RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER à LA TABLE DES MATIERES D'ORIBASE

ORIBASE.

COLLECTION MÉDICALE.

LIVRE II.

traduction française

texte bilingue

texte grec

livre I - livre III

 

1. DE LA LAITUE.

[Tiré de Galien].

1. Toutes les herbes potagères produisant du sang en petite quantité et composé d'humeurs mauvaises, la laitue n'en produit pas beaucoup non plus; mais celui qu'elle donne n'est pas entièrement formé d'humeurs mauvaises; ainsi elle contient une humeur humide et froide, mais elle ne produit pas d'humeurs mauvaises, comme je viens de le dire.

2. DES ENDIVES.

1. Les endives ont des propriétés semblables à celles de la laitue; mais elles lui sont inférieures, tant sous les rapports du goût, que sous celui des autres qualités dont nous avons parlé à propos de la laitue.

3. DE LA MAUVE.

1. La mauve a quelque chose de visqueux, qualité dont la laitue est privée; il est évident qu'elle ne saurait être rangée parmi les mets refroidissants. 2. Ce légume traverse facilement le ventre, surtout si on en mange abondamment avec de l'huile et du garon; il jouit d'une propriété digestible moyenne.

4. DE LA BETTE.

1. II existe certainement dans la bette un suc détersif, qui excite aussi les excrétions alvines et cause quelquefois des pincements à l'orifice de l'estomac; aussi est-ce un mets nuisible pour cette partie, si on en mange beaucoup. 2. Elle fournit peu de nourriture ainsi que les antres herbes potagères, mais elle convient dans les obstructions du foie, surtout si on la prend avec de la moutarde ou du vinaigre; elle est bonne aussi pour ceux qui ont la rate légèrement enflée.

5. DU CHOU.

1. Le jus du chou a quelque chose de purgatif; mais sa substance elle-même, parce qu'elle dessèche, resserre plutôt le ventre qu'elle ne l'excite aux déjections. 2. Or le chou dessèche de la même manière que les lentilles cuites : c'est pourquoi il obscurcit la vue, à moins que tout l'oeil ne soit par hasard plus humide que dans l'état naturel. 3. Cependant le chou n'est pas un mets qui possède une humeur de bonne qualité comme la laitue; mais il fournit un jus mauvais et d'odeur désagréable.

6. DE LA BLITE ET DE L'ARROCHE.

1. La blite et l'arroche sont, parmi les herbes potagères, les plus aqueuses et les plus dépourvues, pour ainsi dire, de toute qualité. 2. Il a déjà été dit que de semblables herbes ont une certaine tendance à passer facilement, surtout si elles joignent à l'humidité quelque chose qui facilite leur glissement; cependant cette tendance vers le bas n'est pas bien forte, parce qu'elles ne sont douées d'aucune propriété âcre et nitreuse. 3. Il est évident qu'elles donnent très peu de nourriture au corps.

7. DU POURPIER.

1. Comme aliment, le pourpier nourrit peu et la nourriture qu'il donne est humide, froide et visqueuse; comme médicament, il guérit l'agacement des dents, parce qu'il est visqueux sans être mordant.

8. DE LA PATIENCE.

1. La patience est semblable à la bette cultivée, tant sous le rapport du goût que sous celui des propriétés; mais, comme la bette est plus agréable que la patience, en général on mange plutôt la première.

9. DE LA PATIENCE SAUVAGE.

1. Personne ne mangera la patience ordinaire crue pas plus que la bette; mais, à la campagne, on mange crue la patience sauvage; elle est beaucoup moins nourrissante encore que la patience ordinaire.

10. DE LA MORELLE.

1. Parmi les herbes qu'on mange, je n'en connais aucune qui soit douée d'une astringence aussi forte que la morelle; ce n'est donc pas à tort que nous l'employons rarement comme aliment, mais habituellement comme médicament; car elle agit efficacement quand on a besoin d'un refroidissement qui resserre.

11. DES PLANTES ÉPINEUSES.

1. Beaucoup de paysans mangent les plantes épineuses quand elles viennent de sortir de terre. 2. Ainsi que toutes les herbes, elles sont très peu nourrissantes, et la nourriture qu'elles fournissent est ténue et aqueuse; les plantes épineuses sont donc modérément favorables à l'orifice de l'estomac. 3. Du nombre de ces plantes sont: la cardousse, le carthame laineux, l'épine blanche, le chardon à foulon, le carthame, l'astragale, l'atragis et l'artichaut, qu'on estime plus qu'il ne le mérite. 4. Ce dernier aliment fournit des humeurs mauvaises, surtout quand il a déjà commencé à se durcir; car alors il contient une assez grande quantité d'humeur bilieuse, et toute sa substance est plus ou moins ligneuse, de sorte qu'elle engendre des humeurs atrabilaires; mais le jus que contient l'artichaut fournit une humeur ténue de la nature de la bile amère ; il est donc préférable de l'adoucir par la coction avant de le manger.

12. DU MACERON, DE LA BERLE, DU SMYRNIUM ET DU CÉLERI.

1. Toutes ces plantes sont diurétiques; celle qu'on mange le plus habituellement est le céleri, parce qu'il est plus agréable et plus favorable à l'orifice de l'estomac que les autres. 2. Le smyrnium est beaucoup plus âcre et plus chaud que le céleri, le maceron et la berle. 3. Les autres plantes [c'est-à-dire le smyrnium et le céleri] se mangent aussi bien crues que cuites; mais on ne mange le maceron et la berle que cuits, car ces légumes se montrent désagréables quand ils sont crus. 4. Quelques-uns mangent aussi le céleri et le smyrnium en les mêlant aux feuilles de laitue; car la laitue, étant une herbe assez fade et qui contient en outre une humeur froide, devient à la fois plus agréable et plus profitable quand on y ajoute quelque chose d'âcre.

13. DE LA ROQUETTE.

1. Ce légume échauffe manifestement, aussi n'est-il pas facile de le manger seul sans le mêler aux feuilles de laitue. 2. On admet encore qu'il engendre du sperme et qu'il excite les désirs vénériens. 3. Il cause aussi de la céphalalgie, surtout si on le mange tout seul.

14. DE L'ORTIE.

1. L'ortie a les propriétés des substances dont les molécules sont ténues; aussi n'est-ce pas sans cause que personne ne l'emploie comme aliment, tandis qu'elle est utile comme mets accessoire et comme médicament, puisqu'elle relâche le ventre.

15. DU GINGIDIUM ET DE L'AIGUILLETTE.

1. Le gingidium est semblable à l'aiguillette et il est éminemment favorable à l'orifice de l'estomac, qu'on le mange cru ou cuit; mais il ne supporte pas une cuisson prolongée et il est doué d'une astringence et d'une amertume assez manifeste.

16. DU BASILIC.

1. Le basilic renferme de très mauvaises humeurs; aussi, renchérissant sur la vérité, on raconte que, si, après l'avoir broyé, on le jette dans un pot nouveau, il engendre très rapidement en peu de jours des scorpions; il est encore nuisible à l'orifice de l'estomac.

17. DES TIGES COMESTIBLES.

1. La tige du chou dessèche moins fortement que le chou lui-même, tandis que, pour les autres herbes potagères, la tige dessèche plus fortement que les feuilles. 2. Il existe un autre genre de tiges comestibles, lesquelles appartiennent à des plantes frutescentes, comme le houx frelon, le fragon racémeux et le buisson ardent; il y en a encore d'autres différentes de ces dernières, dont une espèce est appelée asperge royale, une autre, asperge des marais; de même la tige de couleuvrée en constitue une autre espèce. 3. Toutes sont favorables à l'orifice de l'estomac, poussent aux urines et contiennent peu de matière nutritive.

18. DU NAVET ou BUNIAS.

1. Je serais étonné que le navet nourrît moins qu'aucune des plantes du même genre; mais il distribue dans le corps une humeur plus épaisse qu'il ne faut; si donc on en mange en grande quantité, il y aura accumulation d'humeur crue. 2. Bouilli deux fois, il devient très bon; si on le prend moins cuit, il devient difficile à digérer, flatulent et nuisible à l'orifice de l'estomac; quelquefois aussi il cause des pincements dans cette partie.

19. DU GOUET.

1. On mange la racine du gouet comme le navet; mais, dans quelques pays, elle devient plus âcre [que de coutume], de manière à se rapprocher de la racine de serpentaire; dans ce cas, il faut la faire bouillir deux fois avant de la manger; à Cyrène, au contraire, elle est très peu médicamenteuse et très peu âcre, de telle sorte qu'elle est même préférable au navet. 2. Il est évident que cette dernière espèce convient mieux quand il s'agit de nourrir, tandis que l'espèce âcre est meilleure pour expulser les crachats de la poitrine et du poumon. 3. On mange la racine du gouet bouillie, avec de la moutarde ou du vinaigre, en l'assaisonnant d'huile et de garon. 4. Il est clair que la nourriture qu'elle distribue au corps est assez épaisse, comme celle que fournit le navet.

20. DE LA SERPENTAIRE.

1. Après avoir fait bouillir deux ou trois fois la racine de serpentaire, afin qu'elle perde ce qu'elle a de médicamenteux, nous la donnons quelquefois à manger, quand nous avons besoin d'un agent qui provoque fortement l'expulsion des crachats de la poitrine et du poumon.

21. DE L'ASPHODÈLE.

1. Quand on prépare cette racine, comme les lupins, elle perd la plus grande partie de son amertume; je sais toutefois que, dans des cas de famine, on est à peine parvenu à la rendre mangeable par des coctions et des macérations réitérées dans l'eau douce. 2. Ses propriétés sont désobstruantes et incisives, comme celles de la serpentaire.

22. DU VACCET.

1. On mange les racines du vaccet, et quelquefois aussi, au printemps, ses tiges; elles ont des propriétés amères et âpres qui leur donnent la faculté d'exciter l'appétit quand l'orifice de l'estomac est affaibli. 2. Les racines ne sont pas contraires à ceux qui veulent expulser quelques crachats de la poitrine ou du poumon, bien que leur substance soit plus ou moins épaisse et visqueuse; mais cette épaisseur est contrebalancée par leur amertume, qui exerce naturellement une action incisive sur les humeurs visqueuses et épaisses: dans ce cas, il est préférable de les manger dans du vinaigre, avec de l'huile et du garon; car elles deviennent ainsi plus agréables, moins flatulentes, plus nutritives et plus faciles à digérer. 3. Quelques personnes qui avaient mangé beaucoup d'oignons de vaccet s'aperçurent clairement qu'elles avaient plus de sperme [qu'auparavant] et qu'elles devenaient plus disposées à l'acte générateur.

23. DE LA CAROTTE, DU DAUCUS ET DU CARVI.

1. On mange également les racines de ces plantes; elles sont, il est vrai, moins nutritives que les navets et les gouets de Cyrène, mais elles échauffent manifesteraient et trahissent quelque chose d'aromatique. 2. Comme les autres racines, elles sont difficiles à digérer; mais elles poussent aux urines, et, si on en use avec excès, elles engendrent des humeurs assez mauvaises; cependant le carvi donne de meilleures humeurs que la carotte. 3. Quelques-uns appellent daucus la carotte sauvage, laquelle pousse plus fortement aux urines [que l'autre], a un goût plus médicamenteux et nécessite une coction prolongée, si on veut la manger. 

24. DES TRUFFES.

1. Les truffes n'ont aucune qualité appréciable; on les emploie donc comme excipient d'assaisonnements, ainsi que les autres mets qu'on appelle mets sans qualité et d'une saveur aqueuse. 2. Toutes ces substances ont cela de commun qu'elles distribuent dans le corps une nourriture qui n'échauffe point, mais qui est légèrement froide; quant à l'épaisseur, cette nourriture est conforme à celle du mets qu'on a pris ; la nourriture que fournit la truffe est plutôt épaisse, tandis que celle des autres mets est plutôt humide et subtile dans la même proportion que les mets eux-mêmes.

25. DES CHAMPIGNONS.

1. Parmi les champignons, les bolets, quand ils sont bien cuits dans l'eau, se rapprochent des mets sans qualité apparente. 2. La nourriture qu'ils fournissent est pituiteuse et froide, et, si on en mange abondamment, elle produit des humeurs mauvaises. 3. Ce sont là les champignons les plus innocents, les amanites occupent le second rang; quant aux autres, il est plus prudent de ne pas y toucher du tout; car beaucoup de gens en sont morts.

26. DU RADIS.

1. Le radis a des vertus atténuantes; en même temps, il échauffe manifestement; car les qualités âcres y prédominent.

27. DES OIGNONS, DES POIREAUX, DE L'AIL ET DU POIREAU DE VIGNES.

1. Ces plantes ont une propriété très âcre, et, conformément à cette propriété, elles échauffent le corps, atténuent les humeurs épaisses qu'il contient et divisent les humeurs visqueuses. 2. Bouillies deux ou trois fois, elles perdent leur âcreté; mais elles n'en continuent pas moins d'atténuer et donnent très peu de nourriture au corps, tandis que, avant la cuisson, elles n'en donnaient pas du tout. 3. Les poireaux de vigne diffèrent autant des poireaux ordinaires que, parmi les autres plantes du même genre, les plantes sauvages diffèrent des espèces cultivées. 4. Il faut éviter de manger habituellement des substances âcres, quelles qu'elles soient, surtout quand la personne qui en use est plutôt bilieuse qu'autrement; car de semblables aliments conviennent uniquement à ceux qui ont une accumulation d'humeur pituiteuse ou d'humeur crue, épaisse et visqueuse.

28. DE LA NOURRITURE TIRÉE DES ANIMAUX.

1. Toutes les parties des animaux ne possèdent pas les mêmes propriétés; mais leur chair, quand elle est bien digérée, engendre un sang excellent, surtout celle des animaux doués d'humeurs de bonne nature, des cochons, par exemple, tandis que les parties nerveuses produisent plutôt du sang pituiteux. 2. La viande de porc est, parmi tous les mets, ce qu'il y a de plus nutritif. 3. Le boeuf, il est vrai, donne aussi une nourriture assez abondante et qui ne se perd pas aisément par la perspiration ; mais il produit du sang plus épais qu'il ne convient; et quelqu'un qui a, par nature, un tempérament atrabilaire, sera pris de quelque maladie dépendant de la bile noire, s'il en mange beaucoup. 4. Autant le boeuf surpasse le porc par l'épaisseur de toute sa substance, autant le porc l'emporte sur le boeuf par la viscosité de sa chair; mais le porc est d'une digestion beaucoup plus facile. 5. Le veau est d'une plus facile digestion que le boeuf; il en est de même des jeunes boucs comparés aux chèvres; car, bien qu'elle soit d'un tempérament moins sec que le boeuf, la chèvre, si on la compare au porc, en diffère très notablement. 6. Les petits porcs nous fournissent une nourriture d'autant plus imprégnée d'humeurs excrémentitielles, qu'ils ont plus d'humidité que les grands porcs; il s'ensuit naturellement qu'ils sont également moins nourrissants. 7. Les agneaux ont aussi la chair pituiteuse et très humide; mais celle du mouton est également plus ou moins imprégnée d'humeurs excrémentitielles et mauvaises; celle de la chèvre contient aussi de mauvaises humeurs, et de plus elle est âcre. 8. La chair de bouc est la plus mauvaise, tant sous le rapport de la bonté des humeurs, que sous celui de la facilité de la digestion; après elle vient la chair de bélier et ensuite celle de taureau. 9. Chez tous ces animaux, la chair des individus châtrés est préférable; mais celle des animaux âgés est ce qu'il y a de plus mauvais, tant sous le rapport de la facilité de la digestion, que sous celui de la bonté des humeurs et de l'abondance de la nourriture; de sorte que, chez les cochons eux-mêmes, bien que ces animaux aient un tempérament humide, la chair des individus âgés est fibreuse, sèche et, par suite, difficile à digérer. 10 La viande de lièvre produit également du sang plus ou moins épais; mais, pour la bonté des humeurs, elle est préférable à celle du boeuf et du mouton. 11. La viande de cerf n'est ni moins imprégnée de mauvaises humeurs, ni moins dure, ni moins difficile à digérer. 12. La chair des ânes sauvages, du moins celle des individus de bonne complexion et jeunes, se rapproche de celle des cerfs; quelques personnes mangent aussi la chair des ânes domestiques, quand ils sont devenus vieux, ce qui constitue un mets fortement imprégné d'humeurs mauvaises, difficile à digérer, nuisible à l'orifice de l'estomac, et, en outre, désagréable ainsi que la chair des chevaux et des chameaux; ceux qui mangent de ces viandes ressemblent eux-mêmes aux ânes, tant par le corps que par l'âme. 13. Quelques-uns mangent également la chair des ours, et, ce qui est encore pis, celle des lions et des léopards. 14. Quant aux chiens, est-il nécessaire de dire que, chez quelques peuples, on mange les sujets jeunes et gras, surtout quand ils sont châtrés, et qu'il en est de même pour les panthères? 15. Dans mon pays, les chasseurs mangent également en automne la chair de renard. 16. Il faut savoir que les animaux, qui ont besoin de paître l'herbe haute, comme les boeufs , deviennent maigres et s'imprègnent d'humeurs mauvaises en hiver et au commencement du printemps, tandis qu'ils se montrent évidemment plus gras et imprégnés d'humeurs meilleures dans une saison plus avancée, quand l'herbe devient grande, épaisse et monte en graine; ceux, au contraire, qui peuvent se nourrir d'herbe courte, comme les moutons, sont meilleurs au commencement et au milieu du printemps; les chèvres, enfin, sont préférables au commencement et au milieu de l'été, quand les jeunes pousses des arbrisseaux sont le plus abondantes, car c'est là leur nourriture habituelle.

29. DES ESCARGOTS.

1. Les escargots ont la chair dure et, par conséquent, difficile à digérer; mais, si on la digère, elle nourrit fortement. 2. Ils ont, ainsi que les testacés, un suc qui relâche le ventre : aussi, se sert-on du bouillon qu'on obtient en les assaisonnant avec de l'huile, du garon et du vin, pour faciliter l'évacuation de ce qui est contenu dans les intestins. 3. Si, au contraire, on veut seulement employer la chair de cet animal comme un mets nourrissant, on la fera bouillir d'abord avec de l'eau, on la mettra ensuite dans de l'autre eau, dans laquelle on la fera de nouveau bouillir; après cela, on l'assaisonnera et on la fera bouillir pour la troisième fois, jusqu'à ce qu'elle devienne complètement tremblante ; ainsi préparée, elle resserrera le ventre, mais elle fournira une nourriture abondante au corps.

30. DES EXTRÉMITÉS DES QUADRUPÈDES.

1. Les pieds des petits porcs sont un mets très convenable, quand on les jette dans de l'orge mondée en ébullition. 2. Toutes les extrémités du corps ont très peu de graisse et très peu de substance charnue, tandis que le genre nerveux et cutané y prédomine; cependant ces nerfs et cette peau ne sont pas identiques avec les substances analogues qui se trouvent dans le reste du corps, car la peau et les nerfs sont plus exercés dans les extrémités [qu'ailleurs]. 3. Il résulte de cette prédominance de peau et de nerfs que les extrémités sont plus visqueuses [que les autres parties]; car tout nerf et toute peau se transforment en une substance visqueuse par la coction; il est donc naturel qu'elles donnent moins de nourriture au corps tandis qu'elles traversent plus aisément les intestins à cause de leur viscosité. 4. Les pieds de cochon sont meilleurs que le museau, et celui-ci est préférable aux oreilles; car ces dernières sont uniquement composées de peau et de cartilage; or le cartilage est complètement indigestible chez les animaux adultes, tandis que, chez ceux qui sont encore dans la période de croissance, il se digère, pourvu qu'on le broie bien dans la bouche, et donne peu de nourriture au corps. 5. Appliquez ce qu'on vient de dire, dans la même proportion, aux autres animaux; car, autant leur chair le cède à celle des cochons, sous le rapport de la bonté de la nourriture, autant, chez eux, les extrémités sont inférieures à celles des cochons.

31. DE LA LANGUE DES QUADRUPÈDES.

1. Cette partie a une substance particulière plus spongieuse et plus exsangue que la chair car la chair proprement dite est formée par les muscles, surtout par leur partie moyenne.

32. DES GLANDES.

1. Les glandes, par leur nature, s'éloignent autant de la langue que celle-ci s'éloigne des chairs. 2. C'est une propriété commune à toutes les glandes d'être agréables et de se morceler quand elles sont préparées pour le repas ; mais celles des mamelles offrent en outre, quand elles contiennent du lait, quelque chose de la douceur de ce liquide; et c'est précisément pour cela que ces glandes, lorsqu'elles sont pleines de lait, surtout celles des truies, constituent un mets très recherché des gourmets. 3. La nourriture que donnent les glandes, quand elles sont bien digérées, se rapproche de celle que fournissent les chairs; mais, quand elles sont moins complètement assimilées, elles produisent des humeurs crues ou pituiteuses. 4. Quoique les testicules appartiennent au genre des glandes, ils ne contiennent pas des humeurs aussi bonnes que les glandes des mamelles; ils ont, au contraire, une certaine odeur repoussante, car ils trahissent la nature du sperme qu'ils fabriquent, comme les reins trahissent celle de l'urine; ils sont aussi beaucoup plus difficiles à digérer [que les autres glandes], du moins les testicules des animaux qui marchent; car ceux des coqs engraissés sont agréables et donnent une bonne nourriture au corps.

33. DES REINS.

1. Les reins sont évidemment imprégnés de mauvaises humeurs et difficiles à digérer.

34. DES TESTICULES.

1. Les testicules de tous les quadrupèdes sont difficiles à digérer et imprégnés d'humeurs mauvaises; mais, quand ils sont bien digérés, ils nourrissent bien; il n'y a que les testicules des coqs qui soient agréables et excellents sous tous les rapports, surtout ceux des coqs engraissés.

35. DE LA CERVELLE.

1. Toute cervelle est un mets plus ou moins pituiteux, imprégné d'humeurs mauvaises, passant lentement, difficile à digérer et assez fortement nuisible à l'orifice de l'estomac. 2. Induits en erreur par sa mollesse, quelques-uns la donnent aux malades, bien qu'à ses autres qualités elle ajoute celle d'exciter du dégoût. 3. Comme elle contient des humeurs épaisses et excrémentitielles, elle devient meilleure quand on l'assaisonne avec des ingrédients incisifs et échauffants; cependant, quand elle est bien digérée, elle donne au corps une nourriture abondante.

36. DE LA MOELLE DES OS.

1. La moelle des os est plus douce, plus agréable et plus grasse que la cervelle; si donc on les goûte comparativement, on croira même que la cervelle a quelque chose d'âpre. 2. Ainsi que la cervelle, la moelle est un aliment qui excite le dégoût, quand on en mange beaucoup; cependant, si elle est bien digérée, elle donne également une nourriture suffisante.

37. DE LA MOELLE ÉPINIÈRE.

1. La moelle épinière contient très peu de graisse; aussi échappe-t-elle à l'inconvénient de causer du dégoût, et, si elle est bien digérée, elle donne une nourriture assez abondante au corps.

38. DE LA GRAISSE MOLLE ET DE LA GRAISSE COMPACTE.

1. Ces deux substances sont peu nourrissantes; elles servent plutôt d'assaisonnement [naturel] pour les viandes qui nous nourrissent.

39. DES VISCÈRES DES QUADRUPÈDES.

1. Le foie de tous les animaux contient des humeurs épaisses, se digère difficilement et passe lentement. 2. Le meilleur foie, non seulement quant au goût, mais aussi sous les autres rapports, est celui qu'on appelle sycoton; il a reçu ce nom, parce qu'il doit ses qualités distinctives à cette circonstance qu'on donne beaucoup de figues sèches à l'animal destiné à être tué. 3. On applique surtout ce procédé aux porcs, parce que les viscères de cet animal sont beaucoup plus agréables que ceux des autres animaux. 4. Parmi les autres viscères, la rate n'est pas même agréable au goût; car elle offre une âpreté fortement prononcée, et on a raison de la regarder comme imprégnée d'humeurs mauvaises, puisqu'elle produit du sang atrabilaire. 5. Le poumon, étant moins dense que les deux viscères susdits, est d'autant plus facile à digérer; il est de beaucoup inférieur au foie, quant à la faculté nutritive, et la nourriture qu'il donne au corps est plus pituiteuse. 6 Le coeur est une chair fibreuse et dure, quant à sa substance; aussi se digère-t-il difficilement et passe-t-il lentement; mais, si le cœur est bien digéré, il donne au corps une nourriture assez abondante et non imprégnée d'humeurs mauvaises.

40. DE L'ESTOMAC, DE LA MATRICE ET DES INTESTINS DES QUADRUPÈDES.

1. Ces parties sont plus dures que les chairs; il s'ensuit que, même pas du sang proprement dit, mais quelque chose de plus froid et de plus cru; elle a besoin d'un temps plus prolongé pour se transformer en bon sang, après avoir été bien assimilée. 

 

41. DE LA DIFFÉRENCE ENTRE LES ANIMAUX SAUVAGES ET LES ANIMAUX DOMESTIQUES.

1. Le tempérament des animaux domestiques est plus humide que celui des animaux sauvages; [la chair] des animaux sauvages est plus ou moins dure et contient ou très peu, ou point du tout de graisse; aussi elle résiste à la putréfaction pendant un plus grand nombre de jours que celle des animaux à l'état domestique, ou qui ont mené une vie paresseuse. 2. Il est clair que la nourriture tirée des animaux sauvages est à peu près destituée de matières excrémentitielles, tandis que celle fournie par les animaux domestiques et paresseux en est imprégnée.

42. DE LA NOURRITURE TIRÉE DES OISEAUX.

1. Les oiseaux sont tous peu nourrissants, si on les compare aux quadrupèdes et surtout aux cochons; mais la chair des oiseaux est plus facile à digérer, surtout celle de la perdrix, du coq de bruyère, du pigeon et du coq. 2. La chair des grives, des merles et des petits oiseaux, parmi lesquels il faut ranger les moineaux domestiques, est plus dure que celle des oiseaux que nous venons d'énumérer; la chair de la tourterelle, du ramier et du canard, est encore plus dure que celle de ces derniers. 3. La chair de faisan est semblable à celle des poules, tant sous le rapport de la digestion, que sous celui de la nutrition; mais elle lui est supérieure, par le plaisir qu'elle donne quand on la mange. 4. La chair de paon est plus dure, plus difficile à digérer et plus fibreuse que celles dont nous avons déjà parlé. 5. En général, il faut savoir que, chez tous les oiseaux, aussi bien que chez les quadrupèdes, la chair des animaux qui sont encore en croissance est beaucoup meilleure que celle des individus sur le déclin de l'âge, que celle des animaux tout à fait jeunes est également mauvaise, mais d'une manière opposée à celle des animaux âgés; car la chair des animaux âgés est dure, nerveuse, par cela même difficile à digérer, et donne peu de nourriture au corps, tandis que celle des individus tout à fait jeunes est muqueuse et humide, et, pour cette raison, imprégnée de matières excrémentitielles; mais elle traverse plus facilement les intestins.

43. DES OIES ET DES AUTRUCHES.

1. La chair de ces animaux est imprégnée de matières excrémentitielles, et elle est beaucoup plus difficile à digérer que celle des oiseaux dont nous venons de parler; mais leurs ailes ne sont pas plus mauvaises que celles des autres; en effet, chez plusieurs oiseaux, et surtout chez ceux qui sont petits et ont la chair dure, la substance des ailes est fibreuse et dure; chez quelques-uns même, toute la chair possède ces qualités, par exemple celle des grues; car on mange aussi ces oiseaux, après les avoir conservés pendant quelques jours. 2. Les oiseaux appelés outardes tiennent, en quelque sorte, par leur chair, le milieu entre les grues et les oies.

44. DES VISCÈRES DES OISEAUX.

1. Les estomacs des oiseaux sont mangeables et nutritifs, et ceux de quelques-uns, par exemple des oies, sont agréables; en second lieu viennent ceux des poules engraissées. 2. De même que, chez les cochons, le foie sycoton est rendu d'avance agréable, pendant la vie, par l'usage alimentaire des figues sèches, de même on obtient ce résultat chez les oies, en humectant de petit lait leurs aliments, de manière à rendre leur foie, non seulement très agréable, mais aussi très nutritif, à l'imprégner d'excellentes humeurs et à lui faire traverser assez facilement les intestins ; il se comporte alors de la même manière, par rapport à la digestion stomacale. 3. Les ailes des oies sont également aptes à être bien digérées et à nourrir; mais celles des poules le sont encore plus, cependant celles des animaux vieux et maigres sont les plus mauvaises et celles des individus jeunes et bien nourris les meilleures. 4. Les testicules des coqs sont également excellents, surtout ceux des coqs engraissés et encore plus ceux des individus pour lesquels on a mêlé les aliments avec du petit lait; car ceux-là contiennent de bons sucs, sont nutritifs et se digèrent très facilement. 5. Quelques-uns louent à tort l'estomac de l'autruche comme un médicament digestif; d'autres louent encore beaucoup plus celui du labbe; mais ces organes ne se digèrent pas facilement eux-mêmes et ils ne constituent pas non plus un médicament propre à faciliter la digestion des autres aliments.

45. DES OEUFS.

1. Ceux des poules et des faisans sont les meilleurs, ceux des oies et des autruches sont moins bons. 2. Les oeufs frais sont également meilleurs que les vieux, et ceux qui sont peu cuits sont préférables à ceux qui le sont beaucoup. 3. Les meilleurs donc, pour nourrir le corps, sont les oeufs à demi-durs ; les oeufs mous nourrissent moins, mais ils descendent plus facilement; les oeufs durs sont difficiles à digérer, traversent lentement les intestins et distribuent dans le corps une nourriture épaisse. 4. Les oeufs cuits sous la cendre chaude passent encore plus lentement que ces derniers et contiennent des humeurs encore plus épaisses. 5. Ceux qu'on laisse épaissir dans une poêle, et qu'on appelle, pour cela même, oeufs à la poêle, donnent une nourriture très mauvaise sous tous les rapports. 6. Ceux qu'on appelle pochés sont meilleurs que les oeufs durs et les oeufs cuits sous la cendre; on les prépare en les humectant avec de l'huile, du garon et un peu de vin, ensuite on met le vase [qui les contient] dans un pot renfermant de l'eau chaude, on ferme exactement ce pot avec un couvercle et on met du feu dessous, jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à une consistance moyenne, car ceux qui se sont trop épaissis deviennent semblables aux oeufs durs et aux oeufs cuits sous la cendre. 7. Il faut tâcher de saisir la même consistance moyenne pour les oeufs qu'on verse d'en haut sur un plat et ne pas leur permettre de s'épaissir complètement, mais ôter le plat du feu pendant qu'ils sont encore en gelée.

46. DU MUGE. .

1. La chair des muges qui vivent dans l'eau bourbeuse et sale est imprégnée de matières excrémentitielles et très muqueuse; mais celle des muges vivant dans la mer pure est excellente; ceux qui vivent dans les lacs, et surtout dans les petits lacs, sont mauvais, et ils le sont encore davantage, quand l'eau est stagnante et n'a pas d'écoulement. 2. Parmi les muges qui naissent dans les rivières, ceux des rivières à courant fort et rapide sont les meilleurs ; mais ceux des rivières qui forment des lacs ne sont pas bons. 3. Le goût pourra vous servir aussi à reconnaître la meilleure espèce de muge, car la chair de cette espèce est plus ou moins piquante et agréable et n'a pas de graisse, tandis que les muges gras et d'un goût peu prononcé sont moins bons à manger, se digèrent moins bien, nuisent à l'orifice de l'estomac et contiennent de mauvaises humeurs; voilà pourquoi on les assaisonne aussi avec de l'origan.

47. DU BAR.

1. Le bar est un poisson de haute mer; or l'aliment que nous donne ce poisson, ainsi que celui fourni par les autres poissons, se prête plutôt à engendrer un sang d'une consistance assez tenue que celui que nous devons aux quadrupèdes ; il ne nourrit donc pas très fortement et se dissipe rapidement par la perspiration.

48. DU ROUGET.

1. Le rouget est aussi un poisson de haute mer; mais il a une chair plus dure peut-être que celle de tous les poissons de même nature, et elle est sans cohésion; si donc on la digère bien, elle nourrit plus que celle des autres poissons. 2. Les rougets deviennent excellents, d'abord par leur séjour dans la mer pure, ainsi que tous les autres poissons, et au moins autant par leur nourriture. 3. Ceux donc qui mangent de petites crabes ont l'odeur et le goût mauvais, se digèrent difficilement et contiennent des humeurs mauvaises ; on les reconnaîtra avant de les manger, en leur ouvrant le ventre, et pendant qu'on les mange, dès le premier abord, par leur odeur et leur goût.

49. DES POISSONS ROCHEUX.

1. On regarde le scare comme le meilleur de ces poissons, sous le rapport du goût; viennent ensuite les tourdes et les merles, et après eux les girelles, les boulereaux et les perches. 2. La nourriture qu'ils fournissent est non seulement facile à digérer, mais aussi très favorable à la santé du corps de l'homme, parce qu'ils produisent du sang de consistance moyenne.

50. DES LOCHES DE MER.

1. La loche est un poisson des côtes, du nombre de ceux qui restent toujours petits; celle qui habite les côtes sablonneuses ou les falaises rocheuses est excellente, sous le rapport du goût, de la digestion, et aussi bien pour la bonté que pour la facile distribution des humeurs; mais celle qu'on prend à l'embouchure des rivières ou dans l'eau de mer stagnante n'est ni facile à digérer, ni imprégnée d'humeurs de bonne qualité. 2. Si l'eau est en outre bourbeuse, ou si c'est une rivière qui entraîne les immondices d'une ville, la loche qui s'y tient sera très mauvaise; il en est de même de tous les autres poissons qui habitent de pareilles eaux. 3. La chair des loches, bien qu'elle soit plus dure que celle des poissons rocheux, est plus molle que celle des rougets; aussi le corps de ceux qui en usent reçoit une nourriture nui est en raison de ses propriétés.

51. DES POISSONS À CHAIR MOLLE, À PROPOS DE QUOI ON TROUVE AUSSI LA PRÉPARATION DE LA SAUCE BLANCHE.

1 Si les motelles prennent une bonne nourriture et vivent dans la mer pure, elles ont une chair tout aussi bonne que les poissons rocheux; si, au contraire, elles prennent de mauvais aliments et vivent dans quelque eau mélangée, elles ne perdent pas, il est vrai, la mollesse de leur chair, mais elles prennent de la graisse, ce qui fait qu'elles ne restent plus aussi agréables [qu'auparavant] et qu'elles distribuent dans le corps une nourriture plus chargée de matières excrémentitielles. 2. Ainsi que je viens de le dire, il faut se rappeler, comme une règle commune à tous les poissons, qu'ils deviennent très mauvais à l'embouchure des rivières qui servent de déversoir aux latrines, aux bains, aux cuisines et à la lessive des vêtements ou du linge. 3. On trouvera aussi très mauvaise la chair d'une murène qui vit dans de l'eau semblable. 4. La sole est plus molle, plus agréable à et meilleure, sous tous les rapports, que le flet. 5. Les lézards marins tiennent en quelque sorte le milieu entre les poissons à chair molle et ceux à chair dure. 6. Le meilleur assaisonnement de tous ces poissons, pour en faciliter la digestion, est la sauce blanche, qui se prépare de la manière suivante : après avoir jeté sur le poisson de l'eau en abondance, on y verse de l'huile en quantité suffisante avec un peu d'aneth et de poireau; ensuite on cuit les poissons à demi et on ajoute du sel ce qu'il en faut pour que la sauce n'ait pas un goût trop salé; cet assaisonnement est bon aussi pour les gens maladifs. 7. La nourriture retirée de tous les poissons susdits convient à ceux qui ne prennent point d'exercice, qui mènent une vie oisive, aux gens faibles et maladifs; mais ceux qui prennent de l'exercice ont besoin d'aliments plus nutritifs. 8. Il a été souvent répété que les aliments mous et sans cohésion sont les meilleurs pour la santé, parce que, entre tous, ils contiennent les humeurs les meilleures; or il n'y a pas de moyen plus sûr pour arriver à la santé que la bonté des humeurs.

52. DES POISSONS A CHAIR DURE.

1. Tout le monde s'aperçoit facilement, en mangeant les vives et les grondins, qu'ils ont la chair dure. 2. Les gades ont également la chair dure, excepté celui que les Romains appellent galaxias et qui est un poisson très estimé et tendre, quoiqu'il appartienne au genre des gades. 3. Les scorpènes, les maquereaux bâtards, les orphes et les rougets appartiennent aussi aux poissons à chair dure. 4. Les poissons à chair dure constituent un mets dont il est plus difficile de triompher que des poissons à chair molle, cela est évident; en effet, la digestion qui a lieu dans l'estomac, la sanguification qui se fait dans le foie et dans les veines, et l'assimilation qui s'opère clans chacune des parties, pendant la nutrition, sont faciles pour les substances molles, et difficiles pour les substances dures. 5. L'humeur produite par les poissons à chair dure est épaisse, tandis que celle qu'on doit aux poissons à chair molle est plutôt ténue.

53. DES TESTACÉS.

1. On appelle testacés les buccins, les pourpres, les huîtres, les cames et tous les autres animaux semblables, parce que leur tégument extérieur ressemble à une tuile. 2. Tous ces animaux ont cela de commun que leur chair contient un liquide salé qui relâche le ventre; ce qu'il y a de propre à chaque espèce consiste dans les divers degrés de cette propriété, tant sous le rapport de la qualité que sous celui de la quantité ; ainsi, de tous les testacés, les huîtres ont la chair la plus molle, tandis que les petites cames, les pourpres, les buccins, et les autres animaux semblables, ont la chair dure; il est donc naturel que les premiers relâchent davantage le ventre en donnant moins de nourriture au corps, tandis que les testacés à chair dure sont plus difficiles à digérer, mais nourrissent davantage. 3. Comme la chair des testacés à chair dure est difficile à digérer, et qu'aussi elle se corrompt difficilement, nous jugeons souvent à propos de les donner à ceux dont les aliments se corrompent dans l'estomac à cause des humeurs mauvaises, que ces humeurs affluent vers l'estomac, en venant du foie, ou qu'elles soient contenues dans les tuniques de l'estomac même. 4. Les testacés produisent, en grande quantité, l'humeur appelée crue, mais ceux qui ont plutôt la chair molle engendrent en outre du flegme. 5. De même donc que la chair de ces animaux, quand elle a déposé son liquide salé, a non seulement la propriété de se corrompre difficilement, mais aussi celle de resserrer le ventre; de même on relâchera fortement le ventre, si on boit le liquide qu'elles ont déposé; mais, dans ce dernier cas, le corps n'en retirera aucune nourriture.

54. DES CRUSTACÉS.

1. Les homards, les pouparts, les crabes, les langoustes, les salicoques et tous les autres animaux qui sont couverts d'une coquille mince, mais semblable, pour la dureté, à celle des testacés, contiennent une quantité assez notable de liquide salé, quoiqu'ils en contiennent moins que les testacés. 2. Tous les crustacés ont la chair dure, et, par cela même, ils sont difficiles à digérer, mais ils sont nourrissants, dans le cas où on les a fait bouillir préalablement dans de l'eau potable. 3. Leur chair resserre le ventre comme celle des huîtres, quand elle a déposé, par une coction préalable, son liquide salé dans l'eau, comme je viens de le dire. 4. Enfin, leur chair se corrompt difficilement, comme celle des testacés à chair dure.

55. DES MOLLUSQUES.

1. On appelle mollusques les animaux qui n'ont point d'écailles et dont la peau n'est ni rugueuse, ni semblable à une tuile, mais molle comme celle de l'homme : cette classe est formée par les poulpes, les seiches et tous les autres animaux qui leur ressemblent. 2. Ces animaux sont, il est vrai, mous au toucher, mais leur chair est dure, ils se digèrent difficilement et contiennent dans leur intérieur du liquide salé en petite quantité; cependant, si on les digère, ils donnent une nourriture assez abondante au corps: ils produisent donc aussi l'humeur crue en grande quantité.

56. DES SÉLACIENS.

1. La peau de ces animaux est rugueuse et luisante pendant la nuit : voilà pourquoi quelques-uns font dériver leur nom des mots grecs selas «lueur» et echein «avoir.» 2. Parmi eux, la torpille et la pastenague ont la chair molle et en même temps agréable, relâchant modérément le ventre, se digérant assez facilement et nourrissant modérément comme tous les autres animaux à chair molle. 3. C'est une propriété commune à presque tous ces animaux, que les parties voisines de la queue sont plus charnues que celles du milieu; ceci s'applique surtout aux torpilles; car les parties moyennes de ces animaux semblent contenir une espèce de cartilage tremblotant. 4. Les raies, les raies lisses, les anges et tous les animaux semblables sont plus durs, plus difficiles à digérer, et donnent plus de nourriture au corps que la torpille et la pastenague.

57. DES GRANDS ANIMAUX MARINS.

1. Les phoques, les baleines, les dauphins, les marteaux, les grands thons, de plus, les chiens, de mer, et tous les autres animaux semblables, appartiennent à cette classe; ils ont la chair dure et imprégnée d'humeurs mauvaises et de matières excrémentitielles; voilà pourquoi on s'en sert après les avoir salés.

58. DES ALIMENTS FOURNIS PAR LES ANIMAUX AQUATIQUES.

[Tiré de Xénocrate].

1. On a approprié la classe des animaux nageurs, comme un jouet alimentaire, aux jouissances de la bonne chère; mais elle est aussi d'une grande utilité pour le régime de santé. 2. Les poissons diffèrent selon leur composition élémentaire; car les uns ont la chair dure et les autres l'ont molle; aux poissons à chair dure appartiennent les pagels, les dentés, les soles et les poissons larges, comme les flets et les barbues; aux poissons à chair molle, les tourdes, les merles, les boulereaux et les espèces semblables, dont la chair se dissipe facilement par la perspiration; les motelles, les merlans (?) et les corbs tiennent le milieu entre ces deux groupes. 3. On distingue encore les poissons en poissons rocheux et en poissons de haute mer; les derniers sont plus nourrissants; mais ceux qu'on trouve près des bords du rivage, ou de l'embouchure des canaux, sont imprégnés d'humeurs mauvaises et désagréables au goût. 4. Les mers elles-mêmes sont aussi une cause de différence, puisque les poissons de la mer Adriatique ont des qualités moyennes, tandis que ceux de la mer Tyrrhénienne ont un goût exquis. 5. Au printemps, la plupart des poissons sont aussi meilleurs que dans les autres saisons, à cause du frai, par exemple, les rougets; mais les pagels et les dentés sont meilleurs pendant l'été; en automne, il faut rejeter les merlus noirs, comme étant imprégnés d'humeurs mauvaises, tandis que, dans cette saison, les muges et les bars sont plus6 délicats qu'en tout autre temps. 6. Quant à la taille, les poissons petits et jeunes se corrompent facilement, mais ceux d'une grandeur démesurée sont imprégnés d'humeurs mauvaises, durs et nuisibles à l'orifice de l'estomac; ceux de taille moyenne possèdent, pour ainsi dire, une faculté moyenne de se distribuer dans le corps. 7. Les poissons diffèrent aussi eu égard à leurs parties; la queue, qui est leur organe de mouvement, est bien exercée, bien nourrissante et délicate; leur ventre, qui est graisseux, surnage dans l'estomac, et active les excrétions; la chair de leur dos est dure; la tête de tous les poissons, étant salée et graisseuse, nourrit mal et se distribue difficilement dans le corps; mais celle du myre, du pagel et surtout du rouget, est très facilement rejetée par les excrétions. 8. Quant à la préparation, les poissons grillés sont plus nourrissants que les autres, mais ils passent difficilement; les poissons bouillis, au contraire, sont peu nourrissants, mais passent très facilement. 9. Les poissons de mer sont agréables au goût, favorables à l'orifice de l'estomac, et se distribuent très facilement dans le corps; ils produisent une chair molle et pétrie d'humidité; ils donnent une belle couleur, parce qu'ils produisent du sang et qu'ils relâchent le ventre; tandis que les poissons de rivières et de lacs nuisent à l'orifice de l'estomac, produisent des éléments grossiers, et sont difficilement rejetés par les excrétions; quelques-uns ne sont pas inférieurs aux poissons de mer, par exemple le bolty du Nil,, la perche du Rhin et le bar du Tibre, lequel est pointillé. 10. L'Anion et un lac dans le pays de Falerne produisent également un poisson de la même espèce; car le séjour dans ces eaux le rend succulent et agréable au goût. 11. Il faut préférer à tous les autres poissons ceux qui n'ont point de mauvaise odeur, qui [ne] sont [pas] très gras, qui sont succulents et de taille moyenne. 12. Les poissons se divisent en poissons nageurs, en poissons cartilagineux, en mollusques et en testacés, dont les propriétés sont les suivantes. 13. Le nonnat est un poisson très-petit, qui vit par bandes, et qu'on prépare dans le plat. 14. Les squales-renards, les dorades, les aloses (ces dernières se retirent de la haute mer dans les rivières) et le silure ne sont ni succulents, ni favorables à l'orifice de l'estomac; ils se digèrent difficilement et nourrissent peu. 15. L'acarne a le corps dur, se corrompt difficilement, n'est ni favorable à l'orifice de l'estomac, ni succulent. 16. Les orphies, au museau cornu, sont nuisibles à l'orifice de l'estomac, ne sont pas succulentes, nourrissent mal et se corrompent facilement. 17. Les bogues, les girelles, les maquereaux bâtards, que quelques-uns appellent [en grec] lézards, les serrans écriture et tous ceux qui sont propres à être frits dans la poêle, sont agréables au goût, mais non favorables à l'orifice de l'estomac, se corrompent facilement, surnagent dans l'estomac et nourrissent mal. 18. Le serran commun est agréable au goût, resserre le ventre; il est d'une structure compacte et nourrit bien; il excite aux plaisirs vénériens, en provoquant des érections, si on boit du vin dans lequel il a été étouffé. 19. Le thranis ou espadon est énorme; on le coupe par morceaux ; il est d'un goût désagréable, sans cohésion, difficile à assimiler, nourrit fortement et a une mauvaise odeur; voilà pourquoi on le mange avec de la moutarde, ou sur le plat; le meilleur morceau est le bas-ventre. 20. Le thon et la thonine, le cogniol, le grand thon, le thon d'une année et le maquereau ne sont pas favorables à l'orifice de l'estomac, ils sont imprégnés d'humeurs mauvaises, engendrent des flatuosités, sont sans cohésion, sont difficilement rejetés par les excrétions et nourrissent bien; le plus tendre est le thon d'une année, tandis que le cogniol a un goût désagréable et n'est pas succulent; après lui vient la thonine; mais le thon est difficile à digérer. 21. Les dorées à petite tête, les élacatènes, les poissons volants, les uranoscopes, les chiens de mer, les requins et les poissons qui leur ressemblent sont imprégnés d'humeurs mauvaises, ont une odeur désagréable, et produisent des matières inutiles et filantes; mais ils sont recherchés par les amateurs de bonne chère. 22. Les sarguets, les oblades, les sars sont favorables à l'orifice de l'estomac, succulents, se distribuent facilement dans le corps, nourrissent bien et s'échappent facilement par les excrétions. 23. Les saupes de la haute mer sont piquantes, agréables au goût, et se corrompent difficilement; elles sont succulentes, passent difficilement, nourrissent bien et s'échappent facilement par les excrétions; celles des côtes, au contraire, ont la chair dure, fournissent du jus de mauvaise qualité et sont désagréables au goût. 24. Les soles et les flets ont la chair dure et se corrompent difficilement: ils sont succulents et s'échappent aisément par les excrétions. 25. Le hibou marin, de même que le bar (car ces deux poissons se ressemblent sous tous les rapports) possèdent ces propriétés à un moindre degré, mais ils sont préférables au spare. 26. L'esturgeon est favorable à l'orifice de l'estomac, donne un jus sucré, nourrit bien et s'échappe facilement par les excrétions. 27. Le merlus noir ou mazéas est assez délicat; il est sans cohésion, peu compacte, agréable au goût, mais il se digère difficilement; il nourrit bien et s'échappe aisément par les excrétions. 28. Le muge de la haute mer est excellent, d'un goût agréable et piquant; il ne le cède pas au bar et traverse facilement les intestins; quand ce poisson a nagé dans des fleuves limpides et purs, il perd sa dureté marine pour devenir délicat par l'effet du mélange de l'eau douce; celui qu'on trouve dans les lacs troubles et dont l'eau est stagnante a une odeur assez mauvaise, et se distribue très difficilement dans le corps, puisqu'il s'engraisse par l'action de la vase, qui prive sa chair de tout mouvement; quand il grandit, il durcit. 29. Quelques-uns appellent aussi le muge, poisson flottant. 30. Le flétan macrolépidote et la barbue sont des poissons larges; la barbue est ferme et se corrompt difficilement; si elle est grande, il faut la conserver pendant un jour avant de la faire bouillir, parce qu'elle s'assimile difficilement et qu'elle nourrit fortement; le flétan macrolépidote donne un mauvais jus, n'est pas favorable à l'orifice de l'estomac, se corrompt difficilement et s'échappe aisément par les excrétions. 31. Les tourdes, les merles et les boulereaux ont la chair molle, sont succulents, se dissipent facilement par la perspiration, nourrissent mal et provoquent les excrétions alvines. 32. Le coraxus a la chair dure, surtout quand il est devenu grand; il a une mauvaise odeur, se distribue difficilement dans le corps, est agréable au goût; il est loin de fournir de mauvais matériaux [pour la nutrition]; les petits sont les plus agréables. 33. Le bar subit des changements, car il devient d'autant plus dur qu'il grandit davantage; le meilleur est celui de deux mois; il est favorable à l'orifice de l'estomac, succulent, a la chair délicate, donne un jus sucré, nourrit bien, se distribue facilement dans le corps et s'échappe facilement par les excrétions. 34. Nous avons parlé jusqu'ici du bar de haute mer; mais celui qu'on élève dans les viviers a des propriétés contraires ; il en est de même pour les autres poissons; car ceux qui sont enfermés ont le goût désagréable. 35. Le bar de rivière, qui s'engage dans des eaux très froides, en quittant la mer, est agréable au goût et délicat; mais celui qui se transporte dans des lacs bourbeux et peu profonds prend un goût désagréable en s'engraissant. 36. La motelle n'est pas piquante, contient de bonnes humeurs, se distribue difficilement dans le corps, traverse aisément les intestins et nourrit bien. 37. Les scorpènes ont la chair dure et contiennent de mauvaises humeurs, aussi ont-elles besoin d'assaisonnements; elles activent les excrétions. 38. Le corb est agréable au goût, succulent, se distribue facilement dans le corps, ne nourrit pas très fortement et s'échappe aisément par les excrétions. 39. Le scare est agréable au goût, se dissipe difficilement par la perspiration, se corrompt aisément et relâche le ventre; mais celui qu'on a pris récemment et qui n'a pas été enfermé dans les réservoirs a beaucoup de viscères, est agréable au goût, surnage dans l'estomac et se corrompt facilement. 40. Le denté, quoiqu'il ait la chair dure, ne manque pas de délicatesse; il contient de bonnes humeurs, se distribue facilement dans le corps, est doué de propriétés nutritives moyennes et s'échappe aisément par les excrétions. 41. Le rouget est le plus célèbre des poissons; il est favorable à l'orifice de l'estomac, imprégné de bonnes humeurs, agréable au goût, formé de chair lamelleuse; il se corrompt difficilement et est doué de propriétés moyennes eu égard aux excrétions. 42. Le rouget de la haute mer diffère du rouget rocheux par l'éclat de feu que jette sa couleur de cinabre et d'or; de plus, il porte une barbe; les rougets des côtes sont inférieurs aux précédents. 43. Le pagel a la chair dure, se corrompt difficilement et ne s'échappe pas aisément par les excrétions. 44. La dorade a la chair blanche, solide, compacte, imprégnée de bonnes humeurs, se distribue facilement dans le corps, nourrit bien et s'échappe assez promptement par les excrétions. 45. Le congre n'est ni agréable au goût, ni imprégné d'humeurs mauvaises; il se digère assez bien, nourrit bien et est irréprohable, sous le rapport des excrétions.

DES ORTIES.

46. Les orties ou acalèphes sont agréables au goût, mais elles font beaucoup de mal à l'orifice de l'estomac; les orties grillées conviennent mieux que les orties bouillies; elles relâchent le ventre. 47. Celles qui s'attachent aux cailloux du rivage sont plus diurétiques, après avoir été nettoyées, resserrées et contractées en les saupoudrant d'une quantité de sel si petite, qu'elles sont encore assez bonnes à manger. 48. Coagulées en les faisant rôtir à une broche ou à un petit bâton sur des charbons de mauve ou de sarments, de façon à ce qu'elles soient manifestement renflées, assaisonnées avec du vin d'un goût sucré, ou du vin miellé, pour relever en quelque sorte leur goût, elles se digèrent facilement et s'échappent aisément par les excrétions. 49. Celles qu'on fait bouillir dans du vin d'un goût sucré et de l'huile, en les assaisonnant d'une manière convenable, restent glissantes et filantes; mais, parce qu'elles causent de la plénitude, et se digèrent mal, elles relâchent davantage le ventre.

DES TESTACÉS.

50. Les meilleurs glands sont ceux qu'on prend dans l'été; les glands qui naissent dans les endroits où il y a un mélange d'eau douce sont bons à manger; ils sont aussi nourrissants et sucrés; mais ceux qui vivent sur les rochers le sont encore plus que les autres; car ils sont très agréables, nourrissent bien, s'écrasent facilement, sont très succulents, servent à relâcher le ventre, sont favorables à l'orifice de l'estomac, ont un bon goût, sont délicats et poussent aux urines; le jus des glands, si on le prend tel qu'il est, résiste à toute altération, mais leur bottillon relâche le ventre. 51. Les glands qui ne vivent pas sur les rochers sont âcres, ont un goût de drogues et poussent plus fortement aux excrétions alvines qu'aux urines. 52. Les glycymarides sont préférables aux cames rugueuses, mais elles sont inférieures aux pélorides; elles causent des tiraillements à l'orifice de l'estomac; leur partie charnue est dure, mais non dépourvue de propriétés nutritives ; les glycymarides sont plus diurétiques que les pélorides. 53. Grillées ou bouillies les glycymarides deviennent dures; mais, si on les fait bouillir et qu'on les assaisonne, elles ont un goût agréable. 54. Il y a aussi diverses espèces de pélorides et de cames; ainsi celles qui sont rondes et de couleur variée, par exemple celles qu'on trouve à Dicéarchie dans le lac Lucrin et dans le port d'Alexandrie sont excellentes, car elles ont un goût sucré et sont succulentes. 55. Celles qui vivent au-dessus de Pharos, du Diocos et de la jetée qui joint l'île [au continent] sont oblongues, âpres, et ressemblent à des glands de chêne, puisqu'elles portent un calice épineux comme les fruits du chêne grec; ces dernières sont blanches, dures et âcres. 56. Les peignes les plus estimés sont ceux qui sont grands, excavés et de couleur noirâtre; leurs meilleures saisons sont le printemps et l'été; car alors ils grandissent, surtout en même temps que la lune. 57. Ceux de Mytilène surpassent tous les autres par leur grandeur, leur nature et la bonté de leur jus. 58. Le golfe d'Ionie, du côté de l'Illyrie et de Salone, ainsi que le Latium, en produisent de semblables. 59. Il en est de même pour Chios, pour un grand nombre des îles, et pour Alexandrie. 60. Le Pont en produit aussi beaucoup; mais ceux-là sont petits et ont de la peine à grandir. 61. Les peignes noirs sont sucrés et plus faciles à digérer que les huîtres; quand on les mange avec du vinaigre et du silphium, ils relâchent le ventre, parce qu'ils sont doués d'un goût légèrement sucré, qu'ils perdent quand on les flambe. 62. De la même manière, les peignes gris relâchent le ventre, qu'ils soient vieux [c'est-à-dire salés] ou frais. 63. Les peignes de couleur de buis poussent légèrement aux urines, et ils ne se corrompent point facilement comme les huîtres. 64. Bouillis ils valent mieux pour relâcher le ventre que grillés; mais, grillés, ils ont moins de jus et s'échappent difficilement par les excrétions. 65. Il faut admettre que ces peignes ont moins d'inconvénient quand on les fait griller dans leurs coquilles ; alors, ils nourrissent mieux et relâchent moins le ventre. 66. Grillés, ces peignes prennent un meilleur goût, si on les arrose de vin pur; ils sont alors agréables à manger, faciles à digérer et préférables à ceux qu'on cuit dans leur coquille. 67. Salés, ils ne relâchent pas le ventre et conservent leur goût sucré naturel, malgré leur séjour dans l'eau salée; mais ils poussent aux urines. 68. Les peignes blancs et larges ont un goût assez sucré, mais ils sont durs. 69. Les peignes roux ont une mauvaise odeur et poussent aux urines. 70. Les peignes de couleur variée tiennent le milieu [ entre les autres espèces], et ceux qui ont la couleur du fard, si on les donne tels qu'ils sont, sont difficiles à digérer, mais poussent aux urines. 71. L'usage alimentaire des peignes convient à ceux qui ont dans la vessie des ulcères sordides et recouverts d'escarres, parce qu'ils les nettoient. 72. Les buccins sont plus durs que la pourpre; ils sont différents d'après leur grandeur et d'après leurs parties; ils ont trois ordres de propriétés, celles de la coquille, celles du cou et celles du mécon (c'est-à-dire du foie); cette dernière partie est cassante et rappelle la chair de poisson; elle resserre le ventre, surtout si elle est grillée; bouillie, elle a plutôt des propriétés contraires. 73. Le cou des buccins relâche le ventre, mais il est difficile à digérer et il faut le corriger avec de la moutarde, du vinaigre, du silphium ou du poivre, quand on le mange. 74. Leur eau relâche le ventre, si on la prend chaude; lorsqu'on la fait bouillir avec le mécon, elle prend une couleur rougeâtre et devient bourbeuse. 75. Les buccins bouillis tout entiers resserrent plutôt le ventre et excitent la soif. 76. Quelques personnes les écrasent après les avoir fait bouillir, et les assaisonnent de la même manière que les orties ; alors ils prennent un goût agréable. 77. Quand [le croissant de] la lune est tourné vers l'Orient, ils sont remplis, tandis qu'ils sont maigres en été. 78. Les grandes pourpres sont plus ou moins dures, et leurs parties présentent des différences assez notables; car leur cou est difficile à s'assimiler, à passer par les selles et à se corrompre; il est favorable à l'orifice de l'estomac, est peu succulent, et on a de la peine à le diviser par la mastication; leur fond ou mécon est mou, s'assimile facilement, excite les excrétions alvines, a un goût de poisson assez prononcé, pousse aux urines, provoque les sueurs et fait couler la salive; si on en prend beaucoup, il produit le choléra, ainsi que des nausées, et fait surnager des humeurs noires dans l'estomac. 79. Les colulies ou coryphies sont de tous les animaux de leur genre, c'est-à-dire des turbinés, ceux dont l'usage alimentaire est le plus convenable, qu'elles soient crues ou préparées, c'est-à-dire bouillies ou grillées. 80. Elles laissent échapper un jus d'un goût agréable, favorable à l'orifice de l'estomac, relâchant le ventre, d'une saveur sucrée et poussant aux urines comme celui des limaçons peu charnus. 81. Elles donnent aussi une bonne odeur à la bouche, mais elles ne conviennent pas à ceux qui veulent boire du vin. 82. Bouillies elles sont nourrissantes; mais grillées elles sont dures; leur mécon resserre plus ou moins le ventre, comme celui des buccins. 83. Les limaçons sont durs et s'assimilent difficilement; il en existe diverses espèces : une de forme allongée, dans laquelle on souffle comme dans une trompette, et une autre de forme ronde, qu'on emploie pour transvaser l'huile. 84. Parmi ces limaçons, ceux d'une, grandeur démesurée ne peuvent pas se manger, à cause de leur mauvaise odeur, de leur dureté, de la propriété qu'ils ont de produire le choléra, de l'abondance de leur chair et de leur ressemblance avec les grands animaux marins; quant aux petits, ils séduisent quelques personnes, assaisonnés avec de l'oxymel ou des légumes verts, ou de la rue et du vinaigre poivré. 85. Les limaçons de cinq doigts qui ont le fond plus pointu que les autres et qu'on appelle hélices ou porte-rayons sont moins charnus que les autres; mais ils causent de la plénitude et surnagent dans l'estomac; cependant, si on les humecte préalablement avec du silphium et du vinaigre, ils deviennent meilleurs à manger et conviennent pour relâcher le ventre. 86. Tous les limaçons marins ont le cou d'un goût assez sucré; ils sont sans cohésion et succulents, se corrompent difficilement et sont légers, en comparaison des limaçons terrestres; car ils agissent plus fortement sur les excrétions et les amollissent davantage; ils ont une meilleure odeur et leur fond est favorable à l'orifice de l'estomac. 87. Les limaçons se digèrent difficilement et désobstruent, quand on les mange avec du vinaigre et du silphium, ou avec de la moutarde, ou enfin dans leur bouillon. 88. Les bernicles sont petites; dans quelques cas, elles sont assez grandes pour ne pas paraître très différentes des huîtres; les plus grandes se trouvent dans l'Inde, pays où toutes les autres choses sont également grandes. 89. Du reste, les bernicles sont dures et peu succulentes; elles s'assimilent difficilement et ne passent pas aisément par les excrétions; bouillies et assaisonnées elles prennent un goût agréable. 90. Les grandes moules sont salées et de mauvaise odeur; on les corrige avec du silphium, de la rue et du vinaigre; elles relâchent le ventre, sont diurétiques, n'ont pas le goût agréable, se digèrent difficilement, causent des obstructions, produisent du sang épais et de la pituite, surtout les moules fraîches; aussi, faut-il triompher de ces mauvaises qualités avec des assaisonnements âcres, comme la moutarde, la roquette et le cresson. 91. Grillées, elles traversent difficilement les intestins, causent beaucoup de soif et sont lourdes; bouillies, écrasées et assaisonnées, elles ont une odeur moins mauvaise et produisent le même effet que les coquillages turbinés. 92. Les petites moules sont plus rondes que les grandes, mais elles sont plus petites et rugueuses; elles ont une coquille mince, des chairs plus molles, dont le goût est plus sucré; elles excellent par leurs humeurs. 93. Ces mêmes coquillages nourrissent moins que les grandes moules, causent des picotements à la bouche et à la gorge, rongent les organes de la déglutition, rendent la voix rugueuse, ou l'éteignent, quand on en mange beaucoup, et causent de la toux sèche et de l'enrouement. 94. Les moules qu'on trouve dans le sable ou dans les fragments de poteries, ainsi que celles qu'on prend sur les rochers ou entre les. algues ne sont pas bonnes, parce qu'elles sont âcres. 95. Les huîtres de haute mer sont rares et sans valeur, parce que le soleil ne jette pas ses regards sur elles; elles ont en outre une petite taille; elles sont amères et ne sauraient être mangées, parce qu'elles causent des picotements à l'estomac; car l'huître aime à habiter dans les eaux mélangées d'eau douce qui font croître ses chairs, lesquelles donnent alors un jus sucré; aussi les meilleures se trouvent-elles en Égypte, à l'embouchure du Nil. 96. A Éphèse, à l'entrée du Caystre, on les met aussi dans des réservoirs comme des semences, et elles y grandissent; pendant le printemps elles se remplissent en grossissant d'une humeur blanche et laiteuse; il en est de même à Brindise, à Tarragone, à Narbonne, à Dicéarchie dans le lac Lucrin, dans les îles des Hirondelles, dans l'île de Leucas, à Actium et dans les golfes de Libye. 97. Pour les pélorides ou mélénides, comme pour les huîtres, les meilleures se rencontrent dans les endroits marécageux et dans la vase bourbeuse où il y a un mélange d'eau douce; celles du fond de la mer sont, au contraire, rares et d'un goût assez désagréable ; on peut les manger dans leur bouillon, pour relâcher le ventre; elles se digèrent bien et agissent modérément sur les évacuations alvines. 98. Les jambonneaux convenables, sous le rapport des localités, sont les jambonneaux tendres et nourrissants qu'on prend dans les bas-fonds et dans les endroits où il y a un mélange d'eau douce et non remuée par les flots; ils restent mous, parce qu'ils ne sont point battus par les flots et que leurs gardiens, qui vivent en communauté d'aliments avec eux, font, en leur faveur, une bonne chasse dans les eaux tranquilles et se cachent surtout dans les endroits rocheux et vaseux. 99. Eu égard à la grandeur, les petits jambonneaux sont plus tendres que les grands. 100. Ceux qu'on prend dans le printemps et dans l'été sont de beaucoup préférables à ceux qu'on prend dans les autres saisons ; car, outre qu'ils nourrissent bien, ils ont un goût sucré; c'est, en effet, le moment où ils viennent de naître. 101. Pour ce qui regarde la taille, ceux qui ne sont pas trop grands sont les meilleurs; ceux de grandeur moyenne ont la chair tendre, blanche et sucrée. 102. Leur cou est dur, difficile à digérer et à dépecer, et ne se corrompt pas aisément; mais leur corps se corrompt plus facilement que leur cou. 103. On les l'ait bouillir avec du vin d'un goût sucré, de l'huile, du miel et aussi avec du vin; on les mange encore bouillis dans de l'eau avec de la moutarde, après qu'ils ont été détachés de leurs parties testacées; grillés, ils sont plus durs que bouillis, surtout ceux qu'on a arrosés de vin; il vaut mieux les préparer avec du silphium et du vinaigre, ou de la moutarde. 104. La chair de ceux qu'on a fait macérer dans du vin ou dans du vinaigre est plus tendre, mais elle produit des flatuosités. 105. Les strombes sont durs et s'assimilent difficilement, surtout ceux qui sont plus grands que les haliotides; cependant, ils sont avantageux, si on les prend avec de la moutarde ou du silphium, après les avoir écrasés dans du vinaigre. 106. Les solens, nominés aussi flûtes ou roseaux, se distinguent en mâles (manches de couteau) et femelles, lesquelles sont appelées ongles (dails) ; ils présentent des différences [eu égard au sexe]; en effet, les femelles sont excellentes, poussent aux urines et humectent; on les prépare après les avoir ouvertes. 107. Les solens pourvus de dents à la partie antérieure [de la coquille], de grande taille et munis de stries noires sur un fond de couleur différente, sont les mâles et ils causent un flux abondant d'urine. 108. Ceux qu'on mange avec du sel et du vinaigre causent le moins d'inconvénients; néanmoins, ils sont mauvais et surnagent dans l'estomac; on prend les solens préparés avec de l'huile et du sel, pour exciter à boire, de la même manière que les calmars. 109. Les solens très grands et très épais sont très bons lorsqu'ils sont rôtis; les individus très petits ont un goût sucré; mais les femelles sont encore plus sucrées et elles ont une couleur uniforme; leur meilleure saison est l'été; à l'état de salaison, les solens sont désagréables. 110. Les ascidies se forment dans la vase et sur les côtes couvertes d'algues; on les trouve parmi les algues, les mousses et les lichens ; elles ressemblent à une plante, à un champignon de mer. 111. Elles communiquent aux mains un état qui ne disparaît que difficilement en les nettoyant. 112. Ce sont surtout les ascidies coriaces qui sont difficiles à digérer. 113. Si on les donne avec de la rue, elles sont utiles à ceux qui ont les reins et l'orifice de l'estomac malades, qui sont affectés de ténesme ou de sciatique, ainsi qu'à ceux qui souffrent du ventre supérieur. 114. On les coupe par morceaux, on les lave et on les assaisonne avec du silphium, de la rue, de l'eau salée et du vinaigre, ou avec du vinaigre, du vin qui coule de soi-même du pressoir, et de la menthe verte. 115. Les meilleures se trouvent à Smyrne en Asie; mais l'Égypte n'en produit pas du tout. 116. Les tellines ou doloires relâchent le ventre; elles naissent dans les endroits sablonneux et sur les côtes battues par les flots. 117. Les tellines des rivières, par exemple celles de l'Égypte, sont plus grandes et plus succulentes que les autres. 118. Bouillies, elles sont douces, et le bouillon qu'on en fait relâche le ventre. 119. On les saupoudre de sel quand elles sont fermées, et elles attirent l'humidité à travers la coquille; on les lave avec de l'eau froide, et on les mange avec de l'huile, du vinaigre et de la menthe, ou de la rue. 120. Pour ceux qui veulent se relâcher le ventre, on les prépare avec des légumes verts assaisonnés simplement. 121. La meilleure saison pour les manger est le printemps. 122. Parmi les cames, quelques-uns appellent glycymarides, et d'autres conques, les espèces rugueuses qui ont une forme allongée, mais moins que celles d'Égypte, qui, de plus, ont à leur ouverture des aspérités semblables au calice des glands de chêne, et qui portent des stries longitudinales formées par des éminences d'une autre couleur que les autres parties. 123. Celles qui ont un goût de mer, ayant la chair dure, sont données aux gens faibles. 124. L'eau qu'elles fournissent avant d'être lavées est favorable à l'orifice de l'estomac, et peut servir à relâcher le ventre et à pousser aux urines. 125. A l'état de salaison, ces coquillages peuvent affriander pendant qu'on les mange, surtout si on les prend avec de la moutarde, ou du vinaigre et de la rue. 126. Les cames lisses sont très différentes des cames rugueuses; ce sont les espèces qui ont une coquille large et transparente; elles se digèrent facilement, nourrissent bien, contiennent de bonnes humeurs, sont sucrées et ne sont pas trop réfractaires pour l'orifice de l'estomac. 127. On les mange aussi bien avec du silphium ou de la moutarde, que cuites sur le plat ou grillées; le bouillon qu'on obtient, en les faisant cuire, relâche le ventre. 128. Les glycymarides sont plus agréables que les cames lisses, mais elles sont inférieures aux pétoncles. 129. Les cames comme les pélorides présentent des différences d'espèce d'après les localités, les nuances de leur couleur et leur forme; car celles du port d'Alexandrie sont les meilleures, tandis que celles des environs du Diolcos, de Pharos et de la jetée, sont rugueuses et allongées. 130. Les animaux qu'on appelle oreilles (haliotides) naissent sur les rochers; ils sont durs, difficiles à digérer, ont un goût désagréable, sont nuisibles à l'orifice de l'estomac et relâchent le ventre. 131. On les mange frits dans la poêle, car on ne saurait les rendre agréables d'une autre manière. 132. Il y en a de grandes en Illyrie, dans le golfe d'Ionie; on les mange avec du silphium, du vinaigre, de la rue.

 

DES POISSONS SALÉS RESSEMBLANT AUX GRANDS ANIMAUX MARINS.

133. En général, les salaisons sont agréables au goût, mais imprégnées d'humeurs mauvaises; elles nuisent à l'orifice de l'estomac, atténuent les humeurs et troublent fortement le ventre. 134. Parmi les salaisons, les unes sont composées de viande dure, d'autres sont molles, et de la nature d'un liquide coagulé, d'autres sont d'une consistance moyenne ; celles-ci sont charnues, celles-là graisseuses ; il y en a de vieilles, d'âge moyen, de nouvelles; les vieilles ont des propriétés prononcées et les nouvelles des propriétés faibles; celles d'un âge moyen tiennent le milieu entre les deux; les salaisons extrêmement grasses surnagent dans l'estomac; celles qui le sont moins nourrissent davantage; quant aux autres salaisons, celles dont la chair est dure se corrompent difficilement, celles qui sont plutôt molles se corrompent facilement. 135. Les cogniols ont un goût agréable et relâchent le ventre ; les meilleurs sont ceux d'Espagne. 136. Le petit thon naît chez les Scythes [c'est-à-dire dans le Palus-Maeotis]; il est agréable au goût, se corrompt vite et passe facilement par les excrétions. 137. Le cybion est le jeune thon qui, revenant du Pont au Palus-Maeotis, après [les] quarante jours, a le goût agréable et contient de bonnes humeurs. 138. Ce qu'on appelle salaison d'été est agréable, nourrit bien et n'excite pas de soif. 139. Le tritomon cybion se corrompt difficilement et il est plus ferme que le cybion, tandis qu'il lui ressemble sous les autres rapports. 140. L'orcyn est un grand thon retournant vers le lac en bonne santé; il est semblable au tritomon, si ce n'est qu'il se corrompt encore plus difficilement; voilà pourquoi on peut le laisser vieillir. 141. L'apolecton a moins de cohésion que le tritomon, mais il lui est inférieur sous le rapport du goût; il se distribue aisément dans le corps et favorise la digestion. 142. Le sarde est le thon allongé de l'Océan; il a un goût agréable et plus piquant que le cybion; il excite l'appétit et coule facilement par les voies excrétoires. 143. Le maquereau est d'un goût agréable, se corrompt difficilement et donne de la soif; les meilleurs sont ceux de Parium. 144. Les salaisons provenant des thons présentent une grande différence entre elles ; car les unes se distribuent aisément dans le corps, et d'autres difficilement; ainsi leur cou constitue une salaison incomplète; il est agréable au goût et se corrompt difficilement, à cause de son défaut de graisse; le meilleur est celui de Cumes. 145. La panse des thons peut se manger quand elle est récemment salée, car elle ne supporte pas une longue conservation; elle est favorable à l'orifice de l'estomac, autant qu'une salaison peut l'être, contient de bonnes humeurs, se corrompt facilement et surnage dans l'estomac, parce qu'elle est graisseuse. 146. Les autres parties, qu'on appelle melandryes, à cause de leur ressemblance avec les racines noires du chêne, excitent l'appétit, si on y ajoute de la moutarde, mais elles se corrompent plus difficilement que la panse, à cause de leur défaut de graisse. 147. On a l'habitude de réserver exclusivement le nom de salaisons pour celles dont nous venons de parler, quoique, dans les îles, on sale un grand nombre de poissons, parmi lesquels il y en a d'un prix élevé; quant aux rougets et aux pagels, ils sont durs; les salaisons qu'on apporte de la Sintie sont, il est vrai, faites avec de grands poissons, mais elles ne peuvent pas être rangées parmi les salaisons marines faites avec quelque recherche.

DES SALAISONS TIRÉES DES POISSONS DE RIVIÈRES ET DE LACS.

148. Quant aux poissons de rivières et de lacs susceptibles d'être salés, le Nil produit, en fait de poissons analogues aux grands animaux marins, les simes et les pagels; à cause de leur excès de graisse, on mange ces salaisons bouillies, avec de la moutarde; si on en prend trop, elles surnageai dans l'estomac. 149. Comme exemple de salaisons douées de propriétés moyennes, on a les muges; salées, après leur avoir fendu le dos avec un couteau, elles sont appelées mendésiennes; celles qu'on laisse intactes, halycates; et celles qu'on sale dans des pots de terre, borées; on mange aussi les dernières crues, après en avoir détaché et arraché la peau. 150. Il y a aussi des salaisons fourniespar les muges et appelées acropastes; elles sont agréables, et on les mange grillées comme les halycates et les mendésiennes. 151. De même, les bolty du Nil salés sont appelés héminères; ces poissons, qu'on mange aussi grillés, forment une espèce de fruit de saison, parce qu'on ne les trouve pas toujours, mais qu'ils viennent aux approches de l'hiver. 152. On sale encore quelques autres poissons très petits qu'on mange crus; ces salaisons ne sont pas bonnes, mais produisent une espèce spéciale d'éructation nidoreuse ; on les mange avec des herbes potagères âcres, et il faut bien en parler, pour que notre traité soit complet; on appelle les unes coracidies, les autres bondies, celles-ci colidies, celles-là typhlinidies, d'autres, enfin, abramidies; toutes ces salaisons peuvent être nuisibles à l'orifice de l'estomac, se corrompent difficilement et relâchent le ventre.

59. DU LAIT ET DU FROMAGE.

[Tiré de Galien].

1. Le lait de vache est le plus épais et le plus gras ; celui du chameau est le plus liquide et le moins gras; après lui vient le lait de jument, et ensuite celui d'ânesse; le lait de chèvre est de consistance moyenne; celui de brebis est plus épais que ce dernier. 2. Quant aux saisons de l'année, le lait le plus liquide est celui qu'on trait après que les animaux ont mis bas; il s'épaissit toujours de plus en plus à mesure que la saison avance; au milieu de l'été, il atteint la moyenne de sa consistance naturelle; après cette époque, il s'épaissit encore peu à peu, jusqu'à ce qu'il se tarisse tout à fait; au printemps, le lait est non seulement le plus aqueux, mais aussi le plus abondant. 3. Le lait est un mélange de substances contraires, de petit lait et de fromage ; il contient, en outre, une troisième substance, l'humeur grasse, plus abondante, comme je viens de le dire, dans le lait de vache [que dans tout autre]; voilà pourquoi ce lait sert à fabriquer ce qu'on appelle beurre. 4. Le lait de brebis et celui de chèvre contiennent également une certaine proportion de substance grasse, mais en beaucoup moins grande quantité; celui d'ânesse est le moins abondamment pourvu de cette substance; aussi, arrive-t-il rarement que ce lait se transforme en fromage dans l'estomac, quand on le boit chaud aussitôt qu'il est sorti du pis; lorsqu'on y ajoute du sel ou du miel, il ne peut pas se coaguler et se transformer en fromage dans l'estomac. 5. Les pâturages des animaux influent aussi beaucoup sur la bonté du lait; car nous voyons clairement que les animaux qui paissent de la scammonée ou quelque espèce de tithymalle donnent un lait purgatif; le lait sera donc certainement âcre, acide ou. âpre, après de mauvais pâturages, parce qu'il acquiert toujours la nature de l'herbe; par conséquent, la nourriture des animaux, dont nous vouions employer le lait comme aliment contenant les humeurs les plus excellentes, ne doit être en aucune manière ni âcre, ni acide, ni âpre. 6. Certes, il n'est pas moins évident, lors même que je ne le dirais pas, que l'animal doit être à la fleur de l'âge et irréprochable, quant à la complexion. 7. Le lait nuit beaucoup aux dents et aux gencives, si on en prend habituellement; car il produit dans les gencives un excès d'humidité et il rend les dents susceptibles de se gâter et de se ronger facilement; il faut donc, après avoir pris du lait, se laver la bouche avec du vin coupé d'eau; il est encore préférable d'y ajouter aussi du miel. 8. On décompose le lait en le chauffant, en le coagulant avec de la présure ou de quelque autre manière que ce soit; car, par l'opération appelée schisis, on produit également le même effet sans présure ; elle consiste à verser de l'oxymel froid sur le lait, après l'avoir fortement chauffé. 9. On décompose encore le lait au moyen du vin miellé; quelquefois aussi on le coagule sans rien y verser, en le plaçant dans un vase contenant de l'eau très froide. 10. On coagule aussi sans présure le lait qu'on trait immédiatement après que les animaux ont mis bas, en le chauffant quelques instants sur de la cendre chaude; on appelle pyriate ou pyriephthe celui qu'on a ainsi préparé. 11. De tous les fromages, celui qui est un peu mou est préférable à celui qui est plutôt dur; celui qui est légèrement rare et spongieux vaut mieux que celui qui est plutôt dense et compact. 12. Comme le fromage tout à fait glutineux et le fromage qui se casse en morceaux, de façon à paraître rugueux, sont tous deux mauvais, celui qui tient le milieu entre eux leur est préférable. 13. Quant à la manière de distinguer les fromages au goût, le meilleur de tous est celui qui n'a aucune qualité prononcée, mais chez lequel le goût sucré prédomine un peu sur les autres qualités; celui dont la saveur est assez agréable est meilleur que celui dont le goût est désagréable, et celui qui contient une quantité modérée de sel vaut mieux que celui qui en contient beaucoup, ou qui n'en contient pas du tout. 14. Après avoir mangé le fromage, dont on a apprécié les qualités comme il vient d'être dit, on peut encore reconnaître aux éructations lequel d'entre eux est le meilleur; en effet, le fromage qui produit des éructations qui disparaissent peu à peu est le meilleur; mais celui qui engendre des éructations persistantes n'est pas bon; car il est évident que ce dernier se transforme et s'assimile difficilement.

60. DU LAIT AIGRE.

1. Le lait aigre nuit à ceux dont les dents sont d'un tempérament froid, en produisant ce qu'on appelle agacement. 2. L'estomac, s'il est un peu froid, sera évidemment fatigué aussi par le lait aigre et ne le digérera pas bien non plus; mais, s'il est d'un tempérament moyen, c'est à peine s'il le digère; cependant il ne le laisse pas sans lui faire subir aucune espèce de transformation ; si enfin l'estomac est plus chaud qu'il ne convient, non seulement il n'éprouve aucun inconvénient de l'usage du lait aigre, mais il en retire même quelque profit. 3. Donc le lait aigre est d'un tempérament froid et contient des humeurs épaisses. 

61. DE LA MANIÈRE DE BOIRE LE LAIT.

(Tiré de Rufus.)

[Se trouve dans le Ve livre du Régime, au milieu.]

1. Celui qui veut boire du lait doit s'abstenir des autres aliments et boissons, jusqu'à ce que le lait soit digéré et qu'il ait passé par le bas ; car, s'il s'y mêlait même une parcelle d'une substance quelconque, non seulement ce lait, mais aussi ce qu'on aurait pris par-dessus, se corromprait de toute nécessité. 2. Le mieux donc est de le prendre le matin, immédiatement après qu'il est trait, de s'abstenir ensuite d'aliments et de diminuer alors les exercices trop violents, parce qu'il s'aigrit nécessairement, lorsqu'on fait des efforts; il est préférable de se promener doucement et, par intervalles, de se reposer sans dormir; car, c'est le moyen de le faire passer par le bas aussi vite que possible; quand la première portion a passé, il faut en prendre une seconde, et, quand cette dernière a également passé, encore une autre. 3. Au commencement donc, le lait nous purge avec avantage; en effet, les selles qu'il produit ne contiennent pas beaucoup de matériaux empruntés au reste du corps, mais elles se composent des matières renfermées auparavant dans les intestins et de ce qui, en même temps que ces matières descendent, se détache des parties voisines; mais, plus tard, le lait entre dans les veines, il nourrit même très bien et ne passe plus par le bas ; il resserre même le ventre. 4. Celui donc qui boit du lait, en vue d'obtenir des évacuations alvines, ne fera pas mal d'en prendre une quantité assez considérable; mais celui qui en boit pour se nourrir doit s'arrêter quand il a encore envie d'en prendre, parce que c'est une oeuvre difficile d'en conserver une grande quantité, et que le corps, quand il est évacué, admet aussi les matières crues; car le vide est très prompt à se remplir. 5. Il convient donc de se modérer après les évacuations, de passer au régime habituel, quand on a atteint le but en vue duquel on a commencé à boire du lait (or c'est surtout dans les maladies chroniques de la poitrine, accompagnées de toux, ainsi que dans les expectorations de matières purulentes, qu'un usage assez prolongé du lait est utile), et de ne revenir au lait qu'après une année. 6. Contre les humeurs corrosives et contre les extravasations d'humeurs, il faut boire le lait mêlé avec du miel; car, de cette manière, il relâche plus fortement le ventre, et il est plus avantageux; on peut également y mêler du vin nouveau cuit et du vin d'un goût sucré; il agit également sur les évacuations alvines quand on y mêle du sel, mais alors il est plus désagréable à boire. 7. Contre les dysenteries, les flux bilieux et, en général, contre toutes les affections du jejunum, ainsi que contre les fontes du corps qui se rassemblent dans le tube intestinal, il convient de donner du lait bouilli. 8. Il faut d'abord le faire bouillir peu et doucement, de façon qu'une partie passe par les selles et que l'autre soit retenue; plus tard, on le fera bouillir de plus en plus, en évitant de le faire brûler, d'en faire du fromage ou du petit lait. 9. La meilleure manière d'éviter ces inconvénients est de le cuire doucement, de le remuer constamment avec un rameau de férule lisse et mince, et d'enlever, en raclant de tout côté, avec une plume, les grumeaux qui se forment à la surface, et d'ôter avec une éponge ce qui pourrait s'attacher au pourtour de la casserole; car c'est là souvent le point de départ d'une corruption totale du lait. 10. Faites donc bouillir le lait, comme je viens de le dire, jusqu'à ce qu'il ait acquis une épaisseur uniforme et qu'il soit plus sucré que le lait cru.

62. DU MEILLEUR MIEL.

(Tiré de Galien.)

1. Le meilleur miel est celui qui est très sucré et très piquant, de couleur jaune pâle, de consistance ni épaisse, ni grumeleuse, ni liquide, mais visqueuse, et formant un tout continu, de façon que, si vous en enlevez une partie avec le doigt et que vous le laissiez tomber, il coule vers le bas comme de la glu, sans se rompre, ou sans se détacher du doigt ; tel est le miel de l'Hymette et de Thasos, et, en général, le miel de l'Attique; après lui vient celui des îles Cyclades; entre Pergame et Élée il se fait aussi du miel excellent. 2. Il paraît que les plantes sur les feuilles desquelles le miel se rassemble contribuent en quelque chose à ses bonnes ou mauvaises qualités : aussi acquiert-il les meilleures qualités là où il y a beaucoup de thym et de certaines autres herbes et arbrisseaux d'un tempérament chaud et sec. 3. Pour sophistiquer le miel, quelques-uns y ajoutent du thym; soupçonnez d'être falsifié le miel qui a une odeur apparente, car le meilleur miel attire, il est vrai, l'âcreté du thym, mais il ne s'imprègne ni de son odeur, ni de ce que son goût a d'exagéré. 4. Si on lèche du miel, on en retirera peu de nourriture, mais on se relâchera plutôt le ventre ; si on en prend davantage, il provoque ordinairement des vomissements. 5. Bouilli sans eau, il n'est plus vomitif, comme avant, et ne pousse plus au dehors les matières contenues dans les intestins; il est, au contraire, distribué dans le corps et donne de la nourriture; mais il active moins le cours des urines que le miel cuit avec de l'eau; toutefois, même quand il nourrit, il ne fournit pas un aliment bien abondant. 6. Le miel convient aux vieillards et aux autres personnes qui ont un tempérament froid; mais, chez les individus d'un tempérament chaud, et à la fleur de l'âge, il se transforme en bile. 7. Sachez-le : quand le miel ne se change pas d'abord en bile, nous en recueillons peu de matériaux nutritifs; en sorte que, si cela lui arrive, il ne saurait nourrir en aucune façon.

63. DU MEILLEUR MIEL.

(Tiré de Rufus.)

[Ce chapitre se trouve vers la fin du IIe livre du traité intitulé Du régime, c'est-à-dire dans le livre des Boissons.]

1. On loue le miel de l'Attique, et il jouit de la plus grande renommée ; toutes les autres espèces de miel ne semblent donc rien en comparaison de lui; moi je ne loue pas tout le miel qui vient de ce pays; je suis même d'avis qu'ailleurs il y en a aussi qui est doué de qualités éminentes; par exemple, le miel de Marathon est très mauvais, non seulement quand on le compare à celui du mont Hymette, car celui-là est le meilleur, mais il en existe encore d'autres espèces auxquelles il est inférieur. 2. Le miel de Milet, d'Aphidne et de la Sicile est mauvais aussi. 3. En dehors de l'Attique, le miel est bon à Chios, à Syros, à Cythnos, à Siphnos, dans plusieurs autres endroits des îles Cyclades, en Sicile sur le mont Hyblée, en Crète, et en Béotie près d'OEchalie.

64. DES METS QUI ONT DES QUALITÉS MOYENNES.

(Tiré de Galien.)

1. On rencontre certaines substances ayant des qualités moyennes entre chaque espèce de différences que j'ai dit exister dans les aliments; ainsi, entre les mets à chair dure et ceux à chair molle, on en trouvera qui tiennent le milieu, de sorte qu'ils ne sont ni durs, ni mous; il en est de même pour les atténuants et les incrassants, pour les échauffants et les refroidissants, pour les désséchants et les humectants. 2. Aux individus qui ont conservé sans altération leur bon tempérament naturel il convient d'user des substances qui ont une nature semblable à la leur, tandis que ce n'est pas l'usage alimentaire des semblables, mais celui des contraires, qui est utile aux gens d'un tempérament mauvais, qu'il soit primitif ou acquis après coup; car les semblables conservent ce qui est naturellement irréprochable, tandis que les contraires ramènent à leur tempérament propre les parties mal tempérées.

65. DES ALIMENTS D'UNE CONSISTANCE LIQUIDE OU SOLIDE.

1. Tous les aliments d'une consistance un peu liquide donnent au corps une nourriture peu abondante, qui s'évapore et s'échappe rapidement par la perspiration, de sorte que, bientôt après, on a de nouveau besoin d'une nouvelle nourriture; les aliments durs et terreux, au contraire, fournissent une nourriture persistante et abondante qui ne s'échappe pas facilement par la perspiration; si, en outre, ces aliments ont quelque chose de glutineux, ils produisent tous ces effets d'une manière encore beaucoup plus apparente. 2. Évidemment, il n'est pas facile pour de semblables aliments de se digérer, ni, à plus forte raison, de se changer en sang ou de s'assimiler aux parties solides de l'économie; s'il en est ainsi, ils ne peuvent pas non plus nourrir rapidement; mais, quand ils ont été domptés par l'estomac et élaborés, ils donnent une nourriture abondante au corps.

66. DE QUELLE MANIÈRE L'USAGE DES POMMES OU DES POIRES ASTRINGENTES RELÂCHE LE VENTRE CHEZ QUELQUES PERSONNES.

1. Il arrive à certaines gens d'avoir le ventre relâché, quand ils ont mangé des pommes astringentes, lorsque, après avoir pris d'abord du fenugrec, des radis, ou de la mauve, avec de l'huile et du garon, ou, en général, des choses qui ont la propriété de relâcher le ventre, ils mangent ensuite une certaine quantité de pommes, de poires, ou de grenades âpres ; le ventre est même fortement relâché, quand il est dans l'atonie, par l'usage des astringents qui, dans ce cas, lui rendent de la force et l'excitent à l'excrétion. 2. Mais, si on suit la méthode opposée, c'est-à-dire si on prend d'abord des mets âpres, et ensuite des mets laxatifs, il est évident que ces mets seront, au contraire, retenus dans les intestins; pour la même raison, si quelque autre humeur retourne l'estomac, comme la bile pâle le fait habituellement chez certaines gens , lorsqu'elle est accumulée en grande quantité, et si, dans cet état, on goûte des mets astringents, on rejettera immédiatement par le bas l'humeur qui incommodait. 3. Certain jeune homme donc ayant pris un jour de la scammonée pour se purger, et, après cinq heures écoulées sans aucune évacuation, accusant de la gêne à l'orifice de l'estomac, de la pression et de la pesanteur à cet organe lui-même, devenant pâle et éprouvant des angoisses à la suite de ces accidents, je lui ordonnai de manger un petit morceau de pomme, de grenade ou de poire astringente, et il n'en eut pas plutôt avalé qu'il fut délivré de ses incommodités par une déjection alvine, abondante et subite. 4. Ceci démontre suffisamment que, chez ceux qui ont l'orifice de l'estomac faible, le ventre se relâche quand ils prennent par-dessus les premiers ali­ents quelque substance astringente.

67. DES PROPRIÉTÉS DES ALIMENTS.

(Tiré de Mnésithée d'Athènes.)

1. Toutes les semences sont douées d'une propriété commune dont il est nécessaire de parler : quand elles sont de l'année précédente, elles valent mieux pour donner de l'embonpoint, ou du moins se digèrent mieux; tandis que les graines plus vieilles sont légères, il est vrai, mais nourrissent moins; celles qui ont moins de six mois fournissent une nourriture lourde, muqueuse et difficile à assimiler. 2. Presque tous les végétaux participent, pour ainsi dire, à la propriété suivante : tous ceux dont on mange surtout les racines produisent une semence très peu comestible; mais, par opposition, tous les végétaux dont les semences nous fournissent de la nourriture ont des racines incapables de servir à l'alimentation.

68. DES SOLIPÈDES.

1. Manger des solipèdes, c'est agir tout à fait comme les esclaves ; toutefois, les solipèdes qui fournissent la chair la meilleure et la plus légère sont, d'après l'avis des gens qui rôdent dans l'Asie, les ânes sauvages, et, d'après ce que nous en savons ici, les ânes les mieux nourris; vient ensuite la chair du cheval; celle de la mule est la plus détestable; la chair de tous les chevaux sauvages est très mauvaise. 2. Partout, lorsqu'il s'agit des solipèdes, la chair des individus à la mamelle est la meilleure; le second rang appartient à celle des animaux très jeunes. 3. Les jeunes chèvres et les agneaux à la mamelle sont, parmi les animaux à sabots fendus, ceux dont la chair est, après celle des poissons, la plus propre à rétablir un embonpoint perdu par suite de maladie, car elle est facile à digérer, nourrissante, et elle humecte le ventre. 4. Il faut surtout rechercher, parmi ces animaux, ceux qui ont été le plus longtemps, après leur naissance, nourris avec un lait abondant, et qui n'ont pas brouté beaucoup de plantes dans les pâturages; car les chairs de ces animaux sont tendres, à cause de leur âge, et faciles à digérer, à cause du lait dont ils ont été nourris. 5. La chair des veaux et des petits porcs à la mamelle ne le cède à aucune autre, sous le rapport de la bonne odeur et du plaisir qu'elle donne, quand on la mange; mais elle ne convient en aucune façon aux malades ou aux convalescents, car le veau est assez lourd, et la chair des petits porcs est extrêmement humide et trouble le ventre. 6. Parmi les animaux qui ont cessé de prendre du lait pour nourriture et qui ne se livrent pas encore à l'accouplement, les porcs qui sont parvenus à cette période de leur vie fournissent la meilleure chair : car ils n'ont pas les qualités humectantes que donne le lait, mais leur graisse naturelle et la tendreté qu'ils doivent à leur âge en fait un mets qui tient le milieu entre les deux extrêmes. 7. Les autres animaux parvenus à l'âge où ils peuvent être rangés dans cette classe sont plus durs et plus difficiles à digérer que ceux à la mamelle ; mais ils fournissent une nourriture plus sèche, quand leur chair est assimilée. 8. Les animaux entrés dans la période suivante, qui font déjà usage de l'accouplement et qui semblent être tout à fait parvenus à la fleur de l'âge, conviennent aux individus qui peuvent les digérer, et qui sont habitués à la fatigue, ainsi qu'à ceux qui recherchent la force que donne la viande. 9. Les animaux âgés fournissent nécessairement un mets assez mauvais, parce que les progrès de l'âge les font tomber dans une condition toujours de plus en plus mauvaise; il ne faut donc pas les manger à dessein, et, si on y est obligé quelquefois, il faut les prendre plutôt bouillis.10 La chair des petits chiens relâche le ventre, mais elle n'a pas du tout la légèreté que lui attribue le vulgaire, car elle est muqueuse et glutineuse; toutefois, la meilleure est celle des individus très jeunes. 11. La chair des renards et des ours est muqueuse; mais, à une certaine époque de l'automne, elle devient plus grasse et se surpasse elle-même. 12. Les personnes qui ont mangé de la chair d'animaux carnassiers, par exemple celle des loups, des lions, et de toutes ces espèces d'animaux-là, disent qu'elle est lourde, difficile à digérer et qu'elle donne des coliques. 13. Les souris des arbres ont la propriété de relâcher le ventre et de nourrir peu; quant aux souris de maison, aux tortues de montagne, aux lézards sauvages, aux loirs et aux animaux semblables, on pourrait dire que ceux qui les mangent ne son pas très-difficiles.

69. DES PROPRIÉTÉS DES ALIMENTS.

(Tiré de Philotime.)

1. En général, les bouillies n'ont pas besoin d'une élaboration très forte dans l'estomac; car les parties solides ont été mêlées aux liquides, elles se sont fondues, elles ont été réchauffées, le tout a été cuit ensemble et a subi une grande altération de ses propres molécules. 2. Les enveloppes des graines distribuent clans le corps une humeur très âpre qui produit beaucoup de coliques et de flatuosités ; car on s'aperçoit, en les mettant dans la bouche, qu'elles ont une propriété très âpre, et, immédiatement après qu'on les a mangées, on voit arriver les incommodités dont il vient d'être question. 3. Les viandes présentent les différences suivantes d'après l'état des animaux eux-mêmes : les animaux voisins de la jeunesse sont préférables à ceux qui approchent de la vieillesse, ceux qui sont plutôt charnus à ceux qui sont plutôt maigres, ceux qui ont pris des aliments bien élaborés à ceux qui ne sont pas dans ce cas ; ceux qui sont un peu gras à ceux qui sont plutôt maigres, et, chez ces derniers, il vaut mieux prendre les parties charnues; ensuite, les animaux châtrés sont préférables à ceux qui ne le sont pas, et les femelles aux mâles, si l'état des forces est le même. 4. Quant aux différentes parties du corps des animaux, les jambes de derrière sont plus dures et plus difficiles à assimiler que celles de devant, les droites plus que les gauches, et les pieds, surtout leur partie inférieure [plus que les autres parties], le côté intérieur des jambes plus que le côté extérieur, et le dos plus que le ventre et la poitrine; il existe la même relation entre les parties intérieures et extérieures du dos et des côtés. 5. Les poireaux bouillis sont difficiles à assimiler; car ils deviennent semblables à des courroies et sont difficilement broyés dans la bouche; mais ils ne nuisent point à l'élaboration ultérieure de la nourriture; car nous ne voyons pas qu'ils causent aucune indigestion. 6. Les poireaux crus sont plus faciles à digérer, parce qu'ils sont plus mous et qu'ils sont broyés dans la bouche. 7. La courge bouillie avec du jus de viande se digère très vite et parfaitement bien; celle qu'on coupe par petits morceaux pour les faire bouillir ensuite ensemble, ce qui est la manière la plus usitée de les préparer, est plus difficile à assimiler que la première. 8. De toutes les olives, les noires sont les plus grasses, les plus difficiles à assimiler et les plus susceptibles d'engendrer le choléra; elles donnent lieu à des nausées persistantes, et produisent des selles nombreuses et peu abondantes. 9. Celles qu'on appelle pyrallides produisent du reste le même effet que les noires, mais à un moindre degré, parce qu'elles contiennent moins de graisse; cependant, ces deux espèces distribuent dans le corps une humeur grasse, glutineuse et de beaucoup d'âpreté; par conséquent, elles produiront l'humeur semblable à du jaune d'oeuf. 10. Les olives conservées dans du vinaigre sont, il est vrai, faciles à assimiler, mais elles distribuent dans le corps une humeur acide. 11. Les olives blanches sont moins difficiles à assimiler que les précédentes, parce qu'on les conserve dans de l'eau salée, mais elles distribuent dans le corps des [humeurs douées de] propriétés salées, amères et très âpres, lesquelles engendrent à leur tour l'humeur semblable au jaune d'oeuf. 12. Les olives écrasées s'assimilent, à la vérité, mieux que les blanches, mais elles distribuent dans le corps une humeur salée.