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ORIBASE.

COLLECTION MÉDICALE.

LIVRE III. 

[DES ALIMENTS.]



Table des matières

En mettant à la suite de chaque chapitre, quand il y a lieu, l'indication des passages parallèles, soit d'Oribase, soit des auteurs qui ont traité du même sujet que lui, et qui, pour la plupart, ont puisé aux mêmes sources, nous avons fourni aux lecteurs des renseignements utiles, et le moyen de retrouver la source des variantes non tirées des mss.

Tous les chap., pour lesquels le nom de l’auteur original n'est pas indiqué, proviennent de la même source que le chapitre antérieur qui porte cette indication.

1. Du régime atténuant et du régime incrassant, tiré de GALIEN (Ad Eun. I, 17; Aët. II, 237 (Et. 239 ); Paul. I, 73)
2. Aliments atténuants (Synops. IV, 1; Ad Eus. I, 18; Aët. II, 238; Psellus, I, 21; Anon. ed. Erm. 21; Anon. ed. Idel. 23)
3. Aliments contenant des humeurs épaisses (Synops. IV, 2; Ad Eun. I, 19; Aët. II, 239; Anon. ed Erm. 20; Anon. ed. Idel. 18)
4. Aliments tenant le milieu entre les atténuants et les incrassants (Synops. IV, 3; Ad Eun. I, 20; Aët. II, 240)
5. Aliments produisant des humeurs visqueuses (Synops. IV, 4; Ad Eun. I, 21; Aët. II, 241; Psellus, I, 15; Anon. ed. Erm. 18; Anon. ed. Idel. 14)
6. Aliments produisant des humeurs crues (Synops. IV, 5 ; Ad Eun. I, 22; Aët. II, 242; Psellus, I, 16; Anon. ed. Erm. 19; Anon. ed. ldel.
15)
7. Aliments produisant des humeurs froides (Synops. IV, 6; Ad Eun. I, 23; Aët. II, 243; Psellus, I, 16)
8. Aliments produisant de la pituite (Synops. IV, 7; Ad Eun. I 24; Aët. II, 244; Psellus, I, 13; Anon. ed. Erm. 16; Aon. ed. Idel. 12)
9. Aliments produisant de l'humeur atrabilaire (Synops. IV, 8; Ad Eun. I, 25; Aët. II, 244; Psellus, I, 13 ; Anon. ed. Erm. 16; Anon. ed. Idel. 12)
10. Aliments produisant de l'humeur bilieuse (Synops. IV, 9; Ad Eun. I, 26; Aët. II, 245; Psellus, I, 14; Anon. ed. Erm. 17; Anon. cd. Idel. 13)
11 . Aliments contenant des humeurs excrémentitielles (Synops. IV, 10; Ad Eun. I, 27; Aët. II, 246; Psellus, I, 19; Anon. ed. Erm. 23; Anon. Ed. Idel. 21)
12. Aliments dépourvus d'humeurs excrémentitielles (Synops. IV, 11 ; Ad Eun. I, 28; Aët. II, 247 Psellus, I, 20; Anon. ed. Idel. 22)
13. Aliments donnant beaucoup de nourriture au corps (Hipp. Aff. § 50, t. VI, p. 260; Synops. IV, 12; Ad Eun. I, 28; Aët. II, 248; Psellus, I, 17; Anon. ed. Erm. 21; Anon. ed. Idel. 19)
14. Aliments qui donnent peu de nourriture (Synops. IV, 13; Ad Eun. I, 29 et 30; Aët. II, 249; Psellus, I, 18; Anon. ed. Erm. 22; Anon. ed. Idel. 20)
15. Aliments contenant de bonnes humeurs (Cels. II, 20; Synops. IV, 14; Ad Eun. I, 32; Aët. II, 250; Psellus, I, 2; Anon. ed. Erm. 5; Anon. ed. Idel. 1 )
16. Aliments contenant de mauvaises humeurs (Cels. II, 21; Synops. IV, 15; Ad Eun. I, 33; Aët. II, 251; Psellus, I, 11; Anon. ed. Erm. 14; Anon. ed. Idel. 10 )
17. Aliments faciles à digérer (Synops. IV, 16; Ad Eun. I, 34.; Aët. II,252; Psellus, I, 3; Anon, ed. Erm. 6; Anon. Ed. Idel. 2)
18. Aliments difficiles à digérer (Synops. IV, 17; Ad Eun. I, 35; Aët. II,253; Psellus, I, 4; Anon. ed. Erm. 7; Anon. ed. Idel. 3)
19. Aliments favorables à l'orifice de l'estomac et renforçant cette partie (Cels. II, 24.; Synops. IV, 18; Ad Eun. I, 36; Aët. II, 254; Psellus, I, 5; Anon. ed. Erm. 8; Anon. ed. Idel. 4)
20. Aliments nuisibles à l'orifice de l'estomac (Cels. II, 25; Synops. IV, 19; Ad Eun. I, 37; Aët. II, 255; Psellus, I, 6; Anon. ed. Erm. 9; Anon. ed. Idel. 5)
21. Aliments qui nuisent à la tête (Synops. IV, 20; Ad Eun. I, 51; Aët. II, 269; Psellus; II, 9; Anon. ed. Idel. 31)
22. Aliments exempts de flatuosités (Cels. II, 26; Synops. IV, 21; Ad Eun. I, 38; Aët. II, 256; Psellus, I, 16; Anon. ed. Erm. 18; Anon. ed. Idel 16)
23. Aliments flatulents (Cels. II, 26; Synops. IV, 22; Ad Eun. I, 39; Aët. II, 257; Anon. ed. Erm. 19; Anon. ed. Idel. 17)
24. Aliments détergents, incisifs, désobstruants (Synops. IV, 23; Ad Eun. I, 40; Aët. II, 258; Psellus, 1, 7; Anon. ed: Erm. 10; Anon. ed. Idel. 6)
25. Aliments causant des obstructions (Synops. IV, 24; Ad Eun. I, 41; Aët. II, 259 ; Psellus, I, 8; Anon. ed. Erm. 11 ; Anon. ed. Idel. 7 )
26. Aliments passant lentement (Synops. IV, 25; Ad Eun. I, 42; Aët. II, 260; Psellus, II, 8; Anon. ed. Idel. 30)
27. Aliments se corrompant facilement (Cels. II, 26; Synops. IV, 26; Ad Eun. I, 43; Aët. II, 261; Psellus, II, 6; Anon. ed. Idel. 28)
28. Aliments se corrompant difficilement (Cels. II, 28; Synops. IV, 27; Ad Eun. I, 44; Aët. II, 262 ; Psellus, II, 7; Anon. ed. Idel. 29).
29. Aliments relâchant le ventre (Cels. II, 29; Synops. IV, 28; Ad Eun. I, 45; Aët. II, 263; Psellus, I, 9; Anon. ed. Erm. 12; Anon. ed. Idel. 8)
30. Aliments resserrant le ventre (Cels. II, 29; Synops. IV, 29; Ad Eun. 1, 46; Aët. II, 264; Psellus, I, 10; Anon. ed. Erm. 13; Anon. ed. Idel. 10)
31. Aliments échauffants (Cels. II, 27; Synops. IV, 30; Ad Eun. I, 47; Aët. II, 265; Psellus, II, 2 ; Anon. ed. Erm. 25 ; Anon. ed. Idel. 24)
32. Aliments refroidissants (Cels. II, 27 ; Synops. IV, 31; Ad Eun. I, 48; Aët. II, 266; Psellus, II, 3 ; Anon. ed. Erm. 26; Anon. ed. Idel. 25)
33. Aliments desséchants (Synops. IV, 32; Ad Eun. I, 49; Aët. II, 267; Psellus, II, 4; Anon. ed. Idel. 26)
34. Aliments humectants (Synops. IV, 33; Ad Eun. 1, 50; Aët. II, 268; Psellus, II, 5; Anon. ed. Idel. 27)

LIVRE III.

1. DU RÉGIME ATTÉNUANT ET DU RÉGIME INCRASSANT.

(Tiré de Galien.)

Le régime atténuant désobstrue les canaux étroits, enlève la partie visqueuse des humeurs qui s'y était attachée, divise et atténue les humeurs épaisses; mais, si on en fait un usage excessif, il rendra le sang séreux, ou l'imprégnera de bile amère ou, à la longue, de bile noire; car toutes les substances atténuantes ont naturellement la propriété de réchauffer fortement et de dessécher : c'est là ce qui donne lieu à la formation des calculs tophacés dans les reins. Il faut donc éviter de manger habituellement des choses acres quelles qu'elles soient, surtout quand celui qui les mange est naturellement un peu bilieux; en effet, de semblables aliments ne conviennent qu'à ceux chez qui il y a déjà accumulation d'humeur piiuiteuse ou d'humeur crue, épaisse et visqueuse. Les maladies chroniques exigent si impérieusement, pour la plupart, l'usage du régime atténuant, qu'elles guérissent souvent par cet unique moyen; et, dans les cas où on peut atteindre son but en se servant du régime seul, il vaut mieux se passer des médicaments : ainsi j'ai observé beaucoup de maladies des reins et un assez grand nombre de cas de goutte avec formation de tophi aux articulations, qui furent soit complètement guéries par un semblable régime, soit notablement amendées. J'ai connu également un nombre assez considérable de gens qui étaient habituellement éprouvés par la dyspnée, et qui retirèrent un tel avantage de ce traitement, qu'ils furent complètement guéris, ou que leur maladie ne les tourmentait plus que légèrement et à de longs intervalles. Le régime atténuant fond aussi les grosses rates et le foie affecté de squirrhe; il guérit les épilepsies qui sont encore légères et à leur début, et amende notablement celles qui sont déjà chroniques et enracinées. Or les substances qui irritent et piquent douloureusement l'odorat et le goût sont acres et atténuantes ; toutes les substances nitreuses et toutes les substances amères ont aussi quelque chose d'incisif. Cependant ces substances exercent aussi une action très différente selon qu'on les mange avec de l'oxymel, du vinaigre, du sel ou de l'huile; car leurs propriétés se fortifient par le vinaigre et l'oxymel, tandis qu'elles s'affaiblissent par l'huile. Presque tous les mets atténuants sont peut-être plus dignes du nom de médicaments que de celui d'aliments, tandis que les mets qui engendrent des humeurs épaisses et visqueuses sont très nourrissants et produisent du bon sang, quand ils sont bien élaborés dans l'estomac et dans le foie, mais ils produisent des obstructions au foie et à la rate, et, s'il existe en outre un petit commence-ment d'inflammation aux viscères, ils l'augmentent considérablement; ils augmentent aussi les pneumatoses, les affections squirrheuses, et, cela est également évident, ils accélèrent la formation des abcès. Or il y a certaines substances qui ont uniquement la propriété de contenir des humeurs épaisses, comme la lentille cuite, d'autres qui sont [uniquement] visqueuses, comme la mauve, d'autres enfin qui ont ces deux qualités à la fois, comme les testacés, et les animaux qu'on appelle mollusques. Il est clair que le régime atténuant, eu égard à la conservation de la santé, est plus exempt de danger que le régime incrassant; mais il ne saurait produire de l'embonpoint ou de la force, parce qu'il ne donne pas beaucoup d'aliment. Quelquefois aussi il est nécessaire de toucher aux mets qui nourrissent fortement et produisent des humeurs épaisses, mais il faut le faire avec mesure et aux époques où l'on éprouve un besoin évident. Les gens qui peuvent prendre beaucoup d'exercice et dormir aussi longtemps qu'ils veulent, et qui ont choisi un genre de vie étranger aux affaires publiques, mangeraient sans inconvénient des mets visqueux et qui contiennent des humeurs épaisses, surtout s'ils ne s'aperçoivent jamais d'aucun sentiment de pesanteur ou de tension à l'hypocondre, après en avoir pris beaucoup. Ceux, au contraire, qui, soit à cause de leur âge, soit à cause du défaut d'habitude, ne peuvent prendre de l'exercice avant le repas, doivent tous s'abstenir de semblables mets. Les individus tout à fait sédentaires ne doivent pas même s'approcher des mets qui contiennent des humeurs épaisses, car le plus grand mal pour la conservation de la santé est le repos du corps , et le. plus grand bien, sous ce rapport, est un exercice modéré. Le plus sûr par conséquent, c'est de se garder des mets visqueux et imprégnés d'humeurs épaisses, du moins pour ceux qui n'ont souci que de leur santé et qui ne courent pas après l'embonpoint que recherchent les athlètes. Les mets les plus irréprochables sont ceux qui tiennent le milieu entre les atténuants et les incrassants, parce qu'ils se trouvent placés dans une juste mesure, qu'ils sont un terme moyen entre les extrêmes, et qu'ils produisent un sang d'une consistance moyenne; voilà donc ce qui constitue pour notre corps la meilleure nourriture; la plus détestable est celle qui renferme des humeurs mauvaises ; il faut s'en abstenir toujours. On est d'avis que la variété des mets est également très nuisible, surtout si elle porte sur des mets de propriétés opposées, parce qu'elle empêche la bonne digestion des substances ingérées. Telles sont à peu près les propriétés générales [du régime atténuant et du régime incrassant]; maintenant je vais passer à la matière de ce régime.

2. ALIMENTS ATTENUANTS.

L'ail, les oignons, le cresson, les poireaux, la moutarde, le poivre, le smyrnium, la pariétaire d'Espagne, l'origan, la calaminthe,, la menthe, l'hysope, le sisymbrium, le pouliot, le thym, le thymbre, si on les mange frais; en effet, à l'état desséché, ces plantes deviennent déjà des médicaments et ne sont plus des aliments; car, en général, tout ce qui tend à devenir sec est plus efficace que ce qui est fleuri, et les plantes qui poussent sur les collines, ou dans des endroits plus ou moins secs, ont plus de vertu que celles qui croissent dans les plaines, les jardins ou les marais. C'est donc d'après cette règle commune qu'il faut porter un jugement sur toutes les plantes. Après les espèces susdites viennent les sui-vantes : la roquette, la berle, le céleri, le persil, le basilic, les radis, le chou, les bettes, la cardousse, le panicaut, l'ortie, le fenouil, la coriandre, la rue, l'aneth, le laser sermontain, le cumin, le fruit du câprier et du térébenthinier, les graines de carvi, d'anis, de faux amome, d'ammi, de daucus, de seseli, de tordyliurn et celles de toutes les plantes odorantes, âcres et douées d'une chaleur évidente. Les graines de rue et de chanvre appartiennent aux substances fortement atténuantes, et rentrent déjà dans la classe des drogues. Parmi les céréales, l'orge est la seule qui ne soit pas contraire au régime atténuant; viennent ensuite les pains de froment cuits au four chauffé de tous côtés, mais il faut tâcher de s'abstenir des autres céréales, à moins qu'on ne veuille, à de longs intervalles, goûter quelques pois grecs ou quelques lentilles. On trouvera, si on veut, des ressources abondantes et inépuisables, pour composer des mets conformes au régime atténuant, dans les poissons de roche et dans les petits oiseaux de montagne, car tous les animaux qui vivent sur les montagnes ont un tempérament plutôt sec et chaud, et leur chair est très peu pituiteuse et très peu visqueuse. On mangera donc des étourneaux, des grives, des merles et des perdrix, ainsi que les moineaux appelés moineaux des tours, et ceux qui habitent les vignes. Parmi les pigeons, ceux des tours valent mieux que les pigeons domestiques. En général, il faut préférer les animaux qui prennent de l'exercice à ceux qui n'en font pas, ceux qui prennent plutôt des aliments secs à ceux dont les aliments sont plutôt humides, et ceux qui respirent un air pur et ténu à ceux qui vivent dans un milieu contraire. Parmi les poissons de roche, on doit manger de la girelle, du boulereau, du merle de mer, du tourd, du scare, et, en un mot, de tous les poissons dont la chair est à la fois molle et cassante, mais il faut s'abstenir tout à fait de ceux dont la chair est dure ou visqueuse. Or la chair des motelles est molle, il est vrai, mais elle est moins cassante que celle des poissons de roche; la chair des rougets, ail contraire, est cassante, mais elle n'est pas molle. Vous avez donc deux signes pour apprécier la chair des animaux quels qu'ils soient : ce sont la mollesse et le cassant ; prenant ces signes en considération, on mangera jusqu'à satiété les poissons qui réunissent ces deux qualités; on s'abstiendra tout à fait de ceux où elles manquent toutes deux; on mangera aussi de temps en temps, à défaut d'autres, ceux qui présentent seulement l'une de ces qualités, mais on se gardera d'en ingérer jusqu'à satiété; on pourra donc, si on n'a pas de poissons de roche, recourir aux motelles, aux rougets, ainsi qu'aux autres poissons de haute mer, et surtout à ceux qu'on mange avec de la moutarde, comme la scorpène. Il existe certaines espèces d'animaux qui présentent en effet l'une des deux qualités dont je viens de parler, mais qu'il faut cependant se garder de manger, parce que l'autre est en excès ; les anguilles, par exemple, et la plupart des mollusques, quoiqu'ils aient la chair molle, sont cependant extrêmement nuisibles à ceux qui ont besoin du régime atténuant, à cause de leurs qualités visqueuses et pituiteuses. Parmi les poissons cartilagineux, il n'y a que la torpille et la pastenague qui soient convenables, et dont on puisse quelquefois se servir à défaut de poissons de roche. La sole et le flet sont doués des mêmes propriétés. Je ne défends pas, si ou prend de l'exercice, de manger des poules, des pigeons et des tourterelles, surtout celles qui habitent les montagnes. Ce n'est pas seulement la tourterelle qu'il faut manger non fraîchement tuée, mais conservée au moins pendant un jour; cette précaution t'applique également à la perdrix et à tous les animaux qui ont la chair modérément dure. Les poissons salés exercent une action atténuante et incisive très-prononcée sur les humeurs épaisses et visqueuses; mais il faut préférer aussi ceux dont la chair est naturellement molle et se garder de ceux qui ressemblent aux grands animaux marins. On peut encore sans danger manger du porc salé. Parmi les fruits de l'arrière-saison, ceux qui relâchent le ventre causeront le moins de dommage : il faut donc choisir ceux qui sont un peu mous plutôt que ceux qui sont un peu durs et qui passent lente-ment, mais il ne faut user d'aucune espèce jusqu'à satiété. Ceux qui sont fortement âpres sont contraires au régime atténuant. Les meilleurs entre tous sont les figues sèches, les noix, les pistaches et les amandes légèrement amères; quant aux olives, je ne saurais ni les louer ni les blâmer. De toutes les substances sucrées, non-seulement parmi les mets, mais aussi parmi les boissons, il n'y a, pour ainsi dire, que le miel qui produise une humeur' d'une consistance parfaitement ténue. Les vins blancs et ténus produisent un effet incisif sur les humeurs épaisses et purgent [le corps] par les urines. Le petit-lait appartient aussi aux substances atténuantes. L'oxymel est particulièrement très-utile pour le régime atténuant.

3. ALIMENTS CONTENANT DES HUMEURS ÉPAISSES.

Les pains cuits dans un four chauffé par le bas , ceux qui sont mal préparés, le mets appelé tragos, les fritures faites avec du vin nouveau et de la farine sémidalique, les lagana, les rhymmata, auxquels on donne le nom d'itria, et toute friture faite avec du froment sans ferment, ainsi que les gâteaux préparés avec ces fritures. La farine sémidalique et l'alica contiennent des humeurs extrêmement épaisses; l'amidon en contient qui le sont modérément. Les haricots renferment également des humeurs épaisses, ainsi que les lupins, et la chair des lentilles cuites, car l'écorce de ces dernières a quelque chose de détersif. Puis viennent les fèves torréfiées, la graine de sésame, la graine d'erysimum, les animaux appelés mollusques, par exemple les calmars, les seiches, les poulpes, les poissons de la na­ture des grands animaux marins, classe à laquelle appartiennent les thons; toutefois les jeunes thons ont des propriétés moins prononcées. Les huîtres, les buccins, les pourpres, les cames, les bernicles, les peignes, les jambonneaux, et, en un mot, tous les coquillages, contiennent des humeurs très épaisses. Puis viennent les anguilles, les escargots, la chair de cerf, de chèvre, de boeuf, de lièvre, de porc, le foie, les reins, les testicules, le cerveau, la moelle épinière, les mamelles, les glandes, la langue (mais à un degré modéré), le lait fortement bouilli, tous les fromages (mais les fromages nouveaux et ceux au lait aigre à un moindre degré), le lait aigre, l'amouille coagulée par la chaleur, les oeufs qu'on fait cuire dans l'eau bouillante jusqu'à ce qu'ils soient entièrement durs (les oeufs cuits sous la cendre à un degré plus élevé, et plus encore ceux qu'on frit dans la poêle), les dattes, les châtaignes, les glands, les oignons de vaccet, les navets, les champignons, la racine de gouet, les truffes, les pignons, les figues qui ne sont pas parfaitement mûres, la pulpe de citron, le concombre pour ceux qui en mangent abondamment, les pommes vertes. Les vins d'un goût sucré, et surtout celui appelé siraeum (vin doux cuit), produisent un sang épais; il en est de même pour le vin nouveau et pour les vins épais et noirs.

4. ALIMENTS TENANT LE MILIEU ENTRE LES ATTÉNUANTS ET LES INCRASSANTS.

Les pains les mieux préparés, la chair de poule, de coq et de faisan, de perdrix et de pigeon, de coq de bruyère et de tourterelle, de grive, de merle et de tous les petits oiseaux, puis celle des poissons de roche, de ceux des côtes aussi bien que de ceux de haute mer, celle des loches de mer, des murènes, des soles et, en général, de tous les poissons qui n'ont aucune viscosité, ni mauvaise odeur, ni mauvais goût quand on les mange; les figues mûres ; parmi les herbes potagères sauvages la chicorée (mais c'est là un genre qui comprend plusieurs espèces particulières, lesquelles ont reçu chacune un nom propre chez les Attiques, comme la laitue, le duriou jaune, le gingicidium et mille autres plantes de ce genre), l'asperge de marais et l'asperge proprement dite, la tige de houx-frelon et celle de couleuvrée, le vin d'un goût sucré, jaune et transparent à la fois, comme celui d'Ariuse, de Lesbos, de Falerne et du Tmolus; car toutes ces espèces engendrent un sang qui est bon et de consistance moyenne.

5. ALIMENTS PRODUISANT DES HUMEURS VISQUEUSES.

Les froments pesants, denses et jaunes à l'intérieur sont visqueux; les froments légers, rares et blancs à l'intérieur, le sont moins ; la farine sémidalique et l'alica sont très visqueux. Les tendons et les aponévroses , les parties qui environnent les lèvres, la couenne, toute chair de porc, la chair d'agneau, la graine de sésame, les oignons de vaccet, les dattes grasses [sont également visqueux].

6. ALIMENTS PRODUISANT DES HUMEURS CRUES.

Les dattes vertes remplissent d'humeurs crues le corps de ceux qui les mangent; il en résulte des frissons avec difficulté de se réchauffer. Le navet, quand on en mange abondamment, les coquillages à chair dure, quand ils ont perdu leur liquide salé par une coction prolongée, les animaux appelés mollusques, comme les poulpes, les seiches et tous les autres du même genre, tous les animaux marins d'une grandeur démesurée, l'estomac, les intestins et la matrice des quadrupèdes, les glandes dures, si elles ne sont pas digérées, le lait aigre, les fromages, les gâteaux frits dans la poêle, les lupins, le raisin, quand il est retenu [produisent des humeurs crues].

7. ALIMENTS PRODUISANT DES HUMEURS FROIDES.

Il arrive à ceux qui se gorgent de concombres d'éprouver une accumulation d'humeur froide qui subit difficilement la transformation en sang de bonne qualité. L'estomac, les intestins et la matrice des quadrupèdes, le lait aigre, les bolets, les pommes vertes, les oignons de vaccet [produisent aussi des humeurs froides].

8. ALIMENTS PRODUISANT DE LA PITUITE.

Les parties nerveuses des animaux engendrent une humeur simplement pituiteuse; [il en est de même] du cerveau, du poumon, de la moelle épinière, des glandes, si elles ne sont pas digérées, de la chair des agneaux, des bolets, des amanites, des coquillages à chair molle, des pommes vertes.

9. ALIMENTS PRODUISANT DE L'HUMEUR ATRABILAIRE.

La viande de boeuf, de chèvre, plus encore celle des boucs et des taureaux, et, à un degré plus fort, celle des ânes, des chameaux, des renards, des chiens, la viande de lièvre, de sanglier, la viande salée des animaux terrestres, la rate des animaux; parmi les animaux marins la chair des thons, de la baleine, du veau marin, du requin, du dauphin et de tous les animaux d'une grandeur démesurée, les escargots, le chou, les jeunes pousses des arbres, conservées dans de l'eau salée ou dans de l'eau salée et du vinaigre (je vous parle de celles du lentisque, du térébenthinier, de la ronce et de l'églantier), enfin ce qu'on pourrait appeler la chair de l'artichaut. La lentille est aussi un mets très atrabilaire; après elle viennent le pain de son et celui qu'on fait avec du petit épeautre ou avec les autres mauvaises graines, ainsi que les fromages vieux, le jarseau et la vesce, et les vins épais et noirs.

10. ALIMENTS PRODUISANT DE L'HUMEUR BILIEUSE.

Les caroubes. Le jus de l'artichaut est ténu et produit de la bile amère; le mieux donc est de manger l'artichaut après l'avoir fait bouillir. Le miel se transforme facilement en bile dans les organismes chauds, car toutes les humeurs d'un goût sucré fournissent des matériaux à la bile jaune; il en est de même des vins d'un goût sucré.

11. ALIMENTS CONTENANT DES HUMEURS EXCREMENTITIELLES.

Les ramiers, les oies, à l'exception des ailes, tous les viscères, la moelle épinière, le cerveau, les oiseaux des marais, des lacs et des plaines, les pois chiches et les fèves vertes, la fève d'Égypte, les jeunes porcs, le mouton, et la chair de tous les animaux jeunes et de ceux qui mènent une vie oisive; parmi les poissons, ceux de rivière et de lac et ceux qui vivent dans la boue; parmi les animaux marins, tous ceux qui sont d'une grandeur démesurée.

12. ALIMENTS DÉPOURVUS D'HUMEURS EXCRÉMENTITIELLES.

Le cou et la queue des animaux, les ailes, la chair des animaux sauvages et de ceux qui vivent dans les endroits secs. 

13. ALIMENTS DONNANT BEAUCOUP DE NOURRITURE AU CORPS.

La chair des porcs domestiques est le plus nourrissant de tous les aliments. La cervelle de bœuf, les testicules, le cœur, la moelle épinière et l'autre moelle, les ailes des oies et encore plus celles des poules, ainsi que l'estomac de tous les oiseaux, les escargots, surtout quand on les a fait bouillir trois fois, les coquillages à chair dure, comme les cames, les pourpres, les buccins et tous les autres animaux semblables donnent beaucoup de nourriture, ainsi que les homards, les pouparts, les crabes, les salicoques, les langoustes, tous les autres animaux semblables et les animaux appelés mollusques, comme la poulpe, la seiche, le calmar et ceux qui leur ressemblent. Parmi les poissons cartilagineux, la torpille et la pastenague nourrissent à un degré moins prononcé, mais la raie, la raie lisse et le rhinobate nourrissent plus ; les rougets et les loches de met nourrissent à un degré moins prononcé. Le lait plus ou moins épais nourrit à un degré plus fort, mais celui qui est plutôt humide nourrit moins. Le pain le plus nourrissant est celui de siligo; vient ensuite celui de farine sémidalique; le pain de ménage occupe le troisième rang. Le froment bouilli; la farine sémidalique, l'alica [nourrissent fortement]. Les fèves donnent un embonpoint formé. non de chair serrée et dense, mais plutôt de chair un peu molle. Les pois chiches nourrissent plus fortement que les fèves, les pilasèles et les gesses à fleurs jaunes plus que le fenugrec. Les haricots, qu'on appelle aussi gousses ou phaséoles, ne nourrissent pas moins que les pois grecs. Les lupins, les châtaignes, les lentilles, les dattes d'un goût sucré, les raisins secs d'un goût sucré et gras, les glands, le navet appelé aussi bunias sont nourrissants; les oignons de vaccet sont très nourrissants, surtout quand on les a fait bouillir deux fois. Le miel écumé est favorable à la distribution des aliments et à la nutrition, ainsi que l'eau miellée bien cuite. Tout vin nourrit en raison de son épaisseur; par conséquent, les vins rouges et épais sont les plus propres de tous à engendrer du sang; après eux les vins d'un goût sucré, noirs et épais à la fois; ensuite ceux qui sont rouges, épais et astringents; les vins qui sont à la fois blancs, épais et légèrement âpres, nourrissent moins que les précédents, et les vins blancs et ténus sont les moins nourrissants de tous. Tous les aliments à humeurs épaisses deviennent fortement nourrissants quand ils sont bien digérés et bien convertis en sang.

14. ALIMENTS QUI DONNENT PEU DE NOURRITURE.

Les extrémités des animaux, la matrice, l'estomac , les intestins, la queue, les oreilles, la graisse molle et la graisse solide. Toute la classe des oiseaux, comparée à la classe des quadrupèdes, nourrit moins. La chair des animaux âgés nourrit moins que celle des animaux qui sont encore en croissance. La nourriture fournie par les poissons engendre un sang légèrement ténu; elle ne nourrit donc pas abondamment, et se dissipe rapidement par la perspiration. Les testacés à chair molle, comme les huîtres, nourrissent peu. Les pains d'orge, de quelque manière qu'ils soient préparés, sont tous peu nourrissants, ainsi que l'alphiton fait avec de l'orge. De même les pains de son, et tous les pains grossiers et les pains lavés, l'amidon, la bouillie faite avec l'orge légèrement torréfiée, l'avoine, le petit millet et plus encore le grand, le riz, les fèves vertes, la graine de pavot, la graine de lin, l'ormin, les mûres, le fruit de l'églantier, les baies de genévrier, celles de myrte, les amandes, les pistaches, les prunes, les pêches, les abricots, les abricotins, les olives, surtout celles qui mûrissent sur l'arbre, les noisettes et encore moins les noix, les jujubes, les cornouilles, les prunes sauvages, les mourons, les arbouses, les jujubes sauvages, les fruits du plaqueminier d'Europe, les cerises de juif, la câpre et surtout la câpre salée, toutes les parties du térébenthinier, le chou, la bette, la patience, la patience sauvage, le pourpier, la morelle, le radis, le navet, la moutarde, le cresson, la pariétaire d'Espagne, toutes les tiges comestibles, la carotte, le daucus, le carvi [donnent peu de nourriture]. Les oignons, l'ail, les poireaux et les poireaux des vignes ne donnent point de nourriture du tout s'ils sont crus, tandis que, si on les fait bouillir deux ou trois fois, ils en donnent, mais très-peu. Les grenades nourrissent peu ; les poires, surtout les grandes, ont quelque chose de nourrissant. La courge et les raisins secs âpres et qui ne sont point gras nourrissent peu. Les phasèles, les gesses à fleurs jaunes, les gesses ordinaires et les gesses chiches tiennent pour ainsi dire le milieu entre les mets qui nourrissent peu et ceux qui nourrissent fortement. Les figues ne ressemblent pas aux autres fruits d'arrière-saison, lesquels nourrissent peu, cependant elles produisent une chair spongieuse ainsi que les raisins; ces derniers nourrissent moins que les figues, en produisant une chair lâche et pétrie d'humidité. Tous les aliments qui sont doués de quelque qualité médicamenteuse fortement prononcée ne donnent que peu de nourriture quand ils ont perdu cette qualité pat la torréfaction, l'ébullition ou la macération; auparavant ils n'en donnaient pas du tout.

15. ALIMENTS CONTENANT DE BONNES HUMEURS.

De tous les aliments, le lait, quand il est très bon, est à peu près celui qui contient les meilleures humeurs, et le lait le plus excellent est celui des animaux de bonne complexion, quand on le boit aussitôt qu'il a été trait. Les oeufs à demi mous et mous [contiennent de bonnes humeurs], mais les meilleurs sont ceux de poules et de faisans, tandis que ceux des oies et des autruches sont moins bons. Les oiseaux et les poissons contiennent presque tous de bonnes humeurs, excepté ceux qui vivent dans les marais, les lacs et les rivières bourbeuses et troubles, surtout quand l'eau vient d'une ville, entraînant les immondices des latrines, des bains et des cuisines, et les ordures provenant du lavage des vêtements. On peut donc toujours manger sans danger les poissons qui viennent de la partie de la mer où il n'y a pas de mélange d'eau douce ; à ce genre appartiennent les poissons de haute mer et les poissons de roche, car ces poissons l'emportent de beaucoup sur les autres sous les rapports de la bonté des humeurs et de l'agrément du goût. S'il s'agit d'un poisson du nombre de ceux qui vivent dans les deux eaux, comme le muge, le bar, la motelle, la loche de mer, les murènes, les crabes et les anguilles, il faut s'informer d'abord où il a été pris; on jugera ensuite de sa bonté par l'odorat et par le goût, car ceux qui passent leur vie dans la mauvaise eau ont une odeur et une saveur désagréables, et ils sont muqueux; en second lieu ils ont beaucoup plus de graisse que les autres et pourrissent rapidement. Les poissons deviennent aussi meilleurs ou plus mauvais qu'ils ne le sont habituellement, d'après les aliments propres à chaque localité, ce qu'on reconnaît facilement par l'odorat et par le goût; les rougets sont dans ce cas; en effet, les plus mauvais sont ceux qui mangent les petits crabes; quant aux autres, leur chair est un peu dure, il est vrai, mais elle ne contient pas de mauvaises humeurs. Le flétan macrolépidote, la barbue, le merlus noir, la sole, le flet et le lézard de mer tiennent, pour ainsi dire, le milieu entre les poissons à chair molle et ceux à chair dure; la nourriture qu'ils fournissent est excellente pour ceux qui ne prennent point d'exercice, pour les gens faibles et pour les convalescents. La nourriture cassante et molle est ce qu'il y a de meilleur pour la santé, parce que c'est, de toutes, celle qui contient les meilleures humeurs. La chair des animaux, quand elle est bien digérée, produit du très bon sang, surtout celle des animaux imprégnés de bonnes humeurs; or c'est à cette classe qu'appartient le genre des cochons; leur chair est en effet la meilleure, aussi bien sous le rapport du goût que sous celui de la facilité de la digestion, surtout celle des cochons d'un âge moyen; celle du porc très âgé est moins bonne, ainsi que celle des porcs mangés immédiatement après leur naissance; car la chair des cochons de lait est d'une humidité excessive et produit beaucoup de pituite. Les mamelles contiennent de bonnes humeurs , ainsi que le foie, les parties voisines des lèvres, les ailes et les autres extrémités. Les intestins, la matrice et la queue produisent des humeurs moins bonnes que ne sont celles de la chair. Les glandes, quand elles sont bien digérées, donnent une nourriture à peu près égale à celle que fournissent les chairs. Le coeur ne contient pas de mauvaises humeurs. Les pieds de cochon sont meilleurs que le museau et les oreilles, car le cartilage des animaux adultes ne se digère pas du tout, tandis que celui des animaux qui sont encore en croissance est susceptible de se digérer, pourvu qu'il soit bien broyé dans la bouche. Autant la chair des autres animaux cède le pas à celle des porcs pour la bonté de la nourriture, autant leurs extrémités sont inférieures à celles des porcs. La cervelle des oiseaux est de beaucoup meilleure que celle des quadrupèdes. La chair des animaux sauvages contient de meilleures humeurs que celle des animaux domestiques. Le pain de fine fleur et bien préparé contient de bonnes humeurs ainsi que l'alica, l'orge mondée bien cuite et les fèves; les châtaignes n'en contiennent pas de mauvaises. Les figues mûres et le raisin mûr conservé à l'aide de la suspension sont irréprochables. Les figues sèches, si elles sont rapidement distribuées dans le corps, produisent de bonnes humeurs, mais, si elles restent longtemps dans le canal intestinal, elles s'imprègnent de mauvaises humeurs et engendrent des poux ; mangées avec des noix, elles fournissent un mets excellent; ceux qui mangent les figues, soit vertes, soit sèches, avec quelque autre aliment, se font un tort assez considérable. La laitue produit du sang, autant que peut en produire une herbe potagère ; après elle viennent les en-dives. Les vins de bonne odeur contiennent de bonnes humeurs ; or les espèces suivantes sont du nombre de ceux qui contiennent de très-bonnes humeurs : le vin de Falerne, surtout celui qui est un peu sucré, le vin d'Ariuse et le vin paillet sucré du Tmolus.

16. ALIMENTS CONTENANT DE MAUVAISES HUMEURS.

Il n'y a pas qu'une seule espèce d'humeurs mauvaises : car les unes sont plutôt froides et pituiteuses , les autres sont plutôt chaudes et bilieuses; il en existe qui sont plutôt aqueuses; de même il en est certaines qui sont plutôt atrabilaires. Je conseille de s'abstenir de tous les aliments qui contiennent de mauvaises humeurs, même quand ils sont faciles à digérer; car à la longue ils produisent dans les veines, sans qu'on s'en doute, une accumulation de mauvaises humeurs qui donnent lieu à des fièvres de mauvais caractère, si elles rencontrent une occasion, même insignifiante, de se pourrir. Or les aliments qui contiennent de mauvaises humeurs sont les suivants : la chair des moutons et aussi celle des chèvres qui de plus est âcre; celle des boucs est la plus mauvaise, ensuite celle des béliers, puis celle des taureaux: chez tous ces animaux, la chair des individus châtrés est meilleure, mais celle des sujets âgés est très mauvaise. La chair de lièvre produit, il est vrai, du sang assez épais, mais ce sang est meilleur, sous le rapport de la bonté des humeurs, que celui fourni par le boeuf et le mouton. La viande de cerf contient des humeurs qui ne sont pas moins mauvaises que celles des viandes dont nous venons de parler. Les reins contiennent de mauvaises humeurs ainsi que les testicules des animaux tout à fait adultes, à l'exception de ceux des coqs. [Il en est de même] de la cervelle, de la moelle épinière, de la couenne de lard, de la rate (mais de celle du porc à un moindre degré), de tous les viscères des animaux, des oeufs frits dans la poêle, des fromages vieux, des bolets, des amanites (car la prudence veut qu'on ne mange pas les autres champignons), du fenugrec, des lentilles. Le petit épeautre, l'avoine et le pain qu'on fait avec ces graines, pas plus que les pois chiches, ne contiennent de bonnes humeurs; le grand épeautre est d'autant inférieur au froment, qu'il est supérieur au petit épeautre et à l'avoine; le grand millet, le petit millet et les graines qui leur ressemblent ne contiennent pas de bonnes humeurs. Les vives, les grondins, les gades, les scorpènes, les maquereaux bâtards, les rougets, les orphes, les hiboux de mer, les marteaux, les congres, les pagels et tous les animaux marins d'une grandeur démesurée sont imprégnés de mauvaises humeurs. Tous les fruits appelés fruits d'été contiennent de mauvaises humeurs, mais les figues à un moindre degré que les autres. Le sang que produisent les figues sèches chez ceux qui en usent abondamment n'est pas tout à fait bon ; c'est pourquoi elles traînent à leur suite une multitude de poux. Les pommes vertes, les poires avant d'être mûres, le fruit du térébenthinier sont imprégnés de mauvaises humeurs; [il en est de même de] l'artichaut, surtout quand il est devenu un peu dur, des concombres, des pastèques; les melons [en sont imprégnés] à un moindre degré; la courge est en effet meilleure que les fruits susdits; cependant, si elle se corrompt clans l'estomac, elle s'imprègne aussi de très mauvaises humeurs. Aucune herbe potagère ne contient de bonnes humeurs, mais la laitue et l'endive tiennent le milieu entre les aliments imprégnés de bonnes humeurs et ceux imprégnés de mauvaises; après elles vient la mauve et ensuite l'arroche, le pourpier, la blite et la patience. Parmi les racines des herbes potagères, toutes celles qui sont âcres contiennent de mauvaises humeurs, comme l'oignon, le poireau, l'ail, le radis, le daucus; les racines de gouet, celle de navet qu'on appelle aussi bunias, et celle de la plante appelée carvi tiennent le milieu entre les aliments qui ont de bonnes humeurs et ceux qui en ont de mauvaises. Le basilic contient de très mauvaises humeurs; le navet à moitié cru, le chou, les oignons de vaccet mal bouillis [en ont de mauvaises]. Les oignons, l'ail, les poireaux et les poireaux des vignes perdent leurs mauvaises humeurs quand on les fait bouillir deux fois. Tout ce qu'on appelle herbes potagères sauvages, comme la laitue sauvage, le duriou jaune, l'aiguillette, le gingidium, la chicorée, l'urosperme, contiennent des humeurs mauvaises au plus haut degré. Les vins épais, d'une odeur désagréable, d'un goût âpre, contiennent des humeurs mauvaises, comme le mauvais vin de Bithynie qu'on conserve dans les grandes cruches , car celui qu'on garde dans les petites contient des humeurs qui ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais de qualité moyenne.

17. ALIMENTS FACILES À DIGÉRER.

Les pains bien préparés, tous les poissons de roche, la loche de mer, la torpille, la pastenague. Dans toute la classe des oiseaux, la chair, si on la compare à celle des quadrupèdes, est assez facile à digérer, surtout celle de la perdrix, du coq de bruyère, du pigeon, de la poule, du coq et des faisans. Les ailes des oies sont faciles à digérer, mais celles des poules le sont encore davantage; et, en général, les ailes des individus bien nourris et jeunes sont excellentes, tandis que celles des animaux maigres et vieux sont très mauvaises; le foie des oies engraissés avec du petit lait, ainsi que les testicules des coqs qu'on a nourris de la même manière, sont très-faciles à digérer. Quant au porc, la chair des individus adultes convient mieux, sous le rapport de la digestion, aux gens d'un âge moyen et qui prennent de l'exercice, tandis que celle des animaux qui sont encore en croissance va mieux aux autres individus. Le veau est préférable au boeuf adulte pour la facilité de la digestion; les jeunes boucs valent mieux que les chèvres. La viande de tous les animaux qui sont encore en croissance est plus facile à digérer que celle des individus sur le déclin de l'âge, et celle des animaux qui vivent dans les endroits secs plus que celle des autres. La noix se digère plus facilement que la noisette. Les oignons de vaccet se digèrent plus facilement quand on les a fait bouillir deux fois. Les œufs demi-mous et les oeufs mous, la laitue, l'endive, la mauve, la courge bouillie, pourvu qu'elle ne se corrompe pas [sont faciles à digérer]. Les vins sucrés se digèrent plus facilement que les vins âpres. Sachez que parmi les substances également favorables à la santé, celle qui est la plus agréable se digère le plus facilement.

18. ALIMENTS DIFFICILES À DIGÉRER.

La chèvre, le boeuf, le cerf. Le bouc est ce qu'il y a de plus mauvais pour la digestion ; vient ensuite le bélier et après lui le taureau. La chair des animaux âgés est aussi très mauvaise et même celle des vieux porcs. L'estomac est difficile à digérer ainsi que les intestins, la matrice, la couenne, le coeur, le foie, les oreilles, la queue, les reins, tous les viscères, le cerveau, la moelle épinière, les testicules des animaux arrivés à l'âge adulte, le sang quel qu'il soit, les oies à l'exception des ailes. La chair des ramiers, des grives, des merles et des petits oiseaux est un peu dure; celle de la tourterelle et du canard l'est encore davantage, et celle du paon et des outardes l'est encore plus. L'estomac des oiseaux, quel qu'il soit, est difficile à digérer, car c'est à tort que quelques-uns recommandent ceux de l'autruche et du labbe comme un médicament digestif; car d'abord ces mets ne se digèrent pas facilement eux-mêmes, et ensuite ils ne constituent pas un médicament digestif pour d'autres mets. Les escargots sont difficiles à digérer; il en est de même du lait aigre, surtout pour ceux qui ont l'estomac froid, et du fromage vieux; mais le fromage nouveau et surtout le fromage au lait aigre sont meilleurs. La chair des pourpres et des buccins, et, parmi les autres testacés, ceux qui ont la chair dure, sont difficiles à digérer. Les homards, les pouparts, les crabes, les langoustes, les salicoques et tous les animaux semblables, les poulpes, les seiches, les calmars et tous les animaux appelés malacodermes, les raies, les raies lisses, les rhinobates, les vives, les grondins, les gades, les scorpènes, les maquereaux bâtards, les rougets, les orphes, les hiboux de mer, les marteaux, les saupes, les congres, les pagels, les squales-nez, les raies noires, les oeufs durs, cuits sous la cendre ou frits dans la poêle, le froment bouilli, le mets appelé tragos [ sont difficiles à digérer]. La farine grossière est plus difficile à digérer que l'orge légèrement torréfiée. Le petit épeautre, l'avoine et le pain qu'on fait avec ces graines, les fèves, les gesses à fleurs jaunes, les haricots, les phasèles, les gesses ordinaires, les gesses chiches, les pois chiches, le riz, les lupins, le grand millet, le petit millet, et toutes les graines qui leur ressemblent, les lentilles, les vesces, la graine de sésame, l'erysimum, les châtaignes, les glands, les pommes, les poires, les figues, les sorbes vertes, les raisins acides et les raisins âpres, toutes les dattes, les caroubes, le citron [se digèrent difficilement]; cependant, si on emploie la partie extérieure du citron comme médicament, elle favorisera la digestion, ainsi que plusieurs autres substances âcres. Le basilic, le navet à moitié cru, les oignons de vaccet à moitié crus, la carotte, le daucus, le carvi, toutes les racines des herbes potagères, et toutes ces herbes elles-mêmes, à l'exception de la laitue et de l'endive, les vins épais et, nouveaux sont difficiles à digérer. L'eau est aussi éminemment difficile à digérer.

19. ALIMENTS FAVORABLES À L'ORIFICE DE L'ESTOMAC ET RENFORÇANT CETTE PARTIE.

Les dattes âpres, les coings, les olives salées (mais celles qu'on conserve dans le vinaigre sont les plus convenables), les raisins secs légèrement astringents, le raisin qu'on conserve dans le marc. La noix est plus favorable à l'orifice de l'estomac que la noisette, et elle l'est encore beaucoup plus quand on la mange avec des figues sèches. Toutes les plantes épineuses sont modérément favorables à l'orifice de l'estomac : ce sont la cardousse, le carthame laineux, l'épine blanche, le chardon à foulon, le carthame des teinturiers, l'astragale, l'atragis et l'artichaut, qu'on estime plus qu'il ne le mérite; [il en est de même de] la racine de chervis bouillie. Le gingidium ressemble à l'aiguillette et il est très favorable à l'orifice de l'estomac, qu'on le mange cru ou bouilli; mais il ne supporte pas une ébullition prolongée. La moutarde, le radis, le navet, le cresson, la pariétaire d'Espagne, l'asperge royale et celle des marais, ainsi que les tiges du houx-frelon, du palmier nain, du buisson ardent et de la couleuvrée [sont favorables à l'orifice de l'estomac], ainsi que la câpre salée. Les oignons de vaccet excitent l'appétit. La partie extérieure du citron renforce l'orifice de l'estomac, si on la prend comme médicament. Le vin âpre renforce l'orifice de l'estomac et cet organe lui-même, surtout quand il est affecté d'une intempérie chaude. L'absinthe et l'aloès [renforcent l'orifice de l'estomac] à titre de médicaments.

20. ALIMENTS NUISIBLES À L'ORIFICE DE L'ESTOMAC.

Les baies du genévrier causent des pincements à l'orifice de l'estomac, et celles du cèdre en produisent encore de plus forts. Les arbouses , le bouton d'or, la graine de gattilier sont nuisibles à l'orifice de l'estomac; la bette l'est tellement, qu'elle y cause des pincements quand on en mange trop abondamment; il en est de même pour la patience. Le basilic, le navet à moitié cru, la bute, l'arroche, à moins qu'on ne les mange avec du vinaigre, du garon et de l'huile [nuisent à l'orifice de l'estomac]. Le fenugrec retourne l'orifice de l'estomac, et il en est de même pour le sésame. Le lait s'aigrit chez ceux qui ont l'estomac froid, et il produit des éructations nidoreuses quand cet organe est chaud; il est donc tout simple qu'il nuise aussi aux fébricitants. Si on prend beaucoup de miel, il tend à produire des vomissements. Quand la pastèque n'est pas bien digérée, elle produit habituellement le choléra; car, même avant qu'elle soit corrompue, elle favorise le vomissement; si on en mange beaucoup, elle le produira infailliblement, à moins qu'on ne mange après quelque mets imprégné de bonnes humeurs ; le melon produit le même effet, [mais non] au même degré. Toute cervelle est nuisible à l'orifice de l'estomac et produit des nausées, ainsi que la moelle des os. Le vin noir et âpre s'aigrit facilement et tend à produire le vomissement, ainsi que le vin épais et nouveau. À titre de médicaments, l'aurone, l'armoise maritime et l'aphronitron [nuisent à l'orifice de l'estomac].

21. ALIMENTS QUI NUISENT À LA TÊTE.

Les mûres, les mourons. Tous les mets qui remplissent la tête à cause de leur chaleur sont sujets à produire de la céphalalgie, comme le vin, la moutarde, le persil, le daucus, l'oignon, le smyrnium. Les arbouses, les baies du genévrier et celles du cèdre, la graine de chanvre, les racines du cistre, les dattes quelles qu'elles soient, la roquette, le fenugrec, la graine de lin [nuisent à la tête]. Le vin paillet et âpre cause de la céphalalgie, et affecte l'intelligence plus que le vin noir et âpre ; les vins odoriférants donnent aussi du mai de tête; le vin aqueux n'affecte ni la tête ni les nerfs et même le vin faible guérit la céphalalgie qui provient des humeur: contenues dans l'estomac. Le lait ne convient pas à la tête, à moins qu'on ne l'ait extrêmement forte. La macération du marc de raisin, qu'on appelle piquette, donne de la céphalalgie, ainsi que le raisin qu'on conserve dans le mare.

22. ALIMENTS EXEMPTS DE FLATUOSITÉS.

Les pois grecs, les haricots, le cumin, la racine et la graine du laser sermontain, la graine de gattilier, celle de chanvre, les fèves torréfiées, les oignons de vaccet, qu'on a fait bouillir pendant long-temps ou deux fois et qu'on mange avec du vinaigre dans de l'huile et du garon, le miel écumé. L'oxymel fait descendre rapidement les flatuosités. Le pain d'orge, de quelque manière qu'il soit préparé, est très-peu flatulent. Les phasèles, les gesses à fleur jaune, les gesses communes et les gesses chiches tiennent le milieu entre les mets exempts de flatuosités et les mets flatulents.

23. ALIMENTS FLATULENTS.

Les pois chiches, les lupins, les phasèles, les gesses à fleur jaune, le grand et le petit millet, et toutes les graines semblables. Les fèves en purée constituent déjà un mets flatulent; elles le deviennent encore plus, quand on les mange bouillies en entier, ou de quelque autre manière que ce soit. La bouillie faite avec de l'alphiton est flatulente, mais, quand elle a été pendant longtemps mélangée et triturée, elle passe plus facilement par le bas, surtout si on y a ajouté du miel. La bière, tous les sucs naturels des plantes et sur-tout le suc de Cyrène, la fritillaire des Pyrénées, le suc et la racine de silphium [sont flatulents]. Les flatuosités produites par les figues ne durent pas longtemps, parce qu'elles descendent facilement; peu s'en faut que les figues parfaitement mûres, à l'exemple des figues sèches , ne causent pas le moindre dommage. Les dattes vertes sont flatulentes, ainsi que les figues [et] le navet à moitié cru. Le lait dégage facilement des vents dans l'estomac. Les oignons de vaccet à moitié crus, le miel incomplètement bouilli [sont flatulents]. Les vins d'un goût sucré produisent aussi des flatuosités qui cheminent lentement; quant aux vins qui ont à la fois un goût sucré et âpre, comme ils ne sont pas distribués dans le corps, qu'ils ne descendent pas non plus [à travers les intestins], mais qu'ils restent flottants dans le ventre supérieur, ils développent des vents dans cette partie; le vin nouveau est flatulent.

24. ALIMENTS DÉTERGENTS, INCISIFS, DÉSOBSTRUANTS.

L'orge mondée déterge, ainsi que le fenugrec, le melon, la pastèque, les raisins secs sucrés, les fèves, les pois chiches et surtout les pois chiches noirs qui broient évidemment aussi les calculs dans les reins. La câpre est formée de molécules extrêmement ténues; donc, à l'état salé, elle déterge, fait descendre la pituite qui se trouve dans l'estomac, et évacue les obstructions de la rate et du foie; il faut pour cela la prendre avec du vinaigre miellé ou du vinaigre et de l'huile, avant tous les autres aliments. Le suc de bette est détersif et dissout les obstructions du foie, surtout quand on le prend avec de la moutarde ou du vinaigre; il en est de même pour la patience. L'ortie a la vertu des substances à molécules ténues. Les racines de gouet et d'asphodèle, ainsi que les oignons de vaccet, ont des propriétés atténuantes et désobstruantes; voilà pourquoi quelques-uns donnent la tige verte d'asphodèle aux gens qui ont la jaunisse comme un remède très puissant. Les oignons, l'ail, les poireaux et les poireaux des vignes atténuent et divisent les humeurs épaisses et visqueuses; cependant, quand on les fait bouillir deux ou même trois fois, ils perdent, il est vrai, leur âcreté, mais ils n'en continuent pas moins à atténuer. La partie séreuse du lait atténue les humeurs épaisses. Les figues détergent : c'est là ce qui produit une expulsion abondante de graviers chez les néphrétiques, quand ils en mangent. Les figues sèches atténuent et divisent, ce qui fait qu'elles purgent les reins. Les baies de genévrier évacuent ce qui est contenu dans le foie et dans les reins, et atténuent les humeurs épaisses et visqueuses. Les amandes détergent, atténuent et nettoient les viscères, et donnent lieu à l'expulsion des liquides de la poitrine et du poumon. Les pistaches sont utiles pour renforcer le foie et pour évacuer les humeurs qui causent des obstructions dans ses canaux. Le radis a la propriété des substances à molécules ténues. Le miel qui se forme sur les plantes chaudes et sèches est composé de molécules très-ténues; voilà pourquoi l'eau miellée est bonne pour l'évacuation des crachats. L'oxymel fait expectorer facilement les matières qui ne sont pas extrêmement visqueuses et épaisses; il nettoie les viscères sans causer de dommage ; il est d'une grande utilité dans les affections de la poitrine et du poumon. Les vins ténus sont utiles à ceux qui ont une accumulation d'humeurs épaisses, mais, quand les humeurs sont, en outre, froides, ce sont les vins ténus, vieux et doués d'âcreté, qui conviennent; le vin aqueux est bon pour faire expectorer ce qui est contenu dans le poumon, parce -qu'il renforce et qu'il humecte et divise modérément les hu­meurs; le vin d'un goût sucré convient aussi dans les maladies aiguës pour favoriser l'expectoration, quand la péripneumonie et la pleurésie sont déjà arrivées à maturité.

25. ALIMENTS CAUSANT DES OBSTRUCTIONS.

Le lait qui contient beaucoup de sérum est tout à fait exempt de danger, même pour ceux qui en prennent habituellement; mais celui qui contient peu de sérum et beaucoup de matière caséeuse n'est pas sans inconvénient pour ceux qui en prennent beaucoup, car il nuit aux reins, du moins à ceux qui ont une tendance à engendrer des calculs; il donne lieu aussi à des obstructions du foie chez ceux qui ont de la prédisposition pour cette affection. Les figues sèches ainsi que les figues vertes sont nuisibles au foie et à la rate enflammés, non qu'elles possèdent quelque propriété particulière, mais parce qu'elles rentrent dans la règle commune à toutes les substances d'un goût sucré (car toutes ces substances font du tort à la rate et au foie) ; mais , quand ces organes sont affectés d'obstruction ou de squirrhe, ces fruits n'exercent par eux-mêmes sur eux aucun effet bien marqué, ni en bien ni en mal, tandis que, si on les mêle aux médicaments doués de propriétés incisives et détersives, ils sont d'une utilité assez appréciable. L'eau miellée ne convient pas à ceux qui ont les viscères tuméfiés par le squirrhe, l'oedème ou l'inflammation, parce que le miel tend, par sa nature, à se convertir rapidement en humeur bilieuse. La graine de pavot retient les matières qui doivent être expulsées de la poitrine. Les dattes grasses et sucrées causent des obstructions, surtout quand elles sont vertes. Tous les mets qu'on prépare avec des itria ou de la farine sémidalique produisent des obstructions, grossissent la rate et engendrent des calculs dans les reins; il en est de même pour la farine de froment prise avec du lait. L'alica ne convient pas à ceux dont le foie est sujet à s'engorger facilement, ni à ceux dont les reins ont de la prédisposition à engendrer des calculs. Le vin d'un goût sucré cause des obstructions et augmente les tumeurs des viscères.

26. ALIMENTS PASSANT LENTEMENT.

Tous les mets préparés avec des itria et de la farine sémidalique passent lentement. Les fèves torréfiées, les pains de fine fleur, les lentilles privées de leur écorce, la cervelle, la moelle épinière, le foie, le coeur, l'amouille coagulée, les oeufs durs [passent lentement]; les oeufs cuits [sous la cendre] passent plus lentement, et les oeufs frits dans la poêle plus lentement encore. Les lupins, les haricots, les pois grecs, le sésame, l'érysimon, les glands, les pommes et les poires avant leur maturité, les caroubes, le vin d'un goût sucré, et encore plus le vin noir, âpre et sans goût sucré, tout vin épais et nouveau [passent lentement]. L'eau passe aussi très lentement.

27. ALIMENTS SE CORROMPANT FACILEMENT.

Les pêches, les abricots, les abricotins. Tous les fruits d'été d'un tempérament humide se corrompent dans l'estomac, à moins que cet inconvénient ne soit prévenu par leur descente rapide; c'est pour cette raison qu'il faut les manger avant les autres mets, car de cette manière ils descendent eux-mêmes rapidement et leur frayent le chemin; mais, quand on les mange en dernier lieu, ils se corrompent eux-mêmes et donnent en même temps lieu à la corruption des autres mets.

28. ALIMENTS SE CORROMPANT DIFFICILEMENT.

Les petites cames, les pourpres, les buccins et tous les autres testacés qui ont la chair dure; à ceux chez qui les aliments se cor-rompent sous l'influence de mauvaises humeurs, nous donnons ces animaux après les avoir fait bouillir deux ou trois fois dans de l'eau excellente, et les avoir transvasés dans de l'eau pure lorsque la première paraît salée. Les homards, les pouparts, les crabes, les langoustes, les salicoques et tous les autres animaux semblables ont une chair qui se corrompt difficilement, comme celle des testacés à chair dure.

29. ALIMENTS RELÂCHANT LE VENTRE.

La lentille, le chou, et, parmi les animaux marins, presque tous ceux qu'on appelle testacés, ont une nature composée de propriétés opposées, car la partie solide, qui forme le corps même de ces aliments, passe lentement et resserre le ventre, tandis que la partie liquide l'excite aux excrétions; si donc on fait bouillir des lentilles, du chou ou quelqu'un des animaux marins susdits, si on assaisonne ensuite le bouillon avec de l'huile, du garou et du poivre, et qu'on le donne à boire à un individu quelconque, on verra que le ventre se relâchera après cette boisson. Le bouillon des oursins et de tous les coquillages, ainsi que celui des vieux coqs, relâche aussi le ventre. Si nous voulons user du chou pour relâcher le ventre, nous le retirons du vase qui est placé près de nous et qui contient l'eau dans laquelle il a bouilli, pour le jeter immédiatement dans de l'huile et du garou; dans ce cas, il ne faut pas le faire bouillir beaucoup. Les pains de son relâchent le ventre parce qu'ils engendrent beaucoup d'excréments dans cette cavité, et parce que le son est doué de propriétés détersives. Le bouillon de fenugrec cuit avec du miel peut, quand on le prend, faire évacuer toutes les mauvaises humeurs qui se trouvent dans les intestins; il peut aussi, par sa vertu détersive, exciter ces organes à l'excrétion, mais il faut que le miel qu'on y mêle soit peu abondant, afin qu'il ne cause pas de pincements. Les olives salées relâchent le ventre, prises avec du garou avant le repas. De même que les testacés, les escargots ont un jus qui relâche le ventre; voilà pourquoi quelques-uns les assaisonnent avec de l'huile, du garou et du vin, et se servent du bouillon ainsi préparé pour relâcher le ventre. Le lait plus ou moins aqueux relâche davantage le ventre, tandis que celui qui est plutôt épais produit cet effet à un moindre degré. Le petit lait est fortement laxatif, mais il faut y ajouter du miel de qualité supérieure en quantité suffisante pour lui donner un goût agréable mais non pour retourner l'orifice de l'estomac; de même on y ajoute aussi autant de sel qu'il faut pour ne pas affecter désagréablement le goût; si vous voulez que le petit lait relâche plus fortement, ajoutez-y beaucoup de sel. La chair des animaux tout à fait jeunes, ainsi que leurs extrémités, traversent assez facilement les intestins; parmi les poissons cartilagineux, la torpille et la pastenague passent également assez vite. II en est de même pour la mauve. La bette, la patience, l'ortie, le fromage récemment coagulé pris avec du miel, l'arroche, la blite, la courge, les pastèques, les melons, les figues fraîches, les figues sèches, les raisins sucrés [relâchent le ventre], surtout s'ils sont humides. Les mûres, si elles tombent dans un estomac pur et si on les prend en premier lieu, passent très rapidement et frayent la route aux autres aliments; mais, quand on les prend en second lieu après d'autres mets, ou quand elles trouvent des humeurs mauvaises dans l'estomac, elles se corrompent très vite de la même manière que les courges. Les noix, quand elles sont encore aqueuses, conviennent pour faire aller à la selle; cependant, quand elles sont déjà sèches et qu'on les a fait macérer auparavant dans de l'eau, elles produisent un effet analogue à celui des noix vertes. Les prunes font aller à la selle; mais, quand elles sont sèches et qu'on les fait macérer dans de l'eau miellée très chargée de miel, elles relâchent fortement le ventre; elles produisent cet effet quand on les mange seules, et, à plus forte raison, quand on boit après de l'eau miellée; il est clair qu'on favorise le relâchement du ventre, si, après les avoir mangées [le matin] on boit du vin d'un goût sucré, et si on attend ensuite quelque temps sans déjeuner immédiatement après. Les mûres, les cerises [relâchent le ventre]. Les abricots, les pêches, et toutes les substances humides et aqueuses, en un mot toutes celles qui ne montrent aucune qualité bien prononcée au goût ou à l'odorat, passent facilement, si le ventre est bien disposé pour les évacuations alvines; sinon, elles restent suspendues dans l'estomac et ne provoquent pas les excrétions, parce qu'elles ne possèdent aucune propriété âcre ou nitreuse. Cette classe de mets tient en quelque sorte le milieu entre les aliments qui relâchent le ventre et ceux qui le resserrent, en inclinant toutefois un peu vers l'un des deux côtés, du moins quand ils ne rencontrent pas un estomac tout à fait paresseux à expulser les aliments, ou bien un estomac doué d'une très forte puissance de distribution : c'est pourquoi l'eau miellée resserre quelquefois le ventre quand elle est distribuée rapidement; dans ce cas, en effet, non seulement elle n'excite pas le ventre à l'excrétion, mais elle précède aussi les aliments, auxquels elle est unie, dans les voies par lesquelles s'opère la distribution [de l'aliment]; si, au contraire, elle n'est pas avant distribuée rapidement dans le corps, elle excite à l'excrétion, parce qu'elle a quelque chose d'âcre. Le miel aussi, quand il est sans mélange et qu'on le lèche sans l'avoir fait bouillir, relâche bien le ventre. L'eau miellée, cuite peu ou point du tout, traverse les intestins avant d'être distribuée dans le corps. L'oxymel racle l'intestin quand il est faible. Le vin d'un goût sucré contribue un peu à faciliter le passage des aliments à travers le ventre; le vin nouveau fait aller à la selle.

30. ALIMENTS RESSERRANT LE VENTRE.

Les dattes âpres, les raisins secs âpres, les mûres, les mourons, les fruits de l'églantier encore plus, les baies de myrte, les prunes sauvages, appelées en grec proumna. Les pommes astringentes resserrent le ventre; les pommes acides, si elles rencontrent dans le ventre une humeur épaisse, produisent sur cette humeur un effet incisif, la font descendre, et humectent par là les excréments; mais, quand elles trouvent le ventre pur, elles le resserrent plutôt; les pommes qui ont un goût sucré sans être âcres se distribuent plus facilement dans le corps, tandis que celles qui sont en même temps âcres passent par les selles ; les pommes aqueuses et sans qualité sont désagréables au goût et ne produisent aucun effet utile. Admettez que tout ce que nous venons de dire des pommes se rapporte également aux grenades et aux poires. Si on fait bouillir d'abord le lait et qu'on en fasse disparaître le sérum, il ne relâche pas du tout le ventre; si on y jette des cailloux rougis au feu en assez grand nombre pour consumer le sérum, le lait ainsi préparé resserre, et nous le donnons à ceux qui éprouvent des pincements dans le ventre par l'effet des excréments acres; si on y jette des disques de fer rougis au feu, ils produisent le même effet, non seulement au même degré que les cailloux, mais encore à un degré plus fort: cependant le lait ainsi préparé se convertit facilement en fromage dans le canal intestinal; pour cette raison nous y ajoutons du miel et du sel; il est plus sûr encore d'y verser de l'eau; il ne faut pas vous étonner qu'après avoir consumé le sérum nous versions de nouveau de l'eau dans le lait, car ce n'est pas l'humidité du sérum que nous redoutons, mais son âcreté, qui lui donne la propriété de relâcher le ventre. Les homards, les pouparts, les crabes, les langoustes, les salicoques et tous les autres crustacés semblables contiennent, il est vrai, moins d'humeur salée que les testacés; cependant ils en contiennent aussi, et, quand ils ont déposé cette humeur dans l'eau, leur chair, ainsi que celle des huîtres et des autres testacés, acquiert la propriété de resserrer le ventre. Les lentilles et le chou, étant bouillis deux fois et ayant perdu leur suc, acquièrent la propriété de resserrer le ventre; et, si nous voulons resserrer le ventre quand il est relâché, nous rejetterons la première eau, aussitôt que le chou semblera cuit, puis nous le mettrons de suite dans de la nouvelle eau chaude, et après cela nous l'y ferons de nouveau fortement bouillir, de manière à lui donner une apparence de gelée ; mais tout ce qu'on fait bouillir deux fois ne doit être mis en contact ni avec l'air ni avec l'eau froide, car, dans ce cas, il ne prend plus une apparence de gelée, même quand on le fait bouillir très-fortement. Les lentilles privées de leur écorce perdent leurs propriétés fortement astringentes et ne tarissent plus de la même manière les fluxions qui ont lieu vers les intestins ; si donc, après les avoir mondées et les avoir fait bouillir deux fois, on jette la première eau, si ensuite, après y avoir mêlé un peu de sel ou de garon, on y ajoute quelque substance qui resserre le ventre, en assez petite quantité pour ne pas offenser le goût, on aura préparé aussi bien un médicament qu'un aliment très agréable et très utile. L'alpinton bu avec du vin âpre dessèche le ventre. Le riz, le grand millet ou méline, le petit millet, les gâteaux frits dans la poêle, le lièvre, le vin noir et âpre sans avoir un goût sucré, le vin blanc et âpre et le vin paillet et âpre resserrent le ventre.

31. ALIMENTS ÉCHAUFFANTS.

Le froment bouilli et le pain qu'on fait avec cette céréale, le petit épeautre, l'avoine, le fenugrec, les baies de genévrier, les dattes d'un goût sucré, les pommes qui ont un goût sucré (mais modérément), le sésame, l'erysimum : c'est la raison pour laquelle ils ex-citent aussi de la soif. La graine de chanvre, les raisins d'un goût-sucré [échauffent]; voilà pourquoi ces derniers excitent aussi de la soif. Les raisins secs d'un goût sucré, la mauve (mais modérément), le céleri, le smyrnium, la roquette, [la racine] de radis [échauffent]. [Les tiges] de navet, de radis, de moutarde, de cresson, de pariétaire d'Espagne sont acres et chaudes. La carotte, le daucus, le carvi échauffent manifestement. L'ail, l'oignon, le poireau et le poireau des vignes sont très acres; mais, quand on les fait bouillir deux ou trois fois, ils perdent leur âcreté. Le fromage vieux est chaud, et pour cette raison il donne de la soif. Le vin d'un goût sucré est modérément chaud : voilà pourquoi il excite de la soif; le vin paillet est plus chaud que le noir; le vin jaune est chaud au suprême degré; après lui vient le vin paillet, ensuite le vin rouge, puis le vin d'un goût sucré , et après eux le vin blanc échauffe moins que tous les autres; le vin très-vieux est éminemment chaud.

32. ALIMENTS REFROIDISSANTS.

L'orge, de quelque manière qu'on s'en serve, le petit millet, le grand millet, les truffes, la courge bouillie, les pastèques, les melons, les concombres, les prunes, les sycomores, les raisins âpres et les raisins acides, les raisins secs âpres. Les pommes astringentes contiennent une humeur froide et terreuse, celle des pommes acides est froide et subtile, tandis que les pommes tout à fait exemptes de qualité, et pour ainsi dire aqueuses, inclinent aussi du côté du froid. Admettez la même chose pour les poires et les grenades. Il y a encore un assez grand nombre de fruits des arbres qui refroidissent, principalement ceux qu'on ne saurait conserver en magasin. Les dattes astringentes contiennent une humeur froide; la laitue, l'endive (mais modérément) , le pourpier, la graine de pavot [refroidissent] ; la dernière fait aussi dormir, et, si on en prend beaucoup, elle fait même tomber dans le cataphora; elle est utile à ceux qui ont des fluxions tenant à la descente d'humeurs ténues de la tête; la graine blanchâtre est la meilleure. Les baies de myrte refroidissent et resserrent à la fois; elles sont, en outre, douées d'une certaine âcreté. La-morelle produit un refroidissement astringent efficace. L'eau [refroidit]. Le vin aqueux ne réchauffe pas manifestement; voilà pourquoi on le donne aussi sans grand danger aux fébricitants. Pour du vin, le vin blanc et âpre réchauffe très peu; mais le vin qui est à le fois blanc, âpre, épais et nouveau , refroidit d'une manière appréciable. Il en est de même du vinaigre, mais il est subtil, et, pour cette raison , il fait plus de tort aux nerfs que les autres refroidissants, parce qu'il pénètre dans la profondeur. Les pains lavés et l'amidon tiennent, pour ainsi dire, le milieu entre les réchauffants et les refroidissants, ainsi que les raisins vineux.

33. ALIMENTS DESSÉCHANTS.

La lentille et le chou dessèchent de la même manière, et, pour cette raison, elles obscurcissent la vue, à moins que tout l'oeil ne soit par hasard plus humide que de coutume. La tige du chou dessèche moins que ce légume lui-même, tandis que, pour les autres herbes potagères, la tige est plus sèche ; le contraire a lieu pour le radis, le navet, la moutarde, le cresson, la pariétaire d'Espagne et toutes les plantes âcres dont la tige est plutôt humide. L'alphiton dessèche, ainsi que la graine de gattilier. L'ers bouilli deux fois et adouci à plusieurs reprises au moyen de l'eau devient un aliment desséchant; l'ers blanc est le meilleur. Tous les mets qu'on mange rôtis ou frits dans la poêle donnent une nourriture plutôt sèche, tandis que la nourriture fournie par les mets qu'on fait bouillir avant de les manger est plutôt humide ; celle enfin qu'on doit aux mets préparés dans les plats tient le milieu entre les deux espèces susdites; parmi ces derniers ceux qui contiennent beaucoup de vin et de garou sont plus desséchants que ceux qui n'en contiennent pas; ceux qui sont moins abondamment pourvus de ces deux ingrédients, ou qui contiennent une assez grande quantité de vin nouveau, cuit, ainsi que ceux qu'on fait bouillir dans la sauce simple, sans apprêt et blanche, sont ordinairement plus humides que ceux dont nous venons de parler; ceux qu'on fait bouillir avec de l'eau seulement le sont encore plus que les derniers. Une très grande différence dans la préparation des mets se remarque encore d'après les propriétés des graines et des plantes potagères qu'on y ajoute; elles sont, il est vrai, toutes desséchantes, mais les unes plus, les autres moins.

34. ALIMENTS HUMECTANTS.

L'orge mondée, la courge bouillie, les pastèques, les melons, les concombres, la noix verte, les prunes, les sycomores. Quand les mûres ne se corrompent pas, elles humectent toujours, mais elles ne refroidissent pas dans tous les cas, à moins qu'on ne les prenne froides. La laitue humecte, l'endive à un moindre degré qu'elle. Le pourpier, la mauve [humectent]; la blite et l'arroche sont les plus aqueuses des herbes potagères. Il existe encore un assez grand nombre de fruits humides provenant d'autres arbres, surtout ceux qu'on ne saurait conserver en magasin, La graine de laitue ainsi que celle de pavot humectent également. Les fèves vertes, les pois chiches verts [humectent]. L'eau humecte et refroidit; chauffée elle humecte et réchauffe.