Enneade VI, livre VII - Ennéade VI, livre IX
LES ENNÉADES
HUITIÈME ENNÉADE.
LIVRE NEUVIÈME.
DE LA LIBERTÉ ET DE LA VOLONTÉ DE L'UN
[I] Ἆρ´ ἔστι καὶ ἐπὶ θεῶν εἴ τί ἐστιν ἐπ´ αὐτοῖς ζητεῖν, ἢ ἐν ἀνθρώπων ἀδυναμίαις τε καὶ ἀμφισβητησίμοις δυνάμεσι τὸ τοιοῦτον ἂν πρέποι ζητεῖν, θεοῖς δὲ τὸ πάντα δύνασθαι ἐπιτρεπτέον καὶ ἐπ´ αὐτοῖς οὐ μόνον τι, ἀλλὰ καὶ πάντα εἶναι; Ἢ τὴν δύναμιν δὴ πᾶσαν καὶ τὸ ἐπ´ αὐτῷ δὴ πάντα ἑνὶ ἐπιτρεπτέον, τοῖς δ´ ἄλλοις τὰ μὲν οὕτως, τὰ δ´ ἐκείνως ἔχειν, καί τισιν ἑκατέρως; Ἢ καὶ ταῦτα μὲν ζητητέον, τολμητέον δὲ καὶ ἐπὶ τῶν πρώτων καὶ τοῦ ἄνω ὑπὲρ πάντα ζητεῖν τὸ τοιοῦτον, πῶς τὸ ἐπ´ αὐτῷ, κἂν πάντα συγχωρῶμεν δύνασθαι. Καίτοι καὶ τὸ δύνασθαι τοῦτο σκεπτέον πῶς ποτε λέγεται, μήποτε οὕτως τὸ μὲν δύναμιν, τὸ δ´ ἐνέργειαν φήσομεν, καὶ ἐνέργειαν μέλλουσαν. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν ἐν τῷ παρόντι ἀναβλητέον, πρότερον δὲ ἐφ´ ἡμῶν αὐτῶν, ἐφ´ ὧν καὶ ζητεῖν ἔθος, εἴ τι ἐφ´ ἡμῖν ὂν τυγχάνει. Πρῶτον ζητητέον τί ποτε δεῖ τὸ ἐφ´ ἡμῖν εἶναί τι λέγειν· τοῦτο δ´ ἐστὶ τίς ἔννοια τοῦ τοιούτου· οὕτω γὰρ ἄν πως γνωσθείη, εἰ καὶ ἐπὶ θεοὺς καὶ ἔτι μᾶλλον ἐπὶ θεὸν ἁρμόζει μεταφέρειν ἢ οὐ μετενεκτέον· ἢ μετενεκτέον μέν, ζητητέον δέ, πῶς τὸ ἐπ´ αὐτοῖς τοῖς τε ἄλλοις καὶ ἐπὶ τῶν πρώτων. Τί τοίνυν νοοῦντες τὸ ἐφ´ ἡμῖν λέγομεν καὶ διὰ τί ζητοῦντες; Ἐγὼ μὲν οἶμαι, ἐν ταῖς ἐναντίαις κινούμενοι τύχαις τε καὶ ἀνάγκαις καὶ παθῶν ἰσχυραῖς προσβολαῖς τὴν ψυχὴν κατεχούσαις, ἅπαντα ταῦτα κύρια νομίσαντες εἶναι καὶ δουλεύοντες αὐτοῖς καὶ φερόμενοι ᾗ ἐκεῖνα ἄγοι, μή ποτε οὐδέν ἐσμεν οὐδέ τί ἐστιν ἐφ´ ἡμῖν ἠπορήσαμεν, ὡς τούτου ἐσομένου ἂν ἐφ´ ἡμῖν, ὃ μὴ τύχαις δουλεύοντες μηδὲ ἀνάγκαις μηδὲ πάθεσιν ἰσχυροῖς πράξαιμεν ἂν βουληθέντες οὐδενὸς ἐναντιουμένου ταῖς βουλήσεσιν. Εἰ δὲ τοῦτο, εἴη ἂν ἡ ἔννοια τοῦ ἐφ´ ἡμῖν, ὃ τῇ βουλήσει δουλεύει καὶ παρὰ τοσοῦτον ἂν γένοιτο ἢ μή, παρ´ ὅσον βουληθείημεν ἄν. Ἑκούσιον μὲν γὰρ πᾶν, ὃ μὴ βίᾳ μετὰ τοῦ εἰδέναι, ἐφ´ ἡμῖν δέ, ὃ καὶ κύριοι πρᾶξαι. Καὶ συνθεῖμεν ἂν πολλαχοῦ ἄμφω καὶ τοῦ λόγου αὐτῶν ἑτέρου ὄντος, ἔστι δ´ οὗ καὶ διαφωνήσειεν ἄν· οἷον εἰ κύριος ἦν τοῦ ἀποκτεῖναι, ἦν ἂν οὐχ ἑκούσιον αὐτῷ πεπραχότι, εἰ τὸν πατέρα ἠγνόει τοῦτον εἶναι. Τάχα δ´ ἂν κἀκεῖνο διαφωνοῖ ἔχοντι τὸ ἐφ´ ἑαυτῷ· δεῖ δὴ καὶ τὴν εἴδησιν ἐν τῷ ἑκουσίῳ οὐκ ἐν τοῖς καθέκαστα μόνον εἶναι, ἀλλὰ καὶ ὅλως. Διὰ τί γάρ, εἰ μὲν ἀγνοεῖ, ὅτι φίλιος, ἀκούσιον, εἰ δὲ ἀγνοεῖ, ὅτι μὴ δεῖ, οὐκ ἀκούσιον; Εἰ δ´ ὅτι ἔδει μανθάνειν; Οὐχ ἑκούσιον τὸ μὴ εἰδέναι, ὅτι ἔδει μανθάνειν, ἢ τὸ ἀπάγον ἀπὸ τοῦ μανθάνειν. |
491 LIVRE HUITIÈME. DE LA LIBERTÉ ET DE LA VOLONTÉ DE L'UN (01). I. Devons-nous rechercher si les dieux eux-mêmes possèdent la liberté, ou la question de la liberté ne regarde-t-elle que l'homme, à cause de sa faiblesse et de ses incertitudes, tandis que les dieux possèdent la toute-puissance et que leur liberté n'est pas bornée à telle ou telle chose, mais est absolue? Ne faut-il pas cependant reconnaître que l'Un possède seul la toute-puissance (ἡ δύναμις πᾶσα) et la liberté absolue (τὸ ἐπ' αὐτῷ πάνατ) tandis que, dans les autres êtres, ces choses sont, ou chacune séparément, ou toutes deux ensemble, d'une nature fort différente? Voilà encore une question qu'il faut examiner. Ayons donc la hardiesse de chercher à déterminer, et pour les êtres du premier ordre [pour les dieux] et pour le Principe supérieur a tout [pour l'Un], en quoi consiste la liberté, quoique nous leur accordions la toute-puissance (πάντα δύνασθαι). Nous avons d'ailleurs besoin d'expliquer en quel sens on leur attribue la toute-puissance pour éviter de séparer en eux l'acte d'avec la puissance et de regarder l'acte comme quelque chose de futur. Avant d'aborder ces questions, commençons par examiner, comme on a l'habitude de le faire, si nous possédons nous-mêmes le libre arbitre (02). Et d'abord, en quel sens dit-on que nous possédons le libre arbitre (ou que quelque chose dépend de nous, τὸ ἐφ' ἡμῖν εἶναί τι), c'est-à-dire, quelle idée faut-il s'en former? Répondre à cette question est le seul moyen d'arriver à connaître s'il faut attribuer ou non le libre arbitre aux dieux, et surtout à Dieu. D'ailleurs, tout en leur attribuant le libre arbitre, il est nécessaire de voir à quoi il s'applique soit dans les autres êtres, soit dans les êtres du premier ordre. Que pensons-nous donc quand nous cherchons si quelque chose dépend de nous ? Dans quelles circonstances l'exa-minons-nous? C'est, je crois, quand, subissant l'influence de la fortune, de la nécessité, de passions violentes qui dominent l'âme, nous nous regardons comme maîtrisés, asservis, entraînés par elles ; alors nous nous demandons si nous sommes quelque chose, si quelque chose dépend réellement de nous. Ainsi, nous regardons seulement comme dépendant de nous ce que nous faisons sans être contraints par la fortune, ni par la nécessité, ni par la violence des passions, volontairement, sans rencontrer 493 d'obstacle à nos volontés (03). De là résulte cette définition : Ce qui dépend de nous est ce qui relève uniquement de notre volonté, ce qui a lieu ou n'a pas lieu selon que nous le voulons (04). Nous appelons en effet volontaire (ἐκούσιον) ce que nous faisons sans contrainte, avec conscience de le faire (05) ; dépendant de nous (ἐφ' ἧμῖν), ce que nous sommes maîtres de faire ou de ne pas faire. Ces deux choses se trouvent le plus souvent réunies, quoiqu'elles diffèrent entre elles. Il est des cas où l'une des deux manque : on peut, par exemple, être maître de tuer un homme ; et cependant on ne fait pas un acte volontaire si c'est son père que l'on tue sans le savoir (06). Dans ce cas, l'acte est libre et n'est pas volontaire. Pour que l'acte soit volontaire, il faut que l'on ait connaissance non seulement des détails, mais encore de 494 l'ensemble (07). Sinon, pourquoi dire que l'on fait un acte volontaire quand on tue un ami sans le savoir (08)? L'homicide ne serait-il pas encore involontaire si l'on ignorait qu'il n'en fallut pas commettre? Si l'on soutient le contraire, si I'on dit qu'on devait s'en instruire (09), nous répondrons que ce n'est pas volontairement qu'on ignore ou qu'on est détourné de s'instruire (10) |
[II] Ἀλλ´ ἐκεῖνο ζητητέον· τοῦτο δὴ τὸ ἀναφερόμενον εἰς ἡμᾶς ὡς ἐφ´ ἡμῖν ὑπάρχον τίνι δεῖ διδόναι; Ἢ γὰρ τῇ ὁρμῇ καὶ ᾑτινιοῦν ὀρέξει, οἷον ὃ θυμῷ πράττεται ἢ ἐπιθυμίᾳ ἢ λογισμῷ τοῦ συμφέροντος μετ´ ὀρέξεως ἢ μὴ πράττεται. Ἀλλ´ εἰ μὲν θυμῷ καὶ ἐπιθυμίᾳ, καὶ παισὶ καὶ θηρίοις τὸ ἐπ´ αὐτοῖς τι εἶναι δώσομεν καὶ μαινομένοις καὶ ἐξεστηκόσι καὶ φαρμάκοις ἁλοῦσι καὶ ταῖς προσπιπτούσαις φαντασίαις, ὧν οὐ κύριοι· εἰ δὲ λογισμῷ μετ´ ὀρέξεως, ἆρ´ εἰ καὶ πεπλανημένῳ τῷ λογισμῷ; Ἢ τῷ ὀρθῷ λογισμῷ καὶ τῇ ὀρθῇ ὀρέξει. Καίτοι καὶ ἐνταῦθα ζητήσειεν ἄν τις, πότερα ὁ λογισμὸς τὴν ὄρεξιν ἐκίνησεν, ἢ τοῦτον ἡ ὄρεξις. Καὶ γὰρ εἰ κατὰ φύσιν αἱ ὀρέξεις, εἰ μὲν ὡς ζῴου καὶ τοῦ συνθέτου, ἠκολούθησεν ἡ ψυχὴ τῇ τῆς φύσεως ἀνάγκῃ· εἰ δὲ ὡς ψυχῆς μόνης, πολλὰ τῶν νῦν ἐφ´ ἡμῖν λεγομένων ἔξω ἂν τούτου γίνοιτο. Εἶτα καὶ τίς λογισμὸς ψιλὸς πρόεισι τῶν παθημάτων; Ἥ τε φαντασία ἀναγκάζουσα ἥ τε ὄρεξις ἐφ´ ὅ τι ἂν ἄγῃ ἕλκουσα πῶς ἐν τούτοις κυρίους ποιεῖ; Πῶς δ´ ὅλως κύριοι, οὗ ἀγόμεθα; Τὸ γὰρ ἐνδεὲς ἐξ ἀνάγκης πληρώσεως ὀρεγόμενον οὐκ ἔστι κύριον τοῦ ἐφ´ ὃ παντελῶς ἄγεται. Πῶς δ´ ὅλως αὐτό τι παρ´ αὐτοῦ, ὃ παρ´ ἄλλου καὶ ἀρχὴν εἰς ἄλλο ἔχει κἀκεῖθεν γεγένηται οἷόν ἐστι; Κατ´ ἐκεῖνο γὰρ ζῇ καὶ ὡς πέπλασται· ἢ οὕτω γε καὶ τὰ ἄψυχα ἕξει τὸ ἐπ´ αὐτοῖς τι εἰληφέναι· ποιεῖ γὰρ ὡς γεγένηται καὶ τὸ πῦρ. Εἰ δ´ ὅτι γιγνώσκει τὸ ζῷον καὶ ἡ ψυχὴ ὃ ποιεῖ, εἰ μὲν αἰσθήσει, τίς ἡ προσθήκη πρὸς τὸ ἐπ´ αὐτοῖς εἶναι; οὐ γὰρ ἡ αἴσθησις πεποίηκε τοῦ ἔργου κύριον ἰδοῦσα μόνον. Εἰ δὲ γνώσει, εἰ μὲν γνώσει τοῦ ποιουμένου, καὶ ἐνταῦθα οἶδε μόνον, ἄλλο δὲ ἐπὶ τὴν πρᾶξιν ἄγει· εἰ δὲ καὶ παρὰ τὴν ὄρεξιν ὁ λόγος ποιεῖ ἢ ἡ γνῶσις καὶ κρατεῖ, εἰς τί ἀναφέρει ζητητέον, καὶ ὅλως ποῦ τοῦτο συμβαίνει. Καὶ εἰ μὲν αὐτὸς ἄλλην ὄρεξιν ποιεῖ, πῶς ληπτέον· εἰ δὲ τὴν ὄρεξιν παύσας ἔστη καὶ ἐνταῦθα τὸ ἐφ´ ἡμῖν, οὐκ ἐν πράξει τοῦτο ἔσται, ἀλλ´ ἐν νῷ στήσεται τοῦτο· ἐπεὶ καὶ τὸ ἐν πράξει πᾶν, κἂν κρατῇ ὁ λόγος, μικτὸν καὶ οὐ καθαρὸν δύναται τὸ ἐφ´ ἡμῖν ἔχειν. |
II. Mais a quelle partie de nous-mêmes faut-il rapporter 495 le libre arbitre? Est-ce à l'appétit et au désir, à la colère et à la concupiscence, par exemple? Ou bien est-ce à la raison appliquée à la recherche de l'utile et accompagnée du désir? Si c'est à la colère et à la concupiscence (11), nous serons alors obligés d'accorder le libre arbitre aux brutes, aux enfants, aux hommes furieux, aliénés, égarée par des charmes magiques ou par les suggestions de l'imagination, quoique nul d'entre eux ne soit maître de lui. Si c'est à la raison accompagnée du désir (12), est-ce a la raison lors 496 même qu'elle est égarée, ou seulement à la droite raison et au désir droit (13) ? On peut demander aussi à ce sujet si la raison est mise en mouvement par le désir ou le désir par la raison (14). Car, en admettant que les désirs soient conformes à la nature, il faut encore établir une distinction : s'ils appartiennent à la partie animale, au composé, l'âme obéira à la nécessité de la nature; s'ils appartiennent à l'âme seule, il faudra retrancher du domaine de notre libre arbitre beaucoup des choses qu'on lui attribue. En outre, quelque raisonnement abstrait précède les passions. Enfin, comment l'imagination même, qui nous contraint, et le désir, qui nous entraîne où la nécessité l'exige, peuvent-ils nous rendre maîtres de nous (15)? Comment pouvons-nous l'être en géné- 497 ral quand nous sommes entraînés? Celle de nos facultés qui cherche nécessairement à satisfaire ses besoins n'est pas maîtresse des choses auxquelles elle est forcée de se porter (16). Comment attribuer le libre arbitre à ce qui dépend d'une autre chose, qui a dans cette chose le principe de ses propres déterminations, qui tient d'elle ce qu'il est, puisqu'il règle sur elle sa vie, qu'il vit d'après la disposition qu'il en a reçue? Il faudrait alors accorder le libre arbitre même aux choses inanimées : car le feu aussi agit d'après la nature qu'il a reçue. Veut-on établir ici une distinction fondée sur ce que l'animai et l'âme n'agissent pas sans le savoir? S'ils le savent par la simple sensation, en quoi la sensation contribue-t-elle au libre arbitre? car la sensation, se bornant à percevoir, ne rend maître de rien l'être qui sent (17). S'ils le savent 498 par une connaissance, et que cette connaissance n'embrasse que le fait accompli, leurs actions sont alors déterminées par un autre principe. Si, même indépendamment du désir, la raison ou la connaissance nous fait faire certaines choses et nous domine (18), à quelle faculté rapportera-t-on l'acte et comment a-t-il lieu ? Si la raison produit un autre désir, comment le produit-elle? Si c'est en calmant le désir que la raison se manifeste et nous rend libres, le libre arbitre ne se trouve plus dans l'action, maie dans l'intelligence : car toute action, fût-elle dirigée par la raison, est quelque chose de mixte et n'offre pas le libre arbitre dans sa pureté. |
[III] Διὸ σκεπτέον περὶ τούτων· ἤδη γὰρ αὖ καὶ ἐγγὺς γινόμεθα τοῦ λόγου τοῦ περὶ θεῶν. Ἀναγαγόντες τοίνυν τὸ ἐφ´ ἡμῖν εἰς βούλησιν, εἶτα ταύτην ἐν λόγῳ θέμενοι, εἶτα ἐν λόγῳ ὀρθῷ — ἴσως δὲ δεῖ προσθεῖναι τῷ ὀρθῷ τὸ τῆς ἐπιστήμης· οὐ γάρ, εἴ τις ἐδόξασεν ὀρθῶς καὶ ἔπραξεν, ἔχοι ἂν ἴσως ἀναμφισβήτητον τὸ αὐτεξούσιον, εἰ μὴ εἰδὼς διότι ὀρθῶς, ἀλλὰ τύχῃ ἢ φαντασίᾳ τινὶ πρὸς τὸ δέον ἀχθείς· ἐπεὶ καὶ τὴν φαντασίαν οὐκ ἐφ´ ἡμῖν εἶναι λέγοντες τοὺς κατ´ αὐτὴν δρῶντας πῶς ἂν εἰς τὸ αὐτεξούσιον τάξαιμεν; ἀλλὰ γὰρ ἡμεῖς τὴν μὲν φαντασίαν, ἣν ἄν τις καὶ φαντασίαν κυρίως εἴποι, τὴν ἐκ τοῦ σώματος τῶν παθημάτων ἐγειρομένην (καὶ γὰρ κενώσεις σίτων καὶ ποτῶν φαντασίας οἷον ἀναπλάττουσι καὶ πληρώσεις αὖ καὶ μεστός τις σπέρματος ἄλλα φαντάζεται καὶ καθ´ ἑκάστας ποιότητας ὑγρῶν τῶν ἐν σώματι) τοὺς κατὰ τὰς τοιαύτας φαντασίας ἐνεργοῦντας εἰς ἀρχὴν αὐτεξούσιον οὐ τάξομεν· διὸ καὶ τοῖς φαύλοις κατὰ ταύτας πράττουσι τὰ πολλὰ οὔτε τὸ ἐπ´ αὐτοῖς οὔτε τὸ ἑκούσιον δώσομεν, τῷ δὲ διὰ νοῦ τῶν ἐνεργειῶν ἐλευθέρῳ τῶν παθημάτων τοῦ σώματος τὸ αὐτεξούσιον δώσομεν — εἰς ἀρχὴν τὸ ἐφ´ ἡμῖν καλλίστην ἀνάγοντες τὴν τοῦ νοῦ ἐνέργειαν καὶ τὰς ἐντεῦθεν προτάσεις ἐλευθέρας ὄντως δώσομεν, καὶ τὰς ὀρέξεις τὰς ἐκ τοῦ νοεῖν ἐγειρομένας οὐκ ἀκουσίους εἶναι δώσομεν, καὶ τοῖς θεοῖς τοῦτον ζῶσι τὸν τρόπον [ὅσοι νῷ καὶ ὀρέξει τῇ κατὰ νοῦν ζῶσι] φήσομεν παρεῖναι. |
.III. La question mérite d'être examinée avec soin : car nous allons avoir à parler des dieux. Nous avons rapporté le libre arbitre (ou ce qui dépend de nous, τὸ ἐφ' ἡμῖν à la volonté, et celle-ci à la raison d'abord, puis à la droite raison ; ajoutons, à la raison accompagnée de la connaissance : car on ne possède pas encore d'une manière évidente la liberté (τὸ αὐτεξούσιον), si l'on ne sait pas pourquoi sa décision ou son action est bonne, si l'on a été conduit à faire ce qu'il fallait par hasard ou par une représentation sensible. Puisque celle-ci n'est pas en notre pouvoir, nous ne saurions rapporter au libre arbitre les actions qu'elle inspire. Nous appelons ici représentation sensible (φαντασία) l'imagination qui est excitée en nous par les passions du corps : car elle nous offre telle ou telle image selon que le corps a besoin de nourriture, de boisson, de jouissances charnelles. Ceux qui agissent d'après les représentations sensibles excitées en eux par les diverses qualités des humeurs du corps ne sont pas le principe libre (ἀρχη αὐτεξούσιος) de leurs actions. C'est pourquoi les hommes 499 dépravés qui agissent ordinairement d'après ces images ne font pas, selon nous, des actes libres et volontaires. Nous ne reconnaissons la liberté qu'à celui qui, affranchi des passions du corps, n'est déterminé dans ses actes que par l'intelligence. Nous rapportons ainsi la liberté au principe le plus noble, à l'action de l'intelligence (19); nous regardons comme réellement libres les décisions dont elle est le principe, comme volontaires les désirs qu'elle excite. La liberté ainsi définie est celle que nous attribuons aux dieux, qui vivent conformément à l'intelligence et au désir dont elle est le principe (20). |
[IV] Καίτοι ζητήσειεν ἄν τις, πῶς ποτε τὸ κατ´ ὄρεξιν γιγνόμενον αὐτεξούσιον ἔσται τῆς ὀρέξεως ἐπὶ τὸ ἔξω ἀγούσης καὶ τὸ ἐνδεὲς ἐχούσης· ἄγεται γὰρ τὸ ὀρεγόμενον, κἂν εἰ πρὸς τὸ ἀγαθὸν ἄγοιτο. Καὶ δὴ καὶ περὶ τοῦ νοῦ αὐτοῦ ἀπορητέον, εἰ ὅπερ πέφυκε καὶ ὡς πέφυκεν ἐνεργῶν λέγοιτο ἂν τὸ ἐλεύθερον ἔχειν καὶ τὸ ἐπ´ αὐτῷ, οὐκ ἔχων ἐπ´ αὐτῷ τὸ μὴ ποιεῖν. Ἔπειτα, εἰ ὅλως κυρίως λέγοιτο ἐπ´ ἐκείνων τὸ ἐπ´ αὐτοῖς, οἷς πρᾶξις οὐ πάρεστιν. Ἀλλὰ καὶ οἷς πρᾶξις, ἡ ἀνάγκη ἔξωθεν· οὐ γὰρ μάτην πράξουσιν. Ἀλλ´ οὖν πῶς τὸ ἐλεύθερον δουλευόντων καὶ τούτων τῇ αὐτῶν φύσει; Ἤ, εἰ μὴ ἑτέρῳ ἕπεσθαι ἠνάγκασται, πῶς ἂν τὸ δουλεύειν λέγοιτο; Πῶς δὲ πρὸς τὸ ἀγαθόν τι φερόμενον ἠναγκασμένον ἂν εἴη ἑκουσίου τῆς ἐφέσεως οὔσης, εἰ εἰδὼς ὅτι ἀγαθὸν ὡς ἐπ´ ἀγαθὸν ἴοι; Τὸ γὰρ ἀκούσιον ἀπαγωγὴ ἀπὸ τοῦ ἀγαθοῦ καὶ πρὸς τὸ ἠναγκασμένον, εἰ πρὸς τοῦτο φέροιτο, ὃ μὴ ἀγαθὸν αὐτῷ· καὶ δουλεύει τοῦτο, ὃ μὴ κύριόν ἐστιν ἐπὶ τὸ ἀγαθὸν ἐλθεῖν, ἀλλ´ ἑτέρου κρείττονος ἐφεστηκότος ἀπάγεται τῶν αὐτοῦ ἀγαθῶν δουλεῦον ἐκείνῳ. Διὰ τοῦτο γὰρ καὶ δουλεία ψέγεται οὐχ οὗ τις οὐκ ἔχει ἐξουσίαν ἐπὶ τὸ κακὸν ἐλθεῖν, ἀλλ´ οὗ ἐπὶ τὸ ἀγαθὸν τὸ ἑαυτοῦ ἀγόμενος πρὸς τὸ ἀγαθὸν τὸ ἄλλου. Τὸ δὲ καὶ δουλεύειν λέγειν τῇ αὐτοῦ φύσει δύο ποιοῦντός ἐστι τό τε δουλεῦον καὶ τὸ ᾧ. Φύσις δὲ ἁπλῆ καὶ ἐνέργεια μία καὶ οὐδὲ τὸ δυνάμει ἔχουσα ἄλλο, ἄλλο δὲ τὸ ἐνεργείᾳ, πῶς οὐκ ἐλευθέρα; Οὐδὲ γὰρ ὡς πέφυκε λέγοιτο ἂν ἐνεργεῖν ἄλλης οὔσης τῆς οὐσίας, τῆς δὲ ἐνεργείας ἄλλης, εἴπερ τὸ αὐτὸ τὸ εἶναι ἐκεῖ καὶ τὸ ἐνεργεῖν. Εἰ οὖν οὔτε δι´ ἕτερον οὔτε ἐφ´ ἑτέρῳ, πῶς οὐκ ἐλευθέρα; Καὶ εἰ μὴ τὸ ἐπ´ αὐτῷ ἁρμόσει, ἀλλὰ μεῖζον ἐνταῦθα τοῦ ἐπ´ αὐτῷ, καὶ οὕτως ἐπ´ αὐτῷ, ὅτι μὴ ἐφ´ ἑτέρῳ μηδ´ ἄλλο τῆς ἐνεργείας κύριον· οὐδὲ γὰρ τῆς οὐσίας, εἴπερ ἀρχή. Καὶ εἰ ἄλλην δὲ ὁ νοῦς ἀρχὴν ἔχει, ἀλλ´ οὐκ ἔξω αὐτοῦ, ἀλλ´ ἐν τῷ ἀγαθῷ. Καὶ εἰ κατ´ ἐκεῖνο τὸ ἀγαθόν, πολὺ μᾶλλον 〈τὸ〉 ἐπ´ αὐτῷ καὶ τὸ ἐλεύθερον· ἐπεὶ καὶ τὸ ἐλεύθερον καὶ τὸ ἐπ´ αὐτῷ τις ζητεῖ τοῦ ἀγαθοῦ χάριν. Εἰ οὖν κατὰ τὸ ἀγαθὸν ἐνεργεῖ, μᾶλλον ἂν τὸ ἐπ´ αὐτῷ· ἤδη γὰρ ἔχει τὸ πρὸς αὐτὸ ἐξ αὐτοῦ ὁρμώμενον καὶ ἐν αὐτῷ, εἴπερ πρὸς αὐτό, ὃ ἄμεινον ἂν εἴη αὐτῷ ἐν αὐτῷ ἂν εἶναι, εἴπερ πρὸς αὐτό. |
IV. On pourrait demander ici comment ce qui est produit par un désir peut être libre (αὐτεξούσιον), puisque le désir implique un besoin et nous entraine vers quelque chose d'extérieur : car celui qui désire cède à un entraînement, cet 500 entraînement le conduisit-il au bien. On peut encore demander si l'intelligence, en faisant ce qu'il est dans sa nature de faire, et d'une manière conforme à sa nature, est libre et indépendante, puisqu'elle ne peut pas ne pas le faire ; ensuite, si l'on a le droit d'attribuer le libre arbitre à ce qui ne produit pas d'action ; enfin, si même ce qui produit une action n'est pas soumis à une nécessité extérieure par cela seul que toute action a un but. Comment en effet accorder la liberté (τὸ ἐλεύθερον) à l'être qui obéit à sa nature? — Mais [répondrons-nous], comment peut-on dire de cet être qu'il obéit s'il n'est pas contraint de suivre quelque chose d'extérieur? Comment l'être qui se porte au bien serait-il contraint si son désir est volontaire, s'il se porte au bien en sachant que c'est le bien ? Ce n'est qu'involontairement qu'un être s'éloigne du bien, ce n'est que par contrainte qu'il se porte vers ce qui n'est pas son bien; c'est être dans la servitude que de ne pouvoir aller à son bien, et d'en être écarté par une puissance supérieure à laquelle on obéit. Si la servitude nous déplaît, ce n'est pas parce qu'elle nous ôte la liberté d'aller au mal, mais parce qu'elle nous prive de celle d'aller à notre bien, forcés que nous sommes de travailler au bien d'un autre. Quand on parle d'obéir à sa nature, on distingue [dans l'être qui obéit à sa nature] deux principes, celui qui commande, celui qui obéit (21). Mais quand un principe a une 501 nature simple, qu'il est un acte un, qu'il n'est pas autre en puissance qu'il n'est en acte, comment ne serait-il pas libre? On ne peut dire de lui qu'il agit conformément à sa nature, parce que son acte n'est pas différent de son essence, qu'être et agir ne font qu'un en lui. S'il n'agit donc ni pour un autre ni dans la dépendance d'un autre (οὐκ ἐφ' ἑτέρῳ), comment ne serait-il pas libre? Si le terme d'indépendance (ἐπ' αὐτῷ) ne convient pas ici, s'il est trop faible, il fait du moins comprendre que ce principe ne dépend pas d'un autre, ne l'a pas pour maître de son action, pas plus que de son essence, puisqu'il est lui-même principe (ἀρχή). En effet, si l'intelligence a un principe autre qu'elle, du moins elle n'a pas ce principe hors d'elle, elle l'a dans le Bien même [auquel elle s'attache]. Si donc c'est dans le Bien même qu'elle trouve son bien, a plus forte raison encore elle possède elle-même l'indépendance (τὸ ἐπ' αὐτῷ) et la liberté (ἐλεύθερον), puisqu'elle ne les recherche qu'en vue du bien. Quand donc l'intelligence agit conformément au bien, elle a un plus haut degré d'indépendance : car elle a déjà la conversion vert le Bien, parce qu'elle procède de lui (22), et le privilège d'être en soi (τὸ ἐν αὐτῷ), parce qu'elle est tournée vers lui ; or il est meilleur pour l'Intelligence d'être en elle-même, puisqu'elle est ainsi tournée vers le Bien (23). |
[V] Ἆρ´ οὖν ἐν νῷ μόνῳ νοοῦντι τὸ αὐτεξούσιον καὶ τὸ ἐπ´ αὐτῷ καὶ ἐν νῷ τῷ καθαρῷ ἢ καὶ ἐν ψυχῇ κατὰ νοῦν ἐνεργούσῃ καὶ κατὰ ἀρετὴν πραττούσῃ; Τὸ μὲν οὖν πραττούσῃ εἴπερ δώσομεν, πρῶτον μὲν οὐ πρὸς τὴν τεῦξιν ἴσως χρὴ διδόναι· οὐ γὰρ ἡμεῖς τοῦ τυχεῖν κύριοι. Εἰ δὲ πρὸς τὸ καλῶς καὶ τὸ πάντα ποιῆσαι τὰ παρ´ αὐτοῦ, τάχα μὲν ἂν τοῦτο ὀρθῶς λέγοιτο. Ἐκεῖνο δὲ πῶς ἐφ´ ἡμῖν; Οἷον εἰ, διότι πόλεμος, ἀνδριζοίμεθα· λέγω δὲ τὴν τότε ἐνέργειαν πῶς ἐφ´ ἡμῖν, ὁπότε πολέμου μὴ καταλαβόντος οὐκ ἦν τὴν ἐνέργειαν ταύτην ποιήσασθαι; Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων πράξεων τῶν κατὰ ἀρετὴν ἁπασῶν πρὸς τὸ προσπῖπτον ἀεὶ ἀναγκαζομένης τῆς ἀρετῆς τοδὶ ἢ τοδὶ ἐργάζεσθαι. Καὶ γὰρ εἴ τις αἵρεσιν αὐτῇ δοίη τῇ ἀρετῇ, πότερα βούλεται, ἵν´ ἔχοι ἐνεργεῖν, εἶναι πολέμους, ἵνα ἀνδρίζοιτο, καὶ εἶναι ἀδικίαν, ἵνα τὰ δίκαια ὁρίζῃ καὶ κατακοσμῇ, καὶ πενίαν, ἵνα τὸ ἐλευθέριον ἐνδεικνύοιτο, ἢ πάντων εὖ ἐχόντων ἡσυχίαν ἄγειν, ἕλοιτο ἂν τὴν ἡσυχίαν τῶν πράξεων οὐδενὸς θεραπείας δεομένου τῆς παρ´ αὐτῆς, ὥσπερ ἂν εἴ τις ἰατρός, οἷον Ἱπποκράτης, μηδένα δεῖσθαι τῆς παρ´ αὐτοῦ τέχνης. Εἰ οὖν ἐνεργοῦσα ἐν ταῖς πράξεσιν ἡ ἀρετὴ ἠνάγκασται βοηθεῖν, πῶς ἂν καθαρῶς ἔχοι τὸ ἐπ´ αὐτῇ; Ἆρ´ οὖν τὰς πράξεις μὲν ἀναγκαίας, τὴν δὲ βούλησιν τὴν πρὸ τῶν πράξεων καὶ τὸν λόγον οὐκ ἠναγκασμένον φήσομεν; Ἀλλ´ εἰ τοῦτο, ἐν ψιλῷ τιθέμενοι τῷ πρὸ τοῦ πραττομένου, ἔξω τῆς πράξεως τὸ αὐτεξούσιον καὶ τὸ ἐπ´ αὐτῇ τῇ ἀρετῇ θήσομεν. Τί δὲ ἐπ´ αὐτῆς τῆς ἀρετῆς τῆς κατὰ τὴν ἕξιν καὶ τὴν διάθεσιν; Ἆρ´ οὐ κακῶς ψυχῆς ἐχούσης φήσομεν αὐτὴν εἰς κατακόσμησιν ἐλθεῖν συμμετρουμένην τὰ πάθη καὶ τὰς ὀρέξεις; Τίνα οὖν τρόπον λέγομεν ἐφ´ ἡμῖν τὸ ἀγαθοῖς εἶναι καὶ τὸ <ἀδέσποτον τὴν ἀρετήν;> Ἢ τοῖς γε βουληθεῖσι καὶ ἑλομένοις· ἢ ὅτι ἐγγενομένη αὕτη κατασκευάζει τὸ ἐλεύθερον καὶ τὸ ἐφ´ ἡμῖν καὶ οὐκ ἐᾷ ἔτι δούλους εἶναι, ὧν πρότερον ἦμεν. Εἰ οὖν οἷον νοῦς τις ἄλλος ἐστὶν ἡ ἀρετὴ καὶ ἕξις οἷον νοωθῆναι τὴν ψυχὴν ποιοῦσα, πάλιν αὖ ἥκει οὐκ ἐν πράξει τὸ ἐφ´ ἡμῖν, ἀλλ´ ἐν νῷ ἡσύχῳ τῶν πράξεων. |
V. La liberté (τὸ αὐτεξούσιον) et l'indépendance (τὸ ἐπ' αὐτῷ) ne se trouvent-elles que dans l'intelligence pure et en tant qu'elle pense, ou se trouvent-elles aussi dans l'âme qui applique son activité contemplative à l'intelligence et son activité pratique à la vertu?—Si nous accordons la liberté à l'activité pratique de l'âme, nous ne l'étendrons pas à 502 l'exécution : car nous n'en sommes pas toujours maîtres, mais si l'on attribue la liberté à l'âme qui fait le bien et qui agit en tout par elle-même, on a raison.— Comment cela dépend-il de nous ? — Comme il dépend de nous d'être courageux quand il y a une guerre. Toutefois, en admettant qu'il dépende alors de nous d'être courageux, je remarque que, s'il n'y avait pas de guerre, nous ne pourrions faire d'action de cette nature. De même, dans toutes les autres actions vertueuses, la vertu dépend toujours de circonstances accidentelles qui forcent de faire telle ou telle chose (24). Or, qu'on donne à la vertu la faculté de décider si elle souhaite des guerres pour faire preuve de courage, des injustices pour définir et faire respecter les droits , des pauvres pour montrer sa libéralité, ou si elle aime mieux rester en repos parce que tout est dans l'ordre, ne préférera-t-elle pas pouvoir se reposer parce que personne n'aura besoin de ses services(25)? C'est ainsi qu'un bon médecin, Hippocrate par exemple, souhaiterait que ses soins ne fussent nécessaires à personne. Si donc la vertu appliquée aux actions est forcée de s'occuper de telles choses, comment pour- 503 rait-elle posséder l'indépendance dans toute sa pureté ? Ne devons-nous donc pas dire que les actions sont soumises a la nécessité, taudis que la volonté et la raison qui les précèdent sont indépendantes? S'il en est ainsi, puisque nous plaçons le libre arbitre dans ce qui précède l'exécution, nous placerons aussi la liberté et l'indépendance de ta vertu en dehors de l'action. Que dirons-nous maintenant de la vertu considérée en tant qu'habitude et disposition? Ne s'occupe-t-elle pas de régler et de modérer les passions et les désirs quand l'âme n'est pas saine? En quel sens disons-nous alors qu'il dépend de nous d'être bons, et que la vertu n'a pas de maître (26) ? — En ce sens que c'est nous qui voulons et qui choisissons ; en ce sens encore que la vertu par son assistance nous donne la liberté et l'indépendance, nous affranchit de la servitude. Si donc la vertu est une autre espèce d'intelligence, une habitude qui intellectualise l'âme (ἕξις οἷον νόωθῆναι τὴν ψυχὴν ποιοῦσα), sous ce rapport encore notre liberté ne doit pas être cherchée dans l'activité pratique, mais dans l'intelligence qui est affranchie de l'action. |
[VI] Πῶς οὖν εἰς βούλησιν πρότερον ἀνήγομεν τοῦτο λέγοντες «ὃ παρὰ τὸ βουληθῆναι γένοιτο ἄν»; Ἢ κἀκεῖ ἐλέγετο «ἢ μὴ γένοιτο». Εἰ οὖν τά τε νῦν ὀρθῶς λέγεται, ἐκεῖνά τε τούτοις συμφώνως ἕξει, φήσομεν τὴν μὲν ἀρετὴν καὶ τὸν νοῦν κύρια εἶναι καὶ εἰς ταῦτα χρῆναι ἀνάγειν τὸ ἐφ´ ἡμῖν καὶ τὸ ἐλεύθερον· ἀδέσποτα δὲ ὄντα ταῦτα τὸν μὲν ἐφ´ αὑτοῦ εἶναι, τὴν δὲ ἀρετὴν βούλεσθαι μὲν ἐφ´ αὑτῆς εἶναι ἐφεστῶσαν τῇ ψυχῇ, ὥστε εἶναι ἀγαθήν, καὶ μέχρι τούτου αὐτήν τε ἐλευθέραν καὶ τὴν ψυχὴν ἐλευθέραν παρασχέσθαι· προσπιπτόντων δὲ τῶν ἀναγκαίων παθημάτων τε καὶ πράξεων ἐφεστῶσαν ταῦτα μὲν μὴ βεβουλεῦσθαι γενέσθαι, ὅμως γε μὴν καὶ ἐν τούτοις διασώσειν τὸ ἐφ´ αὑτῇ εἰς αὑτὴν καὶ ἐνταῦθα ἀναφέρουσαν· οὐ γὰρ τοῖς πράγμασιν ἐφέψεσθαι, οἷον σῴζουσα τὸν κινδυνεύοντα, ἀλλ´ εἰ δοκοῖ αὐτῇ, καὶ προϊεμένην τοῦτον καὶ τὸ ζῆν κελεύουσαν προΐεσθαι καὶ χρήματα καὶ τέκνα καὶ αὐτὴν πατρίδα, σκοπὸν τὸ καλὸν αὐτῆς ἔχουσαν, ἀλλ´ οὐ τὸ εἶναι τῶν ὑπ´ αὐτήν· ὥστε καὶ τὸ ἐν ταῖς πράξεσιν αὐτεξούσιον καὶ τὸ ἐφ´ ἡμῖν οὐκ εἰς τὸ πράττειν ἀνάγεσθαι οὐδ´ εἰς τὴν ἔξω, ἀλλ´ εἰς τὴν ἐντὸς ἐνέργειαν καὶ νόησιν καὶ θεωρίαν αὐτῆς τῆς ἀρετῆς. Δεῖ δὲ τὴν ἀρετὴν ταύτην νοῦν τινα λέγειν εἶναι οὐ συναριθμοῦντα τὰ πάθη τὰ δουλωθέντα ἢ μετρηθέντα τῷ λόγῳ· ταῦτα γὰρ ἔοικέ, φησιν, <ἐγγύς τι> τείνειν <τοῦ σώματος ἔθεσι καὶ ἀσκήσεσι> κατορθωθέντα. Ὥστε εἶναι σαφέστερον, ὡς τὸ ἄυλόν ἐστι τὸ ἐλεύθερον καὶ εἰς τοῦτο ἡ ἀναγωγὴ τοῦ ἐφ´ ἡμῖν καὶ αὕτη ἡ βούλησις ἡ κυρία καὶ ἐφ´ ἑαυτῆς οὖσα, καὶ εἴ τι ἐπιτάξειε πρὸς τὰ ἔξω ἐξ ἀνάγκης. Ὅσα οὖν ἐκ ταύτης καὶ διὰ ταύτην, ἐφ´ ἡμῖν, ἔξω τε καὶ ἐφ´ αὑτῆς· ὃ αὐτὴ βούλεται καὶ ἐνεργεῖ ἀνεμποδίστως, τοῦτο καὶ πρῶτον ἐφ´ ἡμῖν. Ὁ δὲ θεωρητικὸς νοῦς καὶ πρῶτος οὕτω τὸ ἐφ´ αὑτῷ, ὅτι τὸ ἔργον αὐτοῦ μηδαμῶς ἐπ´ ἄλλῳ, ἀλλὰ πᾶς ἐπέστραπται πρὸς αὐτὸν καὶ τὸ ἔργον αὐτοῦ αὐτὸς καὶ ἐν τῷ ἀγαθῷ κείμενος ἀνενδεὴς καὶ πλήρης ὑπάρχων καὶ οἷον κατὰ βούλησιν ζῶν· ἡ δὲ βούλησις ἡ νόησις, βούλησις δ´ ἐλέχθη, ὅτι κατὰ νοῦν· καὶ γὰρ λέγομεν· «ἡ βούλησις τὸ κατὰ νοῦν μιμεῖται.» Ἡ γὰρ βούλησις θέλει τὸ ἀγαθόν· τὸ δὲ νοεῖν ἀληθῶς ἐστιν ἐν τῷ ἀγαθῷ. Ἔχει οὖν ἐκεῖνος, ὅπερ ἡ βούλησις θέλει καὶ οὗ τυχοῦσα ἂν ταύτῃ νόησις γίνεται. Εἰ οὖν βουλήσει τοῦ ἀγαθοῦ τίθεμεν τὸ ἐφ´ ἡμῖν, τὸ ἤδη ἐν ᾧ θέλει ἡ βούλησις εἶναι ἱδρυμένον πῶς οὐ τὸ ἐφ´ αὑτῷ ἔχει; Ἢ μεῖζον εἶναι θετέον, εἰ μή τις ἐθέλει εἰς τοῦτο ἀναβαίνειν τὸ ἐφ´ αὑτῷ. |
504 VI. Comment donc avons-nous rapporté précédemment la liberté à la volonté, en disant que ce qui dépend de nous est ce qui a lieu selon que nous le voulons ? — Nous avons ajouté : ou n'a pas lieu. Si donc nous sommes ici dans le vrai, et si nous sommes d'accord avec ce que nous avons avancé plus haut, nous devons reconnaître que la vertu et l'intelligence sont maîtresses d'elles-mêmes et que c'est à elles qu'il faut rapporter notre libre arbitre et notre indépendance. Puisqu'elles n'ont pas de maître, nous admettrons que l'intelligence demeure en elle-même, que la vertu veut également rester calme en elle-même en réglant l'âme pour qu'elle soit bonne, et que dans cette mesure elle est libre elle-même et elle rend l'âme libre. S'il survient des passions ou des actions nécessaires, elle les dirige sans avoir voulu qu'elles eussent lieu; cependant elle conserve encore son indépendance en ramenant tout a elle-même. Elle ne s'occupe pas en effet des choses extérieures pour sauver le corps en danger, par exemple, tout au contraire, elle l'abandonne, si bon lui semble; elle ordonne à l'homme de renoncer à la vie, à ses richesses, à ses enfants, à sa patrie même : car elle a pour but de faire ce qui est honnête pour elle, et non de sauver l'existence de ce qui lui est inférieur. Ceci montre évidemment que notre liberté d'action et notre indépendance ne se rapportent point à l'activité pratique, ni aux occupations du dehors, mais à l'activité intérieure, à la pensée, à la contemplation de la vertu même. Il faut regarder cette vertu comme une espèce d'intelligence et ne pas la confondre avec les passions que domine et gouverne la raison : car celles-ci, comme le dit Platon, semblent tenir quelque chose du corps, corrigées qu'elles sont par l'habitude et par l'exercice (27). 505 C'est donc évidemment au principe immatériel qu'appartient la liberté et qu'il faut rapporter notre libre arbitre. Ce principe, c'est la volonté qui est maîtresse d'elle-même et qui demeure en elle-même : car si elle prend quelque résolution relative aux choses extérieures, elle ne le fait que par nécessité. Tout ce qui procède d'elle et existe par elle dépend de nous et est libre; ce qu'elle veut et qu'elle fait sans obstacle, soit en elle, soit hors d'elle, voilà ce qui dépend de nous au premier degré. L'intelligence contemplative et première possède donc l'indépendance (τὸ ἐφ' ἑαυτῷ), parce que dans l'accomplissement de sa fonction elle ne dépend nullement d'un autre être, parce qu'en la remplissant elle reste tout entière tournée vers elle-même, qu'elle ne s'occupe que d'elle, qu'elle se repose dans le bien, et que satisfaite, sans besoin, elle vit selon sa volonté. La volonté d'ailleurs n'est que la pensée; mais elle a été nommée volonté parce qu'elle est conforme à l'intelligence (28): car la volonté imite ce qui est conforme à l'intelligence. D'un côté, la volonté désire le bien ; de l'autre, pour l'intelligence, penser véritablement, c'est être dans le bien. L'intelligence possède donc ce que désire la volonté, et dès que celle-ci l'a atteint, elle devient par là même pensée. Ainsi, puisque nous attribuons la liberté à la volonté du bien, comment ne l'accorderions-nous pas à l'intelligence qui est édifiée dans ce que désire la volonté ? Si l'on refuse à l'intelligence la liberté, ce ne peut être que pour lui reconnaître quelque chose de plus élevé encore. |
[VII] Γίνεται οὖν ψυχὴ μὲν ἐλευθέρα διὰ νοῦ πρὸς τὸ ἀγαθὸν σπεύδουσα ἀνεμποδίστως, καὶ ὃ διὰ τοῦτο ποιεῖ, ἐφ´ αὑτῇ· νοῦς δὲ δι´ αὑτόν· ἡ δὲ τοῦ ἀγαθοῦ φύσις αὐτὸ τὸ ἐφετὸν καὶ δι´ ὃ τὰ ἄλλα ἔχει τὸ ἐφ´ αὑτοῖς, ὅταν τὸ μὲν τυγχάνειν ἀνεμποδίστως δύνηται, τὸ δὲ ἔχειν. Πῶς δὴ αὐτὸ τὸ κύριον ἁπάντων τῶν μετ´ αὐτὸ τιμίων καὶ ἐν πρώτῃ ἕδρᾳ ὄν, πρὸς ὃ τὰ ἄλλα ἀναβαίνειν θέλει καὶ ἐξήρτηται αὐτοῦ καὶ τὰς δυνάμεις ἔχει παρ´ αὐτοῦ, ὥστε δύνασθαι τὸ ἐπ´ αὐτοῖς ἔχειν, πῶς ἄν τις εἰς τὸ ἐπ´ ἐμοὶ ἢ ἐπὶ σοὶ ἄγοι; Ὅπου καὶ νοῦς μόλις, ὅμως δὲ βίᾳ εἵλκετο. Εἰ μή τις τολμηρὸς λόγος ἑτέρωθεν σταλεὶς λέγοι, ὡς τυχοῦσα οὕτως ἔχειν, ὡς ἔχει, καὶ οὐκ οὖσα κυρία τοῦ ὅ ἐστιν, οὖσα τοῦτο ὅ ἐστιν οὐ παρ´ αὐτῆς οὔτε τὸ ἐλεύθερον ἂν ἔχοι οὔτε τὸ ἐπ´ αὐτῇ ποιοῦσα ἢ μὴ ποιοῦσα, ὃ ἠνάγκασται ποιεῖν ἢ μὴ ποιεῖν. Ὃς δὴ λόγος ἀντίτυπός τε καὶ ἄπορος καὶ παντάπασι τὴν τοῦ ἑκουσίου τε καὶ αὐτεξουσίου φύσιν καὶ τὴν ἔννοιαν τοῦ ἐφ´ ἡμῖν εἴη ἂν ἀναιρῶν, ὡς μάτην εἶναι ταῦτα λέγεσθαι καὶ φωνὰς πραγμάτων ἀνυποστάτων. Οὐ γὰρ μόνον μηδὲν ἐπὶ μηδενὶ εἶναι λέγειν, ἀλλ´ οὐδὲ νοεῖν οὐδὲ συνιέναι ἀναγκαῖον αὐτῷ λέγειν ταύτην τὴν φωνήν. Εἰ δὲ ὁμολογοῖ συνιέναι, ἤδη ἂν ῥᾳδίως ἐλέγχοιτο τῆς ἐννοίας τοῦ ἐφ´ ἡμῖν ἐφαρμοζομένης οἷς ἐφαρμόττειν οὐκ ἔφη. Ἡ γὰρ ἔννοια τὴν οὐσίαν οὐ πολυπραγμονεῖ οὐδὲ ἐκείνην προσπαραλαμβάνει — ἀδύνατον γὰρ ἑαυτό τι ποιεῖν καὶ εἰς ὑπόστασιν ἄγειν — ἀλλὰ ἐθέλει θεωρεῖν ἡ ἐπίνοια, τί τῶν ὄντων δοῦλον ἑτέρων, καὶ τί ἔχει τὸ αὐτεξούσιον καὶ τί μὴ ὑπ´ ἄλλῳ, ἀλλ´ αὐτὸ τῆς ἐνεργείας κύριον, ὃ καθαρῶς τοῖς ἀιδίοις ὑπάρχει καὶ τοῖς καθό εἰσιν ἀίδιοι καὶ τοῖς ἀκωλύτως τὸ ἀγαθὸν διώκουσιν ἢ ἔχουσιν. Ὑπὲρ δὴ ταῦτα τοῦ ἀγαθοῦ αὐτοῦ ὄντος οἷον ἄλλο παρ´ αὐτὸ ἀγαθὸν ζητεῖν ἄτοπον. Ἐπεὶ καὶ τὸ κατὰ τύχην λέγειν αὐτὸ εἶναι οὐκ ὀρθόν· ἐν γὰρ τοῖς ὕστερον καὶ ἐν πολλοῖς ἡ τύχη· τὸ δὲ πρῶτον οὔτε κατὰ τύχην ἂν λέγοιμεν, οὔτε οὐ κύριον τῆς αὐτοῦ γενέσεως, ὅτι μηδὲ γέγονε. Τὸ δὲ ὅτι ὡς ἔχει ποιεῖ ἄτοπον, εἴ τις ἀξιοῖ τότε εἶναι τὸ ἐλεύθερον, ὅταν παρὰ φύσιν ποιῇ ἢ ἐνεργῇ. Οὐδὲ δὴ τὸ τὸ μοναχὸν ἔχον ἀφῄρηται τῆς ἐξουσίας, εἰ τὸ μοναχὸν μὴ τῷ κωλύεσθαι παρ´ ἄλλου ἔχοι, ἀλλὰ τῷ τοῦτο αὐτὸ εἶναι καὶ οἷον ἀρέσκειν ἑαυτῷ, καὶ μὴ ἔχειν ὅ τι κρεῖττον αὐτοῦ· ἢ οὕτω γε τὸ μάλιστα τυγχάνον τοῦ ἀγαθοῦ ἀφαιρήσεταί τις τὸ αὐτεξούσιον. Εἰ δὲ τοῦτο ἄτοπον, ἀτοπώτερον ἂν γίνοιτο αὐτὸ τὸ ἀγαθὸν ἀποστερεῖν τοῦ αὐτεξουσίου, ὅτι ἀγαθὸν καὶ ὅτι ἐφ´ αὑτοῦ μένει οὐ δεόμενον κινεῖσθαι πρὸς ἄλλο τῶν ἄλλων κινουμένων πρὸς αὐτὸ καὶ οὐδὲν δεόμενον οὐδενός. Ὅταν δὲ δὴ ἡ οἷον ὑπόστασις αὐτοῦ ἡ οἷον ἐνέργεια ᾖ — οὐ γὰρ ἡ μὲν ἕτερον, ἡ δ´ ἕτερόν ἐστιν, εἴ γε μηδὲ ἐπὶ τοῦ νοῦ τοῦτο, ὅτι μᾶλλον κατὰ τὸ εἶναι ἡ ἐνέργεια ἢ κατὰ τὴν ἐνέργειαν τὸ εἶναι — ὥστε οὐκ ἔχει τὸ ὡς πέφυκεν ἐνεργεῖν, οὐδὲ ἡ ἐνέργεια καὶ ἡ οἷον ζωὴ ἀνενεχθήσεται εἰς τὴν οἷον οὐσίαν, ἀλλ´ ἡ οἷον οὐσία συνοῦσα καὶ οἷον συγγενομένη ἐξ ἀιδίου τῇ ἐνεργείᾳ ἐξ ἀμφοῖν αὐτὸ αὐτὸ ποιεῖ, καὶ ἑαυτῷ καὶ οὐδενός. |
.VII. C'est donc par la vertu de l'intelligence que l'âme est libre, quand elle s'élève au bien sans rencontrer d'obstacle; tout ce qu'elle fait pour y arriver dépend d'elle. Quant à l'intelligence, elle est libre par elle-même. 506 [Maintenant, considérons la liberté dans le Bien (29).] La nature du Bien est le désirable même (αὐτὸ τὸ ἐφετόν), c'est par lui que l'âme et l'intelligence possèdent la liberté quand elles peuvent, l'une, atteindre le Bien sans obstacle, l'autre, le posséder. Or, puisque le Bien est le maître de toutes les choses précieuses qui sont placées au-dessous de lui, qu'il occupe le premier rang, qu'il est le principe auquel tous les êtres veulent s'élever, auquel tous sont suspendus, dont tous tiennent leur puissance et leur liberté, comment lui attribuer une liberté semblable à la mienne et à la tienne, quand on peut a peine attribuer une telle liberté a l'intelligence sans lui faire violence? Ici quelque téméraire viendra peut-être nous dire, tirant ses arguments d'une autre doctrine : Si le Bien est ce qu'il est, c'est par hasard; il n'est point maître de ce qu'il est parce qu'il n'est point par lui-même ce qu'il est ; par conséquent, il n'a ni liberté ni indépendance, parce qu'il agit ou n'agit pas selon que la nécessité le force d'agir ou de ne pas agir (30). Assertion dénuée de preuves et même contradictoire, qui détruit toute conception de volonté, de liberté, d'indépendance, qui les réduit a n'être plus que de vains mots, de trompeuses chimères ! Celui qui avance une pareille opinion est forcé de soutenir non seulement qu'il n'est au pouvoir de personne de faire ou de ne pas faire une chose, mais encore que le mot de liberté n'éveille dans son esprit aucune conception, n'a pour lui aucune espèce de sens. Si au contraire il attache un sens à ce mot, il sera bientôt obligé d'avouer que la conception de liberté a véritablement avec la réalité une conformité qu'il niait d'abord. La conception d'une chose en effet n'en change et n'en augmente en rien l'essence : elle ne peut rien faire par elle- 507 même ni rien amener à l'existence; elle se borne à nous montrer quel être obéit à d'autres, quel être possède le libre arbitre, quel être ne dépend d'aucun, mais est maître de son action, privilège propre aux êtres éternels en tant qu'ils sont éternels, et aux êtres qui atteignent le bien sans obstacle [comme l'âme] ou le possèdent [comme l'intelligence]. Il est donc absurde de dire que le Bien, qui est au-dessus d'eux, cherche quelque autre bien au delà de lui-même. Il n'est pas plus exact de prétendre que le Bien existe par hasard. Ce n'est que dans les choses inférieures et multiples qu'on trouve le hasard, nous soutiendrons au contraire que le Premier n'existe pas par hasard, qu'on ne peut dire qu'il n'est pas le maître de sa naissance, puisqu'il n'est pas né (31). Il n'est pas moins absurde d'avancer qu'il n'est pas libre parce qu'il agit selon sa nature : car cette assertion semble impliquer qu'être libre, ce soit faire des actes contraires a sa nature. Enfin, son unicité (τὸ μοναχὸν) ne lui ôte passa liberté, parce que cette unicité ne résulte pas de ce qu'il serait empêché par un autre [d'avoir autre chose], mais de ce qu'il est ce qu'il est, de ce qu'il se plaît à lui-même, de ce qu'il ne saurait être meilleur; sinon, il faudrait soutenir qu'en atteignant le bien on perdrait sa liberté. Si une pareille assertion est absurde, n'est-ce pas le comble de l'absurdité de refuser la liberté au Bien parce qu'il est le Bien, qu'il demeure en lui-même, et que, tous les êtres aspirant à lui, il n'aspire lui-même à rien d'autre que lui et n'a besoin absolument de rien. Comme son existence est en même temps son acte (car en lui ces deux choses ne font qu'un, puisqu'elles ne font qu'un aussi dans l'intelligence), son être 508 n'est pas plus selon son acte que son acte n'est selon son être (32). On ne peut donc pas dire de lui qu'il agit selon sa nature, ni que son acte et que sa vie se ramènent à son essence (si je puis ainsi parler (33). Mais, son essence et son acte étant intimement unis et coexistant de toute éternité, il en résulte que ces deux choses constituent un seul principe, qui dépend de lui-même et ne dépend de nulle autre chose. |
[VIII] Ἡμεῖς δὲ θεωροῦμεν οὐ συμβεβηκὸς τὸ αὐτεξούσιον ἐκείνῳ, ἀλλὰ ἀπὸ τῶν περὶ τὰ ἄλλα αὐτεξουσίων ἀφαιρέσει τῶν ἐναντίων αὐτὸ ἐφ´ ἑαυτό· πρὸς αὐτὸ τὰ ἐλάττω ἀπὸ ἐλαττόνων μεταφέροντες ἀδυναμίᾳ τοῦ τυχεῖν τῶν ἃ προσήκει λέγειν περὶ αὐτοῦ, ταῦτα ἂν περὶ αὐτοῦ εἴποιμεν. Καίτοι οὐδὲν ἂν εὕροιμεν εἰπεῖν οὐχ ὅτι κατ´ αὐτοῦ, ἀλλ´ οὐδὲ περὶ αὐτοῦ κυρίως· πάντα γὰρ ἐκείνου καὶ τὰ καλὰ καὶ τὰ σεμνὰ ὕστερα. Τούτων γὰρ αὐτὸς ἀρχή· καίτοι ἄλλον τρόπον οὐκ ἀρχή. Ἀποτιθεμένοις δὴ πάντα καὶ τὸ ἐπ´ αὐτῷ ὡς ὕστερον καὶ τὸ αὐτεξούσιον — ἤδη γὰρ εἰς ἄλλο ἐνέργειαν λέγει — καὶ ὅτι ἀνεμποδίστως καὶ ὄντων ἄλλων τὸ εἰς αὐτὰ ἀκωλύτως. Δεῖ δὲ ὅλως πρὸς οὐδὲν αὐτὸν λέγειν· ἔστι γὰρ ὅπερ ἐστὶ καὶ πρὸ αὐτῶν· ἐπεὶ καὶ τὸ «ἔστιν» ἀφαιροῦμεν, ὥστε καὶ τὸ πρὸς τὰ ὄντα ὁπωσοῦν· οὐδὲ δὴ τὸ «ὡς πέφυκεν»· ὕστερον γὰρ καὶ τοῦτο, καὶ εἰ λέγοιτο καὶ ἐπ´ ἐκείνων, ἐπὶ τῶν ἐξ ἄλλου ἂν λέγοιτο, ὥστε πρώτως ἐπὶ τῆς οὐσίας, ὅτι ἐξ ἐκείνου ἔφυ· εἰ δ´ ἐν τοῖς ἐν χρόνῳ ἡ φύσις, οὐδ´ ἐπὶ τῆς οὐσίας. Οὐδὲ δὴ τὸ «οὐ παρ´ αὐτῆς εἶναι» λεκτέον· τό τε γὰρ «εἶναι» ἀφῃροῦμεν, τό τε «οὐ παρ´ αὐτῆς» λέγοιτο ἄν, ὅταν ὑπ´ ἄλλου. Οὕτως οὖν συνέβη; Ἢ οὐδὲ τὸ συνέβη ἀκτέον· οὔτε γὰρ αὐτῷ οὔτε πρὸς ἄλλο· ἐν γὰρ πολλοῖς τὸ συνέβη, ὅταν τὰ μὲν ᾖ, τὸ δὲ ἐπὶ τούτοις συμβῇ. Πῶς οὖν τὸ πρῶτον συνέβη; Οὐδὲ γὰρ ἦλθεν, ἵνα ζητῇς «πῶς οὖν ἦλθε; τύχη τίς ἤγαγεν ἢ ὑπέστησεν αὐτό;» Ἐπεὶ οὐδὲ τύχη πω ἦν οὐδὲ τὸ αὐτόματον δέ· καὶ γὰρ τὸ αὐτόματον καὶ παρ´ ἄλλου καὶ ἐν γινομένοις. |
VIII. Nous concevons qu'en Lui la liberté n'est pas un accident; mais, de la liberté propre aux autres êtres, nous nous élevons, par l'abstraction des contraires (ἀφαιρέσει τῶν ἐναντίων), à Celui qui est la Liberté, l'Indépendance même (αὐτὸ ἐφ' ἑαυτῷ (34) πρὸς αὑτό), transportant ainsi à ce principe les attributs inférieurs que nous empruntons aux êtres inférieurs [savoir à l'âme et à l'intelligence], dans l'impuissance où nous sommes de parler de lui convenablement. Tels sont en effet les termes que nous pourrions employer en parlant de lui, quoiqu'il nous soit absolument impossible de trouver l'expression propre, non seulement pour affirmer de lui quelque chose, mais même pour dire sur lui quoi que ce soit. C'est que toutes les choses qui sont belles et vénérables ne viennent qu'après lui, parce qu'il est leur principe. Toutefois, sous un autre point de vue, il n'est point leur principe, puisque nous séparons tout de lui, que nous écartons de lui, comme choses inférieures, la liberté et le libre arbitre (τὸ ἐπ' αὐτῷ, τὸ αὐθτεξούσιον) : car ces termes 509 semblent indiquer une tendance vers autrui, l'absence d'un obstacle, la coexistence d'autres êtres qui tendent aussi aux mêmes choses sans entrave. Or il ne faut attribuer aucune tendance au Bien : car il est ce qu'il est avant toutes les autres choses, puisque nous ne disons pas même de lui : Il est (35), afin de n'établir aucun rapport entre lui et les êtres. Il ne faut pas dire non plus de lui : selon la nature (ὡς πέφυκε) ; cette expression indique une chose postérieure. Si on l'applique aussi aux intelligibles, ce n'est qu'en tant qu'ils procèdent d'un autre principe ; c'est ainsi qu'elle s'applique à l'Essence, parce qu'elle est née du Bien (ἐξ ἐκείνου ἔφυ). Μais si nature (φύσις) dit des choses qui sont dans le temps, elle ne saurait s'affirmer de l'Essence : car dire que l'Essence n'existe point par elle-même, ce serait lui enlever l'existence; or, dire qu'elle tient d'une autre chose son existence, c'est dire qu'elle n'existe point par elle-même. Il ne faut pas dire non plus du Bien : Il est ainsi par accident (οὕτως συνέβη), ni parler de contingence à son égard : car il n'est contingent ni pour lui-même, ni pour les autres êtres ; la contingence ne se trouve que dans les êtres multiples qui, étant déjà une chose, en sont devenus une autre par accident. Comment donc le Premier pourrait-il être par accident? car il n'est pas arrivé fortuitement [à être ce qu'il est] de telle sorte qu'on puisse demander : Comment est-il arrivé là? Aucun hasard ne l'a amené [à être ce qu'il est] et ne lui a donné l'existence : car le hasard et la fortune n'existaient pas avant lui, puisque le hasard et la fortune proviennent eux-mêmes d'une cause et ne se trouvent que dans les choses qui deviennent (36). |
[IX] Ἀλλὰ πρὸς αὐτὸ εἴ τις λαμβάνοι τὸ συνέβη, οὔτοι δεῖ πρὸς τὸ ὄνομα ἵστασθαι, ἀλλὰ ὅπως νοεῖ ὁ λέγων συνιέναι. Τί οὖν νοεῖ; Τοῦτο, ὅτι ταύτην ἔχον τὴν φύσιν καὶ τὴν δύναμιν ἀρχή· καὶ γὰρ εἰ ἄλλην εἶχεν, ἦν ἂν [ἀρχὴ] τοῦτο, ὅπερ ἦν, καὶ εἰ χεῖρον, ἐνήργησεν ἂν κατὰ τὴν αὐτοῦ οὐσίαν. Πρὸς δὴ τὸ τοιοῦτον λεκτέον, ὅτι μὴ οἷόν τε ἦν ἀρχὴν οὖσαν πάντων τὸ τυχὸν εἶναι, μὴ ὅτι χεῖρον, ἀλλ´ οὐδὲ ἀγαθὸν μέν, ἀγαθὸν δὲ ἄλλως, οἷον ἐνδεέστερον. Ἀλλὰ δεῖ κρείττονα εἶναι τὴν ἀρχὴν ἁπάντων τῶν μετ´ αὐτήν· ὥστε ὡρισμένον τι. Λέγω δὲ ὡρισμένον, ὅτι μοναχῶς καὶ οὐκ ἐξ ἀνάγκης· οὐδὲ γὰρ ἦν ἀνάγκη· ἐν γὰρ τοῖς ἑπομένοις τῇ ἀρχῇ ἡ ἀνάγκη καὶ οὐδὲ αὕτη ἔχουσα ἐν αὐτοῖς τὴν βίαν· τὸ δὲ μοναχὸν τοῦτο παρ´ αὐτοῦ. Τοῦτο οὖν καὶ οὐκ ἄλλο, ἀλλ´ ὅπερ ἐχρῆν εἶναι· οὐ τοίνυν οὕτω συνέβη, ἀλλ´ ἔδει οὕτως· τὸ δὲ «ἔδει» τοῦτο ἀρχὴ τῶν ὅσα ἔδει. Τοῦτο τοίνυν οὐκ ἂν οὕτως εἴη, ὡς συνέβη· οὐ γὰρ ὅπερ ἔτυχέν ἐστιν, ἀλλ´ ὅπερ ἐχρῆν εἶναι· μᾶλλον δὲ οὐδὲ ὅπερ ἐχρῆν, ἀλλὰ ἀναμένειν δεῖ τὰ ἄλλα, τί ποτε αὐτοῖς ὁ βασιλεὺς φανείη, καὶ τοῦτο, ὅπερ ἐστὶν αὐτός, τοῦτο αὐτὸν θέσθαι οὐχ ὡς συνέβη φανέντα, ἀλλὰ ὄντως βασιλέα καὶ ὄντως ἀρχὴν καὶ τὸ ἀγαθὸν ὄντως, οὐκ ἐνεργοῦντα κατὰ τὸ ἀγαθόν — οὕτω γὰρ ἂν δόξειεν ἕπεσθαι ἄλλῳ — ἀλλ´ ὄντα ἕν, ὅπερ ἐστίν, ὥστε οὐ κατ´ ἐκεῖνο, ἀλλ´ ἐκεῖνο. Εἰ τοίνυν οὐδ´ ἐπὶ τοῦ ὄντος τὸ συνέβη — τῷ γὰρ ὄντι, εἴ τι συμβήσεται, τὸ συνέβη, ἀλλ´ οὐκ αὐτὸ τὸ ὂν συνέβη, οὐδὲ συνέκυρσε τὸ ὂν οὕτως εἶναι, οὐδὲ παρ´ ἄλλου τὸ οὕτως εἶναι, ὂν ὡς ἔστιν, ἀλλ´ αὕτη ὄντως φύσις ὂν εἶναι — πῶς ἄν τις ἐπὶ τοῦ <ἐπέκεινα> ὄντος τοῦτο ἐνθυμοῖτο τὸ οὕτω συνέβη, ᾧ ὑπάρχει γεγεννηκέναι τὸ ὄν, ὃ οὐχ οὕτω συνέβη, ἀλλ´ ἔστιν ὡς ἔστιν ἡ οὐσία, οὖσα ὅπερ ἐστὶν οὐσία καὶ ὅπερ ἐστὶ νοῦς· ἐπεὶ οὕτω τις καὶ τὸν νοῦν εἴποι «οὕτω συνέβη νοῦν εἶναι», ὥσπερ ἄλλο τι ἂν τὸν νοῦν ἐσόμενον ἢ τοῦτο, ὃ δὴ φύσις ἐστὶ νοῦ. Τὸ δὴ οὐ παρεκβεβηκὸς ἑαυτό, ἀλλ´ ἀκλινὲς ὂν ἑαυτοῦ, αὐτὸ ἄν τις κυριώτατα λέγοι εἶναι ὅ ἐστι. Τί ἂν οὖν τις λέγοι ἐκεῖ εἰς τὸ ὑπὲρ τοῦτο ἀναβὰς καὶ εἰσιδών; Ἆρά γε τὸ οὕτως 〈συνέβη〉, ὡς εἶδεν αὐτὸν ἔχοντα; [τὸ οὕτως συνέβη] Ἢ οὔτε τὸ οὕτω οὔτε τὸ ὁπωσοῦν συνέβη, ἀλλ´ οὐδὲ ὅλως τὸ συνέβη. Ἀλλὰ τὸ οὕτω μόνον καὶ οὐκ ἂν ἄλλως, ἀλλ´ οὕτως; Ἀλλ´ οὐδὲ τὸ οὕτως· οὕτω γὰρ ἂν ὁρίσας εἴης καὶ τόδε τι· ἀλλ´ ἔστι τῷ ἰδόντι οὐδὲ τὸ οὕτως εἰπεῖν δύνασθαι οὐδ´ αὖ τὸ μὴ οὕτως· τὶ γὰρ ἂν εἴποις αὐτὸ τῶν ὄντων, ἐφ´ ὧν τὸ οὕτως. Ἄλλο τοίνυν παρ´ ἅπαντα τὰ οὕτως. Ἀλλ´ ἀόριστον ἰδὼν πάντα μὲν ἕξεις εἰπεῖν τὰ μετ´ αὐτό, φήσεις δὲ οὐδὲν ἐκείνων εἶναι, ἀλλά, εἴπερ, δύναμιν πᾶσαν αὑτῆς ὄντως κυρίαν, τοῦτο οὖσαν ὃ θέλει, μᾶλλον δὲ ὃ θέλει ἀπορρίψασαν εἰς τὰ ὄντα, αὐτὴν δὲ μείζονα παντὸς τοῦ θέλειν οὖσαν τὸ θέλειν μετ´ αὐτὴν θεμένην. Οὔτ´ οὖν αὐτὴ ἠθέλησε τὸ οὕτως, ἵνα ἂν εἵπετο, οὔτε ἄλλος πεποίηκεν οὕτως. |
IX. Si quelqu'un cependant appliquait à Dieu le terme de contingence, il ne faudrait pas s'arrêter au mot, mais 510 s'attacher à bien comprendre quel sens y attache celui qui remploie. Que conçoit-il donc? Veut-il dire que le Premier est un principe qui a une telle nature et une telle puissance; que s'il avait eu une autre nature, il aurait encore été un principe conforme à la nature qu'il aurait eue; enfin que, s'il avait été moins parfait, il aurait agi conformément a son essence ? — A une pareille assertion nous répondrons qu'il était impossible que le Principe de toutes choses fût contingent, et non seulement qu'il fût moins parfait par accident, mais encore qu'il fût bon par accident, ou bon d'une autre manière, comme une chose moins complète. Le Principe de toutes choses doit être meilleur qu'elles, par conséquent, être déterminé: je dis déterminé, en ce sens qu'il est d'une manière unique (μοναχῶς), mais ce n'est pas par l'effet de la nécessité; car la nécessité n'existait pas avant lui. Elle ne se trouve que dans les êtres qui suivent le Premier principe, et encore celui-ci ne leur impose-t-il nulle contrainte. C'est par lui-même que le Premier est d'une manière unique. Il ne saurait être autre qu'il est : il est ce qu'il fallait qu'il fût ; il ne l'est point par accident; il l'est parce qu'il devait l'être ; or Celui qui est ce qu'il devait être est le principe des choses qui devaient exister. Il n'est donc pas ce qu'il est par accident, ni d'une manière contingente ; il est ce qu'il fallait qu'il fût; encore même le terme il fallait est-il impropre. Mais les autres êtres doivent attendre [pour s'en former une conception], que leur Roi leur apparaisse, et n'affirmer de lui que ce qu'il est, savoir : qu'il n'apparaît pas comme une chose fortuite, mais comme le vrai Roi, le vrai Principe, le vrai Bien. Il ne faut même pas dire de lui qu'il agit conformément au bien {car alors il semblerait subordonné à un autre principe), mais qu'il est uniquement ce qu'il est II n'est donc pas conforme au bien, il est le Bien même. D'ailleurs, il n'y a rien de continrent, même [dans ce qui est au-dessous du Premier] dans l'Être en soi : car s'il 511 y avait en lui quelque chose de contingent, il serait lui-même contingent; or l'Être ne saurait être contingent; ce n'est point fortuitement qu'il est ce qu'il est; il ne tient pas non plus d'autrui d'être ce qu'il est, parce que la nature de l'Être est d'être l'Être. S'il en est ainsi, comment Celui qui est au-dessus de l'Être serait-il conçu comme étant d'une manière fortuite ce qu'il est? Car il a engendré l'Être, et l'Être n'est point d'une manière fortuite ce qu'il est, puisqu'il existe de la même manière que l'Essence, laquelle est ce qu'est l'Essence et ce qu'est l'Intelligence (sans cela on pourrait dire aussi que l'Intelligence est contingente, comme si elle aurait pu être autre chose que ce qu'est sa nature), Ainsi, ce qui ne sort pas de soi, ce qui n'incline pas vers quoi que ce soit, est par excellence ce qu'il est. Que dira donc celui qui s'élèvera au-dessus de l'Être et de l'Intelligence et qui contemplera leur principe ? Pensera-t-il, en le voyant, que ce qu'il le voit être est contingent? Non certes. Ce qu'est le Premier n'est point contingent il n'est contingent absolument d'aucune manière. Il est seulement ainsi [qu'il est] ; il n'est pas autrement, mais il est ainsi (οὕτως). Encore le terme même ainsi est-il impropre : car, en l'appliquant au Premier, on le déterminerait et l'on ferait de lui telle chose (τόδε τι). Quand vous avez eu l'intuition du Premier, ne dites pas qu'il est ou qu'il n'est pas cela; sinon, vous le ferez descendre au nombre des choses dont on dit qu'elles sont ceci ou cela ; or le Premier est au-dessus de toutes ces choses. Quand vous aurez vu Celui qui est infini (ἀόριστον), vous pourrez nommer les choses qui sont après lui; mais ne le mettez pas au nombre de ces choses. Regardez-le comme la Puissance universelle véritablement maîtresse d'elle-même (δύναμις πάσα αὐτῆς ὄντως κυρία), qui est ce qu'elle veut, ou plutôt, qui a projeté sur les êtres ce qu'elle veut (ὁ θέλει ἀπορρίψασα εἰς τὰ ὄντα), mais qui est plus grande que toute volonté et qui place le vouloir au-dessous d'elle ; elle n'a donc pas même voulu [a proprement parler] être ce qu'elle est [elle ne s'est pas dit : Je serai cela], et aucun autre principe ne l'a fait être ce qu'elle est. |
[X] Καὶ τοίνυν καὶ ἐρωτῆσαι χρὴ τὸν λέγοντα τὸ οὕτω συνέβη, πῶς ἂν ἀξιώσειε ψεῦδος εἶναι τὸ συνέβη, εἴ τι εἴη, καὶ πῶς ἄν τις ἀφέλοι τὸ συνέβη. Καὶ εἴ τις εἴη φύσις, τότε φήσει οὐκ ἐφαρμόζειν τὸ συνέβη. Εἰ γὰρ τὴν τῶν ἄλλων ἀφαιροῦσαν τὸ οὕτω συνέβη ἀνατίθησι τύχῃ, ποῦ ποτε τὸ μὴ ἐκ τύχης εἶναι γένοιτο; Ἀφαιρεῖ δὲ τὸ ὡς ἔτυχεν αὕτη ἡ ἀρχὴ τῶν ἄλλων εἶδος καὶ πέρας καὶ μορφὴν διδοῦσα, καὶ οὐκ ἔστιν ἐν τοῖς οὕτω κατὰ λόγον γινομένοις τύχῃ ἀναθεῖναι, ἀλλ´ αὐτὸ τοῦτο λόγῳ τὴν αἰτίαν, ἐν δὲ τοῖς μὴ προηγουμένως καὶ μὴ ἀκολούθως, ἀλλὰ συμπτώμασιν, ἡ τύχη. Τὴν δὴ ἀρχὴν παντὸς λόγου τε καὶ τάξεως καὶ ὅρου πῶς ἄν τις τὴν τούτου ὑπόστασιν ἀναθείη τύχῃ; Καὶ μὴν πολλῶν μὲν ἡ τύχη κυρία, νοῦ δὲ καὶ λόγου καὶ τάξεως εἰς τὸ γεννᾶν ταῦτα οὐ κυρία· ὅπου καὶ ἐναντίον γε δοκεῖ λόγῳ εἶναι τύχη, πῶς ἂν γεννήτειρα αὐτοῦ γένοιτο; Εἰ οὖν μὴ γεννᾷ νοῦν τύχη, οὐδὲ τὸ πρὸ νοῦ οὐδὲ τὸ κρεῖττον νοῦ· οὔτε γὰρ εἶχεν ὅθεν γεννήσει, οὔτε ἦν τὸ παράπαν αὕτη οὐδ´ ὅλως ἐν τοῖς ἀιδίοις. Εἰ οὖν μηδὲν πρὸ ἐκείνου, αὐτὸς δὲ πρῶτος, στῆναι ἐνταῦθα δεῖ καὶ μηδὲν ἔτι περὶ αὐτοῦ λέγειν, ἀλλὰ τὰ μετ´ αὐτὸ ζητεῖν πῶς ἐγένετο, αὐτὸ δὲ μηκέτι ὅπως, ὅτι ὄντως τοῦτο μὴ ἐγένετο. Τί οὖν, εἰ μὴ ἐγένετο, ἔστι δὲ οἷός ἐστιν, οὐκ ὢν τῆς αὐτοῦ οὐσίας κύριος; Καὶ εἰ μὴ οὐσίας δέ, ἀλλ´ ὢν ὅς ἐστιν, οὐχ ὑποστήσας ἑαυτόν, χρώμενος δὲ ἑαυτῷ οἷός ἐστιν, ἐξ ἀνάγκης τοῦτο ἂν εἴη, ὅ ἐστι, καὶ οὐκ ἂν ἄλλως. Ἢ οὐχ ὅτι οὐκ ἄλλως, οὕτως, ἀλλ´ ὅτι τὸ ἄριστον οὕτως. Πρὸς μὲν γὰρ τὸ βέλτιον ἐλθεῖν οὐ πᾶν αὐτεξούσιον, πρὸς δὲ τὸ χεῖρον ἐλθεῖν οὐδὲν ὑπ´ ἄλλου κεκώλυται. Ἀλλ´ ὅτι μὴ ἦλθε, παρ´ αὐτοῦ οὐκ ἐλήλυθεν, οὐ τῷ κεκωλῦσθαι, ἀλλὰ τῷ αὐτὸ εἶναι, ὃ μὴ ἐλήλυθε· καὶ τὸ ἀδύνατον ἐλθεῖν πρὸς τὸ χεῖρον οὐκ ἀδυναμίαν σημαίνει τοῦ μὴ ἥκοντος, ἀλλὰ παρ´ αὐτοῦ καὶ δι´ αὐτὸν τὸ μὴ ἥκειν. Καὶ τὸ μὴ ἥκειν πρὸς μηδὲν ἄλλο τὴν ὑπερβολὴν τῆς δυνάμεως ἐν αὐτῷ ἔχει, οὐκ ἀνάγκῃ κατειλημμένου, ἀλλ´ αὐτοῦ ἀνάγκης τῶν ἄλλων οὔσης καὶ νόμου. Αὐτὴν οὖν ἡ ἀνάγκη ὑπέστησεν; ἢ οὐδὲ ὑπέστη τῶν ἄλλων ὑποστάντων τῶν μετ´ αὐτὸ δι´ αὐτό. Τὸ οὖν πρὸ ὑποστάσεως πῶς ἂν ἢ ὑπ´ ἄλλου ἢ ὑφ´ αὑτοῦ ὑπέστη; |
X. Demandons à celui qui dit que le Bien est par hasard ce qu'il est (37) comment il voudrait qu'on lui démontrât que l'hypothèse du hasard est fausse, supposé qu'elle le soit, et comment on pourrait faire disparaître de l'univers le hasard (38). S'il y a une nature qui le fasse disparaître [telle que la nature de l'Un], elle ne saurait être elle-même soumise au hasard . Si l'on soumet au hasard la nature qui fait que les autres êtres ne sont point par hasard ce qu'ils sont, il n'y aura plus rien qui ne provienne du hasard. Mais le Principe de tous les êtres bannit de l'univers le hasard en donnant à chacun une espèce, une détermination et une forme (εἶδος καὶ πέρας καὶ μορφὴν διδοῦσα), et il est impossible d'attribuer au hasard la production des êtres ainsi engendrés d'une manière conforme à la raison. Il y a donc là une cause. Le hasard ne règne que dans les choses qui ne résultent pas d'un plan, qui ne se suivent pas, qui sont accidentelles. Comment rapporter au hasard l'existence du Principe de toute raison, de tout ordre, de toute détermination ? Le hasard est sans doute maître de bien des choses (39); mais il ne saurait être maître d'engendrer l'intelligence, la raison et l'ordre. Le hasard est en effet le contraire de la raison : comment donc la produirait-il ? Si le hasard n'engendre pas l'intelligence, à plus forte raison il ne saurait engendrer le principe supérieur à l'intelligence et meilleur qu'elle : car il n'avait pas de quoi engendrer ce principe, il n'existait point lui-même, et il 513 ne saurait en aucune manière faire partie des choses éternelles. Ainsi, puisqu'il n'y a rien avant Dieu, et qu'il est le premier, il faut nous arrêter à ce principe et ne plus en rien dire, mais plutôt examiner comment ont été engendrés les êtres qui sont après lui. Quant à lui, il n'y a pas lieu de se demander comment il a été engendré, puisqu'il n'a réellement pas été engendré. Puisqu'il n'a pas été engendré, supposons qu'étant tel qu'il est Une soit pas maître de son essence. S'il n'est pas maître de son essence, si, étant ce qu'il est, il ne s'est pas donné l'existence à lui-même, mais se borne à user de ce qu'il a, il en résulte qu'il est nécessairement ce qu'il est, et qu'il n'aurait pu être autre qu'il est. — Dieu est ce qu'il est, non parce qu'il n'aurait pu être autrement, mais parce qu'étant ce qu'il est, il est excellent. En effet, si l'on n'est pas toujours maître de devenir meilleur, on n'est jamais empêché par un autre de devenir pire. Donc,si Dieu n'est pas sorti de lui-même, il le doit à lui seul et non à un empêchement extérieur ; c'est qu'il est essentiellement ce qui n'est pas sorti de soi-même. L'impossibilité de devenir pire n'est pas une marque d'impuissance, parce que, si Dieu ne devient pas pire, c'est de lui et par lui qu'il ne le devient pas. S'il n'aspire a rien d'autre que lui-même, il a par cela même le plus haut degré de la puissance, puisqu'il n'est pas soumis à la Nécessité, mais qu'il est lui-même pour tes autres êtres la Nécessité et la Loi.— La Nécessité s'est-elle donc donné à elle-même l'existence ? — Non, elle n'est même pas arrivée a l'existence. Toutes les choses qui sont après le Premier existent par lui. Comment donc Celui qui est avant l'existence aurait-il reçu l'existence, soit d'un autre principe, soit de lui-même? |
[XI] Ἀλλὰ τὸ μὴ ὑποστὰν τοῦτο τί; Ἢ σιωπήσαντας δεῖ ἀπελθεῖν, καὶ ἐν ἀπόρῳ τῇ γνώμῃ θεμένους μηδὲν ἔτι ζητεῖν. Τί γὰρ ἄν τις καὶ ζητήσειεν εἰς οὐδὲν ἔτι ἔχων προελθεῖν πάσης ζητήσεως εἰς ἀρχὴν ἰούσης καὶ ἐν τῷ τοιούτῳ ἱσταμένης; Πρὸς δὲ τούτοις ζήτησιν ἅπασαν χρὴ νομίζειν ἢ τοῦ τί ἐστιν εἶναι ἢ τοῦ οἷον ἢ τοῦ διὰ τί ἢ τοῦ εἶναι. Τὸ μὲν οὖν εἶναι, ὡς λέγομεν ἐκεῖνο εἶναι, ἐκ τῶν μετ´ αὐτό. Τὸ δὲ διὰ τί ἀρχὴν ἄλλην ζητεῖ· ἀρχῆς δὲ τῆς πάσης οὐκ ἔστιν ἀρχή. Τὸ δὲ οἷόν ἐστι ζητεῖν τί συμβέβηκεν αὐτῷ, ᾧ συμβέβηκε μηδέν. Τὸ δὲ τί ἐστι δηλοῖ μᾶλλον τὸ μηδὲν δεῖν περὶ αὐτοῦ ζητεῖν, αὐτὸ μόνον εἰ δυνατὸν αὐτοῖς λαβόντας, ἐν τῷ μηδὲν αὐτῷ θεμιτὸν εἶναι προσάπτειν μαθόντας. Ὅλως δὲ ἐοίκαμεν ταύτην τὴν ἀπορίαν ἐνθυμηθῆναι, περὶ ταύτης τῆς φύσεως οἵπερ ἐνεθυμήθημεν, ἐκ τοῦ πρῶτον μὲν τίθεσθαι χώραν καὶ τόπον, ὥσπερ τι χάος, εἶτα χώρας ἤδη οὔσης ἐπαγαγεῖν ταύτην τὴν φύσιν εἰς τὸν ἐν τῇ φαντασίᾳ ἡμῶν γεγονότα ἢ ὄντα τόπον, εἰσάγοντας δὲ αὐτὸν εἰς τὸν τοιοῦτον τόπον οὕτω τοι ζητεῖν, οἷον πόθεν καὶ πῶς ἐλήλυθεν ἐνταῦθα, καὶ ὡς περὶ ἔπηλυν ὄντα ἐζητηκέναι αὐτοῦ τὴν παρουσίαν καὶ οἷον τὴν οὐσίαν, καὶ δὴ καὶ ὥσπερ ἔκ τινος βάθους ἢ ἐξ ὕψους τινὸς ἐνθάδε ἐρρῖφθαι. Διόπερ δεῖ τὸ αἴτιον τῆς ἀπορίας ἀνελόντα ἔξω ποιήσασθαι τῆς ἐπιβολῆς τῆς πρὸς αὐτὸ πάντα τόπον καὶ μηδὲ ἐν ὁτῳοῦν τίθεσθαι αὐτό, μήτε ἀεὶ κείμενον ἐν αὐτῷ καὶ ἱδρυμένον μήτε ἐληλυθότα, ἀλλ´ ὄντα μόνον, ὡς ἔστι, λεγόμενον ὑπ´ ἀνάγκης τῶν λόγων εἶναι, τὸν δὲ τόπον, ὥσπερ καὶ τὰ ἄλλα, ὕστερον καὶ ὕστερον ἁπάντων. Τὸ οὖν ἄτοπον τοῦτο νοοῦντες, ὡς νοοῦμεν, οὐδὲν περὶ αὐτὸ ἔτι τιθέντες οἷον κύκλῳ οὐδὲ περιλαβεῖν ἔχοντες ὅσος, οὐδὲ τὸ ὅσον αὐτῷ συμβεβηκέναι φήσομεν· οὐ μὴν οὐδὲ τὸ ποιόν· οὐδὲ γὰρ μορφή τις περὶ αὐτὸν οὐδὲ νοητὴ ἂν εἴη· οὐδὲ τὸ πρὸς ἄλλο· ἐφ´ αὑτοῦ γὰρ καὶ ὑφέστηκε, πρὶν ἄλλο. Τί ἂν οὖν ἔτι εἴη τὸ οὕτω συνέβη; ἢ πῶς φθεγξόμεθα τοῦτο, ὅτι καὶ τὰ ἄλλα ἐν ἀφαιρέσει πάντα τὰ περὶ τούτου λεγόμενα; Ὥστε ἀληθὲς μᾶλλον οὐ τὸ οὕτω συνέβη, ἀλλὰ τὸ οὐδὲ οὕτω συνέβη, ὅπου καὶ τὸ οὐδὲ συνέβη ὅλως. |
XI. Qu'est donc ce principe dont on ne peut pas même dire qu'il subsiste (40) (τὸ μὴ ὑποστάν) ? — Il faut abandonner ce 514 point sans en parler, et ne pas pousser plus loin nos recherches. Que chercher en effet quand on ne peut aller au-delà, puisque toute recherche doit conduire à un principe et s'y arrêter. En outre, toutes les questions se rapportent à l'essence (τό τί ἐστι), à la qualité (το οἷον), à la cause ῾διά τί) ou à l'existence (τὸ εἶναι). Que le Premier existe, dans le sens où nous disons qu'il existe, nous le voyons par les êtres qui sont après lui; mais demander la cause de son existence, c'est chercher un autre principe, et le Principe de toutes choses ne peut avoir lui-même de principe; demander en outre quelle qualité il a, c'est chercher quel accident se trouve dans Celui en qui rien n'est accidentel; enfin, en demandant quelle est l'essence du Premier, on voit plus clairement encore qu'il n'y a nulle recherche a faire sur lui, qu'il faut seulement le saisir comme on peut, en apprenant a ne rien lui attribuer (41). 515 Ce qui nous conduit à poser ces questions sur la nature de Dieu, c'est que nous nous représentons d'abord l'espace et le lieu comme un chaos, et que nous introduisons ensuite le Premier principe dans cet espace et dans ce lieu que nous représente notre imagination ou qui existe réellement. Or, en l'y Introduisant, nous nous demandons d'où il y est venu et comment il y est venu. Le traitant alors comme un étranger, nous cherchons pourquoi il y est présent et quel il est ; nous nous imaginons qu'il est sorti d'un abîme ou qu'il est tombé d'en haut. Pour écarter ces questions, il faut donc retrancher de la conception que nous avons de Dieu toute notion de lieu, ne le placer en rien, ne le concevoir ni comme se reposant éternellement et comme édifié en lui-même, ni comme venu de quelque part, mais nous contenter de penser qu'il existe dans le sens où le raisonnement nous force à admettre qu'il existe, et bien nous persuader que le lieu est, comme le reste, postérieur à Dieu, qu'il est postérieur même à toutes choses. Ainsi concevant Dieu en dehors de tout lieu, autant que nous pouvons le concevoir, nous ne le circonscrivons pas en quelque sorte dans un cercle, nous n'entreprenons pas de mesurer sa grandeur, nous no lut attribuons ni quantité, ni qualité : car il n'a pas de forme, même intelligible, il n'est relatif à rien, puisqu'il subsiste eu lui-même et qu'il a existé avant toutes choses. Si Dieu est tel, comment dire encore qu'il est ce qu'il est par hasard? Comment affirmer de lui une pareille chose, quand nous ne saurions parler de lui que par négations(42)? Nous dirons donc, non qu'il est par hasard ce qu'il est, mais que, étant ce qu'il est, il ne l'est point par hasard, puisqu'il n'y a en lui absolument rien de contingent. |
[XII] Τί οὖν; Οὐκ ἔστιν ὅ ἐστι; Τοῦ δὲ εἶναι ὅ ἐστιν ἢ τοῦ ἐπέκεινα εἶναι ἆρά γε κύριος αὐτός; Πάλιν γὰρ ἡ ψυχὴ οὐδέν τι πεισθεῖσα τοῖς εἰρημένοις ἄπορός ἐστι. Λεκτέον τοίνυν πρὸς ταῦτα ὧδε, ὡς ἕκαστος μὲν ἡμῶν κατὰ μὲν τὸ σῶμα πόρρω ἂν εἴη οὐσίας, κατὰ δὲ τὴν ψυχὴν καὶ ὃ μάλιστά ἐσμεν μετέχομεν οὐσίας καί ἐσμέν τις οὐσία, τοῦτο δέ ἐστιν οἷον σύνθετόν τι ἐκ διαφορᾶς καὶ οὐσίας. Οὔκουν κυρίως οὐσία οὐδ´ αὐτοουσία· διὸ οὐδὲ κύριοι τῆς αὐτῶν οὐσίας. Ἄλλο γάρ πως ἡ οὐσία καὶ ἡμεῖς ἄλλο, καὶ κύριοι οὐχ ἡμεῖς τῆς αὐτῶν οὐσίας, ἀλλ´ ἡ οὐσία αὐτὸ ἡμῶν, εἴπερ αὕτη καὶ τὴν διαφορὰν προστίθησιν. Ἀλλ´ ἐπειδὴ ὅπερ κύριον ἡμῶν ἡμεῖς πώς ἐσμεν, οὕτω τοι οὐδὲν ἧττον καὶ ἐνταῦθα λεγοίμεθα ἂν αὐτῶν κύριοι. Οὗ δέ γε παντελῶς ἐστιν ὅ ἐστιν αὐτοουσία, καὶ οὐκ ἄλλο μὲν αὐτό, ἄλλο δὲ ἡ οὐσία αὐτοῦ, ἐνταῦθα ὅπερ ἐστί, τούτου ἐστὶ καὶ κύριον καὶ οὐκέτι εἰς ἄλλο, ᾗ ἔστι καὶ ᾗ ἐστιν οὐσία. Καὶ γὰρ αὖ ἀφείθη κύριον εἶναι αὐτοῦ, ᾗ ὃ πρῶτον εἰς οὐσίαν. Τὸ δὴ πεποιηκὸς ἐλεύθερον τὴν οὐσίαν, πεφυκὸς δηλονότι ποιεῖν ἐλεύθερον καὶ ἐλευθεροποιὸν ἂν λεχθέν, τίνι ἂν δοῦλον εἴη, εἴπερ ὅλως καὶ θεμιτὸν φθέγγεσθαι; Τὸ δὲ τῇ αὐτοῦ οὐσίᾳ; Ἀλλὰ καὶ αὕτη παρ´ αὐτοῦ ἐλευθέρα καὶ ὑστέρα, καὶ αὐτὸ οὐκ ἔχον οὐσίαν. Εἰ μὲν οὖν ἐστί τις ἐνέργεια ἐν αὐτῷ καὶ ἐν τῇ ἐνεργείᾳ αὐτὸν θησόμεθα, οὐδ´ ἂν διὰ τοῦτο εἴη ἂν ἕτερον αὐτοῦ καὶ οὐκ αὐτὸς αὐτοῦ κύριος, ἀφ´ οὗ ἡ ἐνέργεια, ὅτι μὴ ἕτερον ἐνέργεια καὶ αὐτός. Εἰ δ´ ὅλως ἐνέργειαν οὐ δώσομεν ἐν αὐτῷ εἶναι, ἀλλὰ τἆλλα περὶ αὐτὸν ἐνεργοῦντα τὴν ὑπόστασιν ἴσχειν, ἔτι μᾶλλον οὔτε τὸ κύριον οὔτε τὸ κυριευόμενον ἐκεῖ εἶναι δώσομεν. Ἀλλ´ οὐδὲ τὸ «αὐτοῦ κύριος», οὐχ ὅτι ἄλλο αὐτοῦ κύριον, ἀλλ´ ὅτι τὸ αὐτοῦ κύριον τῇ οὐσίᾳ ἀπέδομεν, τὸ δὲ ἐν τιμιωτέρῳ ἢ κατὰ τοῦτο ἐθέμεθα. Τί οὖν τὸ ἐν τιμιωτέρῳ τοῦ ὅ ἐστιν αὐτοῦ κύριον; Ἢ ὅτι, ἐπειδὴ οὐσία καὶ ἐνέργεια ἐκεῖ δύο πως ὄντα ἐκ τῆς ἐνεργείας τὴν ἔννοιαν ἐδίδου τοῦ κυρίου, τοῦτο δὲ ἦν τῇ οὐσίᾳ ταὐτόν, διὰ τοῦτο καὶ χωρὶς ἐγένετο τὸ κύριον εἶναι καὶ αὐτὸ αὐτοῦ ἐλέγετο κύριον. Ὅπου δὲ οὐ δύο ὡς ἕν, ἀλλὰ ἕν — ἢ γὰρ ἐνέργεια μόνον ἢ οὐδ´ ὅλως ἐνέργεια—οὐδὲ τὸ κύριον αὐτοῦ ὀρθῶς. |
516 ΧII. Ne dirons-nous même pas que Dieu est ce qu'il est, et qu'il est maître de ce qu'il est, ou de ce qui est supérieur encore? L'âme soulève encore cette question, parce que ce que nous avons dit ne l'a pas encore pleinement convaincue. Voici les réflexions qu'il faut faire à ce sujet. Par son corps, chacun de nous est éloigné de l'Essence ; mais par son âme, qui le constitue principalement, il participe à l'Essence, il est une certaine essence, c'est-à-dire il est quelque chose de composé de différence et d'essence. Nous ne sommes donc pas fondamentalement une essence, nous ne sommes pas l'Essence même; par suite, nous ne sommes pas maîtres de notre essence (43); l'Essence même est plutôt maîtresse de nous, puisqu'elle nous donne la différence [qui, jointe à l'essence, constitue notre être]. Cependant, comme nous sommes dans une certaine mesure l'Essence qui est maîtresse de nous, nous pouvons sous ce rapport, même ici-bas, être appelés maîtres de nous. Pour le principe qui est absolument ce qu'il est, qui est l'Essence même (44), de telle sorte que lui et son essence ne fassent qu'un, il est maître de lui, ne dépend de rien, soit dans son existence, soit dans son essence. Il n'a même pas besoin d'être maître de lui, puis[qu'il est l'Essence] et que c'est à l'Essence qu'est rapporté ce qui occupe le premier rang dans le monde intelligible. Quant à Celui qui a fait libre l'Essence, Celui dont la nature est de faire les êtres libres et qu'on pourrait appeler l'auteur de la liberté (ἐλευθεροποιός), à qui pourrait-il être asservi (s'il est permis de se servir ici de ce terme) ? Il est libre par son essence, ou plutôt, c'est de lui que l'Essence tient d'être libre : car elle est après lui, et lui-même n'a 517 pas d'essence. S'il y a donc en lui quelque acte, si nous le faisons consister dans l'acte, il ne renfermera cependant en lui-même aucune différence, il sera maître de lui-même qui produit l'acte, parce que lui-même et l'acte ne font qu'un. Mais si nous ne reconnaissons absolument point d'acte en Dieu, si nous n'attribuons d'acte qu'aux choses qui tendent vers lui et en tiennent leur existence, nous devrons encore bien moins reconnaître en lui quelque chose qui soit maître et qui maîtrise. Nous ne dirons même pas qu'il est maître de soi, non qu'il ait un maître, mais parce que nous avons déjà attribué à l'Essence ce qu'on nomme être maître de soi ; nous plaçons donc Dieu dans un rang encore plus élevé. — Mais comment y a-t-il un principe plus élevé que celui qui est maître de soi? — C'est que, dans le principe qui est maître de soi, l'essence et l'acte étant deux choses, l'acte donne la notion de ce qu'on appelle être maître de soi; or l'acte était identique à l'essence ; il a donc fallu qu'il se rendît distinct de l'essence pour être appelé maître de soi. Mais Celui qui n'est pas ainsi deux choses ramenées à l'unité, qui est absolument un (car il n'est qu'acte, ou plutôt il n'est pas du tout acte), ne saurait être appelé maître de soi. |
[XIII] Ἀλλ´ εἰ καὶ τὰ ὀνόματα ταῦτα ἐπάγειν δεῖ οὐκ ὀρθῶς τοῦ ζητουμένου, πάλιν αὖ λεγέσθω, ὡς τὰ μὲν ὀρθῶς εἴρηται, ὅτι οὐ ποιητέον οὐδ´ ὡς εἰς ἐπίνοιαν δύο, τὰ δὲ νῦν τῆς πειθοῦς χάριν καί τι παρανοητέον ἐν τοῖς λόγοις. Εἰ γὰρ δοίημεν ἐνεργείας αὐτῷ, τὰς δ´ ἐνεργείας αὐτοῦ οἷον βουλήσει αὐτοῦ — οὐ γὰρ ἀβουλῶν ἐνεργεῖ — αἱ δὲ ἐνέργειαι ἡ οἷον οὐσία αὐτοῦ, ἡ βούλησις αὐτοῦ καὶ ἡ οὐσία ταὐτὸν ἔσται. Εἰ δὲ τοῦτο, ὡς ἄρα ἐβούλετο, οὕτω καὶ ἔστιν. Οὐ μᾶλλον ἄρα ὡς πέφυκε βούλεταί τε καὶ ἐνεργεῖ, ἢ ὡς βούλεταί τε καὶ ἐνεργεῖ ἡ οὐσία ἐστὶν αὐτοῦ. Κύριος ἄρα πάντη ἑαυτοῦ ἐφ´ ἑαυτῷ ἔχων καὶ τὸ εἶναι. Ἴδε δὴ καὶ τόδε· τῶν ὄντων ἕκαστον ἐφιέμενον τοῦ ἀγαθοῦ βούλεται ἐκεῖνο μᾶλλον ἢ ὅ ἐστιν εἶναι, καὶ τότε μάλιστα οἴεται εἶναι, ὅταν τοῦ ἀγαθοῦ μεταλάβῃ, καὶ ἐν τῷ τοιούτῳ αἱρεῖται ἑαυτῷ ἕκαστον τὸ εἶναι καθόσον ἂν παρὰ τοῦ ἀγαθοῦ ἴσχῃ, ὡς τῆς τοῦ ἀγαθοῦ φύσεως ἑαυτῷ δηλονότι πολὺ πρότερον αἱρετῆς οὔσης, εἴπερ τὸ ὅση μοῖρα ἀγαθοῦ παρ´ ἄλλῳ αἱρετωτάτη, καὶ οὐσία ἑκούσιος καὶ παραγενομένη θελήσει καὶ ἓν καὶ ταὐτὸν οὖσα θελήσει καὶ διὰ θελήσεως ὑποστᾶσα. Καὶ ἕως μὲν τὸ ἀγαθὸν μὴ εἶχεν ἕκαστον, ἠθέλησεν ἄλλο, ᾗ δὲ ἔσχεν, ἑαυτό τε θέλει ἤδη καὶ ἔστιν οὔτε κατὰ τύχην ἡ τοιαύτη παρουσία οὔτε ἔξω τῆς βουλήσεως αὐτοῦ ἡ οὐσία, καὶ τούτῳ καὶ ὁρίζεται καὶ ἑαυτῆς ἐστι τούτῳ. Εἰ οὖν τούτῳ αὐτό τι ἕκαστον ἑαυτὸ ποιεῖ, δῆλον δήπου γίνεται ἤδη, ὡς ἐκεῖνο ἂν εἴη ἑαυτῷ τοιοῦτον πρώτως, ᾧ καὶ τὰ ἄλλα ἑαυτοῖς ἐστιν εἶναι, καὶ σύνεστιν αὐτοῦ τῇ οἷον οὐσίᾳ ἡ θέλησις τοῦ οἷον τοιοῦτον εἶναι, καὶ οὐκ ἔστιν αὐτὸν λαβεῖν ἄνευ τοῦ θέλειν ἑαυτῷ ὅπερ ἐστί, καὶ σύνδρομος αὐτὸς ἑαυτῷ θέλων αὐτὸς εἶναι καὶ τοῦτο ὤν, ὅπερ θέλει, καὶ ἡ θέλησις καὶ αὐτὸς ἕν, καὶ τούτῳ οὐχ ἧττον ἕν, ὅτι μὴ ἄλλο αὐτός, ὅπερ ἔτυχεν, ἄλλο δὲ τὸ ὡς ἐβουλήθη ἄν. Τί γὰρ ἂν καὶ ἠθέλησεν ἢ τοῦτο, ὅ ἐστι; Καὶ γὰρ εἰ ὑποθοίμεθα ἑλέσθαι αὐτῷ ὅ τι θέλοι γενέσθαι, καὶ ἐξεῖναι αὐτῷ ἀλλάξασθαι τὴν αὐτοῦ φύσιν εἰς ἄλλο, μήτ´ ἂν ἄλλο τι γενέσθαι βουληθῆναι, μήτ´ ἂν ἑαυτῷ τι μέμψασθαι ὡς ὑπὸ ἀνάγκης τοῦτο ὄν, ὅ ἐστι, τοῦτο τὸ «αὐτὸς εἶναι» ὅπερ αὐτὸς ἀεὶ ἠθέλησε καὶ θέλει. Ἔστι γὰρ ὄντως ἡ ἀγαθοῦ φύσις θέλησις αὐτοῦ οὐ δεδεκασμένου οὐδὲ τῇ ἑαυτοῦ φύσει ἐπισπωμένου, ἀλλ´ ἑαυτὸν ἑλομένου, ὅτι μηδὲ ἦν ἄλλο, ἵνα πρὸς ἐκεῖνο ἑλχθῇ. Καὶ μὴν κἀκεῖνο ἄν τις λέγοι, ὡς ἐν τῇ αὐτῶν ἕκαστον τὰ ἄλλα οὐσίᾳ οὐ περιείληφε τὸν λόγον τὸν τοῦ ἀρέσκεσθαι αὐτῷ· καὶ γὰρ ἂν καὶ δυσχεραίνοι τι αὐτό. Ἐν δὲ τῇ τοῦ ἀγαθοῦ ὑποστάσει ἀνάγκη τὴν αἵρεσιν καὶ τὴν αὐτοῦ θέλησιν ἐμπεριειλημμένην εἶναι ἢ σχολῇ γ´ ἂν ἄλλῳ ὑπάρχοι ἑαυτῷ ἀρεστῷ εἶναι, ἃ μετουσίᾳ ἢ ἀγαθοῦ φαντασίᾳ ἀρέσκεται αὐτοῖς. Δεῖ δὲ συγχωρεῖν τοῖς ὀνόμασιν, εἴ τις περὶ ἐκείνου λέγων ἐξ ἀνάγκης ἐνδείξεως ἕνεκα αὐτοῖς χρῆται, ἃ ἀκριβείᾳ οὐκ ἐῶμεν λέγεσθαι· λαμβανέτω δὲ καὶ τὸ οἷον ἐφ´ ἑκάστου. Εἰ οὖν ὑφέστηκε τὸ ἀγαθὸν καὶ συνυφίστησιν αὐτὸ ἡ αἵρεσις καὶ ἡ βούλησις — ἄνευ γὰρ τούτων οὐκ ἔσται — δεῖ δὲ τοῦτο μὴ πολλὰ εἶναι, συνακτέον ὡς ἓν τὴν βούλησιν καὶ τὴν οὐσίαν καὶ τὸ θέλειν· τὸ δὲ θέλειν 〈εἰ〉 παρ´ αὐτοῦ, ἀνάγκη παρ´ αὐτοῦ καὶ τὸ εἶναι αὐτῷ εἶναι, ὥστε αὐτὸν πεποιηκέναι αὐτὸν ὁ λόγος ἀνεῦρεν. Εἰ γὰρ ἡ βούλησις παρ´ αὐτοῦ καὶ οἷον ἔργον αὐτοῦ, αὕτη δὲ ταὐτὸν τῇ ὑποστάσει αὐτοῦ, αὐτὸς ἂν οὕτως ὑποστήσας ἂν εἴη αὐτόν· ὥστε οὐχ ὅπερ ἔτυχέν ἐστιν, ἀλλ´ ὅπερ ἐβουλήθη αὐτός. |
XIII. Quoique les expressions que nous venons d'employer ne soient pas convenables quand il s'agit de Dieu, nous sommes cependant obligés de nous en servir pour le sujet que nous traitons. Répétons donc qu'il a été dit avec raison qu'il ne faut pas admettre en Dieu de dualité, même purement logique. Cependant, pour nous faire mieux comprendre, nous allons ici mettre un moment de côté la sévérité de langage qu'exige la raison. Supposons donc qu'il y ait des actes en Dieu, que ces actes dépendent de sa volonté (car il ne saurait agir involontairement), et qu'en même temps ils constituent son essence : en ce cas, sa volonté et son essence ne font qu'un. Tel il a voulu être, tel il est. On ne dira donc pas qu'il veut 518 et qu'il agit conformément à sa nature plutôt qu'on ne dira qu'il a une essence conforme à sa volonté et à son acte. Il est donc maître absolu de lui-même, puisque son être même dépend de lui (ἐφ' ἑαυτῷ ἔχων καὶ τὸ εἶναι). Ici se présente une autre considération. Chaque être, aspirant au bien, veut être le bien plus encore que d'être ce qu'il est, et croit être d'autant plus qu'il participe davantage du bien ; ce qu'il préfère, c'est d'être dans un pareil état, c'est de participer du bien le plus possible, sans doute parce que la nature du bien est préférable pour elle-même. Plus la portion qu'un être a du bien est grande, plus son essence est libre et conforme à sa volonté ; elle ne fait donc alors qu'une seule et même chose avec sa volonté, elle subsiste par sa volonté (45). Tant qu'un être ne possède pas le bien, il veut être autre qu'il n'est; dès qu'il le possède, il veut être ce qu'il est. Cette présence du bien en lui n'est pas fortuite ; son essence n'est pas en dehors de sa volonté : par là elle se détermine, par là elle s'appartient. Si c'est par là que chaque être se fait et se détermine, évidemment Dieu est au premier degré par lui-même le principe dont les autres êtres tiennent d'être pour eux-mêmes; son essence est intimement unie à la volonté qu'il a d'être tel (si je puis m'exprimer ainsi), et on ne saurait le concevoir sans la volonté d'être ce qu'il est, Comme tout concourt en lui, il veut être, et il est ce qu'il veut ; sa volonté et lui ne font qu'un. Il n'en est pas moins un : car il se trouve être précisément ce qu'il a pu vouloir être. Qu'aurait-il pu vouloir être en effet sinon ce qu'il est (46)? Supposons qu'il fût donné à Dieu de choisir ce qu'il vou- 519 drait être, et qu'il eût la faculté de changer sa nature : il ne désirerait pas devenir autre qu'il est, il ne trouverait rien en lui qui lui déplût, comme s'il avait été contraint d'être ce qu'il est ; car, ce qu'il est, il l'a voulu de tout temps, il le veut encore. L'essence du Bien est véritablement sa volonté : il n'a point cédé à un attrait ni suivi sa propre nature» mais il s'est préféré lui-même, parce qu'il n'y avait aucune autre chose qu'il eût souhaité d'être (47). Joignez à cola que les autres êtres ne trouvent pas impliquée dans leur propre essence la raison de se plaire à eux-mêmes, qu'il y en a même qui sont mécontents d'eux. Dans l'existence du Bien (ἐν τῇ τοῦ ἀγαθοῦ ὑποστάσει), au contraire, est nécessairement contenu l'acte de se choisir et de se vouloir soi-même : sinon, il n'y aura rien dans l'univers qui puisse se plaire à soi-même, puisqu'on ne se plait à soi-même qu'autant qu'on participe du bien, qu'on en possède une image en soi. Il faut avoir ici de l'indulgence pour notre langage : en parlant de Dieu, on est obligé, pour se faire comprendre, de se servir de mots qu'une rigoureuse exactitude ne permettrait pas d'employer. Avec chacun d'eux il faut sous-entendre : en quelque sorte (οἷον (48)). Si donc le Bien subsiste, avec lui subsistent le choix et la volonté, parce qu'il ne saurait exister sans ces deux choses. Mais en Dieu le choix, l'essence, la volonté, ne forment pas une multiplicité ; nous devons considérer ces trois choses comme n'en faisant qu'une. Puisqu'il est l'auteur de la 520 volonté, nécessairement il est aussi l'auteur de ce qu'on appelle être pour toi (τὸ εἶναι αὑτῷ) ; or cela conduit à dire qu'il s'est fait lui-même: car, puisqu'il est l'auteur de la volonté, que celle-ci est en quelque sorte son œuvre, et qu'elle est identique à son être, il s'est donné l'être a lui-même (ὑποστήσας αὐτὸν). Ce n'est donc point par hasard qu'il est ce qu'il est ; il est ce qu'il est parce qu'il a voulu l'être. |
[XIV] Ἔτι δὲ ὁρᾶν δεῖ καὶ ταύτῃ· ἕκαστον τῶν λεγομένων εἶναι ἢ ταὐτόν ἐστι τῷ εἶναι αὐτοῦ, ἢ ἕτερον· οἷον ἄνθρωπος ὅδε ἕτερος, καὶ τὸ ἀνθρώπῳ εἶναι ἄλλο· μετέχει γε μὴν ὁ ἄνθρωπος τοῦ ὅ ἐστιν ἀνθρώπῳ εἶναι. <Ψυχὴ>δὲ <καὶ> τὸ <ψυχῇ εἶναι ταὐτόν>, εἰ ἁπλοῦν ψυχὴ καὶ μὴ κατ´ ἄλλου, καὶ ἄνθρωπος αὐτὸ καὶ τὸ ἀνθρώπῳ εἶναι. Καὶ τὸ μὲν ἂν κατὰ τύχην γένοιτο ἄνθρωπος, ὅσῳ ἕτερον τοῦ ἀνθρώπῳ εἶναι, τὸ δὲ ἀνθρώπῳ εἶναι οὐκ ἂν γένοιτο κατὰ τύχην· τοῦτο δ´ ἐστὶ «παρ´ αὐτοῦ ἄνθρωπος αὐτό». Εἰ δὴ τὸ ἀνθρώπῳ εἶναι παρ´ αὐτοῦ καὶ οὐ κατὰ τύχην τοῦτο οὐδὲ συμβέβηκε, πῶς ἂν τὸ ὑπὲρ τὸ ἄνθρωπος αὐτό, τὸ γεννητικὸν τοῦ ἀνθρώπου αὐτό, καὶ οὗ τὰ ὄντα πάντα, κατὰ τύχην ἂν λέγοιτο, φύσις ἁπλουστέρα τοῦ ἄνθρωπον εἶναι καὶ τοῦ ὅλως τὸ ὂν εἶναι; Ἔτι πρὸς τὸ ἁπλοῦν ἰόντι οὐκ ἔστι συναναφέρειν τὴν τύχην, ὥστε καὶ εἰς τὸ ἁπλούστατον ἀδύνατον ἀναβαίνειν τὴν τύχην. Ἔτι δὲ κἀκεῖνο ἀναμνησθῆναι προσήκει ἤδη που εἰρημένον, ὡς ἕκαστον τῶν κατὰ ἀλήθειαν ὄντων καὶ ὑπ´ ἐκείνης τῆς φύσεως ἐλθόντων εἰς ὑπόστασιν, καὶ εἴ τι δὲ ἐν τοῖς αἰσθητοῖς τοιοῦτον, τῷ ἀπ´ ἐκείνων τοιοῦτον· λέγω δὲ τὸ τοιοῦτον τὸ σὺν αὐτῶν τῇ οὐσίᾳ ἔχειν καὶ τῆς ὑποστάσεως τὴν αἰτίαν, ὥστε τὸν ὕστερον θεατὴν ἑκάστου ἔχειν εἰπεῖν, διὸ ἕκαστον τῶν ἐνυπαρχόντων, οἷον διὰ τί ὀφθαλμὸς καὶ διὰ τί πόδες τοῖσδε τοιοίδε, καὶ τὴν αἰτίαν συναπογεννῶσαν ἕκαστον μέρος ἑκάστου εἶναι καὶ δι´ ἄλληλα τὰ μέρη εἶναι. Διὰ τί πόδες εἰς μῆκος; Ὅτι καὶ τόδε τοιόνδε καὶ ὅτι πρόσωπον τοιόνδε, καὶ πόδες τοιοίδε. Καὶ ὅλως ἡ πρὸς ἄλληλα πάντων συμφωνία ἀλλήλοις αἰτία· καὶ τὸ διὰ τί τόδε, ὅτι τοῦτ´ ἔστι τὸ ἀνθρώπῳ εἶναι· ὥστε ἓν καὶ τὸ αὐτὸ τὸ εἶναι καὶ τὸ αἴτιον. Ταῦτα δὲ ἐκ μιᾶς πηγῆς οὕτως ἦλθεν οὐ λελογισμένης, ἀλλὰ παρεχούσης ὅλον ἀθρόον τὸ διὰ τί καὶ τὸ εἶναι. Πηγὴ οὖν τοῦ εἶναι καὶ τοῦ διὰ τί εἶναι ὁμοῦ ἄμφω διδοῦσα· ἀλλὰ οἷα τὰ γινόμενα, πολὺ ἀρχετυπώτερον καὶ ἀληθέστερον καὶ μᾶλλον ἢ κατ´ ἐκεῖνα πρὸς τὸ βέλτιον τὸ ἀφ´ οὗ ταῦτα. Εἰ οὖν μηδὲν εἰκῇ μηδὲ κατὰ τύχην μηδὲ τὸ «συνέβη γὰρ οὕτως» τῶν ὅσα τὰς αἰτίας ἐν αὐτοῖς ἔχει, ἔχει δὲ τὰ ἐξ αὐτοῦ ἅπαντα, λόγου ὢν καὶ <αἰτίας>καὶ οὐσίας αἰτιώδους <πατήρ>, ἃ δὴ πάντα πόρρω ὑπάρχει τύχης, εἴη ἂν ἀρχὴ καὶ οἷον παράδειγμα τῶν ὅσα μὴ κεκοινώνηκε τύχῃ, τὸ ὄντως καὶ τὸ πρῶτον, ἀμιγὲς τύχαις καὶ αὐτομάτῳ καὶ συμβάσει, αἴτιον ἑαυτοῦ καὶ παρ´ αὐτοῦ καὶ δι´ αὐτὸν αὐτός· καὶ γὰρ πρώτως αὐτὸς καὶ ὑπερόντως αὐτός. |
XIV. Voici encore un point de vue sous lequel on peut considérer le sujet qui nous occupe. Chacune des choses qu'on dit être (εἶναι) ou est identique à son être (à son essence, τὸ εἶναι αὐτοῦ), ou bien en diffère : ainsi, tel homme est autre que l'essence de l'homme ; il en participe seulement. L'âme au contraire est identique à l'essence de l'âme, quand elle est simple, quand elle n'est affirmée de rien autre. De même, l'homme en soi est identique à l'essence de l'homme. L'homme qui est autre que l'essence de l'homme est contingent; mais l'essence de l'homme ne l'est point : l'homme en soi existe par soi. Si donc l'essence de l'homme existe par soi, si elle n'est nI fortuite ni contingente, comment pourrait être contingent Celui qui est supérieur à l'homme en soi et qui l'a engendré, de qui dérivent tous les êtres, puisqu'il est une nature plus simple que l'essence de l'homme et même que l'essence de l'être en général? Si, en s'élevant vers le simple, on ne peut y porter la contingence, à plue forte raison est-il impossible que la contingence s'étende jusqu'à la nature qui est la plus simple de toutes [au Bien]. Rappelons-nous encore que chacun des êtres qui existent véritablement, comme nous l'avons dit, et qui ont reçu de la nature du Bien leur existence, lui doivent également d'être tels (ainsi que les êtres sensibles qui sont dans le même cas) : par être tels, j'entends avoir dans son essence même sa raison d'être (σὺν αὐτῶν τῇ οὐσίᾳ ἔχειν καὶ τῆς ὑποστάσεως τὴν αἰτίαν). Il en résulte que celui qui contemple 521 ensuite les choses peut rendre raison de chacun de leurs détails, dire pourquoi (διά τί) l'œil et les pieds sont tels, montrer que la cause de la génération de chaque partie se trouve dans ses rapports avec les autres parties, qu'elles ont toutes été faites les unes pour les autres (49). Pourquoi les pieds ont-ils une certaine longueur? C'est qu'un autre organe est tel : le visage, par exemple, étant tel, les pieds eux-mêmes doivent être tels. En un mot, l'harmonie universelle est la cause en vertu de laquelle toutes choses sont faites les unes pour les autres. Pourquoi cet individu est-il telle chose (τόδε) ? Parce que telle est l'essence de l'homme. L'essence et la raison d'être ne font donc qu'une seule et même chose. Elles sont sorties d'une seule source, du Principe qui, sans avoir besoin de raisonner, a produit ensemble l'essence et la raison d'être. Ainsi, la source de l'essence et de la raison d'être les donne toutes deux à la fois. Telles sont les choses engendrées, tel est leur Principe, mais d'une manière bien supérieure et bien plus vraie : car, sous le rapport de l'excellence, il a sur elles une immense supériorité. Or, puisque ce n'est point fortuitement, ni par hasard, ni par contingence, que les choses qui ont en elles-mêmes leur cause sont ce qu'elles sont ; puisque, d'un autre côté, Dieu possède toutes les choses dont il est le principe, évidemment, étant le père de la Raison, de la Cause, et de l'Essence causale (οὐσία αἰτιώδης), toutes choses complètement affranchies de toute contingence, il est le principe et le type de toutes les choses qui ne sont pas contingentes, le Principe qui est véritablement et au plus haut degré indépendant du hasard, de la fortune et de la contingence; il est cause de lui-même, il est par lui-même, il est Lui en vertu de lui-même (αἴτιον ἑαυτοῦ, καὶ παρ' αὐτοῦ, καὶ δι' αὐτὸν αὐτός) : car il est Lui d'une manière suprême et transcendante (πρώτως αὐτὸς καὶ ὑπερόντως αὐτός). |
[XV] Καὶ ἐράσμιον καὶ ἔρως ὁ αὐτὸς καὶ αὐτοῦ ἔρως, ἅτε οὐκ ἄλλως καλὸς ἢ παρ´ αὐτοῦ καὶ ἐν αὐτῷ. Καὶ γὰρ καὶ τὸ συνεῖναι ἑαυτῷ οὐκ ἂν ἄλλως ἔχοι, εἰ μὴ τὸ συνὸν καὶ τὸ ᾧ σύνεστιν ἓν καὶ ταὐτὸν εἴη. Εἰ δὲ τὸ συνὸν τῷ ᾧ σύνεστιν ἓν καὶ τὸ οἷον ἐφιέμενον τῷ ἐφετῷ ἕν, τὸ δὲ ἐφετὸν κατὰ τὴν ὑπόστασιν καὶ οἷον ὑποκείμενον, πάλιν αὖ ἡμῖν ἀνεφάνη ταὐτὸν ἡ ἔφεσις καὶ ἡ οὐσία. Εἰ δὲ τοῦτο, πάλιν αὖ αὐτός ἐστιν οὗτος ὁ ποιῶν ἑαυτὸν καὶ κύριος ἑαυτοῦ καὶ οὐχ ὥς τι ἕτερον ἠθέλησε γενόμενος, ἀλλ´ ὡς θέλει αὐτός. Καὶ μὴν καὶ λέγοντες αὐτὸν οὔτε τι εἰς αὐτὸν δέχεσθαι οὔτε ἄλλο αὐτὸν καὶ ταύτῃ ἂν εἴημεν ἔξω ποιοῦντες τοῦ τύχῃ εἶναι τοιοῦτον οὐ μόνον τῷ μονοῦν αὐτὸν καὶ τῷ καθαρὸν ποιεῖν ἁπάντων, ἀλλ´ ὅτι, εἴ ποτε καὶ αὐτοὶ ἐν αὐτοῖς ἐνίδοιμέν τινα φύσιν τοιαύτην οὐδὲν ἔχουσαν τῶν ἄλλων, ὅσα συνήρτηται ἡμῖν, καθὰ πάσχειν ὅ τί περ ἂν συμβῇ [καὶ] κατὰ τύχην ὑπάρχειπάντα γὰρ τὰ ἄλλα, ὅσα ἡμῶν, δοῦλα καὶ ἐκκείμενα τύχαις καὶ οἷον κατὰ τύχην προσελθόντα, τούτῳ δὲ μόνῳ τὸ κύριον αὐτοῦ καὶ τὸ αὐτεξούσιον φωτὸς <ἀγαθοειδοῦς> καὶ ἀγαθοῦ ἐνεργείᾳ καὶ μείζονος ἢ κατὰ νοῦν, οὐκ ἐπακτὸν τὸ ὑπὲρ τὸ νοεῖν ἐχούσης· εἰς ὃ δὴ ἀναβάντες καὶ γενόμενοι τοῦτο μόνον, τὰ δ´ ἄλλα ἀφέντες, τί ἂν εἴποιμεν αὐτὸ ἢ ὅτι πλέον ἢ ἐλεύθεροι, καὶ πλέον ἢ αὐτεξούσιοι; Τίς δ´ ἂν ἡμᾶς προσάψειε τότε τύχαις ἢ τῷ εἰκῇ ἢ τῷ συμβέβηκεν αὐτὸ τὸ ἀληθινὸν ζῆν γενομένους ἢ ἐν τούτῳ γενομένους, ὃ μηδὲν ἔχει ἄλλο, ἀλλ´ ἔστιν αὐτὸ μόνον; Τὰ μὲν οὖν ἄλλα μονούμενα οὐκ ἔστιν αὐτοῖς αὐτάρκη εἶναι εἰς τὸ εἶναι· τοῦτο δέ ἐστιν ὅ ἐστι καὶ μονούμενον. Ὑπόστασις δὲ πρώτη οὐκ ἐν ἀψύχῳ οὐδ´ ἐν ζωῇ ἀλόγῳ· ἀσθενὴς γὰρ εἰς τὸ εἶναι καὶ αὕτη σκέδασις οὖσα λόγου καὶ ἀοριστία· ἀλλ´ ὅσῳ πρόεισιν εἰς λόγον, ἀπολείπει τύχην· τὸ γὰρ κατὰ λόγον οὐ τύχῃ. Ἀναβαίνουσι δὲ ἡμῖν ἐκεῖνο μὲν οὐ λόγος, κάλλιον δὲ ἢ λόγος· τοσοῦτον ἀπέχει τοῦ τύχῃ συμβῆναι. Ῥίζα γὰρ λόγου παρ´ αὐτῆς καὶ εἰς τοῦτο λήγει τὰ πάντα, ὥσπερ φυτοῦ μεγίστου κατὰ λόγον ζῶντος ἀρχὴ καὶ βάσις, μένουσα γὰρ αὐτὴ ἐφ´ ἑαυτῆς, διδοῦσα δὲ κατὰ λόγον τῷ φυτῷ, ὃν ἔλαβεν, εἶναι. |
522 XV. Il est à la fois et ce qui est aimable et l'amour; il est l'amour de lui-même : car il n'est beau que par lui-même et en lui-même. S'il coexiste à lui-même (τὸ συνεῖναι ἑαυτῷ), c'est à condition qu'en lui la chose qui coexiste et celle avec laquelle elle existe soient identiques. Or, comme en lui la chose qui coexiste et celle avec laquelle elle existe ne font qu'un en effet, comme en lui encore ce qui désire ne fait qu'un avec ce qui est désirable, et que ce qui est désirable remplit le rôle d'hypostase et de sujet, ici encore nous apparaît l'identité du désir et de l'essence. S'il en est ainsi, c'est évidemment encore Lui qui est l'auteur de lui-même et le maître de lui-même; par conséquent, il n'a pas été fait tel que l'aurait voulu quelque autre être, mais il est tel qu'il le veut lui-même. Quand nous affirmons que Dieu ne reçoit rien en lui et n'est reçu par aucun autre être, nous établissons encore par là qu'il n'est point fortuitement ce qu'il est, non seulement parce qu'il s'isole et se pose comme pur de toutes choses (τῷ μονοῦν ἑαυτὸν καὶ τῷ καθαρὸν ποιεῖν ἁπάντων), mail encore parce que nous voyons parfois que notre nature a quelque chose de semblable, quand elle se trouve dégagée de tout ce qui nous est attaché et nous soumet à l'empire de la fortune et de la fatalité (car toutes les choses que nom appelons nôtres sont dépendantes, subissent la loi de la fortune et nous arrivent fortuitement). C'est de cette manière seule qu'on est maître de soi et qu'on possède le libre arbitre, en vertu d'un acte de la lumière qui a la forme du Bien, d'un acte du Bien qui est supérieur à l'intelligence, d'un acte, dis-je, qui n'est pas adventice, qui est au-dessus de toute pensée. Lorsque nous nous serons élevés là, que nous serons devenus cela seul, en laissant tout le reste, ne dirons-nous pas que nous sommes alors au-dessus même de la liberté et du libre arbitre ? Qui pourrait nous soumettre alors au hasard, à la fortune, à la contingence, puisque nous serons devenus la vie véritable, ou plutôt que nous 523 serons en Celui qui n'a rien d'autrui, qui est uniquement Lui ? Quand les autres êtres sont isolés, ils ne se suffisent pas à eux-mêmes; mais Lui, il est ce qu'il est, même étant isolé. La première hypostase (ὑπόσρασις πρώτη) ne consiste pas dans une chose inanimée ni dans une vie irrationnelle : car une vie irrationnelle est impuissante à exister, parce qu'elle est une dispersion de la raison et une chose indéterminée. Au contraire, plus la vie approche de la raison, et plus elle est éloignée de la contingence, parce que ce qui est selon la raison ne saurait être par hasard. Or, quand nous nous élevons à Dieu, il nous apparaît comme étant, non la raison, mais ce qui est plus beau encore que la raison : tant il est loin d'être arrivé à l'existence par hasard ! Il est en effet la racine même de la raison : c'est à lui que finissent toutes choses. Il est le principe et la base d'un arbre immense qui vit par la raison : il demeure en lui-même, et donne l'être à l'arbre par la raison qu'il lui communique (50). |
[XVI] Ἐπεὶ δέ φαμεν καὶ δοκεῖ πανταχοῦ τε εἶναι τοῦτο καὶ αὖ εἶναι οὐδαμοῦ, τοῦτό τοι χρὴ ἐνθυμηθῆναι καὶ νοῆσαι, οἷον δεῖ καὶ ἐντεῦθεν σκοπουμένοις θέσθαι περὶ ὧν ζητοῦμεν. Εἰ γὰρ μηδαμοῦ, οὐδαμοῦ συμβέβηκε, καὶ εἰ πανταχοῦ, ὅσος ἐστὶν αὐτός, τοσοῦτος πανταχοῦ· ὥστε τὸ πανταχοῦ καὶ τὸ πάντη αὐτός, οὐκ ἐν ἐκείνῳ ὢν τῷ πανταχοῦ, ἀλλ´ αὐτὸς ὢν τοῦτο καὶ δοὺς εἶναι τοῖς ἄλλοις ἐν τῷ πανταχοῦ παρακεῖσθαι. Ὁ δ´ ὑπερτάτην ἔχων τάξιν, μᾶλλον δὲ οὐκ ἔχων, ἀλλ´ ὢν ὑπέρτατος αὐτός, δοῦλα πάντα ἔχει, οὐ συμβὰς αὐτοῖς, αὐτῷ δὲ τῶν ἄλλων, μᾶλλον δὲ περὶ αὐτὸν τῶν ἄλλων, οὐ πρὸς αὐτὰ βλέποντος αὐτοῦ, ἀλλ´ ἐκείνων πρὸς αὐτόν· ὁ δ´ εἰς τὸ εἴσω οἷον φέρεται αὐτοῦ οἷον ἑαυτὸν ἀγαπήσας, <αὐγὴν καθαράν>, αὐτὸς ὢν τοῦτο, ὅπερ ἠγάπησε· τοῦτο δ´ ἐστὶν ὑποστήσας αὐτόν, εἴπερ ἐνέργεια μένουσα καὶ τὸ ἀγαπητότατον οἷον νοῦς. Νοῦς δὲ ἐνέργημα· ὥστε ἐνέργημα αὐτός. Ἀλλὰ ἄλλου μὲν οὐδενός· ἑαυτοῦ ἄρα ἐνέργημα αὐτός. Οὐκ ἄρα ὡς συμβέβηκέν ἐστιν, ἀλλ´ ὡς ἐνεργεῖ αὐτός. Ἔτι τοίνυν, εἰ ἔστι μάλιστα, ὅτι πρὸς αὐτὸν οἷον στηρίζει καὶ οἷον πρὸς αὐτὸν βλέπει καὶ τὸ οἷον εἶναι τοῦτο αὐτῷ τὸ πρὸς αὐτὸν βλέπειν, οἷον ποιοῖ ἂν αὐτόν, οὐχ ὡς ἔτυχεν ἄρα ἐστίν, ἀλλ´ ὡς αὐτὸς θέλει, καὶ οὐδ´ ἡ θέλησις εἰκῇ οὐδ´ οὕτω συνέβη· τοῦ γὰρ ἀρίστου ἡ θέλησις οὖσα οὐκ ἔστιν εἰκῇ. Ὅτι δ´ ἡ τοιαύτη νεῦσις αὐτοῦ πρὸς αὐτὸν οἷον ἐνέργεια οὖσα αὐτοῦ καὶ μονὴ ἐν αὐτῷ τὸ εἶναι ὅ ἐστι ποιεῖ, μαρτυρεῖ ὑποτεθὲν τοὐναντίον· ὅτι, εἰ πρὸς τὸ ἔξω νεύσειεν αὐτοῦ, ἀπολεῖ τὸ εἶναι ὅπερ ἐστί· τὸ ἄρα εἶναι ὅπερ ἐστὶν ἡ ἐνέργεια ἡ πρὸς αὐτόν· τοῦτο δὲ ἓν καὶ αὐτός. Αὐτὸς ἄρα ὑπέστησεν αὐτὸν συνεξενεχθείσης τῆς ἐνεργείας μετ´ αὐτοῦ. Εἰ οὖν μὴ γέγονεν, ἀλλ´ ἦν ἀεὶ ἡ ἐνέργεια αὐτοῦ καὶ οἷον ἐγρήγορσις οὐκ ἄλλου ὄντος τοῦ ἐγρηγορότος, ἐγρήγορσις καὶ ὑπερνόησις ἀεὶ οὖσα, ἔστιν οὕτως, ὡς ἐγρηγόρησεν. Ἡ δὲ ἐγρήγορσίς ἐστιν <ἐπέκεινα οὐσίας> καὶ νοῦ καὶ <ζωῆς ἔμφρονος>· ταῦτα δὲ αὐτός ἐστιν. Αὐτὸς ἄρα ἐστὶν ἐνέργεια ὑπὲρ νοῦν καὶ φρόνησιν καὶ ζωήν· ἐξ αὐτοῦ δὲ ταῦτα καὶ οὐ παρ´ ἄλλου. Παρ´ αὐτοῦ ἄρα αὐτῷ καὶ ἐξ αὐτοῦ τὸ εἶναι. Οὐκ ἄρα, ὡς συνέβη, οὕτως ἐστίν, ἀλλ´ ὡς ἠθέλησεν αὐτός ἐστιν. |
.XVI. Comme nous admettons et qu'il semble évident que Dieu est partout et nulle part, il est nécessaire de bien saisir et de bien comprendre le sens de cette conception, en l'appliquant au sujet de nos recherches. Puisque Dieu n'est nulle part, nulle part il n'est fortuitement; puisqu'il est partout, partout il est tout ce qu'il est. Il est donc lui-même ce qu'on nomme partout (τὸ πανταχοῦ) et de toutes parts (τὸ πάντη) ; il n'est pas contenu dans ce qu'on nomme partout, il est cela même, et il donne l'existence à tous les autres êtres parce que tous se trouvent contenus dans Celui qui est partout (51). Possédant le rang suprême, ou plutôt étant 524 lui-même suprême (ὑπέρτατος), il a toutes choses sous son obéissance. Il n'est pas contingent pour elles ; ce sont elles qui sont contingentes pour lui, ou plutôt qui se rapportent à lui : car Lui, il ne les regarde pas; ce sont elles qui le regardent. Quant à Lui, il se porte en quelque sorte vers les profondeurs les plus intimes de lui-même, s'aimant lui-même, aimant la pure clarté qui le constitue, étant lui-même ce qu'il aime, c'est-à-dire se donnant l'existence à lui-même (ὑποστήσας ἑαυτόν), parce qu'il est un acte immanent (ἐνέργια μένουσα), et que ce qu'il y a de plus aimable en lui constitue une sorte d'intelligence (οἷον νοῦς). Cette intelligence étant une œuvre (ἐνέργημα), il est lui-même une œuvre ; mais comme il n'est pas l'œuvre d'un autre principe, il est l'œuvre de lui-même; il est donc, non comme le fait le hasard, mais comme il agit. Si l'on peut dire qu'il existe surtout parce qu'il est a lui-même son propre fondement, qu'il se regarde lui-même, que son existence consiste à se regarder lui-même (si je puis m'exprimer ainsi), il est l'auteur de lui-même. Il est donc, non ce qu'il s'est trouvé être fortuitement, mais ce qu'il veut être lui-même, et comme sa volonté n'a elle-même rien de fortuit, il est encore sous ce rapport indépendant de la contingence : car, puisque sa volonté est la volonté de ce qu'il y a de meilleur dans l'univers, elle ne saurait être fortuite. Que son inclination vers lui-même (νεῦσις πρὸς αὑτόν), inclination qui est son acte, et que son immanence en lui-même (νονὴ ἐν αὑτῷ) le fassent être ce qu'il est, c'est ce qu'on reconnaîtra aisément si l'on suppose un moment le contraire. En effet, que Dieu incline vers ce qui est hors de lui, il cessera d'être ce qu'il est. Être ce qu'il est, voilà son acte par rapport à lui-même; lui et cet acte ne font qu'un. Il se donne ainsi l'existence 525 parce que l'acte qu'il produit est inséparable de lui. Si donc l'acte de Dieu n'a pas commencé d'être, s'il est au contraire de toute éternité (52), s'il consiste dans une action vigilante (ἐγρήγορσις (53)), identique à celui qui est vigilant, si de plus cette action vigilante est une supra-intellection éternelle (ὑπερνόησις ἀεὶ οὖσα), Dieu est ce qu'il se fait par son action vigilante. Celle-ci est supérieure à l'essence, à 526 l'intelligence, à la vie sage ; elle est Lui. Il est donc un acte supérieur a la vie, à l'intelligence, à la sagesse : celles-ci procèdent de lui, de lui seul. C'est donc de lui-même et par lui-même qu'il a l'être; par conséquent, il est non ce qu'il s'est trouvé être fortuitement, mais ce qu'il a voulu être. |
[XVII] Ἔτι δὲ καὶ ὧδε· ἕκαστά φαμεν τὰ ἐν τῷ παντὶ καὶ τόδε τὸ πᾶν οὕτως ἔχειν, ὡς ἂν ἔσχεν, ὡς ἡ τοῦ ποιοῦντος προαίρεσις ἠθέλησε, καὶ οὕτως ἔχειν, ὡς ἂν προϊέμενος καὶ προϊδὼν ἐν λογισμοῖς κατὰ πρόνοιαν οὗτος εἰργάσατο. Ἀεὶ δὲ οὕτως ἐχόντων καὶ ἀεὶ οὕτως γιγνομένων, οὕτω τοι καὶ ἀεὶ ἐν τοῖς συνοῦσι κεῖσθαι τοὺς λόγους ἐν μείζονι εὐθημοσύνῃ ἑστῶτας· ὥστε ἐπέκεινα προνοίας τἀκεῖ εἶναι καὶ ἐπέκεινα προαιρέσεως καὶ πάντα ἀεὶ νοερῶς ἑστηκότα εἶναι, ὅσα ἐν τῷ ὄντι. Ὥστε τὴν οὕτω διάθεσιν εἴ τις ὀνομάζει πρόνοιαν, οὕτω νοείτω, ὅτι ἐστὶ πρὸ τοῦδε νοῦς τοῦ παντὸς ἑστώς, ἀφ´ οὗ καὶ καθ´ ὃν τὸ πᾶν τόδε. Εἰ μὲν οὖν νοῦς πρὸ πάντων καὶ ἀρχὴ ὁ τοιοῦτος νοῦς, οὐκ ἂν εἴη ὡς ἔτυχε, πολὺς μὲν ὤν, συνῳδὸς δὲ αὐτῷ καὶ οἷον εἰς ἓν συντεταγμένος. Οὐδὲν γὰρ πολὺ καὶ πλῆθος συντεταγμένον καὶ λόγοι πάντες καὶ περιληφθέντες ἑνὶ διὰ παντὸς ὡς ἔτυχε καὶ ὡς συνέβη, ἀλλὰ πόρρω φύσεως τῆς τοιαύτης καὶ ἐναντίον, ὅσον τύχη ἐν ἀλογίᾳ κειμένη λόγῳ. Εἰ δὲ τὸ πρὸ τοῦ τοιούτου ἀρχή, δηλονότι προσεχὴς τούτῳ τῷ οὕτω λελογωμένῳ, καὶ τὸ οὕτω λεγόμενον τοῦτο κατ´ ἐκεῖνο καὶ μετέχον ἐκείνου καὶ οἷον θέλει ἐκεῖνο καὶ δύναμις ἐκείνου. Ἀδιάστατος τοίνυν ἐκεῖνος, εἷς 〈εἰς〉 πάντα λόγος, εἷς ἀριθμὸς καὶ εἷς μείζων τοῦ γενομένου καὶ δυνατώτερος, καὶ οὐδὲν μεῖζον αὐτοῦ οὐδὲ κρεῖττον. Οὐδὲ ἄρα ἐξ ἄλλου ἔχει οὔτε τὸ εἶναι οὔτε τὸ ὁποῖός ἐστιν εἶναι. Αὐτὸς ἄρα αὐτῷ ὅ ἐστι πρὸς αὐτὸν καὶ εἰς αὐτόν, ἵνα μηδὲ ταύτῃ πρὸς τὸ ἔξω ἢ πρὸς ἄλλον, ἀλλὰ πρὸς αὐτὸν πᾶς. |
XVII. En voici encore une preuve. Nous disons que le monde et les êtres qu'il contient sont ce qu'ils seraient si leur production eût été l'effet d'une détermination volontaire de leur auteur, ce qu'ils seraient encore si Dieu, faisant usage d'une prévision et d'une prescience basée sur le raisonnement, eût réalisé son œuvre selon la Providence (54). Or, comme de toute éternité ces êtres sont ou deviennent ce qu'ils sont, il doit y avoir également de toute éternité dans les êtres coexistants (55) des raisons qui subsistent dans un plan plus parfait [que celui de notre univers] (56); par conséquent, les intelligibles sont au-dessus de la Providence, du choix, et toutes les choses qui sont dans l'Être y subsistent éternellement d'une existence tout intellectuelle. Si l'on donne le nom de Providence au plan de l'univers, que du moins l'on conçoive bien que l'Intelligence immanente est antérieure à l'univers, que celui-ci procède d'elle et lui est conforme (57). Puisque l'Intelligence est ainsi antérieure a toutes choses, puisque celles-ci ont pour principe une telle Intelligence, ce n'est pas non plus par hasard que l'Intelligence est ce qu'elle est : car, si d'un côté elle est multiple, d'un autre 527 côté elle est dans un accord parfait avec elle-même, en sorte qu'elle forme une unité par la coordination des éléments qu'elle renferme. Un tel principe qui est a la fols multiple et multitude coordonnée, qui renferme toutes les raisons en les embrassant dans sa propre universalité, ne saurait être ce qu'il est par l'effet de la fortune et du hasard ; ce principe doit avoir une nature tout opposée, qui diffère de la contingence autant que la raison diffère du hasard, lequel consiste dans le défaut de raison. Si au-dessus de l'Intelligence est le Principe [par excellence], l'Intelligence, telle que nous l'avons décrite, est voisine de ce Principe, elle lui est conforme, elle participe de lui, elle est telle qu'il le veut, telle que le veut sa puissance. Dieu, étant indivisible, est donc raison une qui embrasse tout (εἷς πάντα λόγος), nombre un, [Dieu] un plus grand et plus puissant que tout ce qu'il a engendré ; il n'y a enfin rien de plus grand, de plus puissant que lui. Il ne tient donc d'autrui ni l'être ni le privilège d'être tel qu'il est. II est donc par lui-même ce qu'il est pour lui-même et en lui-même, sans aucune relation avec le dehors ni avec aucun autre être, mais tourné tout entier vers lui-même. |
[XVIII] Καὶ σὺ ζητῶν μηδὲν ἔξω ζήτει αὐτοῦ, ἀλλ´ εἴσω πάντα τὰ μετ´ αὐτόν· αὐτὸν δὲ ἔα. Τὸ γὰρ ἔξω αὐτός ἐστι, περίληψις πάντων καὶ μέτρον. Ἢ εἴσω ἐν βάθει, τὸ δ´ ἔξω αὐτοῦ, οἷον κύκλῳ ἐφαπτόμενον αὐτοῦ καὶ ἐξηρτημένον πᾶν ὃ λόγος καὶ νοῦς· μᾶλλον δ´ ἂν εἴη νοῦς, καθὸ ἐφάπτεται καὶ ᾗ ἐφάπτεται αὐτοῦ καὶ ᾗ ἐξήρτηται, ἅτε παρ´ ἐκείνου ἔχων τὸ νοῦς εἶναι. Ὥσπερ ἂν οὖν κύκλος, 〈ὃς〉 ἐφάπτοιτο κέντρου κύκλῳ, ὁμολογοῖτο ἂν τὴν δύναμιν παρὰ τοῦ κέντρου ἔχειν καὶ οἷον κεντροειδής, ᾗ γραμμαὶ ἐν κύκλῳ πρὸς κέντρον ἓν συνιοῦσαι τὸ πέρας αὐτῶν τὸ πρὸς τὸ κέντρον ποιοῦσι τοιοῦτον εἶναι οἷον τὸ πρὸς ὃ ἠνέχθησαν καὶ ἀφ´ οὗ οἷον ἐξέφυσαν, μείζονος ὄντος ἢ κατὰ ταύτας τὰς γραμμὰς καὶ τὰ πέρατα αὐτῶν τὰ αὐτῶν σημεῖα τῶν γραμμῶν — καὶ ἔστι μὲν οἷον ἐκεῖνο, ἀμυδρὰ δὲ καὶ ἴχνη ἐκείνου τοῦ ὃ δύναται αὐτὰ καὶ τὰς γραμμὰς δυνάμενον, αἳ πανταχοῦ ἔχουσιν αὐτό· καὶ ἐμφαίνεται διὰ τῶν γραμμῶν, οἷόν ἐστιν ἐκεῖνο, οἷον ἐξελιχθὲν οὐκ ἐξεληλιγμένον — οὕτω τοι καὶ τὸν νοῦν καὶ τὸ ὂν χρὴ λαμβάνειν, γενόμενον ἐξ ἐκείνου καὶ οἷον ἐκχυθὲν καὶ ἐξελιχθὲν καὶ ἐξηρτημένον ἐκ τῆς αὐτοῦ νοερᾶς φύσεως, μαρτυρεῖν τὸν οἷον ἐν ἑνὶ νοῦν οὐ νοῦν ὄντα· ἓν γάρ. Ὥσπερ οὐδ´ ἐκεῖ γραμμὰς οὐδὲ κύκλον τὸ κέντρον, κύκλου δὲ καὶ γραμμῶν πατέρα, ἴχνη αὐτοῦ δόντα καὶ δυνάμει μενούσῃ γραμμὰς καὶ κύκλον οὐ πάντη ἀπηρτημένα αὐτοῦ ῥώμῃ τινὶ γεγεννηκότα· οὕτω τοι κἀκεῖνο, τῆς νοερᾶς περιθεούσης δυνάμεως, τὸ οἷον ἰνδάλματος αὐτοῦ ἀρχέτυπον, ἐν ἑνὶ νοῦν, πολλοῖς καὶ εἰς πολλὰ οἷον νενικημένου καὶ νοῦ διὰ ταῦτα γενομένου, ἐκείνου πρὸ νοῦ μείναντος 〈ἐκ〉 τῆς δυνάμεως αὐτοῦ νοῦν γεννήσαντος — τίς ἂν συντυχία (ἢ τὸ αὐτόματον ἢ τὸ ὡς συνέβη εἶναι) τῆς τοιαύτης δυνάμεως τῆς νοοποιοῦ καὶ ὄντως ποιητικῆς πλησίον ἥκοι; Οἷον γὰρ τὸ ἐν νῷ, πολλαχῇ μεῖζον ἢ τοιοῦτον τὸ ἐν ἑνὶ ἐκείνῳ, ὥσπερ φωτὸς ἐπὶ πολὺ σκεδασθέντος ἐξ ἑνός τινος ἐν αὐτῷ ὄντος διαφανοῦς· εἴδωλον μὲν τὸ σκεδασθέν, τὸ δ´ ἀφ´ οὗ τὸ ἀληθές· οὐ μὴν ἀλλοειδὲς τὸ σκεδασθὲν εἴδωλον ὁ νοῦς, ὃς οὐ τύχη, ἀλλὰ καθέκαστον αὐτοῦ λόγος καὶ αἰτία, αἴτιον δὲ ἐκεῖνο τοῦ αἰτίου. Μειζόνως ἄρα οἷον αἰτιώτατον καὶ ἀληθέστερον αἰτία, ὁμοῦ πάσας ἔχον τὰς μελλούσας ἀπ´ αὐτοῦ ἔσεσθαι νοερὰς αἰτίας καὶ γεννητικὸν τοῦ οὐχ ὡς ἔτυχεν, ἀλλ´ ὡς ἠθέλησεν αὐτός. Ἡ δὲ θέλησις οὐκ ἄλογος ἦν οὐδὲ τοῦ εἰκῇ οὐδ´ ὡς ἐπῆλθεν αὐτῷ, ἀλλ´ ὡς ἔδει, ὡς οὐδενὸς ὄντος ἐκεῖ εἰκῇ. Ὅθεν καὶ <δέον καὶ καιρὸν> ὁ Πλάτων ὡς οἷόν τε ἦν σημῆναι ἐφιέμενος, ὅτι πόρρω τοῦ ὡς ἔτυχεν, ἀλλ´ ὅπερ ἐστί, τοῦτο δέον. Εἰ δὲ τὸ δέον τοῦτο, οὐκ ἀλόγως τοῦτο, καὶ εἰ καιρός, τὸ μάλιστα κυριώτατον ἐν τοῖς μετ´ αὐτὸ καὶ πρότερον αὐτῷ καὶ οὐχ οἷον ἔτυχε τοῦτό ἐστιν, ἀλλὰ τοῦτό ἐστιν, ὅπερ οἷον ἐβουλήθη αὐτός, εἴπερ τὰ δέοντα βούλεται καὶ ἓν τὸ δέον καὶ ἡ τοῦ δέοντος ἐνέργεια· καὶ ἔστι δέον οὐχ ὡς ὑποκείμενον, ἀλλ´ ὡς ἐνέργεια πρώτη τοῦτο ἑαυτὴν ἐκφήνασα, ὅπερ ἔδει. Οὕτω γὰρ δεῖ αὐτὸν λέγειν ἀδυνατοῦντα λέγειν ὥς τις ἐθέλει. |
XVIII. En cherchant ce principe, ne cherchez rien hors de lui; cherchez en lui tout ce qui est après lui, mais n'essayez pas de le pénétrer lui-même : car Lui, il est le dehors (τὸ ἕξω), parce qu'il comprend toute» choses (περίληψις πάντων) et en est ta mesure (58); il est aussi le dedans, parce qu'il est la profondeur la plus intime de toutes choses (ἡ εἴσω ἐν βάθει). Ce qui est hors de lui, ce qui le touche en quelque sorte circulairement et lui reste suspendu, c'est la liaison, l'Intelligence; celle-ci même n'est Intelligence que parce qu'elle le touche, qu'autant qu'elle le touche, qu'elle lui est suspendue (59) : car c'est de lui 528 qu'elle tient d'être Intelligence. Elle ressemble à un cercle qui, touchant son centre par toute sa circonférence, devrait manifestement toute sa puissance à ce centre, et serait en quelque sorte centriforme (κεντορειδής). S'unissant ainsi dans un centre unique, les rayons d'un pareil cercle ont l'extrémité par laquelle ils touchent au centre semblable à ce à quoi ils aboutissent et dont ils sortent ; mais ce centre est supérieur [en simplicité] aux rayons et aux extrémités qui en sont les points. Ces extrémités, bien qu'elles soient telles que le centre, n'en sont cependant que de faibles vestiges : car celui-ci contient dans sa puissance les extrémités des rayons et les rayons mêmes ; il est présent partout dans ces rayons, il y manifeste sa nature, il y est développé sans cependant être développé. C'est de cette manière que l'Intelligence, avec l'Être, est née de Lui, comme une sorte d'effusion et de développement; et, en demeurant suspendue à la nature intellectuelle de l'Un, elle atteste par là qu'il y a en lui une sorte d'intelligence, laquelle n'est pas proprement intelligence, puisqu'il est l'Un absolu. Comme le centre, sans être ni les rayons ni le cercle, est cependant le père du cercle et des rayons (car il donne des vestiges de sa nature, et, en vertu d'une puissance immanente, il engendre par une force propre le cercle et les rayons qui ne se séparent point de lui (60)] ; de même, l'Un est l'archétype de la puissance intellectuelle qui se meut autour de lui et qui est son image : car il y a dans l'Un une espèce d'intelligence qui, se mouvant pour ainsi dire dans tous les sens et de toutes les manières, devient par là l'Intelligence; tandis que l'Un, demeurant au-dessus de l'Intelligence, l'engendre par sa puissance (61). Comment la fortune, 529 la contingence, le hasard, pourraient-ils approcher de cette puissance qui a créé Γ In tel ligence (δύναμις νοοποιός), puissance vraiment et essentiellement créatrice? En effet, tel est ce qui est dans l'Intelligence, tel est ce qui est dans l'Un, quoique ce qui est en lui soit bien supérieur. Qu'on se représente la clarté répandue au loin par une source lumineuse qui demeure en elle-même : la clarté répandue est l'image, et la source d'où elle sort est la Lumière véritable (62). Cependant, la clarté répandue, c'est-à-dire l'Intelligence, n'est pas une image qui ait une forme étrangère [à son principe] : car elle n'existe pas par hasard ; elle est raison et cause dans chacune de ses parties. L'Un est donc la cause de la cause : il est cause d'une manière suprême (αἰτιώτατον) et dans le sens le plus vrai, contenant à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui; il a engendré ce qui est né de lui, non par l'effet du hasard, mais comme il l'a voulu lui-même. Or, sa volonté n'a pas été irrationnelle, ni fortuite, ni accidentelle ; elle a été ce qu'il convenait qu'elle fut, parce qu'en lui rien n'est fortuit. Aussi Platon l'a-t-il appelé le convenable (63) et l'opportun, pour exprimer autant que possible que 530 Dieu est étranger a tout hasard, que ce qu'il est est le convenable même. Or, s'il est le convenable, il ne Test pas irrationnellement. S'il est l'opportun (καιρός), et s'il est a ce titre maître absolu (τὸ μάλιστα κυριώτατον) des êtres qui sont au-dessous de lui (64), à plus forte raison est-il opportun pour lui-même : il n'est donc point par hasard ce qu'il est, il est ce qu'il a voulu être ; car il veut les choses convenables, et en lui le convenable et l'acte du convenable ne font qu'un. Il est le convenable, non comme étant sujet, mais comme étant acte premier, lequel s'est manifesté tel qu'il était convenable qu'il fût. C'est là ce que nous pouvons dire de Lui, dans l'impuissance où nous sommes de nous exprimer à son égard comme nous le voudrions (65). |
[XIX] Λαμβανέτω τις οὖν ἐκ τῶν εἰρημένων ἀνακινηθεὶς πρὸς ἐκεῖνο ἐκεῖνο αὐτό, καὶ θεάσεται καὶ αὐτὸς οὐχ ὅσον θέλει εἰπεῖν δυνάμενος. Ἰδὼν δὲ ἐκεῖνο ἐν αὐτῷ πάντα λόγον ἀφεὶς θήσεται παρ´ αὐτοῦ ἐκεῖνο τοῦτο ὄν, ὡς, εἴπερ εἶχεν οὐσίαν, δούλην ἂν αὐτοῦ τὴν οὐσίαν εἶναι καὶ οἷον παρ´ αὐτοῦ εἶναι. Οὐδ´ ἂν τολμήσειέ τις ἰδὼν ἔτι τὸ ὡς συνέβη λέγειν, οὐδ´ ἂν ὅλως φθέγξασθαι δύναται· ἐκπλαγείη γὰρ ἂν τολμῶν, καὶ οὐδ´ ἂν ἔχοι ἀίξας «ποῦ» εἰπεῖν περὶ αὐτοῦ πάντη αὐτῷ ἐκείνου οἷον πρὸ ὀμμάτων τῆς ψυχῆς προφαινομένου καί, ὅποι ἂν ἀτενίσῃ, ἐκεῖνον βλέποντος, εἰ μή που ἄλλῃ ἀφεὶς τὸν θεὸν ἀτενίσῃ μηδὲν ἔτι περὶ αὐτοῦ διανοούμενος. Χρὴ δὲ ἴσως καὶ τὸ <ἐπέκεινα οὐσίας> καὶ ταύτῃ νοεῖσθαι τοῖς παλαιοῖς λεγόμενον δι´ αἰνίξεως, οὐ μόνον ὅτι γεννᾷ οὐσίαν, ἀλλ´ ὅτι οὐ δουλεύει οὐδὲ οὐσίᾳ οὐδὲ ἑαυτῷ, οὐδέ ἐστιν αὐτῷ ἀρχὴ ἡ οὐσία αὐτοῦ, ἀλλ´ αὐτὸς ἀρχὴ τῆς οὐσίας ὢν οὐχ αὑτῷ ἐποίησε τὴν οὐσίαν, ἀλλὰ ποιήσας ταύτην ἔξω εἴασεν ἑαυτοῦ, ἅτε οὐδὲν τοῦ εἶναι δεόμενος, ὃς ἐποίησεν αὐτό. Οὐ τοίνυν οὐδὲ καθό ἐστι ποιεῖ τὸ ἔστι. |
XIX. Vous élevant a Lui à l'aide des considérations que noue venons d'exposer, saisissez-le donc : vous le contemplerez alors, et vous ne trouverez pas de termes pour exprimer sa grandeur, Quand vous le verrez, renonçant à faire usage de la parole, voue affirmerez qu'il existe par lui-même, de telle sorte que, s'il avait une essence, cette essence dépendrait de Iui et serait par lui. Quiconque l'aura vu n'aura point l'audace de soutenir qu'il est par hasard ce qu'il est; il ne proférera même pas un tel blasphème : cal il resterait lui-même confondu de sa témérité. Lorsqu'il se sera élevé jusqu'à Lui, il ne pourra même dire de Lui où il est (66) : car il apparaît partout aux yeux de l'âme ; de quelque côté que celle-ci tourne ses regards, elle le voit, à moins que, considérant un autre objet, elle n'abandonne Dieu en cessant de penser à lui. Les anciens ont dit, mais en termes en énigmatiques, que 531 Dieu est au-dessus de l'essence (67), Voici dans quel sens il faut Interpréter cotte assertion. Dieu est au-dessus de l'essence, non seulement parce qu'il engendre l'Essence, mais encore parce qu'il n'est point dans la dépendance de l'Essence ni de lui-même (68). Il n'a même point pour principe sa propre essence ; il est au contraire lui-même le principe de l'Essence. Or il ne l'a point faite pour lui-même, mais, l'ayant faite, il l'a laissée hors de lui, par la raison qu'il n'a pas besoin de l'existence (τὸ εἶναι) puisqu'il est celui qui l'a faite. Ainsi, même en tant qu'il est, il ne produit point ce qu'on exprime par le verbe il est (τὸ ἔστι). |
[XX] Τί οὖν; Οὐ συμβαίνει, εἴποι τις ἄν, πρὶν ἢ γενέσθαι γεγονέναι; Εἰ γὰρ ποιεῖ ἑαυτόν, τῷ μὲν ἑαυτὸν οὔπω ἐστί, τῷ δ´ αὖ ποιεῖν ἔστιν ἤδη πρὸ ἑαυτοῦ τοῦ ποιουμένου ὄντος αὐτοῦ. Πρὸς ὃ δὴ λεκτέον, ὡς ὅλως οὐ τακτέον κατὰ τὸν ποιούμενον, ἀλλὰ κατὰ τὸν ποιοῦντα, ἀπόλυτον τὴν ποίησιν αὐτοῦ τιθεμένοις, καὶ οὐχ ἵνα ἄλλο ἀποτελεσθῇ ἐξ αὐτοῦ τῆς ποιήσεως, ἄλλου τῆς ἐνεργείας αὐτοῦ οὐκ ἀποτελεστικῆς, ἀλλ´ ὅλου τούτου ὄντος· οὐ γὰρ δύο, ἀλλ´ ἕν. Οὐδὲ γὰρ φοβητέον ἐνέργειαν τὴν πρώτην τίθεσθαι ἄνευ οὐσίας, ἀλλ´ αὐτὸ τοῦτο τὴν οἷον ὑπόστασιν θετέον. Εἰ δὲ ὑπόστασιν ἄνευ ἐνεργείας τις θεῖτο, ἐλλιπὴς ἡ ἀρχὴ καὶ ἀτελὴς ἡ τελειοτάτη πασῶν ἔσται. Καὶ εἰ προσθείη ἐνέργειαν, οὐχ ἓν τηρεῖ. Εἰ οὖν τελειότερον ἡ ἐνέργεια τῆς οὐσίας, τελειότατον δὲ τὸ πρῶτον, πρώτη ἂν ἐνέργεια εἴη. Ἐνεργήσας οὖν ἤδη ἐστὶ τοῦτο, καὶ οὐκ ἔστιν ὡς πρὶν γενέσθαι ἦν· τότε γὰρ οὐκ ἦν πρὶν γενέσθαι, ἀλλ´ ἤδη πᾶς ἦν. Ἐνέργεια δὴ οὐ δουλεύσασα οὐσίᾳ καθαρῶς ἐστιν ἐλευθέρα, καὶ οὕτως αὐτὸς παρ´ αὐτοῦ αὐτός. Καὶ γὰρ εἰ μὲν ἐσῴζετο εἰς τὸ εἶναι ὑπ´ ἄλλου, οὐ πρῶτος αὐτὸς ἐξ αὐτοῦ· εἰ δ´ αὐτὸς αὐτὸν ὀρθῶς λέγεται συνέχειν, αὐτός ἐστι καὶ ὁ παράγων ἑαυτόν, εἴπερ, ὅπερ συνέχει κατὰ φύσιν, τοῦτο καὶ ἐξ ἀρχῆς πεποίηκεν εἶναι. Εἰ μὲν οὖν χρόνος ἦν, ὅθεν ἤρξατο εἶναι, τὸ πεποιηκέναι κυριώτατον ἂν ἐλέχθη· νῦν δέ, εἰ καὶ πρὶν αἰῶνα εἶναι ὅπερ ἐστὶν ἦν, τὸ πεποιηκέναι ἑαυτὸν τοῦτο νοείτω τὸ σύνδρομον εἶναι τὸ πεποιηκέναι καὶ αὐτό· ἓν γὰρ τῇ ποιήσει καὶ οἷον γεννήσει ἀιδίῳ τὸ εἶναι. Ὅθεν καὶ τὸ «ἄρχων ἑαυτοῦ»· καὶ εἰ μὲν δύο, κυρίως, εἰ δὲ ἕν, τὸ «ἄρχων» μόνον· οὐ γὰρ ἔχει τὸ ἀρχόμενον. Πῶς οὖν ἄρχον οὐκ ὄντος πρὸς ὅ; Ἢ τὸ ἄρχον ἐνταῦθα πρὸς τὸ πρὸ αὐτοῦ, ὅτι μηδὲν ἦν. Εἰ δὲ μηδὲν ἦν, πρῶτον· τοῦτο δὲ οὐ τάξει, ἀλλὰ κυριότητι καὶ δυνάμει αὐτεξουσίῳ καθαρῶς. Εἰ δὲ καθαρῶς, οὐκ ἔστιν ἐκεῖ λαβεῖν τὸ μὴ αὐτεξουσίως. Ὅλον οὖν αὐτεξουσίως ἐν αὐτῷ. Τί οὖν αὐτοῦ, ὃ μὴ αὐτός; Τί οὖν, ὃ μὴ ἐνεργεῖ; Καὶ τί, ὃ μὴ ἔργον αὐτοῦ; Εἰ γάρ τι εἴη μὴ ἔργον αὐτοῦ ἐν αὐτῷ, οὐ καθαρῶς ἂν εἴη οὔτε αὐτεξούσιος οὔτε πάντα δυνάμενος· ἐκείνου τε γὰρ οὐ κύριος πάντα τε οὐ δυνάμενος. Ἐκεῖνο γοῦν οὐ δύναται, οὗ μὴ αὐτὸς κύριος εἰς τὸ ποιεῖν. |
.XX. Mais, nous objectera4-on, il résulte de ce que vous dites que Dieu a existé avant d'avoir existé ; car, s'il s'est fait lui-même, d'un côté en tant que c'est lui-même qu'il a fait, il n'existait pas encore, et, d'un autre côté, en tant que c'est lui qui a fait, il existait déjà avant lui-même, puisque ce qui a été fait, c'est lui-même. Nous répondrons à cette objection qu'il faut considérer Dieu, non en uni qu'étant fait (ποιούμενος). mais en tant que faisant (ποιῶν), et concevoir que l'acte par lequel il s'est créé est absolu (ἀπόλυτος ποίησις) : car l'acte de Dieu (ἐνέργεια αὐτοῦ) n'aboutit pas a la production d'un autre être; il ne produit rien que lui-même, il est lui tout entier; il n'y a pas là deux choses, mais une seule. Il ne faut pas craindre d'admettre que l'acte premier (ἐνεέργεια ἡ πρώτη) n'a point d'essence, mais il faut considérer l'acte de Dieu comme étant son existence même (ὑπόστασις). Si l'on séparait en lui l'existence d'avec l'acte, le Principe parfait par excellence serait 532 incomplet et imparfait. Lui ajouter l'acte, ce serait détruire son unité. Ainsi, puisque l'acte est plus parfait que l'essence, et que ce qui est premier est ce qu'il y a de plus parfait, ce qui est premier est nécessairement acte. Dès que Dieu agit, il est ce qu'il est. On ne peut dire de lui qu'il était avant de s'être fait : il n'était pas avant de s'être fait, mais il était déjà tout entier [dès qu'il agissait]. Il est donc un acte qui n'est point dans la dépendance de l'essence, un acte absolument libre; ainsi il est Lui par lui-même. S'il était conservé dans son existence par un autre principe, il ne serait pas lui-même le Premier procédant de lui-même (πρῶτος αὐτὸς ἐξ αὑτοῦ). Si l'on a raison de dire qu'il se contient lui-même, c'est que c'est lui qui se produit lui-même (παράγων ἑαυτόν), puisque, ce qu'il contient naturellement, il l'a fait exister dès l'origine. S'il y avait un temps où il eût commencé d'être, on pourrait dire dans le sens propre qu'il s'est fait lui-même. Mais, puisqu'avant tous les temps il était ce qu'il est, il faut, lorsqu'on dit qu'il s'est fait lui-même, entendre par là qu'avoir fait et lui-même sont inséparables : car son être est identique à son acte créateur (τῇ ποιήσει), et, si je puis m'exprimer ainsi, à sa génération éternelle (γεννήσει αἰδίῳ) (69). De même, quand on dit que Dieu se commande à lui-même (ἄρχον ἑαυτοῦ), s'il y a en lui deux choses [l'une qui commande, et l'autre qui obéit], il faut prendre cette expression au propre ; mais s'il n'y a en lui qu'une seule 533 chose, il n'est que ce qui commande, parce qu'il n'a rien en lui qui obéisse (70). — Comment donc commande-t-il s'il n'a en lui aucune chose à laquelle il commande? — Si l'on dit qu'il se commande, c'est en ce sens qu'il n'a rien au-dessus de lui ; or, s'il n'a rien (au-dessus de lui, il est Premier, non par l'ordre, mais par son autorité et sa puissance parfaitement libre. S'il est parfaitement libre, on ne saurait concevoir en lui rien qui ne soit libre ; il est donc tout entier librement en lui-même. Quelle chose lui appartient qui ne soit lui-même? Qu'y a-t-il en lui qu'il ne fasse,? Qu'y a-t-il en lui qui ne soit son œuvre? S'il y avait en lui quelque chose qui ne fût pas son œuvre, il ne serait point parfaitement libre et tout-puissant: [il ne serait pas libre,] puisqu'une serait pas maître de cette chose; il ne serait pas tout-puissant, puisque la chose qu'il ne serait point maître de faire échapperait par là même à sa puissance. |
[XXI] Ἐδύνατο οὖν ἄλλο τι ποιεῖν ἑαυτὸν ἢ ὃ ἐποίησεν; Ἢ οὔπω καὶ τὸ ἀγαθὸν ποιεῖν ἀναιρήσομεν, ὅτι μὴ ἂν κακὸν ποιοῖ. Οὐ γὰρ οὕτω τὸ δύνασθαι ἐκεῖ, ὡς καὶ τὰ ἀντικείμενα, ἀλλ´ ὡς ἀστεμφεῖ καὶ ἀμετακινήτῳ δυνάμει, ἣ μάλιστα δύναμίς ἐστιν, ὅταν μὴ ἐξίστηται τοῦ ἕν· καὶ γὰρ τὸ τὰ ἀντικείμενα δύνασθαι ἀδυναμίας ἐστὶ τοῦ ἐπὶ τοῦ ἀρίστου μένειν. Δεῖ δὲ καὶ τὴν ποίησιν αὐτοῦ, ἣν λέγομεν, καὶ ταύτην ἅπαξ εἶναι· καλὴ γάρ. Καὶ τίς ἂν παρατρέψειε βουλήσει γενομένην θεοῦ καὶ βούλησιν οὖσαν; Βουλήσει οὖν μήπω ὄντος; Τί δὲ βούλησιν ἐκείνου ἀβουλοῦντος τῇ ὑποστάσει; Πόθεν οὖν αὐτῷ ἔσται ἡ βούλησις ἀπὸ οὐσίας ἀνενεργήτου; Ἢ ἦν βούλησις ἐν τῇ οὐσίᾳ· οὐχ ἕτερον ἄρα τῆς οὐσίας οὐδέν. Ἢ τί ἦν, ὃ μὴ ἦν, οἷον ἡ βούλησις; Πᾶν ἄρα βούλησις ἦν καὶ οὐκ ἔνι τὸ μὴ βουλόμενον· οὐδὲ τὸ πρὸ βουλήσεως ἄρα. Πρῶτον ἄρα ἡ βούλησις αὐτός. Καὶ τὸ ὡς ἐβούλετο ἄρα καὶ οἷον ἐβούλετο, καὶ τὸ τῇ βουλήσει ἑπόμενον, ὃ ἡ τοιαύτη βούλησις ἐγέννα—ἐγέννα δὲ οὐδὲν ἔτι ἐν αὐτῷ — τοῦτο γὰρ ἤδη ἦν. Τὸ δὲ συνέχειν ἑαυτὸν οὕτω ληπτέον νοεῖν, εἴ τις ὀρθῶς αὐτὸ φθέγγοιτο, ὡς τὰ μὲν ἄλλα πάντα ὅσα ἐστὶ παρὰ τούτου συνέχεται· μετουσίᾳ γάρ τινι αὐτοῦ ἐστί, καὶ εἰς τοῦτο ἡ ἀναγωγὴ πάντων. Αὐτοῖς δὲ ἤδη παρ´ αὐτοῦ οὔτε συνοχῆς οὔτε μετουσίας δεόμενος, ἀλλὰ πάντα ἑαυτῷ, μᾶλλον δὲ οὐδὲν οὐδὲ τῶν πάντων δεόμενος εἰς αὐτόν· ἀλλ´ ὅταν αὐτὸν εἴπῃς ἢ ἐννοηθῇς, τὰ ἄλλα πάντα ἄφες. Ἀφελὼν πάντα, καταλιπὼν δὲ μόνον αὐτόν, μὴ τί προσθῇς ζήτει, ἀλλὰ μή τί πω οὐκ ἀφῄρηκας ἀπ´ αὐτοῦ ἐν γνώμῃ τῇ σῇ. Ἔστι γάρ τινος ἐφάψασθαι καὶ σέ, περὶ οὗ οὐκέτι ἄλλο ἐνδέχεται οὔτε λέγειν οὔτε λαβεῖν· ἀλλ´ ὑπεράνω κείμενον μόνον τοῦτο ἀληθείᾳ ἐλεύθερον, ὅτι μηδὲ δουλεῦόν ἐστιν ἑαυτῷ, ἀλλὰ μόνον αὐτὸ καὶ ὄντως αὐτό, εἴ γε τῶν ἄλλων ἕκαστον αὐτὸ καὶ ἄλλο. |
XXI. Dieu pouvait-il donc se faire autre qu'il ne s'est fait ? [S'il ne le pouvait pas, il n'est pas tout-puissant.] — Tous lui enlevez le pouvoir de faire le bien, parce qu'il ne saurait faire le mal. En Dieu, la puissance ne consiste pas à pouvoir les contraires; c'est une puissance constante et immuable, dont la perfection consiste précisément à ne point s'écarter de ce qui est un : car pouvoir les contraires est le caractère propre de l'être incapable de se tenir toujours au meilleur. Il faut que ce que nous appelons l'acte par lequel Dieu s'est créé (ποίησις αὑτοῦ) existe une fois pour toutes : car cet acte est parfait. Qui pourrait changer un acte qui a été produit par la volonté de Dieu, un acte qui est sa volonté même?—Mais [dira-t-on], comment cet acte a-t-il été produit par la volonté de Dieu qui n'existait pas encore (71) ? — Qu'est-ce donc que la volonté de Dieu, si l'on ne reconnaît pas qu'il veut par cela seul qu'il subsiste ? 534 D'où lui est donc alors venue sa volonté? Serait-ce de son essence, qui [d'après l'objection qu'on nous fait (72)] n'agissait pas encore? Mais sa volonté était déjà dans son essence. Il n'y a donc en Dieu rien qui diffère de l'essence ; sinon, il y aurait eu en lui quelque ohose qui n'eût pas été sa volonté. Ainsi, tout en lui était volonté; il n'y avait en lui rien qui ne voulût, rien qui fût par conséquent antérieur à sa volonté. Donc, dès le principe, la volonté était Dieu même; par suite, Dieu est comme il a voulu être et tel qu'il l'a voulu. Quand on parle de ce qui a été la conséquence de la volonté de Dieu, de ce que sa volonté a engendré, [il faut bien concevoir que] sa volonté n'a rien engendré qu'il ne fût déjà. Quand on dit que Dieu se contient lui-même, il faut entendre cette assertion en ce sens que tous les autres êtres qui procèdent de Dieu sont soutenus par lui. Car ils existent par une espèce de participation de Dieu, et ils se ramènent tous à lui. Quant à Dieu, il n'a pas besoin d'être contenu ni de participer: il est toutes choses pour lui-même; ou plutôt, il n'est rien pour lui-même, parce qu'il n'a pas besoin de toutes les autres choses par rapport à lui-même. Ainsi, quand vous voulez parler de Dieu ou le concevoir, écartez tout le reste. Quand vous aurez fait abstraction de tout le reste, et que vous aurez de cette manière isolé Dieu, ne cherchez pas à lui ajouter quoi que ce soit (73); examinez plutôt si, dans votre pensée, vous n'avez pas omis d'écarter de lui quelque chose. Vous pouvez ainsi vous élever à un principe dont vous ne sauriez ensuite ni affirmer ni concevoir rien d'autre (74). Ne placez donc au rang 535 suprême que Celui qui est véritablement libre, parce qu'il n'est point même dans la dépendance de lui-même, qu'il est seulement Lui, essentiellement Lui, tandis que chacun des autres êtres est soi et autre chose en outre. |
604 LIVRE HUITIÈME. DE LA VOLONTÉ ET DE LÀ LIBERTÉ DE L'UN. Ce livre est le trente-neuvième dans l'ordre chronologique. Le paragraphe 15 a été traduit par H. Barthélémy Saint Hilaire : De l'École d'Alexandrie, p. 290. C'est dans ce livre que Plotin expose les plus hautes théories de sa Métaphysique. Il emprunte peu de choses à Platon, quoiqu'il fasse allusion à plusieurs passages de ses dialogues que nous avons indiqués dans les notes {République, p. 503, 507 ; Phédon, p. 504 ; Timée, p. 525, 531-532; Lois, p. 527; Cratyle, p. 529) C'est Aristote qu'il prend surtout pour guide. C'est à lui qu'il emprunte les définitions qu'il donne de la liberté el de la volonté telles qu'elles sont dans l'âme humaine, comme on peut le reconnaître facilement en rapprochant du texte de notre auteur les passages que nous avons cités de la Grande-Morale (p. 496-497), de la Morale à Nicomaque (p. 492-502), de la Morale à Eudème (p. 493-495) et du Traité de l'Âme (p. 497-498). Puis, avec lui, il s'élève à la conception de la Liberté en Dieu, liberté qui ne consiste pas à agir arbitrairement, mais à aimer le bien et à le réaliser. Pénétrant ensuite dans la profondeur même de la nature divine, il l'analyse dans son essence, dans son acte et dans son existence, comme le fait Aristote dans le livre XII de sa Métaphysique. Mais ici encore Plotin veut s'élever au-dessus du point où s'est arrêté son prédécesseur. Rappelant et dépassant tout à la fois la définition qu'Aristote avait donnée de l'action divine, il ne la fait plus consister comme lui dans la pensée ou l'intellection, νόησις, maïs dans une supra-intellection éternelle, ὑπερνόησις (Voy. p. 525-527 et les notes). Enfin, rétablissant entre le monde et Dieu le lien 605 rompu dans la doctrine péripatéticienne, il nous montre comment Dieu est cause suprême, et comment, par l'effusion volontaire de sa souveraine puissance, il produit, en s'aimant lui-même de cet amour qui fait sa béatitude, tous les êtres qui doivent naître de lui (p. 524-529). Jamais avant Plotin, il faut le reconnaître, la philosophie ancienne ne s'était élevée à une conception aussi sublime de Dieu. Malgré son extrême importance, ce livre n'a pas été, autant que nous sachions, cité par les successeurs de Plotin. Cependant ils se sont bornés à enseigner la théorie du maître à ce sujet. Il nous suffira de donner pour preuve ces lignes d'Olympiodore : « Plus notre liberté obéit aux dieux, et plus elle étend son empire ; plus elle s'éloigne des dieux et s'isole en elle-même, et plus elle fait de pas vers l'asservissement à un principe étranger, comme s'étant écartée de l'être essentiellement libre et s'étant rapprochée de l'être essentiellement dépendant. » (Olympiodore, Comm. sur le Phédon, dans M. Cousin, Fragments de philosophie ancienne, p. 429.) Quant aux Pères de l'Église, outre le rapprochement que nous avons signalé entre saint Augustin et Plotin (p. 513-514), nous remarquerons qu'une des idées principales développées par Plotin, A savoir que Dieu s'est donné l'être a lui-même (p. 531-534), se retrouve en termes presque identiques dans Lactance, qui s'exprime en ces termes: « Verum, quia fleri non potest quin id quod sit [alii Codices quod factura sit] aliquando esse cœperit; consequens est ut, quando nihil ante illum fuit, ipse ante omnia ex se ipso sit procreatus , ideoque ab Apolline αὐτοφυής, a Sibylla αὐτογενής et ἀγέννητος et ἀποίητος nominatur, quod Seneca, homo acutus, in Exhortationibus vidît : «Nos, inquit, aliunde pendemus. Itaque ad aliquem respicimus, eui, quod est optimum in nobis, debeamus. Alius nos edidit, alius instruxit ; Deus se ipse fecit. ».... Ex se ipso est, ut in primo diximus libro, et ideo talis est qualem esse se voluit, impassibilis, immutabilis, incorruptus, beatus, aeternus.» (Divinae institutiones. II 7, et 8.) Le P. Thomassin a résumé dans ses Dogmata theologien quelques-unes des principales idées développées ici par Plotin. (Voy. ci-dessus p. 518, 533, 534, notes). Enfin, on retrouve les idées fondamentales de ce livre dans le morceau suivant d'Ibn-Gébirol qui a dû connaître notre auteur par des intermédiaires : « Les formes sont plus parfaites dans les causes que dans les effets : car elles naissent dans les effets parce que les causes regardent les effets et se trouvent en face d'eux. D'après cela, il faut que 606 les formes se trouvent dans la Volonté dans la plus grande perfection et la plus grande régularité possible, et il faut qu'elles soient de même plus parfaites dans tout ce qui est plus près d'elles, jusqu'à ce qu'elles arrivent à l'extrémité inférieure de la substance, et alors la forme s'arrête. Ce que nous venons de dire est en somme en qu'a dit Platon [Plotin (100)] : car il considère la naissance de» forme» dans l'Intellect comme l'effet du regard de la Volonté (101), leur naissance dans l'Âme universelle comme l'effet du regard de l'Intellect universel, et de même leur naissance dans la Nature et dans la matière comme l'effet du regard de l'Âme universelle (102); et il compare cela à la manière dont les formes intelligibles, c'est-à-dire les pensées, naissent et se forment dans l'âme individuelle, lorsque l'intellect le regarde (103). Par regarder (104), en parlant des substances, je veux dire qu'elles sont en face les unes des autres et qu'elles épanchant leurs forces et leurs lumières les unes sur les autres, parce qu'elles sont toutes retenues sous la substance première, qui s'épanche par elle-même, c'est-à-dire dont l'épanchement ne vient que d'elle seule (105). » (Ibn-Gébirol, Source de la vie, liv, V; trad. de M. Hunk, Mélanges de philosophie juive et arabe, p. 100.) (01) Ce livre comprend deux parties : 1° De la Liberté et de la Volonté dans l'âme et l'intelligence, § 1 -7 ; 2° De la Liberté et de la Volonté dans l'Un. § 8-21. C'est là que Plotîn expose les plus hautes théories de sa Métaphysique, théories que Steinhart résume judicieusement eu ces termes : « Quaestiones illas, quas Socratici primi excitaverant, Aristoteles accuratissime tractaverat,. de Libertate arbitrii et Voluntate, Plotinus accuratissime persecutus est; vidit enim, Aristotelis vestigtis insistens, non idem esse arbitrium fît voluntatem, et intellexit tandem veram voluntatis libertatem non in arbitrio vel boni vel mali eligendi ponendum esse, sed illum demum liberum esse, qui malis omnibus affectibus et studiis ita purgatus sit, ut nihil nisi bonum appetere possit; hanc esse Dei, hanc œltrnœ ejus mentis libertatem, quam siquis, ut vulgus hominum facere solet, cum arbitrio quidvis faciendi confundat, eum in Deo malum esse opinari. » (Meletemata plotiniana, p. 30.) Pour les autres Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume.(100) Il faut absolument lire Plotin au lien de Platon. « Les Arabes, dit M. Munk, qui traduisirent de bonne heure certains écrits néoplatoniciens, avaient peut-être, dès le principe, confondu ensemble les noms de Platon et de Plotin, à cause de leur ressemblance. » Nous axons déjà, vu un exemple de la même confusion dans le l. Il, p. 170. (02) Plotin fait allusion au début d'Aristote dans le livre III de la Morale à Nicomaque : « C'est une étude nécessaire, quand on cherche a se rendre compte de la vertu, que de déterminer ce qu'on doit entendre par volontaire et involontaire. » (Trad. de H. Barthélémy Saint-Hilaire, t. III, p. 2.) (03) C'est la doctrine d'Âristote : « On peut regarder comme involontaires toutes les choses qui se font ou par force majeure [par contrainte] ou par ignorance. Une chose faite par force majeure est celle dont la cause est extérieure, et de telle nature que l'être qui agit ou qui souffre ne contribue en rien à cette chose. » (Morale à Nicomaque, liv. III, ch. 1; trad. fr., t. II, p. 2.) (04) « Pour toutes les actions dont l'homme est cause et souverain maître, il est clair qu'elles peuvent être et ne pas être, et qu'il ne dépend que de lui que ces choses arrivent ou n'arrivent pas, puisqu'il est le maître qu'elles soient ou ne soient point. Il est donc la cause responsable de toutes les choses qu'il dépend de lui de faire ou de ne pas faire; et toutes les choses dont il est cause ne dépendent que de lui seul. » (Morale à Eudème, liv. II, ch. 6; trad. fr., t. III, p. 268.) (05). L'acte involontaire étant celui qui est fait par force majeure ou par ignorance, l'acte volontaire semblerait être l'acte dont le principe est dans l'agent lui-même, qui sait en détail toutes les conditions que son action renferme. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, ch. 2; trad. fr., t. II, p. 10.) Steinhart dit avec raison à ce sujet : « Aristoteles, discernens liberum arbitrium et volunatem illam quae rationis prœcepta sequitur, viam aperuit omnibus qui rectîus has res cognoscere cuperent. » (Meletemata plotiniana, p. 30, note.) (06). Voy. Aristote, Morale à Eudème, liv. II, ch. 9; trad. fr., t. III, p. 286. (07) « Comme ce genre d'ignorance concerne toujours les choses dans lesquelles consiste l'action, celui qui en agissant ignore quelqu'une de ces circonstances semble par cela même agir malgré sa volonté, et surtout dans les deux points les plus graves, qui sont ici, d'abord l'objet même de l'action, et ensuite le but que l'on se propose en la faisant. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, ch. 2; trad. fr., t. II, p. 10.) (08) Voy. Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, ch. 2; trad. fr., t. II, p. 10. (09) « Des législateurs punissent encore ceux qui ignorent les dispositions de la loi qu'ils doivent connaître, et quand ils pouvaient les connaître uns trop de difficulté. Ils montrent la même sévérité dans tous les cas où l'ignorance ne paraît venir que de la négligence, estimant sans doute qu'il ne dépend que de l'individu de n'être pas ignorant. et le supposant maître d'apporter les soins nécessaires à remplir ce devoir. » (Aristote, Morale à Nicomaque, lliv, III, ch. 6; trad. fr. t. II, p.30.) (10). C'est la théorie de Platon. Voy. AIcinoüs, De la Doctrine de Platon, ch. xxxi [La vertu est volontaire, et le vice involontaire]. Aristote combat celle théorie : « On ne peut pas appeler involontaire l'action d'un homme parce qu'il méconnaît son intérêt. L'ignorance qui préside au choix même de l'agent n'est pas cause que son acte soit involontaire; cite est cause uniquement de sa perversité. Ce n'est pas non plus l'ignorance en général qu'il faut accuser, bien que ce soit sous cette forme que se produise ordinairement le blâme; mais c'est l'ignorance particulière, spéciale pour les choses, et dans les choses auxquelles s'applique l'action dont il s'agit. C'est aussi dans ces limites qu'il y a place, soit pour la pitié, soit pour le pardon : car celui qui fait quelqu'une de ces choses coupables, sans savoir qu'il les fait, agit involontairement mais avancer que « personne n'est pervers de son plein gré, ni heureux malgré soi,» c'est une assertion qui contient tout à la fois de l'erreur et de la vérité. Non certainement, personne n'a le bonheur que donne la vertu contre son gré ; mais le vice est volontaire, » (Aristole, Morale à Nicomaque, liv. III, ch. 2, 6; trad. fr.,t. Il, p. 8, 28.) (11) « Évidemment d'abord, l'intention [ou préférence réfléchie] ne se confond pas avec l'appétit: car elle serait alors ou volonté, ou désir, ou colère, puisque l'appétit suppose toujours que l'on a éprouvé l'une ou l'autre de ces impressions. La colère et le désir appartiennent aussi aux animaux eux-mêmes, tandis que l'intention ne leur appartient jamais. De plus, les êtres mêmes qui réussissent ces deux facultés font avec intention une foule d'actes où la colère et le désir n'entrent pour rien; et quand ils sont emportés par le désir ou la passion, ils n'agissent plus par intention, ils sont purement passifs.» (Aristote, Morale à Eudème, liv. II, ch. 10; trad. fr., t. III, p. 288.) (12). « L'intention n'étant ni le jugement, ni la volonté séparément, et n'étant pas non plus les deux pris ensemble (car l'intention ne se produit jamais instantanément, tandis qu'on peut juger sur-le-champ qu'il faut agir et vouloir à l'Instant même), il reste qu'elle soit composée de deux éléments réunis dans une certaine mesure, tous les deux se retrouvant dans tout autre acte d'intention. Mais il faut examiner de près comment l'intention peut se composer du jugement et de la volonté. Bien que le mot lui-même nous l'indique déjà en partie, l'intention, qui, entre deux choses, préfère l'une et l'autre, est une tendance à choisir, un choix non pas absolu, mais le choix d'une chose qu'on place avant une autre chose. Or ce choix n'est pas possible sans un examen et sans une délibération préalables. Ainsi, l'intention, la préférence réfléchie, vient d'un jugement qui est accompagné de volonté et de délibération... Il s'ensuit évidemment que l'intention ou la préférence est un appétit, un instinct capable de délibérer sur des choses qui dépendent de nous... J'appelle capable de délibérer cette » faculté dont la délibération est le principe et la cause, et qui fait que l'on désire une chose parce que l'on a délibéré. Ceci nous explique pourquoi l'intention, accompagnée de préférence, ne se rencontre pas dans les autres animaux, et pourquoi l'homme lui-même ne l'a ni à tout âge, ni dans toute circonstance. » (Aristote, Morale à Eudème, liv. II, ch. 10 ; trad. fr., t. III, p. 294.) (13) « La vertu est l'instinct naturel vers le bien guidé par la raison. » (Aristote, Grande Morale, liv. I, ch. 32; trad. fr., t. III, p. 110.) « Les vertus dépendent de nous, sont volontaires, et doivent s'exercer comme la droite raison le prescrit. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III. ch. 6; trad. fr., t. Il, p. 33.) (14) « L'objet de notre préférence, sur lequel nous délibérons et que nous désirons, étant toujours une chose qui dépend de nous on pourra définir l'intention ou préférence le désir réfléchi et délibéré des choses qui dépendent de nous seuls : car nous jugeons après avoir délibéré; et ensuite, nous désirons l'objet d'après notre délibération et notre résolution volontaire. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, ch. 4; trad. fr., t. II, p. 24.) (15) Plotin discute ici la théorie d'Aristote sur la volonté : « Les deux causes de la locomotion, ce sont l'intelligence et l'appétit. Et j'entends ici l'intelligence qui calcule, en vue de quelque but, l'intelligence pratique ; elle diffère de l'intelligence spéculative par la fin qu'elle se propose. Tout appétit tend a quelque objet; et la chose dont il y a appétit devient précisément le principe de l'intelligence pratique; le but final est le principe de l'action. C'est donc, ce semble, avec bien de la raison qu'on peut regarder ces deux facultés, l'appétit et la pensée pratique, comme les causes de la locomotion. L'objet désiré produit le mouvement; et y par là, la pensée aussi le produit, parce que c'est l'objet désiré qui est son principe. L'imagination même, quand elle meut l'animal, ne le meut pas sans l'appétit. Ainsi donc, c'est l'objet de l'appétit qui seul est ce qui détermine le mouvement: car s'il y avait deux causes de mouvement, l'intelligence et l'appétit, ellesproduiraient toutes deux le mouvement selon une forme commune. Mais, loin de là, l'intelligence, dans l'état actuel des choses, ne semble pas pouvoir déterminer le mouvement sans l'appétit : car la volonté aussi est un appétit, et quand l'être se meut par suite d'un raisonnement, c'est encore avec la volonté qu'il se meut. L'appétit, au contraire, le meut souvent contre le raisonnement : car le désir n'est qu'une sorte d'appétit. » (Aristote, De l'Âme, liv. III, ch. 10 ; trad. de H. Barthélémy-Saint-Hilaire, p. 332.) (16) « L'intelligence a beau donner ses ordres, la pensée a beau dire qu'il faut fuir ou rechercher telle chose, l'être cependant ne se meut pas ; il n'agit que suivant sa passion, comme l'intempérant qui ne sait point se dominer. » (Aristote, De l'Ame, liv. III, ch. 9; trad. fr., p. 329.) (17) Voy. Aristote, Grande Morale, liv. I, ch. 17. (18) « Les gens tempérants ont beau sentir des appétits et des désirs, ils ne font pas ce dont ils ont appétit; ils ne suivent que leur intelligence. » (Aristote, De l'Âme, liv. III, en. 9. trad. fr. p. 338.) (19) « Celte indépendance dont on parle tant se trouve surtout dans la vie intellectuelle et contemplative Ainsi, et l'indépendance qui se suffit, et la tranquillité et le calme, autant du moins que l'homme peut en avoir, et tous les avantages ordinaires qu'on attribue d'ordinaire au bonheur, semblent se rencontrer dans l'acte de la pensée qui contemple » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, ch. 7; trad. fr., t. II, p. 454-456.} (20) « En parcourant le détail des actions que l'homme peut faire, toutes véritablement sont bien petites pour les dieux, et tout à fait indignes de leur majesté. Cependant le monde entier croit à leur existence ; par conséquent, on croit aussi qu'ils agissent: car apparemment ils ne dorment pas toujours comme Endymion. Mais, si de l'être vivant on retranche l'idée d'agir, et à plus forte raison l'idée de faire quelque chose d'extérieur, que lui reste-t-il donc si ce n'est la contemplation ? » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, ch. 8; trad. fr , t. II, p. 462.) Les rapports que nous signalons ici entre Aristote et Plotin ont été reconnus aussi par Steinhart qui les indique en ces termes: « In egregio De Libera voluntate libro, primum Stagiritœ de arbitrio et voluntate deflnitiones recipit Plotinus, tum ad sublimîorem verae libertaltis, quae vitam divinam imitetur, notionem attollitur, et unice in bono libertatem esse vidit. » (Mêeetemata plotiniana, p. 90, note.) (21) « Il faut que l'homme s'immortalise autant que possible ; il faut qu'il fasse tout pour vivre selon le principe le plus noble de tous ceux qui le composent. Si ce principe n'est rien par la place étroite qu'il occupe, il n'en est pas moins infiniment supérieur à tout le reste en puissance et en dignité. C'est lui qui, à mon sens, constitue chacun de nous et en fait un individu, puisqu'il en est la partie dominante et supérieure; et ce serait une absurdité à l'homme de ne pas adopter sa propre vie et d'aller adopter en quelque sorte celle d'un autre... Or, pour l'homme, ce qui lui est le plus propre, c'est la vie de l'entendement, puisque l'entendement est vraiment tout l'homme. » (Aristote, Morale à Nocomaque, liv. X, ch. 7 ; trad. de H. Barthélémy Saint-Hilaire, t. II, p. 467.) (22) Kirchhoff lit ici ἐξ αὐτοῦ ὁρμώμρνον, qui procède du Bien, au lieu de ἐξ αὐτοῦ ὁρὼμενον, leçon suivie par Ficin, qui traduit ex ipso perspectum ; nous avons suivi la leçon de Kirchhoff. (23) Kirchhoff retranche la fin de cette phrase, parce qu'il y voit une répétition de ce qui précède. (24) « La vie qu'on peut placer au second rang, après cette vie supérieure, c'est la vie conforme à toute vertu autre que la sagesse et la science : car les actes qui se rapportent à nos facultés secondaires [aux facultés inférieures à l'entendement] sont des actes parement humains,.. Il en est de même de quelques actes qui paraissent ne tenir qu'à des qualités du corps ; et dans beaucoup de cas, la vertu morale du cœur se lie étroitement aux passions, etc.» (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, ch. 8 ; trad. fr., t. II, p. 458.) (25) « Toutes les vertus pratiques agissent et s'exercent soit dans la politique, soit dans la guerre. Mais les actes qu'elles exigent paraissent ne pas laisser à l'homme un instant de relâche, spécialement ceux de la guerre, d'où le repos est absolument banni. Aussi, personne ne veut-il jamais la guerre, ou ne prépare-t il même la guerre pour la guerre toute seule. Il faudrait être un véritable assassin pour se faire des ennemis de ses amis et provoquer à plaisir des combats et des massacres. Quant à la vie de l'homme politique, elle est aussi peu tranquille que celle de l'homme de guerre.... Ainsi donc, parmi les actes conformes à la » vertu, ceux de la politique et de la guerre peuvent bien l'emporter sur les autres en éclat et en importance; mais ces actes sont pleins d'agitation, et ils visent toujours à un but étranger; » ils ne sont pas recherchés pour eux-mêmes. Tout au contraire, l'acte de la pensée et de l'entendement, contemplatif comme il l'est, suppose une application beaucoup plus sérieuse ; il n'a pas d'autre but que lai seul, et il porte avec lai son plaisir qui lui est exclusivement propre et qui augmente encore l'intensité de l'action. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, ch, 7 ; trad. fr, t. Il, p. 455.) (26) « La vertu n'a point de maître : elle s'attache à qui l'honore, et abandonne qui la néglige. On est responsable de son choix. Dieu est innocent.» (Platon, République, liv. X; trad. de M. Cousin,t X, p. 287.) (27) Plotin ne cite pas Platon littéralement. Il semble faire allusion au passage suivant : « Si l'âme emprunte au corps ses croyances, et partage ses plaisirs, elle est, je pense, forcée de prendre aussi les mêmes mœurs et les mêmes habitudes, tellement qu'il lui est » impossible d'arriver jamais pure à l'autre monde. » (Phédon, trad. de M. Cousin, t.1, p. 345.) (28) ἡ δὲ βούλησις ἡ νόησις· βούλησις δὲ ἐλέχθη, ὅτι κατὰ νοῦν. (29) Ici commence la seconde partie de ce livre : De la Volonté et de la Liberté de l'Un. (30) C'était la doctrine de Straton le Péripatéticien, des Épicuriens et des autres philosophes qui rapportaient tout au hasard. (31) Ces paroles de Plotin expliquent, comme le fait remarquer Creuzer, ce passage an Platon : « Cet ouvrier fait tout ce que nourrit dans son sein la nature, les plantes, les animaux, toutes les autres choses; et lui-même enfin.» (République, lib. X; trad. de M. Cousin, t. X, p. 237.) (32) Ὅταν ἡ οἷον ὑπόστασις αὐτοῦ ἡ οἷον ἐνέργια ᾖ... οὐ μᾶλλον κατὰ τὸ εἶναι ἡ ἐνέργια ἢ κατὰ τὴν ἐνέργιαν τὸ εἶναι. On voit que dans ce passage Plotin emploie τὸ εἶναι comme synonyme de ἡ ὑπόστασις, ce qui détermine nettement le sens qu'il donne à ce dernier mot. (33) Plotin ajoute aux termes d'ὑπόστασις, d'ἐνέργια, de ζωή et d'οὐσία le mot οἶον, pour montrer que, lorsqu'on les applique au Premier principe, il faut les prendre dans leur sens le plus élevé, comme notre auteur l'explique ci-après §13, p.519. (34) Il faut ἐφ' ἑαυτῷ et non ὑφ' ἑαυτό, comme le porte le texte de Creuzer. Cette expression est également expliquée ci-après, § 13, p. 688. (35) Voy. ci-dessus liv. VII, § 38, p. 482. (36) Voy. Jamblique, lettre à Macédonius sur le Destin, § 5 ; dans notre tome II, p. 671. (37) Creuser suppose qu'il s'agit ici de Straton. Rien ne prouve que cette argumentation soit dirigée particulièrement contre loi. (38) Si on lit φήσει, au lieu de φύσει, comme te fait Kirchhoff, le sens est : « notre adversaire conviendra qu'elle ne saurait être elle-même soumise au hasard. » (39) Voy. Jamblique, Lettre à Macédonius sur le Destin, § 5, dans notre tome II, p. 671. (40) On peut rapprocher de ce passage le morceau suivant de saint Augustin : « Si tamen dignum est ut Deus dicatur subsistere : de his enim rebus recte intelligitur, in quibus subjectis sunt ea quae in aliquo subjecto esse dlcuntur, sicut color aut forma in corpore. Corpus enim existit, et ideo substantia est; illa vero In subsistente atque subjecto corpore, quae non substantiae sunt, sed in substantia ; et ideo, si esse desinat vel ille color vel illa forma, non adimunt corporl esse corpus, quia non hoc ei est esse quod illam vel illam formam coloremve retlnere. Res ergo mutabiles neque simρlices proprie dicuntur substantiae. Deus autem si subsistit ut substantia proprie dici poisit, inest in eo aliquld tanquam in subjecto, et non est simplex, cui hoc sit esse quod illi est quidquid aliud de illo ad illum dictlur, sicut magnus, omnipotens, bonus, et si quid hujusmodi de Deo non incongrue dicitur. Nefas est autem dicere ut subsistat et subsit Deus bonitati suae, atque illa bonitas non substantia sit vel potius essentia, neque Ipse Deus sit bonitas sua, sed in illo slt tanquam in subjecto. Unde manifestum est Deum abusive substantiam vocari, ut nomine usitatiore intelligatur essentia,quod vere ac proprie dicitur; ita ut fortasse solum Deum dici oporteat essentiam. » (De Trinitate, VII, 5.) Ce passage de notre auteur est cité et commenté par le P. Thomassîn (Dogmata théologica, t.1, p. 214.) (41) Kirchhoff lit: εἰ δύνατον αὐτοῖς, λαβόντες ἐν νῷ μμδὲν αὐτῷ θεμιτὸν εἶναι προσάπτειν μαθόντας, au lieu de : ἀδύνατον αὐτοῖς λαβόντας ἐν τῷ μηδὲν αὐτῷ κ. τ. λ. Le sens est au fond le même dans les deux cas. (42) Voy. Enn. III, liv IX, fin; t. Il, p. 249-250. (43) Dans certains manuscrits il y a ici une phrase de plus : « car autre chose est l'Essence même, autre chose est notre être. Nous ne sommes donc pas maîtres de notre essence ; etc. » Cette phrase reproduite par Kirchhoff, et traduite par Ficin, a été retranchée par Creuzer. Elle nous parait ne constituer qu'une répétition inutile. (44) Kirchhoff retranche à tort «l'Essence même». (45) Il y a dans la traduction de Ficin la négation neque; elle ne correspond à rien dans le texte grec et ne peut être qu'une faute d'impression. (46) Le P. Thomassin cite tout ce morceau de noire auteur au sujet de l'immutabilité divine: « Plotinus hoc argumentum [immutabilitalls et Incorruptibllitatis] acutissime pertractat, etc.» (Dogmata theologica, t. 1. p. 267.) (47) Il y a dans le teste : ἔστι γὰρ ὄντως ἡ ἀγαθοῦ φύσις θέλησις αὐτοῦ οὐ δεδακασμένου, οὐδὲ τῇ ἑαυτοῦ φύσει ἐπισπωμένου. Ficin traduit inexactement δεδακασμένου par les mots : « non ut portio quaedam fuerit illi assignata. » Creuzer en rétablit le vrai sens en ces termes: «Vult igitur sïgniflcare Plotinus Bonum illud summumque Numen neque blandimentis quasi et corruptione, neque quadam» velut vl naturae suœ compulsum, sed sua Ipsam libéra electione id esse quod ait » (48) Plotin se sert très souvent de ce terme. Voy. ci-dessus, p. 508, note 2. (49) Voy. ci-dessus liv. VII, § 2, p. 411-414. (50) Sur cette comparaison, Voy. notre tome II, p. 231, note 1. (51) Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes: « Visum est Plotino non tam dicendum esse quod Deus ubique sit quam quod sit ipsum ubique. Non enim in rebus ipse est, sed res in ipso ; non continetur, sed continet; fulcit, non fulcitur ; ipsi ut prœexistenti accedunt omnia, ipsi incumbunt in eoque conquiescunt. Est igitur Deus ipsum ubique, in quo sunt omnia, non locali expansione, sed essentiali adhœsÎone » (Dogmata theologica, t. 1, p. 217.) (52) Nous lisons avec Kirchhoff: [εἰ οὖν μὴ γέγονε, ἀλλ' ἦν ἀεὶ ἡ ἐνέργια αὐτοῦ] καὶ οἷον ἐγρήγορσις, κ. τ. λ. Les mots que nous mettons entre crochets sont placés en note par Creuzer, parce qu'ils manquent dans un manuscrit; mais ils ont été traduits par Ficin, et ils se rattachent fort bien à la suite des idées. (53) Cette expression est empruntée à Aristote : « L'acte est, pour un objet, l'état opposé à la puissance... Ce sera donc l'être éveillé relativement à celui qui dort. » (Métaphysique, liv. IX, ch. 1; trad. fr., t. II, p. 87.) « Si l'intelligence ne pensait rien, si elle était comme un homme endormi, où serait sa dignité? » (Métaphysique, liv. XII, ch. 9; trad. fr., t. II, p. 333.) « Il ne faut pas se figurer les dieux dormant comme Endymîon. » (Morale à Nicomaque, liv. X, ch. 8.) Plotin lui-même dit encore dans le livre V de l'Ennéade Il (§ 3 ; t. II, p. 231) : « Faut-il admettre que dans le monde intelligible tout est en acte et qu'ainsi tout est acte? Il faut l'admettre, parce qu'on a dit avec raison que la nature intelligible est toujours éveillée (καλῶς, εἴρηται ἐκείνη ἡ φύσις ἄγρυπνος εἶναι), qu'elle est une vie, une vie excellente, etc. » Dans ce dernier passage, Plotin fait allusion à une phrase du Timée de Platon (p. 52): ταῦτα δὴ πάντα καὶ τούτων ἄλλα ἀδελφὰ καὶ περὶ τὴν ἄυπνον καὶ ἀληθῶς φύσιν ὑπάρχουσαν ὑπὸ ταύτης τῆς ὀνειρώξεως οὐ δυνατοὶ γιγνόμεθα ἐγερθέντες διοριζόμενοι τἀληθὲς λέγειν, κ. τ. λ. M. Η. Martin traduit (t. I, p. 141) : « Toutes ces pensées et d'autres semblables se confondent pour nous avec les pensées sur la nature que nous ne. voyons point en rêve, mais qui existe véritablement ; et ces songes nous empêchent de les distinguer les unes des autres, comme pourraient le faire des hommes bien éveillés, et de dire la vérité, etc. » Nous ferons observer à ce sujet que, dans les lignes de l'Ennéade IV que nous venons de citer, Plotin donne un tout autre sens à l'expression de Platon φύσις, ἀύπνος, qu'il remplace d'ailleurs par celle de φύσις ἄγρυπνος, et ce sens nous paraît plus naturel que celui qu'a adopté M. H. Martin avec d'autres traducteurs de Platon. (54) Voy. ci-dessus liv. VII, § 1, p. 409. (55) Kirchhoff remplace ici συνοῦσι par ποιοῦσι, dans les êtres qui produisent. Ce changement, que n'autorisent pas les manuscrits, ne nous paraît pas nécessaire au sens. (56) Dans le § 18, p. 529, Plotln explique le terme de raisons en disant : « L'Un contient à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui. » (57) Pour le développement de cette idée, Voy. Enn. III, liv. II, § l; t. II, p. 41. C'est là que Plotin explique l'étymologie qu'il donne du πρόνοια Providence, étymologie à laquelle il fait ici allusion. (58) Cette dernière expression est empruntée à Platon, Lois, liv. IV. (59) Cette explication rappelle celle d'Aristote : « Tel est le principe auquel sont suspendus le ciel et toute la nature. » {Métaphysique, liv. XII, en. 7.) Voy. notre tome II, p. 450-151. (60) Sur cette comparaison, Voy. notre tome II, p. 235, note 1 (61) Le texte de cette phrase est fort corrompu dans l'édition de Creuser, qui ne s'est pas donné la peine de corriger les fautes des copistes. Modifiant la ponctuation de M. Kirchhoff, et conservant le mot νοῦ qu'il retranche à tort, nous lisons : οὕτω τοι κἀκεῖνο τῆς νοερᾶς περεθεούσης δυνάμεως τὸ οἷον ἐνδάλματος αὐτοῦ ἀρχέτυπον, ἐν ἑνὶ [νοῦ] πολλοῖς καὶ εἰς πολλὰ οἷον κεκινησμένου καὶ νοῦ διὰ ταῦτα γενομένου ἐκείνου πρὸ τοῦ μείναντος, [ἐκ] τῆς δυνάμεως αὐτοῦ νοῦν γεννήσαντος. (62) Voy. Enn. III, liv. VIII, § 9; t. II, p. 230. (63) Par les mots convenable et opportun (δέον καὶ καιρός), Plotin parait faire allusion au passage suivant de Platon : « Le mot δέον, convenable, s'accorde avec les autres expressions de l'idée du bien, si l'on substitue l'ι & l'ε, comme dans l'ancien langage. Δίον, parcourant, et non pas δέον, enchaînant, exprime ce que l'auteur des noms semble toujours louer comme le bien. Le convenable, δέον, l'utile, ὠφέλιμον le profitable, κερδαλέον, l'avantageux, λυσιτελοῦν, le bon, ἀγαθόν, le cornmode, ξύμφερον, le facile, εὔπορον, tout cela exprime la même chose par des nome différents, à savoir ce qui pénètre et ordonne tout, et qui est partout célébré. » (Cratyle, trad.de M. Cousin, t. XI, p. 100.) (64) Plotin dérive ici κύριος de καιρός. Il y a là un jeu de mots qu'il est impossible de rendre on français. (65) Voy. Enn. III, liv. IX, fin: t. II, p. 249-350. (66) Il y a dans le texte : οὐδ' ἂν ἔχοι που εἰπεῖν περὶ αὐτοῦ. Ficin traduit : « Non poterit ubi illud assignare, » et Creuser: « Usquam quidquam de eo dïcere. » Nous préférons le sens de Ficin parce qu'il se lie mieux a la phrase suivante. (67) Voy. ci-dessus, p. 482, note 1. Platon dit encore : « Quel est donc l'auteur et le père de cet univers? C'est une grande affaire que de le découvrir, et, après l'avoir découvert, il est impossible de le faire connaître a tous. » (Timée, trad. de M. H. Martin p. 85.) (68) «Tout ce qui est le divin même est, à cause de son unité supra-essentielle, Ineffable et inconnu aux êtres du second rang. » (Proclus, Théologie élémentaire, CXXIII.) (69) Cette expression a de l'analogie avec ce que Platon dit da Démiurge : « Et celui qui venait d'établir tout cet ordre restait dans son état accoutumé. » (Timée, trad. de M. H. Martin, p. 117.) Steinhart fait la remarque suivante sur l'expression de notre auteur : « Quo termino felicissime sane invento dogmatis christiani de Trinitate interpretes usos fuisse maxime quis nesciat? Totum illum librum De Unius libertate et voluntate legat, qui cognosoere cupit quo acumine Plotinus in intimos doctrinae de Deo recessus penetraverit. » (Meletemata plotiniana, p. 15, note.) (70) Voy. ci-dessus § 4, p. 500. (71) Voy. le développement de celte objection ci-dessus au commencement du § 20, p. 531. (72) Voy. cette objection ci-dessus au commencement du § 20. p, 531. (73) Cette pensée de Plotin a été reproduite par Proclus, Théologie élémentaire, VIII. (74) Le P. Thomassin cite ce passage en le faisant précéder des réflexions suivantes : « Non abs re erit animadvertere philosophas istos religiosos adeo fuisse In quacumque mutationis vel motionis nubecula a Deo propulsanda, ut nec vitam, nec intelligentiam, nec en tis, nec mentis, ideoque nec pulchri nomina ei adscribi aequo animo passi slnt. Hœc enim omnia vix ac nec vix purgari apud ipsos potuere ab omni suspicione motionis et multitudinis in mutabiiitalem brevi et facile desciscentis. Vivere enim et intelligere quidam motus sunt, et quidem ad aliud quiddam venandum pertinentes; ens et mens copiam quamdam innumerabillum entlum et Idearum prœ se ferunt. Conducilbilius ergo tutiusque ipsls visum est immutabilitatis tutelam et vindictam committere ipsi Uni vel Bono, cui nulla ejusmodi vel multitudinis vel motionis suspicio aspergi potest... Semel ergo fides habenda est Plotino, omniaque alîa ab Uno penitus abstergenda sunt, sic ut deinceps satagas non quid addi illi possit, sed quid adhuc detrahi possit. Quum enim liceat mente atlingere aliquid ita unum, ut de eo praeterea nihil dici vel cogitari possit, hoc plane Unum in hac sua ab omnibus aliis segregatione et sua secum sanctitate retinendum est. » (Dogmata theologica, t. 1, p. 267.) (101) Voy. ci-dessus p. 529: « L'Un est la cause de la cause; il est cause, d'une manière suprême et dans le sens le plus vrai, contenant à la fois toutes les cause intellectuelles qui doivent naître de lui. » Le nom de Volonté, qu'Ibn-Gébirol donne ici à l'Un, est parfaitement conforme à la doctrine de Plotin qui dit ci-dessus (p. 534) : « Ainsi tout en Dieu était volonté; il n'y avait rien en lui qui ne voulût, rien qui fût par conséquent antérieur à sa volonté. Donc, dès la principe, la volonté était Dieu même. » (102) C'est bien là le résumé de la doctrine des trois hypostases divines telle qu'elle est exposée dans le livre I de l'Ennéade V, et ailleurs. (103) Voy. ci dessus p. 46. (104) Regarder n'est ici que la traduction du mot illuminer si souvent employé par Plotin. Voy. notamment ci-dessus p. 421, et ailleurs. (105) Voy, ci-dessus, p. 13 : « Comment donc faut-il concevoir la génération de l'Intelligence par celle cause immobile? C'est le rayonnement d'une lumière qui s'en échappe sans troubler sa quiétude, etc. » |