Fantasmagories

 

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L'enfer c'est la vie!

LUCRÈCE : Disciple d'Epicure (342-270 A.C.N.) et, à travers celui-ci, de Démocrite (né vers 460 A.C.N.), il a écrit un poème philosophique et didactique en 6 chants De rerum natura à la gloire d'Epicure et de sa conception du monde. Resté à l'écart de la vie troublée de son époque, il a une ambition : libérer l'humanité par la connaissance. En s'inspirant de la doctrine d'Epicure, il tente d'arracher l'homme à ses passions, à ses craintes, à ses superstitions. La morale épicurienne est fondée sur la sensation, sur le réel; les dieux sont relégués loin de la terre, ils ne sont pas intervenus dans la création de l'univers (ils n'en ont pas besoin et il est mal fait), ils ne s'occupent pas des affaires humaines.

autres textes de lucrèce

Lucrèce va nous expliquer que tout ce qui se passe aux Enfers se réalise sur terre

Le rocher de Sisyphe

Sisyphus in vita quoque nobis ante oculos est,
qui petere a populo fasces saevasque secures
imbibit et semper victus tristisque recedit.
Nam petere imperium, quod inanest nec datur umquam,
atque in eo semper durum sufferre laborem,
hoc est adverso nixantem trudere monte
saxum, quod tamen e summo iam vertice rursum
volvitur et plani raptim petit aequora campi.
[...]

Lucrèce, De rerum natura, III, 995 - 1002.

   vocabulaire

Le rocher de Sisyphe

Sisyphe aussi existe dans la vie, sous nos yeux, s'acharnant à briguer devant le peuple les faisceaux et les haches et se retirant toujours vaincu et triste. Car rechercher le pouvoir qui n'est que vanité et que l'on n'obtient point, et dans cette poursuite s'atteler à un dur travail incessant, c'est bien pousser avec effort au flanc d'une montagne le rocher qui à peine hissé au sommet retombe et va rouler en bas dans la plaine.

 

Sisyphe, aspects du mythe.

Les causes du châtiment.

Les Anciens connaissaient différents scénarii :

* Sisyphe, témoin du rapt d'Egine par Zeus, dévoile le nom du responsable au père de la jeune fille, le dieu-fleuve Asopos; furieux, Zeus le punit (Phérécide, frag. 153).
* Sisyphe, prévoyant l'arrivée de Thanatos envoyé par Zeus, l'attaque et l'enchaîne : dès lors, plus personne ne mourait! Pour permettre à la Mort de continuer son office, Zeus doit envoyer Arès qui va la libérer.
* Désireux de ne pas rester aux Enfers où Zeus va le précipiter, Sisyphe recommande à son épouse de ne pas lui rendre complètement les honneurs funèbres. S'apercevant de ce manquement, Hadès lui permet de retourner sur la terre pour faire des reproches à son épouse, sous réserve de revenir ensuite... ce qu'il ne fit pas ! Il mourut même à un âge avancé.
Seule, la force brutale des dieux a eu finalement raison de lui, on le présentait comme le plus rusé des hommes cfr. Homère, Iliade, VI, 153-154; Alcée (in Diehl, p. 420); Horace, Satire II, 3, 21).

Le châtiment.

Sisyphe doit pousser aux Enfers une pierre énorme vers le sommet d'une colline; mais à peine va-t-il atteindre le sommet, que le rocher retombe et roule jusqu'au bas de la pente. Sisyphe doit recommencer la manoeuvre sans relâche, montrant ainsi la vanité de l'entreprise et l'éternité du châtiment. Selon Pausanias, le peintre Polygnote avait représenté la scène dans sa peinture des Enfers.
En fait, dans le monde des morts, le défunt continue l'activité essentielle de son existence (cfr. Dictionnaire des Mythes littéraires de P. BRUNEL aux éd. du Rocher, p. 1297). Sisyphe fut roi et constructeur de Corinthe : il construisit l'Acrocorinthe, citadelle perchée sur une colline de 650 m. qui domine la ville et l'isthme homonyme. Aussi ce bâtisseur cyclopéen poursuit-il sa tâche post mortem.

Lucrèce et le mythe.

Il se distancie de l'interprétation habituelle : Sisyphe poussant son rocher, c'est le candidat politique en butte aux échecs dans sa lutte pour le pouvoir. Rien à voir donc avec l'au-delà, inexistant pour ce matérialiste ! C'est pendant son existence que l'homme crée son malheur.

Le mythe dans la culture.

* Sisyphe, le plus rusé des hommes, fut donc puni pour avoir tenté de faire échec aux dieux (dénoncer Zeus, ruser avec la mort...). Lui aussi est coupable d'hubris!
* Camus reprend le thème dans "Mythe de Sisyphe, essai sur l'Absurde".
Sisyphe est le héros absurde, car son action est en rupture avec les circonstances qui l'entourent; il sera libéré, selon Camus, dans la mesure où il prendra conscience de sa condition et l'acceptera lucidement : "La clairvoyance qui devait faire son tourment, consomme du même coup sa victoire."

* E. LE ROY- LADURIE (article paru dans l'Express n° 1643 - janvier 1983; "Le docteur Trompe-la-Mort") se demande si le mythe de Sisyphe a eu un répondant dans le folklore médiéval et moderne de l'Europe. Il passe en revue des versions variées du conte populaire du "Docteur Trompe-la-mort", islandaise, anglaise, allemande, italienne. Le seul dénominateur commun qu'il trouve entre ces attestations serait fourni par le fonds indo-européen.

 

a, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
adversus, a, um : contraire (prép. + acc. = contre)
aequor, oris, n. : la plaine, la mer
ante, prép. : +acc., devant, avant ; adv. avant
atque, conj. : et, et aussi
campus, i, m. : la plaine, le champ
do, das, dare, dedi, datum : donner
durus, a, um : dur
e, prép. : + Abl. : hors de, de
eo, 1. ABL. M-N SING de is, ea, is : le, la, les, lui... ce,..; 2. 1ère pers. sing. de l'IND PR. de eo, ire 3. adv. là, à ce point 4. par cela, à cause de cela, d'autant
et, conj. : et. adv. aussi
fascis, is, m. : le paquet ; pl. : les faisceaux : botte de joncs entourant une hache que portaient les licteurs des magistrats supérieurs ---> insignes du pouvoir
hic, haec, hoc : adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
iam, adv. : déjà, à l'instant
imbibo, is, ere, bibi, - : boire, s'imprégner, décider de
imperium, ii, n. : le pouvoir (absolu)
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
inanest = inane est
inanis, e : vain, vide, qui ne possède rien
labor, oris, m. : la peine, la souffrance, le travail pénible
mons, montis, m. : le mont, la montagne
nam, conj. : de fait, voyons, car
nec, adv. : et...ne...pas
nixor, aris, ari : s'appyuer sur
nos, nostrum : nous, je
oculus, i, m. : l'oeil
peto, is, ere, ivi, itum : 1. chercher à atteindre, attaquer, 2. chercher à obtenir, rechercher, briguer, demander
planus, a, um : plat, uni, égal
populus, i, m. : le peuple
qui, 1. n N.M.S ou N.M.PL. du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. Faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
quoque, adv. : aussi
raptim, adv. : précipitamment, à la hâte
recedo, is, ere, cessi, cessum : repartir, s'en aller, se retirer
rursum, adv. : en revanche, une seconde fois, de nouveau
saevus, a, um : cruel
saxum, i, n. : la pierre, le rocher, la roche
securis, is, f. : la hache
semper, adv. : toujours
Sisyphus, i, m. : Sisyphe
suffero, fers, ferre, sustuli, - : supporter
sum, es, esse, fui : être
summus, a, um : superlatif de magnus. très grand, extrême
tamen, adv. : cependant
tristis, e : 1. triste, affligé 2. sombre, sévère, morose
trudo, is, ere, trusi, trusum : pousser, faire sortir
umquam, inv. : une seule fois ; avec une négation : jamais
vertex, icis, f. : le sommet
victus, us, m. : la nourriture
vinco, is, ere, vici, victum : vaincre
vita, ae, f. : la vie
vito, as, are : éviter
volvo, is, ere, volui, volutum : faire rouler, rouler, remuer
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