion au rebours rattache toutes les choses ensemble, et concentre dans l'un le désirable commun des êtres. Il y a donc dans les moyens l'un et l'autre des termes extrêmes, (droit et rond), dont participent primairement les genres intellectuels des Dieux, qui à la fois procèdent et se retournent vers eux-mêmes ; car ce sont eux qui sont surtout caractérisés selon la procession;[500] après ceux-ci, les urnes participent secondairement du droit et du rond, parce qu'elles procèdent linéairement, mais ensuite se recourbent en cercle[501] et se retournent vers leurs propres principes ; au dernier degré participent les choses sensibles ; car les figures rectilignes se retrouvent en elles, par leur propre nature, étendue et divisée, ainsi que la forme sphérique qui contient toutes les figures encosmiques. C'est pourquoi Timée a fait le monde universel, sphérique,[502] et par les cinq figures qui sont seules équilatères et équiangles, a orné les cinq parties du monde, les imprimant toutes dans la sphère et les unes dans les autres. Par quoi il est évident que ces figures procèdent d'en haut, d'un certain ordre divin très élevé, et qu'elles sont les agents de la beauté de tous les indivisibles, comme la raison, des divisibles comme le monde visible, des choses mixtes, comme l'âme. Il est facile de voir aussi dans la génération ces deux figures : d’une part la périphérique selon le cercle d'ici bas, (car la génération revient à elle-même par un mouvement circulaire), comme il est dit dans le Phèdre,[503] et la droite, selon la procession une de chaque chose qui procède de la génération et va à son point de perfection ; et ce point de perfection, c'est, ici bas, le terme moyen qui est à l'opposé des extrêmes ; car qui arriverait à l'un des deux, puisque,[504] de même que dans la ligne droite, la route qui part d'un des extrêmes et aboutit à l'autre passe nécessairement par le milieu.[505] Donc c'est d'en haut, des intellectuels, que descendent ces figures et qu'elles pénètrent jusque dans les choses engendrées, le droit devenant cause de la procession, le périphérique de la conversion. Si donc l’un ne procède pas de lui-même ni ne se retourne vers lui même, parce que le procédant est deuxième après le produisant,[506] et que lèse retournant a besoin d'un désirable, il est clair qu'il ne participe ni de la figure droite, ni de la figure ronde. Car comment procéderait-il, n'ayant pas un principe efficient de lui-même ni en lui-même ni avant lui-même, afin qu'étant deuxième ou dyadique il ne soit pas privé de l'un, et comment se retournerait il, n'ayant ni fin ni désirable? Donc la figure ne convient pas à l'un, qui n'a ni fin ni commencement, comme il a été démontré par ce qui précède. Il ne faut pas non plus rechercher pour quel motif c'est par les espèces de figure droite et périphérique, qu'il a montré que l'un est au-delà de toute figure, et n'a pas défini le genre lui-même, par exemple : que la figure est une limite enfermante, ou ce qui est contenu par quelque chose, ou par quelques termes limitatifs ; c'est qu'il a voulu procéder par les contraires et montrer que l'un est séparé et au dessus d'eux, et, selon cette règle générale qui s'applique à tout, qu'il n'est pas possible que l'un soit le pire de ces contraires, d'une part afin qu'il n'y ait pas quelque chose de meilleur, et qu'il n'est pas le meilleur de ces contraires, afin qu'il n'y ait pas quelque chose qui lui soit contradictoire. C'est donc dans ce sens qu'il le montre pur du droit et du périphérique, et tu vois encore une fois comment il tire ces conclusions de ce qui a été dit antérieurement, à savoir que l'un n'a ni commencement, ni milieu, ni fin, par la nécessité géométrique qui veut que toujours les conséquents soient amenés par la démonstration des antécédents, et tu vois que, avant cela, il imite la procession en ordre régulier des êtres qui descendent[507] depuis les premiers successivement et sans cesse dans les deuxièmes et les plus particuliers.

 

 

§ 129. — « L'un ne saurait donc avoir de parties, ne peut être plusieurs[508] ni participer soit de la figure droite, soit de la figure ronde. — C'est une conséquence nécessaire. — Il n'est donc ni droit ni périphérique, puisqu'il n'a pas de parties. — C'est parfaitement juste.[509] »

Tout l'ordre moyen de ce qu'on appelle les intelligibles et intellectuels, a donc été ici complètement traité et épuisé, puisque toutes les processions qu'il renferme ont été expliquées, placées en deçà de l'un, et, comme nous l'avons souvent dit, suspendues à l'un, puisque les négations, comme il a été exposé, sont mères des affirmations. Il est donc rationnel que dans la conclusion, par un mouvement de conversion qu'il fait opérer à tout cet ordre, il remonte à l'un, et jusqu'aux premières déterminations niées; car si l'un avait figure, il serait aussi plusieurs ; il rattache donc la figure aux plusieurs par l'intermédiaire des parties, et démontre que tous ces genres sont au dessous de l'un. La distinction des diacosmes divins est chez lui si grande, qu'il n'a pas voulu lier les négations qui se suivent, sans avoir auparavant fait retourner tout cet ordre vers lui même, et montré la parenté de tous les genres que nous avons plus haut énumérés. Maintenant dans quelle espèce d'ordre des êtres est le droit et le périphérique, nous le saurons plus clairement dans ce qui suit, et nous apprendrons aussi que les genres intelligibles et intellectuels des principes universels[510] vont jusqu'à cet ordre. Pour le moment, voici seulement tout ce qui est clair: c'est qu'il ne nous faut pas placer l'un comme appartenant à cet ordre, mais l'en séparer, comme il faut en séparer même les autres ordres[511] qui sont avant celui-ci.


 

[1] T. VI. 3. Col. 1039.

[2] λλο τι , sous-entendu ἔστιν. Y a-t-il quelque autre chose de possible, que... c'est-à-dire, n'est-il pas vrai, n'est-il pas certain que : λλο τι δικομεν, n'est-il pas certain que nous commutions une injustice, ἄλλο τι ἢ οὖν πάντα ταῦτα ἂν εἴν μία ἐπιστήμη ; n'est-il donc pas nécessaire que tout cela ne constitue qu'une seule et même science. Cf. G. Curtius, Gr. Grecq. § 608. Matthiœ, Gr. Gr. § 487, 9. La locution correspond en latin à an et à nonne.

[3] Parm., 137. c.

[4] Stallbaum sur ce passage dit : Cetenim copiosa est Procli de hoc loco disputatio : — quam totam excutere et examinare noluimus ; singula quœdam excerpsimus, ne legentibus taedium crearetur.

[5] T. VI. 4. Col. 1039.

[6] ὅροι qu'il appelle plus haut λόγοι dont est tirée l'hypothèse et que Gogava traduit par termini : numerus hypothesium par terminis. Mais il n'y a pas lieu de changer.

[7] T. V. 5. Col. 1040.

[8] Stallbaum lit : ὅν τι τὸ ἕν: Cousin supprime les deux premiers mots.

[9] Cette parenthèse est obscure. Cousin ne fait aucune remarque. Stallbaum, au mot έπ' άλλον mais en la visant, dit avec raison : praecedentia corruptela laborant.

[10] T. VI. 6. Col. 1041.

[11] ἁπλῶς sans modifier ni restreindre ni élargir le sens.

[12] ἀδύνατα.

[13] C'est-à-dire l'un possédant l'être comme une de ses manières essentielles d'être.

[14] « L'imparticipable joue le rôle d'une monade : il appartient à lui seul et à lui-même, et non à un autre; il est séparé et au-dessus, ἐξηρῃμένον, ses participants et engendre les choses capables de participer. » Procl., Instit. Theol., XXIII. p. 42. t. 3. Creuzer. Au fond, c'est ce qui pour subsister n'a pas besoin d'une autre chose. La raison imparticipable est donc celle qui n'a pas besoin d'une âme qui coexiste avec elle, et qui même eu est comme exempte, et l'âme imparticipable colle dont l'hypostase ne dépend pas d'un corps, et au contraire en est affranchie, ἐξηρῃμένον.

[15] T. V. 7. Col. 1041.

[16] Cf. plus haut, L. I. Col. 635 trad. Fr. t. I. § 13, p. 65 : οτοι μὲν δὴ ταῦτα ἀντιφαῖεν ν, λογικὸν τιθέμενοι καὶ αὐτοὶ τὸν σκοπόν.

[17] Stallb. lit : οδ au lieu de ο δὲ. Son texte est plein de pareilles négligences.

[18] T. VI. 8. Col. 1042.

[19] πιφοράς, au lieu duquel mot, qui convient assez peu ici, les manuscrits b et c donnent διαφοράς.

[20] διάρθρωσις. C'est la décomposition d'un tout en ses parties organiques, d'un corps vivant et selon l’ordre de leurs fonctions en ses membres, ce qui seul permet d'en pénétrer profondément l'essence; c'est le désarticuler. Arist., Met., l. 5. 986. b. 5 : σαφῶς μὲν οὐ διήρθρωται. Bonitz. l. 1 : « διαρθροῦν est rem aliquam quasi per membra et artus distinguere et certum in ordinem redigere ut unius corporis referant similitudinem. » Cette nécessité d'observer dans l'analyse l’ordre vivant de la chose pour n'en pas méconnaître l'unité et l'essence, fait que διαρθροῦν est employé comme équivalent de ῥυθμίζειν. Met., XII. 10. 1075 b. 12 : « οἱ τναντία λέγοντες οὐ χρνται τοῖς ἐναντίοις, ἐὰν μ ῥυθμίζῃ τις, nisi quis de suo ingenio eomm sententias ad justam redegerit formam. » Cf. Met., l. 8. 989. b. 32 « κατ λόγον, ὃν κενος ατς (Anaxagore) μὲν οὐ διήρθρωσε, secundum rationem quam Anaxagoras ipse non est persecutus neque ad finem perduxit. » C'est à peu près, semble-t-il, le même sens qu'a διαγράφε.ν dans le passage (Met., X., 3. 10 54. a. 30) : ὥσπερ καὶ ἐν τῇ διαιρέσει τῶν ἐναντίων διεγράψαμεν et ἀναράφειν, opposés tous deux à περιγράφειν qui est expliqué dans Met., V. I. 1025. b. 88 : ἀλλὰ πᾶσαι αὖται (ἐπιστήμαι) περὶ ὄν τι καὶ γένος τι περιγραψάμεναι, et plus clairement et plus explicitement par ποτυπσαι, dans : Eth., I. 7 : περιγεγράφθω μὲν οὖν τὸ ἀγαθόν ταύτη δεῖ γὰρ σως ὑποτυπῶσαι πρῶτον, εἴθ’ ὕστερον ἀναγράφειν δόξειε δ’ ν παντὸς εἶναι προαγάγειν καὶ διάρθρωσαι τὰ καλῶς ἔκοντα τῇ περιγραφῇ.

[21] Mots omis dans les manuscrits b et c.

[22] Au lieu de παντεποπτοῦ ἑνός, l’épopte universel, Taylor lit : παντελῶς τοῦ ἑνός.

[23] ἀρχικόν, dont l'essence est de commencer et de commander, d'être principe en un mot.

[24] Les verbes principaux de ces deux phrases sont au participe : l'apodose est omise.

[25] πράγματα s'oppose à λέξις et enveloppe l'idée de tout contenu, soit idéal soit matériel, soit subjectif soit objectif, soit intelligible soit sensible.

[26] Plat., de Rep., VI. 508. a. Τίνα οὖν ἔχεις αἰτιᾶσθαι τῶν ἐν οὐρανῷ θεῶν, τούτου κύριον, οὖ ἡμῖν τὸ φῶς ὄψίν τε ποιεῖ ὁρᾶν ὅ τι κάλλιστα καὶ τὰ ὁρώμενα ὁρᾶσθαι... id est : cujus lumen nobis efficiat ut et visas quam pulcherrime cernat et res sub aspectum cadentes cernantur. Procl., in Plat. Theol., II. 91.

[27] Au lieu de ἐκ τοῦ κρυφίου φωτός, Cousin lit φασίν, avec le manuscrit d. et le manuscrit de Harley, et sous-entend τὰ Λόγια. Cf. Procl., in Tim., 204. c. « Nous considérerons donc le soleil sous deux formes, et comme un des sept astres, et comme chef du Tout (ἡγέμονα), comme encosmique et comme hypercosmique, suivant qu'il fait briller la lumière divine, comme le bien fait briller la vérité qui divinise, (ἐκθεω ou ἐκθέω, ἐκθεοῦσαν, ou qui se répand sur) les diacosmes intelligibles et les intellectuels, ainsi que Phanès, dans Orphée, projette la lumière intelligible qui remplit de pensée les dieux intellectuels, comme Zeus suspend la lumière intellectuelle et démiurgique sur tous les dieux hypercosmiques. Car c'est ainsi que le soleil éclaire tout le monde visible par cette pure lumière et qu'il est toujours l'éclairant, dans un ordre supérieur, des choses éclairées. Analogue à lui, le soleil hypercosmique répand les sources de la lumière, et les traditions les plus mystiques nous ont fait connaître sa totalité dans les hypercosmiques. Car là est le monde héliaque et la lumière universelle, comme le disent les Paroles vraies des Chaldéens φῆμαι, et, comme j'en suis convaincu. » Procl., in Plat. Theol., II, p. 98 : « et par là le soleil, qui est la sommité des encosmiques et qui procède des abîmes de l'Ether, communique sa perfection surnaturelle aux choses visibles, et les fait, dans la mesure du possible, semblables aux mondes hypercélestes. »

[28] T. VI. 10. Col. 1044.

[29] Cf. Plat, de Rep., VI. 508. a. b. c. ; Procl., in Plat. Theol., II. p. 91.

[30] Procl., in Plat. Theol., II, p. 98 : « Car de même que la monade des encosmiques est hypercosmique, que celle des hypercosmiques est intellectuelle, et que celle des intellectuels est intelligible, de même les intelligibles sont suspendus primairement à la monade qui est au-dessus des intelligibles, sont remplis par elle, et, remplis de cette divinité, éclairent les choses inférieures de la lumière intelligible. »

[31] Au lieu de τοῦ νοῦ le manuscrit c. donne τοῦ νοητοῦ.

[32] T. VI. II. Col. 1045.

[33] Les mots entre parenthèses sont omis dans les manuscrits b et c.

[34] Car le corps même est une espèce, εἶδος.

[35] J'ajoute ἄλλων.

[36] Sans l'interposition d'intermédiaires, προσεχῶς.

[37] La racine, ῥίζα.

[38] ὑπερέχουσαν. Taylor conjecture assez inutilement ὑπάρχουσαν.

[39] Stallb. lit ἀναιρεῖν au lieu de ἀνευρείν. Ιl est étrange qu'un si savant éditeur ait laissé passer des fautes si grossières.

[40] T. VI. 12. Col. 1046.

[41] Aristote ne dit pas qu'elle est Dieu, ni même divine, mais démonique. De divin. per somn. c. 2 : ἡ γὰρ φύσις δαιμονία, ἀλλ'οὑ θεία.

[42] Au lieu de μέρος. Cousin lit ἀμερές avec le manuscrit Harley.

[43] Je lis γνωστικόν au lieu de γνωστόν.

[44] ἄλογος.

[45] Plat., Symp., 202. a. ἄλογον γὰρ πρᾶγμα πῶς ἂν εἴη ἐπισιήμη.

[46] Cf. Procl., de Provid., Col. 150 « Oportet autem et, ut daemonitts Aristoteles docet, post si est, quaerere consequenter quid est. Arist., Anal. Post., II, I : γνόντες δὲ ὅτι ἐστὶ, τί ἐστι ζητοῦμεν. Cf. Proclus, in Alcibiadem.

[47] Il y a dans les manuscrits des erreurs manifestes : Cousin lit avec raison ὡς γὰρ au lieu de οὐ γάρ. D'un autre côté, le verbe στιν au singulier ne se construit que difficilement si l’on conserve au pluriel ὅλου νοήσεις. Je lis donc καὶ ὅλου νόησις οὐχὶ καὶ τῶν ἄλλων ἐστιν ὁμοίως νοητῶν.

[48] Τ. VI. 13. Col. 1046.

[49] Elles impliquent toutes également une pluralité.

[50] Ici encore il y a des fautes irréparables dans les manuscrits ; dans la phrase : οὐ τοιοῦτον πάρχον οἶον ἡ τῶν νοητῶν ταὐτότης, Cousin lit νοερῶν, à cause de la phrase qui suit, τὸ δὲ ἓν ἐπέκεινα τῆς νοερᾶς οὐσίας.

[51] τὸ συνεκτικόν, continere aliquid ne ejus partes dilabantur.

[52] La raison a une fonction intuitive, une fonction intellectuelle ou raisonnante, une fonction critique.

[53] Il n'y a donc pas identité, comment il vient de le dire, dans les propriétés ; elles n'ont de commun que la substance qui est d'être esprit : Dieu est l'esprit ; l'Esprit est Dieu. Hegel répète la formule en se bornant à ajouter le mot absolu à l'esprit.

[54] Sur ces mots, une note en lettres rouges dans la marge du manuscrit c. dit : (Col. 1047, l. 22 Stallbaum p. 823 n. 3) Διονύσιος ὁ Μέγας ἐκ τοῦ Προφήτου παρειληφώς que ne mentionne pas, et c'est singulier, Cousin, pas plus qu'il ne mentionne, Col. 1049) une remarque à peu prés identique à propos de la proposition : « Car ces Hénades hypersubstanticlles sont suivant l'expression de quelqu'un, des fleurs et des sommités, ὥς φησί τις, ἄνθη καὶ ἀκρότητες » où le manuscrit c. ajoute en marge : « Faites attention : c'est du grand Denys, τοῦ μεγάλου Διονυσίου » Stallbaum p. 825, n. 3. Ce passage fait naître de très nombreuses questions et difficiles à résoudre : Quel est ce grand Denys? Est-ce l'évêque d'Alexandrie qui vivait au iiie siècle, et qui porte précisément ce nom de grand ? Mais non seulement il ne fait pas du Verbe, Λόγος, Dieu même, mais il en fait sa créature, ποίημα Θεο. Je crois plutôt qu'il s'agit de Denys l'Aréopagite, dont les œuvres sont un des derniers développements de l'école néoplaticienne, et qui est tout entier suspendu à Proclus. Il ne serait pas difficile, si c'était ici le lieu, de trouver dans son œuvre mystique, ou la proposition textuelle de Proclus, ou une formule qui s'en rapprochât beaucoup. Quant au Prophète d'où Denys l'aurait extraite, ἐκ τοῦ Προφήτου παρειληφώς, je ne vois guère que St-Jean l’Evangéliste qui ait pu l'inspirer ; car il dit au ch. I. v. 1 : « Au commencement était le Verbe, Λόγος, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. » 2 « Il était au commencement avec Dieu ».

[55] Cf. de Provid., col. 172. « Fiat igitur (intelligens anima) unum ut videat τὸ unum, magis autem ut non videat τὸ unum. Videns enim intellectuale videbit, et non supra intellectum, et quoddam unum intelliget et non τὸ auto-uuum, αὐτοέν. »

[56] Cousin renvoie le passage Col. 1047 l. 21 μεθύουσα δ. ὥς τίς φησι, à Plotin, Εnn., VI, 7, 35 ὅταν ἄφρων (νοῦς) γένηται μεθυσθεὶς τοῦ νέκταρος, et le second, Col. 1019, l. 37 καὶ, ὥς φησί τίς, ἄνθη καὶ ἀκρότητες aux oracles de Zoroastre. Fragm. 58: ἔστι γὰρ τι νοητὸν ὂ χρὴ δὲ νοεῖν νοοῦ ἄνθει, et à Plotin, Enn, ν. 8, 10 : τοῖς δὲ διὰ παντὸς οον ονωθεῖσι καὶ πληρωθεῖσι τοῦ νέκταρος.

[57] Les êtres, la lumière, la connaissance.

[58] T. VI. 14. Col. 1048.

[59] Phaed., 245 c.

[60] ὁρμωμένων sans article. Je lirais volontiers ὁρμώμενον.

[61] C'est pour cela, dit Cousin en note, que Damascius a intitulé son Commentaire sur le Parménide Περὶ ἀρχῶν, des Principes. J'ai dit ailleurs que le Traité des Principes n'est pas un pur commentaire du Parménide, mais un traité dogmatique. Cf. Damasc. Trad. Fr. Préface.

[62] Les pythagoriciens, comme il va le dire plus clairement tout à l'heure.

[63] T. VI. 15 Col. 1048.

[64] Elles ont une essence propre, pure et distincte.

[65] Les hénades sont des Dieux.

[66] τὴν συνοχικήν.

[67] T. VI. 16 Col. 1049.

[68] Il y a ou des erreurs chez les copistes ou des négligences dans la composition. On ne sait trop comment expliquer la proposition au génitif, ἐχούσης τῆς μὲν. — Cousin au lieu de ἡ μὲν ἀμεθέκτον, ἡ δὲ μεθεκτόν, lit ᾗ μὲν, δὲ.

[69] On ne trouve nulle part une définition de ces mots largeur, profondeur, longueur, appliqués aux idées : On ne peut s'en rendre compte que par des exemples : Ainsi, le monde étant animal — doué d'une âme — doué d'une raison, ζῶον, ἔμψυχον, ἔννουν, le corps, l’âme et la raison, constituent sa largeur (Procl., in Tim., III. 139 d.) la vie caractérisant la largeur psychique, de l’âme, (in Parm., Col., l. 219 — Le Temps et n° 4). — D'un autre côté les trois facultés de l'intellect, du raisonnement, de l'opinion conjecturale, νοεραὶ, διανοητικαὶ, δοξαστικαί constituent la profondeur de l'âme. (Extraits de Proclus, manuscrit 193 du Vatican : ψυχῆς βάθος τὰς τριπλᾶς αὐτῆς γνωστικὰς δυνάμεις φησι, νοερὰς, διανοητικάς, δοξαστικὰς. — Cf. M. Psellus Migne, t. 122, p. 1.137, c. : ψυχῆς βάθος αὶ τρςπλαὶ αὐτῆς δυνάμεις.

[70] ὑπεστρωμένης αὐτοῖς, c'est-à-dire à l'intelligible, à l'intellectuel, et à l'intelligible et intellectuel.

[71] Proclus, in Plat. Theol. II, p. 122-125.

[72] Ce qu'elles ont de commun et de distinct.

[73] Au-dessus de l'être ou de la substance.

[74] Ici encore on lit en marge du manuscrit. « Remarquez : c'est du grand Denys » Cousin qui ne mentionne pas cette note marginale, croit que Proclus vise les Oracles de Zoroastre, Fr. 58. ἔστι γρ τι νοητὸν ὅ χρ σε νοεῖν νόου ἄνθει. Cf. Plot., Enn., V. 8. 10.

[75] τὸ ἡγούμενον la proposition qui contient le si.

[76] Il y a quelque chose qui cloche dans la comparaison ; ce n'est évidemment pas par leurs têtes κορυφαῖς, que les arbres ont leur fondement dans la terre, mais par leurs racines. J'ai ajouté : même pour adoucir ce qu'il y a là d'étrange, au moins en apparence.

[77] Ce qu'elles embrassent dans leur extension.

[78] T. VI. 18. Col. 1050.

[79] τῆς περὶ τῶν ἀρχῶν ἑνάδος θεωρίας ; je supprimerais volontiers ici ἑνάδος.

[80] T. VI. 19. Col. 1051.

[81] Je lis avec Gogava et Cousin νοειδής au lieu de ἑνοειδής ; car Proclus vient de dire : « Les choses premières ont la figure de leur propre cause ». Il faudrait lire sans doute νοοειδής ; mais ni l'un ni l'autre ne se trouve dans nos lexiques.

[82] ὡδὶ μὲν ἀποφάσκει, καταφάσκει δὲ ἐπ’ ἄλλων. Peut-être faudrait-il lire : ἄλλως.

[83] Cf. plus loin. Col. 1063 n. 1. Proclus, Theol. Plat., I. p. 21-29.

[84] Je lis avec trois manuscrits τῶν ἄλλως ὑφεστηκότων au lieu de τῶν ἄλλων qu'adopte Cousin d'après le manuscrit c.

[85] T. VI. 20. Col. 1052.

[86] ἁπλῶς c'est-à-dire sans la déterminer soit par des réserves, des restrictions, ou des additions.

[87] T. VI. 21. Col. 1053.

[88] Toutes les catégories de la matière appartiennent ainsi à l'ordre des principes.

[89] T. VI. 22. Col. 1053.

[90] Les manuscrits et les éditions donnent tous ἧττον ἄμεμπτος : le sens exige μεμητός, à moins que l'on n'entende l’α dans le sens du renforcement et non de la privation.

[91] πῶς γὰρ ἡ ἀρχὴ τῷ σῶματι κεκοσμημένον.

[92] Τ. VI. 23. Col. 1054.

[93] Je supprime καθ' devant ὕπαρξιν. On connaît la distinction de l'hypostase, qui est l'existence réelle, objective, et de l’hyparxis qui en est seulement le fondement abstrait, le premier commencement, la première exposition, ἡ πρώτη ὑπόθεσις. Cf. Damascius § 121. et Chaignet, Hist. de la Phil. d. Grecs, t. V. p. 338.

[94] Proclus est un réaliste.

[95] En marge du manuscrit a. on lit : Ἰαμβλίχου δόξα : ce qui s'accorde avec les opinions attribuées par Damascius à Iamblique au sujet des hypothèses. Cf. Damascius de Princip., § 70 et 113.

[96] La 2e est omise ici.

[97] Damasc., de Princip., §397. trad. Fr. t. III. p. 113. « Il reste donc que l'hypothèse (la 3e) ait pour objet les êtres qui accompagnent toujours les Dieux, d'après le Grand Iamblique. Car c'est là de toutes les interprétations anciennes la plus vraisemblable ». Ce n'est pas l'opinion de Proclus, qui va dire : τοῦτο δὴ τὸ παραδοξότατόν φασι, et d'ailleurs Damascius lui-même n'accepte pas l'interprétation d'Iamblique et même la réfute.

[98] T. VI. 24. Col. 1055.

[99] Procl., Plat. Theol., I, p. 31. « Outre ces hypothèses, il y en a quatre autres qui en supprimant l'un, munirent que tout ce qui est et devient, s'évanouit et qu'il n'y a plus absolument aucun être... Donc la cause qui hypostasie et maintient et conserve tous les êtres c'est l'un, et c'est là la conclusion où aboutit Parménide à la fin du dialogue ».

[100] T. VI. 25. Col. 1056.

[101] Cousin renvoie à tort, à ce passage, à Plat., Parm., 142. b. où commence la discussion de la 2e hypothèse. C'est là que s'arrête précisément le commentaire de Proclus.

[102] Damascius n'est pas d'accord sur ce point avec Proclus ; il donne pour sujet à la VIe hypothèse, la plus obscure de toutes, le non être de l'un, et à la VIIIe, les autres que l'un non être. Cf. Damasc. de Princip. § 432 et 448 trad. Fr. t. III. p. 176 et 215. « De la sixième hypothèse : En commençant à traiter de la sixième hypothèse, nous devrons rechercher d'abord si les hypothèses qui posent que l'un n'est pas, procèdent directement κατ' ευθεῖαν, ou si elles rebroussent chemin vers le principe, celles-ci pour conclure l'impossible (réduction à l'absurde, par la méthode indirecte), celles-là aboutissant à faire apparaître d'autres choses. — A cette première question nous répondons tout de suite que si la démonstration est directe, le traité est imparfait et que nous ne pourrons pas ramener à une certaine nature déterminée de choses la 3e et la 9e hypothèses, puisqu'il est manifeste que Parménide fait aboutir ces hypothèses à ce qui n'existe absolument pas. Mais si elles retombent toutes dans l'impossible, les divisions seront imparfaites ; car il y a deux sortes de non-être, comme il a été démontré dans le Sophiste (254. c ; 256 d ; 260 b) : celui qui n'est absolument pas et celui qui n'est pas sous certains rapports. En outre nous ne pourrons pas démontrer que la 6e et la 8e sont impossibles, puisque là manifestement Parménide formule comme possibles les conclusions négatives et affirmatives et suppose une certaine nature connaissable et existante sous certains rapports et possédant l'un d'une certaine manière. Est-ce donc, comme il le dit, que ces deux hypothèses amènent les impossibilités au sens éminent et principal, mais révèlent secondairement et accessoirement, par surcroit, une certaine nature de réalités ; car les choses qui sont possibles sous un rapport, rien n'empêche qu'elles soient impossibles sous un autre. Mais d'abord, Platon lui-même n'a pas, dans ces hypothèses, abouti à quelque chose d'impossible : il entend toujours certaines choses réelles ; ensuite le terme impossible qu'il leur donne n'est pas dit dans la rigueur vraie de sa signification, comme il sera manifeste dans les explications que nous donnerons du texte. En troisième lieu, en l'entendant ainsi, la deuxième hypothèse donnerait des conclusions impossibles relativement à la première, puisqu'elle affirme ce que l'autre nie ; la troisième de même, relativement à la deuxième, la quatrième relativement à la troisième, la cinquième relativement à la quatrième. Que dirons-nous donc? Nous dirons que dans ces deux hypothèses (sixième et huitième, il nous fait connaître des choses réelles et rien d'impossible; car dans tout le cours de sa discussion, il veut rendre raison, en toutes choses, de l'union de l'un et des autres, depuis leur plus parfaite union jusqu'au moment où apparaît la séparation de l'un et des autres ; car de même que le dernier degré de l'être est le non être ayant son être dans le non être, comme le dira lui-même Parménide, de même la consommation, άποπερατωσις, le parfait achèvement de l'un a l'être un dans le non être un, et les autres sont analogues à cet un. Dans les deux autres (je veux dire la septième et la neuvième) les conclusions aboutissent, selon nous, à des impossibilités, puisque l'un est partout supprimé, même dans sa dernière apparence ; car la doctrine de Parménide, dès le commencement, a séparé absolument l'être et le non être. Mais Platon, corrigeant Parménide, démontre ici qu'il y a certain non un qui est pour ainsi dire le dernier un, comme il a démontré dans le Sophiste (p. 258. d.) qu'il y a un certain non être, qui est le dernier être. Et si le non être a sa place dans les êtres, par la différence, au moins en tant que non être, et s'il est l'image de la génération, comme Platon l'a démontré là, et comme nous l'avons démontré nous même, de même donc, et même ici-bas, l'un non être sera, selon la différence, même dans les intelligibles, parce qu'il est substance ; car ces genres et l'un diffèrent par leurs propriétés caractéristiques, mais le véritable un non être se trouve être, comme image de l'un dans la génération : et c'est celui-là dont Parménide se propose de démontrer ce qu'il est. Donc les impossibles, c'est dans l'éclipse totale même de l'image qu'il faudra les chercher, comme dans l'intelligible, l'absolument non être, selon la privation complète, absolue de l'être. »

[103] C'est-à-dire Ἀριστοτέλης ὁ όδιος, commentateur de Platon, cité par Proclus, in Tim., p. 27. a.

[104] T. VI. 26. 1057.

[105] Ainsi formulée (159 b.) ἕν εἰ ἔστιν, ἆρα καὶ οὐκ οὕτως (c'est-à-dire comme la conclusion précédente : ταὐτὰ, καὶ ἕτερα ἀλλήλων, καὶ κινούμενα καὶ ἐστῶτα, καὶ πάντα τὰ ενάντια πάθη πεπτονθότα) ἔχει τἄλλα τοῦ ἑνος, ἢ οὕτω μόνον.

[106] Il y a ici des lacunes signalées par Cousin : aliquid deesse videtur, que j'ai comblées.

[107] Je lis περὶ αὐτοῦ au lieu de περὶ αὐτῶν.

[108] T. VI. 27. Col. 1058.

[109] Parm., 160. d. 163 b. si l'un n'est pas, tout est.

[110] Id. 137 c. 142 b. si l'un est, rien n'est.

[111] Qui comprennent l'espèce matérielle et la matière.

[112] T. VI. 28. Col. 1059.

[113] Du premier groupe qui en contient cinq.

[114] Un manuscrit c. donne ὄντος au lieu de ὄντως.

[115] Ne sont pas en soi : la matière est toujours la matière d'autre chose qu'elle-même, comme la forme est toujours la forme de quelque autre chose.

[116] T. VI. 29. Col. 1060.

[117] Stallbaum, lit τὰ ἐν τοῖς πέρασι δεδειγμένα. Cousin : ἐν τοῖς τέτρασι, sans mentionner ni l'un ni l'autre de variante dans les manuscrits. Je préfère la première leçon qui donne le sens : tous les êtres finis sont anéantis.

[118] Les manuscrits donnent δευτέρας ; mais il faut lire τρίτης ; car c'est dans la 3e hypothèse qu'il est traité de l'âme. Voir plus haut. Col. 1059. l. 5.

[119] de Rep., VI. 569. b.

[120] T. VI. 30. Col. 1060.

[121] Tim., 27. d.

[122] de Rep., VI 509. d. « Perinde ac si lineam (γράμμην) acceperis in duas partes sectam, utramque rursus partem eadem proportione sera, adspectabile dico genus et intelligibile, eaque facta divisione protenus apparebit, primum quidem in adspectabili genere, ratione claritatis habita, partem unam emersuram esse imaginum quae sunt quasi rerum umbne ; alteram complexuram esse res ipsas visibiles quarum referuntur imagines; 510 b. « Considère d'un autre côté, comment il faut opérer la division de l'intelligible? — Comment? — L'âme se servant de ces parties ainsi faites comme d'images, est obligée de rechercher une partie de l'intelligible en partant d'hypothèses, se dirigeant non vers le principe, mais vers la fin, tandis que l'autre partie qui va au principe inconditionné, elle la recherche en portant d'une hypothèse, mais sans employer les images qui entourent la précédente, et suit sa voie par les espèces et au moyen des espèces ». Cf. Procl., in Tim., 105 c.

[123] ἐξῃρημέναι.

[124] συμπληρωτικαί.

[125] Il est clair que Proclus indique ici Syrianus.

[126] Il., XXIII. V. 536.

[127] T. VI. 31. Col. 1061.

[128] Nous voyons ici que c'est sous la direction de son maître que Proclus avait lu République et les Lois, comme nous l'avait appris, sans mentionner ce détail, Marinus, Vit. Procl., 14.

[129] ἄλλως ἔφην, lit Stallbaum : au lieu de ἀλλ' ὡς ἔφην, que donne Cousin très judicieusement.

[130] Ici encore Stallbaum donne la fausse leçon λότητος, matérialité.

[131] τάξιν πρέπουσαν.

[132] T. VI. 32 Col. 1062.

[133] εἰς ἔνδειξιν τοῦ, mots qu'omet Stallbaum, et qu'insère Cousin, soit par conjecture soit sur l'autorité des manuscrits.

[134] La deuxième hypothèse.

[135] Cousin rectifie les manuscrits qui donnent συμπέπλεκται γὰρ πάντα οὖν, qu'il change en τῷ ἑνί, avec toute raison.

[136] ἑνώσεις les forces unifiantes, les causes internes de l'union de...

[137] Cette pensée est assez obscure ; la deuxième hypothèse traite des intelligibles, et l’on se demande comment elle nous fait connaître, ἐκφαίνει, les hénades indépendantes, auxquelles sont suspendues les choses, dont elle traite elle-même, περὶ ν διδάσκει ἡ δευτέρα? C'est sans doute indirectement : elle nous les fait connaître par leurs processions. Mais alors quelle est l'hypothèse qui traite directement de ces hénades absolues? Cousin change ἐξῄρηται en ἐξήρτηται ; mais cela ne résout pas la difficulté. Je changerais plutôt le premier δευτέρα en πρώτη: si l'on peut faire entrer les hénades absolues dans la sphère du Dieu Premier, qui est le sujet de la première.

[138] κατ' ἄρθρα ποιεῖσθαι τὴν διαίρεσιν, c'est-à dire qu'on considère le système des neuf hypothèses comme un corps organisé, comme un corps où, par la vertu d'une unité interne, chaque partie est un membre, c'est-à-dire qu'elle existe pour toutes les autres, comme toutes les autres existent pour elle... Cette division par membres a donc pour objet, de distinguer dans un ensemble, l'unité interne qui en fait un tout, le nombre, l'ordre, la fonction, la situation des parties relativement les unes aux autres, leur subordination ou leur coordination entre elles, le rapport qu'elles ont au tout et la part active que chacune prend à la vie totale. Il est clair que c'est là une connaissance parfaite et complète, qui pénètre dans l'essence intime et la vraie nature de la chose. C'est dans ce sens qu'Aristote emploie διαρθροῦν (avec l'équivalent προάγειν) qu'il oppose à τύπῳ διορίζειν et à ὑπογράφειν, qui signifient une connaissance superficielle et vague, qui ne voit dans la chose qu'une masse de parties non organisées, considérée comme un pur quantum matériel. Cf. Bonitz, ad Metaph., p. 83.

[139] Cf. Procl., Theol. Plat., I p. 21-29. « Sur la première hypothèse tous les auteurs à peu près sont d'accord entre eux et estiment que par elle Platon défend et soutient l'élément ineffable et inconnaissable, au delà de tous les êtres, du principe hypersubstantiel de l'universalité des choses ; mais sur l'hypothèse qui vient après celle-ci, ils ne l'interprètent pas tous de la même manière. Les anciens et les partisans de la philosophie de Plotin (Porphyre. Cf. Enn. V. I. 8) disent qu'il désigne ici la nature intellectuelle, qui s'est écartée (je lis ἀφισταμένην au lieu d'ὑφιστααμένην) du principe hypersubstantiel des cires et s'efforcent de mettre d'accord avec la puissance une et universelle de la raison toutes les conclusions qui sont produites par cette hypothèse. Le maître qui nous a instruit de la vraie doctrine sur les Dieux, et qui est, pour parler comme Homère, l'ami familier, ὀαριστή; de Platon, modifiant ce qu'il y avait d'indéterminé dans la théorie des anciens, et lui donnant un sens précis et une détermination nette, ramenant la confusion où ils les avaient laissés les différents ordres à une distinction intellectuelle, dans ses conférences non écrites (je lis ἀγραφοις au lieu d’ἀπογράφοις) et dans ses traités spéciaux sur ce sujet, nous prescrivait de faire la division des conclusions membre par membre, κατ' ἄρθρα, (articulatim membratim) et de transporter cette division aux diacosmes divins, faisant concorder et adapter les premières et les plus simples des conclusions démontrées avec les plus simples des êtres, des moyennes avec les moyens, dans l'ordre qu'ils ont parmi les êtres, les dernières et leurs formes multiples, avec les derniers... Nous nous sommes expliqué ici avec beaucoup de développements sur ce point, qu'il est nécessaire que la deuxième hypothèse fasse apparaître d'un côté tous les diacosmes divins et que d'un autre côté, parlant d'en haut, des principes les plus simples et des plus uns, elle descende et passe dans la pluralité universelle et dans tout le nombre des choses divines, constituant d'une part un suppôt pour les hénades des Dietur, de l'autre, soit divisée avec et répartie dans les propriétés caractéristiques mystérieuses et inexprimables de ces hénades », — Le mot ὑπεστρωμένη ταῖς ἑνάσι τῶν θεῶν semble prouver que la première hypothèse traite des hénades des Dieux, puisque la deuxième fournit à ces hénades leur suppôt, leur substrat, leur fondement, et comme leurs véhicules, ὀχήματα, c'est-à-dire leurs organes.

[140] T. VI 33. Col. 1063.

[141] Ou le Dieu un.

[142] Chaque ordre a sa substance propre, et ils sont tous associés chacun à chacune.

[143] C'est la répartition divine, le sort divin qui a assigné à chaque chose non rang, sa fonction, sa valeur, dans l'ordre universel.

[144] Procl., Theol. Plat., I. p. 30. « Puisque cette hypothèse (la deuxième), commence par l'un être, et crée de l'un la première sommité des intelligibles, et aboutit en finissant à la substance qui participe du temps et produit les âmes divines à la limite extrême des diacosmes divins, il est absolument nécessaire que la troisième nous montre toute la pluralité des âmes particulières et les différences qui s'y présentent, dans des conclusions multiples et diverses ; car c'est jusqu'à elles que procède l'hypostase séparable et incorporelle. Après celle-ci, vient l'hypostase divisible dans les corps et inséparable de la matière, que la quatrième hypothèse nous tait voir rattachée par en haut aux Dieux. La dernière, qui est la procession de la matière considérée soit comme une, soit comme diverse et multiple, est exposée dans la cinquième hypothèse, par des négations, par suite de sa dissemblance avec le premier qui est dissemblable d'elle ». On voit que Proclus ne parle dans la Théologie platonique, comme dans le commentaire du Parménide, que du premier groupe des cinq premières hypothèses.

[145] T. VI. 34. Col. 1064.

[146] Parm., 137. c. Ici commence la discussion sur les hypothèses, et sur la première d'entre elles.

[147] Proclus cite inexactement. Parm., 142. a. ἢ οὐ δυνατὰ ταῦτα περὶ τὸ ἕν. Le texte de Platon donne : δυνατόν ον περὶ τὸ ἕν ταῦθ ' οῦτως ἕχειν; οὔκουν, ἔμοιγε δοκεῖ. Cf. les extraits de la Théologie Platonique, que nous traduisons plus loin, à la fin du VIIe livre.

[148] T. VI. 135. Col. 1065.

[149] Le texte ὡς εἰς ἄτοπον ἀπάντων, évidemment altéré, est module par Cousin dans sa première édition par le changement de εἰς en εἴη, dans sa deuxième, par l'addition εις τα μαλιστα ἄτοπον, qui explique mieux le génitif ἀπάντων. Stallb. préfère simplement changer εἰς en εστι : « c'est, entre toutes, une chose absurde. »

[150] C'est-à-dire l'un être, comme l'entend Parménide. Proclus distingue l'un ἀπλῶς purement un, que rien ne détermine, ni ne limite de l'un ὡς ἀληθῶς, car cet ὡς αληθῶς est déjà une détermination.

[151] Soph., 244. e. Il s'agit de l'un des Éléates qu'ils faisaient un Tout, ὅλον, et dont Platon dit qu'il ne peut être l'un, parce qu'un tout a nécessairement des parties, mais que s'il n'est pas l'un même, il peut ἔχειν μεμερισμένον παθος τοῦ ἑνός — c’est-à-dire qu'il peut participer divisément de l'un, et posséder une manière d'être de l'un, quoique divisée. C'est ce que Proclus paraphrase plus haut dans ces termes ; τοῦτο τὸ ἕν πεπονθότος μόνου ὑφεστῶτος πανταχοῦ τοῦ ὡς ἀληθῶς προϋπάρχοντος et ce qu'il développe dans sa Théologie platonique, 1. p. 8. « Dans le Sophiste, discutant dialectiquement sur l’être et sur l'hypostase de l'un séparé de l'être, et élevant des objections contre les philosophes anciens, il démontre que tous les êtres sont suspendus à leur propre cause, à l'être étant primairement, mais que l'être lui-même participe de l'hénade séparée et élevée au-dessus de l'universalité des êtres, et qu'il a subi l'action de l'un, ὡς πεπονθότος ἐστὶ τὸ ἕν, mais qu'il n'est pas l'un en soi, ατ ἕν, mais qu'il est abaissé au-dessous de l'un, et est seulement unifié, mais non primairement un ».

[152] Tout ce passage est plein de difficultés et presque de contradictions. Salebrosus locus, dit Cousin, et avec raison, On ne saisit pas la distinction de l'un ἀπλῶς, au-dessus de la substance, de l'un ὡς ἀληθῶς et de l'un πρὸ πάντων. On ne peut s'empêcher de croire que le texte est altéré.

[153] Cousin lit : τὸ ἀληθῶς ἕν, le véritablement un.

[154] Damasc., de Princip., § 1. « Ce qu'on appelle le principe un et suprême de tout est-il au delà de Tout ».

[155] Il a une hyparxis, mais non une hypostase ni une substance : ce n'est pas l'un être.

[156] T. VI. 36. Col. 1066.

[157] Stallbaum veut qu'on lise : οὐδὲν ἄρ' ἄλλο, en changeant ἄν du texte en ἄρα; Cousin, sans dire pourquoi, lit : οὐδὲν γαρ ἂν λλο, en ajoutant γάρ.

[158] T. VI. 37. Col. 1067.

[159] La distinction serait effacée entre elles.

[160] καὶ a ici le sens explicatif.

[161] De Platon. Ep. II. 312 e. « Tout est autour du Roi de tout; tout est à cause de lui ; il est la cause de tout ce qui est beau ; le deuxième roi est autour des choses du deuxième ordre ; le troisième autour des troisièmes. Cf. Procl., Theol. Platon. II. p. 103.

[162] La phrase est anacoluthe.

[163] T. VI. 38. Col. 1068.

[164] C'est même leur seule raison d'être, Mans le système de Proclus.

[165] Il est moins que nécessaire de mettre ici une parenthèse, quoiqu'elle se trouve dans les manuscrits et les éditions.

[166] Avec Taylor, je lis ἐξῄρηται au lieu de ἐξήρτηται.

[167] Au lieu de ταράττειν je lis πράττειν.

[168] Damascius, de Princip., p. 160 éd. Kopp. trad. Fr. t. II. « On appelle être et substance la sommité de l'intelligible ; c'est là qu'est ce purement intelligible, qui dans le Sophiste est démontré être immobile, et que dans la deuxième hypothèse du Parménide, après avoir admis le premier être, il a appelé l'un être, faisant produire de lui tous les êtres de quelque manière qu'ils soient, tout ce qui est dit être ou devenir, ou n'être pas, comme il est dit à cet endroit ; c'est celui-là enfin qu'il appelle aussi substance tout au commencement de l'hypothèse. » Cf. Proclus, Extraits de sa Théologie, sur la IIe hypothèse à la fin du IIIe volume.

[169] T. VI. 39. Col. 1068.

[170] Trois manuscrits donnent πλάτος au lieu de πλῆθος ; on en pourrait conclure que les deux termes sont équivalents.

[171] Ne partes ejus dilabantur.

[172] C’est-à-dire; qu'il n'est circonscrit par rien, et qu'aucun esprit ne peut le renfermer dans une limite.

[173] T. VI. 10. Col. 1069.

[174] Stallb. ἐπὶ au lieu d'ἔστι.

[175] Accidents ou propriétés non substantiels.

[176] Stallb. ἐν αὐτοῖς au lieu de αὐτοῖς.

[177] Plat., Phaedr., 247. c. Cf. Procl., Platon. Theol., VI. p. 393.

[178] Procl., Theol. Plat., II. p. 89. « Pour moi je m’étonne de voir tous les autres commentateurs de Platon admettre dans les êtres la royauté intellectuelle, sans reconnaître respectueusement la supériorité ineffable de l'un, et son hyparxis qui dépasse toutes les autres, et particulièrement Origène qui a été à la même école que Plotin. Car lui aussi à son tour s'arrête à la raison el au premier être, et laisse d’un côté l'un qui est au-delà de toute raison et de tout être... Et si tu veux, contre lui et tous ceux qui soutiennent cette opinion, parlons un peu, pour défendre la vraie pensée de Platon et montrons qu'il déclare que la cause absolument première est au-delà de la raison et séparée de tous les êtres : comme Plotin et Porphyre et tous ceux qui se sont transmis successivement leur doctrine philosophique croient qu'il le soutient. »

[179] T. VI. 41. Col. 1070.

[180] La division, condition de la définition, divise le genre en ses espèces. Ces espèces sont appelées διῃρημένα, et ἀντιδιῃρημένα en tant qu'elles sont opposées l'une à l'autre par la division; et en tant que réunies ces espèces constituent un seul genre, on les appelle συνδιῃρημένα, coordinata. Les principes d'après lesquels on divise pouvant être divers, la division d'un même genre, selon divers principes de division, s'appelle συνδιαίρεσις, ou codivvtiu.

[181] Damascius, de Princip., p. 128. Kopp. trad. Fr. t. I, p. 158. § 48. « Les deux principes sont appelés: l'un et la relation (σχέσις) qui est la puissance; car la puissance est la première des relations ; le troisième est la raison ou ce que nous nommons être. Mais cette démonstration a été donnée par Syrianus et Proclus dans leurs commentaires écrits sur le Parménide. Car l’un est, qui est placé au commencement de la IIe hypothèse signifie la triade. « Cf. Proclus. Extraits de la Théologie sur la 2e hypothèse à la fin du IIIe volume. « Ce qui est au sommet des choses intelligibles et séparé des choses perçues par l'intelligence est, d'après quelques philosophes, le Souverain Principe, le Dieu suprême. Ils se fondent sur cet oracle (reproduit par M. Psellus, 1144 a.) :

ὁ πατὴρ ἑαυτὸν ρπασεν

οὐδ’ ἐν ἑῇ, δυνάμει νοερᾷ κλείσας διον πῦρ.

Ainsi le Père, se ravit lui-même, et même le feu qui est en lui et lui appartient en propre, et dans lequel est contenue sa nature, il le retient auprès de lui, et ne le transmet même pas à sa puissance intellectuelle, à sa raison, qui par conséquent diffère de lui. A cette conception semble se rapporter le passage obscur de l'Anonyme de Turin, IX. I. « Ceux qui disent qu'il se ravit lui-même, ἁρπάσαι ἑαυτὸν hors des choses qui lui appartiennent qu'il se sépare de ses modes et de ses attributs), et qui lui donnent une puissance et une raison, qui sont connifiées, συνηνῶσθαι, dans sa simplicité parfaite, et qu'il y a une autre raison, et qui, sans le faire sortir de la triade, croient supprimer en lui le nombre, et exigent qu’on le dise absolument un, ceux-là disent des choses qui, sous un point de vue sont exactes et vraies, si du moins ce sont les Dieux, comme ils le prétendent, qui ont proclamé et transmis ces doctrines. »

Mais Proclus, comme ou le voit ici, nie que ce soit là le Dieu suprême, et l'extrait du Vaticanus, p. 194. 29. qui dit : « Si le Premier père, le Père intelligible (placé au-dessous de l'un); est dit s'enlever lui-même, ἁρπάζειν, en dehors de la raison et de la puissance, que faut-il penser de celui qui n'a pas même besoin de se ravir ainsi? » L'expression ἁρπαζειν ἑαυτὸν est fréquente chez Proclus. On la retrouve dans la Théologie Platonique, p. 270. 8 ; dans le Commentaire sur le Cratyle, p. 62. 22: dans le Commentaire sur le Parménide : Col. 628. II. (Cousin): διὸ και αὐτὸς ἀπὸ τοῦ πλήθους ἁρπαζειν ἑαυτὸν ἐπείγεται ; id. Col. 1067. 3 αὐτὸ ἁρπσαν πρὸς τῶν ὅλων.

[182] J'ajoute πολλῷ πλεόν ἢ. Cousin change οτω en οὔτε avec le sens : « il n'est donc pas Père intelligible, mais beaucoup plus. »

[183] Comme c'est le Père, il est au-dessus de toute série et ne peut y occuper aucune place ni au-dessus de cette substance ni au-dessous de celle-là. Je ne vois donc pas de raison bien forte pour changer πρ τὴν νοερν en π, quoique Gogava l'ait fait, et ait lu: « nec sub essentiam ullam cadit, aut intellectuallem aut intelligibilem.

[184] La première partie de cette discussion est p. 137. c. du Parménide: « soit, dit-il, si l'un est. » Trad. t. II. p. 146.

[185] C’est-à-dire au point de vue de l'exactitude de la méthode logique, du contenu réel, et des notions supérieures et transcendantes ou il aboutit.

[186] À tout ce qui est compris dans l'extension de l'idée de l'entendement.

[187] οἱ ἀκριβέστεροι τῶν λόγων. Un manuscrit lit Λογίων, mais qui exigerait τὰ ἀκριβέστερα. Je lis θεολόγων, que je m'étonne de ne pas voir admis par Cousin, qui renvoie cependant à un passage du de Providentia, qui suggère la correction. « Assequentem autem Platoni (volo te) et, aute Platonem, Theologis, qui consueverunt nobis laudare cognitionem supra intellectum et μανίας ut vere hanc divinam divulgant, ipsum aiunt unum animae, nos ad hoc intellectuale excitantem et hoc coaptantem uni » de Provid., Col 171. Cous.

[188] L'inspiration divine μανία, ἐνθουσιασμός, nécessaire au philosophe : le raisonnement ne suffit pas.

[189] T. VI. 42. Col. 1071.

[190] Τ VI. 43. Col. 1072.

[191] Je lis πρὸς τὰ δεύτερα au lieu de τὰς δευτέρας. Cf. Procl., Plat. Theol., II. p. 109.

[192] ἐνθεαστικός.

[193] Soph., 258. a. au lieu de τοῦ νοῦ (κρεῖττον), Cousin très judicieusement lit οπερ, leçon suggérée par le manuscrit Harley qui a νοῦπερ. Ainsi donc, à ce qu'il semble, l'opposition de la nature de la partie qui est du genrc de l’autre θατέρου, et de la nature de l'être, qui sont opposés l'un à l'antre, n'est pas moins substance, s'il est permis de s'exprimer ainsi, que l'être même ; car elle ne signifie pas un contraire de l'être, mais seulement ceci, une chose différente de lui, ἑτερόν ἐκείνου.

[194] C'est l'un en soi, de la 1ère hypothèse·.

[195] C'est l'un être de la IIe·.

[196] L’âme est espèce, et le lieu des espèces, τόπος εἰδῶν.

[197] Procl., Theol. Plat., II. p. 108.

[198] Damasc., de Princip., § 22. trad. Fr., t. I p. 64. p. 54. Kopp. « Donc celui-là est Principe de tout, et Platon, après être remonté jusqu'à lui, n'a pas eu besoin d'un autre principe dans ses dialogues. Car il est le Principe ineffable ; il n'est pas principe des raisonnements ni des connaissances, ni des animaux, ni des êtres, ni des uns, mais de tout purement ; il est placé au-dessus de toute pensée. C'est pourquoi il n'a rien professé à son sujet, mais a, de l'un, nié toutes les autres choses, excepté l'un même. Car s'il a nié le être un du dernier, il n'a pas nié l’un ; il a ajouté enfin la négation de la négation même, mais il n'a pas nié l'un.

[199] T. VI. 40. Col. 1074.

[200] Car il ne serait plus un.

[201] Je lis ἀπαθές au lieu d'αὐτοπαθές.

[202] Je lis δι'αὐτό.

[203] T. VI. 47. Col. 1075.

[204] In manuscrit donne ἕν que je crois la vraie leçon, Procl., Plat. Theol., II. p. 108. « Sur le caractère des affirmations, (il faut lire : négations) j'établis qu'elles ne sont pas privatives des substrats, mais génératrices de ce qu’on peut dire les contraires ; car par le fait que le Premier est non plusieurs, les plusieurs procèdent de lui, et parce qu'il est non tout, la totalité : et il en est de même des autres propriétés. »

[205] Procl., Theol. Plat., II. p. 108. « Si selon chaque procession des êtres, on nie des causes les choses qui viennent d'elles, il est donc nécessaire que toutes soient également niées du causant de toutes. »

[206] T. VI. 48. Col. 1076.

[207] Soph., 258. a. V. plus haut. Col. 1072. n. 4.

[208] T. VI. 39. Col. 1076.

[209] τν συστοίχων τν διττν.

                          1er rang                   2e rang                                    σύζυγοι Couples

                           bien                        mal                                         du bien et du mal

σστοιχοι             droit                       gauche                                    du droit et du gauche

                            jour                                    nuit                                        de jour et de la nuit

                          repos                      *                                             Et ainsi de suite.

                          Unité                      *

[210] Sans limitation ni addition.

[211] Procl., Theol. Plat., II. p. 108. « Je pense que ceux qui admettent une théologie couronne aux sentiments de Parménide sont tenus de déterminer l’ordre et le rang des négations, et de dire qu'elles procèdent des monades qui sont primairement dans les genres divins, et de séparer et retrancher de l'un toutes les choses placées au deuxième et au troisième rang, selon l'ordre qui convient et appartient à chacune. »

[212] Le texte exact est : (Parm. Reliq. Karsten) v. 59. :

ὡς ἀγένητον ἐὸν καὶ ἀνώλεθρον ἐστιν
οὖλον μονογενές τε, καὶ ἀτρεμὲς
δ'ἀτέλεστον

traduit par Bessarion :

Ingenitum quando est, sit et immortale, unigenum, immotum, immensum,necesse, sine fine; perenne.

Proclus donne οὐλομερές au lieu d'οὐλομελές

V. 85... κρατερή γὰρ ἀνάγκη
πείρατος ἐν δέσμοῖσιν ἔχει τέ μιν ἀμφίς ἐέργει

Bessarion traduit :

Immotum validis injecta in finibus arcent vincula... Karstein plus littéralement : dura enim necessitas fatalibus vinculis cohibet cirrumque coercet.

[213] T. VI. 50. Col. 1078.

[214] Parm., ἔπη v. 39.

οὔτε γὰρ ἄν γνοίης τόγε μὴ ἐὸν, οῦ γὰρ ἄνυστον,
οὕτε φράσαις
...

Nam non ens nec animo comprebendas (fieri enim nequit) nec verbis eloquare.

[215] Parm., ἔπη. v. 35.

ἡ μὲν (ὁδος διζήσιος)
ἡ μὲν, ὅπως ἔστί τε καὶ οὐκ ἔστί μὴ εἶναι
πειθοῦς ἐστι κέλευθος, ἀληθείη γὰρ ὁπηδεῖ
ἡ δ’, ὡς οὐκ ἔστί τε καὶ ὡς χρεών ἐστι μὴ εἶναι,
τὴν δή τοι φράζω παναπειθέα ἕμμεν άταρπόν
.

... (ego dicam
Quae solae sint quaerendi viae ad cognoscendum propositae) :
Altera, quod est neque potest non esse,
Suadae via est : veritas enim comitatur ;
Altéra, quod non est et quod necesse est non esse,
Hanc vero tibi aio plane falsam esse viam
.

[216] Parm. ἔπη. v. 43.

χρὴ τὸ λέγειν τε νοεῖντε ἐὸν ἔμμεναι· ἔστί γὰρ εἶναι,
μηδὲν δ' οὐκ εἶναι

Oportet dicere ac cogitare esse ens ; namque est ens,
Nihil vero non est.

[217] Soph., 245. a.

[218] ἐκ τοῦ διδασκάλου πρώτον. Quel est donc le second? Je lirais volontiers ἐκ τοῦ αὐτοῦ διδασκαλείου, de la même école.

[219] Il y a ici une anacoluthe. La construction passe de ὅτι avec l'indicatif, à la construction de l'infinitif avec l'accusatif.

[220] εἰ) ταὐτὸν ἐστιν ἑνί γε αὐτῷ εἶναι καὶ ὄντι, l'essence de l'un. Il manque ici l'article τὸ εἶναι τῷ ἑνί.

[221] Damasc., de Princip., p. 37. Kopp. trad. fr. t. I. p. 40. « Il faut donc peut-être concentrer la raison dans le plus simple des êtres, dans ce que nous appelons l'un être. Car puisqu'il n'y a en lui absolument rien de distingué, qu'il n'y a existant en lui ni pluralité ni ordre ni dualité ni retour sur soi-même, quel besoin y aurait-il dans cet absolument unifié, surtout quel besoin d'un plus imparfait? principe d'où part notre argumentation actuelle. C’est pourquoi c'est à ce principe que le grand Parménide s'est élevé, comme le plus ferme et le plus assuré, parce qu'il est le plus sans besoin. Mais il est nécessaire de dire avec Platon que l'unifié n'est pas l'un même, mais ce qui a subi l'influence de l'un, et il est évident alors qu'il sera placé, dans l'ordre des principes, après l'un ».

[222] Proclus reproduit presque littéralement le passage du Sophiste (545. a) ». Καὶ τὸ ἕν γε, ἑνος ἕν μονόν καὶ οὐ τοῦ ὁνόματος αὐτὸ ἐν ὄν... Atque unum, quatenus est unius tantum unum, non autem nominis ipsum unumens. — τὸ ὅλον ἕτερον τοῦ ὄντος ἑνός... τοσοῦτον γε ὄν τὸ ὄν (ou τὸ ἕν) μέσον τε καὶ ἕσχατα ἔχει, ταῦτα δὲ ἔχον πᾶσα ἀνάγκη μέρη ἔχειν ἀλλὰ μὴν τὸ γε μεμερισμένον πάθος μὲν τοῦ νὸς ἔχειν ἐπ τοῖς μέρεσιν πᾶσιν οὐδὲν ἀποκωλύει, καὶ ταύτῃ πᾶν τε ὄν καὶ ὅλον ἓν εἶναι ... πεπονθός τε γὰρ τὸ ν ἓν εἶναι πῶς οὐ ταὐτόν ὄν τῷ ἑνὶ φαίνεται...

[223] T. VI. 51. Col. 1079.

[224] ὁ Παρμενίδειος σοφός. C'est l'hôte d'Élée : ce qui me fait croire que plus haut, p. 167 trad. fr. n. 4. il faut lire ἐκ τοῦ αὐτοῦ διδασκαλείου.

[225] Cousin suppose qu'il faut ajouter ici τὸ ἕν, le véritable un : non, c'est une confirmation de ce qui a été dit plus haut, (t. VI. 50) que l'hôte d'Elée rectifie l'opinion de Parménide, κατορθοῦντα τὸν Παρμενίδην, ce qu'il exprime ici par les mots : αὐτοῦ τὴν δόξαν ἐπανάγων εἰς τὸ ἀληθές.

[226] Τ. VI. 52. Col. 1079.

[227] ἐπειρειστική et ἐρηρεισμένη.

[228] Parm., ἔπη n. v. 80.

[229] τῷ μὴ ὄντι τὸ ὄν. (Cousin lit τὸ μὴ ὄν. Je me borne à supprimer ὄν.

[230] Plotin, Enn., VI. T. 35. ὅταν γὰρ ἄφρων γένηται μεθυσθεὶς τοῦ νέκταρος, τότε ἐρῶν γίνετε ἀπλωθες εἰς εὐπαθείαν τῷ κόρῳ, καὶ ἔστιν αὐτῷ μεθύειν βέλτιον σεμνότερῳ εἶναι τοιαύτης μέθης. Stallbaum cite la note marginale Διονύσιος ὁ Μέγας et renvoie à Col. 1047. Voir trad. fr. t. II, p. 248. n. 3.

[231] ἑνότητας.

[232] ἐξῄρηνται. Cousin préférerait lire ἐξηρτηνται à cause de πεοιχορεύουσιν αὐτὸν qui est plus loin.

[233] L’apodose manque, à moins qu'on ne le place plus haut, à κατὰ δὲ τὰς νοεράς malgré les conjonctions de coordination καὶ et δὲ répétées.

[234] T. VI. 53 Col. 1080.

[235] Plat., Epr, II. p. 312. e. « Tout est autour du roi du Tout (il est le centre de Tout) ; il est la fin de tout, il est l'auteur de tout ce qui est beau. Le deuxième roi a pour objet les choses du deuxième degré ; le troisième, celles du troisième. Ainsi donc l'âme humaine désireuse de connaître en ce qui concerne ces objets divins, de quelle nature ils sont, ποῖα ἄττα, regarde les choses qui sont semblables à sa propre nature, dont elle ne possède aucune pleinement, en ce qui concerne le roi, et les autres dont j'ai parlé, rien ne leur est pareil : c'est donc de ce qui vient après lui, que l'âme parle. Mais de quelle nature il est lui, ô fils de Dionysios et de Doris, cette question est ce qui est la muse de tous les maux, mieux encore, ce besoin d'accoucher d'une connaissance en ce qui le concerne, qui liait dans l'âme, si on ne l'écarte pas, il est certain qu'on n'arrivera jamais à la vérité ». Taylor au lieu de κακῶν veut lire à tort καλῶν. Procl., Theol. Plαt., II p. 104. : « La question : quelle nature jamais, ποῖον τι μὴν, est cause de tous les maux (au lieu de καλῶν), quand on la fait sur le Principe absolument premier. Car il n'est possible ni de le concevoir, puisqu'il est inconnaissable ni de l'exprimer, puisqu'il ne peut être circonscrit par une définition verbale. Car que diras-tu qu'il est? tu diras quelque chose de lui, mais lui-même, tu ne l'exprimeras pas par la parole. En exprimant par la parole les choses dont il est la cause, nous demeurons dans l'impuissance de dire et de saisir par la pensée ce qu'il est jamais. Ici donc l'addition du de quelle nature et toute la peine que se donne l'ârne, éloigne de cette bonté séparée et élevée au-dessus de l'universalité des choses notre âme toute pleine qu'elle est des notions qu'elle possède sur ce Principe, et la pousse violemment vers les intelligibles, qui sont de sa propre nature, de sa propre famille et sont multiples en espèces, comme elle. »

[236] δέον au lieu de δεόντως des manuscrits. Gogava : « Hic est animae fons omnium malorum, quid Primi proprium sit, quaerere, et ratiocinatione cognitionem ejus attentare, quum deccret excitare in nobis unum. » Les manuscrits en lisant δεόντως se conforment à la règle de Grégoire de Corinthe § 86 éd. Schœfer p. 158. « Les attiques terminent en ον les adverbes en ω; qui expriment le moyen et disent δέον au lieu de δεόντως... Car ils se servent des noms au lieu des adverbes ». Koën dit en note que c'est là une erreur et que jamais les attiques n'ont dit δέον pour δεόντως; mais ils l'ont dit à la place de δέοντος, c'est-à-dire ils ont mis l'accusatif absolu au lieu du génitif, comme l’avait déjà dit H. Etienne, Append. de Dialect. Attic., p. 159 et 160. Il faut donc lire dans Polyaen. l. I. c. 45 § 4 : δέον συγγνώμην ἕχειν et dans Cornutus, de Nat. D., ch. XVI, p. 168 avec Gyraldus: ὡς αὐτῷ δέον εἰς πᾶσαν πρᾶξιν ἡγέμονι χρῆσθαι. Koën croit cependant que la vraie leçon est δέοντος. Je ne partage pas son opinion et je crois l'accusatif absolu tout aussi régulier que le génitif.

[237] C'est-à-dire qu'on peut à la première formule τῷ μὴ ὄντι substituer la deuxième τῷ τῇ ἀποφάσει, parce que τὸ μὴ ὄν est une négation. Il est donc indifférent de dire : τὸ μὴ ὄν τὸ ἕν ou τὸ ἡ ἀπόφασις τὸ ἕν. Proclus garde dans les deux formule το εν sans accord grammatical, parce qu'il veut pouvoir en détacher, avec son caractère propre, τὸ ἕν qui placerait τῷ ἑνὶ dans la première, et τοῦ ἑνός dans la seconde.

[238] Procl., in Tim., 78. d. « Il y a aussi des choses qui ne participent d'aucun de ceux-ci (l'être et la génération ), les unes dans le sens du plus parfait, les autres de l'imparfait ; car la matière n'est ni étant ni devenue (car elle n'est concevable ni par la notion ni par la sensation) non plus que l'un, comme le démontre Parménide à l'égard de l'un et de l'autre, l'un, d'après la première, l'autre d'après la deuxième hypothèse. » Cf. Damasc, de Princip., p. 20. Kopp. trad. IV. t. I. p. 23. « C'est pourquoi nous tournons de tous côtés autour de lui, sans pouvoir rien toucher de lui, parce qu'il n'est rien, et plus que cela encore, parce qu'il est le rien. Ainsi donc ce qui n'est absolument pas est ou bien au-delà de celui-ci, puisque celui-ci est négation de l'être, et celui-là négation de l'un, c'est-à-dire le Rien; mais le rien est vide ; c'est le défaut de tout, et ce n'est pas là l'idée que nous nous faisons à l'endroit de l'ineffable : - ou bien, le rien est double; celui-ci au-delà, l'autre en deçà. Car l'un est double, celui-ci est le dernier, par exemple, l'un de la matière ; l'autre le premier, par exemple, l'un antérieur et supérieur à l'être, de sorte que des deux riens, celui-ci n'est même pas le dernier un, celui-là n'est même pas le premier. Par là donc il y a aussi un double inconnaissable et un double ineffable : celui-ci qu'il ne faut pas concevoir même comme dernier, celui-là qu'il ne faut pas concevoir même comme premier. »

[239] T. VI. 34. Col. 1081.

[240] Je lis ἕν au lieu de ὄν, malgré les manuscrits et les ailleurs.

[241] προβάλλωμεν, nous n'objectivions, nous n'extériorisions, nous ne nous représentions comme un objet hors de notre pensée.

[242] Au lieu d'ὅρον que donne trois manuscrits, Cousin avec Gogava (ne ad infinitum subducti) lit ἀόριστον.

[243] T. VI. 55. Col. 1083.

[244] Cousin avec toute raison et malgré l'unanimité des manuscrits et l'édition de Stallbaum, change μὲν en μὴ.

[245] παραλείπω πάντα.., ou πάντα est pris adverbialement ou il faut lire πάντως.

[246] Voir Chaignet, Hist, de la Psych. des Grecs, t. IV. p. 282. Des Genres de l'être dans Plotin.

[247] T. VI. 56. fol. 1084.

[248] Parm., ἔπη. v. 102.

πάντοθεν εὐκύκλου σφαίρης ἐναλίγκιον ὄγκῳ

μέσσοθεν ἰσοπαλὲς πάντῃ.

Undique rotundae sphaerae simile globo,

Undique a medio aequale.

[249] Stallb. μιμητικῶς. Cousin, sans explication, donne μαθεματικῶς.

[250] Où ils ont le tort de s'arrêter.

[251] T. VI. 57. Col. 1085.

[252] Syrianus. Cf. t. IV. 4 et 33 Col. 618, où il n'est pas non plus nommé, mais clairement désigné.

[253] Je lis θεῶν au lieu de θείων.

[254] Soph., 245. a. Cf. Procl., Theol. Plat., II. p. 154 : « Ainsi donc l'hôte Éléate, ici (dans ce passage du Sophiste) soulevant des objections contre la thèse de Parménide qui prétend que l'un est le Tout, et exposant la pluralité intelligible, et montrant qu'elle est suspendue à l'un, commence son argumentation d'abord par l'un être, et rappelle que celui-ci a subi l'action de l’un et participe à l'un, mais n'est pas l'un en soi ni le premier un ; après cela il aborde, en s'appuyant sur la notion du Tout (de qualité) la distinction de l'un imparticipable et de l'être. Car si l'un être est un tout, comme l'affirme Parménide, et si le tout, ὅλον, a des parties, et si ce qui a des parties n'est pas l'un en soi, l'un être ne saurait être identique à l'un. Enfin, il tire son troisième argument de la notion du parfait, παντελές. Car ce qui est absolument divisé et qui embrasse et contient une pluralité de parties ne saurait jamais avoir la même hypostase que l'un parfaitement un. C'est jusque là qu'il s'avance, montrant que l'implurifié de l'un être, par sa propre nature, est suspendu (à quelque autre principe) et sa démonstration consiste en trois épichérèmes: il part d'abord de l'un être ; puis du tout qualitatif, enfin du tout quantitatif. »

[255] Distinction de ὅλον et de πᾶν : Le ὅλον est le tout qualitatif, implique un ordre, un commencement, un milieu, une fin, c'est la synthèse des intuitions, la compréhension selon la qualité ; τὸ πᾶν, c'est le tout quantitatif, toute l'extension selon la quantité, qui a toutes ses parties. Cf. Damasc, de Princip., § 158. trad. fr. t. II. p. 203.

[256] Phœdr., 247. Procl. Theol. Plat., IV. p. 196. « Quelle est donc la raison pour laquelle Platon désigne cette divinité négativement, selon la première hypothèse, comme analogue à l’un? Quelles sont les négations? Car il la surnomme incolore, sans figure, et intangible, lui enlève ces trois hyparxis : la couleur, la figure, le toucher. Je dis donc que cet ordre, étant la sommité des Dieux intellectuels, est inconnaissable et inexprimable. »

[257] T. VI. 58. Col. 1085.

[258] Ceci indique le sens du mot largeur : c'est la compréhension de l'idée de l'un.

[259] Taylor ajoute : ὄντως comme plus bas. Col. 1089. l. 29.

[260] Cousin ajoute « et non de la vie » en se fondant sur les lignes qui suivent.

[261] πάντα. Il s'agit évidemment de celles qui sont niées de l'un et ont été plus haut énumérées.

[262] καὶ ἀψύχοις, que Taylor ajoute avec raison à ἐμψύχοις.

[263] Du fait qu'ils sont.

[264] T. VI. 59. Col. 1087.

[265] Le verbe affirmant l'existence, l’hypostase.

[266] Soph., 245. a.

[267] Cousin lit avec raison ν au lieu de μὲν.

[268] Soph., 245. a. ἀμερὲς δή που δεῖ παντελῶς τό γε ἀληθῶς ἕν κατὰ τὸν ὁρτὸν λόγον εἰρῆσθαι

[269] που, enclitique, signifie : presque, si je ne me trompe, à peu prés; ce n'est pus une affirmation claire et précise. Les seuls passages où son unité soit vaguement indiquée sont v. 76 :

οὑδὲ διαίρετών ἐστιν

et v. 84. τωύτον δ'ἐν τωὐτῷ τε μένον καθ' ἑωυτὸ τε κεῖται. Le mot ἕν ne se trouve pas dans son poème.

[270] L’être.

[271] T. VI. 60. Col. 1087.

[272] Un manuscrit au lieu de καταδεόστερα donne la !eçon, au moins aussi bonne, μεταγενέστερα, postérieures dans l'ordre de déduction.

[273] Je supprime διὰ devant τῶν ἀποφάσεων, puisqu'il s'agit d'établir l'ordre descendant des négations.

[274] Phèdre, 247.

[275] Du Phèdre, Ce commentaire sur le Phèdre est perdu. Cf. Procl., Théol. Plat. IV. p. 196. sqq.

[276] T. VI. 61. Col. 1088.

[277] Stallb. lit ατ que j'adopte ; Cousin αὐτῷ qu'il rapporte à τῷ ἀπλῶς ἑνί : mais que faire alors de θέσει συγγενέστατον. On ne peut le comprendre ni par contention ni par position. Je crois ici θέσει l'équivalent de ὑποθέσει qui est peut être la vraie leçon.

[278] Procl., Theol. Plat., II. p. 108. « Cependant il ne pose pas comme principe et commencement de ses arguments les Dieux unifiés au Premier. Là où avant tous les autres principes, se manifestent la division et la pluralité, c'est de là que part Parménide, et que s'avançant progressivement, à travers tous les diacosmes du second ordre, suivant leur rang et leur ordre, jusques au dernier, alors il se retourne vers le principe, et montre que l'un, d'après la cause une et ineffable, est séparé et au-dessus des Dieux les plus semblables à l'un, et qui participent primairement de lui. »

[279] Les manuscrits disent à tort γδοον, qui vient d'être traité. L'erreur vient sans doute que le 6e point n'a pas été numéralement nommé. Voir plus haut, Col. 1079. I, 28. ἴσως δὲ ἄν τις τοῦτο αὐτὸ λοιπόν.

[280] T. VI. 62. Col. 1089.

[281] Proclus comme Damascius définit les choses, en déterminant la place que chacune occupe dans le système sérié qu'elles constituent dans l'ordre de l'essence, qui correspond à l'ordre du temps. C'est ainsi que Damascius § 68 trad. fr., t. I. p. 235 dit : Les plusieurs sont au milieu de l'un et de l'être unifié, — et l'unifié est entre l'un et la substance déterminée ». Kant attache à cet ordre la même importance : « l'entendement ne peut rendre possible la représentation d'un objet qu'en transportant l'ordre du temps aux phénomènes et à leur existence, c'est-à-dire en leur assignant à chacun une place déterminée à priori dans le temps par rapport aux phénomènes précédents... c'est-à-dire que ce qui suit doit suivre de ce qui était contenu dans l'état précédent (Crit. de la R. pure, t. I. p. 261) et Hegel (Philos. de l'Esprit t. I. p. 329). « Entendre veut dire connaître la série des moyens termes qui viennent se placer entre deux termes qui sont en rapport ».

[282] Au lieu de νοῦν τι qui n'a pas de sens. Cousin lit : οὖτοι... Au singulier ὡ οτος, ou mêrne οὖτος s'emploie familièrement dans le sens de : Heus ! tu, c'est-à-dire de la 2e personne : je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même au pluriel. Proclus vise ici Plotin, Enn., V. I. 8.

[283] T. VI. 63. Col. 1090.

[284] χαίρειν εἰπόντες, au propre, qui envoient promener.

[285] θεῖος μὲν οὖν ὁ λόγος. Cousin voit dans le mot θεῖος une allusion ; car on sait que le nom de divin était généralement associé à celui d'Iamblique. Procl., Plat. Theol., V. p. 312. « Et que le Divin Iamblique a eu, j'imagine, parfaitement raison de dire que les genres de l'être se manifestent dans la limite des Dieux intelligibles ». Ce terme honorifique qui caractérise Iamblique, est plus visible encore par le rapprochement que fait Olympiodore (in Alcib. l. πρᾶξ. 12 t. II p. 110 Creuzer : οῦτω μὲν κατὰ τὸν φιλόσοφον Πρόκλον ὁ δὲ θεῖος 'Ιάμβλικος οὐ διακρίνει. Mais Proclus, qui l'appelle ailleurs le Grand Iamblique, l'appelle aussi parfois simplement le philosophe (in Alcib., I. p. 13 Creuzer.) Je ne crois pas qu'il faille attacher ici une importance particulière à ce qualificatif, θεῖος, dont Proclus abuse.

[286] Cf. à la fin du volume les extraits de la Théologie Platonique relatifs à la deuxième hypothèse.

[287] Premier membre de la disjonction dont le second est à la p. 186 n. 3.

[288] T. VI. 64. Col. 1091.

[289] Orac. Chald., Kroll, p. 18, 8. Cf. Procl. in Tim., 313. f et Damascius de Princip., § 98 trad. Fr. t. IV, p. 24, § 184 § 187 trad. fr. t. II, p. 236, tr. fr, t. II. p. 234, id., 181 trad. fr. Il, p. 230 § 5. « Nous dirons que la division intelligible est le principe de toute division, d'après l'Oracle. »

[290] Second membre de la disjonction commencée plus haut.

[291] Stallb. conserve la grosse erreur ὄνομα pour ὄν ἅμα.

[292] Procl., Plat. Theol., II. p. 110. « Or les plusieurs sont primairement dans la première sommité, dans le point le plus élevé des Dieux intellectuels, comme nous l'apprendra la deuxième des hypothèses. Donc l'un est absolument en dehors de cet ordre, dont il est l'auteur ; car le non plusieurs n’est pas privation, mais cause des plusieurs. »

[293] T. VI. 65. Col. 1091.

[294] Le texte donne οὔτε τὸ ἕν ὄν qui semble appeler un corrélatif qui est omis, peut-être τὸ ὄν ἕν.

[295] ἀδιάστροφόν, inconcussum. Stallb. donne ici encore l'absurde leçon: διάστροφον. Procl., Theol. Plat, II p. 110. « Parménide n'a pas cru bon de donner une démonstration de cet axiome, mais comme la vérité la plus évidente aux yeux de tous, il l'affirme d'abord, parce qu'il constitue pour ainsi dire l'antithèse des plusieurs à l'un. »

[296] T. VI. 66. Col. 1092.

[297] παραμυθία.

[298] C'est-à-dire primairement être.

[299] T. VI. 67. Col. 1093.

[300] Et c’est le principe que pose Parménide dans son poème.

[301] C'est-à-dire que Proclus accuse ici Parménide de substituer tacitement et subrepticement à l'un qu'il appelle le sien, et qui est l'être, l'un entendu selon la notion commune, l'un absolu.

[302] Je lis avec Cousin, ὅλω; au lieu de ὅλον.

[303] ἡ δεκτική φαντασία. L'imaginationi a besoin pour s'emparer d'une idée, de lui donner la forme d'un jugement catégorique qui exige l'emploi de la copule: est.

[304] Toute proposition implique le verbe est, mais tantôt comme ici comme copule, tantôt avec l'idée de l'existence.

[305] Cousin lit πρὸ au lieu du περὶ de Stallbaum, qui n'a pas de sens. Ou pourrait ainsi les supprimer l'un et l'autre.

[306] C'est-à-dire qu'il résulte de cette manière d'entendre l'hypothèse : si un est que lu substance divine a une existence réelle, qu'elle a l'être, qu'elle est, tandis que pour Proclus, elle est au-delà de l'être.

[307] Sans aucune explication, Stallbaum et Cousin donnent des leçons différentes : celui-ci : τὸ μὲν μὴ ὄν δυνατὸν ὑπερέχειν, qui oblige de sous-entendre τοῦ ὄντος; Slallbaum remplace ὑπερέχειν par ὑπάρχει, ce qui me semble plus naturel et plus intelligible, surtout si on lit ὑπάρχειν : il est possible; que le non être ait une hyparxis, c'est-à-dire un fond d'existence.

[308] τοιοῦτον γὰρ τὸ ἕν. En supprimant τὸ on aurait le meilleur sens : car un tel (non être) est un.

[309] T. VI. 68. Col. 1094.

[310] Je donne dans le texte l'interprétation de Gogava : Defectio est a Deo ignavus mortalis... qui semble être le sens dans lequel Proclus prend ici ce vers, omis dans le recueil de Le Clerc Mais Gogova néglige de rendre les derniers mots, ἐς τάδ' ἕχων, qui le rendent susceptible d'une autre signification, peut-être plus exacte. On sait que les théurges avaient le pouvoir, au moyen de certaines formules d'incantation, d'évoquer les Dieux, de les tenir pour ainsi dire captifs, jusqu'à ce qu'ils aient répondu à leur demande. Mais il fallait mettre dans ces prières et ces formules, une ardeur de foi intense, une volonté énergique, sans quoi les Dieux se dérobaient au charme magique et étaient délivrés des ἀνάγκαι qui les retenaient. La faiblesse d'esprit, le manque de volonté et de foi, chez le Théurge, dans cet acte liturgique était la délivrance du Dieu. On retrouve la même pensée dans l'Oracle cité dans le Commentaire du Timèe (65, d.).

Ληθύνοντι βρότω κραιπνοὶ μάχαρες τελέθουσιν

Cousin renvoie à l'Oracle suivant, tiré île M. Psellus (Migne, p. 1141 et 1129).

« N'abaisse pas ton regard vers ce monde sombre et noir ; donne tous tes soins à ce canal distributeur de la vie, à l'âme, qui, après t'avoir fourni le moyen d'alimenter un certain corps, dans quelque rang qu'il soit placé, te relèvera et te remettra au rang d'où tu es tombé, en unissant tes actes à la sainte parole ». Au lieu de ὅθεν ἤ τίνι τάξει σώματι τηθεύσας, je lis ῇ τινι et σῶμά τι ; car je ne crois pas que τηθεύω, qui d'ailleurs ne se trouve pas dans nos lexiques, gouverne le datif. L'âme est comparée ici à un canal qui porte et distribue à tout le corps les principes de vie qui raniment, et dont elle est la source qui coule dans ce canal et ses branchements. Le sens est que pour retourner à la vie purement intelligible, d'où il est descendu, il faut que l'homme unisse les oeuvres à la foi, à la connaissance du Père, c'est-à-dire de Dieu : ἱερῷ λόγῳ έργον ἑνώσας.

[311] J'ajoute avec Cousin τὸ ἕν qui n'est pas absolument nécessaire, mais très indiqué. On pourrait d'ailleurs s'en dispenser en lisant αὐτό au lieu de αὐτοί.

[312] T. VI. 69. Col. 1095.

[313] Je lis avec Cousin : δέοιτο γάρ au lieu de δέηται, malgré l'accord des manuscrits.

[314] Plat., Parm., 141 e. τὸ ἕν οὔτε ἕν ἐστιν οὔτε ἕστιν, c'est-à-dire, unum neque unitatem habet neque οὐσίαν.

[315] προςλαβεῖν, comme de le supprimer, ἀφαιρεῖν.

[316] Cousin dit en note : locum lacunosum quoquo modo supplevimus. Je n'ai pas trouvé qu'il ait rendu par là le passage plus clair, et j'ai suivi le texte des manuscrits tel qu'il est donné dans Stallbaum.

[317] ρητορικῶς, au point de vue de l'expression de la pensée, par le langage; le mot équivaut ici à λογικῶς, que Cousin lui substitue sans crier gare.

[318] Parce que l'un au-delà de tout n'a pas de contraire.

[319] La totalité, dit Kant, est la pluralité conçue sous le mode de l'unité.

[320] Au lieu d'ἀπέφηνε je lis ἀπέφησε.

[321] T. VI. 70. Col. 1095.

[322] συναποπεφασμένον, c'est le participe parfait moyen de φημί (φάσκω) : ce qui prouve que plus haut, dans la phrase τα πολλὰ τούτου ένος, il faut lire ἀπέφησε et non ἀπέφηνε d’ἀποφαίνω.

[323] Soph., 245. a. Cf. Col. 1065.

[324] Les manuscrits et les éditeurs liront ici τὸ ἓν : je crois qu'il faut lire τὸ ὄν.

[325] Voir plus haut, Col. 1081. Plat., Ep., II. p. 312 e : Άλλὰ ποῖον τι μήν.

[326] Il y a de grandes différences entre le texte de Stallbaum et celui de Cousin : celui-ci lit : ὅσοι γὰρ ἄρα δημιουργὸν λέγουσι τὸν πρῶτον ἤ πατέρα ; Stallbaum : ὅσοι ἄρα δημιουργὸν λέγουσι τὸν πρῶτον ταὐτόν τὸ δὲ πρῶτον ἤ πατέρα. J'adopte cette dernière leçon. Cf. Procl., in Tim., 93. a. « Car Numénius, qui admet trois Dieux, appelle le premier, Père ». Origène, avec beaucoup d'autres commentateurs de Platon, avait admis parmi les êtres (intelligibles) une Royauté intellectuelle et n'avait pas reconnu la suprématie de l'un et son hyparxis qui le sépare et l'élève au-dessus des autres (intelligibles). V. Cousin. Col. 1069. n 5. Trad. fr., p. 276.

[327] T. VI. 71. Col. 1096.

[328] οὐ τᾶς θεός : la négation de τᾶς équivaut à τὶς : c'est-à-dire un certain déterminé, Cf. Biese, Aristot., t. I. p. 99 et Waitz, Organon, t. I p. 348.

[329] Cousin lit très judicieusement ἐπερωτᾶν au lieu de ἐπ' ἀρετήν qui n'a pas de sein. Cf. Lettres, II. 312 : ἀλλὰ ποῖόν τι μὴν τοῦτ'ἐττιν... το ἐρώτημα ὃ πάντων αἴτιον ἐστί κακῶν.

[330] ἀπλῶς πᾶν. Le genre tout entier de l'animal, l'animalité même.

[331] de Rep., VI. 509. c : « Aux choses connaissables donc, non seulement le être connu, dit-il, leur est communiqué par le Bien, mais même et l'être ci la substance leur vient de lui, parce que le Bien n'est pas substance, mais est au-dessus comme au-delà de la substance, par sa dignité et sa puissance. »

[332] Je ne trouve, dans le Phédon, rien qui rappelle ces principes.

[333] Au lieu de τοῦ ὅλου du texte de Proclus, Stallbaum et Bekker lisent dans Platon, τὸ μέρος που.

[334] L'idée de partie comme celle d'un tout, sont relatives, l'une au tout dont elle est partie, l'autre aux parties qui le composent.

[335] Parm., 137. c.

[336] L'ordre forme par le tout et les parties. Cf. Procl., Theol. Plat., II p. 110. « Cet ordre (celui des intelligibles et intellectuels) s'appelle dans la seconde hypothèse : « parties et tout ». C'est là ce qu'il nie de l'un, en employant les plusieurs pour établir la distinction de l'un et des principes abaissés (au-dessus de lui). Car le tout et ce qui a des parties, est plusieurs, et l'un est au-delà des plusieurs. Donc si l'un est séparé et élevé par la simplicité au-dessus des intelligibles (et intellectuels), et si le tout et ce qui a des parties procèdent de cette simplicité pour former le lien de tout ce diacosme, comment ne serait-il pas nécessaire que l'un ne soit pas un tout et n'ait pas besoin de parties, et que ce soit par cette supériorité, j'imagine, qu'il précède, comme cause, cet ordre de Dieux et y préside, et la produise mais sous un mode supérieur et au-dessus de tout, ἐξῃρημένως. » La totalité, dit Kant, est la pluralité conçue sous le mode de l'unité. Cf. les Extraits de la Théologie de Proclus sur la IIe hypothèse.

[337] Arist., Met., K. I. 1060. a. ἀρχὴ γὰρ τὸ συναναιροῦν. Id., Categ. p. 7. 36 : τὸ μὲν γὰρ αἰσθητὸν ἀναιρεθὲν συναναιρεῖ τὴν αἴσθησιν ἡ δὲ αἴσθησις τὸ αἰσθητὸν οὐ συναναιρεῖ... αἰσθητοῦ δὲ ἀναιρεθέντος ἀναίρεται καὶ τὸ σῶμα... ζώου γὰρ ἀναιρεθέντος αἴσθησις μὲν ἀνῄρεται, αἰσθητὸν δὲ ἔσται.

[338] Cousin a rétabli l'ordre interverti dans Stallbaum de l’ἡγούμενον et de l’ἑπόμενον.

[339] L'un a une compréhension et une extension infinies et qui dépassent toute ὑπερβολή ἄπειρος.

[340] T. VI. 74. Col. 1099.

[341] Stallbaum omet , ce qui renverse l'argument, et plus loin il omet encore πολλὰ (τὰ δὲ) πολλά.

[342] On pourrait encore admettant une hyperbate assez fréquente chez Proclus, lier καὶ διὰ τοῦτο ἑν... et traduire « par cet un, il (Parménide) fait produire les plusieurs et par les plusieurs le tout et les parties, qui viennent après eux. »

[343] Il y a ici une grosse lacune que ne mentionne même pas Stallbaum. Cousin ajoute au texte de celui-ci tout un membre de phrase, τι γὰρ εἰ ἄπειρα εῖν τὰ πολλὰ, qu'il a trouvé sans doute dans les manuscrits.

[344] Stallbaum omet la négation absolument nécessaire au sens.

[345] T. VI. 75. Col. 1100.

[346] Ils ne formeront pas un tout, dont les parties doivent être combinables entre elles.

[347] T. VI. 76 Col. 1100.

[348] Il semble au contraire que si l'on continue à l'infini l'argument, on n'armera jamais à rien, puisqu'on n'épuise pas l'infini. Je crois donc qu'au lieu de εἰ ἐπ'ἄπειρον ἠν, il faut lire εἰ μ « à moins que cela n'aille à l'infini, » et au lieu de ἠν, je lirais ἠμιν, imparfait de εἰμι, je vais, qui s'accorderait bien avec ἥξομεν.

[349] Je supprimerais volontiers τὸ devant ἕν... La pluralité des hénades ne fait qu'un, c’est-à-dire est considérée, dans sa procession comme un, et non comme plusieurs.

[350] Stallb. lit τὸ δὲ γε ὁλον τῶν ὄντων ὄν. Cousin au lieu d'ὄν lit ἐστί.

[351] Au lieu de τὶ ὄν Stall. lit τὶ τῷ ὄντι.

[352] T. VI. 77. Col. 1101.

[353] Stallb. au lieu de εἰ δὲ τοῦτο, lit εἰ δὲ τοῦ qui n'a pas de sens, et adopte une ponctuation qui trouble le rapport des idées.

[354] Ayant presque la nature de l'un, sans lui être identique.

[355] Le texte de Stallb. diffère complètement du celui de Cousin, que je suis.

[356] Stallb. lit δείξωμεν, Cousin ἐδείξαμεν avec le manuscrit. Il y a encore ici des différences sensibles dans le texte des deux éditeurs.

[357] T. VI. 78. Col. 1102.

[358] Il y a une répétition évidente dans le texte : ὅτι οὔτε ὅλον ἐστι, οὔτε ἄρα ὅλον ἐστιν. Pour la faire disparaître le manuscrit Harley intercale ἀλλὰ μὴν ὄν πολλά ἐστιν. Je préfère supprimer le membre répété.

[359] Dans le Sophiste, 244. e. Cf. Col. 1065. l. 20 et 1036 l. 8.

[360] Au lieu de μὴ ὅλον τὸ ὡς ἀληθῶς ἔν, Stallb. donne la leçon, μὴ ὅν τὸ ὡς ἀληθῶς ὅν, à la fois inintelligible et contradictoire au sens du pat sage.

[361] T. VI. 79. Col. 1103.

[362] C'est la définition même de la totalité par Kant.

[363] τὰ ἄλλα.

[364] Encore une faute de Stallbaum qui rend le passage intelligible en lisant ὅλων au lieu de ἄλλων.

[365] T. VI. 80. Col. 1103

[366] Encore une faute dans Stallb. qui lit γνωστόν au lieu de γνώστων.

[367] Δίιῃ. Cf. Damascius, de Princip., § 30; Proclus, in Tim., II, 297, I. Δίιος τάξς.

[368] σκοποῦσα qui ne se rapporte grammaticalement à rien: Locus corruptus, dit Cousin.

[369] Parm., 137. c.

[370] ἴσως au lieu d'ὅσως que donne Stallb.

[371] Le manuscrit de Harley donne (en marge sans doute et comme observation d'un copiste ou d'un lecteur) : « Il me semble que l'un n'est pas plusieurs : que ce qui a des parties est plusieurs, donc l'un n'est pas un tout ; et inversement : l'un n’est pas plusieurs : il me semble que l'un n'est pas plusieurs : donc l'un n'a pas de parties. » On ne voit pas bien ce que viennent faire ici le membre ἐμοὶ δοχεῖ, deux fois répété.

[372] T. VI. 84. Col. 1104.

[373] « La seconde figure est celle où le moyen est deux fois attribut, et de là il s'ensuit qu'afin qu'elle conclue nécessairement, il faut qu'il y ait une des deux propositions négative, et que la majeure soit universelle. » Port Royal.

[374] Cf. Tim., 35. a et Procl., in Tim., 182.

[375] Le manuscrit B que ne mentionne pas Cousin, au lieu de ψνχογονίας donne ψυχολογίας, qui est certainement une mauvaise leçon, mais intéressante à relever car, autant que je sache, c'est le seul exemple du mot Psychologie, employé par un grec.

[376] Soph., 244. e.

[377] Les manuscrits donnent ὥστε εἴ τι δὲ ἀμέρες, que Stallbaum déclare : Locus omnino depravatus. Cousin, sans avertissement, donne dans son texte οὐκ ἔτι δὲ ἀμερές, leçon très ingénieuse, véritable sans doute, mais qui méritait bien une note explicative.

[378] T. VI. 82. Col. 1105.

[379] Membre ajouté par Taylor, utile au sens, si non nécessaire.

[380] Non que la faculté soit en elle-même indéterminée, mais elle est jetée par l'hypothèse et ses conséquences dans une indétermination où elle ne peut se satisfaire et se prendre à rien.

[381] T. VI. 83. Col. 1106.

[382] ἐπὶ ταύτης τῆς ὁδοῦ.

[383] Cousin lit τοιοῦτον ἓν et Stallbaum ταὐτόν.

[384] Contrairement à Aristote, Proclus met la puissance avant l'acte.

[385] θεὸν καὶ τὸ θεῷ εἶναι. Sur le sens du datif d'un nom avec l'infinitif εἶναι voir la savante dissertation de Trendelenburg, Rhein Mus., 18. 8, p. 457, et Comment. in de Anim. p. 471. La formule est identique à λόγος τοῦ τί ν εἶναι ἑκάστῳ et n'en est peut-être qu un abrégé, c'est la différence de τί ἐστί avec τὸ τί ν εἶναι. Arist, Met., Ζ. 4. 1089 l. 28, τί ἐστι τὸ ἱματίῳ εἶναι. C'est le τὸ τί ην εἶναι ἐκάστῳ et qu'est-ce que celui-ci? c'est : ὃ λέγεται καθ'αὐτό

[386] Τ VI. 84. Col. 1106.

[387] Εp., II p. 312. e. Cf. Col. 1081.

[388] T. VI. 85. Col. 1107.

[389] J'ajoute après la parenthèse : στί τῶν νοητῶν.

[390] Cousin avec raison lit ici πλῆθος au lieu de πλάτος, malgré les manuscrits que suit Stallbaum.

[391] T. VI. 86. Col. 1108.

[392] Le quoi.

[393] Parm., 142. a.

[394] ἀλλ' ὥσπερ, ἐπεὶ. Le manuscrit Harley donne ἄλλως πως. Taylor conjecture ἀλλως πως. On pourrait supprimer la virgule et traduire· : « comme quand », dans même sens où nous le· disons être principe, cause, etc.

[395] T. VI. 87. Col. 1109

[396] Ep., II 312. e. Cf. Col. 1067. n. 1.

[397] ἐναγής. Leçon manifestement vicieuse par la banalité du sens : il est trop clair que Dieu est saint.

[398] Théét., 176. a. Cf. Procl., in Tim., 114 d. « Dans la phrase du Théétète, mais il n'est pas possible ni que les maux soient anéantis, ni qu'ils existent chez les Dieux, mais ils visitent, nécessairement, la nature mortelle et le monde d'ici-bas. » Car si le mal, nécessairement, circule dans le séjour mortel, il ne saurait être selon Platon l'absolu non être et en dehors de tous les êtres. De sorte que le mal, selon lui, vient des causants particuliers, mais qu’il est rendu bon par la providence bonne du démiurge, de sorte que rien n'est complètement mauvais, mais qu'il est des circonstances où chaque mal est accompli selon la justice et selon Dieu ». Cf. de Mal. subsist., Col. 207 : « Recte ergo in Timœo quidem, secun-dum conditivam voluntatem bona quidem omnia, pravum autem nihil esse, ait; in Sermonibus autem ad geometram neque utique perire mala et ex necessitate in entibus facta esse praetendit. »

[399] ἐξις, la possession d'une faculté qui n'est pas encore en iicte, mais qui sera en acte aussitôt que l'occasion s'en présentera.

[400] T. VI. 88. Col. 1110.

[401] On ne voit pas bien ce que vient faire ici l'idée du tout : je serais tenté lire de πάντων πραγμάτων.

[402] Parm., 137. d.

[403] C'est l'ordre des intelligibles et des intellectuels, qui est le troisième selon Proclus, mais le second selon Damascius (de·Princip., § 191 et 264.) Procl., Theol. Plat, II. p. III. « Le troisième ordre après ceux-là (après les intelligibles, et après les intellectuels) qui a dans son lot la limite des intellectuels qui sont en même temps intelligibles, nous verrons qu'il procède de l'un et que l'un de cet ordre est d'une simplicité parfaite... Donc l'un n'a ni commencement ni milieu ni fin ; il n'a pas d'extrêmes : il ne participe d'aucune figure : car c'est par ces dieux que se manifeste l'ordre de Dieux dont il a été parlé plus haut. Soit donc que cette sommité en eux soit télésiurgique, ou qu'elle soit ce milieu qu'on appelle centre, ou qu'elle soit la terminaison achevée qui retourna et convertit la limite de ces dieux au principe, l'un est également au-delà de tout ce diacosme. Car l'un, autrement, aurait des parties, et il serait plusieurs comme participant des plusieurs. Or il a été démontré qu'il préexiste, sous le mode unié, aux plusieurs et à la totalité, en même temps qu'aux parties, comme leur auteur. Et tu vois que des négations de cet ordre que nous a exposées Parménide, celle de la sommité est une, (c'est le non plusieurs) ; celle de la médianité est deux non un tout, non ayant des parties) et que celle de la dernière partie est trois (n'ayant ni commencement ni milieu ni fin) ; et en outre qu'il n'a pas de limite extrême : or c'est là l'infini ; et encore en outre qu'il répugne à recevoir aucune espèce de figures ». Cf. Extraits de la Théol. Plat. sur la IIe hypothèse, à la fin du volume.

[404] T. VI. 89. Col. 1111.

[405] C'est-à-dire la règle s'applique non seulement dans la sphère de la logique formelle, mais même dans celle des réalités.

[406] C'est-à-dire deux seulement.

[407] Le· vrai Parfait est ce qui a commencement, milieu et fin. Damascius. de Prinrip. § 245. L'Idée du Parfait est équivoque chez les Grecs : il signifie tantôt la totalité des éléments divers dont l'ensemble constitue une chose, c'est la perfection quantitative ; tantôt la convenance des propriétés d'une chose avec sa fin : c'est la perfection quantitative. Olympiodore (in Alcib., Ι. p. 42. le distingue de l’ἱκανόν par cette définition « le τέλειον est seulement ce qui n'a pas besoin d un autre ; l’ἱκανόν est ce qui non seulement n'a pas besoin d'un autre, mais encore qui peut donner et communiquer quelque chose de soi à d'autres. »

[408] Encore ici Stallb. au lieu de οὐδένος donne la leçon inintelligible : οὐδὲ νοός.

[409] Cousin et Stallbaum lisent également ἀπειρίαν. Je crois qu'il faut lire ἀπορίαν correspondant à ἀποροῦσι δὲ τινὲς.

[410] T. VI. 90 Col. 1111.

[411] Je ne suis pas sûr du sens: ἄλλ' ἄττα των μερων· : « vilaines choses appartenant aux parties, par ex. : les éléments, ou les espèces que Damascius distingue avec une grande précision des parties. Ou : certaines autres choses qui tiennent aux parties, leur sont coordonnées, les déterminent, en font fonction, comme fin, milieu et commencement, comme plus loin, (Col. 1113. l. 8.) « nous sommes coordonnés aux parties du monde, et nous pouvons, à ce titre, en être mis, chacun une partie. »

[412] T. VI. 91. Col. 1112.

[413] Le mot parties.

[414] Car le tout engendre ses parties.

[415] T. VI. 92. Col. 1113.

[416] de Legg., IV. 715. e. « Mes amis, leur dirons-nous, Dieu, comme le dit un antique récit (λόγος), avant le commencement, la fin, les milieux de tous les êtres, εῦθεία περαίνει κατὰ φύσιν περιπορευόμενος. Τῷ δὲ ἀεὶ ξυνέπεται Δίκη τῶν ἀπολειπομένων τοῦ θείου νόμου τιμωρός. Ce passage célèbre qui sert de préambule aux Lois, cité par tant d'auteurs, dont Stallbaum (de Legg., I. 1) relève les noms, n'en est pas moins assez difficile à expliquer. Je doute que περαίνει soit pris absolument et sans aucun complément, comme le veut Stallbaum, qui traduit « dum recta pergit, naturae convenientcr, id est, quoniam principium medium et finem complectitur, libero motu in orbem circumit. » Je lierais περαίνει avec περιπορευόμενος, comme Soph., 262 d. περαίνει συμπλέκων, il va jusqu'au bout, il poursuit jusqu'à la fin, c'est-à-dire complètement, le mouvement circulaire qu'il accomplit, comme il convient à sa nature, dans la voie droite. Le scholiaste de Platon interprète εὐθίᾳ par τὸ κατὰ δίκην σημαίνει καὶ ἀξίαν καὶ οἱονεί κανόνι ἑνὶ et περιπορευόμενος par αἱωνίως τὸ ἀεί ὡσαύτω; καὶ κατὰ τὰ αὐτά, sens qu'il aura surtout en le liant à περαίνει. Le παλαιὸς λόγος fait allusion aux vers d'Orphée cités par Proclus, Theol. Plat., vi. 8. p. 363.

Ζεὺς ἁρχη, Ζεὺς μεσσα, Δίος δ'ἐκ πάντα τέτυκται

Ζεὺς πυθμὴν γαίης τε καὶ οὐράνου ἀστερόεντος

mais qu'il reproduit avec quelques changements dans le commentaire sur le Timée (II p. 95, v. 49). — Proclus cite encore ailleurs le passage de Platon. Δίκη est fille de Zeus et de Thémis et soeur d'Eunomie et d'Eirénè. Elle est le πάρεδρος de Zeus : (Procl, in Alcih, I. p. 219. Creuz.) ἡ πρὸ τοῦ κόσμου Δίκη συνάπτεται τῷ Δίι· πάρεδρος γὰρ ὁ Νόμος τοῦ Διός, ὥς φησιν ὁ ρφεύς. Cf. Procl. Theol. Plat., VI. 8 p. 363: ἤδη βασιλεύοντι αὐτῷ (le Démiurge) καὶ διακοσμεῖν ἁρχομένῳ τὸ πᾶν ἑπεσθαί ρησι τὴν Δίκην :

Τῷ δὲ Δίκη πολύποινος ἐφέσπετο πάσιν ἁρωγός

id. in Tim., p. 310. l. 32 et id. p. 13 ou il ajoute : ῶσπερ λέγουσιν οἱ τὰς Τιτανομαχίας καὶ Γιγαντομαχίας ἀναγράψαντες.

[417] On appelle sous-contraires deux propositions ayant même sujet et même attribut, quand, différentes en qualité, elles sont de même quantité, c’est-à-dire toutes deux particulières, comme : quelque homme est animal ; quelque homme n'est pas animal Car si elles étaient toutes deux universelles, comme : tout homme n'est animal, elles seraient purement contraires.

[418] T. VI. 93. Col. 1114.

[419] ὀρθότατα λέγοντος peut s'expliquer par les mots qu'on trouvera plus loin : μετὰ δίκης τὰ ἄλλα κατευθύνοντα. — Il vaudrait peut-être mieux lire : λέγοντες : « et ils ont raison de le dire ».

[420] Procl., Theol Plat., IV. p. 205.

[421] Syrianus.

[422] T. VI. 94. Col. 1115.

[423] Ep., II. p. 312 e.

[424] Je lis διατείνεται au lieu de διαιρεῖται des manuscrits et de ἐνίδρυται, que propose Cousin, qui est forcé de changer εἰς ἕν en ἐν αὐτῷ.

[425] T. VI, 95. Col. 1115.

[426] ἕνεκά του.

[427] Parm., 137. d.

[428] Cf. Extraits de la Théol. Plat. sur la IIe hypothèse, à la fin du volume.

[429] T. VI. 96. Coi. 1116.

[430] Je lis εἰρημένην au lieu ἐξῃρημένην.

[431] Le texte donné par l'édition de Stallbaum est très diffèrent et inintelligible

[432] T. VI. 97. Col. 1117.

[433] Au lieu d’ὅμως, je lis ὅλως, particule qui annonce la conclusion d'un argument inductif.

[434] C'est-à-dire toutes les choses qui, étant de même espèce, peuvent se combiner et former un nombre.

[435] T. VI. 98. Col. 1118.

[436] Un tout est l'unité des parties produite par l'organisation.

[437] C'est-à-dire qui ont le rang et la dignité de principes.

[438] Syrianus.

[439] εὐθυβόλως, par un coup droit.

[440] T. VI. 99. Col. 1118.

[441] Phileb., 21 b. « Regarde si tu pourrais jamais concevoir une limite du plus chaud et du plus froid, ou bien si le plus et le moins qui ont leur place dans ces genres (du chaud et du froid), tant qu'ils y resteront, ne permettront jamais qu'une fin s'y produise : car cette fin se produisant, ils seraient eux-mêmes finis (ils cesseraient d'être.) » Jeu de mots sur les sens de τελευτή et τελευτᾶν. Il y a toujours un degré de chaud ou de froid au-dessus ou au-dessous d'un degré donné quelconque : les comparatifs θερμότερον et ψυχρότερον marquent donc, l'infinité de chaleur ou de froid, en ce sens que le chaud et le froid peuvent être indéfiniment augmentés ou diminués.

[442] Le manuscrit et les éditions donnent περιδεομένου δὲ μηδέ ποτέ οὖσα. Taylor propose de lire λείπονσα; mais que faire de περιδεομένου? Cousin dans sa première édition dit « non liquet quid inde elici possit, forte περιδινής aut περιδίνητος aut περατοδύνατος aut περατοειδής. » Je lis περιδετοῦ et je garde οὖσα. La connaissance ne peut pas enchaîner les choses, elle est impuissante à leur imposer une limite, et de là sa propre infinité, qui correspond à celle des choses.

[443] T. VI. 100. Col. 1119.

[444] Les périodes de l'âme, sont les périodes de sa vie intellectuelle, morale, physique.

[445] Au lieu de τῶν ἄλλων Cousin lit τῶν ὅλων, qui ne semble pas une bonne leçon, à moins qu'on entende ὅλα dans le sens de πάντα.

[446] Τ. VI. 101. Col. 1120.

[447] Procl., in Tim., l. 54 « Après la cause une et première, est apparue la dyade des Principes, dans lesquels la monade est plus puissante que la dyade, ou si tu veux prendre les ternies orphiques, où l'Ether est plus puissant que le Chaos ». Id., id., II. 117. « Le Théologien a fait naître du Temps, l'Éther et le Chaos : l'Éther, cause, en toutes choses, de la limite, le Chaos cause de l’infinité ». Simplicius, in Arist., Phys., IV p. 123. « Le chaos (d'Hésiode) représente non pas l'espace, mais la cause infinie et plurifiée qu'Orphée appelle « le gouffre immense, χάσμα πελώριον. » Après le principe un de tout, qu'Orphée appelle le Temps, comme mesure de la génération mystique des Dieux, il dit que procèdent l’Éther et le Gouffre immense, lun auteur de la procession finie des Dieux, l'autre de la procession infinie, et de celui-ci, il dit :

Οὐδέ τι πεὐρας ἔην, οὐδέ πυθμήν, οὐδέ τις ἕδρη,

vers que nous trouvons ici en partie, mais avec une autre leçon : οὐδέ τι πεὐρας ὑπῆν. Proclus, in Tim., 130. b. « Le Dieu Phanès procède de l'Œuf Protogène, qui est ou la cause secrète, ou ce qui se manifeste de la vie. Car que peut-il provenir de l'Œuf, si ce n'est la vie? Cet Œuf est engendré de l'Éther et du Chaos, dont l'un est fondé selon la limite des intelligibles, et l'autre, selon l'infini. Car l'un est la Racine de tout, et à l'autre il n'a pas de limite : τῷ δὲ οὐδὲ πείραθ' ὑπῆν. Cf. Damasc., de Princip., § 123 et 123 bis, trad. fr. t. II. p. 122 s. qq.

[448] T. VI. 102. Col. 1121.

[449] Voir plus haut, tr. fr. L II. p. 238. n. 2. Cf. Damasc., de Princip., § 123. tr. fr. t II. p. 122 « Dans ces célèbres poèmes qui circulent sous le titre de Rhapsodies Orphiques, il y a une espèce de théologie sur l'intelligible, que les philosophes interprètent comme il suit : Pour principe unique de l'univers des choses, ils lisent Chronos, et ils font de l'Ether et du Chaos deux autres principes, et, comme au lieu de l'Être purement être, ils imaginent l'Œuf, ils arrivent à constituer ainsi la première triade ». Cf. Olympiod., (in Phileb. p. 285) : « Iamblique dit que dans les poèmes orphiques, les trois monades se manifestent dans l'Œuf mythique ».

[450] Taylor propose de lire στήριγμα, le fondement fixe et stable

[451] T. VI. 103. Col. 1122.

[452] Phileb., 23. c. : « Nous avons dit, n'est-ce pas, que c'est un Dieu qui avait enseigné (aux hommes) l'infini des êtres et la limite. »

[453] La pensée, suivant Aristote est plutôt repos que mouvement.

[454] Stallb. lit μετρητικὸν αὐτοῦ. Cousin lit αὐτῶν : je préfère αὐτοῦ. Il s'agit de prouver que le temps est limite.

[455] T. VI. 104. Col. 1123.

[456] Principe de l'invariabilité et de l'immuabilité des espères, même selon le nombre.

[457] Ne peut être plus ou moins trois.

[458] On dit en effet le tout (de qualité, du tout (du quantité). Olympiod., in Alcib. p. 85). Creuzer lui. t. 2. « τὸ ὅλον et τὸ πᾶν sont opposés l'un à l'autre, quoiqu'ils désignent tous deux l'universel ; mais το ὅλον désigne le continu, et τὸ πᾶν, le discret. » La différence est donc celle du qualitatif au quantitatif ; on considère dans l'ὅλον l'unité, dans le πᾶν les parties, et Proclus ici veut dire que l'on doit appliquer l'une des notions à l'autre.

[459] T. VI. 105. Col. 1123.

[460] C’est-à-dire : la chose la plus excellente, qui n'est autre que l'un.

[461] C’est-à-dire de l'un.

[462] de Legg., IV. 716. d. ὁ δὲ θεὸς ἡμῖν πάντων χρημάτων μέτρον ν εἴη μάλιστα.

[463] τῶν ὁλων ; il pénible ici que la différence s'efface, et que τῶν ὅλων est pris par Proclus dans le sens de πάντων du texte de Platon.

[464] La limite et la mesure.

[465] Cousin lit : οὐδὲν γὰρ ἐστιν ἐν αὐτῷ πρὸς αὐτὸ πέρας. Stallb. ἐν τῷ πρὸς αὐτὸ. J'accepte cette dernière leçon, en lisant seulement πρὸς αὐτὸ.

[466] T. VI. 106. Col. 1124.

[467] En le nommant infini nous voulons dire seulement qu'il n'a pas de parties.

[468] Omnis limitatio negatio est.

[469] Stallb., p.392. « Copiosa est Procli de hoc loco disputatio, quam tutam excutere et examinare noluimus : singula quaedam excerpsimus, ne legentibus taedium crearetur. »

[470] Parm., 137. d.

[471] Je lis ἔλαβεν au lieu d’ἔλαβον que donnent les deux éditeurs.

[472] Cf. Col. 1110 et les Extraits de la Théologie Platonique sur la IIe hypothèse, à la fin du volume.

[473] T. VI. 107. Col. 1125.

[474] C'est-à-dire les prémisses du syllogisme.

[475] Je lis διαστάτων au lieu de διαστημάτων.

[476] On pourrait lire δεκτικά au lieu de δηλωτιχά, comme tout à l'heure σχήματος δεκτικόν.

[477] Damascius soutient que la ligne, courue ou droite, a une figure, § 259. « Ce qui a des extrêmes a aussi un milieu, et c'est là la figure » § 262. « Ce qui est compris dans un angle est une figure, quoiqu'il ne soit pas enfermé ; — ce qui est perçu dans une seule ligne, et l'hélice qui n'est pas non plus enfermante, seront une figure pour nous, comme pour la théologie. L’hélice et beaucoup d'autres lignes qui ne sont pas enfermantes sont admises comme figures, comme chez les Egyptiens, ce qu'on appelle Têt... Les Oracles nous font connaître une figure formée d'une seule lignée ployée en courbe, et ils font un grand usage de la figure unilinéaire. » Voir Trad. fr. t. II. p. 341 et 343.

[478] T. VI. 108. Col. 1126.

[479] Je supprimerais volontiers devant φύσις, et j'entendrais : si une nature, une chose quelconque qui est ; car c'est une singulière question que celle de savoir si la nature, est blanche ou noire.

[480] Le manuscrit d. au lieu de μέσων καὶ ἐσχάτων, donne simplement μέσων ἐν τούτοις μεθέξιν.

[481] T. VI. 109. Col. 1127.

[482] ὅρος, rien qui le termine et l'arrête.

[483] τὸ κεῖσθαι dans Aristote (Categ., 2. p. l. 9), est le genre qui comprend ἀνάκειται et κάθηται. Il semble être pris ici comme de l'opposé de ἑστάναι, et comprendre les espèces ἀνάκλισις et καθέδρα.

[484] Phaedr., 247. c. Procl., Theol. Plat.. IV. P. 194. « Ainsi donc le lieu hypercéleste est intelligible : c'est pourquoi Platon dit qu'il est la substance réellement existante, et que cette substance est visible à la raison de l'âme. »

[485] T. VI. 110. Col. 1127.

[486] Je serais tenté de lire οῦ devant πάντη ; far comment des choses absolument inconnaissable peuvent elles être connaissables, même à la raison intelligible.

[487] T. VI. 111. Col. 1128.

[488] Ce commentaire, s'il a existé, est perdu : peut-être Proclus fait-il seulement allusion aux abondants développements qu'il a donnés sur ce sujet dans la Théologie Platonique, l. IV.

[489] ἐν αὐτῷ, dans le Père, et non ἐν ἑαυτῷ, comme le donne Stallbaum.

[490] Les leçons des philosophes.

[491] T. VI. 112. Col. 1129.

[492] Proclus va expliquer ce mot ἐπίπροσθεν, qui paraît au premier abord singulier Cicéron (de Nat. Deor. II. 18). « Quumque duae formae postantes sint, ex solidis globus, sic enim σφαῖραν interpretari plaeet, ex planis autem circulus aut orbis, qui κύκλος Graece dicitur : bis duabus formis contingit solis, ut omnes earum partes sint inter se simillimae, a medioque tantum absit extremum quantum idem a summo : quo nihil fieri potest aptius. « — Euclide, Elem. Geom., Init., « εὐθεῖς γραμμή ἐστιν ἥτις ἐξ ἰσοῦ τοῖς ἐφ' ἑαυτοῖς σημείοις κεῖται, c’est-à-dire, selon l'interprétation de Heindorf, « Rectum autem est id, cujusvis media pars extremae ubique ita objacet (ἐπίπροσθεν) ut tegat utramque et obumbret ». Note de Stallb. p. 193. Cf. plus loin l'explication de Proclus, t. VI. p. 113.

[493] Parm., 137. b.

[494] Fragm. Parm., 101. Sturz.

'Αὐτὰρ ἐπὶ πεῖρας πύματον τετελεσμένον ἐστὶ

παντόθεν εὐκύκλου σφαίρης ἐναλίγκιον ὀγκῳ

μέσσοθεν ἰσοπαλὲς πάντη...

Cf. Procl., Theol. Plat., III. 20 p. 155. Platon, Soph. 244. e. Simplicius, Ρhys., 1. f. 12. a. ; f 19. b. Boèce, Consolat. Philosoph., l. III. Aristote, de Xenoph. Zenon et Gorgia. c. 2. Stob., Ecl., l. 15 p. 352.

[495] Les manuscrits au lieu de τὸν ἐν τοῖς ποιήμασι Παρμενίδην, donnent τὸ. Je croirais plutôt que les mots τὸν Πλάτωνα devraient être retranchés ; car les deux accusatifs ne s'expliquent pas ; ou que κατά a été omis devant τὸν Πλάτωνα, ou encore et plutôt on devrait lire : το ἐν τοῖς ποιήμασι Παρμηνίδου, avec le sens : que Platon veut rappeler à Parménide par cette démonstration, le mot de son poème ». C'est à peu près ce qu'on retrouvera plus loin : Col. 1134 l. 17). ὅταν λέγωσι ἐνταύθα τινὲς ἀντιλεγεΐν τῳ Παρμινεδείῳ ἑνὶ τῳ ἐν τοῖς ποιήμασι τὸν Πλάτωνα, οὐκ ἀποδέξομεθα τὸν λόγον.

[496] La phrase précédente est obscure : ou ne saisit pas la pensée qu'on prête à Platon ; que signifie ici la philosophie, τῆς φιλοσοφίας, des anciens?

[497] T. VI. 113. Col. 1130.

[498] J'ajoute ce complément de l'idée.

[499] La proposition conditionnelle n'a son apodose que beaucoup plus loin.

[500] T. VI. 114 Col. 1131.

[501] Taylor propose le pluriel au lieu du singulier du manuscrit.

[502] Tim., 54.

[503] Plat., Phaedr. 247. d. « Et voyant après un longtemps, l’être, elle l'adore, et dans la contemplation de la vérité se nourrit, et se sent heureuse, tant que le mouvement périphérique l'emporte dans un cercle et la ramène au même ».

[504] Qui voudrait retourner au commencement de sa naissance ou à la fin de sa vie? Le milieu est le point de perfection, où on voudrait s'arrêter. Je ne vois aucun raison d'adopter les changements de texte proposés par Taylor.

[505] La phrase est incomplète : Taylor conjecturait : τίς γὰρ ν (ἄλλως) ἀφίκοιτο (ἀπὸ θατέρου τῶν ἄκρων) ἐπὶ τὸ ἕτερον (ἢ διὰ τοῦ μέσου). Avec une forte ellipse, on peut encore comprendre le texte tel qu'il est dans les manuscrits.

[506] T. VI. 115. Col. 1131.

[507] Stallbaum au lieu de τὴν ἀπόβασιν ποιουμένων, lit ποιούμενος, qui vaut peut-être mieux : « et montre le mouvement décroissant qui s'accomplit depuis les premiers des êtres, etc. »

[508] T. VI. 116. Col. 1132.

[509] Parm., 137. e.

[510] Voir plus haut, Col. 1067. n. 3 Plat., Epp., II. p. 312 e.

[511] Proclus range les classes de l'intelligible dans l’ordre suivant :

1. L'intelligible pur.

2. L'intelligible et intellectuel.

3. L'intellectuel pur.

Damascius conserve cet ordre.