Plotin, Ennéades, traduit par Bouillet

PLOTIN

SIXIEME ENNÉADE.

LIVRE SEPTIÈME. DE LA MULTITUDE DES IDÉES. DU BIEN (chapitres I à XX) (chapitres XXI à XLII)

Tome troisième

Traduction française : M.-N. BOUILLET.

Enneade VI, livre VI - Ennéade VI, livre VIII

 

 

 

 

LES ENNÉADES

 

 SIXIÈME ENNÉADE.

LIVRE SEPTIÈME. (1ere partie)

DE LA MULTITUDE DES IDÉES. DU BIEN

 

 

 

 I. Εἰς γένεσιν πέμπων ὁ θεὸς ἢ θεός τις τὰς ψυχὰς φωσφόρα περὶ τὸ πρόσωπον ἔθηκεν ὄμματα καὶ τὰ ἄλλα ὄργανα ταῖς αἰσθήσεσιν ἑκάσταις ἔδωκε προορώμενος, ὡς οὕτως ἂν σῴζοιτο, εἰ προορῷτο καὶ προακούοι καὶ ἁψαμένη τὸ μὲν φεύγοι, τὸ δὲ διώκοι.

Πόθεν δὴ προϊδὼν ταῦτα; Οὐ γὰρ δὴ πρότερον γενομένων ἄλλων, εἶτα δι´ ἀπουσίαν αἰσθήσεων φθαρέντων, ἔδωκεν ὕστερον ἃ ἔχοντες ἔμελλον ἄνθρωποι καὶ τὰ ἄλλα ζῷα τὸ παθεῖν φυλάξασθαι.

Ἢ εἴποι ἄν τις, ᾔδει, ὅτι ἐν θερμοῖς καὶ ψυχροῖς ἔσοιτο τὸ ζῷον καὶ τοῖς ἄλλοις σωμάτων πάθεσι· ταῦτα δὲ εἰδώς, ὅπως μὴ φθείροιτο ῥᾳδίως τῶν ζῴων τὰ σώματα, τὸ αἰσθάνεσθαι ἔδωκε, καὶ δι´ ὧν ἐνεργήσουσιν αἱ αἰσθήσεις ὀργάνων. Ἀλλ´ ἤτοι ἐχούσαις τὰς δυνάμεις ἔδωκε τὰ ὄργανα ἢ ἄμφω. Ἀλλ´ εἰ μὲν ἔδωκε καὶ τὰς αἰσθήσεις, οὐκ ἦσαν αἰσθητικαὶ πρότερον ψυχαὶ οὖσαι· εἰ δ´ εἶχον, ὅτε ἐγένοντο ψυχαί, καὶ ἐγένοντο, ἵν´ εἰς γένεσιν ἴωσι, σύμφυτον αὐταῖς τὸ εἰς γένεσιν ἰέναι. Παρὰ φύσιν ἄρα τὸ ἀπὸ γενέσεως καὶ ἐν τῷ νοητῷ εἶναι, καὶ πεποίηνται δή, ἵνα ἄλλου ὦσι καὶ ἵνα ἐν κακῷ εἶεν· καὶ ἡ πρόνοια, ἵνα σῴζοιντο ἐν τῷ κακῷ, καὶ ὁ λογισμὸς ὁ τοῦ θεοῦ οὗτος καὶ ὅλως λογισμός.

Ἀρχαὶ δὲ λογισμῶν τίνες; Καὶ γάρ, εἰ ἐξ ἄλλων λογισμῶν, δεῖ ἐπί τι πρὸ λογισμοῦ ἢ τινά γε πάντως ἰέναι. Τίνες οὖν ἀρχαί; Ἢ γὰρ αἴσθησις ἢ νοῦς. Ἀλλὰ αἴσθησις μὲν οὔπω· νοῦς ἄρα. Ἀλλ´ εἰ νοῦς αἱ προτάσεις, τὸ συμπέρασμα ἐπιστήμη· περὶ αἰσθητοῦ οὐδενὸς ἄρα. Οὗ γὰρ ἀρχὴ μὲν ἐκ τοῦ νοητοῦ, τελευτὴ δὲ εἰς νοητὸν ἀφικνεῖται, πῶς ἔνι ταύτην τὴν ἕξιν πρὸς αἰσθητοῦ διανόησιν ἀφικνεῖσθαι; Οὔτ´ οὖν ζῴου πρόνοια οὔθ´ ὅλως τοῦδε τοῦ παντὸς ἐκ λογισμοῦ ἐγένετο·

ἐπεὶ οὐδὲ ὅλως λογισμὸς ἐκεῖ, ἀλλὰ λέγεται λογισμὸς εἰς ἔνδειξιν τοῦ πάντα οὕτως, ὡς [ἄλλος σοφὸς] ἐκ λογισμοῦ ἐν τοῖς ὕστερον, καὶ προόρασις, ὅτι οὕτως, ὡς ἄν τις σοφὸς [ἐν τοῖς ὕστερον] προΐδοιτο. Ἐν γὰρ τοῖς μὴ γενομένοις πρὸ λογισμοῦ ὁ λογισμὸς χρήσιμον ἀπορίᾳ δυνάμεως τῆς πρὸ λογισμοῦ, καὶ προόρασις, ὅτι μὴ ἦν δύναμις τῷ προορῶντι, καθ´ ἣν οὐκ ἐδεήθη προοράσεως. Καὶ γὰρ ἡ προόρασις, ἵνα μὴ τοῦτο, ἀλλὰ τοῦτο, καὶ οἷον φοβεῖται τὸ μὴ τοιοῦτον. Οὗ δὲ τοῦτο μόνον, οὐ προόρασις. Καὶ ὁ λογισμὸς τοῦτο ἀντὶ τούτου. Μόνου δ´ ὄντος θατέρου τί καὶ λογίζεται; Πῶς οὖν τὸ μόνον καὶ ἓν καὶ ἁπλῶς ἔχει ἀναπτυττόμενον τὸ τοῦτο, ἵνα μὴ τοῦτο; Καὶ ἔμελλε γὰρ τοῦτο, εἰ μὴ τοῦτο, καὶ χρήσιμον τοῦτο ἀνεφάνη καὶ σωτήριον τοῦτο γενόμενον. Προείδετο ἄρα καὶ προελογίσατο ἄρα. Καὶ δὴ καὶ τὸ νῦν ἐξ ἀρχῆς λεχθὲν τὰς αἰσθήσεις διὰ τοῦτο ἔδωκε καὶ τὰς δυνάμεις, εἰ καὶ ὅτι μάλιστα ἄπορος ἡ δόσις καὶ πῶς.

Οὐ μὴν ἀλλ´ εἰ δεῖ ἑκάστην ἐνέργειαν μὴ ἀτελῆ εἶναι, μηδὲ θεμιτὸν θεοῦ ὁτιοῦν ὂν ἄλλο τι νομίζειν ἢ ὅλον τε καὶ πᾶν, δεῖ ἐν ὁτῳοῦν τῶν αὐτοῦ πάντα ἐνυπάρχειν. Δεῖ τοίνυν καὶ τοῦ ἀεὶ εἶναι. Δεῖ τοίνυν καὶ τοῦ μέλλοντος ἤδη παρόντος εἶναι. Οὐ δὴ ὕστερόν τι ἐν ἐκείνῳ, ἀλλὰ τὸ ἤδη ἐκεῖ παρὸν ὕστερον ἐν ἄλλῳ γίνεται. Εἰ οὖν ἤδη πάρεστι τὸ μέλλον, ἀνάγκη οὕτω παρεῖναι, ὡς προνενοημένον εἰς τὸ ὕστερον· τοῦτο δέ ἐστιν, ὡς μηδὲν δεῖσθαι μηδενὸς τότε, τοῦτο δέ ἐστι μηδὲν ἐλλείψοντος. Πάντα ἄρα ἤδη ἦν καὶ ἀεὶ ἦν καὶ οὕτως ἦν, ὡς εἰπεῖν ὕστερον τόδε μετὰ τόδε· ἐκτεινόμενον μὲν γὰρ καὶ οἷον ἁπλούμενον ἔχει δεικνύναι τόδε μετὰ τόδε, ὁμοῦ δὲ ὂν πᾶν τόδε· τοῦτο δέ ἐστιν ἔχον ἐν ἑαυτῷ καὶ τὴν αἰτίαν.

LIVRE SEPTIÈME.

DE LA MULTITUDE DES IDÉES. DU BIEN (1).

I. Lorsque Dieu même ou un dieu inférieur envoya les âmes dans la génération, il donna au visage de l'homme des yeux destinés à l'éclairer (2), il plaça dans le corps les autres organes propres aux sens, prévoyant (προορώμενος) que l'animal ne pourrait se conserver qu'à la condition de voir les objets placés devant lui, de les entendre et de les toucher, afin de rechercher les uns et d'éviter les autres.

Mais comment Dieu le prévit-il ? — II ne faut pas croire qu'il ait commencé par faire des animaux qui aient péri faute de posséder des sens, et qu'ensuite il en ait donné aux hommes et aux autres animaux afin qu'ils pussent se préserver de la mort (3).

On fera peut-être l'objection suivante: Dieu savait que les animaux seraient exposés au chaud, au froid et aux autres impressions physiques ; par suite de cette connaissance, pour empêcher les animaux de périr, il leur a accordé les sens et les organes destinés à leur servir d'instruments. Nous demanderons à notre tour si Dieu a donné les organes à des âmes qui déjà possédaient les sens, ou bien s'il a donné aux âmes à la fois les sens et les organes. S'il leur a donné à la fois les sens et les organes, il s'ensuivrait qu'elles ne possédaient pas auparavant les facultés sensitives, quoiqu'elles fussent des âmes. Mais si les âmes possédaient les facultés sensitives dès qu'elles furent produites, et si elles furent produites [avec ces facultés] pour descendre dans la génération, il leur est naturel de descendre dans la génération. Dans ce cas, il semble qu'il soit contraire à leur nature de s'écarter de la génération et de vivre dans le monde intelligible. Elles paraîtraient donc faites pour appartenir au corps et pour vivre dans le mal. Ainsi, la Providence divine les retiendrait dans le mal, et Dieu arriverait à ce résultat par le raisonnement; dans tous les cas, il raisonnerait.

Si Dieu raisonne, nous demanderons quels sont les principes de ce raisonnement: car, si l'on prétend que ces principes dérivent d'un autre raisonnement, il faut cependant, en remontant, trouver quelque chose d'antérieur à tout raisonnement, en un mot un point de départ. Or d'où sont tirés les principes du raisonnement? Des sens ou de l'intel ligence. [Dieu aurait-il fait usage de principes tirés des sens ?] Mais, [quand Dieu créa] il n'y avait pas encore de sens ; c'est donc de principes tirés de l'intelligence [que Dieu aurait fait usage]. Mais, si les prémisses étaient des conceptions de l'intelligence, la conclusion devait être la science, et le raisonnement ne pouvait avoir pour objet une chose sensible : car le raisonnement qui a pour principe l'intelligible et pour conclusion également l'intelligible (4) ne saurait aboutir (5) à faire concevoir le sensible? Donc la prévoyance qui a présidé soit à la création d'un animal, soit à celle du monde entier, ne saurait être le résultat du raisonnement (6).

Il n'y a en effet aucun raisonnement en Dieu. Si l'on attribue à Dieu le raisonnement (λογισμός), c'est pour faire comprendre qu'il a tout réglé comme un sage pourrait le faire en raisonnant sur les choses postérieures ; si l'on attribue à Dieu la prévision (προόρασις), c'est pour indiquer qu'il a tout disposé comme un sage pourrait le faire par la prévision qu'il aurait des choses postérieures (7). En effet, pour ordonner les choses dont l'existence n'est pas antérieure à celle du raisonnement, le raisonnement est utile toutes les fois que la puissance supérieure au raisonnement [l'intelligence] n'a pas assez de force. La prévision est également nécessaire en ce cas, parce que celui qui en fait usage ne possède pas une puissance qui lui permette de s'en passer: car la prévision se propose de faire arriver telle chose au lieu de telle autre, et semble craindre que ce qu'elle désire ne s'accomplisse pas. Mais, pour l'être qui ne peut faire qu'une chose, la prévision est inutile, aussi bien que le raisonnement qui compare les contraires : car, dès qu'un des contraires est seul possible, pourquoi raisonner? Comment le principe qui est unique, un, simple, aurait-il besoin de réfléchir qu'il faut faire telle chose pour que telle autre n'ait pas lieu, et jugerait-il que la seconde arriverait s'il ne faisait la première? Comment se dirait-il que l'expérience a déjà démontré l'utilité de telle ou telle chose, et qu'il est bon de l'employer ? Si Dieu procédait ainsi, il aurait eu recours à la prévision, par conséquent au raisonnement. C'est dans cette hypothèse que nous avons dit plus haut (8) que Dieu a donné aux animaux des sens et des facultés ; mais c'est une grande question de savoir s'il les a réellement donnés et de quelle manière il les a donnés. Dieu a donné aux animaux des sens et des facultés ; mais c'est une grande question de savoir s'il les a réellement donnés et de quelle manière il les a donnés.

En effet, si l'on admet qu'en Dieu aucun acte n'est imparfait, s'il est impossible de concevoir en lui rien qui ne soit total et universel, chacune des choses qu'il contient renferme en soi toutes choses. Ainsi, le futur même étant déjà présent à Dieu, il ne saurait y avoir en lui rien de postérieur ; mais ce qui est déjà présent en lui devient postérieur dans un autre être. Or, si le futur est déjà présent en Dieu, il doit y être présent comme si ce qui arrivera était déjà connu, c'est-à-dire, il doit être disposé de telle sorte qu'il ne se trouve exposé à manquer de rien lorsqu'il se réalisera, de telle sorte qu'il ne manque de rien absolument. Donc, toutes choses étaient déjà en Dieu [quand les animaux furent créés] ; elles y étaient de tout temps ; elles y étaient de telle sorte que l'on devait pouvoir dire plus lard : Ceci est après cela (9). En effet, quand les choses qui sont en Dieu viennent à se développer et à se montrer, alors on voit que l'une est après l'autre (10); mais, en tant qu'elles existent toutes ensemble, elles constituent l'Être universel, c'est-à-dire le principe qui renferme en lui la cause elle-même (11).

II. Διὸ καὶ ἐντεῦθεν ἄν τις οὐχ ἧττον καταμάθοι τὴν νοῦ φύσιν, ἣν καὶ πλέον τῶν ἄλλων ὁρῶμεν· οὐδ´ ὧς ὅσον ἐστὶ τὸ νοῦ χρῆμα ὁρῶμεν. Τὸ μὲν γὰρ «ὅτι» δίδομεν αὐτὸν ἔχειν, τὸ δὲ «διότι» οὐκέτι, ἤ, εἰ δοίημεν, χωρίς. Καὶ ὁρῶμεν ἄνθρωπον ἢ ὀφθαλμόν, εἰ τύχοι, ὥσπερ ἄγαλμα ἢ ἀγάλματος· τὸ δέ ἐστιν ἐκεῖ ἄνθρωπος καὶ διὰ τί ἄνθρωπος, εἴπερ καὶ νοερὸν αὐτὸν δεῖ τὸν ἐκεῖ ἄνθρωπον εἶναι, καὶ ὀφθαλμὸς καὶ διὰ τί· ἢ οὐκ ἂν ὅλως εἴη, εἰ μὴ διὰ τί. Ἐνταῦθα δὲ ὥσπερ ἕκαστον τῶν μερῶν χωρίς, οὕτω καὶ τὸ «διὰ τί». Ἐκεῖ δ´ ἐν ἑνὶ πάντα, ὥστε ταὐτὸν τὸ πρᾶγμα καὶ τὸ «διὰ τί» τοῦ πράγματος. Πολλαχοῦ δὲ καὶ ἐνταῦθα τὸ πρᾶγμα καὶ τὸ «διὰ τί» ταὐτόν, οἷον τί ἐστιν ἔκλειψις. Τί οὖν κωλύει καὶ ἕκαστον διὰ τί εἶναι καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων, καὶ τοῦτο εἶναι τὴν οὐσίαν ἑκάστου;

μᾶλλον δὲ ἀνάγκη· καὶ πειρωμένοις οὕτως τὸ τί ἦν εἶναι λαμβάνειν ὀρθῶς συμβαίνει. Ὃ γάρ ἐστιν ἕκαστον, διὰ τοῦτό ἐστι. Λέγω δὲ οὐχ, ὅτι τὸ εἶδος ἑκάστῳ αἴτιον τοῦ εἶναι — τοῦτο μὲν γὰρ ἀληθές —  ἀλλ´ ὅτι, εἰ καὶ αὐτὸ τὸ εἶδος ἕκαστον πρὸς αὐτὸ ἀναπτύττοις, εὑρήσεις ἐν αὐτῷ τὸ «διὰ τί». Ἀργὸν μὲν γὰρ ὂν καὶ ζωὴν 〈μὴ〉 ἔχον τὸ «διὰ τί» οὐ πάντως ἔχει, εἶδος δὲ ὂν καὶ νοῦ ὂν πόθεν ἂν λάβοι τὸ «διὰ τί»; Εἰ δὲ παρὰ νοῦ τις λέγοι, οὐ χωρίς ἐστιν, εἴ γε καὶ αὐτό ἐστιν· εἰ οὖν δεῖ ἔχειν ταῦτα μηδενὶ ἐλλείποντα, μηδὲ τῷ «διὰ τί» ἐλλείπειν. Νοῦς δὲ ἔχει τὸ διὰ τί οὕτως ἕκαστον τῶν ἐν αὐτῷ· τὰ δὲ ἐν αὐτῷ αὐτὸς ἕκαστον ἂν εἴη τῶν ἐν αὐτῷ, ὥστε μηδὲν προσδεῖσθαι τοῦ διὰ τί γέγονεν, ἀλλ´ ὁμοῦ γέγονε καὶ ἔχει ἐν αὐτῷ τὴν τῆς ὑποστάσεως αἰτίαν. Γεγονὸς δὲ οὐκ εἰκῆ οὐδὲν ἂν παραλελειμμένον ἔχοι τοῦ «διὰ τί», ἀλλὰ πᾶν ἔχον ἔχει καὶ τὸ καλῶς ὁμοῦ τῆς αἰτίας. Καὶ τοῖς ἄρα μεταλαμβάνουσιν οὕτω δίδωσιν, ὡς τὸ «διὰ τί» ἔχειν. Καὶ μήν, ὥσπερ ἐν τῷδε τῷ παντὶ ἐκ πολλῶν συνεστηκότι συνείρεται πρὸς ἄλληλα τὰ πάντα, καὶ ἐν τῷ πάντα εἶναι ἔστι καὶ τὸ διότι ἕκαστον— ὥσπερ καὶ ἐφ´ ἑκάστου τὸ μέρος πρὸς τὸ ὅλον ἔχον ὁρᾶται —οὐ τούτου γενομένου, εἶτα τούτου μετὰ τόδε, ἀλλὰ πρὸς ἄλληλα ὁμοῦ τὴν αἰτίαν καὶ τὸ αἰτιατὸν συνιστάντων, οὕτω χρὴ πολὺ μᾶλλον ἐκεῖ τά τε πάντα πρὸς τὸ ὅλον ἕκαστα καὶ ἕκαστον πρὸς αὐτό.

Εἰ οὖν ἡ συνυπόστασις ὁμοῦ πάντων καὶ οὐκ εἰκῆ πάντων καὶ δεῖ μὴ ἀπηρτῆσθαι, ἐν αὐτοῖς ἂν ἔχοι τὰ αἰτιατὰ τὰς αἰτίας, καὶ τοιοῦτον ἕκαστον, οἷον ἀναιτίως τὴν αἰτίαν ἔχειν. Εἰ οὖν μὴ ἔχει αἰτίαν τοῦ εἶναι, αὐτάρκη δέ ἐστι καὶ μεμονωμένα αἰτίας ἐστίν, εἴη ἂν ἐν αὐτοῖς ἔχοντα σὺν αὐτοῖς τὴν αἰτίαν. Καὶ γὰρ αὖ εἰ μηδέν ἐστι μάτην ἐκεῖ, πολλὰ δὲ ἐν ἑκάστῳ ἐστί, πάντα ὅσα ἔχει ἔχοις ἂν εἰπεῖν διότι ἕκαστον. Προῆν ἄρα καὶ συνῆν τὸ διότι ἐκεῖ οὐκ ὂν διότι, ἀλλ´ ὅτι· μᾶλλον δὲ ἄμφω ἕν. Τί γὰρ ἂν καὶ περιττὸν εἶχε νοῦ, ὡς ἂν νοῦ νόημα μὴ τοιοῦτον ὂν, οἷον μὴ τέλεον γέννημα; Εἰ οὖν τέλεον, οὐκ ἔστιν εἰπεῖν ὅτῳ ἐλλείπει, οὐδὲ διὰ τί τοῦτο οὐ πάρεστι. Παρὸν ἄρα ἔχοις ἂν εἰπεῖν διότι πάρεστιν· ἐν ἄρα τῇ ὑποστάσει τὸ διὰ τί· ἐν ἑκάστῳ τοίνυν νοήματι καὶ ἐνεργήματι οἷον καὶ ἀνθρώπου πᾶς προεφάνη ὁ ἄνθρωπος συμφέρων ἑαυτὸν αὐτῷ, καὶ πάντα ὅσα ἔχει ἐξ ἀρχῆς ὁμοῦ ἔχων ἕτοιμός ἐστιν ὅλος. Εἶτα, εἰ μὴ πᾶς ἐστιν, ἀλλὰ δεῖ τι αὐτῷ προσθεῖναι, γεννήματός ἐστιν. Ἔστι δ´ ἀεί· ὥστε πᾶς ἐστιν. Ἀλλ´ ὁ γινόμενος ἄνθρωπος γενητός.

II. Mais là, nous connaissons également la nature de l'Intelligence, que nous voyons encore mieux que les autres choses. Toutefois, nous ne pouvons voir quelle est la grandeur de l'Intelligence. Nous admettons en effet qu'elle possède l'essence (la quiddilé, (ότι (12)) de chaque chose, mais  non sa raison d'être (son pourquoi, τὸ διότι (13)); ou bien, si nous accordons que la raison d'être se trouve dans l'Intelligence, nous ne croyons pas qu'elle y soit séparée de l'essence 14). Supposons que l'homme, par exemple, ou, si c'est possible, que l'œil s'offre à notre contemplation [dans le monde intelligible], comme le ferait une statue ou une partie d'une statue. L'homme que nous voyons là-haut est à la fois telle essence (τόδε (15) et sa raison d'être. Il doit, aussi bien que l'oeil, être intellectuel (νοερός), et contenir sa raison d'être ; sans cela, il ne saurait exister dans le monde intelligible. Ici-bas, de même que chaque partie est séparée des autres, de même la raison d'être est séparée [de l'essence]. Là-haut, au contraire, toutes choses sont dans l'unité, et chacune d'elles est identique à sa raison d'être. Cette identité s'offre souvent même ici-bas, dans les éclipses, par exemple (16). Qui donc empêche que dans le monde intelligible chaque chose ne possède, outre le reste, sa raison d'être, et que sa raison d'être ne constitue son essence ?

Il est nécessaire de l'admettre ; et c'est pour cela que ceux qui s'appliquent à saisir le caractère propre de chaque être (τό τί ἦν εἶναι (17)) réussissent [à saisir aussi sa raison d'êlre]. En effet, ce qu'est chaque être (ὅ ἐστι), il l'est à cause de telle forme (διὰ τοῦτο) (18). Je m'explique : non-seulement la forme (εἶδος (19)) d'un être est pour lui sa raison d'être (ce qui est une vérité incontestable), mais encore, si l'on analyse chaque forme considérée en elle-même, on y trouvera sa raison d'être. Il n'y a que ce qui n'a qu'une vie sans réalité et une vaine existence qui ne porte pas en soi sa raison d'être.

Mais ce qui est une forme, ce qui est propre à l'Intelligence, d'où pourrait-il tenir sa raison d'être ? — De l'Intelligence, dira-t-on. — Mais la forme n'est point séparée de l'Intelligence ; elle ne fait avec elle qu'une seule et même chose ; si donc l'Intelligence possède les formes dans leur plénitude, cette plénitude des formes implique que leur raison d'être est en elles. L'Intelligence porte en soi la raison d'être de chacune des formes qu'elle contient. Elle est toutes ces formes prises toutes ensemble ou chacune séparément; nulle d'elles n'a donc besoin qu'on cherche pourquoi elle a été produite [διά τί γέγονε] : car en même temps qu'elle a été produite, elle a possédé en elle-même la cause de son existence (τῆς ὑποστάσεως αἰτία). Comme elle n'a pas été engendrée par hasard, elle contient tout ce qui appartient à sa raisond'être; par conséquent,ellepossèdeégalement toute la perfection de la cause (τὸ καλῶς τῆς αἰτίας). Les choses sensibles qui participent à la forme ne reçoivent pas d'elle seulement leur nature, mais encore la raison d'être de cette nature. S'il règne un enchaînement étroit entre toutes les choses qui composent cet univers, et si l'univers, renfermant toutes choses, renferme aussi la raison d'être de chacune d'elles; s'il est avec elles dans le même rapport que le corps avec ses organes, qui n'arrivent pas à l'existence l'un après l'autre, mais qui sont tous à l'égard les uns des autres cause et effet à la fois ; à plus forte raison, dans le monde intelligible les choses doivent-elles avoir leur raison d'être, toutes en général relativement à l'ensemble et chacune en particulier relativement à elle-même.

Puisque tous les intelligibles ont une existence consubstantielle (συνυπόστασις), sans que le hasard y ait aucune part, et qu'ils ne sont pas séparés les uns des autres, les choses causées portent en elles-mêmes leur cause, et chacune d'elles a en quelque sorte une cause sans en avoir une réellement. Si les intelligibles n'ont pas de cause de leur existence, si, même isolés de toute cause, ils se suffisent à eux-mêmes, c'est que pris en eux-mêmes ils portent tous leur cause avec eux. Comme il n'y a rien de fortuit en eux, que chacun d'eux est multiple, qu'il est tout ce qu'il contient, on peut lui assigner sa raison d'être. Ainsi, dans le monde intelligible , l'essence est précédée ou plutôt accompagnée de sa raison d'être, qui est encore plus essence que raison d'être, ou plutôt qui ne forme qu'une seule chose avec elle. Que peut-il en effet y avoir de superflu dans l'Intelligence, à moins que ses conceptions ne ressemblent à des productions imparfaites? Si ses conoeptions sont parfaites, on ne saurait ni trouver ce qui leur manque, ni assigner leur raison d'être, et, puisqu'elles possèdent tout, elles possèdent aussi leur raison d'être. L'essence et la raison d'être y sont unies ; on retrouve la présence de toutes deux dans chaque conception, dans chaque acte de l'Intelligence. Considérons l'homme intelligible, par exemple : il nous apparaît complet dans son ensemble ; il possède simultanément et dès le principe tout ce qu'il possède, il est toujours ce qu'il est dans son essence d'être. C'est le propre de ce qui est engendré de n'être pas toujours ce qu'il doit être, d'avoir besoin d'acquérir quelque chose. L'homme intelligible est éternel ; il est donc toujours ce qu'il est de son essence d'être. L'être qui devient homme est un être engendré.

III. Τί οὖν κωλύει προβουλεύσασθαι περὶ αὐτοῦ; Ἢ κατ´ ἐκεῖνόν ἐστιν, ὥστε οὔτε τι ἀφελεῖν δεῖ οὔτε προσθεῖναι, ἀλλὰ τὸ βουλεύσασθαι καὶ λελογίσθαι διὰ τὴν ὑπόθεσιν· ὑπέθετο γὰρ γινόμενα. Καὶ οὕτω μὲν ἡ βούλησις καὶ ὁ λογισμός· τῷ δ´ «ἀεὶ γινόμενα» ἐνδείξασθαι καὶ ὅτι λογίζεται ἀνεῖλεν. Οὐ γὰρ ἔνι λογίζεσθαι ἐν τῷ ἀεί· καὶ γὰρ αὖ ἐπιλελησμένου ἦν, ὅπως καὶ πρότερον. Εἶτα, εἰ μὲν ἀμείνω ὕστερον, οὐκ ἂν καλὰ πρότερον· εἰ δ´ ἦν καλά, ἔχει τὸ ὡσαύτως. Καλὰ δ´ ἐστὶ μετὰ τῆς αἰτίας· ἐπεὶ καὶ νῦν καλόν τι, ὅτι πάντα—τοῦτο γὰρ καὶ εἶδος τὸ πάντα—καὶ ὅτι τὴν ὕλην κατέχει· κατέχει δέ, εἰ μηδὲν αὐτῆς ἀμόρφωτον καταλείποι· καταλείπει δέ, εἴ τις μορφὴ ἐλλείποι, οἷον ὀφθαλμὸς ἢ ἄλλο τι· ὥστε αἰτιολογῶν πάντα λέγεις. Διὰ τί οὖν ὀφθαλμοί; ἵνα πάντα.

Καὶ διὰ τί ὀφρύες; ἵνα πάντα. Καὶ γὰρ εἰ ἕνεκα σωτηρίας λέγοις, φυλακτικὸν τῆς οὐσίας λέγεις ἐν αὐτῇ ὑπάρχον· τοῦτο δὲ εἶναι συμβαλλόμενον. Οὕτως ἄρα οὐσία ἦν πρὶν καὶ τοῦτο, καὶ τὸ αἴτιον ἄρα μέρος τῆς οὐσίας· καὶ ἄλλο τοίνυν τοῦτο, ὃ δ´ ἐστί, τῆς οὐσίας. Πάντα τοίνυν ἀλλήλοις καὶ ἡ ὅλη καὶ τελεία καὶ πᾶσα καὶ τὸ καλῶς μετὰ τῆς αἰτίας καὶ ἐν τῇ αἰτίᾳ, καὶ ἡ οὐσία καὶ τὸ τί ἦν εἶναι καὶ τὸ διότι ἕν. Εἰ τοίνυν ἔγκειται τὸ αἰσθητικὸν εἶναι καὶ οὕτως αἰσθητικὸν ἐν τῷ εἴδει ὑπὸ ἀιδίου ἀνάγκης καὶ τελειότητος νοῦ ἐν αὐτῷ ἔχοντος, εἴπερ τέλειος, τὰς αἰτίας, ὥστε ἡμᾶς ὕστερον ἰδεῖν, ὡς ἄρα ὀρθῶς οὕτως ἔχει —ἐκεῖ γὰρ ἓν καὶ συμπληρωτικὸν τὸ αἴτιον καὶ οὐχὶ ὁ ἄνθρωπος ἐκεῖ μόνον νοῦς ἦν, προσετέθη δὲ τὸ αἰσθητικόν, ὅτε εἰς γένεσιν ἐστέλλετο—πῶς οὐκ ἂν ἐκεῖνος ὁ νοῦς πρὸς τὰ τῇδε ῥέποι; Τί γὰρ ἂν εἴη αἰσθητικὸν ἢ ἀντιληπτικὸν αἰσθητῶν; Πῶς δ´ οὐκ ἄτοπον, ἐκεῖ μὲν αἰσθητικὸν ἐξ ἀιδίου, ἐνταῦθα δὲ αἰσθάνεσθαι καὶ τῆς ἐκεῖ δυνάμεως τὴν ἐνέργειαν πληροῦσθαι ἐνταῦθα, ὅτε χείρων ἡ ψυχὴ γίγνεται;

III. Mais, dira-t-on, pourquoi l'Intelligence n'aurait-elle pu délibérer avant de produire l'homme sensible ? — L'homme sensible est conforme à l'homme intelligible; on ne peut rien lui ajouter, rien lui retrancher. Si l'on admet que l'Intelligence délibère et raisonne, c'est une simple supposition. Quand on suppose que les choses ont été créées, on est conduit à admettre qu'il y a eu délibéraτion et raisonnement (20); mais il faut renoncer à cette opinion du moment qu'il est démontré que les choses sont engendrées éternellement (21): car ce qui est de tout temps ne peut être l'objet d'une délibération. Pour que l'Intelligence délibérât, il faudrait qu'elle eût oublié la marche qu'elle a précédemment suivie; elle ne peut faire mieux dans la suite qu'autant que précédemment ses œuvres n'auraient pas été belles; si elles l'étaient déjà, elles doivent rester ce qu'elles sont. Si elles sont belles, c'est qu'elles sont conformes à leur cause : car même ici-bas un objet n'est beau que s'il possède tout ce qu'il doit posséder, c'est-à-dire, s'il possède la forme (εἶδος) qui lui est propre : car c'est la forme qui comprend tout ; c'est elle qui contient la matière, en ce sens qu'elle la façonne et qu'elle n'y laisse rien d'informe ; or il y aurait quelque chose d'informe s'il manquait à l'homme une partie, par exemple, un organe comme l'œil.

Ainsi, quand on assigne la cause d'une chose, on explique tout. Pourquoi dans l'homme des yeux, des sourcils? C'est pour qu'il possède tout ce qui est impliqué dans son essence. Dira-t-on que ces parties du corps lui sont données pour le garantir des dangers? Ce serait établir dans l'essence même un principe chargé de veiller sur l'essence. Les choses dont nous parlons sont impliquées dans l'essence qui existait avant elles. Par conséquent, l'essence renferme en elle-même la cause, qui, si elle est distincte de l'essence, en est cependant inséparable. Toutes les choses sont impliquées les unes dans les autres ; prises toutes ensemble, elles constituent l'Essence totale, parfaite, universelle; leur perfection est liée et inhérente à leur cause : ainsi l'essence d'un être (οὐσία), son caractère propre (sa quiddité, τό τί ἦν εἶναι) et sa raison d'être (τὸ διότι) ne font qu'un. Si donc avoir des sens, et des sens de telle sorte, est impliqué dans la forme de l'homme par la nécessité éternelle et par la perfection de l'Intelligence divine, qui, en vertu de sa perfection, renferme en soi les causes [aussi bien que les essences] (22); si c'est seulement a posteriori que nous remarquons que les choses sont bien réglées (car, dans le monde intelligible, la cause qui complète l'essence est intimement unie à l'essence : là-haut, l'homme n'est pas seulement intelligence, et la sensibilité ne lui a pas été ajoutée quand il est descendu dans la génération] ; s'il est ainsi, dis-je, nous avons à résoudre deux questions : Comment [si avoir des sens est impliqué dans la forme de l'homme] l'Intelligence n'incline-t-elle pas vers les choses d'ici-bas ? En quoi consistent ces sens [qu'on attribue à l'homme intelligible] ? — Dira-t-on que ces sens sont la puissance de percevoir les objets sensibles? Mais il serait absurde que là-haut l'homme possédât de toute éternité la puissance de sentir et qu'il ne sentît qu'ici bas, que cette puissance ne passât à l'acte que quand l'âme est devenue moins bonne [par son union au corps].

IV. Πάλιν οὖν πρὸς ταύτην τὴν ἀπορίαν ἄνωθεν ληπτέον τὸν ἄνθρωπον ὅστις ἐκεῖνός ἐστιν. Ἴσως δὲ πρότερον χρὴ τὸν τῇδε ἄνθρωπον ὅστις ποτέ ἐστιν εἰπεῖν — μήποτε οὐδὲ τοῦτον ἀκριβῶς εἰδότες ὡς ἔχοντες τοῦτον ἐκεῖνον ζητοῦμεν. Φανείη δ´ ἂν ἴσως τισὶν ὁ αὐτὸς οὗτός τε κἀκεῖνος εἶναι. Ἀρχὴ δὲ τῆς σκέψεως ἐντεῦθεν· ἆρα ὁ ἄνθρωπος οὗτος λόγος ἐστὶ ψυχῆς ἕτερος τῆς τὸν ἄνθρωπον τοῦτον ποιούσης καὶ ζῆν αὐτὸν καὶ λογίζεσθαι παρεχομένης;

Ἢ ἡ ψυχὴ ἡ τοιαύτη ὁ ἄνθρωπός ἐστιν; Ἢ ἡ τῷ σώματι τῷ τοιῷδε ψυχὴ προσχρωμένη;

Ἀλλ´ εἰ μὲν ζῷον λογικὸν ὁ ἄνθρωπος, ζῷον δὲ τὸ ἐκ ψυχῆς καὶ σώματος, οὐκ ἂν εἴη ὁ λόγος οὗτος τῇ ψυχῇ ὁ αὐτός. Ἀλλ´ εἰ τὸ ἐκ ψυχῆς λογικῆς καὶ σώματος ὁ λόγος τοῦ ἀνθρώπου, πῶς ἂν εἴη ὑπόστασις ἀίδιος, τούτου τοῦ λόγου τοῦ τοιούτου ἀνθρώπου γινομένου, ὅταν σῶμα καὶ ψυχὴ συνέλθῃ; Ἔσται γὰρ ὁ λόγος οὗτος δηλωτικὸς τοῦ ἐσομένου, οὐχ οἷος ὅν φαμεν αὐτοάνθρωπος, ἀλλὰ μᾶλλον ἐοικὼς ὅρῳ, καὶ τοιούτῳ οἵῳ μηδὲ δηλωτικῷ τοῦ τί ἦν εἶναι. Οὐδὲ γὰρ εἴδους ἐστὶ τοῦ ἐνύλου, ἀλλὰ τὸ συναμφότερον δηλῶν, ὅ ἐστιν ἤδη. Εἰ δὲ τοῦτο, οὔπω εὕρηται ὁ ἄνθρωπος· ἦν γὰρ ὁ κατὰ τὸν λόγον. Εἰ δέ τις λέγοι «τὸν λόγον δεῖ τὸν τῶν τοιούτων εἶναι συναμφότερόν τι, τόδ´ ἐν τῷδε», καθ´ ὅ ἐστιν ἕκαστον, οὐκ ἀξιοῖ λέγειν· χρὴ δέ, καὶ εἰ ὅτι μάλιστα τῶν ἐνύλων εἰδῶν καὶ μετὰ ὕλης τοὺς λόγους χρὴ λέγειν, ἀλλὰ τὸν λόγον αὐτὸν τὸν πεποιηκότα, οἷον τὸν ἄνθρωπον, λαμβάνειν καὶ μάλιστα, ὅσοι τὸ τί ἦν εἶναι ἀξιοῦσιν ἐφ´ ἑκάστου ὁρίζεσθαι, ὅταν κυρίως ὁρίζωνται.

Τί οὖν ἐστι τὸ εἶναι ἀνθρώπῳ; Τοῦτο δ´ ἐστί, τί ἐστι τὸ πεποιηκὸς τοῦτον τὸν ἄνθρωπον ἐνυπάρχον, οὐ χωριστόν; Ἆρ´ οὖν αὐτὸς ὁ λόγος ζῷόν ἐστι λογικόν, ἢ τὸ συναμφότερον, αὐτὸς δέ τις ποιητικὸς ζῴου λογικοῦ; Τίς ὢν αὐτός; Ἢ τὸ ζῷον ἀντὶ ζωῆς λογικῆς ἐν τῷ λόγῳ. Ζωὴ τοίνυν λογικὴ ὁ ἄνθρωπος. Ἆρ´ οὖν ζωὴ ἄνευ ψυχῆς; Ἢ γὰρ ἡ ψυχὴ παρέξεται τὴν ζωὴν τὴν λογικὴν καὶ ἔσται ὁ ἄνθρωπος ἐνέργεια ψυχῆς καὶ οὐκ οὐσία, ἢ ἡ ψυχὴ ὁ ἄνθρωπος ἔσται. Ἀλλ´ εἰ ἡ ψυχὴ ἡ λογικὴ ὁ ἄνθρωπος ἔσται, ὅταν εἰς ἄλλο ζῷον ἴῃ ἡ ψυχή, πῶς οὐκ ἄνθρωπος;

IV. Pour répondre à ces questions, il faudrait remonter à l'essence de l'homme intelligible. Il vaut mieux commencer par déterminer celle de l'homme sensible, au lieu d'essayer de définir d'abord ce qu'est l'homme intelligible dans la supposition que nous connaissons bien le premier, tandis que nous n'en avons peut-être qu'une notion inexacte. Mais il en est qui pourraient croire que l'homme sensible et l'homme intelligible ne font qu'un (23). Discutons donc d'abord ce point.

L'homme sensible a-t-il une essence différente de l'âme qui le produit, le fait vivre et raisonner? Est-il l'âme disposée de telle façon (ψυχὴ ἡ ταιαύτη) ? Est-il l'âme qui se sert du corps disposé de telle façon?

Si l'homme est un animal raisonnable, et si l'animal est le composé de l'âme et du corps, cette définition de l'homme ne sera pas identique à celle de l'âme. Si l'homme est défini le composé de l'âme raisonnable et du corps, comment peut-il être une substance éternelle (ὑπόστασις αἴδιος) ? Cette définition ne convient à l'homme sensible que du moment où s'est opérée l'union de l'âme avec le corps ; elle exprime ce qui sera au lieu de faire connaître ce que nous nommons l'homme même (αὐτοάνθρώπος}; elle ressemble plutôt à une description qu'à une véritable détermination du caractère propre (τοῦ τί ἦν εἶναι). Au lieu de définir la forme engagée dans la matière, elle indique ce qu'est le composé de l'âme et du corps lorsqu'il est déjà constitué. S'il en est ainsi, nous ne savons pas encore ce qu'est l'homme considéré dans son essence, tel que doit l'exprimer la définition. Si l'on prétend que la définition des choses sensibles doit exprimer quelque composé, il conviendrait d'admettre qu'il ne faut pas déterminer en quoi consiste chaque chose. Or, s'il est absolument nécessaire de définir les formes engagées dans la matière, il faut également définir l'essence qui fait l'homme; cela est nécessaire surtout pour ceux qui veulent, quand ils définissent un être, en définir le caractère propre (24).

Quelle est donc l'essence de l'homme? Faire cette question, c'est demander quelle est la chose qui fait que cet homme est homme, chose qui doit se trouver en lui et non en être séparée. La véritable définition de l'homme est-elle animal raisonnable? N'est-ce pas là plutôt la définition du composé? Qu'est donc l'essence qui produit l'animal raisonnable? Dans la définition de l'homme, animal raisonnable veut dire vie raisonnable ; par conséquent, l'homme sera la vie raisonnable. Mais y a-t-il vie sans âme ? [Non sans doute.] Ou l'âme donnera à l'homme la vie raisonnable , et dans ce cas l'homme, au lieu d'être une substance, ne sera qu'un acte de l'âme; ou bien l'homme sera l'âme même. Mais si l'homme est l'âme raisonnable, qu'est-ce qui l'empêchera alors de rester homme lors môme que son âme viendrait à passer dans un corps différent [dans le corps d'une brute] ?

V. Λόγον τοίνυν δεῖ τὸν ἄνθρωπον ἄλλον παρὰ τὴν ψυχὴν εἶναι. Τί κωλύει συναμφότερόν τι τὸν ἄνθρωπον εἶναι, ψυχὴν ἐν τοιῷδε λόγῳ, ὄντος τοῦ λόγου οἷον ἐνεργείας τοιᾶσδε, τῆς δὲ ἐνεργείας μὴ δυναμένης ἄνευ τοῦ ἐνεργοῦντος εἶναι; Οὕτω γὰρ καὶ οἱ ἐν τοῖς σπέρμασι λόγοι· οὔτε γὰρ ἄνευ ψυχῆς οὔτε ψυχαὶ ἁπλῶς.

Οἱ γὰρ λόγοι οἱ ποιοῦντες οὐκ ἄψυχοι, καὶ θαυμαστὸν οὐδὲν τὰς τοιαύτας οὐσίας λόγους εἶναι. Οἱ οὖν δὴ ποιοῦντες ἄνθρωπον λόγοι ποίας ψυχῆς ἐνέργειαι; ἆρα τῆς φυτικῆς; Ἢ τῆς ζῷον ποιούσης, ἐναργεστέρας τινὸς καὶ αὐτὸ τοῦτο ζωτικωτέρας. Ἡ δὲ ψυχὴ ἡ τοιαύτη ἡ ἐγγενομένη τῇ τοιαύτῃ ὕλῃ, ἅτε οὖσα τοῦτο, οἷον οὕτω διακειμένη καὶ ἄνευ τοῦ σώματος, ἄνθρωπος, ἐν σώματι δὲ μορφώσασα κατ´ αὐτὴν καὶ ἄλλο εἴδωλον ἀνθρώπου ὅσον ἐδέχετο τὸ σῶμα ποιήσασα, ὥσπερ καὶ τούτου αὖ ποιήσει ὁ ζωγράφος ἔτι ἐλάττω ἄνθρωπόν τινα, τὴν μορφὴν ἔχει καὶ τοὺς λόγους ἢ τὰ ἤθη, τὰς διαθέσεις, τὰς δυνάμεις ἀμυδράς, πάντα, ὅτι μὴ οὗτος πρῶτος· καὶ δὴ καὶ εἴδη αἰσθήσεων ἄλλων, αἰσθήσεις ἄλλας ἐναργεῖς δοκούσας εἶναι, ἀμυδροτέρας δὲ ὡς πρὸς τὰς πρὸ αὐτῶν καὶ εἰκόνας. Ὁ δὲ ἐπὶ τούτῳ ἄνθρωπος ψυχῆς ἤδη θειοτέρας, ἐχούσης βελτίω ἄνθρωπον καὶ αἰσθήσεις ἐναργεστέρας. Καὶ εἴη ἂν ὁ Πλάτων τοῦτον ὁρισάμενος, προσθεὶς δὲ τὸ χρωμένην σώματι, ὅτι ἐποχεῖται τῇ ἥτις προσχρῆται πρώτως σώματι, ἡ δὲ δευτέρως ἡ θειοτέρα.

Ἤδη γὰρ αἰσθητικοῦ ὄντος τοῦ γενομένου ἐπηκολούθησεν αὕτη τρανοτέραν ζωὴν διδοῦσα· μᾶλλον δ´ οὐδ´ ἐπηκολούθησεν, ἀλλὰ οἷον προσέθηκεν αὐτήν· οὐ γὰρ ἐξίσταται τοῦ νοητοῦ, ἀλλὰ συναψαμένη οἷον ἐκκρεμαμένην ἔχει τὴν κάτω συμμίξασα ἑαυτὴν λόγῳ πρὸς λόγον. Ὅθεν καὶ ἀμυδρὸς οὗτος ὢν ἐγένετο φανερὸς τῇ ἐλλάμψει.

V. Il faut donc que l'homme ait pour raison [pour essence] autre chose que l'âme. Qui empêche alors que l'homme ne soit quelque chose de composé, c'est-à-dire l'âme subsistant dans telle raison (ψυχὴ ἐν τοιῷδε λόγῳ), en admettant que cette raison soit un certain acte de l'âme, mais que cet acte ne puisse exister sans le principe qui le produit. Or, telle est la nature des raisons séminales (οἱ ἐν τοῖς σπέρμασι λόγοι). Elles n'existent pas sans l'âme : car les raisons génératrices ne sont pas inanimées ; et cependant elles ne sont pas l'âme purement et simplement. Il n'y a rien d'étonnant à ce que de telles essences soient des raisons.

Ces raisons qui n'engendrent pas l'homme [mais l'animal] (25), de quelle âme sont-elles donc les actes ? Est-ce de l'âme végétative? Non , elles sont les actes de l'âme [raisonnable] qui engendre l'animal (26), laquelle est une âme plus puissante et par cela même plus vivante. L'âme disposée de telle façon, présente à la matière disposée de telle façon (puisque l'âme est telle chose, selon qu'elle est dans telle disposition), même sans le corps, est ce qui constitue l'homme (27). Elle façonne dans le corps une forme à sa ressemblance. Elle produit ainsi, autant que le comporte la nature du corps , une image de l'homme, comme le peintre lui-même fait une image du corps : elle produit, je le répète, un homme inférieur [l'homme sensitif, l'animal], qui possède la forme de l'homme, ses raisons, ses mœurs, ses dispositions, ses facultés, mais d'une manière imparfaite, parce qu'il n'est pas le premier homme [l'homme intellectuel]. Il a des sensations d'une autre espèce, des sensations qui, quoiqu'elles paraissent claires, sont obscures, si on les compare aux sensations supérieures dont elles sont les images. L'homme supérieur [l'homme raisonnable] est meilleur, a une âme plus divine et des sensations plus claires. C'est lui sans doute que Platon définit [en disant : L'homme est l'âme (28)]; il ajoute dans sa définition : qui se sert du corps, parce que l'âme plus divine domine l'âme qui se sert du corps, et qu'elle ne se sert du corps qu'au second degré (29).

En effet, la chose engendrée par l'âme étant capable de sentir, l'âme s'y attache en lui donnant une vie plus puissante ; ou plutôt, elle ne s'y attache pas, mais elle l'approche d'elle (30). Elle ne s'éloigne pas du monde intelligible, mais tout en restant en contact avec lui, elle tient suspendue à elle-même l'âme inférieure [qui constitue l'homme sensitif], elle se mêle à cette raison par sa raison [elle s'unit à cette essence par son essence]. C'est pourquoi cet homme [sensitif], qui par lui-même est obscur, est éclairé par cette illumination (ἐλλάμψει).

VI. Πῶς οὖν ἐν τῇ κρείττονι τὸ αἰσθητικόν; Ἢ τὸ αἰσθητικὸν τῶν ἐκεῖ ἂν αἰσθητῶν, καὶ ὡς ἐκεῖ τὰ αἰσθητά. Διὸ καὶ οὕτως αἰσθάνεται τὴν αἰσθητὴν ἁρμονίαν, τῇ δὲ αἰσθήσει παραδεξαμένου τοῦ αἰσθητικοῦ ἀνθρώπου καὶ συναρμόσαντος εἰς ἔσχατον πρὸς τὴν ἐκεῖ ἁρμονίαν, καὶ πυρὸς ἐναρμόσαντος πρὸς τὸ ἐκεῖ πῦρ, οὗ αἴσθησις ἦν ἐκείνῃ τῇ ψυχῇ ἀνάλογον 〈τῇ〉 τοῦ πυρὸς τοῦ ἐκεῖ φύσει. Εἰ γὰρ ἦν ἐκεῖ σώματα ταῦτα, ἦσαν αὐτῶν τῇ ψυχῇ αἰσθήσεις καὶ ἀντιλήψεις· καὶ ὁ ἄνθρωπος ὁ ἐκεῖ, ἡ τοιαύτη ψυχή, ἀντιληπτικὴ τούτων, ὅθεν καὶ ὁ ὕστερος ἄνθρωπος, τὸ μίμημα, εἶχε τοὺς λόγους ἐν μιμήσει· καὶ ὁ ἐν νῷ ἄνθρωπος τὸν πρὸ πάντων τῶν ἀνθρώπων ἄνθρωπον. Ἐλλάμπει δ´ οὗτος τῷ δευτέρῳ καὶ οὗτος τῷ τρίτῳ· ἔχει δέ πως πάντας ὁ ἔσχατος, οὐ γινόμενος ἐκεῖνοι, ἀλλὰ παρακείμενος ἐκείνοις. Ἐνεργεῖ δὲ ὁ μὲν ἡμῶν κατὰ τὸν ἔσχατον, τῷ δέ τι καὶ παρὰ τοῦ πρὸ αὐτοῦ, τῷ δὲ καὶ παρὰ τοῦ τρίτου ἡ ἐνέργεια, καὶ ἔστιν ἕκαστος καθ´ ὃν ἐνεργεῖ, καίτοι πάντας ἕκαστος ἔχει καὶ αὖ οὐκ ἔχει.

Τοῦ δὲ σώματος χωρισθείσης τῆς τρίτης ζωῆς καὶ τοῦ τρίτου ἀνθρώπου, εἰ συνέποιτο ἡ δευτέρα, συνέποιτο δὲ μὴ χωρισθεῖσα τῶν ἄνω, οὗ ἐκείνη καὶ αὕτη λέγεται εἶναι. Μεταλαβούσης δὲ θήρειον σῶμα θαυμάζεται δέ, πῶς λόγος οὖσα ἀνθρώπου. Ἢ πάντα ἦν, ἄλλοτε δὲ ἐνεργεῖ κατ´ ἄλλον. Καθαρὰ μὲν οὖν οὖσα καὶ πρὶν κακυνθῆναι ἄνθρωπον θέλει καὶ ἄνθρωπός ἐστι· καὶ γὰρ κάλλιον τοῦτο, καὶ τὸ κάλλιον ποιεῖ. Ποιεῖ δὲ καὶ δαίμονας προτέρους, ὁμοειδεῖς τῇ 〈ἣ〉 ἄνθρωπον· καὶ ὁ πρὸ αὐτῆς δαιμονιώτερος, μᾶλλον δὲ θεός, καὶ ἔστι μίμημα θεοῦ δαίμων εἰς θεὸν ἀνηρτημένος, ὥσπερ ἄνθρωπος εἰς ἄνθρωπον. Οὐ γὰρ λέγεται θεός, εἰς ὃν ὁ ἄνθρωπος. Ἔχει γὰρ διαφοράν, ἣν ἔχουσι ψυχαὶ πρὸς ἀλλήλας, κἂν ἐκ τοῦ αὐτοῦ ὦσι στίχου. Λέγειν δὲ δεῖ δαίμονας εἶδος δαημόνων, οὕς φησιν ὁ Πλάτων δαίμονας. Ὅταν δὲ συνέπηται—τὴν θήρειον φύσιν ἑλομένη—ψυχὴ ἡ συνηρτημένη τῇ ὅτε ἄνθρωπος ἦν, τὸν ἐν αὐτῇ λόγον ἐκείνου τοῦ ζῴου ἔδωκεν. Ἔχει γάρ, καὶ ἡ ἐνέργεια αὕτη χείρων.

VI. Comment donc la puissance sensitive est-elle dans l'âme supérieure [dans l'âme raisonnable] ?— Elle est en elle comme les choses sensibles sont dans le monde intelligible. C'est ainsi que [par cette puissance sensitive] l'âme sent l'harmonie sensible, parce que l'homme sensitif [percevant par la sensibilité contenue dans l'âme raisonnable] ramène à l'harmonie intelligible tout ce qui lui est inférieur. Le feu d'ici-bas a de la ressemblance avec le feu qui est là-haut et que l'âme supérieure sentait [avant d'être ici-bas] d'une manière conforme à la nature de ce feu (31). Si les corps qui sont ici-bas étaient aussi là-haut, l'âme supérieure les sentirait et les percevrait. L'homme qui existe là-haut est une âme disposée de telle façon (ταιαύτη), capable de percevoir ces objets : de là vient que l'homme du dernier degré [l'homme sensitif], étant l'image de l'homme qui existe là-haut, a des raisons [des facultés] qui sont aussi les images [des facultés que possède l'homme supérieur]. L'homme qui existe dans l'Intelligence divine constitue l'homme supérieur à tous les hommes. Il illumine le second [l'homme raisonnable], qui à son tour illumine le troisième [l'homme sensitif]. L'homme du dernier degré possède en quelque sorte les deux autres : il n'est pas produit par eux, il leur est plutôt uni. L'homme qui nous constitue a pour acte l'homme du dernier degré (32). Celui-ci reçoit quelque chose du second; et le second tient du premier son acte (33). Chacun de nous est ce qu'il est selon l'homme d'après lequel il agit [est intellectuel, raisonnable, sensitif, selon qu'il exerce l'intelligence, la raison discursive ou la sensibilité]. Chacun de nous possède les trois humilies en un sens [en puissance], et ne les possède pas en un autre sens [en acte ; c'est-à-dire n'exerce pas simultanément l'intelligence, la raison et la sensibilité].

Quand la troisième vie [la puissance sensitive], qui constitue le troisième homme, est séparée du corps, si la vie qui la précède [la raison discursive] l'accompagne sans être toutefois séparée du monde intelligible, alors on dit que la seconde est partout où est la troisième. Il peut sembler étonnant que cette dernière, en passant dans le corps d'une brute, entraîne avec elle celte partie qui est l'essence de l'homme (34). C'est que cette essence était toutes choses [en puissance] ; seulement, dans des temps différents elle agit par des facultés différentes. En tant qu'elle est pure, qu'elle n'est point encore dépravée, elle veut constituer un homme, et c'est un homme en effet qu'elle constitue: car donner un homme est meilleur [que de former une brute], et elle fait ce qui est meilleur. Elle forme aussi des démons de l'ordre supérieur, mais qui sont encore conformes à l'essence qui constitue l'homme. L'homme [intellectuel] qui est avant cette essence est plus démonique encore ; ou plutôt il est déjà Dieu (35). Le démon attaché à Dieu en est une image, comme l'homme sensitif est l'image de l'homme intellectuel dont il dépend : car il ne faut pas regarder comme Dieu le principe auquel se rattache immédiatement l'homme. Ici se trouve en effet une différence semblable à celle qui existe entre les âmes, quoiqu'elles appartiennent toutes au même ordre (36). Il faut d'ailleurs appeler espèce des démons ces démons que Platon nomme simplement démons (37). Enfin, quand l'âme supérieure accompagne l'âme inférieure qui a choisi la condition de brute, l'âme inférieure qui était liée à l'âme supérieure (lors même qu'elle constituait un homme) développe la raison [séminale] de l'animal [dont elle a choisi la condition] : car elle possède en elle-même cette raison ; c'est son acte inférieur.

VII. Ἀλλ´ εἰ κακυνθεῖσα καὶ χείρων γενομένη πλάττει θήρειον φύσιν, οὐκ ἦν ὃ ἐξ ἀρχῆς βοῦν ἐποίει ἢ ἵππον, καὶ ὁ λόγος δὲ ἵππου καὶ ἵππος παρὰ φύσιν. Ἢ ἔλαττον, οὐ μὴν παρὰ φύσιν, ἀλλ´ ἐκεῖνό πως καὶ ἐξ ἀρχῆς ἵππος ἢ κύων. Καὶ εἰ μὲν ἕξει, ποιεῖ τὸ κάλλιον, εἰ δὲ μή, ὃ δύναται, ἥ γε ποιεῖν προσταχθεῖσα· οἷα καὶ οἱ πολλὰ εἴδη ποιεῖν εἰδότες δημιουργοί, εἶτα τοῦτο ποιοῦντες, ἢ ὃ προσετάχθησαν, ἢ ὃ ἡ ὕλη ἐθέλει τῇ ἐπιτηδειότητι. Τί γὰρ κωλύει τὴν μὲν δύναμιν τῆς τοῦ παντὸς ψυχῆς προϋπογράφειν, ἅτε λόγον πάντα οὖσαν, πρὶν καὶ παρ´ αὐτῆς ἥκειν τὰς ψυχικὰς δυνάμεις, καὶ τὴν προϋπογραφὴν οἷον προδρόμους ἐλλάμψεις εἰς τὴν ὕλην εἶναι, ἤδη δὲ τοῖς τοιούτοις ἴχνεσιν ἐπακολουθοῦσαν τὴν ἐξεργαζομένην ψυχὴν κατὰ μέρη τὰ ἴχνη διαρθροῦσαν ποιῆσαι καὶ γενέσθαι ἑκάστην τοῦτο, ᾧ προσῆλθε σχηματίσασα ἑαυτήν, ὥσπερ τὸν ἐν ὀρχήσει πρὸς τὸ δοθὲν αὐτῷ δρᾶμα;

Ἀλλὰ γὰρ ἐπισπόμενοι τῷ ἐφεξῆς εἰς τοῦτο ἥκομεν. Ἦν δὲ ἡμῖν ὁ λόγος, τὸ αἰσθητικὸν ὅπως τοῦ ἀνθρώπου καὶ πῶς οὐκ ἐκεῖνα πρὸς γένεσιν βλέπει· καὶ ἡμῖν ἐφαίνετο καὶ ὁ λόγος ἐδείκνυεν οὐκ ἐκεῖνα πρὸς τὰ τῇδε βλέπειν, ἀλλὰ ταῦτα εἰς ἐκεῖνα ἀνηρτῆσθαι καὶ μιμεῖσθαι ἐκεῖνα, καὶ τοῦτον τὸν ἄνθρωπον παρ´ ἐκείνου ἔχοντα τὰς δυνάμεις πρὸς ἐκεῖνα, καὶ συνεζεῦχθαι ταῦτα τὰ αἰσθητὰ τούτῳ, ἐκεῖνα δ´ ἐκείνῳ· ἐκεῖνα γὰρ τὰ αἰσθητά, ἃ οὕτως ὠνομάσαμεν, ὅτι ἀσώματα, ἄλλον δὲ τρόπον ἐν ἀντιλήψει, καὶ τήνδε τὴν αἴσθησιν ἀμυδροτέραν οὖσαν τῆς ἐκεῖ ἀντιλήψεως, ἣν ὠνομάζομεν αἴσθησιν, ὅτι σωμάτων ἦν, ἐναργεστέραν εἶναι. Καὶ διὰ τοῦτο καὶ τοῦτον αἰσθητικόν, ὅτι ἐλαττόνως καὶ ἐλαττόνων ἀντιληπτικὸς εἰκόνων ἐκείνων· ὥστε εἶναι τὰς αἰσθήσεις ταύτας ἀμυδρὰς νοήσεις, τὰς δὲ ἐκεῖ νοήσεις ἐναργεῖς αἰσθήσεις.

VII. Mais, dira-t-on, si l'âme ne produit la nature d'une brute que lorsqu'elle est dépravée et dégradée, elle n'était pas dès l'origine destinée à produire un bœuf ou un cheval ; alors la raison séminale du cheval aussi bien que le cheval même seront contraires à la nature [de l'âme]. — Non : ils sont inférieurs à sa nature, mais ils ne lui sont pas contraires. Dès l'origine, l'âme était [en puissance] la raison séminale d'un cheval ou d'un chien. Quand cela lui est permis, l'âme qui doit engendrer un animal produit ce qui est meilleur; sinon, elle produit ce qu'elle est capable d'engendrer; elle ressemble aux artistes qui, sachant produire plusieurs figures, exécutent soit celle qu'ils ont reçu l'ordre d'exécuter, soit celle que la matière a le plus d'aptitude à recevoir. Qui empêche que la Puissance [naturelle et génératrice] de l'Ame universelle, en sa qualité de Raison [séminale] universelle, n'ébauche les contours du corps (προπογράφειν), avant que les puissances animiques [les âmes individuelles] descendent d'elle dans la matière? Qui empêche que cette ébauche ne soit une espèce d'illumination préalable de la matière (οἷον προδρόμους ἐλλάμψεις εἰς τὴν ὕλην) ? Qui empêche que l'âme individuelle n'achève [de façonner le corps ébauché par l'Ame universelle] en suivant les lignes déjà tracées, n'organise les membres dessinés par elles (38), et ne devienne ce dont elle s'est approchée en se donnant à elle-même telle ou telle figure, comme dans un chœur le danseur se conforme au rôle qui lui a été assigné?

Si nous sommes arrivé à ces considérations, c'est en examinant les conséquences des principes que nous avons posés. Notre but était de chercher comment la sensibilité se trouve dans l'homme même, et comment [malgré cela] les choses intelligibles ne tombent pas dans la génération (39). Nous avons reconnu et démontré que les choses intelligibles n'inclinent pas vers les choses sensibles, que ce sont celles-ci au contraire qui s'élèvent aux premières et les imitent; que l'homme sensitif tient de l'homme intellectuel la puissance de contempler les choses intelligibles, qu'il est uni aux choses sensibles comme l'homme intellectuel est uni aux choses intelligibles. En effet, les choses intelligibles sont à quelque égard sensibles; nous les disons sensibles, parce qu'elles sont corps [d'une manière idéale], mais elles sont perçues d'une manière différente des corps (40). De même, nos sensations sont moins claires que la perception qui a lieu dans le monde intelligible et que nous nommons aussi sensation parce qu'elle se rapporte aux corps [qui existent là-haut d'une manière idéale]. Pour cette raison, nous appelons sensitif l'homme qui est ici-bas parce qu'il perçoit moins bien des choses qui sont elles-mêmes moins bonnes, c'est-à-dire qui ne sont que des images des choses intelligibles. On peut donc dire que les sensations ici-bas sont des pensées obscures (ἀμυδραὶ νοήσεις}, et que les pensées là-haut sont des sensations claires (ἐναργεῖς αἰσθήσεις).

VIII.  Ἀλλὰ τὸ μὲν αἰσθητικὸν οὕτως.

Τὸ δὲ «ἵππος» ὅλως καὶ ἕκαστον τῶν ζῴων ἐκεῖ πῶς οὐ πρὸς τὰ ἐνταῦθα ἐθέλει βλέπειν; Ἀλλ´ εἰ μέν, ἵνα ἐνταῦθα ἵππος γένοιτο ἢ ἄλλο τι ζῷον, ἐξεῦρε νόησιν ἵππου; Καίτοι πῶς οἷόν τε ἦν βουλόμενον ἵππον ποιῆσαι νοῆσαι ἵππον; Ἤδη γὰρ δῆλον ὅτι ὑπῆρχεν ἵππου νόησις, εἴπερ ἠβουλήθη ἵππον ποιῆσαι· ὥστε οὐκ ἔστιν, ἵνα ποιήσῃ, νοῆσαι, ἀλλὰ πρότερον εἶναι τὸν μὴ γενόμενον ἵππον πρὸ τοῦ μετὰ ταῦτα ἐσομένου. Εἰ οὖν πρὸ τῆς γενέσεως ἦν καὶ οὐχ, ἵνα γένηται, ἐνοήθη, οὐ πρὸς τὰ τῇδε βλέπων εἶχε παρ´ ἑαυτῷ ὃς εἶχε τὸν ἐκεῖ ἵππον, οὐδ´ ἵνα τὰ τῇδε ποιήσῃ, εἶχε τοῦτόν τε καὶ τὰ ἄλλα, ἀλλὰ ἦν μὲν ἐκεῖνα, ταῦτα δὲ ἐπηκολούθει ἐξ ἀνάγκης ἐκείνοις· οὐ γὰρ ἦν στῆναι μέχρι τῶν ἐκεῖ. Τίς γὰρ ἂν ἔστησε δύναμιν μένειν τε καὶ προϊέναι δυναμένην; Ἀλλὰ διὰ τί ἐκεῖ ζῷα ταῦτα;

Τί γὰρ ἐν θεῷ ταῦτα; Τὰ μὲν γὰρ λογικὰ ἔστω· ἀλόγων δὲ τοσοῦτον πλῆθος τί τὸ σεμνὸν ἔχει; Τί δὲ οὐ τοὐναντίον; Ὅτι μὲν οὖν πολλὰ δεῖ τοῦτο τὸ ἓν εἶναι ὂν μετὰ τὸ πάντη ἕν, δῆλον· ἢ οὐκ ἂν ἦν μετ´ ἐκεῖνο, ἀλλ´ ἐκεῖνο. Μετ´ ἐκεῖνο δὲ ὂν ὑπὲρ μὲν ἐκεῖνο πρὸς τὸ μᾶλλον ἓν γενέσθαι οὐκ ἦν, ἐλλεῖπον δ´ ἐκείνου· τοῦ δ´ ἀρίστου ὄντος ἑνὸς ἔδει πλέον ἢ ἓν εἶναι· τὸ γὰρ πλῆθος ἐν ἐλλείψει. Τί οὖν κωλύει δυάδα εἶναι; Ἢ ἑκάτερον τῶν ἐν τῇ δυάδι οὐχ οἷόν τε ἦν ἓν παντελῶς εἶναι, ἀλλὰ πάλιν αὖ δύο τοὐλάχιστον εἶναι, καὶ ἐκείνων αὖ ὡσαύτως· εἶτα καὶ κίνησις ἦν ἐν τῇ δυάδι τῇ πρώτῃ καὶ στάσις, ἦν δὲ καὶ νοῦς, καὶ ζωὴν ἦν ἐν αὐτῇ· καὶ τέλεος νοῦς καὶ ζωὴ τελεία. Ἦν τοίνυν οὐχ ὡς νοῦς εἷς, ἀλλὰ πᾶς καὶ πάντας τοὺς καθ´ ἕκαστα νοῦς ἔχων καὶ τοσοῦτος ὅσοι πάντες, καὶ πλείων· καὶ ἔζη οὐχ ὡς ψυχὴ μία, ἀλλ´ ὡς πᾶσαι, καὶ πλείων, δύναμιν εἰς τὸ ποιεῖν ψυχὰς ἑκάστας ἔχων, καὶ ζῷον παντελὲς ἦν, οὐκ ἄνθρωπον ἐν αὐτῷ μόνον ἔχων· μόνον γὰρ ἄνθρωπος ἐνταῦθα ἦν.

VIII. Voilà ce que nous avions à dire sur la sensibilité. [Passons maintenant à l'autre question que nous avons posée.]

Comment se fait-il que tous les animaux qui sont (comme le cheval même) contenus dans l'Intelligence divine n'inclinent pas vers les choses d'ici-bas [en les engendrant] ?—Sans doute, pour engendrer ici-bas le cheval ou tout autre animal, l'Intelligence divine a dû en avoir la conception ; cependant il ne faut pas croire qu'elle ait eu d'abord la volonté de produire le cheval, puis la conception de cet animal. Évidemment, elle n'a pu vouloir produire le cheval que parce qu'elle en avait déjà la conception, et elle n'en a pas eu la conception parce qu'elle avait à le produire : ainsi, le cheval qui n'a pas été engendré a précédé le cheval qui devait être engendré postérieurement. Puisque le premier cheval est antérieur à toute génération et n'a pas été conçu pour être engendré, ce n'est pas parce que l'Intelligence divine incline vers les choses d'ici-bas ni parée qu'elle produit, qu'elle a en elle le cheval intelligible et les autres essences. Les intelligibles existaient déjà dans l'Intelligence [avant qu'elle engendrât] et les choses sensibles ont été engendrées ensuite par une conséquence nécessaire : car il était impossible que la procession s'arrêtât aux intelligibles. Qui en effet aurait arrêté cette puissance [de l'Intelligence] capable tout à la fois de procéder et de demeurer en soi (41)?

Mais pourquoi ces animaux [privés de raison] existent-ils dans l'Intelligence divine? On comprend que les êtres doués de raison se trouvent en elle ; mais cette multitude d'êtres privés de raison a-t-elle rien de vénérable? Ne semble-t-elle pas plutôt quelque chose de messéant à l'Intelligence divine? — Évidemment l'Être qui est un doit être aussi multiple, puisqu'il est postérieur à l'Un absolument simple ; sinon, au lieu de lui être inférieur, il se confondrait avec lui. Étant postérieur à l'Un, il ne saurait être plus simple, il l'est donc moins. Or Celui qui est excellent étant l'Un, l'Être devait être plus d'un, puisque la multiplicité est le caractère de l'infériorité. — Pourquoi donc l'Être ne serait-il pas Dyade seulement ? — C'est que chacun des deux éléments de la Dyade ne peut non plus être absolument un, et doit être au moins Dyade; il en est de même de chacun des nouveaux éléments [dans lesquels se décomposeraient les premiers éléments de la Dyade]. En outre, la première Dyade renferme à la fois Mouvement et Stabilité (42) ; elle est aussi Intelligence et Vie parfaite, L'Intelligence a pour caractère non d'être une, mais d'être universelle : elle renferme donc toutes les intelligences particulières; elle est toutes les intelligences et en même temps elle est quelque chose de plus grand. Elle possède la vie non comme Ame une, mais comme Ame universelle, ayant la puissance supérieure de produire les âmes particulières. Elle est enfin l'Animal universel; par conséquent, elle ne doit pas renfermer l'homme seul [mais encore toutes les autres espèces d'animaux]; sinon, l'homme seul existerait sur la terre.

IX. Ἀλλ´ ἔστω, φήσει τις, τὰ τίμια τῶν ζῴων· πῶς αὖ τὰ εὐτελῆ καὶ τὰ ἄλογα ἦν; Τὸ εὐτελὲς δηλονότι τῷ ἀλόγῳ ἔχοντα, εἰ τῷ λογικῷ τὸ τίμιον· καὶ εἰ τῷ νοερῷ τὸ τίμιον, τῷ ἀνοήτῳ τὸ ἐναντίον. Καίτοι πῶς ἀνόητον ἢ ἄλογον ἐκείνου ὄντος ἐν ᾧ ἕκαστα ἢ ἐξ οὗ; Πρὸ δὴ τῶν περὶ ταῦτα καὶ πρὸς ταῦτα λεχθησομένων λάβωμεν, ὡς ὁ ἄνθρωπος ὁ ἐνταῦθα οὐ τοιοῦτός ἐστιν, οἷος ἐκεῖνος, ὥστε καὶ τὰ ἄλλα ζῷα οὐχ οἷα τὰ ἐνταῦθα κἀκεῖ, ἀλλὰ μειζόνως δεῖ ἐκεῖνα λαμβάνειν· εἶτα οὔτε τὸ λογικὸν ἐκεῖ· ὧδε γὰρ ἴσως λογικός, ἐκεῖ δὲ ὁ πρὸ τοῦ λογίζεσθαι. Διὰ τί οὖν ἐνταῦθα λογίζεται οὗτος, τὰ δ´ ἄλλα οὔ; Ἢ διαφόρου ὄντος ἐκεῖ τοῦ νοεῖν ἔν τε ἀνθρώπῳ καὶ τοῖς ἄλλοις ζῴοις, διάφορον καὶ τὸ λογίζεσθαι· ἔνι γάρ πως καὶ τοῖς ἄλλοις ζῴοις πολλὰ διανοίας ἔργα. Διὰ τί οὖν οὐκ ἐπίσης λογικά; Διὰ τί δὲ ἄνθρωποι πρὸς ἀλλήλους οὐκ ἐπίσης; Δεῖ δὲ ἐνθυμεῖσθαι, ὡς τὰς πολλὰς ζωὰς οἷον κινήσεις οὔσας καὶ τὰς πολλὰς νοήσεις οὐκ ἐχρῆν τὰς αὐτὰς εἶναι, ἀλλὰ καὶ ζωὰς διαφόρους καὶ νοήσεις ὡσαύτως· τὰς δὲ διαφοράς πως φωτεινοτέρας καὶ ἐναργεστέρας, κατὰ τὸ ἐγγὺς δὲ τῶν πρώτων πρώτας καὶ δευτέρας καὶ τρίτας. Διόπερ τῶν νοήσεων αἱ μὲν θεοί, αἱ δὲ δεύτερόν τι γένος, ἐν ᾧ τὸ λογικὸν ἐπίκλην ἐνταῦθα, ἑξῆς δ´ ἀπὸ τούτων τὸ ἄλογον κληθέν. Ἐκεῖ δὲ καὶ τὸ ἄλογον λεγόμενον λόγος ἦν, καὶ τὸ ἄνουν νοῦς ἦν, ἐπεὶ καὶ ὁ νοῶν ἵππον νοῦς ἐστι, καὶ ἡ νόησις ἵππου νοῦς ἦν. Ἀλλ´ εἰ μὲν νόησις μόνον, ἄτοπον οὐδὲν τὴν νόησιν αὐτὴν νόησιν οὖσαν ἀνοήτου εἶναι· νῦν δ´ εἰ ταὐτὸν ἡ νόησις τῷ πράγματι, πῶς ἡ μὲν νόησις, ἀνόητον δὲ τὸ πρᾶγμα; οὕτω γὰρ ἂν νοῦς ἀνόητον ἑαυτὸν ποιοῖ. Ἢ οὐκ ἀνόητον, ἀλλὰ νοῦς τοιόσδε· ζωὴ γὰρ τοιάδε. Ὡς γὰρ ἡτισοῦν ζωὴ οὐκ ἀπήλλακται τοῦ εἶναι ζωή, οὕτως οὐδὲ νοῦς τοιόσδε ἀπήλλακται τοῦ εἶναι νοῦς· ἐπεὶ οὐδὲ ὁ νοῦς ὁ κατὰ ὁτιοῦν ζῷον ἀπήλλακται αὖ τοῦ νοῦς εἶναι πάντων, οἷον καὶ ἀνθρώπου, εἴπερ ἕκαστον μέρος, ὅ τι ἂν λάβῃς, πάντα ἀλλ´ ἴσως ἄλλως. Ἐνεργείᾳ μὲν γὰρ ἐκεῖνο, δύναται δὲ πάντα· λαμβάνομεν δὲ καθ´ ἕκαστον τὸ ἐνεργείᾳ· τὸ δ´ ἐνεργείᾳ ἔσχατον, ὥστε τοῦδε τοῦ νοῦ τὸ ἔσχατον ἵππον εἶναι, καὶ ᾗ ἔληξε προϊὼν ἀεὶ εἰς ἐλάττω ζωήν, ἵππον εἶναι, ἄλλον δὲ κατωτέρω λῆξαι. Ἐξελιττόμεναι γὰρ αἱ δυνάμεις καταλείπουσιν ἀεὶ εἰς τὸ ἄνω· προΐασι δέ τι ἀφιεῖσαι καὶ ἐν τῷ ἀφεῖναι δὲ ἄλλα ἄλλαι διὰ τὸ ἐνδεὲς τοῦ ζῴου τοῦ φανέντος ἐκ τοῦ ἐλλείποντος ἕτερον ἐξευροῦσαι προσθεῖναι· οἷον ἐπεὶ οὐκ ἔστιν ἔτι τὸ ἱκανὸν εἰς ζωήν, ἀνεφάνη ὄνυξ καὶ τὸ γαμψώνυχον ἢ τὸ καρχαρόδον ἢ κέρατος φύσις· ὥστε, ᾗ κατῆλθεν ὁ νοῦς, ταύτῃ πάλιν αὖ τῷ αὐτάρκει τῆς φύσεως ἀνακύψαι καὶ εὑρεῖν ἐν αὐτῷ τοῦ ἐλλείποντος κειμένην ἴασιν.

IX. Admettons, dira-t-on, que l'Intelligence renferme les idées des animaux d'un ordre relevé. Mais comment se fait-il qu'elle renferme aussi les idées des animaux vils et privés de raison ? Car on doit regarder comme vil tout animal privé de raison et d'intelligence, puisque c'est à ces facultés que celui qui les possède doit sa noblesse.— Sans doute il est difficile de comprendre comment les choses privées d'intelligence et de raison existent dans l'Intelligence divine, dans laquelle sont tous les êtres et de laquelle tous procèdent. Mais avant d'aborder la discussion de cette question, prenons comme accordées les vérités suivantes : L'homme ici-bas n'est pas ce qu'est l'homme dans l'intelligence divine, non plus que les autres animaux ; il existe dans son sein, ainsi qu'eux, d'une manière plus relevée ; en outre, on ne trouve en elle aucun être appelé raisonnable : car c'est ici-bas seulement qu'on fait usage de la raison : là-haut, il n'y a que des actes supérieurs à la raison discursive (43). — Pourquoi donc l'homme est-il ici-bas le seul animal qui fasse usage de la raison? — C'est que l'intelligence de l'homme étant, dans le inonde intelligible, différente de celle des autres animaux, sa raison doit aussi différer ici-bas de leur raison : car on voit dans les autres animaux mêmes beaucoup d'actes qui impliquent l'usage de l'entendement. —Mais pourquoi tous les animaux ne sont-ils pas également raisonnables? — Pourquoi tous les hommes ne le sont-ils pas non plus [demanderons-nous à notre tour] ? Réfléchissons-y bien : toutes ces vies, qui représentent autant de mouvements, toutes ces intelligences, qui forment une pluralité, ne pouvaient pas être identiques. Il fallait donc qu'elles différassent entre elles, et leur différence devait consister à manifester plus ou moins clairement l'intelligence et la vie : celles qui occupent le premier rang sont distinguées par les premières différences, celles qui occupent le deuxième rang par les différences de deuxième espèce, et ainsi de suite. Ainsi, parmi les intelligences, les unes constituent les dieux, les autres les êtres placés au deuxième rang et doués de raison; d'autres enfin les êtres que nous appelons privés de raison. Mais cette nature même que nous appelons ici privée de raison et d'intelligence est raison et intelligence dans le monde intelligible. En effet, celui qui pense le cheval intelligible, par exemple, est intelligence tout comme l'est la pensée même du cheval. Si rien n'existait que la pensée, il n'y aurait rien d'absurde à ce que cette pensée, tout en étant intellectuelle, eût pour objet un être privé d'intelligence. Mais, puisque la pensée et la chose pensée ne font qu'un, comment la pensée pourrait-elle être intellectuelle sans que la chose pensée le fût également? Pour que cela eût lieu, il faudrait que l'intelligence se rendît elle-même pour ainsi dire inintelligente. Mais il n'en est pas ainsi. La chose pensée est une intelligence déterminée, comme elle est une vie déterminée. Or, de même qu'aucune vie, quelle qu'elle soit, ne peut être privée de la vitalité, aucune intelligence déterminée ne peut être privée de l'intellectualité. L'intelligence même qui est propre à un animal, à l'homme par exemple, ne cesse pas d'être l'intelligence de toutes choses: quelque partie que vous preniez en elle, elle est toutes choses, mais d'une manière différente ; elle est une chose particulière en acte, elle est toutes choses en puissance. Nous ne saisissons dans chaque chose particulière que ce qu'elle est en acte. Or ce qui est en acte [une chose particulière] occupe le dernier rang. Telle est dans l'intelligence l'idée du cheval, par exemple. L'Intelligence, dans sa procession continue vers une vie moins parfaite, constitue à un certain degré le cheval, et à un degré inférieur, un animal encore inférieur : car plus les puissances de l'Intelligence se développent, plus elles deviennent imparfaites. Dans leur procession, elles perdent à chaque degré quelque chose, et comme c'est un moindre degré d'être qui constitue tel ou tel animal, son infériorité se rachète par quelque chose de nouveau. Ainsi, à mesure que la vie est moins complète dans l'animal, apparaissent les ongles, les serres, ou les cornes et les dents. Partout où l'intelligence baisse d'un côté, elle se relève d'un autre côté par la plénitude de sa nature, et elle trouve en elle-même de quoi compenser ce qui manque (44).

X. Ἀλλὰ πῶς ἐκεῖ ἐνέλειπε; Τί γὰρ κέρατα ἐκεῖ πρὸς ἄμυναν; Ἢ πρὸς τὸ αὔταρκες ὡς ζῴου καὶ τὸ τέλεον. Ὡς γὰρ ζῷον ἔδει τέλεον εἶναι, καὶ ὡς νοῦν δὲ τέλεον, καὶ ὡς ζωὴν δὲ τέλεον· ὥστε, εἰ μὴ τοῦτο, ἀλλὰ τοῦτο. Καὶ ἡ διαφορὰ τῷ ἄλλο ἀντὶ ἄλλου, ἵνα ἐκ πάντων μὲν τὸ τελειότατον ζῷον καὶ ὁ τέλειος νοῦς καὶ ἡ τελειοτάτη ζωή, ἕκαστον δὲ ὡς ἕκαστον τέλειον. Καὶ μήν, εἰ ἐκ πολλῶν, δεῖ εἶναι αὖ ἕν· ἢ οὐχ οἷόν τε ἐκ πολλῶν μὲν εἶναι, τῶν αὐτῶν δὲ πάντων· ἢ αὔταρκες ἦν ἂν ἕν.

Δεῖ τοίνυν ἐξ ἑτέρων ἀεὶ κατ´ εἶδος, ὥσπερ καὶ πᾶν σύνθετον, καὶ σῳζομένων ἑκάστων, οἷαι καὶ αἱ μορφαὶ καὶ οἱ λόγοι. Αἵ τε γὰρ μορφαί, οἷον ἀνθρώπου, ἐξ ὅσων διαφορῶν, καίτοι τὸ ἐπὶ πᾶσιν ἕν. Καὶ βελτίω καὶ χείρω ἀλλήλων, ὀφθαλμὸς καὶ δάκτυλος, ἀλλ´ ἑνός· καὶ οὐ χεῖρον τὸ πᾶν, ἀλλ´ ὅτι οὕτω, βέλτιον· καὶ ὁ λόγος δὲ ζῷον καὶ ἄλλο τι, ὃ μὴ ταὐτὸν τῷ «ζῷον». Καὶ ἀρετὴ δὲ τὸ κοινὸν καὶ τὸ ἴδιον καὶ τὸ ὅλον καλὸν ἀδιαφόρου τοῦ κοινοῦ ὄντος.

X. Mais comment peut-il y avoir quelque chose d'imparfait dans le monde intelligible? Pourquoi l'animal intelligible a-t-il des cornes? Est-ce pour sa défense (45)? — C'est pour être complet et parfait. Il doit être parfait comme animal, parfait comme intelligence, parfait comme vie, de telle sorte que, s'il manque d'une qualité, il en ait une autre à la place. La cause des différences, c'est que ce qui appartient à une essence se trouve remplacé dans une autre essence par quelque autre chose, en sorte que l'ensemble [des essences] constitue l'Animal le plus parfait, la Vie la plus parfaite, l'Intelligence la plus parfaite, tandis que toutes les essences particulières qui se trouvent ainsi dans l'être intelligible sont parfaites en tant que particulières.

L'Être doit être à la fois un et multiple; or il ne peut être multiple si toutes les choses qui se trouvent en lui sont égales; il serait alors l'Un absolu. Il faut donc, puisqu'il forme un tout composé, qu'il soit constitué par des choses qui aient entre elles des différences spécifiques, de telle sorte que son unité laisse subsister les choses particulières, telles que les formes et les raisons [essences]. Les formes, comme celle de l'homme, doivent renfermer toutes les différences qui leur sont essentielles. Quoiqu'il y ait unité dans toutes ces formes, il s'y trouve cependant des choses plus ou moins relevées les unes que les autres, l'œil et le doigt par exemple : tous ces organes sont impliqués dans l'unité de l'animal, et ils ne sont inférieurs que relativement à l'ensemble. Il valait mieux qu'il en lut ainsi. La raison [l'essence de l'animal] est animal et de plus quelque chose de différent de l'animal. La vertu a aussi un caractère général et un caractère individuel. L'ensemble [du monde intelligible] est beau, parce que ce qui est commun [à toutes les essences] n'offre pas de différence.

XI.  Λέγεται δὲ οὐδ´ ὁ οὐρανός—καὶ πολλὰ δὲ φαίνεται— οὐκ ἀτιμάσαι τὴν τῶν ζῴων πάντων φύσιν, ἐπεὶ καὶ τόδε τὸ πᾶν πάντα ἔχει. Πόθεν οὖν ἔχει; Πάντα οὖν ἔχει ὅσα ἐνταῦθα τἀκεῖ; Ἢ ὅσα λόγῳ πεποίηται καὶ κατ´ εἶδος. Ἀλλ´ ὅταν πῦρ ἔχῃ, καὶ ὕδωρ ἔχει, ἔχει δὲ πάντως καὶ φυτά. Πῶς οὖν τὰ φυτὰ ἐκεῖ; Καὶ πῶς πῦρ ζῇ; Καὶ πῶς γῆ; Ἢ γὰρ ζῇ ἢ οἷον νεκρὰ ἔσται ἐκεῖ, ὥστε μὴ πᾶν τὸ ἐκεῖ ζῆν. Καὶ τί ὅλως ἐστὶν ἐκεῖ καὶ ταῦτα; Τὰ μὲν οὖν φυτὰ δύναιτ´ ἂν τῷ λόγῳ συναρμόσαι· ἐπεὶ καὶ τὸ τῇδε φυτὸν λόγος ἐστὶν ἐν ζωῇ κείμενος. Εἰ δὴ ὁ ἔνυλος λόγος ὁ τοῦ φυτοῦ, καθ´ ὃν τὸ φυτόν ἐστι, ζωή τις ἐστὶ τοιάδε καὶ ψυχή τις, καὶ ὁ λόγος ἕν τι, ἤτοι τὸ πρῶτον φυτόν ἐστιν οὗτος ἢ οὔ, ἀλλὰ πρὸ αὐτοῦ φυτὸν τὸ πρῶτον, ἀφ´ οὗ καὶ τοῦτο. Καὶ γὰρ ἐκεῖνο ἕν, ταῦτα δὲ πολλὰ καὶ ἀφ´ ἑνὸς ἐξ ἀνάγκης. Εἰ δὴ τοῦτο, δεῖ πολὺ πρότερον ἐκεῖνο ζῆν καὶ αὐτὸ τοῦτο φυτὸν εἶναι, ἀπ´ ἐκείνου δὲ ταῦτα δευτέρως καὶ τρίτως καὶ κατ´ ἴχνος ἐκείνου ζῆν. Γῆ δὲ πῶς; Καὶ τί τὸ γῇ εἶναι; Καὶ τίς ἡ ἐκεῖ γῆ τὸ ζῆν ἔχουσα; Ἢ πρότερον τίς αὕτη; Τοῦτο δ´ ἐστὶ τί τὸ εἶναι ταύτῃ; Δεῖ δὴ μορφήν τινα εἶναι καὶ ἐνταῦθα καὶ λόγον. Ἐκεῖ μὲν οὖν ἐπὶ τοῦ φυτοῦ ἔζη καὶ ὁ τῇδε αὐτοῦ λόγος.

Ἆρ´ οὖν καὶ ἐν τῇδε τῇ γῇ; Ἢ εἰ λάβοιμεν τὰ μάλιστα γήινα γεννώμενα καὶ πλαττόμενα ἐν αὐτῇ, εὕροιμεν ἂν καὶ ἐνταῦθα τὴν γῆς φύσιν. Λίθων τοίνυν αὐξήσεις τε καὶ πλάσεις καὶ ὀρῶν ἀναφυομένων ἔνδον μορφώσεις πάντως που λόγου ἐμψύχου δημιουργοῦντος ἔνδοθεν καὶ εἰδοποιοῦντος χρὴ νομίζειν γίνεσθαι· καὶ τοῦτο εἶναι τὸ εἶδος τῆς γῆς τὸ ποιοῦν, ὥσπερ ἐν τοῖς δένδροις τὴν λεγομένην φύσιν, τῷ δὲ ξύλῳ τοῦ δένδρου ἀνάλογον τὴν λεγομένην εἶναι γῆν, καὶ ἀποτμηθέντα τὸν λίθον οὕτως ἔχειν, ὡς εἰ ἐκ τοῦ δένδρου τι κοπείη, μὴ παθόντος δὲ τούτου, ἀλλ´ ἔτι συνηρτημένου, ὡς τὸ μὴ κοπὲν ἐκ τοῦ ζῶντος φυτοῦ. Τὴν δημιουργοῦσαν ἐγκαθημένην τῇ γῇ φύσιν ζωὴν ἐν λόγῳ ἀνευρόντες πιστοίμεθα ἂν τὸ ἐντεῦθεν ῥᾳδίως τὴν ἐκεῖ γῆν πολὺ πρότερον ζῶσαν εἶναι καὶ ζωὴν ἔλλογον γῆς, αὐτογῆν καὶ πρώτως γῆν, ἀφ´ ἧς καὶ ἡ ἐνταῦθα γῆ.

Εἰ δὲ καὶ τὸ πῦρ λόγος τις ἐν ὕλῃ ἐστὶ καὶ τὰ ἄλλα τὰ τοιαῦτα καὶ οὐκ ἐκ τοῦ αὐτομάτου πῦρ — πόθεν γάρ; οὐ γὰρ ἐκ παρατρίψεως, ὡς ἄν τις οἰηθείη· ἤδη γὰρ ὄντος ἐν τῷ παντὶ πυρὸς ἡ παράτριψις ἐχόντων τῶν παρατριβομένων σωμάτων· οὐδὲ γὰρ ἡ ὕλη οὕτως δυνάμει, ὥστε παρ´ αὐτῆς — εἰ δὴ κατὰ λόγον δεῖ τὸ ποιοῦν εἶναι ὡς μορφοῦν, τί ἂν εἴη; ἢ ψυχὴ ποιεῖν πῦρ δυναμένη· τοῦτο δ´ ἐστὶ ζωὴ καὶ λόγος, ἓν καὶ ταὐτὸ ἄμφω. Διὸ καὶ Πλάτων ἐν ἑκάστῳ τούτων ψυχήν φησιν εἶναι οὐκ ἄλλως ἢ ὡς ποιοῦσαν τοῦτο δὴ τὸ αἰσθητὸν πῦρ. Ἔστιν οὖν καὶ τὸ ἐνταῦθα ποιοῦν πῦρ ζωή τις πυρίνη, ἀληθέστερον πῦρ. Τὸ ἄρα ἐπέκεινα πῦρ μᾶλλον ὂν πῦρ μᾶλλον ἂν εἴη ἐν ζωῇ· ζῇ ἄρα καὶ αὐτὸ τὸ πῦρ. Ὁ δ´ αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων, ὕδατός τε καὶ ἀέρος. Ἀλλὰ διὰ τί οὐκ ἔμψυχα καὶ ταῦτα ὥσπερ ἡ γῆ; Ὅτι μὲν οὖν καὶ ταῦτα ἐν ζῴῳ τῷ παντί, δῆλόν που, καὶ ὅτι μέρη ζῴου· οὐ φαίνεται δὲ ζωὴ ἐν αὐτοῖς, ὥσπερ οὐδ´ ἐπὶ τῆς γῆς· συλλογίζεσθαι δὲ ἦν κἀκεῖ καὶ ἐκ τῶν γινομένων ἐν αὐτῇ· ἀλλὰ γίνεται καὶ ἐν πυρὶ ζῷα, καὶ ἐν ὕδατι δὲ φανερώτερον· καὶ ἀέρινοι δὲ ζῴων συστάσεις. Γινόμενον δὲ τὸ πῦρ ἕκαστον καὶ ταχὺ σβεννύμενον τὴν ἐν τῷ ὅλῳ ψυχὴν παρέρχεται εἴς τε ὄγκον οὐ γεγένηται μένον, ἵν´ ἔδειξε τὴν ἐν αὐτῷ ψυχήν· ἀήρ τε καὶ ὕδωρ ὡσαύτως· ἐπεί, εἰ παγείη πως κατὰ φύσιν, δείξειεν ἄν· ἀλλ´ ὅτι ἔδει εἶναι κεχυμένα, ἣν ἔχει οὐ δείκνυσι. Καὶ κινδυνεύει ὅμοιον εἶναι οἷον τὸ ἐπὶ τῶν ὑγρῶν τῶν ἐν ἡμῖν, οἷον αἵματος· ἡ μὲν γὰρ σὰρξ ἔχειν δοκεῖ καὶ ὅ τι ἂν σὰρξ γένηται ἐκ τοῦ αἵματος, τὸ δ´ αἷμα αἴσθησιν οὐ παρεχόμενον ἔχειν οὐ δοκεῖ—καίτοι ἀνάγκη ἐνεῖναι καὶ ἐν αὐτῷ—ἐπεὶ καὶ οὐδέν ἐστι βίαιον γινόμενον περὶ αὐτό. Ἀλλ´ ἕτοιμόν ἐστι διεστάναι τῆς ἐνυπαρχούσης ψυχῆς, οἷον καὶ ἐπὶ τῶν στοιχείων τῶν τριῶν δεῖ νομίζειν εἶναι· ἐπεὶ καὶ ὅσα ἐξ ἀέρος συστάντος μᾶλλον ζῷα, ἔχει τὸ μὴ αἰσθάνεσθαι εἰς τὸ παθεῖν. Ὥσπερ δὲ ὁ ἀὴρ τὸ φῶς ἀτενὲς ὂν καὶ μένον, ἕως μένει, αὐτὸς παρέρχεται, τοῦτον τὸν τρόπον πάρεισι καὶ τὴν ψυχὴν αὐτοῦ κύκλῳ καὶ οὐ πάρεισι· καὶ τὰ ἄλλα ὡσαύτως.

XI. S'il est dit [dans le Timée] que le ciel n'a dédaigné de recevoir aucune des formes des animaux, dont on voit un si grand nombre, c'est que cet univers devait renfermer l'universalité des choses. — D'où tient-il toutes les choses qu'il renferme? Les a-t-il reçues de là-haut?— Oui : il a reçu de là-haut toutes les choses qui ont été produites par la raison et d'après une forme intelligible.—Mais, de même qu'il contient du feu et de l'eau, il doit contenir aussi des végétaux. Or comment peut-il y avoir des végétaux dans le inonde intelligible? Comment la terre, le feu y sont-ils des choses vivantes? Car, ou ce sont des choses vivantes, ou ce sont des choses mortes ; dans le second cas, tout ne serait pas vivant dans le monde intelligible. Dans quel état les objets dont nous parlons se trouvent-ils donc là-haut?

D'abord, on peut montrer que les végétaux n'ont rien de contraire à la raison, puisque, même ici-bas, il y a dans le végétal une raison qui constitue sa vie (46). — Si la raison essentielle du végétal, raison qui le constitue, est une vie de telle nature, une espèce d'âme, et si cette raison est elle-même une unité, est-elle le Végétal premier? — Non, il y a au-dessus de cette raison le Végétal premier dont dérive ce végétal particulier. Le Végétal premier est unité; l'autre est multiple, et dérive nécessairement de cette unité. S'il en est ainsi, le Végétal premier doit posséder la vie à un plus haut degré encore et être le Végétal même, duquel procèdent les végétaux qui sont ici-bas, qui occupent le second ou le troisième rang, et qui tiennent du Végétal premier les traces de vie qu'ils présentent.

Mais comment la Terre existe-t-elle dans le inonde intelligible? Quelle est son essence? Comment la Terre qui se trouve dans le monde intelligible y est-elle vivante? — Voyons d'abord ce qu'est notre Terre, c'est-à-dire quelle est son essence. Elle doit être une formée! une raison [une essence] : car la raison du végétal est vivante même ici-bas. — Y a-t-il donc aussi une raison vivante dans la Terre?— Pour trouver la nature de la Terre, prenons des objets essentiellement terrestres, qui soient engendrés et façonnés par elle. La naissance des pierres et l'accroissement qu'elles prennent, la formation intérieure des montagnes, ne sauraient avoir lieu si une raison animée ne les produisait par un travail intime et caché. Cette raison, c'est  la forme de la Terre (εἶδος τῆς γῆς) (47), forme qui est analogue à la force qu'on nomme nature dans les arbres. On peut comparer la Terre au tronc de l'arbre, la pierre qu'on détache du sol au rameau qu'on sépare du tronc. Si l'on considère la pierre qui n'est pas encore arrachée du sein de la Terre, qui s'y trouve unie comme est uni à l'arbre le rameau qu'on n'a pas coupé, on reconnaît que la nature de la Terre, nature qui est une force productrice, constitue une vie douée de raison, et l'on conçoit que la Terre intelligible doit posséder la vie à un plus haut degré encore, que la vie rationnelle de la Terre est la Terre même (αὐτογῆ), la Terre au premier degré (πρώτως γή), de laquelle procède la Terre qui est ici-bas.

Si le feu est aussi une raison engagée dans la matière, et ressemble à la terre sous ce rapport, il n'est pas né par hasard. D'où viendrait-il? D'un frottement, pourrait-on dire (48). Mais le feu existe dans l'univers avant qu'un corps en frotte un autre; les corps eux-mêmes possèdent déjà du feu quand ils se frottent mutuellement : car il ne faut pas croire que la matière possède le feu en puissance, en sorte qu'elle soit capable par elle-même de le produire .— Si le principe qui produit le feu doit être une raison puisqu'il donne une forme, qu'est-il donc? — C'est une âme capable de produire le feu, c'est-à-dire une raison et une vie, lesquelles ne font qu'une seule et même chose. C'est pourquoi Platon dit que dans chacune de ces choses il y a une âme (49), c'est-à-dire une puissance capable de produire le feu sensible. Ainsi le principe qui produit le feu dans notre monde est une vie ignée (ζωὴ πυρίνη), un feu plus réel que le nôtre. Puisque le Feu intelligible est un feu plus réel que le nôtre, il possède aussi une vie plus réelle. Le Feu en soi possède donc la vie. Il y a une raison pareille dans les autres éléments, l'air et l'eau. Pourquoi ces choses ne seraient-elles pas animées comme la terre? Elles sont évidemment contenues dans l'Animal universel et elles en constituent des parties. Sans doute la vie n'est pas manifeste en elles, pas plus que dans la terre; mais on peut la reconnaître en elles, comme on la reconnaît dans la terre, par ses productions :car il naît des animaux dans le feu, et dans l'eau avec plus d'évidence encore ; il s'en forme aussi dans l'air (50). Les flammes qu'on voit chaque jour s'allumer et s'éteindre ne manifestent pas l'Ame universelle [à cause de leur peu de durée] ; sa présence ne se montre pas dans le feu, parce qu'il ne trouve pas ici-bas une masse permanente. Il en est de même de l'eau et de l'air : si par leur nature ces éléments étaient plus consistants, ils laisseraient voir en eux l'Ame universelle; mais comme leur substance est divisée, ils ne nous découvrent pas la puissance qui les anime. Il en est d'eux comme des fluides qui se trouvent dans notre corps, du sang par exemple: la chair, qui paraît animée, se forme aux dépens du sang (51); celui-ci doit donc jouir de la présence de l'âme; cependant il en paraît privé parce qu'il ne manifeste pas de sensibilité, qu'il n'oppose aucune résistance, que par sa fluidité il se sépare facilement de l'âme qui le vivifie, comme cela arrive aux trois éléments dont nous avons déjà parlé. Aussi les animaux formés de l'air condensé ont-ils pour nature de sentir sans pâtir (52). Comme la lumière qui est fixe et permanente pénètre l'air tant qu'il est lui-même permanent, l'Ame aussi pénètre (53) l'atmosphère qui l'entoure sans y être absorbée. Il en est de même pour les éléments autres que l'air.

XII. Ἀλλὰ πάλιν ὧδε λέγωμεν· ἐπεὶ γάρ φαμεν πρὸς οἷον παράδειγμα ἐκείνου τόδε τὸ πᾶν εἶναι, δεῖ κἀκεῖ πρότερον τὸ πᾶν ζῷον εἶναι καί, εἰ παντελὲς τὸ εἶναι αὐτῷ, πάντα εἶναι. Καὶ οὐρανὸν δὴ ἐκεῖ ζῷον εἶναι, καὶ οὐκ ἔρημον τοίνυν ἄστρων τῶν ἐνταῦθα τοῦτο λεγομένων οὐρανόν, καὶ τὸ οὐρανῷ εἶναι τοῦτο. Ἔστι δ´ ἐκεῖ δηλονότι καὶ γῆ οὐκ ἔρημος, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον ἐζωωμένη, καὶ ἔστιν ἐν αὐτῇ ζῷα ξύμπαντα, ὅσα πεζὰ καὶ χερσαῖα λέγεται ἐνταῦθα, καὶ φυτὰ δηλονότι ἐν τῷ ζῆν ἱδρυμένα· καὶ θάλασσα δέ ἐστιν ἐκεῖ, καὶ πᾶν ὕδωρ ἐν ῥοῇ καὶ ζωῇ μενούσῃ, καὶ τὰ ἐν ὕδατι ζῷα πάντα, ἀέρος τε φύσις τοῦ ἐκεῖ παντὸς μοῖρα, καὶ ζῷα ἀέρια ἐν αὐτῷ ἀνάλογον αὐτῷ τῷ ἀέρι. Τὰ γὰρ ἐν ζῶντι πῶς ἂν οὐ ζῶντα, ὅπου δὴ καὶ ἐνταῦθα; Πῶς οὖν οὐ πᾶν ζῷον ἐξ ἀνάγκης ἐκεῖ; Ὡς γὰρ ἕκαστον τῶν μεγάλων μερῶν ἐστιν, ἐξ ἀνάγκης οὕτως ἔχει καὶ ἡ τῶν ζῴων ἐν αὐτοῖς φύσις. Ὅπως οὖν ἔχει καὶ ἔστιν ἐκεῖ οὐρανός, οὕτω καὶ ἔχει καὶ ἔστιν ἐκεῖ τὰ ἐν οὐρανῷ ζῷα πάντα, καὶ οὐκ ἔστι μὴ εἶναι· ἢ οὐδ´ ἐκεῖνα ἔσται. Ὁ οὖν ζητῶν πόθεν ζῷα, ζητεῖ πόθεν οὐρανὸς ἐκεῖ· τοῦτο δ´ ἐστὶ ζητεῖν πόθεν ζῷον, τοῦτο δὲ ταὐτὸν πόθεν ζωὴ καὶ ζωὴ πᾶσα καὶ ψυχὴ πᾶσα καὶ νοῦς ὁ ξύμπας, μηδεμιᾶς ἐκεῖ πενίας μηδ´ ἀπορίας οὔσης, ἀλλὰ πάντων ζωῆς πεπληρωμένων καὶ οἷον ζεόντων.

Ἔστι δ´ αὐτῶν ἡ οἷον ῥοὴ ἐκ μιᾶς πηγῆς, οὐχ οἷον ἑνός τινος πνεύματος ἢ θερμότητος μιᾶς, ἀλλὰ οἷον εἴ τις ἦν ποιότης μία πάσας ἐν αὐτῇ ἔχουσα καὶ σῴζουσα τὰς ποιότητας, γλυκύτητος μετὰ εὐωδίας, καὶ ὁμοῦ οἰνώδης ποιότης καὶ χυλῶν ἁπάντων δυνάμεις καὶ χρωμάτων ὄψεις καὶ ὅσα ἁφαὶ γινώσκουσιν· ἔστωσαν δὲ καὶ ὅσα ἀκοαὶ ἀκούουσι, πάντα μέλη καὶ ῥυθμὸς πᾶς.

XII. Nous le répétons donc : puisque nous admettons que notre univers a pour modèle le monde intelligible, nous devons à plus forte raison reconnaître que celui-ci est l'Animal universel, qui, ayant une essence parfaite, est toutes choses ; par conséquent, dans le monde intelligible, le Ciel aussi est un être animé, et n'est pas privé de ce qu'on nomme ici-bas des astres ; c'est même là ce qui constitue son essence. Là-haut, la terre n'est pas non plus une chose morte; elle est vivante: elle contient tous les animaux qui marchent sur le sol et qu'on nomme terrestres, ainsi que les végétaux qui ont la vie pour fondement. Là-haut existent aussi la mer et l'eau à l'état universel, ayant pour essence une fluidité et une vie permanentes, contenant tous animaux qui vivent dans l'eau. L'air fait également partie du monde intelligible, avec les animaux qui habitent l'air et qui ont là-haut une nature en harmonie avec la sienne. Comment se pourrait-il que les choses contenues dans un être vivant ne fussent pas elles-mêmes vivantes? Aussi le sont-elles même ici-bas. Pourquoi tous les animaux n'existeraient-ils pas nécessairement dans le monde intelligible ? La nature des grandes parties de ce monde détermine en effet de toute nécessité la nature des animaux que ces parties renferment. Ainsi de l'existence et de la nature du monde intelligible résultent l'existence et la nature de tous les êtres qui s'y trouvent contenus. Ces choses s'impliquent l'une l'autre. Demander pourquoi existent les animaux renfermés dans le monde intelligible, c'est demander pourquoi existe ce monde lui-même, c'est demander pourquoi existe l'Animal universel, ou, ce qui revient au même, pourquoi existent la Vie universelle, l'Ame universelle, l'Intelligence universelle, dans lesquelles on ne trouve nul défaut, nulle imperfection, dans lesquelles déborde partout la plénitude de la vie.

Toutes ces choses découlent d'une seule et même source: ce n'est ni un souffle, ni une chaleur unique; c'est plutôt une qualité unique, qui renferme et conserve en soi toutes les qualités, la douceur des parfums les plus suaves, la saveur du vin et des sucs les plus fins, l'éclat des plus vives couleurs, la mollesse des objets qui chatouillent le toucher avec le plus de délicatesse, le rythme et l'harmonie de toutes les espèces de sons qui peuvent charmer les oreilles.

XII. Ἔστι γὰρ οὔτε νοῦς ἁπλοῦν, οὔτε ἡ ἐξ αὐτοῦ ψυχή, ἀλλὰ ποικίλα πάντα ὅσῳ ἁπλᾶ, τοῦτο δὲ ὅσῳ μὴ σύνθετα καὶ ὅσῳ ἀρχαὶ καὶ ὅσῳ ἐνέργειαι. Τοῦ μὲν γὰρ ἐσχάτου ἡ ἐνέργεια ὡς ἂν λήγουσα ἁπλῆ, τοῦ δὲ πρώτου πᾶσαι· νοῦς τε κινούμενος κινεῖται μὲν ὡσαύτως καὶ κατὰ ταὐτὰ καὶ ὅμοια ἀεί, οὐ μέντοι ταὐτὸν καὶ ἕν τι ἐν μέρει, ἀλλὰ πάντα· ἐπεὶ καὶ τὸ ἐν μέρει αὖ οὐχ ἕν, ἀλλὰ καὶ τοῦτο ἄπειρον διαιρούμενον. Ἀπὸ τίνος δέ φαμεν ἂν καὶ πάντως ἐπὶ τί ὡς ἔσχατον; Τὸ δὲ μεταξὺ πᾶν ἆρα ὥσπερ γραμμή, ἢ ὥσπερ ἕτερον σῶμα ὁμοιομερές τι καὶ ἀποίκιλον; Ἀλλὰ τί τὸ σεμνόν; Εἰ γὰρ μηδεμίαν ἔχει ἐξαλλαγὴν μηδέ τις ἐξεγείρει αὐτὸ εἰς τὸ ζῆν ἑτερότης, οὐδ´ ἂν ἐνέργεια εἴη· οὐδὲν γὰρ ἂν ἡ τοιαύτη κατάστασις μὴ ἐνεργείας διαφέροι. Κἂν κίνησις δὲ ᾖ τοιαύτη, οὐ πανταχῶς, μοναχῶς δ´ ἂν εἴη ζωή· δεῖ δὲ πάντα ζῆν καὶ πανταχόθεν καὶ οὐδὲν μὴ ζῆν. Ἐπὶ πάντα οὖν κινεῖσθαι δεῖ, μᾶλλον δὲ κεκινῆσθαι. Ἁπλοῦν δὴ εἰ κινοῖτο, ἐκεῖνο μόνον ἔχει· καὶ ἢ αὐτὸ καὶ οὐ προὔβη εἰς οὐδέν, ἢ εἰ προὔβη, ἄλλο μένον· ὥστε δύο· καὶ εἰ ταὐτὸν τοῦτο ἐκείνῳ, μένει ἓν καὶ οὐ προελήλυθεν, εἰ δ´ ἕτερον, προῆλθε μετὰ ἑτερότητος καὶ ἐποίησεν ἐκ ταὐτοῦ τινος καὶ ἑτέρου τρίτον ἕν. Γενόμενον δὴ ἐκ ταὐτοῦ καὶ ἑτέρου τὸ γενόμενον φύσιν ἔχει ταὐτὸν καὶ ἕτερον εἶναι· ἕτερον δὲ οὐ τί, ἀλλὰ πᾶν ἕτερον· καὶ γὰρ τὸ ταὐτὸν αὐτοῦ πᾶν. Πᾶν δὲ ταὐτὸν ὂν καὶ πᾶν ἕτερον οὐκ ἔστιν ὅ τι ἀπολείπει τῶν ἑτέρων. Φύσιν ἄρα ἔχει ἐπὶ πᾶν ἑτεροιοῦσθαι. Εἰ μὲν οὖν ἔστι πρὸ αὐτοῦ τὰ ἕτερα πάντα, ἤδη πάσχοι ἂν ὑπ´ αὐτῶν· εἰ δὲ μὴ ἔστιν, οὗτος τὰ πάντα ἐγέννα, μᾶλλον δὲ τὰ πάντα ἦν.

Οὐκ ἔστιν ἄρα τὰ ὄντα εἶναι μὴ νοῦ ἐνεργήσαντος, ἐνεργήσαντος δὲ ἀεὶ ἄλλο μετ´ ἄλλο καὶ οἷον πλανηθέντος πᾶσαν πλάνην καὶ ἐν αὐτῷ πλανηθέντος, οἷα νοῦς ἐν αὐτῷ ὁ ἀληθινὸς πέφυκε πλανᾶσθαι· πέφυκε δ´ ἐν οὐσίαις πλανᾶσθαι συνθεουσῶν τῶν οὐσιῶν ταῖς αὐτοῦ πλάναις. Πανταχοῦ δ´ αὐτός ἐστι· μένουσαν οὖν ἔχει τὴν πλάνην. Ἡ δὲ πλάνη αὐτῷ ἐν τῷ τῆς ἀληθείας πεδίῳ, οὗ οὐκ ἐκβαίνει. Ἔχει δὲ καταλαβὼν πᾶν καὶ αὐτῷ ποιήσας εἰς τὸ κινεῖσθαι οἷον τόπον, καὶ ὁ τόπος ὁ αὐτὸς τῷ οὗ τόπος. Ποικίλον δέ ἐστι τὸ πεδίον τοῦτο, ἵνα καὶ διεξίοι· εἰ δὲ μὴ κατὰ πᾶν καὶ ἀεὶ ποικίλον, καθόσον μὴ ποικίλον, ἕστηκεν. Εἰ δ´ ἕστηκεν, οὐ νοεῖ· ὥστε καί, εἰ ἔστη, οὐ νενόηκεν· εἰ δὲ τοῦτο, οὐδ´ ἔστιν. Ἔστιν οὖν νόησις· ἡ δὲ κίνησις πᾶσα πληροῦσα οὐσίαν πᾶσαν, καὶ ἡ πᾶσα οὐσία νόησις πᾶσα ζωὴν περιλαβοῦσα πᾶσαν, καὶ μετ´ ἄλλο ἀεὶ ἄλλο, καὶ ὅ τι αὐτοῦ ταὐτόν, καὶ ἄλλο, καὶ διαιροῦντι ἀεὶ τὸ ἄλλο ἀναφαίνεται. Πᾶσα δὲ διὰ ζωῆς ἡ πορεία καὶ διὰ ζῴων πᾶσα, ὥσπερ καὶ τῷ διὰ γῆς ἰόντι πάντα, ἃ διέξεισι, γῆ, κἂν διαφορὰς ἔχῃ ἡ γῆ. Καὶ ἐκεῖ ἡ μὲν ζωή, δι´ ἧς, ἡ αὐτή, ὅτι δὲ ἀεὶ ἄλλη, οὐχ ἡ αὐτή. Ἀεὶ δ´ ἔχων τὴν αὐτὴν διὰ τῶν οὐκ αὐτῶν διέξοδον, ὅτι μὴ ἀμείβει, ἀλλὰ σύνεστι τοῖς ἄλλοις τὸ ὡσαύτως καὶ κατὰ ταὐτά· ἐὰν γὰρ μὴ περὶ τὰ ἄλλα τὰ ὡσαύτως καὶ κατὰ τὰ αὐτά, ἀργεῖ πάντη καὶ τὸ ἐνεργείᾳ καὶ ἡ ἐνέργεια οὐδαμοῦ. Ἔστι δὲ καὶ τὰ ἄλλα αὐτός, ὥστε πᾶς αὐτός. Καὶ εἴπερ αὐτός, πᾶς, εἰ δὲ μή, οὐκ αὐτός. Εἰ δὲ πᾶς αὐτὸς καὶ πᾶς, ὅτι τὰ πάντα, καὶ οὐδέν ἐστιν, ὅ τι μὴ συντελεῖ εἰς τὰ πάντα, οὐδέν ἐστιν αὐτοῦ, ὅ τι μὴ ἄλλο, ἵνα ἄλλο ὂν καὶ τοῦτο συντελῇ. Εἰ γὰρ μὴ ἄλλο, ἀλλὰ ἄλλῳ ταὐτόν, ἐλαττώσει αὐτοῦ τὴν οὐσίαν ἰδίαν οὐ παρεχόμενον εἰς συντέλειαν αὐτοῦ φύσιν.

XIII. Ni l'Intelligence, ni l'Ame qui procède d'elle ne sont une essence simple ; toutes les deux renferment l'universalité des choses avec leur variété infinie, en tant que celles-ci sont simples, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas composées, qu'elles sont principes et actes : car, dans le monde intelligible, l'acte de ce qui occupe le dernier rang est simple; l'acte de ce qui occupe le premier rang est universel. L'Intelligence, dans son mouvement uniforme, se porte toujours sur des choses semblables et identiques ; cependant, chacune d'elles est identique et une sans être une partie ; elle est au contraire universelle, parce que ce qui est partie dans le monde intelligible n'est pas une simple unité, mais une unité divisible à l'infini. Dans ce mouvement, l'Intelligence part d'un objet et va à un autre objet qui est son terme (54). Mais tout ce qui est intermédiaire ressemble-t-il à une ligne droite ou à un corps uniforme et homogène? Qu'y aurait-il là de grand? Si l'Intelligence ne renfermait pas de différences, si nulle diversité ne l'éveillait à la vie, elle ne serait pas acte; son état ne différerait en rien de l'inactivité. Si son mouvement était déterminé d'une seule façon, elle ne posséderait qu'une seule espèce de vie au lieu de posséder la vie universelle. Or elle doit avoir en elle une vie universelle, omniprésente ; par conséquent, elle doit se mouvoir ou plutôt s'être mue vers toutes les essences. Qu'elle se meuve d'une manière simple et uniforme, elle ne possède plus qu'une seule chose, elle lui est identique, elle ne procède plus vers une chose différente. Puisqu'elle procède vers une chose différente, il faut qu'elle devienne une chose différente, qu'elle soit deux choses. Si ces deux choses sont identiques, l'Intelligence reste encore une et il n'y a plus de procession; si au contraire ces deux choses sont différentes, elle procède à l'aide de cette différence, et eu vertu de cette différence jointe à son identité elle engendre une troisième chose. Celle-ci, par son origine, est à la fois identique et différente ; elle n'est pas telle ou telle différence, mais toute espèce de différence, parce que l'identité qu'elle contient est-elle-même universelle. Etant ainsi différence universelle aussi bien qu'identité universelle, cette chose possède tout ce qu'on nomme différent : car sa nature est d'être une différenciation universelle (ἐπὶ πᾶν ἑτεροιοῦσθαι). Si toutes les différences précédaient cette chose, celle-ci serait modifiée par elles. S'il n'en est pas ainsi, elle a dû engendrer toutes les différences, ou plutôt être leur universalité (55).

II est donc impossible que les essences existent sans l'acte de l'Intelligence. Par cet acte, après avoir produit une essence, l'Intelligence en a produit toujours une autre, elle a parcouru en quelque sorte la carrière qu'il est naturel à l'Intelligence véritable de parcourir en. elle-même : cette carrière, c'est celle des essences, dont chacune correspond à une de ses évolutions. Puisque l'Intelligence est partout identique, ses évolutions impliquent permanence, et elles lui font parcourir «le champ de la vérité (56),» sans en sortir jamais. Elle occupe ce champ tout entier, parce qu'elle s'est fait à elle-même le lieu où elle opère ses évolutions, lieu identique à ce qu'il contient. Ce champ est varié pour qu'il offre une carrière à parcourir : s'il n'était pas universellement et toujours varié, il y aurait un point d'arrêt où cesserait la variété; or, si l'Intelligence s'arrêtait, elle ne penserait pas; et si elle s'était jamais arrêtée, elle aurait été sans penser. Or cela n'est pas; donc la Pensée existe, et son mouvement universel produit la plénitude de l'Essence universelle. L'Essence universelle est la Pensée qui embrasse la Vie universelle, et qui après une chose en conçoit toujours une autre, parce que, ce qui en elle est identique étant aussi différent, toujours elle divise et toujours elle trouve une chose différente des autres. Dans sa marche, l'Intelligence va toujours de la vie à la vie, des êtres animés aux êtres animés; de même un voyageur, en s'avançant sur la terre, ne voit jamais s'offrir à ses yeux rien autre chose que la terre, quelques diversités qu'ait sa surface. Dans le monde intelligible, la vie dont on parcourt le champ est toujours identique à elle-même, mais aussi elle est toujours différente. Il en résulte qu'elle ne nous paraît pas identique, parce que dans son évolution (διέξοδος), qui est identique, elle parcourt des choses qui ne le sont pas; elle ne change pas pour cela: car elle parcourt des choses différentes d'une manière uniforme et identique. Si cette uniformité et celte identité de l'Intelligence ne s'appliquaient pas à des choses différentes, l'Intelligence demeurerait oisive; elle n'existerait plus en acte, elle ne serait plus acte. Or ces choses différentes constituent l'Intelligence même. L'Intelligence est donc universelle, parce que cette universalité forme son essence même. Ainsi, étant universelle, l'Intelligence est toutes choses : il n'y a rien en elle qui ne concoure à l'universalité; il n'y a rien non plus qui ne soit différent, afin de pouvoir, par sa différence même, concourir encore à la totalité. S'il n'y avait pas de différence, si tout était identique en elle, l'Intelligence perdrait de son essence, parce que sa nature ne formerait plus un tout plein d'harmonie.

XIV. Ἔστι δὲ καὶ παραδείγμασι νοεροῖς χρώμενον εἰδέναι οἷόν ἐστι νοῦς, ὡς οὐκ ἀνέχεται οἷον κατὰ μονάδα μὴ ἄλλος εἶναι. Τίνα γὰρ καὶ βούλει εἰς παράδειγμα λαβεῖν λόγον εἴτε φυτοῦ εἴτε ζῴου; Εἰ γὰρ ἕν τι καὶ μὴ ἓν τοῦτο ποικίλον, οὔτ´ ἂν λόγος εἴη, τό τε γενόμενον ὕλη ἂν εἴη τοῦ λόγου μὴ πάντα γενομένου εἰς τὸ πανταχοῦ τῆς ὕλης ἐμπεσόντα μηδὲν αὐτῆς ἐᾶσαι τὸ αὐτὸ εἶναι. Οἷον πρόσωπον οὐκ ὄγκος εἷς, ἀλλὰ καὶ ῥῖνες καὶ ὀφθαλμοί· καὶ ἡ ῥὶς οὐχὶ οὖσα ἕν, ἀλλ´ ἕτερον, τὸ δ´ ἕτερον αὖ πάλιν αὐτῆς, εἰ ἔμελλε ῥὶς εἶναι· ἓν γάρ τι ἁπλῶς οὖσα ὄγκος ἂν ἦν μόνον. Καὶ τὸ ἄπειρον οὕτως ἐν νῷ, ὅτι ἂν ὡς ἓν πολλά, οὐχ ὡς ὄγκος εἷς, ἀλλ´ ὡς λόγος πολὺς ἐν αὐτῷ, ἐν ἑνὶ σχήματι νοῦ οἷον περιγραφῇ ἔχων περιγραφὰς ἐντὸς καὶ σχηματισμοὺς αὖ ἐντὸς καὶ δυνάμεις καὶ νοήσεις καὶ τὴν διαίρεσιν μὴ κατ´ εὐθύ, ἀλλ´ εἰς τὸ ἐντὸς ἀεί, οἷον τοῦ παντὸς ζῴου ἐμπεριεχομένας ζῴων φύσεις, καὶ πάλιν αὖ ἄλλας ἐπὶ τὰ μικρότερα τῶν ζῴων καὶ εἰς τὰς ἐλάττους δυνάμεις, ὅπου στήσεται εἰς εἶδος ἄτομον. Ἡ δὲ διαίρεσις ἔγκειται οὐ συγκεχυμένων, καίτοι εἰς ἓν ὄντων, ἀλλ´ ἔστιν ἡ λεγομένη ἐν τῷ παντὶ φιλία τοῦτο, οὐχ ἡ ἐν τῷδε τῷ παντί· μιμεῖται γὰρ αὕτη ἐκ διεστηκότων οὖσα φίλη· ἡ δὲ ἀληθὴς πάντα ἓν εἶναι καὶ μήποτε διακριθῆναι. Διακρίνεσθαι δέ φησι τὸ ἐν τῷδε τῷ οὐρανῷ.

XIV. Nous pouvons par des exemples intellectuels comprendre quelle est la nature de l'Intelligence et voir qu'elle ne saurait être une unité qui n'admette aucune espèce de différence. Prenons pour exemple la raison [séminale] d'une plante ou celle d'un animal. Si elle n'est qu'une unité sans aucune espèce de variété, elle n'est même plus une raison; ce qui en naîtra ne sera que matière. Il faut donc que cette raison contienne tous les organes, et qu'embrassant toute la matière elle n'en laisse aucune partie demeurer identique aux autres. Le visage, par exemple, ne forme pas une seule masse : il contient le nez, les yeux, etc.; le nez de son côté n'est pas une chose simple : il comprend diverses parties par la variété desquelles il est un organe; réduit à l'état d'unité absolument simple, il ne serait plus qu'une masse. Ainsi, l'Intelligence renferme Y infini, parce qu'elle est à la fois une et multiple, non comme l'est une maison, mais comme l'est une raison [séminale] intérieurement multiple. Elle contient donc en son sein une espèce de figure (de schème, σχῆμα) ou bien de tableau, où se trouvent dessinées et circonscrites intérieurement ses puissances et ses pensées; leur division ne se produit pas au dehors, elle est tout intérieure. De cette manière, l'Animal universel embrasse d'autres animaux, dans lesquels on découvre d'autres animaux encore plus petits, d'autres puissances encore moins grandes, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on arrive à la forme individuelle (57 (εἶδος ἄτομον). Toutes ces formes sont distinguées les unes des autres par leur division, sans jamais avoir été confondues ensemble, quoiqu'elles concourent toutes à constituer une seule unité. Ainsi existe dans le monde intelligible cette union qu'on appelle amitié, mais cette union est bien différente de celle qui existe dans le monde sensible (58). La seconde en effet n'est que l'image de la première, parce qu'elle est formée d'éléments complètement séparés les uns des autres. La véritable union consiste pour les choses à n'en former qu'une seule sans avoir entre elles aucune séparation. Or ici-bas les objets sont séparés les uns des autres.

XV. Ταύτην οὖν τὴν ζωὴν τὴν πολλὴν καὶ πᾶσαν καὶ πρώτην καὶ μίαν τίς ἰδὼν οὐκ ἐν ταύτῃ εἶναι ἀσπάζεται τὴν ἄλλην πᾶσαν ἀτιμάσας; Σκότος γὰρ αἱ ἄλλαι αἱ κάτω καὶ σμικραὶ καὶ ἀμυδραὶ καὶ ἀτελεῖς καὶ οὐ καθαραὶ καὶ τὰς καθαρὰς μολύνουσαι. Κἂν εἰς αὐτὰς ἴδῃς, οὐκέτι τὰς καθαρὰς οὔτε ὁρᾷς οὔτε ζῇς ἐκείνας τὰς πάσας ὁμοῦ, ἐν αἷς οὐδέν ἐστιν ὅ τι μὴ ζῇ καὶ καθαρῶς ζῇ κακὸν οὐδὲν ἔχον. Τὰ γὰρ κακὰ ἐνταῦθα, ὅτι ἴχνος ζωῆς καὶ νοῦ ἴχνος· ἐκεῖ δὲ τὸ ἀρχέτυπον τὸ ἀγαθοειδές φησιν, ὅτι ἐν τοῖς εἴδεσι τὸ ἀγαθὸν ἔχει. Τὸ μὲν γάρ ἐστιν ἀγαθόν, ὁ δὲ ἀγαθός ἐστιν ἐν τῷ θεωρεῖν τὸ ζῆν ἔχων· θεωρεῖ δὲ ἀγαθοειδῆ ὄντα τὰ θεωρούμενα καὶ αὐτά, ἃ ἐκτήσατο, ὅτε ἐθεώρει τὴν τοῦ ἀγαθοῦ φύσιν. Ἦλθε δὲ εἰς αὐτὸν οὐχ ὡς ἐκεῖ ἦν, ἀλλ´ ὡς αὐτὸς ἔσχεν. Ἀρχὴ γὰρ ἐκεῖνος καὶ ἐξ ἐκείνου ἐν τούτῳ καὶ οὗτος ὁ ποιήσας ταῦτα ἐξ ἐκείνου. Οὐ γὰρ ἦν θέμις βλέποντα εἰς ἐκεῖνον μηδὲν νοεῖν οὐδ´ αὖ τὰ ἐν ἐκείνῳ· οὐ γὰρ ἂν αὐτὸς ἐγέννα. Δύναμιν οὖν εἰς τὸ γεννᾶν εἶχε παρ´ ἐκείνου καὶ τῶν αὐτοῦ πληροῦσθαι γεννημάτων διδόντος ἐκείνου ἃ μὴ εἶχεν αὐτός. Ἀλλ´ ἐξ ἑνὸς αὐτοῦ πολλὰ τούτῳ· ἣν γὰρ ἐκομίζετο δύναμιν ἀδυνατῶν ἔχειν συνέθραυε καὶ πολλὰ ἐποίησε τὴν μίαν, ἵν´ οὕτω δύναιτο κατὰ μέρος φέρειν. Ὅ τι οὖν ἐγέννα, ἀγαθοῦ ἐκ δυνάμεως ἦν καὶ ἀγαθοειδὲς ἦν, καὶ αὐτὸς ἀγαθὸς ἐξ ἀγαθοειδῶν, ἀγαθὸν ποικίλον. Διὸ καὶ εἴ τις αὐτὸν ἀπεικάζει σφαίρᾳ ζώσῃ ποικίλῃ, εἴτε παμπρόσωπόν τι χρῆμα λάμπον ζῶσι προσώποις εἴτε ψυχὰς τὰς καθαρὰς πάσας εἰς τὸ αὐτὸ συνδραμούσας φαντάζοιτο οὐκ ἐνδεεῖς, ἀλλὰ πάντα τὰ αὐτῶν ἐχούσας, καὶ νοῦν τὸν πάντα ἐπ´ ἄκραις αὐταῖς ἱδρυμένον, ὡς φέγγει νοερῷ καταλάμπεσθαι τὸν τόπον — φανταζόμενος μὲν οὕτως ἔξω πως ἄλλος ὢν ὁρῴη ἄλλον· δεῖ δὲ ἑαυτὸν ἐκεῖνο γενόμενον τὴν θέαν [ἑαυτὸν] ποιήσασθαι.

XV (59). Qui pourra donc contempler cette Vie multiple et universelle, première et une, sans être épris d'elle et sans mépriser toute autre espèce de vie? Car ce sont de véritables ténèbres que ces vies d'ici-bas, vies faibles, impuissantes, incomplètes, dont l'impureté souille la pureté des autres vies. Dès que vous regardez ces vies impures, vous ne voyez plus les autres, vous ne vivez plus avec toutes ces vies dans lesquelles tout est vivant et affranchi de toute impureté, de tout contact du mal. En effet, le mal ne règne qu'ici-bas (60), où nous n'avons qu'un vestige de l'Intelligence et de la vie intelligible. Au contraire, dans le monde intelligible existe cet archétype qui possède la forme du Bien (τὸ ἀρχέτυπον τὸ ἀγαθοειδές), comme le dit Platon (61), parce qu'il possède le Bien par les formes [par les idées]. Autre chose est en effet le Bien absolu, autre chose l'Intelligence, qui est bonne parce que sa vie consiste à contempler. Les objets que l'Intelligence contemple sont les essences qui ont la forme du Bien et qu'elle possède depuis le moment où elle a contemplé le Bien. Elle l'a reçu, non tel qu'il était en lui-même, mais tel qu'elle a pu le recevoir. Le Bien est en effet le principe suprême. L'Intelligence tient de lui sa perfection; si elle a engendré tous les intelligibles, c'est à lui qu'elle le doit : d'un côté, elle ne pouvait considérer le Bien sans penser ; d'un autre côté, elle ne devait pas voir en lui les intelligibles ; autrement, elle ne les eût pas engendrés. Ainsi, l'Intelligence a reçu du Bien la puissance d'engendrer et de se remplir de ce qu'elle a engendré (62). Le Bien ne possède pas lui-même les choses dont il a ainsi fait don : car il est absolument un, et ce qu'il a donné à l'Intelligence est multiple. Incapable d'embrasser dans sa plénitude et de posséder dans son unité la puissance qu'elle recevait, l'Intelligence l'a brisée en mille fragments et l'a rendue multiple pour la posséder au moins par parties. Ainsi, toutes les essences engendrées par l'Intelligence procèdent de la puissance qu'elle tient du Bien et elles en portent la forme ; comme l'Intelligence est bonne elle-même et qu'elle est composée de choses qui portent la forme du Bien, elle est un bien varié. Pour se la représenter, qu'on s'imagine une sphère variée et vivante, ou un composé de faces animées et brillantes ; ou bien qu'on se figure encore les âmes pures, parfaites et complètes dans leur essence, unies toutes ensemble par leur sommet, puis l'Intelligence universelle assise à ce sommet et illuminant toute la région intelligible. Nous supposons ici que celui qui se figure cette image la considère comme une chose placée hors de lui; mais [pour contempler l'Intelligence], il faut devenir l'Intelligence, et se donner ensuite le spectacle de soi-même.

XVI. Χρὴ δὲ μηδ´ ἀεὶ ἐν τῷ πολλῷ τούτῳ καλῷ μένειν, μεταβαίνειν δ´ ἔτι πρὸς τὸ ἄνω ἀίξαντα, ἀφέντα καὶ τοῦτο, οὐκ ἐκ τούτου τοῦ οὐρανοῦ, ἀλλ´ ἐξ ἐκείνου, θαυμάσαντα τίς ὁ γεννήσας καὶ ὅπως. Ἕκαστον μὲν οὖν εἶδος, ἕκαστον καὶ ἴδιος οἷον τύπος· ἀγαθοειδὲς δὲ ὂν κοινὸν τὸ ἐπιθέον ἐπὶ πᾶσι πάντα ἔχει. Ἔχει μὲν οὖν καὶ τὸ ὂν ἐπὶ πᾶσιν, ἔχει δὲ καὶ τὸ ζῷον ἕκαστον ζωῆς κοινῆς ἐπὶ πᾶσιν ὑπαρχούσης, τάχα δ´ ἂν καὶ ἄλλα. Ἀλλὰ καθ´ ὅσον ἀγαθὰ καὶ δι´ ὅτι ἀγαθά, τί ἂν εἴη; Πρὸς δὴ τὴν τοιαύτην σκέψιν τάχ´ ἂν εἴη προὔργου ἄρξασθαι ἐντεῦθεν. Ἆρα, ὅτε ἑώρα πρὸς τὸ ἀγαθόν, ἐνόει ὡς πολλὰ τὸ ἓν ἐκεῖνο καὶ ἓν ὂν αὐτὸς ἐνόει αὐτὸν πολλά, μερίζων αὐτὸν παρ´ αὐτῷ τῷ νοεῖν μὴ ὅλον ὁμοῦ δύνασθαι; Ἀλλ´ οὔπω νοῦς ἦν ἐκεῖνο βλέπων, ἀλλ´ ἔβλεπεν ἀνοήτως. Ἢ φατέον ὡς οὐδὲ ἑώρα πώποτε, ἀλλ´ ἔζη μὲν πρὸς αὐτὸ καὶ ἀνήρτητο αὐτοῦ καὶ ἐπέστραπτο πρὸς αὐτό, ἡ δὴ κίνησις αὕτη πληρωθεῖσα τῷ ἐκεῖ κινεῖσθαι καὶ περὶ ἐκεῖνο ἐπλήρωσεν αὐτὸ καὶ οὐκέτι κίνησις ἦν μόνον, ἀλλὰ κίνησις διακορὴς καὶ πλήρης· ἑξῆς δὲ πάντα ἐγένετο καὶ ἔγνω τοῦτο ἐν συναισθήσει αὐτοῦ καὶ νοῦς ἤδη ἦν, πληρωθεὶς μέν, ἵν´ ἔχῃ, ὃ ὄψεται, βλέπων δὲ αὐτὰ μετὰ φωτὸς παρὰ τοῦ δόντος ἐκεῖνα καὶ τοῦτο κομιζόμενος. Διὰ τοῦτο οὐ μόνον λέγεται τῆς οὐσίας, ἀλλὰ καὶ τοῦ ὁρᾶσθαι αὐτὴν αἴτιος ἐκεῖνος εἶναι. Ὥσπερ δὲ ὁ ἥλιος τοῦ ὁρᾶσθαι τοῖς αἰσθητοῖς καὶ τοῦ γίνεσθαι αἴτιος ὢν αἴτιός πως καὶ τῆς ὄψεώς ἐστιν—οὔκουν οὔτε ὄψις οὔτε τὰ γινόμενα —οὕτως καὶ ἡ τοῦ ἀγαθοῦ φύσις αἰτία οὐσίας καὶ νοῦ οὖσα καὶ φῶς κατὰ τὸ ἀνάλογον τοῖς ἐκεῖ ὁρατοῖς καὶ τῷ ὁρῶντι οὔτε τὰ ὄντα οὔτε νοῦς ἐστιν, ἀλλὰ αἴτιος τούτων καὶ νοεῖσθαι φωτὶ τῷ ἑαυτοῦ εἰς τὰ ὄντα καὶ εἰς τὸν νοῦν παρέχων. Πληρούμενος μὲν οὖν ἐγίνετο, πληρωθεὶς δὲ ἦν, καὶ ὁμοῦ ἀπετελέσθη καὶ ἑώρα. Ἀρχὴ δὲ αὐτοῦ ἐκεῖνο τὸ πρὶν πληρωθῆναι ἦν· ἑτέρα δὲ ἀρχὴ οἱονεὶ ἔξωθεν ἡ πληροῦσα ἦν, ἀφ´ ἧς οἷον ἐτυποῦτο πληρούμενος.

XVI. Au lieu de s'arrêter à cette beauté multiple, il faut la laisser pour s'élever au principe suprême [au Bien]. En raisonnant, non d'après la nature de notre monde, mais d'après celle de l'Intelligence universelle, on doit se demander avec étonnement quel est le principe qui l'a engendrée et comment il l'a engendrée (63). Chacune des essences contenues dans l'Intelligence est une forme particulière, et a en quelque sorte son type propre (ἴδιος οἷον τύπος ) . Leur caractère commun étant d'être conformes au Bien, il en résulte que l'Intelligence contient toutes les choses conformes au Bien. Elle possède donc l'être qui est dans toutes choses; elle contient tous les animaux, ainsi que la vie universelle qui se trouve en eux, et tout le reste. Pour quelle raison faut-il regarder ces choses comme des biens, quand on les considère sous ce point de vue? — La solution de cette question se déduit des réflexions suivantes. Quand l'Intelligence a regardé le Bien pour la première fois, n'a-t-elle pas rendu multiple son unité en la pensant? Quoiqu'elle fût elle-même un être un, n'a-t-elle pas divisé cette unité en la pensant par suite de l'impossibilité où elle était de l'embrasser tout entière? — Mais quand elle a regardé le Bien pour la première fois, elle n'était pas encore intelligence. — Est-ce donc qu'elle regardait le Bien sans intelligence? — Elle ne le voyait pas encore ; mais elle vivait près de lui, elle lui était suspendue, elle était tournée vers lui (64). Étant arrivé à sa plénitude, parce qu'il s'opérait là haut et qu'il se portait vers le Bien, le mouvement de l'Intelligence l'a conduite elle-même à sa plénitude; dès lors il a été, non plus un simple mouvement, mais un mouvement parfait et complet. Il est devenu toutes choses, et, en ayant conscience de lui-même, il a connu qu'il était en effet toutes choses. Il est devenu ainsi l'Intelligence, qui possède la plénitude afin de contenir ce qu'elle doit voir, et qui voit par la lumière qu'elle reçoit de Celui dont elle tient ce qu'elle voit. C'est pourquoi l'on dit que le Bien est non-seulement la cause de l'essence, mais encore la cause de l'intuition de l'essence. Comme le soleil est pour les choses sensibles la cause qui les fait exister et les rend visibles, comme il est aussi la cause de la vision, et qu'il n'est cependant ni la vision ni les choses visibles.; de même, le Bien est la cause de l'Essence et de l'Intelligence (65); il est une lumière en rapport avec les essences qui sont vues et avec l'Intelligence qui les voit; mais il n'est ni  les essences ni l'Intelligence; il est seulement leur cause ; il produit la pensée en répandant sa lumière sur les essences et sur l'Intelligence. C'est ainsi que l'Intelligence est arrivée à la plénitude, et qu'arrivée à la plénitude elle est devenue parfaite et elle a vu. Son principe, c'est-ce qui a précédé sa plénitude. Mais elle a un autre principe [le Bien], lequel lui est extérieur en quelque sorte, c'est celui qui lui adonné sa plénitude, et qui, en la lui donnant, lui a imprimé sa forme.

XVII. Ἀλλὰ πῶς ταῦτα ἐν αὐτῷ καὶ αὐτός, οὐκ ὄντων ἐκεῖ ἐν τῷ πληρώσαντι οὐδ´ αὖ ἐν αὐτῷ τῷ πληρουμένῳ; Ὅτε γὰρ μήπω ἐπληροῦτο, οὐκ εἶχεν. Ἢ οὐκ ἀνάγκη, ὅ τις δίδωσι, τοῦτο ἔχειν, ἀλλὰ δεῖ ἐν τοῖς τοιούτοις τὸ μὲν διδὸν μεῖζον νομίζειν, τὸ δὲ διδόμενον ἔλαττον τοῦ διδόντος· τοιαύτη γὰρ ἡ γένεσις ἐν τοῖς οὖσι. Πρῶτον γὰρ δεῖ τὸ ἐνεργείᾳ εἶναι, τὰ δ´ ὕστερα εἶναι δυνάμει τὰ πρὸ αὐτῶν· καὶ τὸ πρῶτον δὲ ἐπέκεινα τῶν δευτέρων καὶ τοῦ διδομένου τὸ διδὸν ἐπέκεινα ἦν· κρεῖττον γάρ. Εἴ τι τοίνυν ἐνεργείας πρότερον, ἐπέκεινα ἐνεργείας, ὥστε καὶ ἐπέκεινα ζωῆς. Εἰ οὖν ζωὴ ἐν τούτῳ, ὁ διδοὺς ἔδωκε μὲν ζωὴν, καλλίων δὲ καὶ τιμιώτερος ζωῆς. Εἶχεν οὖν ζωὴν καὶ οὐκ ἐδεῖτο ποικίλου τοῦ διδόντος, καὶ ἦν ἡ ζωὴ ἴχνος τι ἐκείνου, οὐκ ἐκείνου ζωή. Πρὸς ἐκεῖνο μὲν οὖν βλέπουσα ἀόριστος ἦν, βλέψασα δ´ ἐκεῖ ὡρίζετο ἐκείνου ὅρον οὐκ ἔχοντος. Εὐθὺς γὰρ πρὸς ἕν τι ἰδοῦσα ὁρίζεται τούτῳ καὶ ἴσχει ἐν αὐτῇ ὅρον καὶ πέρας καὶ εἶδος· καὶ τὸ εἶδος ἐν τῷ μορφωθέντι, τὸ δὲ μορφῶσαν ἄμορφον ἦν. Ὁ δὲ ὅρος οὐκ ἔξωθεν, οἷον μεγέθει περιτεθείς, ἀλλ´ ἦν πάσης ἐκείνης τῆς ζωῆς ὅρος πολλῆς καὶ ἀπείρου οὔσης, ὡς ἂν παρὰ τοιαύτης φύσεως ἐκλαμψάσης. Ζωή τε ἦν οὐ τοῦδε· ὥριστο γὰρ ἂν ὡς ἀτόμου ἤδη· ἀλλ´ ὥριστο μέντοι· ἦν ἄρα ὁρισθεῖσα ὡς ἑνός τινος πολλοῦ—ὥριστο δὴ καὶ ἕκαστον τῶν πολλῶν — διὰ μὲν τὸ πολὺ τῆς ζωῆς πολλὰ ὁρισθεῖσα, διὰ δὲ αὖ τὸν ὅρον ἕν. Τί οὖν τὸ «ἓν ὡρίσθη»; Νοῦς· ὁρισθεῖσα γὰρ ζωὴ νοῦς. Τί δὲ τὸ «πολλά»; Νόες πολλοί. Πάντα οὖν νόες, καὶ ὁ μὲν πᾶς νοῦς, οἱ δὲ ἕκαστοι νοῖ. Ὁ δὲ πᾶς νοῦς ἕκαστον περιέχων ἆρα ταὐτὸν ἕκαστον περιέχει; Ἀλλ´ ἕνα ἂν περιεῖχεν. Εἰ οὖν πολλοί, διαφορὰν δεῖ εἶναι. Πάλιν οὖν πῶς ἕκαστος διαφορὰν ἔσχεν; Ἢ ἐν τῷ καὶ εἷς ὅλως γενέσθαι εἶχε τὴν διαφοράν· οὐ γὰρ ταὐτὸν ὁτουοῦν νοῦ τὸ πᾶν. Ἦν οὖν ἡ μὲν ζωὴ δύναμις πᾶσα, ἡ δὲ ὅρασις ἡ ἐκεῖθεν δύναμις πάντων, ὁ δὲ γενόμενος νοῦς αὐτὰ ἀνεφάνη τὰ πάντα. Ὁ δὲ ἐπικάθηται αὐτοῖς, οὐχ ἵνα ἱδρυθῇ, ἀλλ´ ἵνα ἱδρύσῃ εἶδος εἰδῶν τῶν πρώτων ἀνείδεον αὐτό. Καὶ νοῦς δὲ γίνεται πρὸς ψυχὴν οὕτως φῶς εἰς αὐτήν, ὡς ἐκεῖνος εἰς νοῦν· καὶ ὅταν καὶ οὗτος ὁρίσῃ τὴν ψυχήν, λογικὴν ποιεῖ δοὺς αὐτῇ ὧν ἔσχεν ἴχνος. Ἴχνος οὖν καὶ νοῦς ἐκείνου· ἐπεὶ δὲ ὁ νοῦς εἶδος καὶ ἐν ἐκτάσει καὶ πλήθει, ἐκεῖνος ἄμορφος καὶ ἀνείδεος· οὕτω γὰρ εἰδοποιεῖ. Εἰ δ´ ἦν ἐκεῖνος εἶδος, ὁ νοῦς ἦν ἂν λόγος. Ἔδει δὲ τὸ πρῶτον μὴ πολὺ μηδαμῶς εἶναι· ἀνήρτητο γὰρ ἂν τὸ πολὺ αὐτοῦ εἰς ἕτερον αὖ πρὸ αὐτοῦ.

XVII. Comment les essences peuvent-elles se trouver dans l'Intelligence et la constituer, si elles n'étaient ni dans ce qui a donné, ni dans ce qui a reçu cette plénitude, puisque, avant de recevoir du Bien sa plénitude, l'Intelligence ne possédait pas les essences ? — II n'est point nécessaire qu'un principe possède lui-même ce qu'il donne : il suffit, dans les choses intelligibles, de regarder celui qui donne comme supérieur, celui qui reçoit comme inférieur: c'est en cela que consiste la génération dans l'ordre des êtres véritables (66). Ce qui occupe le premier rang doit être en acte; les choses postérieures doivent être en puissance ce qui les précède. Ce qui occupe le premier rang est supérieur à ce qui occupe le second rang; ce qui donne est également supérieur à ce qui est donné, parce qu'il est meilleur. S'il y a donc un principe antérieur à l'acte, il doit être supérieur à l'acte et à la vie; quoiqu'il ait donné la vie à l'Intelligence, il est plus beau, plus vénérable encore que la vie. Ainsi l'Intelligence a reçu la vie, sans que le principe dont elle l'a reçue ait dû renfermer lui-même quelque variété. La vie est l'empreinte de Celui qui l'a donnée, mais elle n'est pas sa vie. Au moment où l'Intelligence a tourné ses regards vers lui, elle était indéterminée ; dès qu'elle a attaché son regard sur lui, elle a été déterminée par lui, quoiqu'il n'eût pas lui-même de détermination. Aussitôt en effet qu'elle a considéré l'Un, elle a été déterminée par lui, elle a reçu de lui sa détermination, sa limite, sa forme. La forme se trouve dans ce qui reçoit ; Celui qui donne n'en a pas lui-même. Cette détermination n'a pas été imposée du dehors à l'Intelligence comme cela a lieu pour la limite imposée à une grandeur ; c'est la détermination propre à cette Vie, qui est universelle, multiple et infinie, parce qu'elle a rayonné de la nature suprême : cette Vie n'était pas encore la vie de tel ou tel principe ; sinon, elle aurait été déterminée comme vie individuelle. Cependant elle a été déterminée, et en vertu de cette détermination elle est la vie d'une unité multiple. Chacune des choses qui constituent sa multiplicité a été également déterminée. En effet, la Vie a été déterminée comme multiplicité d'essences à cause de sa propre multiplicité ; comme unité, à cause de la détermination même qu'elle a reçue. Qu'est-ce qui a été déterminé comme unité? L'Intelligence, parce qu'elle est la vie déterminée. Qu'est-ce qui a été déterminé comme multiplicité? La multiplicité des intelligences. Tout est ainsi intelligence : seulement, l'Intelligence qui est une est universelle; les intelligences qui forment multiplicité sont individuelles.

Si l'Intelligence universelle comprend toutes les intelligences individuelles, s'en suit-il que chacune de ces dernières soit identique aux autres?— Non : car alors il n'y en aurait qu'une seule. La multiplicité des intelligences implique donc une différence entre elles (67). — Mais comment chacune diffère-t-elle des autres ? — Elle en diffère en cela même qu'elle est une : car il n'y a point identité entre l'Intelligence universelle et une intelligence particulière quelconque. Ainsi, dans l'Intelligence, la vie est puissance universelle ; l'intuition qui en émane est la puissance de toutes choses ; enfin l'Intelligence elle-même, quand elle est formée, nous manifeste toutes ces choses. Au sommet des essences est Celui qui est leur principe : elles ne lui servent pas de fondement; c'est lui au contraire qui est le fondement de la Forme des formes sans avoir lui-même de forme. L'Intelligence joue à l'égard de l'Ame le rôle que le Premier joue à son propre égard : elle verse sur l'Ame sa lumière, et, pour la déterminer, elle la rend raisonnable en lui communiquant ce dont elle est elle-même le vestige. L'Intelligence est donc le vestige du Premier, et tandis qu'elle est une forme qui se développe en pluralité, le Premier n'a aucune espèce de forme (ἄμορφος καὶ ἀνείδος), afin de donner la forme à tout le reste. S'il était lui-même une forme, l'Intelligence ne serait plus que la Raison [l'Ame] (68). Ιl fallait donc que le Premier ne renfermât aucune multiplicité ; sinon, sa multiplicité aurait dû être elle-même rapportée à un principe supérieur.

XVIII.  Ἀλλ´ ἀγαθοειδῆ κατὰ τί τὰ ἐν τῷ νῷ; Ἆρα ᾗ εἶδος ἕκαστον ἢ ᾗ καλὰ ἢ τί; Εἰ δὴ τὸ παρὰ τοῦ ἀγαθοῦ ἧκον πᾶν ἴχνος καὶ τύπον ἔχει ἐκείνου ἢ ἀπ´ ἐκείνου, ὥσπερ τὸ ἀπὸ πυρὸς ἴχνος πυρὸς καὶ τὸ ἀπὸ γλυκέος γλυκέος ἴχνος, ἥκει δὲ εἰς νοῦν καὶ ζωὴ ἀπ´ ἐκείνου—ἐκ γὰρ τῆς παρ´ ἐκείνου ἐνεργείας ὑπέστη—καὶ νοῦς δὲ δι´ ἐκεῖνον καὶ τὸ τῶν εἰδῶν κάλλος ἐκεῖθεν, πάντα ἂν ἀγαθοειδῆ εἴη καὶ ζωὴ καὶ νοῦς καὶ ἰδέα.

Ἀλλὰ τί τὸ κοινόν; Οὐ γὰρ δὴ ἀρκεῖ τὸ ἀπ´ ἐκείνου πρὸς τὸ ταὐτόν· ἐν αὐτοῖς γὰρ δεῖ τὸ κοινὸν εἶναι· καὶ γὰρ ἂν γένοιτο ἀπὸ τοῦ αὐτοῦ μὴ ταὐτὸν ἢ καὶ δοθὲν ὡσαύτως ἐν τοῖς δεξομένοις ἄλλο γίνεσθαι· ἐπεὶ καὶ ἄλλο τὸ εἰς πρώτην ἐνέργειαν, ἄλλο δὲ τὸ τῇ πρώτῃ ἐνεργείᾳ δοθέν, τὸ δ´ ἐπὶ τούτοις ἄλλο ἤδη. Ἢ οὐδὲν κωλύει καθ´ ἕκαστον μὲν ἀγαθοειδὲς εἶναι, μᾶλλον μὴν κατ´ ἄλλο. Τί οὖν καθὸ μάλιστα; Ἀλλὰ πρότερον ἐκεῖνο ἀναγκαῖον ἰδεῖν· ἆρά γε ἀγαθὸν ἡ ζωὴ ἡ αὐτὸ τοῦτο ζωὴ ᾗ ψιλὴ θεωρουμένη καὶ ἀπογεγυμνωμένη; Ἢ ἡ ζωὴ ἡ ἀπ´ αὐτοῦ, τὸ δ´ ἀπ´ αὐτοῦ ἄλλο τι ἡ τοιαύτη. Πάλιν οὖν τί ἡ τοιαύτη ζωή; Ἢ ἀγαθοῦ. Ἀλλ´ οὐκ αὐτοῦ ἦν, ἀλλὰ ἐξ αὐτοῦ. Ἀλλ´ εἰ ἐν τῇ ζωῇ ἐκείνῃ ἐνίοιτο ἐξ ἐκείνου καὶ ἔστιν ἡ ὄντως ζωή, καὶ οὐδὲν ἄτιμον παρ´ ἐκείνου λεκτέον εἶναι, καὶ καθὸ ζωή, ἀγαθὸν εἶναι, καὶ ἐπὶ νοῦ δὴ τοῦ ἀληθινοῦ ἀνάγκη λέγειν τοῦ πρώτου ἐκείνου, ὅτι ἀγαθόν· καὶ δῆλον ὅτι καὶ εἶδος ἕκαστον ἀγαθὸν καὶ ἀγαθοειδές. Ἢ οὖν τι ἔχει ἀγαθόν, εἴτε κοινόν, εἴτε μᾶλλον ἄλλο, εἴτε τὸ μὲν πρώτως, τὸ δὲ τῷ ἐφεξῆς καὶ δευτέρως.

Ἐπεὶ γὰρ εἰλήφαμεν ἕκαστον ὡς ἔχον ἤδη ἐν τῇ οὐσίᾳ αὐτοῦ ἀγαθόν τι καὶ διὰ τοῦτο ἦν ἀγαθόν — καὶ γὰρ ἡ ζωὴ ἦν ἀγαθὸν οὐχ ἁπλῶς, ἀλλ´ ὅτι ἐλέγετο ἀληθινὴ καὶ ὅτι παρ´ ἐκείνου, καὶ νοῦς ὁ ὄντως— δεῖ τι τοῦ αὐτοῦ ἐν αὐτοῖς ὁρᾶσθαι. Διαφόρων γὰρ ὄντων, ὅταν τὸ αὐτὸ αὐτῶν κατηγορῆται, κωλύει μὲν οὐδὲν ἐν τῇ οὐσίᾳ αὐτῶν τοῦτο ἐνυπάρχειν, ὅμως δ´ ἔστι λαβεῖν αὐτὸ χωρὶς τῷ λόγῳ, οἷον καὶ τὸ ζῷον ἐπ´ ἀνθρώπου καὶ ἵππου, καὶ τὸ θερμὸν ἐπὶ ὕδατος καὶ πυρός, τὸ μὲν ὡς γένος, τὸ δ´ ὡς τὸ μὲν πρώτως, τὸ δὲ δευτέρως· ἢ ὁμωνύμως ἂν ἑκάτερον ἢ ἕκαστον λέγοιτο ἀγαθόν. Ἆρ´ οὖν ἐνυπάρχει τῇ οὐσίᾳ αὐτῶν τὸ ἀγαθόν; Ἢ ὅλον ἕκαστον ἀγαθόν ἐστιν, οὐ καθ´ ἓν τὸ ἀγαθόν. Πῶς οὖν; ἢ ὡς μέρη; Ἀλλὰ ἀμερὲς τὸ ἀγαθόν. Ἢ ἓν μὲν αὐτό, οὑτωσὶ δὲ τόδε, οὑτωσὶ δὲ τόδε. Καὶ γὰρ ἡ ἐνέργεια ἡ πρώτη ἀγαθὸν καὶ τὸ ἐπ´ αὐτῇ ὁρισθὲν ἀγαθὸν καὶ τὸ συνάμφω· καὶ τὸ μὲν ὅτι γενόμενον ὑπ´ αὐτοῦ, τὸ δ´ ὅτι κόσμος ἀπ´ αὐτοῦ, τὸ δ´ ὅτι συνάμφω. Ἀπ´ αὐτοῦ οὖν, καὶ οὐδὲν ταὐτόν, οἷον εἰ ἀπὸ τοῦ αὐτοῦ φωνὴ καὶ βάδισις καὶ ἄλλο τι, πάντα κατορθούμενα. Ἢ ἐνταῦθα, ὅτι τάξις καὶ ῥυθμός· ἐκεῖ δὲ τί; Ἀλλ´ εἴποι τις ἄν, ὡς ἐνταῦθα ὅλον εἰς τὸ καλῶς ἔξωθεν διαφόρων ὄντων τῶν περὶ ἃ ἡ τάξις, ἐκεῖ δὲ καὶ αὐτά. Ἀλλὰ διὰ τί καὶ αὐτά; Οὐ γὰρ ὅτι ἀπ´ ἐκείνου δεῖ πιστεύοντας ἀφεῖναι· δεῖ μὲν γὰρ συγχωρεῖν ἀπ´ ἐκείνου ὄντα εἶναι τίμια, ἀλλὰ ποθεῖ ὁ λόγος λαβεῖν, κατὰ τί τὸ ἀγαθὸν αὐτῶν.

XIX. Ἆρ´ οὖν τῇ ἐφέσει καὶ τῇ ψυχῇ ἐπιτρέψομεν τὴν κρίσιν καὶ τῷ ταύτης πάθει πιστεύσαντες τὸ ταύτῃ ἐφετὸν ἀγαθὸν φήσομεν, διότι δὲ ἐφίεται οὐ ζητήσομεν; Καὶ τί μὲν ἕκαστον, περὶ τούτου ἀποδείξεις κομιοῦμεν, τὸ δ´ ἀγαθὸν τῇ ἐφέσει δώσομεν; Ἀλλὰ πολλὰ ἄτοπα ἡμῖν φαίνεται. Πρῶτον μέν, ὅτι καὶ τὸ ἀγαθὸν ἕν τι τῶν περί. Ἔπειτα, ὅτι πολλὰ τὰ ἐφιέμενα καὶ ἄλλα ἄλλων· πῶς οὖν κρινοῦμεν τῷ ἐφιεμένῳ, εἰ βέλτιον;

Ἀλλ´ ἴσως οὐδὲ τὸ βέλτιον γνωσόμεθα τὸ ἀγαθὸν ἀγνοοῦντες. Ἀλλὰ ἆρα τὸ ἀγαθὸν ὁριούμεθα κατὰ τὴν ἑκάστου ἀρετήν; Ἀλλ´ οὕτως εἰς εἶδος καὶ λόγον ἀνάξομεν, ὀρθῶς μὲν πορευόμενοι. Ἀλλὰ ἐλθόντες ἐκεῖ τί ἐροῦμεν αὐτὰ ταῦτα ζητοῦντες πῶς ἀγαθά; Ἐν μὲν γὰρ τοῖς χείροσιν, ὡς ἔοικε, γιγνώσκοιμεν ἂν τὴν φύσιν τὴν τοιαύτην καίτοι οὐκ ἔχουσαν εἰλικρινῶς, ἐπειδὴ οὐ πρώτως, τῇ πρὸς τὰ χείρω παραθέσει, ὅπου δὲ μηδέν ἐστι κακόν, αὐτὰ δ´ ἐφ´ ἑαυτῶν ἐστι τὰ ἀμείνω, ἀπορήσομεν. Ἆρ´ οὖν, ἐπειδὴ 〈ὁ〉 λόγος τὸ διότι ζητεῖ, ταῦτα δὲ ἀγαθὰ παρ´ αὑτῶν, διὰ τοῦτο ἀπορεῖ τοῦ «διότι» τὸ «ὅτι» ὄντος; Ἐπεὶ κἂν ἄλλο φῶμεν αἴτιον, τὸν θεόν, λόγου μὴ φθάνοντος ἐκεῖ ὁμοίως ἡ ἀπορία. Οὐ μὴν ἀποστατέον, εἴ πῃ κατ´ ἄλλην ὁδὸν πορευομένοις τι φανείη.

XVIII. Sous quel rapport les essences que contient l'Intelligence paraissent-elles avoir la forme du Bien? Est-ce parce que chacune d'elles est une forme, ou parce que chacune est belle, ou bien pour quelque autre raison?—Tout ce qui procède du Bien en porte le caractère ou l'empreinte, ou a du moins quelque chose qui en provient, comme ce qui naît du feu en a un vestige, comme ce qui vient du doux en offre la trace (69). Or ce qui passe du Bien dans l'Intelligence, c'est la vie (car c'est de l'acte du Bien qu'est née la vie, c'est par le Bien qu'existé l'Intelligence, c'est de lui que procède la beauté des idées). Donc toutes ces choses, la Vie, l'Intelligence, l'Idée, porteront la forme du Bien.

Mais qu'y a-t-il de commun en elles? Il ne suffit pas qu'elles procèdent du Bien pour avoir toutes quelque chose d'identique; il faut encore qu'il y ait en elles un caractère commun : car d'un même principe peuvent provenir des choses différentes, ou bien encore une seule et même chose peut devenir différente en passant du principe qui la donne dans les êtres qui la reçoivent (autre chose est en effet ce qui constitue le premier acte, autre chose ce qui est accordé au premier acte); de cette manière, ce qui est dans les choses dont nous parlons est déjà différent. Rien n'empêche que le caractère qui se trouve dans toutes ces choses [dans la Vie, l'Intelligence, l'Idée] ne soit la forme du Bien, mais cette l'orme existe à des degrés divers dans chacune d'elles. Dans laquelle de ces choses la forme du Bien se trouve-t-elle au plus haut degré? — Pour résoudre cette question. il faut d'abord examiner celle-ci : La vie est-elle bonne par cela seul qu'elle est vie, fût-elle la vie pure et simple? Ne doit-on pas plutôt appeler proprement vie la Vie qui provient du Bien, en sorte que procéder du Bien ne soit autre chose qu'être une telle vie? De quelle nature est donc cette Vie? Est-ce la vie du Bien?— La Vie n'appartient pas au Bien : elle en provient seulement. Si la Vie a pour caractère de provenir du Bien et qu'elle soit la Vie véritable, il en résulte que rien de ce qui procède du Bien n'est méprisable, que la Vie doit en tant que vie être regardée comme bonne, qu'il en est de même de l'Intelligence première et véritable, et qu'enfin chaque idée est bonne et porte la forme du Bien. S'il en est ainsi, chacune de ces choses [la Vie, l'Intelligence, l'Idée] possède un bien qui est ou commun, ou diffèrent, ou qui a des degrés divers. Puisque nous avons admis que chacune des choses dont nous parlons a dans son essence un bien, c'est par ce bien qu'elle est bonne. Ainsi, la Vie est un bien, non en tant qu'elle est simplement la Vie, mais en tant qu'elle est la Vie véritable et qu'elle procède du Bien; l'Intelligence est également un bien en tant qu'elle est essentiellement l'Intelligence; il y a donc dans la Vie et l'Intelligence quelque chose d'identique. En effet, quand une seule et même chose est affirmée d'êtres différents, bien qu'elle fasse partie intégrante de leur essence, on peut l'en abstraire par la pensée: c'est ainsi que de l'homme et du cheval on peut abstraire l'animal, de l'eau et du feu la chaleur ; mais ce qui est commun dans ces êtres est un genre, tandis que ce qui est commun dans l'Intelligence et la Vie, c'est une seule et même chose qui se trouve dans l'une au premier degré et dans l'autre au second.

Quand la Vie, l'Intelligence et les Idées sont appelées bonnes, est-ce par une simple homonymie? Le Bien constitue-t-il leur essence, ou chacune d'elles est-elle bonne prise dans sa totalité? — Mais le Bien ne saurait constituer l'essence de chacune d'elles.— Sont-elles donc les parties du Bien? — Mais le Bien est indivisible. Quant aux choses qui sont au-dessous de lui, elles sont bonnes pour des raisons diverses. L'acte premier [qui procède du Bien] est bon (70); la détermination qu'il reçoit est également bonne, et l'ensemble de ces deux choses est bon. L'acte est bon parce qu'il procède du Bien; la détermination, parce qu'elle est une perfection émanée du Bien ; le composé de l'acte et de la détermination, parce qu'il est leur ensemble. Toutes ces choses proviennent ainsi d'un seul et même principe, et cependant elles sont différentes. C'est ainsi que [dans un chœur] la voix et la marche procèdent d'une seule et même chose, en tant qu'elles sont bien réglées. Or elles sont bien réglées parce qu'il y a en elles de l'ordre et du rythme. Qu'y a-t-il donc dans les choses dont nous parlons pour qu'elles soient bonnes? — Mais, nous dira-t-on peut-être, si la voix et la marche sont bien réglées, elles le doivent chacune tout entière à un principe extérieur, puisqu'ici l'ordre s'applique à des choses qui diffèrent l'une de l'autre. Au contraire, les choses dont nous parlons sont bonnes chacune en elle-même. — Pourquoi donc sont-elles bonnes? Une suffit pas de dire qu'elles sont bonnes parce qu'elles procèdent du Bien. Sans doute il faut accorder qu'elles sont précieuses dès qu'elles procèdent du Bien, mais la raison demande encore qu'on détermine en quoi consiste leur bonté.

XIX. Remettrons-nous au désir de l'âme le discernement du Bien (71)? Si nous nous fions à cette affection de l'âme, nous déclarerons que ce qui est désirable pour elle est le bien, mais nous ne chercherons pas pourquoi le bien est désiré. Ainsi, tandis que nous expliquons par des démonstrations quelle est l'essence de chaque chose, nous irions pour la détermination du bien nous en remettre au désir ! Mais une pareille marche nous conduirait à plusieurs absurdités. D'abord, de cette manière, le bien ne serait qu'un attribut. Ensuite, notre âme a plusieurs désirs, et ceux-ci ont des objets différents : comment discernerions-nous parle désir lequel de ces objets est meilleur? On ne saurait discerner ce qui est meilleur sans connaître le bien.

Ferons-nous consister le bien dans la vertu propre à chaque être (72)? Alors, en suivant une marche rigoureuse, nous ramènerions le bien à être une forme et une raison. Mais, arrivés là, que répondrons-nous si l'on nous demande à quel titre ces choses elles-mêmes sont des biens? Dans les choses imparfaites, il semble facile de distinguer le bien, quoiqu'il n'y soit pas pur; mais, dans les choses intelligibles, nous ne discernerons pas d'abord le bien en les comparant aux choses inférieures. Comme il n'y a là-haut aucun mal, et que les choses excellentes existent en elles-mêmes, nous nous trouverons embarrassés. Nous ne le sommes peut-être que parce que nous cherchons la raison d'être [du bien], tandis que, les intelligibles étant des biens par eux-mêmes, la raison d'être est ici identique à la quiddité (73). Si nous disons qu'il y aune autre cause [du bien], Dieu lui-même, comme la raison ne nous y a pas encore conduits, nous n'aurons pas résolu la question. Nous ne pouvons cependant reculer, et nous devons chercher à arriver par une autre voie à quelque chose de satisfaisant.

XX. Ἐπειδὴ τοίνυν ἀπιστοῦμεν ἐν τῷ παρόντι ταῖς ὀρέξεσι πρὸς τὰς τοῦ τί ἐστιν ἢ ποῖόν ἐστι θέσεις, ἆρα χρὴ πρὸς τὰς κρίσεις ἰέναι καὶ τὰς τῶν πραγμάτων ἐναντιώσεις, οἷον τάξιν ἀταξίαν, σύμμετρον ἀσύμμετρον, ὑγείαν νόσον, εἶδος ἀμορφίαν, οὐσίαν φθοράν, ὅλως συστασίαν ἀφάνισιν; Τούτων γὰρ τὰ πρῶτα καθ´ ἑκάστην συζυγίαν τίς ἂν ἀμφισβητήσειε μὴ οὐκ ἐν ἀγαθοῦ εἴδει εἶναι; Εἰ δὲ τοῦτο, καὶ τὰ ποιητικὰ αὐτῶν ἀνάγκη ἐν ἀγαθοῦ μοίρᾳ τίθεσθαι. Καὶ ἀρετὴ δὴ καὶ νοῦς καὶ ζωὴ καὶ ψυχή, ἥ γε ἔμφρων, ἐν ἀγαθοῦ εἴδει· καὶ ὧν ἐφίεται τοίνυν ἔμφρων ζωή.

Τί οὖν οὐ στησόμεθα, φήσει τις, εἰς νοῦν καὶ τοῦτο τὸ ἀγαθὸν θησόμεθα; Καὶ γὰρ ψυχὴ καὶ ζωὴ νοῦ ἴχνη, καὶ τούτου ἐφίεται ψυχή. Καὶ κρίνει τοίνυν καὶ ἐφίεται νοῦ, κρίνουσα μὲν δικαιοσύνην ἀντ´ ἀδικίας ἄμεινον καὶ ἕκαστον εἶδος ἀρετῆς πρὸ κακίας εἴδους, καὶ τῶν αὐτῶν ἡ προτίμησις, ὧν καὶ ἡ αἵρεσις. Ἀλλ´ εἰ μὲν νοῦ μόνον ἐφίεται, τάχα ἂν πλείονος ἐδέησε λόγου δεικνύντων, ὡς οὐ τὸ ἔσχατον ὁ νοῦς καὶ νοῦ μὲν οὐ πάντα, ἀγαθοῦ δὲ πάντα. Καὶ τῶν μὲν μὴ ἐχόντων νοῦν οὐ πάντα νοῦν κτήσασθαι ζητεῖ, τὰ δ´ ἔχοντα νοῦν οὐχ ἵσταται ἤδη, ἀλλὰ πάλιν τὸ ἀγαθὸν ζητεῖ, καὶ νοῦν μὲν ἐκ λογισμοῦ, τὸ δ´ ἀγαθὸν καὶ πρὸ τοῦ λόγου. Εἰ δὲ καὶ ζωῆς ἐφίεται καὶ τοῦ ἀεὶ εἶναι καὶ ἐνεργεῖν, οὐχ ᾗ νοῦς ἂν εἴη τὸ ἐφετόν, ἀλλ´ ᾗ ἀγαθὸν καὶ ἀπὸ ἀγαθοῦ καὶ εἰς ἀγαθόν· ἐπεὶ καὶ ἡ ζωὴ οὕτως.

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XX. Puisque maintenant nous n'avons pas confiance dans les désirs pour déterminer ici l'essence et la qualité, aurons-nous recours à d'autres règles, aux contraires, par exemple, tels que l'ordre et le désordre (74), la proportion et la disproportion, la santé et la maladie, la forme et le manque de forme, l'essence et la destruction, la consistance et le défaut de consistance? Qui pourrait hésiter à attribuer à la forme du bien les caractères qui constituent le premier membre de chacune de ces oppositions? — S'il en est ainsi, il faudra rapporter aussi au bien les causes efficientes de ces caractères : car la vertu, la vie, l'intelligence et la sagesse sont comprises dans la forme du bien, comme étant les choses que désire l'âme qui est sage.

Pourquoi donc, dira-t-on, ne pas nous arrêter à l'intelligence et y placer le bien? Car l'âme et la vie sont des images de l'intelligence. C'est à l'intelligence que l'âme aspire, c'est d'après elle, qu'elle juge, c'est sur elle qu'elle se règle, en prononçant que la justice est meilleure que l'injustice, en préférant chaque espèce de vertu à chaque espèce de vice, et en estimant davantage ce qu'elle regarde comme préférable. — Mais l'âme n'aspire pas à l'intelligence seule (75). Comme on peut le démontrer par une longue discussion, l'intelligence n'est pas le but suprême auquel nous aspirons, et tout n'aspire pas à l'intelligence, tandis que tout aspire au bien ; les êtres qui ne possèdent pas l'intelligence ne cherchent pas tous à la posséder, tandis que ceux qui possèdent l'intelligence ne s'y arrêtent pas ; l'intelligence n'est recherchée que par suite d'un raisonnement, tandis que le bien est désiré même avant que la raison s'exerce. Si l'objet du désir est de vivre, d'exister toujours et d'agir, cet objet n'est point désiré en tant qu'il est intelligence, mais en tant qu'il est bien, qu'il a le bien pour principe et pour fin : car c'est seulement sous ce rapport que la vie est désirable.

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(1)   Ce livre comprend deux parties : 1° De la multitude des Idées, § 1-14; 2° Du Bien, § 15-42. Pour les autres Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume.

(2) Dans ce début, Plotin résume la doctrine exposée dans le Timée au sujtet de la Providence divine, doctrine dont il présente ensuile l'interprétation d'après son propre système. Voici le passage auquel il fait ici particulièrement allusion : « Avant tous les autres organes, les dieux formèrent les yeux, porteurs de la lumière, etc. » (Platon, Timée, p. 45; trad. de M. H. Martin, p. 123.)

(3) Sur la manière dont s'exerce la Providence divine, Voy. le livre II de l'Ennéade III.

(4)  Creuzer lit : οὐ γάρ ἀρχὴ μὲν ἐκ τοῦ νοητοῦ, τελευτὴ δὲ εἰς [μὴ] νοητόν, et M. Kirchhoff : οὗ γὰρ ἀρχὴ μὲν ἐκ τοῦ νοητοῦ, τελευτὴ δὲ εἰς νοητόν. Le sens est le même dans les deux cas.

(5) Ficin paraît avoir lu  : πῶς ἕνι ταυτην τὴν ἕξιν πρὸ αἰσθητοῦ καὶ διανόησιν ἀφικνεῖσθαι Tau lieu de : πρὸς αἰσθητοῦ διανόησιν, que donnent Creuzer et Kirchhoff.

(6)  Voy. Enn. III, liv. ii, § 1 ; t. II, p. 21-22.

(7)  Plotin détermine ici quel est, selon lui, le sens qu'ont les mots raisonnement et prévision que Platon emploie dans le Timée en décrivant la création de l'homme par le Démiurge.

(8) Voy. le commencement du § 1.

(9)   Au lieu de τόδε μετὰ τάδε, H. Kirchboff lit τόδε διὰ τίδε. Cette leçon se concilie mal avec la fin de la phrase.

(10) Tout ce que Plotin dit ici de la Prescience divine est cité et commenté par Jean Philopon, Adversus Proclum de Aeternitate mundi, ii, 5 ; iv, 16 ; xvi, 3.

(11) C'est ce que Plotin va expliquer dans le § 2.

(12) L'essence ou quiddité est la forme déterminée qui est l'objet de la définition. Voy. Aristote, Métaphysique, liv. VII, ch. 1.

(13)  Par cette expression, Plotin désigne à la fois la cause efficiente et la cause finale, comme l'explique Ficin : « Duo de quolibet potissima quaeri solent : quid videlicet, et propter quid res ipsa sit. Illud quidem explicatur definitione, hoc autcm declaratur assignatione causa efflcientis alque finalis; et invicem conjuncta sunt ambo. »

(14)  La cause, au point de vue de la définition, c'est  l'essence. Dans certains cas, l'essence est la raison d'être. » (Aristote, Métaphysique, liv. VII, ch 17.)

(15) Aristote emploie ce terme pour exprimer l'objet immédiat de l'intuition, et par suite l'essence, l'être individuel par opposition à la qualité qui est l'objet d'une conception générale. Voy. Métaphysique, liv. VII, ch. 1.

(16 Cet exemple est aussi emprunté à Aristote : « La substance est un principe et une cause ; c'est de ce point de vue qu'il nous faut partir. Or, se demander le pourquoi, c'est toujours se demander pourquoi une chose existe dans une autre... Chercher pourquoi une chose est elle-même, c'est ne rien chercher. Il faut que la chose dont on cherche le pourquoi se manifeste réellement : il faut, par exemple, qu'on ail vu que la lune est sujette à des éclipses. » (Métaphysique, liv. VIl, ch. 7; trad. fr., t. II, p. 61.)

(17) C'est encore une locution empruntée à Aristote : « Le caractère  propre de chaque être (τό τί ἦν εἶναι), caractère dont la notion est la définition de l'être, est l'essence de l'objet, sa substance même. » (Métaphysique, liv. V, ch. 8.)

(18)  « La première cause est l'essence, la forme propre de chaque chose : car ce qui fait qu'une chose » est, est tout entier dans la notion de ce qu'elle est; la raison » d'être première est donc une cause, et un principe. » (Aristote, Métaphysique, liv. I, ch. 3.)

(19) Le mot εἶδος, forme pure et intelligible, rappelle ici évidemment l'essence ou forme substantielle d'Aristote, dont Plotin essaie de concilier la théorie avec le système des idées de Platon. Voy. sur ce point le passage de M. Ravaisson que nous avons cité dans les Éclaircissements du tome I, p. 321, note. 2.

(20 Ceci se rapporte au Timée de Platon.

(21) Voy. Enn. II, liv. ix, § 8; t. 1, p. 265, et note 1.

(22) II est nécessaire que nous entrions Ici dans quelques explications pour l'intelligence de cette phrase et de la discussion qui va suivre. Selon Plotin, l'homme réunit en lui les trois degrés de l'existence : il est forme intelligible ou idée, âme et raison séminale. Il possède aussi trois facultés qui correspondent à ces trois formes de l'existence, l'intelligence, la raison discursive, la sensibilité. Selon qu'il exerce la première, la seconde ou la troisième, il jouit de la vie divine, humaine ou animale (comme nous l'avons déjà expliqué dans les Éclaircissements du tome I, p. 324) ; il est l'homme intellectuel, νοερός, l'homme raisonnable, λογικός, ou l'homme sensitif, αἰσθητικός ; ces trois formes de l'existence émanent l'une de l'autre et sont impliquées l'une dans l'autre. De ces prémisses résulte le sens de notre phrase : εἰ τοίνυν ἔγκειται τὸ αἰσθητικὸν εἶναι, καὶ οὑτως αἰσθητικὸν, ἐν τῷ εἴδει. Au début de ce livre, § 1, Plotini a posé cette question : Pourquoi l'Homme, considéré comme Animal, possède t-il des Sens? Il y répond comme il suit dans la phrase que nous commentons ici : 1° L'Homme, considéré comme Animal, possède des Sens, parce que la sensibilité (τὸ αἰσθητικὸν εἶναι) est le caractère essentiel de l'Animal, comme le dit Aristote : « L'Animal n'est constitué primitivement que par la Sensibilité. » (De l'Ame, liv. II, ch. 2, p. 174 de la trad.). » Plotin ajoute : καὶ οὕτως αἰσθητικόν; c'est encore une formule d'Aristote, formule qui désigne des sens d'une nature déterminée, propres à telle espèce d'animal. 2° II ne suffit pas de dire que la sensibilité est l'essence de l'animal : « La véritable définition doit non-seulement montrer l'existence de la chose, comme le font la plupart des définitions,  mais elle doit encore en contenir la cause et la mettre en lumière (Aristote, De l'Ame, liv. II, ch. 2, p. 171 de la trad.). » En d'autres termes, il ne suffit pas de faire connaître ce qu'est (ὅτι) l'Animal ; il faut encore expliquer pourquoi (διότι) il est tel ; il faut. après avoir fait connaître son essence, montrer sa raison d'être ou sa cause. « Or, se demander le pourquoi, c'est toujours se demander  pourquoi une chose est dans une autre (Aristote, Métaphysique, liv. VII, ch. 17).» La raison d'être de la Sensibilité, son pourquoi, c'est qu'elle est contenue dans la forme de l'Homme ἔγκειται ἐν τῷ εἶδει.. C'est l'appplication du principe énoncé plus haut, savoir que la forme et la cause de l'existence sont identiques, que l'essence, le caractère propre et la raison d'être ne font qu'un.

(23)  II s'agit évidemment ici des Péripatéticiens.

(24)   II s'agit encore ici des Péripatéticiens. Voy. ci-dessus p. 415, note 1.

(25) Les raisons séminales ou génératrices dont parle ici Plotin sont les puissances qui constituent la nature animale. Dans le traité De l'Ame, Aristote emploie aussi le mot de raisons pour désigner les facultés de l'âme sensitive et végétative. Voy. le passage cité dans les Éclaircissements du tome II, p. 369.

(26)  «L'âme est l'animal en puissance.» (Enn. Il. liv. v, § 3 ; t  II ,p. 230).

(27 ἡ ψυχὴ ἡ ταιαύτη ἡ ἐγγενομένη τῇ τοιαύτῃ ὕλῃ, ἅτε οὖσα τοῦτο οἷον οὕτω διακειμένη, καὶ ἄνευ τοῦ σώματοσ, ἄνθρωπος. Dans cette définition, Plotin s'est proposé d'expri.ner doux idées : 1° L'âme est l'homme (principe emprunté  Platon; Voy. la note suivante); 2° l'âme est la cause et le principe du corps vivant (idée mpruntéε à Aristotε, De l'Ame, II, 4; p. 189 dε la trad.). Les expressions : l'âme disposée de telle façon, la matière disposée de telle façon [organisée], l'dine est telle chose selon qu'elle est dans telle disposition, paraissent empruntées à Aristote : « Pour chaque être il faut chercher spécialement quelle est l'âme dont il est doué; et ainsi, quelle est l'âme de la plante, celle de l'homme ou celle de la bête (De l'Ame, II, 3; p. 185 de la trad.)... L'âme est dans le corps fait de telle façon (ibid, Il, 2 ; p. 179 de la trad.)...D'autres philosophes se bornent à dire ce qu'est l'âme sans dire un mot du corps qui doit la recevoir, comme s'il était possible, ainsi que le veulent les fables pythagoriciennes, que la première venue entrât par hasard dans le premier corps venu. Chaque chose, au contraire, paraît avoir une espèce et une forme qui lui sont propres. » (Ibid., I, 3; p. 134 de la trad.) Plotin s'est évidemment proposé d'éviter, dans sa définition de l'homme, d'encourir le reproche qu'Aristote adresse aux Pythagoriciens. Saint Augustin définit l'âme raisonnable à peu près de la même manière : « Animus mihi videtur esse substantia quœdam rationis particeps regendo corpori accommodata. » (De Quantitate animae, I, 13.) Bossuet, dans son traité De la Connaissance de Dieu et de soi-même (chap. IV, § 1), traduit cette définition : « Nous pouvons définir l'âme raisonnable : substance intelligente née pour vivre dans un corps et lui être intimement unie. » Leibnitz dit aussi : « II semble qu'il faut ajouter quelque chose de la figure et de la constitution du corps à la définition de l'homme, lorsqu'on dit qu'il est un animal raisonnable. » (Nouveaux Essais, II, § 8.) Voy. aussi le passage de Steinhart que nous avons cité dans le tome I, p. 110, note 3.

(28) Cette déflnition se trouve dans le 1er Alcibiade (t. V, p. 110-112 de la trad. de M. Cousin) : « Faut-il te démontrer plus clairement que l'âme seule est l'homme ?.... Y- a-t-il quelque autre chose qui se serve du corps que l'âme ? »

(29) « J'appelle partie [de l'âme] séparée du corps celle qui se sert du corps comme d'un instrument, partie attachée au corps celle qui s'abaisse au rang d'instrument, etc. » (Enn. I, liv. 1, § 3 ; t. I, p. 39.)

(30) Voy. ci-dessus, liv. iv, § 12, p. 329-330.

(31) Ficin donne de ce passage le commentaire suivant dont nous lui laissons la responsabilité : « Anima nostra sensum adeo radictlus habet ut sensu quodam sempcr utatur. Nam extra terrenum corpus per corpus aerium sentit in aere, et per cœleste corpus in cœlo, hic quidem aeria maxime, ibo vero cœlestia. Quin etiam extra cœlum intimo quodam imaginatumis sensu ipsa intelligentiœ notiones in conceplus transformat imaginabiles. »

(32)  II y a dans le texte τρίτου, le troisième en remontant. Nous mettons premier pour plus de clarté, afin d'être d'accord avec ce qui précède.

(33)  Cette phrase signifie : La raison discursive, qui constitue l'homme proprement dit, engendre la sensibilité, qui constitue l'animal. Voy. Enn. I, liv. i, § 7; t. I. p. 43.

(34) Sur la Métempsycose, Voy. le tome I, p. cxii, note 7, et p. 385-387.

(35) Voy. Enn. III, liv. iv (Du Démon qui est propre à chacun de nous), § 3-6; t. II, p. 92-101.

(36)  « Si l'âme revient ici bas, elle a soit le même démon, soit un autre démon, selon la vie qu'elle doit mener... Toute âme placée dans les mêmes circonstances n'a pas les mêmes mouvements, les mêmes volontés, les mêmes actes, etc. » (Enn. III. liv. iv, § 6; t. II, p. 100-101.)

(37) II s'agit ici de ceux des démons qui sont des puissances de l'âme humaine. Voy. sur ce point les Éclaircissements du tome II, p. 530-532.

(38) « Voy. le commentaire de ce passage dans les Éclaircissements du tome I, p. 475-478.

(39) Voy. ci-dessus § 3, p. 416.

(40) Nous lisons τὰ σώματα avec Ficin, au lieu d'ἀσώματα. La phrase suivante exige absolument ce changement.

(41) Intellectus primus, fecunditate lucis exuberante, in quani plurimos seipsum intus naturaliler propagat radios ideales. Ex hac propagine intellectuali simul et naturali naturales rerum formae foras tanquam lumina profluunt. » (Ficin.)

(42Voy. ci-dessus, liv. II, § 7, p. 215.

(43) Voy. Enn. IV, liv. iii, § 18: t. II, p. 288.

(44) On peut rapprocher de ce passage de notre auteur le morceau suivant de Fénélon qui en est comme le commentaire : « Cet être qui est infiniment voit, en montant jusqu'à l'infini, tous les divers degrés auxquels il peut communiquer l'être. Chaque degré de communication possihle constitue une essence possible, qui répond à ce degré d'être qui est eu Dieu indivisible avec tous les autres. Ces degrés infinis, qui sont indivisibles en lui, se peuvent diviser à l'infini dans les créatures, pour faire une infinie variété d'espèces. Chaque espèce sera bornée dans un degré d'être correspon» dant à ces degrés infinis et indivisibles que Dieu connaît en lui. Ces degrés que Dieu voit distinctement en lui-même, et qu'il voit éternellement de la même manière, parce qu'ils sont immuables, sont les modèles fixes de tout ce qu'il peut faire hors de lui. Voilà la source des vrais universaux, des genres, des différences et des espèces ; et voilà en même temps les modèles immuables des ouvrages de Dieu, qui sont les idées que nous consultons pour être raisonnables. » (Fénelon, De l'Existence de Dieu, II, ch. 4.)

(45) Plotin fait ici allusion au passage suivant de Platon : « Les dieux comprenaient que les bêtes auraient besoin de se servir des ongles pour beaucoup d'usages, et c'est pour cela que dès la naissance des hommes ils ébauchèrent aussitôt la formation des ongles. » (Timée, p. 76 ; trad. de M. H. Martin, p. 205.)

(46)  « Formant une nature analogue à la nature humaine, les dieux  en firent un second genre d'animaux : ce sont les arbres et tous les végétaux qui maintenant, adoucis et formés par la culture, sont devenus pour nous domestiques , mais auparavant les espèces sauvages, plus anciennes que les espèces cultivées, existaient seules. Tout ce qui participe à la vie peut en effet à très-juste titre être appelé animal ; et ce dont nous parlons participe du inoins à  la troisième espèce d'âme, que l'on dit être placée entre le diaphragme et le nombril, et dans laquelle il ne peut y avoir ni opinion, ni raison, ni intelligence, mais des sensations agréables et douloureuses, avec des désirs. » (Platon, Timée, p. 77 ; trad. de M. H. Martin, p. 205-207.)

(47) Pour plus de développement, Voy. Enn. IV, liv. iv, § 22 ; t. II. p. 362.

(48)  Et ramosa tamen quum ventis pulsa vacillans
Aestuat in ramos incumbens arboris arbor,
Exprimitur validis extritus viribus ignis :
Et micat interdum flammai fervidus ardor
Mutua dum inter se rami stirpesque teruntur;
Quorum utrumque dedisse potest mortalibus ignem.

Lucrèce, V. 1095.

(49)  On ne trouve pas cette assertion dans les écrits mêmes de Platon; mais elle semble résulter des idées que lui prête Diogène Laërce, liv. III, § 74. Cretizer fait à ce sujet une remarque fort juste : « Potuerunt Platonici recentiores multa Platonis decreta, quae ille dialogis suis non incluserat, sed in scholis prodiderat et accuratius exposuerat, per manus quasi tradita servataque habere. Plotini quidem non est istiusmodi ingenium quod cuiquam ex veteribus philosophis quidquam affngat. »

(50) Voy. notre tome II, p. 279, note 5.

(51) « C'est le sang qui nourrit les chairs et le corps entier; c'est en lui que tous les membres puisent de quoi remplir le vide formé par la fuite des parties qui en sortent, etc. » (Platon, Timée, p. 80; trad. de M. H. Martin, p. 215.)

(52) Voy. Enn IV. liv. iii, § 18; t. II, p. 300, et note 3.

(53) Nous lisons avec Kircuholff: πάερεισι καὶ τὴν ψυχήν, au lieu de πάρεστι qui ne peut se construire.

(54) Voy. ce que Plotin dit ci-dessus sur la procession de l'Intelligence § 9, p. 428.

(55)  Ficin commente celte théorie en ces termes: « Vita Mensque prima, quoniam est omnium formarum prima, ideo simplicissima omnium, uniformisque quam maxime, tum vero, quia omnium principium est, ideo est etiam omniformis. Est autem  forma illa perfectissime forma quœlibet, ideo per modum formalis actus. Est igitur omnis actus, quoniam quum sit actus motusque primus efficacissimusque, nimirum omnes in se profert actus. Item, quia multitudo est unitissima, in quolibet suisua omnia continet. Motus omnis varietatem quamdam ab hoc in illud, inter hoc et illud, necessario insitam habet, sed prœter hanc in corpore quidem motus loco indiget atque tempore; in Anima vero prœter varietatem solum habet tempus; in Mente solam sine tempore varietatem servat, ob mirain virtutis actionisque potestatem. Varietas autem in Motione et Vita et Mente prima est variates omniformis, sicut ibidem est vita omnis et actus. Profecto, sicut radius quilibet ab amplo solis orbe in conum prosilit alque in prœcedente latitudine sua omnes complectitur solis vires, in cono unam prœcipue profert, et vario ictu varia perficit; sic ab Inlellectu prim actus quilibet intellectualis progredilur intus, et ubi exorditur omnes ideas amplectitur, desinit autem unusquisque in unam prorsus ideam quasi conum. Quœlibet enim idea et ab alia diversa est et aliis est connexa. »

(56) Cette expression est empruntée au Phèdre de Platon, p. 248, éd. H. Etienne. Elle a été déjà citée par Plotin dans l'Ennéade l, liv. iii, § 4;  t, I, p. 66.

(57)  Voy. le liv. vιι de l'Ennéade V : Y a-t-il des idées des individus ?

(58)  Les expressions division et amitié font allusion à la doctrine d'Empédocle : « Dans le système d'Empédocle, la Discorde divise» et la Concorde unit. » (Enn. V, liv. i, § 9 ; p. 20.)

(59) Plotin aborde ici la seconde queqstion ondiquée dans le titre de ce livre : Du Bien.

(60) Voy. Enn. I, liv. viii, § 6-7 ; t. II, p. 125-128.

(61) Voy. la République, liv. VI, p. 509, éd. H. Etienne.

(62)  Voy. ci-dessus Enn., V, liv. I, § 7, p. 15-18.

(63) Vpy. ci-dessus, Enn. V, liv. i, § 5, p. 11.

(64) Voy. ci-dessus, Enn. V, liv. i, § 7, p, 15-16.

(65) Voy. Platon, République, liv. VI, p. 509, éd. H. Etienne.

(66)  Voy. Enn. V, liv. i, § 6, p. 13.

(67)  Voy. Enn. IV, !iv. viii, § 3 ; t. II, p. 482.

(68Voy. ci-dessus Enn. V, liv. i, § 4, p. 8.

(69) Voy. Enn. V, liv. i, § 6, p. 14.

(70)  Sur le mouvement qui est émané du Bien et a constitué l'Intelligence, Voy. ci-dessus § 16, p. 442.

(71)i Plotin paraît combattre ici la définilion péripatéticienne du bien, en même temps qu'il essaie de réfuter les objections qu'Aristote adressait à la doctrine de Platon, comme on en peut juger par le passage suivant: « Nous avons, ce semble, à parler du bien. Mais ce n'est pas du bien pris d'une manière absolue ; c'est du bien qui s'applique spécialement à nous.... Ce mot de bien n'est pas un terme simple. On appelle également bien ou ce qui est le meilleur dans chaque espèce de chose, et c'est en général ce qui est préférable par sa propre nature ; ou ce dont la participation fait que les autres choses sont bonnes, et c'est alors l'Idée du bien [comme l'enseigne Platon,. Faut-il nous occuper de cette Idée du bien? Ou devons-nous la négliger et ne considérer que le bien qui se trouve réellement dans tout ce qui est bon? Ce bien effectif et réel est très-distinct de l'Idée du bien. L'Idée est quelque chose de séparé, et qui subsiste de soi isolément, tandis que le bien commun et réel, dont nous voulons parler, se trouve dans tout ce qui existe. Ce bien-là n'est pas du tout la même chose que cet autre bien qui est séparé des choses, attendu que ce qui est séparé et ce qui par sa nature subsiste de soi ne peut jamais se trouver dans aucun des autres êtres. Faut-il donc nous occuper plutôt de l'étude de ce bien qui se trouve et subsiste réellement dans les choses? Et si nous ne pouvons pas le négliger, pourquoi devons-nous l'étudier ? C'est que ce bien est commun aux choses, comme nous le prouvent la définition et l'induction. Ainsi, la définition qui vise à expliquer l'essence de chaque chose nous dit de l'une qu'elle est bonne, ou qu'elle est mauvaise, ou qu'elle est de telle autre façon. Or ici la définition nous apprend que le bien (à le prendre d'une manière rigoureuse) est ce qui est désira» blé en soi et par soi; et le bien qui se trouve dans chacune des cho» ses réelles est pareil à celui de la définition. » (Aristote, Grande Morale, liv. I, ch. 1 ; trad.de M. Barthélémy Sainl-Hilaire. t. IlI, p. 6.)

(72)  Plotin semble faire allusion ici au système des Stoïciens.

(73)  Voy. ci-dessus § 3, p. 416.

(74) Cette série d'oppositions rappelle la méthode suivie à ce sujet par les Pythagoriciens. Voy. Aristote, Métaphysique, liv. I, en. 5.

(75)  Plotin semble combattre ici la doclrine d'Aristote qui dans sa Métaphysique identifie l'inlelligence avec le bien suprême.