ATHÉNÉE DE
NAUCRATIS
Des vases
Le Livre XI des Deipnosophistes
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trADUCTION
LIVRE ONZIÈME.
« Quel sera donc le début des discours que nous allons tenir?»
pour me servir des termes du comique Céphisodore. Rassemblés de bonne heure, et même avec empressement, au sujet des vases à boire, nous étions tous assis, lorsqu'Ulpien entama la conversation, car personne n'avoit encore parlé.
« Mes amis, les princes soupent assis chez Adraste; mais Polyide, sacrifiant sur le chemin, retient Pétée qui passait par-là, et le fait coucher sur l'herbe, puis rompant quelque branchage garni de ses feuilles, il lui en fait une table, sur laquelle il lui présente dé la victime qu'il venait de sacrifier. Autolycus était pareillement assis à table lorsqu'à son retour chez les riches habitants [460] d'Ithaque, la nourrice d'Ulysse le plaça sur lui, car on soupait alors assis. »
« Il y trouva l'enfant de sa sœur nouvellement né. Euryclée le lui posa sur les genoux, comme il était assis, et finissait son souper.»
D'ailleurs, la nourrice plaça l'enfant sur les genoux d'Autolycus, non à côté de ses genoux ; mais, mes amis, ne nous amusons pas; couchons-nous à l'instant sur les lits, afin que Plutarque boive à plein verre à la santé de tout le monde, après nous avoir dit sur les vases à boire [460b] ce qu'il nous en promet.
(2) Plutarque prit alors la parole, et dit :
« Je sais que c'est Simonide, le poète d'Amorgos, qui, le premier, s'est servi du mot poteeria - ποτήρια, pour des vases à boire.»
Voici ce qu'il dit, dans ses iambes:
« Les vases à boire (poteeria) dont on se sert à table l'ont fait périr. »
L'auteur de l'Alcméonide emploie aussi le mot poteeria dans ce passage :
« Il fit étendre les cadavres de ceux qui avoient été tués, sur un large lit de gazon, et mit à leur tête des feuillages verts, des vases à boire (poteeria- ποτήριά) et des couronnes. »
Or, ce mot est pris de l'action même de boire, de même que le mot expooma, dont les Attiques se servent pour désigner un vase à boire, soit de l'eau, soit du vin.
[460c] Aristophane dit, dans ses Chevaliers:
« Lorsqu'il aura saisi de son bec crochu ce stupide dragon (hœmatopote) buveur de sang. »
Il dit dans la même pièce :
« Bacchis se servait même souvent du poteerion. »
Phérécrate dit, dans sa Tyrannie:
« Elle seule vaut mieux que mille poteerion. »
On lit dans Anacréon :
« Je suis devenu (oinopotes) buveur de vin. »
[460d] On lit même dans Homère un verbe formé de ce mot:
« Énée, que sont devenues les menaces que tu faisais en présence des chefs Troyens, le verre à la main ? oinopotazoon. »
Sapho écrit, au liv. 2 de ses Poésies:
« Belle Iphis il y avait une quantité innombrable de poteerion.»
Alcée dit :
« Après avoir bu (ek poteerioon), la plupart s'assirent à côté de Dinomène. »
Mais on adore en Achaïe Cérès poteeriophore - ποτηριοφόρος, dans le territoire de la ville d'Anthée, comme le rapporte Autocrate, dans le liv. 2 de ses Relations de ï'Achaïe.
(3) Mais il y a ici une question que vous ne pouvez éviter d'examiner avant de faire le dénombrement des vases à boire (poteerioon ) dont ce buffet (kylikeion) est rempli. Quant au buffet, on l'appelle aussi skeuotheekee, ou armoire à vases (mais d'autres emploient le mot kylikeion). Aristophane écrit, dans ses Laboureurs:
[460e] « Il est tendu au devant comme le rideau d'un buffet : kylikeion. »
On trouve aussi ce mot dans le Mélitot d'Alexandride, et dans la Léda d'Eubule, où il parle ainsi :
« Il brisa, tous ensemble, les vases à boire qui étaient dans le buffet (kjlikeioo - κυλικείῳ), comme s'il venait d'offrir des libations. »
Le même écrit, dans sa Psaltrie:
« C'est lui qui nous a inventé les buffets : kylikeia - κυλικεῖα »
Et dans sa Sémélée, ou Bacchus :
« Il y avait dans le buffet un mercure de pierre bien proprement entretenu, uniquement par ostentation. »
[460f] Cratinus, le second, dit, dans son Chiron:
« Je reviens de chez les ennemis à la maison, après nombre d'années; je retrouve a peine mes parents, les gens de ma tribu, ceux de ma bourgade, et je parviens à me faire inscrire dans le registre public (kylikeion) : enfin, Jupiter est encore le dieu tutélaire de ma maison, celui de ma tribu ; et je paie les impots que je dois. »
(4) [461] Mais pour revenir à la question qu'il s'agit d'examiner, voyons donc si les anciens buvaient dans de grands vases : poteeriois.
Dicéarque de Messène, disciple d'Aristote, dit, dans ce qu'il a écrit au sujet d'Alcée, que les anciens ne se servaient que de petits vases (poteeriois), et qu'ils buvaient leur vin beaucoup détrempé; mais, si je m'en souviens bien, Chaméléon d'Héraclée dit, dans son Traité de l'Ivresse :
« Il n'est pas étonnant que les gens puissants et riches préfèrent la débauche du vin à tout. Ne connaissant pas de plaisir plus honnête, ni plus facile à prendre, c'est avec raison qu'ils ont sur-le-champ recours au vin. [461b] Voilà pourquoi les grands vases sont devenus particuliers aux gens puissants ; mais cet usage n'est pas ancien, et ce ne sont pas les Grecs qui l'ont imaginé ; mais on sait qu'il est nouvellement venu des Barbares. En effet, ceux-ci, privés de toute éducation, s'abandonnent sans discrétion au vin, et veulent des mets aussi recherchés que variés ; mais aucun lieu de la Grèce, aucun tableau, aucun monument ancien ne nous apprend que l'on eût fait autrefois un grand vase à boire, poteerion, si ce n'est lors des temps héroïques, car ce n'est qu'au héros qu'on donnait le rhyton ; ce qui semble présenter une difficulté à quelques-uns : à moins qu'on ne dise qu'on les a représentés avec le rhyton, pour désigner leur apparition subite et imprévue : [461c] en effet, l'antiquité supposait ces demi-dieux violents, prêts à frapper, la nuit surtout plus que le jour. Comme on a voulu attribuer ces faits violents à leur ivresse, on les a représentés buvants avec ces grands vases ; et pour moi, je pense que c'est avec raison qu'on a nommé puits d'argent tout grand vase à boire ; poteerion. »
Mais ces détails de Caméléon me semblent montrer qu'il ignorait que le cissybion, [461d] dans lequel Ulysse présente à boire au cyclope Polyphème, n'était pas un petit vaisseau, car un homme de cette taille n'aurait pas été abattu par le vin, pour l'avoir vidé trois fois : il y avait donc alors de grands vases à boire; à moins qu'on n'attribue cette ivresse à la force du vin, dont Homère parle, il est vrai; ou à ce que le cyclope qui vivait en grande partie de lait n'était pas accoutumé à l'autre boisson. Peut-être aussi, en le supposant grand, était-ce un de ces vases des Barbares, enlevé parmi les dépouilles des Ciconiens.
Mais que dirons-nous donc du vase de Nestor, qu'un jeune homme pouvait à peine lever, tandis que Nestor, quoique déjà très âgé, le levait sans peine? [461e] Or, Plutarque va nous dire quelque chose sur ce vase. (Il est donc temps de nous coucher sur les lits. Dès qu'ils furent couchés) .
(5) Mais, Messieurs, dit Plutarque, pour parler avec Pratinas, poète de Phlionte, si je vais vous parler de vases, kylikoon,
« Ce n'est pas qu'en homme insidieux je cherche à me procurer un champ bien labouré, ni que je désire un gobelet, hyphos, »
Ni que je sois un de ces (kylikranes) Cylicranes, que le comique Ermippus badine dans ses Iambes, en ces termes :
« Chemin faisant, je vins dans le pays montueux des Cylicranes : j'y vis donc Héraclée, qui certes est une très belle ville. »
Or, ces Cylicranes sont les Héracléotes qui habitent au pied du mont Œta. [461f] Selon Nicandre de Thyatire, ils furent ainsi nommés d'un certain Kylix, Lydien, un de ceux qui accompagnèrent Hercule dans ses expéditions. Skythinus de Téos en parle ainsi dans son ouvrage intitulé Histoire :
« Hercule, ayant pris Eurytus et son fils, les tua, parce qu'ils exigeaient des tributs des Eubéens ; [462] il pilla et ravagea les Cylicranes, et bâtit dans leur pays la ville d'Héraclée, qu'on appela aussi Trachinie. »
Polémon, dans le premier §. de l'ouvrage qu'il dédie à Adée et à Antigone, rapporte qu'entre les habitants d'Héraclée, située au pied du mont Œta et au-dessous de Trachinie, il y avait les Cylicranes qui étaient venus de Lydie avec Hercule, et les Athamanes qui ont eu jusqu'à ce jour leurs quartiers dans cette ville; mais que les Héracléotes, ne les ayant admis que comme des étrangers, ne leur donnèrent aucune part au gouvernement. Quant aux Cylicranes, ils eurent ce nom, parce qu'ils avaient la forme d'un gobelet, kylix, tracée par des incisions sur l'épaule.
(6) Je sais aussi que quelques Lydiens Nomades [462b] ne possèdent rien qu'un calice, ou gobelet, kylix, un sabre et une cruche à l'eau. Ils ont pour maisons des loges portatives formées de tiges d'Anthericum, et elles n'ont d'étendue que ce qu'il leur en faut pour donner de l'ombre. Ces Nomades les portent partout où ils vont.
Il y a aussi dans l'Illyrie un lieu renommé, que l'on appelle Cylices, où l'on dit qu'est le tombeau de Cadmus et d'Harmonie, selon le rapport de Phylarque, liv. 22 de ses Histoires.
Polémon, parlant du Morychus de Syracuse, rapporte ceci :
« A l'extrémité de l'île, du côté du temple d'Olympie, [462c] hors des murs, il y a un foyer. On met à la voile en partant de cet endroit là, après avoir rempli un gobelet, kylix, et l'on avance en mer jusqu'à ce qu'on ne voie plus le bouclier qui est sur le haut du temple de Minerve : l'on jette alors ce gobelet de terre cuite dans la mer, après y avoir mis des fleurs, des rayons de miel, de l'encens vierge, et autres aromates avec cela. »
Mais je m'aperçois que la joie commence à régner à votre table, comme parle le poète Xénophane de Colophon.
« Déjà le sol de la salle est propre, chacun a les mains bien nettes, [462d] les gobelets, kyliIkes, sont rincés : tous les convives ont leurs couronnes sur la tête. L'un présente dans une coupe un parfum d'une odeur exquise : le cratère est là rempli de la source de la joie. Un autre tient le vin tout prêt, et dit qu'il ne le quittera pas sans y faire raison ; c'est un vin délicat qui parfume par son bouquet tous les pots. Au milieu de tout ceci, l'encens flatte l'odorat par les émissions de sa vapeur naturelle; il y a de l'eau fraîche, d'une saveur agréable et pure; [462e] des pains d'une couleur dorée sont sous la main; la table riante est chargée de fromage et de miel pur : l'autel qui est au milieu même de la salle, est paré de fleurs de tous côtés. La musique et les chants retentissent dans toute la maison ; mais il faut que des gens sages commencent par célébrer les louanges de la divinité, et ne fassent entendre alors que des paroles saintes et de bon augure. Ils doivent demander, en faisant des libations, [462f] de pouvoir toujours se maintenir dans les termes de la justice ; d'ailleurs cela est plus facileque d'être injuste. Ce n'est pas un crime que chacun boive autant de vin qu'il peut en prendre, pour s'en retourner chez lui sans être accompagné d'un serviteur, lorsqu'il n'est pas trop âgé; mais louons l'homme qui en buvant communique des choses dignes d'être retenues, et celui qui fait sentir le prix de la vertu. Laissons-là ces combats des Titans et des géants, de même que ces rixes sanguinaires des anciens Centaures, autres inepties, dont on ne tire aucun avantage ; [463] mais usons toujours de cette prévoyance dont les suites sont si heureuses. »
(8) Le charmant Anacréon dit dans une de ses pièces :
« Je n'aime pas celui qui, buvant à larges rasades à côté d'un cratère, parle de querelles et de funestes guerres; mais celui qui, entremêlant les aimables faveurs des Muses et de Vénus, me rappelle aux charmes de la joie. »
Ion de Chio écrit :
[463b] « Salut à notre roi, notre père et notre sauveur. Que des serviteurs échansons nous mêlent le vin dans des aiguières d'argent : qu'avec ce pot d'or un autre fasse couler de ses mains le vin sur le sol de l'appartement. Faisons avec pureté de cœur des libations à Hercule, Alcmène, Proclès, aux descendants de Persée, en commençant par Jupiter. [463c] Buvons, jasons: que le chant ne cesse de la nuit. Çà, que quelqu'un danse, et qu'il prélude de plein gré à la joie; je veux dire celui à qui est destinée la charmante épouse, et qu'il boive plus largement que les autres ! »
Les Sept Sages se rassemblement aussi pour boire; car, dit Théophraste, dans son Traité de l'Ivresse, le vin égaie l'humeur morose de la vieillesse.
(9) Ainsi qu'aucun homme sensé ne nous porte envie, nous qui sommes réunis pour ces conversations bachiques: il aurait tort assurément ; car pour parler avec les Tarentins d'Alexis, nous ne faisons injure à personne du voisinage.
« ... mais ne sais-tu pas [463d] que ce qu'on appelle vivre n'est qu'un terme adouci, par manière de parler, et sous lequel on flatte le malheureux sort de l'homme ? au reste, qu'on dise que j'ai bien ou mal jugé, je ne répondrai rien. Pour moi, après avoir bien réfléchi, je me suis convaincu que tout était absolument folie chez les hommes. Dans cette vie, nous sommes toujours comme hors de notre patrie. Nous sortons, pour ainsi dire, de la mort et des ténèbres, pour nous rendre à une assemblée générale, et nous y amuser en jouissant de la lumière qui nous éclaire; [463e] de sorte que celui qui a le plus ri et bu davantage, jouissant d'ailleurs plus que tout autre des plaisirs de Vénus, pendant le temps qu'il lui est permis de le faire, et qui a eu meilleure part au festin de cette assemblée ; celui-là, dis-je, s'en retourne avec le plus de plaisir à son vrai domicile. »
La belle Sapho disait aussi :
« Viens, Vénus; verse un mélange de nectar dans ces gobelets (kylikessi) au milieu de ces festins, pour ces amis, pour les miens et les tiens. »
(10) Il faut ajouter à ces détails qu'il y avait différentes manières de boire, particulières à certaines villes, comme le montre Critias. Voici ce qu'il dit en parlant de la république de Lacédémone :
« L'habitant de Thase [463f] et celui de Chio le boivent dans de grands gobelets (kylikoon) en passant le vase à droite; celui de l'Attique le présente de même, mais on y boit dans de petits gobelets. Quant à celui de la Thessalie, il porte la santé dans de grands vases (ekpoomata) à qui il lui plaît ; mais chez les Lacédémoniens chacun boit du vase qui est à côté de lui, et c'est un esclave qui lui verse à boire autant qu'il en veut. »
Anaxandride rappelle ainsi, dans ses Campagnards, l'usage de boire en présentant toujours le vase à droite.
[464] « A. De quelle manière êtes-vous maintenant disposés à boire ? parlez. B. Quoi ! de quelle manière nous voulons boire? eh ! de celle qu'il vous plaira. A. Voulez-vous donc, papa, dire à celui qui va boire de présenter le vase à droite. B. Dire qu'il le présente à droite ? eh ! autant vaut-il parler à un mort. »
(11) Quant aux vases à boire, bannissons d'ici ceux de terre cuite ; car Ctésias rapporte que ceux qui sont disgraciés du roi chez les Perses ne se servent que de ces terres cuites.
Chérile, le poète épique, dit :
[464b] « Je tiens un morceau bien précieux ! c'est le débris d'un gobelet tout brisé dans le naufrage de plusieurs convives que le souffle de Bacchus a jetés, comme il arrive souvent,surlacôtede l'injure. »
Je sais cependant que les vases à boire de terre cuite (ἐκπώματα) plaisent assez souvent; tels sont Ceux qu'on nous apporte de Coptos, car ils sont faits d'une terre cuite, pétrie avec des aromates. Aristote dit, dans son Traité de l'Ivresse:
« Les petites marmites (χυτρίδες) qu'on appelle rhodiaques, ou de Rhodes, se servent dans des débauches de vin, tant pour l'agrément que parce qu'étant échauffées elles donnent au vin qu'on y boit une qualité moins enivrante. On les forme en faisant bouillir ensemble dans l'eau, de la myrrhe, du schoenanthe, et le vin qu'on en verse enivre moins. »
Il dit dans un autre endroit :
« Les chytrides de Rhodes se font, en mettant cuire ensemble de la myrrhe, du jonc (ou la fleur du jonc) odorant, du safran, du baume, de l'amomon, de la cannelle, [464d] de sorte que le vin qu'on en verse et qu'on boit calme non seulement l'ivresse, il assoupit même les feux de l'amour. »
(12) Mais nous ne devons pas boire en insensés, en considérant ce grand nombre de vases, où l'art brille autant que la variété en est charmante. Quant je dis insensés, je me rappelle ce que Chrysippe dit de la Folie, dans l'introduction de son Traité des choses bonnes ou mauvaises :
« Nombre de personnes appliquent ce nom à bien des choses. C'est ainsi qu'on entend dire gynœcomanie, fol amour pour les femmes, ortygomanie, fol amour pour les cailles; quelques-uns appellent même doxamanes ceux qui sont avides de gloire, [464e] comme ils donnent le nom de philogynes aux gynœcomanes, et celui de philornithes aux ornithomanes, ou amateurs passionnés d'oiseaux. En effet, ces mots signifient la même chose; de sorte que ce ne serait pas improprement qu'on nommerait ainsi les autres choses. Assurément., les mots philopsos et opsophagos présentent la même idée qu'opsomane, ou avide de poisson, et philoinos la même qu'oinomane passionné pour le vin, et ainsi d'autres semblables; en effet, il y a donc vraiment de la folie dans ces gens-là, puisqu'ils errent emportés par leur folle passion, et s'écartent si loin de la vérité. »
(13) Pour nous, imitons ce qui se fait à Athènes, et buvons à petits verres en entendant ces bouffons, ces baladins, et autres gens de semblables talents. Or, voici ce qu'en dit Philochore :
« Les Athéniens n'assistèrent d'abord aux spectacles des jeux bachiques, qu'après avoir dîné et bu, et ils les regardaient ayant une couronne sur la tête. Pendant toute la scène, on leur versait du vin s'ils en avoient besoin ; on leur apportait aussi des friandises à gruger. Lorsque les chœurs entraient on leur présentait à boire, et après le spectacle on leur en versait encore à leur sortie. Phérécrate le comique, dit-il, assure que jusqu'à son temps on n'assistait pas au spectacle à jeun. »
[465] Mais Phanédème rapporte que les Athéniens tirent du vin doux à leurs tonneaux, et le portent au temple de Bacchus qui est aux Limnes, où ils le présentent au dieu et boivent à sa santé ; que c'est de cet usage que Bacchus fut appelé Limnéen, le vin doux y ayant été pour lors mêlé la première fois avec de l'eau ; et si l'on a nommé les sources d'eau nymphes et nourrices de Bacchus, c'est parce que l'eau mêlée avec le vin en augmentera quantité. Ainsi, joyeux de ce mélange, les Athéniens chantèrent Bacchus, dansèrent en chœurs, le célébrèrent en l'appelant Euanthes, Dithyrambe, Baccheutes, et Bromios.
[465b] Théophraste dit aussi, dans son Traité de l'Ivresse, que les Nymphes sont vraiment les nourrices de Bacchus. En effet, la taille de la vigne lui fait répandre beaucoup d'eau ; d'ailleurs, elle pleure aussi naturellement .
C'est conformément à ces idées qu'Euripide appelle un des chevaux du soleil
« L'œtops du vin qui aime les fleurs : celui qui fait mûrir sur les ceps le raisin qu'on vendange en automne : c'est pourquoi les mortels appellent le vin œthops. »
Ulysse présenta aussi, dans Homère,
« Du vin rouge qui réjouit le cœur, en remplissant [465c] une coupe (depas), et y mêla de l'eau dans la proportion de vingt à un : une odeur agréable se répandait du cratère. »
Timothée dit, dans son Cyclope :
« Il versa (dans le cratère) plein une coupe (de lierre) d'une ambroisie noire, spumeuse et pétillante, ensuite vingt coupes d'eau, et il mêla ainsi la nymphe (l'eau ) avec ce vin qui venait de couler du raisin. »
(14) Je sais qu'il y a des gens amis des Banquets, et qui sont moins fiers de leurs richesses que des vases nombreux d'or et d'argent qu'ils possèdent. On peut compter parmi eux ce Pythéas Arcadien, natif de Phigalie.[465d] Il ordonna même, en mourant, à ses parents de faire mettre sur son tombeau:
« Ce monument est celui de Pythéas, honnête homme et prudent, qui posséda un nombre infini de gobelets, d'or, d'argent et de brillant electre, et même plus qu'aucun mortel n'en posséda avant lui. »
C'est ce que rapporte Armodius de Léprée dans son ouvrage sur les usages et coutumes des Phigaliens.
[465e] Mais voici ce que Xénophon dit, liv. 8 de sa Cyropédie, en parlant des Perses :
« Et s'ils ont beaucoup de vases à boire (ekpoomata, ils s'en font un sujet d'ostentation, ne rougissant même pas de les avoir eus par des voies manifestement injustes ; car l'injustice et l'amour d'un vil gain sont extrêmes chez eux. »
Ulysse prononce des imprécations contre ses fils à cause de ses vases à boire (ekpoomata), comme le dit l'auteur de la Thébaïde cyclique, où l'on voit qu'ils lui avoient servi ces vases contre son gré. Voici ce qu'il dit :
[465f] « Mais Polynice aux cheveux blonds, ce divin héros, dressa d'abord la table pour Ulysse : elle était d'argent, et venait de Cadmus soumis aux ordres des dieux. Après cela il remplit une belle coupe d'or, d'un charmant vin; mais Ulysse, s'apercevant qu'on lui servait les vases respectables qui venaient de son aïeul, en fut extrêmement fâché : [466] prononçant aussitôt des imprécations terribles contre ses deux fils (il fut entendu de la déesse Érinnys), il souhaita qu'ils se disputassent son héritage paternel (son patrimoine), et qu'ils fussent toujours en guerre, et les armes à la main, l'un contre l'autre. »
(15) Caecilius le rhéteur, natif de Calacte, rapporte, dans son ouvrage sur l'Histoire, qu'Agathocle, roi de Sicile, montrant à ses amis ses vases (ekpoomata) d'or, leur dit : Ces vases à boire ont été faits des vases de terre que je modelais autrefois.
On voit aussi, dans les Larisses de Sophocle, [466b] qu'Acrise avait beaucoup de vases à boire, ekpoomata, comme le dit ce tragique.
« Acrise fait publier à tous les étrangers qu'il donnera des jeux gymniques, où il exposera, pour prix des vainqueurs, des chaudières de cuivre battu, des plats creux en placage d'or, et des vases à boire (ekpoomata) entièrement d'argent, au nombre de deux fois soixante. »
Posidonius nous apprend, liv. 26 de ses Histoires, que Lysimaque le Babylonien, ayant invité à souper Himère, tyran de Babylone et de Séleucie, lui et trois cents autres personnes, donna [466c] à chacun des convives, lorsqu'on eut desservi, un vase à boire (ekpooma) pesant quatre mines, et qu'après avoir fait les libations d'usage, il leur porta la santé à tous, et leur donna les vases à boire (poteeria) pour les emporter.
Anticlide d'Athènes, liv. 16 des Retours, parlant d'un nommé Gras qui, avec d'autres rois, envoya sur une flotte une colonie à Lesbos, rapporte ce qui suit :
« Il leur découvrit un oracle qui leur ordonnait de jeter à la mer, pendant leur navigation, une jeune fille, qu'ils offriraient à Neptune; mais, ajoute-t-il, quelques habitants de Méthymne parlent ainsi de cette jeune fille jetée à la mer: - Un des chefs, qui l'aimait, nommé Enallus, plongea aussitôt dans l'intention de sauver la jeune fille; l'un et l'autre, absorbés par les flots, disparurent. Or, quelque temps après que Méthymne eut été peuplée, Enallus s'y présenta, et fit connaître comment ils avoient été sauvés ; ajoutant que la jeune fille habitait alors avec les Néréides; que quant à lui, il menait paître les chevaux de Neptune ; [781] mais qu'un flot s'étant élevé, il l'avait suivi en s'y plongeant, et qu'il était ainsi sorti des eaux ayant à la main une petite coupe ronde fort ancienne, dont les anses étaient brisées, et sur le contour de laquelle il était écrit en onze lettres d'or, grecques, Dios Sooteeros, de Jupiter-Sauveur, qu'en outre, l'or en était si éclatant, que le leur comparé [781c] avec celui-la ne différait pas du cuivre, ou même que ce n'était pas autre chose. »
Extrait de ce chapitre, conservé dans l'Épitomé d'Hoeschelius et dans celui de Jean Lévinius, tel que Casaubon l'a fait imprimer, chapitre IV de ses notes, sans le traduire.
(16) On regardait autrefois comme un très grand honneur de posséder des vases à boire (ekpoomatoon}. Achille avait aussi un vase d'un travail admirable, et qu'il conservait précieusement. Aucun autre que lui n'y buvait, et il ne s'en servait pour faire des libations à aucune divinité qu'à Jupiter. Priam, qui rachète le corps de son fils Hector, au prix de tout ce qu'il avait de plus précieux, offre à Achille une coupe (depas) d'une rare beauté. Jupiter, qui prend la figure d'Amphitryon, donne aussi à Alcmène un vase à boire (poteerion) pour prix de la conception d'Hercule.
[781d] « Alcmène reçoit le vase d'or, et le contemple aussitôt avec admiration. »
Stésichore dit qu'Hercule traverse l'Océan dans son vase à boire (poteerioo) ; qu'il s'en servit même pour le franchir et aller enlever les bœufs de Géryon. Nous connaissons aussi par l'histoire le vase à boire (poteerion) de l'arcadien Bathyclès, qui le laissa pour présent à celui qui fut appelé le sage par excellence entre les Sept de la Grèce; mais nombre de potiers de terre font le vase de Nestor, car plusieurs écrivains en ont donné des détails.
En effet, les dieux aiment le poteerion ;aussi se saluent-ils les uns les autres dans des vases (depaessi) d'or.
Il faut, dit-on, se comporter avec modération à l'égard du vin, non en débauché, et ne pas boire à grands coups selon l'usage des Thraces. On doit, au contraire, savoir allier la raison au vin, comme le moyen de se conserver en santé.
(17) [781e] Les anciens débauchés se plaisaient beaucoup à voir des traits historiques gravés sur leurs vases. Cimon et Athénoclès se sont surtout distingués dans cet art de graver.
Les anciens se servaient aussi de vases où il y avait des pierreries incrustées.
Ménandre fait même quelque part mention de vases gravés en relief Antiphane en parle aussi :
« Les autres couvrent, avec l'écume d'un vin très vieux, la coupe plaquée en or ; ils la vident sans cesse en la faisant circuler toute pleine parmi eux, et la montrent renversée [781f] sans dessus dessous. »
Nicomachus dit à quelqu'un:
« Ouvrier en or, puisse-tu dorer ma coupe !»
Philippide écrit :
« Mon cher Trophime ! si tu avais vu les vases, tout en or, qu'on avait fait exprès ; oui, par le ciel, c'était quelque chose de magnifique ! pour moi, je fus extasié en les voyant. Il y avait des cratères et des barils d'argent plus grands que moi. »
Parménion envoyant à Alexandre une lettre dans laquelle il résume le détail des dépouilles qu'on avait faites sur les Perses, lui dit :
[782] « Il y a en vases d'or soixante-treize talents, et douze mines pesant de vases d'or à boire ; en vases à boire enrichis de pierreries, 56 talents babyloniens, et 84 mines pesant. »
(18) Il était d'usage chez les anciens de verser d'abord l'eau dans le vase à boire, et après l'eau le vin. Xénophane dit à ce sujet :
« Si tu verses à boire, ne mets pas d'abord le vin dans le calice ou gobelet (kyliki) ; mais premièrement l'eau, et le vin par dessus.»
Anacréon dit aussi :
« Valet, donne de l'eau, donne du vin; donne-nous ensuite des couronnes de fleurs, afin que je ne lutte pas contre l'amour. »
Hésiode avait dit avant lui :
« Verse d'abord trois parties d'eau de source claire et courante, puis mets-y une quatrième partie de vin. »
On lit dans Théophraste :
« Chez les Grecs, [782b] on mêlait anciennement le vin tout autrement que de nos jours ; en effet, on ne versait pas l'eau sur le vin, mais le vin sur l'eau, afin d'user d'une boisson bien détrempée, de sorte qu'après en avoir bu, on fût moins avide de ce qui pouvait rester, et l'on en employait la plus grande partie au jeu du cottabe. »
(19) Les graveurs en relief les plus renommés furent Athénoclès, Cratès, Stratonicus, Myrmécide de Milet, Callicrate Lacédémonien, et Mys dont nous connaissons une tasse d'Hercule, et sur laquelle on voyait gravé le sac de Troie, avec cette inscription :
« Parrhasius a fait le dessin; Mys l'a gravé. Je représente la haute IIium que les Grecs prirent ...... »
(20) [782d] En Crète, ceux que l'on aime sont très considérés. C'est à qui y enlèvera plutôt qu'un autre des enfants mâles; c'est même un déshonneur pour un beau garçon de n'être pas aimé. On y appelle παρασταθέντες ceux qu'on a ainsi enlevés. On leur donne une robe, un bœuf et un vase à boire, poteerion. Ils portent même cette robe dans un âge plus avancé, afin de montrer qu'ils ont mérité de la considération.
(21) « ... mais vois les hommes lorsqu'ils ont un verre de vin; alors ils sont riches, ils font de grands gains, ils gagnent leurs procès, ils sont au comble de la félicité, ils offrent tous les services à leurs amis. »
En effet, le vin pris en partie de plaisir semble donner plus d'étendue à l'âme, la nourrir, l'élever; il échauffe, anime l'esprit, suggère de nouvelles réflexions, et comme dit Pindare,
« C'est alors que les soucis fatigants de l'homme abandonnent le cœur ; nous voguons tous au gré de l'illusion qui nous trompe, dans un océan de richesses. Celui qui n'a rien se trouve dans une opulente fortune, et les riches s'imaginent l'être encore davantage.»
Il ajoute ensuite :
« Vaincus par des traits de vigne, ils ont d'un autre côté l'âme plus grande, plus élevée. »
(22) ANKYLEE
L'ankyle est un vase à boire (ποτήριον) dont on se sert au jeu du cottabe. Cratinus a dit:
« C'est la mort même que de boire du vin lorsqu'il y a de l'eau : qu'il y ait tout au plus autant de l'un que de l'autre. Buvant deux conges de vin pur, elle lance, de sa main fléchie, les latages au Priape de Corinthe, en prononçant le nom de celui pour qui elle joue. »
Bachylide dit :
« Tendant son bras d'albâtre lorsqu'elle lance le latage pour la jeunesse, de sa main qu'elle avait fléchie. »
Ceci nous fait comprendre ce qu'Eschyle entendait par cottabes ankyletes.
On a aussi dit des traits ankyletes ou courbes, à demi-courbes; mais l'expression ap'antylees vient de ce qu'on infléchissait la main droite; mais si le vase ou gobelet a été nommé ankylee, c'est parce qu'on infléchissait la main droite en lançant le cottabe, car les anciens étaient extrêmement attentifs à lancer le cottabe avec grâce et dextérité. Plusieurs mettaient plus de gloire à cela qu'à bien lancer un javelot. La dénomination est donc venue de la position que l'on donnait à la main pour lancer, avec grâce, le vin dans le plateau du cottabe. Or, on pratiquait des salles exprès pour ce jeu.
AIAKIS.
On trouve dans Timachidas le mot aîakis, pour désigner certain gobelet.
AKATOS.
L'akatos était un vase à boire de la forme d'une gondole. Epicrate en parle :
« Laisse de côté ces petits akates (gobelets} j prends-en de plus grands; mets-moi cette vieille en fagot près de la hune; tends toute cette nouvelle, et fais-lui bien prendre le vent ; donne un mouvement libre et prompt à la rame. Lâche tous les câbles, et laisse jouer les pieds à l'aise. »
(783) AOOTON.
L'aooton était chez les Cypriotes un vase à boire, selon Pamphile, et comme l'explique Philétas, un vase sans anses.
AROKLON.
L'aroklon est une coupe, dans Nicandre de Colophon.
ALEISON.
Aleison et depas sont l'un et l'autre le nom d'une même coupe.
Homère dit de Pisistrate dans l'Odyssée :
« Il versa du vin dans une coupe d'or, depaï. »
Et plus loin ? en parlant de Télémaque:
« C'est pourquoi je te donnerai un aleison d'or. »
Il dit encore ailleurs :
« Il donna à Télémaque un beau depas. »
Or, Asclépiade de Myrlée fait cette réflexion :
« Il me semble que le depas était analogue au vase qu'on appelle phialee, ou coupe, car on s'en sert pour faire des libations. (783b) C'est dans ce sens qu'Homère appelle depas le vase avec lequel Achille faisait des libations à Jupiter seul. On l'appelle depas, ou parce qu'on le présente à tous (pasi) ceux qui veulent faire des libations, ou qui veulent boire ; ou parce qu'il présente deux ouvertures, ce qui doit s'entendre des anses. On l'appelle aleison, soit parce que ce vase est très lisse (leion) ou poli; soit parce qu'on y réunit (alizetai) de la liqueur en certaine quantité; mais qu'il ait eu deux anses, c'est ce qui est manifeste par ce passage. »
« Il était près de prendre ce bel aleison d'or à deux anses. »
Le poète y joint aussi
l'épithète d'ampikypellon, voulant indiquer seulement qu'il était tout
amphikyrton ; mais Silénus entend par ce mot que ce vase était sans anses.
D'autres, prenant amphi dans le sens de peri, disent que ce mot là
indique que ce vase était fait de manière qu'on pouvait y boire de tous côtés.
Parthénius l'entend de la courbure
qu'on avait donnée aux anses ; le mot kyphos ayant, selon lui, le même
sens que kyrtos ou courbe; (783c) mais Anicète dit que kypellos désigne
la phialee, ou coupe; que le nom amphikypellon a le sens
d'hyperphialon, hypereephanon et kalon, c'est-à-dire,
magnifique, pompeux, et beau; à moins, ajoute-t-il, qu'on ne prenne le mot
aleison de a privatif et leïos, c'est-à-dire, non lisse,
non poli, vu l'embellissement très varié qui en rendait la surface rude
au toucher.
Pisandre dit qu'Hercule donna un aleison à Télamon pour prix de la valeur qu'il avait montrée dans son Expédition contre la ville de Troie.
(25) Il y avait des vases qu'on nommait les uns corne d'Amalthée, les autres eniautos.
(783d) AMPHOOTIS.
L'amphootis est selon Philétas un vase de bois dont les campagnards se servent pour traire le lait, et même pour boire.
AMYSTIS.
Amystis désigne proprement la boisson que l'on prend tout d'un trait, et sans rejoindre les lèvres. On donne aussi ce nom aux vases avec lesquels on peut boire à l'aise ; et l'on emploie l'expression exemystise, dans le sens de boire sans reprendre haleine; comme on le voit dans Platon le comique :
« Débouchant une urne brillante de liqueur qui parfumait l'odorat, il en versa sur-le-champ dans le ventre creux d'un gobelet ; ensuite il l'agita et la but pure, sans même reprendre haleine, exemystise.»
(783e) L'amystis de voit se boire tandis qu'un autre chantait quelques vers dans un intervalle déterminé; ce qui ne laissait que très peu de temps, comme on le voit dans Ameipsias :
« A. Joue-moi un air de flûte ; et toi, chante : moi, je vais boire, pendant que tu joueras de ta flûte. B. Çà donc, prends l'amystis. D. L'homme né mortel n'a pas besoin de tant de choses ; il suffit qu'il aime et qu'il mange. A. Oh ! tu te contentes de trop peu. »
(26) ANTIGONIS. SELEUKOS. PRUSIS.
L'antigonis avait pris son nom du roi Antigonus, comme le seleucos du roi Seleucus, et la prusis du roi Prusias.
(783f) ANAPHAIA.
Ce mot désignait chez les Crétois un vase à boire chaud, ou de l'eau chaude.
ARYBALLOS.
C'est un vase à boire, large par le bas, et qui se rétrécit par le haut, comme des bourses qu'on ferme en tirant les cordons. La ressemblance a aussi fait donner à ces bourses le nom d'aryballes. Aristophane en parle dans ses Chevaliers.
« Te répandre sur la tête de l'ambroisie avec un aryballe. »
Mais l'aryballe ne diffère pas beaucoup de l'arystique, et l'on peut le prendre d'aryoo, je puise, et balloo, je jette ou répands. On appelle aussi arystis une aiguière; comme on le voit dans Sophocle:
« Coquine que tu es, puissent les dieux t'abîmer ! (784) toi qui, ayant ainsi les arystis à ta disposition, t'es si bien régalée avec ! »
Il y a aussi en Ionie une ville nommée Arystis.
ARGYRIS.
L'argyris est un vase à boire fait non seulement d'argent.... Anaxilas dit :
« Et boire dans des argyris d'or. »
(27) BATIAKION.
Les mots batiakion, labronios, tragelaphos, pristis sont des noms de vases à boire. La batiakee est une coupe de Perse. Parmi les lettres qu'Alexandre écrivit aux Satrapes de l'Asie, il y en a une où l'on trouve ce qui suit :
«Trois batiaques d'argent doré, cent soixante-seize condys d'argent, et trente-deux autres en placage d'argent; une tisigite d'argent, trente-deux cuillers d'argent doré; une tablette d'argent à serrer les légumes; un pot à servir le vin en argent, travaillé et varié à la façon des Barbares, vingt-neuf autres petits vases à boire de différentes formes, d'autres petits vases à boire, tels que des rhytes, des baties et des lykurgos en or plaqué; des thymiatères et des assiettes. »
BEESSA.
La besse est chez les Alexandrins un vase à boire plus large par le bas, et qui se rétrécit par le haut.
(28) BAUKALIS.
La baucalis est aussi un vase d'Alexandrie, comme on le voit dans Sopatre le poète parodique.
« La baukalis à quatre cercles. »
Le même dit ailleurs :
« Il est agréable de boire le matin, dans une baucalis, de l'eau où l'on a délayé du miel, lorsqu'on est tourmenté par la soif extrême qui résulte de la crapule. »
(784c) Or, ajoute-t-il, les Alexandrins travaillent le verre de manière qu'ils lui font prendre toutes les formes qu'ils veulent pour en faire différents vases, imitant ainsi la forme des vases de terre qu'ils se procurent de toutes les contrées. Lorsque Cassandre fonda la ville de Cassandrie, Lysippe, le sculpteur, le voyant, dit-on, fort avide de vaine gloire, et jaloux de produire quelque poterie d'une nouvelle invention, à cause des vins de Mendès qu'on tirait en quantité de cette ville ; Lysippe, dis-je, lui présenta nombre de poteries de formes différentes; et prenant quelque chose de chacune il lui en fit un vase d'une figure qui lui fut particulière.
Xénophon dit, liv. I de son Anabase, que Cyrus envoya des bikos vides à demi. Or, le bikos est un vase à boire analogue à la coupe que nous appelons phialee, selon Pollux de Parium.
BOMBYLIOS,ou Biberon.
Le bombylios était un thériclée de Rhodes. Socrate donne ainsi quelque idée de la forme de ce vase :
« Les uns seront délivrés ou guéris en buvant dans une coupe (phialees) autant qu'ils voudront; les autres en recevant ce qui tombera goutte à goutte du bombylios. On donne aussi ce nom à un animal.
BROMIADES.
Ce mot désigne un vase à boire (ekpooma) semblable aux scyphes les plus allongés.
(30) GRAMMATIKON.
C'était un vase quelconque sur le contour duquel on avait gravé des lettres, ou une inscription. Alexis dit à ce sujet :
« Je vais d'abord t'exposer la forme extérieure de ce vase à boire : il était rond, très petit, antique, ayant les anses fort endommagées. Il y avait, tout autour, des lettres qui formaient cette inscription : BIOS SOOTEEROS: de Jupiter-Sauveur. »
Nous avons vu à Capoue en Campanie un semblable vase à boire, portant des lettres gravées ; il était d'argent, et consacré à Diane. On l'avait formé sur la description qu'Homère fait de celui de Nestor. On y voyait même les vers en lettres d'or incrustées, comme si c'eût été celui de ce héros.
Achée le poète tragique fait ainsi parler des Satyres, dans son Omphale, au sujet d'un vase sur lequel il y avait des lettres.
[466f] « Ce scyphus ( gobelet) d'un dieu m'invite depuis longtemps, me montrant les lettres d, i, la troisième est un o, ensuite je vois n: à côté suit y. S et o m'annoncent qu'ils ne doivent pas s'absenter de l'autre extrémité. »
On voit qu'il manque u après o dernière lettre indiquée, parce que les anciens, qui employaient o dans sa valeur naturelle, [467] s'en servaient aussi lorsqu'ils avaient à écrire la diphtongue ou. Ils employaient de même u seul lorsqu'ils en prononçaient le son particulier, et lorsqu'il se trouvait suivi de la lettre i, qui y était supposée jointe. Voilà donc pourquoi les Satyres, qui parlent dans le passage précédent, indiquent le nom Dionysou, en mettant un o pour la dernière syllabe, et prouvant ainsi qu'il faut supposer u après o, afin de compléter le mot Dionysou.
Quant à la lettre s, que les Satyres nomment san dans ce passage, les Doriens l'énonçaient ainsi, et ils en ont suivi l'usage. Les musiciens, comme Aristoxène le répète plusieurs fois, évitaient même la lettre s ou le sigma, parce que c'est une lettre dure, et dont le sifflement ne s'accorde pas avec l'accompagnement de la flûte. Ils y joignaient le plus qu'ils pouvaient le son de [467b] la lettre r, parce qu'il se lie plus facilement dans les articulations. C'est pourquoi les chevaux marqués d'un sigma étaient pour eux des chevaux samphoras. Aristophane dit dans ses Nuées :
« Tu n'en mangeras pas, ni toi, ni ton cheval de trait, ni ton Samphoras . »
Pindare dit:
« Jadis on proscrivait le chant qui n'avait pas un caractère mâle, et le san (s) était en conséquence banni de la bouche. »
Eubule parle aussi, dans sa Jeune Fille, du vase portant des lettres sous le même nom de grammatikon, qu'on lui donnait.
[467c] « Je hais ce vase à boire portant des lettres (grammatikon) ; mon fils est parti ayant une semblable petite coupe. »
Or, on fait nombre d'autres vases semblables à celui-là.
(31) GYALAI .
Philétas dit, dans ses Ataktes, ou Dissolus, que les Mégariens appellent gyalai les vases à boire, poteeria . Parthénius écrit, dans son Traité des Mots qu'on prend des historiens :
« La gyale est une espèce de vase à boire, comme l'écrit Marsyas dans ce passage. »
— « Lorsque le roi entre dans la ville, le prêtre d'Hercule va au-devant de lui, tenant certaine gyale pleine de vin ; alors le roi la prend et fait des libations. »
(32) [467d] DEINOS, ou DEINIAS.
Ce mot est aussi un nom de vase à boire. Denys de Sinope, faisant le détail des vases à boire (poteerioon ) dans sa Conservatrice, parle de celui-ci en ces termes :
« A. Femme, combien n'y a-t-il pas d'espèces de beaux thériclées! B. Oui, il y en a de deux cotyles, de trois, et le grand deinos qui tient une métrète : le cymbium (gondole), les scyphes (gobelets}, les rhytes (faits en forme de corne). A. Ma foi, cette vieille ne voit que des vases à boire, et pas autre chose. »
Cléanthe le philosophe dit, dans son Traité du Transport des dénominations, [467e] que le thériclée et le deinias ont eu leur nom de leurs inventeurs. Seleucus, écrivant que le deinos est une espèce de vase à boire, cite ce passage de la Médée de Strattis :
« Sais-tu, Créon, à quoi ton crâne ressemble ? pour moi je le sais ; c'est à un deinos percé vers le bas. »
Archédicus, introduisant sur la scène, dans son Diamartanonte, un serviteur qui parle de filles de joie, lui fait dire :
« J'amenai ces jours derniers Nicostrate, cette grivoise au nez si crochu, et qu'on a surnommée Scotodine, parce qu'elle vola autrefois [467f] un deinos dans l'obscurité (skotoo ). B. Quoi, un deinos ! mais cela est affreux ! (deinon). »
Le mot deinos désigne aussi une espèce de danse, comme le montre Apollophane dans ce passage de sa Daulis :
« Cette deinos est bien deinos, pénible ; de même que le calathisque. »
Télésille l'Argienne appelle aussi deinos l'aire d'une grange. Les Cyréniens donnent même ce nom à un bassin dans lequel on se lave les pieds, comme le rapporte Philétas dans ses Attiques.
Silène et Clitarque, dans leurs Gloses, disent que l'on nomme les vases à boire depastra chez les Clitoriens; mais voici ce qu'en dit Antimaque de Colophon dans sa Thébaïde :
« (Ils exécutèrent ) ponctuellement tout ce qu'Adraste leur avait ordonné de faire. Ils versèrent de l'eau dedans, et du miel vierge, les mêlant attentivement dans un cratère d'argent. Aussitôt ils présentèrent, à la main, des coupes (depastra) à chacun des princes grecs qui étaient à manger ; ensuite ils en versèrent dans une aiguière d'or, pour faire les libations. »
[468b] Il dit ailleurs :
« Que l'on présente aux autres un cratère tout d'argent, ou des (depastra) coupes d'or, qui sont en réserve chez moi. »
Plus loin il ajoute :
« Et des depastres d'or, et une petite célèbes pleine de miel, qui lui sera plus avantageux. »
C'est ainsi qu'Ion appelle un vase à boire dans son Agamemnon.
« Mais il remportera un prix digne de la course ; c'est un vase à boire, dactylote, et qui n'a pas été atteint du feu. C'est le grand prix de la course que propose Pélias, et l'ouvrage de Castor. »
Epigène entend le mot dactylote d'un vase à boire qui a deux oreilles, et dans lesquelles on peut insinuer les doigts de chaque côté. D'autres entendent par ce nom un vase qui a dans son contour des figures qui sont comme des doigts, ou des figures en relief semblables à celles des vases à boire de Sidon. Enfin, d'autres veulent que ce soit un vase dont la surface est totalement lisse. L'auteur a dit non atteint du feu, selon l'expression d'Homère, qui dit:
[468d] « Il déposa un chaudron apyre. »
C'est-à-dire, qui n'avait pas été, ou qui n'allait pas sur le feu : ou c'est un vase destiné à mettre de l'eau froide, ou fait pour boire de l'eau froide. Quelques-uns l'entendent d'une corne même. En effet, on dit que les bœufs du pays des Molosses ont des cornes extrêmement grandes et grosses. Théopompe raconte comment on en prépare des vases à boire, et l'on peut en conclure avec vraisemblance que Pélias en avait un semblable. Or, Iolcos, où le prix de ce jeu fut proposé par Pélias, est proche de la Molossie.
Mais Didyme, qui commente cette pièce, dit qu'il vaut mieux avouer qu'Ion a mal entendu ce vers d'Homère :
« Il assigna pour prix, au cinquième, une phialée à deux anses qui n'allait pas au feu (apyrooton). »
[468e] Car il a pensé qu'il s'agissait là d'un vase à boire (ekpooma); mais c'est un vase très large, analogue à un chaudron, et propre à recevoir de l'eau froide. Ce vase était dactylote, en ce qu'il présentait intérieurement des cannelures dans son contour, dans lesquelles ceux qui prenaient le vase pour boire mettaient les doigts. Mais quelques-uns donnent le nom de phialee apyrootos, à une corne faite pour boire, car elle est apyre, ou faite sans employer le feu. Il n'y aurait cependant pas d'erreur à dire que la phialee était un vase à boire, ekpooma. Philémon, dans ses Noms, ou Gloses Attiques, écrivant d'abord kalpis, selon l'ordre des mots de son ouvrage, ajoute pour explication :
« C'est un vase à boire (ekpooma) dactylote, et ayant deux anses, une de chaque côté, dans lesquelles on peut insinuer les doigts ; d'autres veulent que ce soit un vase qui a circulairement des formes de doigts. »
(35) ELEPHAS.
C'est ainsi qu'on appelait certain vase à boire, comme le dit Damoxène dans sa pièce intitulée, celui qui s'afflige lui-même (Authoo pent oûnti) :
« A. Si ce vase ne te suffit pas, voici un esclave qui vient apporter l'éléphant. B. Bons dieux ! qu'est-ce donc que cela? A. Un rhythos [469] a deux sources. B. De quelle grandeur ? A. Il tient deux conges ; c'est un ouvrage d'Alcon. C'est avec ce vase qu'il me porta autrefois la santé avec plaisir, étant à Cypsèles. »
Epinicus fait aussi mention de ce vase à boire dans ses Supposées. Je citerai son témoignage quand je parlerai du rhytos.
(36) EPHEEBOS.
Philémon d'Athènes dit, dans ses Noms, ou Gloses Attiques, qu'on appelle ainsi le vase à boire nommé autrement embasikoiton. Stéphanus le comique en parle dans ce passage de son Philolacon: ami de Lacédémone:
[469b] « A. Le roi lui porta une bourgade pour santé. B. Voilà une santé bien nouvelle ! Que lui est-il arrivé de ce verre de vin ? A. Certaine bourgade située près de Thuria. Quant à moi, Sosie, je n'ai de passion que pour les vases de Rhodes, et les éphèbes, quoique peu maniables. »
(37) HEEDYPOTIDES.
Selon Lyncée de Samos, les Rhodiens imaginèrent ces vases à boire pour les opposer aux théridées des Athéniens, qui firent ces vases de cette forme, et très pesants ; ainsi uniquement pour les riches. Les Rhodiens, au contraire, firent leurs hedypotides très légères, afin que les gens peu aisés pussent s'en procurer pour l'appareil. [469c] Épigène fait mention des hedypotides dans ce passage de son Héroïne :
« Des réfrigérants, des gondoles, un cyathe, quatre rhytes, trois hedypotides, une passoire d'argent. »
Sémus dit, liv. 5 de sa Déliade, qu'on vo}yait suspendue dans le temple de Délos, une hédypotide d'or qui avait appartenu à Echenique, femme de cette île. Il en fait encore mention liv. 8. Cratinus le jeune dit:
« Douze hedjpotides de chez Archephon. »
(38) HEERAKLEION.
Pisandre écrit, liv. 2 de son Héraclée, que ce vase était une tasse (depas) dans laquelle [469d] Hercule passa la mer, et qu'elle avait appartenu au Soleil, mais qu'Hercule l'avait eue ensuite de l'Océan. Les poètes et les historiens n'auraient-ils pas imaginé par badinage de faire naviguer Hercule dans un vase à boire, de ce que ce héros aimait les plus grands de ces vases? Mais Panyasis dit, liv. I de son Héraclée, que ce fut de Nérée qu'Hercule reçut la tasse du soleil, et qu'il s'en servit pour passer par mer à Érythie. Nous avons déjà dit qu'Hercule était un des grands buveurs. [469e] Stésichore nous apprend, dans le passage suivant, que le soleil était porté au couchant dans un vase à boire :
« Le Soleil, fils d'Hyperion, s'embarqua dans une coupe d'or, pour traverser l'Océan, et arriver dans les retraites obscures de la nuit vers sa mère, sa jeune épouse et ses chers enfants. [469f] Aussitôt ce fils de Jupiter s'enfonça dans un sombre bocage de lauriers. »
Antimaque parle ainsi de cette tasse :
« L'illustre Erythie faisait partir à ce moment le Soleil dans une coupe très commode. »
Eschyle dit aussi dans ses Héliades :
« Là, au couchant, est la coupe (depas) de ton père, faite par Vulcain, et dans laquelle, traversant le vaste espace des flots qui s'élèvent en montagnes, il poursuit sa course rapide, et arrive ici en fuyant le milieu des ténèbres de la nuit si désirée des mortels et traînée par des chevaux noirs.. »
(39) Mimnerme dit, dans ses Nains, que le Soleil se rend en dormant vers l'Orient, dans un lit d'or, [470] que Vulcain lui a fait exprès pour cet usage, et indique, quoique indirectement, la cavité de la tasse où il repose :
« La fatigue est tous les jours le sort du Soleil, et il n'a jamais aucun repos, non plus que ses coursiers, depuis l'instant où l'Aurore aux doigts de roses, quittant l'Océan s'élève sous la voûte du ciel; [470b] car aussitôt un lit profond, de l'or le plus brillant, qui fait l'objet de ses désirs, et forgé de la main de Vulcain, le transporte au-delà de l'Océan. Il vole sur la surface de l'onde, et, dans le sein du sommeil, il passe rapidement du chœur des Hespérides en Éthiopie, où s'arrêtent son char rapide et ses chevaux, jusqu'à ce que l'aurore, mère du crépuscule, arrive. Là, le fils d'Hypérion monte sur un autre char. »
Théoclyte dit, liv. 2 des Heures, que le Soleil traverse la mer [470c] dans une chaudière ; mais l'auteur de la Titanomachie l'avait dit avant lui. Phérécyde, après avoir parlé de l'Océan, ajoute :
« Mais Hercule, tendant son arc contre lui, prêt à lâcher la flèche, le Soleil lui ordonne d'arrêter; Hercule intimidé arrête, et le Soleil, pour récompense, lui donne la tasse d'or, qui le porte lui et ses chevaux, lorsque franchissant l'Océan, pendant la nuit, il se rend vers l'aurore où il se lève. Aussitôt Hercule part dans cette tasse [470d] pour Érythie ; mais l'Océan, dont il fait la première fois l'épreuve, lui paraissant soulever les flots pour en battre la tasse, Hercule s'apprête à décocher ses flèches ; aussitôt l'Océan, craignant son courroux, ordonne aux flots de se calmer. »
(40) EETHANION.
Voici ce qu'Hellanicus écrit, dans ses Égyptiaqùes:
« Il y a dans les salles à manger des Égyptiens une jatte de cuivre, un cyathe de cuivre et un Ethanion de cuivre. »
HEEMITOMOS.
Pamphile dit, dans ses Gloses, que c'est un vase à boire (ekpooma ) qui a eu son nom de sa figure chez les Attiques.
C'est un calice (κύλιξ) rétréci sur les côtés, assez profond, ayant de courtes anses, comme le calice ordinaire. Ne serait-ce pas dans un thériclée qu'Alexis fait boire Hercule, lorsqu'il dit, dans son Hésione :
« Devenu plus traitable, quoique avec peine, il demanda une kylee, puis la prenant, il la vida plusieurs fois de suite jusqu'à la dernière goutte; de sorte qu'on peut dire, selon le proverbe, cet homme est vraiment une outre, un sac. »
Théophraste montre clairement que le thériclée [470f] est un calice, en disant dans son Histoire des Plantes au suje du térébinthe :
« On en fait des calices thériclées ; de sorte que personne ne peut les distinguer de ceux de terre. Ce fut, selon lui, Thériclès, potier de terre, natif de Corinthe, qui imagina cette espèce de calice, qui en porta le nom. Il était contemporain d'Aristophane le comique. »
Théopompe fait aussi mention de ce calice dans sa Némée :
« A. Viens ici, fidèle enfant de Thériclès : charmante figure! quel nom te donnerons-nous ? [471] Oui, tu es le miroir même de la nature. Lorsqu'on te sert tout plein, je ne désire plus autre chose. Quant à toi, vieille Théolyte, je t'abhorre! TH. Eh! mon cher! pourquoi m'appelles-tu vieille ! A. Comment veux-tu que je t'appelles? TH. Comment? Viens vers moi, Théolyte ! viens vers la jeune compagne de ton esclavage ! voilà comme on parle honnêtement. Ça ! verse à boire. A. Mais tu veux me tenter ? TH. Oui: A. A quel dessein ! TH. Je veux te porter une santé délicieuse. A. Est-ce après avoir bu autant qu'il te plaira ? ou me donnes-tu à boire d'abord ? »
[471b] Cléanthe parle aussi du thériclée dans son Traité du Transport des Noms :
« Il en est ainsi de toutes ces inventions et autres semblables, telles que le thériclée, le deinias, l'iphicratis, qui indiquaient ceux qui en ont été les inventeurs; ce qui subsiste encore actuellement; et s'il y a des inventions qui ne rappellent pas les auteurs, c'est que le nom aura été un peu trop changé : mais, comme dit le proverbe, il ne faut pas croire le premier venu. »
D'autres disent que le thériclée a été ainsi nommé des peaux des bêtes sauvages (theerioon) qu'on y figurait. [471c] Pamphile d'Alexandrie croit que ce nom vient de theeras klonein, poursuivre, presser des bêtes sauvages, parce que Bacchus répandait du vin avec cette espèce de vase sur les animaux.
(42) Antiphane fait aussi mention de ce vase dans ses Semblables :
« Lorsqu'on eut soupé (car je veux lier ici ce qui se fit dans l'intervalle) et qu'on vit paraître le thériclée de Jupiter-Sauveur, instrument rempli de liqueur écumante et délicieuse de Lesbos. Chacun le prit de la main droite, pour boire la santé de ce dieu. »
Eubule écrit, dans son Dolon:
« Moi ! je n'ai jamais rincé un vase ! [471d] eh ! j'ai rendu cette tasse plus pure que Thériclès ne rendait ses calices brillants lorsqu'ils étaient neufs. »
Et dans ses Joueurs de dés :
« Déjà ils prenaient un de ces thériclées d'une grande capacité, dont l'écume montant par dessus les bords se répandait sur les mains des buveurs, et leur faisait mener grand bruit. C'était un vase noir, tourné en perfection, qui comme une source jaillissait rapidement : rincé avec soin, il jetait au loin un reflet brillant de sa surface, sur laquelle [471e] un lierre se répandait de tous côtés. »
Ararus, ou Eubule, en parle ainsi dans son Campylion :
« O terre à potier ! Thériclès te modela un jour en dilatant le fond de tes flancs creux. Sans doute qu'il connaissait bien le naturel des femmes, car elles n'aiment pas boire dans de petits vases. »
Alexis dit, dans son Chevalier:
« Et un calice de Thériclès, dont le bord était couronné d'or; car ce n'était pas un de ces vases communs. »
On lit dans son Epaque ( ou Hippisque) :
« Il avala du vin pur, plein un thériclée très large, [471f] et de la plus grande taille. »
(43) Timée nomme le calice, thériclée, dans ce passage du liv. 28 de ses Histoires :
« Certain Polixène, un de ceux qui furent députés parla ville de Taormine, revint ayant reçu de Nicomède, entre autres présents, un calice thériclée. »
Adaeus, parlant de la Disposition, pense que le thériclée est le même vase que le carchesium ; mais Callixène montre clairement, [472] dans son Histoire d'Alexandrie, que ce vase était différent :
« Dans cette pompe, les uns portaient des thériclées, les autres des carchesium. »
Je dirai plus loin ce qu'était le carchesium.
Il y avait aussi un cratère qu'on appelait thériclée. Alexis en parle dans son Cycnus.
« Au milieu était un cratère thériclée, plein d'un nectar blanc très vieux, et couvert d'écume. Je le pris, le vidai, le nettoyai jusqu'à le rendre bien brillant ; puis le posant solidement sur sa base, j'y arrangeai des branches de lierre portant son fruit, [472b] dont je le couronnai. »
Ménandre a fait le mot thériclée féminin, en grec, dans sa Femme enthousiaste:
« A demi-ivre, il avala la thériclée .»
Et dans son Ménagyrte, ou Prestigiateur :
« Lui portant la santé avec une thericlée de trois cotyles. »
Dioxippe dit, dans son Phylargyre, ou qui aime l'argent :
« A. J'ai actuellement besoin de la grande thériclée. B. Je sais cela. A. Et des rhodiaques ; car c'est dans ces sortes de vases que j'ai coutume de boire avec plaisir, et largement. »
Polémon, parlant de la citadelle d'Athènes, a dit theerikleia au neutre pluriel :
[472c] « Néoptolème y consacra, ou suspendit des thériclées d'or dont le pied était de bois. »
(44) Apollodore de Géla, dans ses Philadelphes, ou son Apocartcroon, fait de suite mention de tapis, de vases d'argent, de thériclées ornés de reliefs, et d'autres vases à boire très riches.
Aristophane écrit, dans sa pièce intitulée Philonide:
« C'est pourquoi notre maître me présenta dernièrement, pour récompense de mes services, le large ventre d'un de ces thériclées, bien tourné, tout couvert de l'écume d'un vin délicieux [472d] mêlé avec égale quantité d'eau : or, je ne doute pas que c'est parce qu'il avait bien reconnu ma fidélité. Enfin, m'ayant bienfait boire, il me déclara femme libre. »
Théophile n'a pas oublié ce vase dans sa Béotienne :
« Mais il mêle, comment crois-tu? on ne peut mieux, certes, un de ces calices thériclées de terre, contenant quatre cotyles, et la liqueur s'y couvre d'écume en bouillonnant. Non, par la terre! jamais Autoclès n'a appuyé son bras avec tant de grâce sur l'articulation de l'épaule. »
[472e] Et dans ses Prœtides :
« Il apporte dans la salle un calice thériclée contenant plus de sept cotyles, pour porter la santé de la bonne fortune. »
ISTHMON, ou ISTHMION.
Pamphile rapporte, dans son ouvrage sur les Noms, qu'on appelle isthmon certain vase à boire
(45) KADOS.
Simmias désigne ainsi un vase à boire, en rapportant ce passage d'Anacréon :
« J'ai dîné en rompant une croûte d'itrion, et j'ai bu un cade de vin. »
Épigène dit, dans son Mneemation, ou petit Monument sépulcral :
« A. Des cratères, des cades, [472f] des holcées, des krounia, il y a aussi des kronnianes : mais qu'est-il besoin de vous détailler tout ? vous le verrez de vos propres yeux. B. Mais ne dis-tu pas que Pixodare, le fils du roi, est arrivé ?.. »
On lit dans les épigrammes d'Hédyle :
[473] « Buvons, car le vin nous suggérera peut-être quelques vers nouveaux, délicats, coulants comme le miel. Câ donc, qu'on m'arrose de cades de Chio, et dis : Hédyle, livre-toi à la joie; je n'aime pas à vivre en vain, c'est-à-dire, sans bien boire. »
Et dans une autre :
« Pasisoclès boit jusqu'à la nuit, et depuis la nuit jusqu'à l'aurore, en vidant quatre cades ; ensuite il s'en va précipitamment où ses pas le conduisent ; mais en buvant, il surpasse le poète de Sicile par le charme de ses vers et la force de l'expression. [473b] Les grâces y brillent avec éclat ; ainsi, mon cher Pasisoclès écrit et boit. »
Clitarque dit, dans ses Gloses, que les Ioniens appellent cade certain petit vase de terre. Hérodote parle de cade de vin de palmier, dans sa troisième Muse.
(46) KADISKOS.
Philémon écrit, dans l'ouvrage cité précédemment, que ce mot désigne un vase à boire. [473c] C'est selon Anticlide un vase dans lequel on place les statues de Jupiter Ctésien, comme il l'écrit dans son Exégétique :
« Voilà donc comment il faut poser sur la base les statues de Jupiter Ctésien. Fermant le couvercle d'un cadisque neuf à deux anses que l'on entoure de bandelettes de laine blanche, on fera pendre de l'épaule droite et du front (de la statue) quelque étoffe ou bande couleur de safran, telle qu'on la trouvera, et l'on versera de l'ambroisie. Or, par ambroisie il faut entendre ici de l'eau pure, de l'huile, et toutes sortes de fruits, que l'on y mêle (emballetai ) aussi. »
Straton le comique fait mention du cadisque dans sa Lemnomède ; voici ses termes :
« (La santé) de Mercure, que les uns boivent en versant le vin du prochydion, et d'autres du cadisque ., en le mêlant avec égale quantité d'eau. »
Ce mot est aussi employé pour désigner un vaisseau avec lequel on navigue. Ameipsias montre que le canthare était un vase à boire lorsqu'il dit, dans ses Joueurs au Cottabe :
« La mère apporte des saucières et des canthares. »
Alexis dit,dans son Cratevas, en parlant d'un homme qui buvait dans une taverne :
« Ensuite j'aperçois certain Hermaïsque qui renversait le canthare de ces gens-là : près de là étaient ses tapis et son panier. »
[473e] Eubule, dans son Pamphile, parle plusieurs fois du canthare :
« Mais moi, comme il se trou voit en face de la maison une nouvelle et grande taverne, j'y attendis la nourrice de la jeune fille, après avoir dit au tavernier de me donner un conge de vin d'une obole, et de me servir à côté un grand canthare. »
Il dit dans un autre passage :
« Il y a déjà du temps que ce canthare demeure vide et sec. »
[473f] Et ailleurs :
« A. Mais elle, prenant en même temps le canthare, elle le fit disparaître . De quelle grandeur pensez-vous qu'il était, Arésias ? AR. Fort grand ; et elle a mis ce canthare à sec si promptement. »
Voici ce que dit Xénarque dans son Priape :
« Çà, valet, verse-moi dans ce vase d'argent, dans ce vase profond ; [474] allons, dis-je, verse dans ce canthare. »
Et ailleurs :
« Çà, valet, verse; verse, dis-je, par Jupiter ! dans ce canthare. »
Epigène écrit, dans son Héroïne :
« Ha ! malheureux que je suis ! les potiers ne font plus de ces grands canthares : ce ne sont plus que de petits vases, bien polis, il est vrai ; mais qu'ils semblent ne faire que pour les avaler plutôt que le vin. »
(48) Sosicrates dit, dans ses Philadelphes :
« Un vent léger, qui frisait la surface de l'onde, amena doucement et joliment la canthare de la fille de Sciron, sans qu'il fût besoin [474b] de toucher au cordage qui fixait la voile. »
Phrynicus parle du canthare dans ses Comastes:
« Ensuite Chérestrate, qui vit si régulièrement en faisant chez lui des vases de terre, gémissait (de voir avaler) cent canthares de vin par jour. »
Nicostrate écrit, dans son Calomniateur : Diaboloo :
« A. Mais, est-ce un vaisseau à vingt bancs de rameurs, ou un cygne, ou un canthare? car si je vous demande cela, c'est parce que c'est moi qui ai soin de tout. B. C'est absolument un cygne-canthare, pot composé de l'un et de l'autre. »
Ménandre écrit, dans son Nauclère :
« A. O Straton ! voici enfin [474c] Théophile qui nous est arrivé après avoir franchi la mer Égée. Quel avantage * pour moi de t'amener le premier ce fils sain et sauf, et en outre ce canthare doré. STR. Quel canthare entends-tu ? A. Eh ! le vaisseau. »
Peu après il dit :
« Le navire, me dis-tu, est arrivé à bon port ? B. Oui, ce navire, le mien; celui, dis-je, qu'a construit Calliclès, et dont le nommé Euphranor de Thurie est le pilote. »
Polémon, dans son ouvrage sur les Peintres, dédié à Antigonus, dit [474d] qu'Hippée fit en pierre, aux noces de Pirithoüs, un pot à verser le vin et un kypellon, dont il recouvrit les bords en or ; mais que quant aux lits, il les fit de sapin, sans pieds, et les orna de tapis de divers dessins, etc. Les vases à boire étaient des canthares. Au plancher supérieur était suspendu une lampe dont la lumière se répandait en se divisant selon certain nombre de becs.
Philétaire dit, dans son Achille, que ce vase à boire fut nommé canthare du nom du potier qui l'inventa.
« A. Pelée. B. Mais Pelée c'est le nom d'un potier, [474e] d'un pauvre malheureux faiseur de lampes de terre, et non, par Jupiter ! celui d'un roi. »
Antiphane a écrit, dans sa Béotienne, que
« Le cantharus est aussi un ornement de femme. »
(49) KARCHEESION.
Callixène de Rhodes nous apprend, dans ce qu'il a écrit sur Alexandrie, que le carchesium est un vase allongé, un peu resserré vers son milieu, ayant des anses qui s'étendent jusqu'à son fond. [474f] Ce vase un peu long a peut-être eu son nom de sa longueur. Or, il est fort ancien, puisque Jupiter ayant joui d'Alcmène lui en donna un pour prix de cette jouissance, comme le rapportent Phérécyde, liv. 2, et Hérodore d'Héraclée. Asclépiade de Myrlée dit qu'on l'a ainsi nommé de certaine partie de la mâture des navires, car la partie inférieure du mât se nomme le talon ; c'est celle qui tombe dans le leenos ; la partie près du milieu se nommait tracheelos, le cou, et l'on appelait carchesium celle qui approchait de l'extrémité supérieure. [475] C'est à ce point qu'était garrottée l'antenne ou vergue qui se plongeait avec un peu d'inclinaison de l'un et l'autre côté du mât. Au-dessus était ce qu'on appelle communément le thoorakion, tout quadrangulaire, excepté à ses parties supérieure et inférieure, car ces deux parties saillent un peu en ligne droite. Au-dessus du thoorakion s'élève en diminuant de grosseur la partie du mât que l'on appelle eelakatee, ou la quenouille. Sapho parle aussi des carchesium :
« Ils tenaient tous des carchesium, et ils firent des libations, souhaitant tout le bonheur possible au gendre. »
Sophocle écrit, dans sa Tyroo :
« Qu'il y avait au milieu une table couverte de mets et de carchesium. »
[475b] Ajoutant :
« Que des dragons s'étant approchés de la table se jetèrent sur les mets et les carchesium. »
En effet, il était d'usage chez les anciens de servir sur les tables des vases où le vin était déjà mêlé avec l'eau, comme le fait Homère.
Quant au carchesium, il a eu son nom des aspérités miliaires, et l'on dit karcheesion pour kercheesion, changeant a en e. C'est aussi relativement à l'idée de ces aspérités qu'Homère donne à ceux qui sont abattus par la soif l'épithète de karchaleoi, âpres, desséchés.
Charon de Lampsaque rapporte, dans son Traité des Limites, qu'on gardait encore de son temps [475c] à Lacédémone la coupe (le carchesium) que Jupiter donna à Alcmène, lorsqu'il se travestit en Amphitryon.
KALPION.
Le kalpion est une espèce de vase à boire d'Érythre, selon Pamphile; je pense que c'est le même que le scaphion, ou petite gondole.
(50) KELEBEE.
Anacréon rappelle ce vase à boire.
« Ça, valet, donne-moi une célèbe, afin que je porte la santé, et sans reprendre haleine ; ainsi, mêle dix cyathes d'eau avec cinq de vin. »
On est incertain sur l'espèce de ce vase, ou si tout vase à boire ne se pourrait pas nommer célèbe, [475d] comme formé de cheoo, je verse, et de loibee, liqueur que l'on verse, ou de leibein, verser. Or, on employait ce dernier mot particulièrement pour tout fluide quelconque, et c'est aussi de là qu'on a pris le mot lebees, chaudron, marmite, grand plat. Selon Clitarque et Silène, célèbe est le nom par lequel les Éoliens désignent un vase à boire; mais selon Pamphile, c'est le vase à boire à l'eau chaude qu'on appelle célèbe. Nicandre de Colophon dit, dans ses Gloses, que l'on appelle ainsi un vaisseau de berger destiné à mettre du miel ; et il se fonde sur ce qu'Antimaque, natif de la même ville, écrit, liv. 5 de sa Thébaïde :
« Que les hérauts présentent aux dieux une outre remplie [475e] de vin très rouge. »
Et dans un autre passage :
« Mais prenant un cetebeion amphithète plein de miel, le meilleur qu'il y eût. »
Il dit encore ailleurs :
« Des coupes (depastra), un celebeion plein de miel, auquel on n'avait pas encore touché, et le meilleur qu'il eût. »
Il est donc évident qu'il met ici celebeion pour un vase quelconque, puisqu'il a nommé auparavant des vases à boire sous le nom de depastra, ou grandes coupes.
Théocrite de Syracuse écrit, dans sa Pharmaceutrie :
« Couronne la célèbe de la plus fine laine de brebis.»
[475f] Euphorion dit aussi :
« Soit que tu aies puisé de l'eau dans quelque fleuve avec une célèbe. »
Anacréon dit :
« Une servante, tenant une célèbe de trois cyathes, verse un vin délicieux. »
Denys, le mince, expliquant le poème lyrique que Théodoridas a fait sur l'amour, dit que le mot célèbe se met, ou se prend pour désigner un vase droit, comme le prusias et le thériclée.
On rapporte que les premiers hommes burent dans des cornes (kerasi) de bœufs, et que c'est de cet usage qu'on a représenté Bacchus avec des cornes, et que plusieurs poètes l'ont nommé Taureau. On le voit à Cyzique sous la forme du taureau.
Pour prouver qu'on buvait autrefois dans des cornes, il suffit d'observer qu'en parlant de mêler le vin avec de l'eau, on dit kerasai de keras, et le vase dans lequel on mêle le vin, se nomme krateer, mot formé de keras, comme si l'on disait kerateer, pour indiquer que la boisson se verse dans une corne. [476b] L'art de préparer les cornes à boire subsiste même encore actuellement: or, quelques-uns les appellent rhytes, et nombre de poètes nous représentent les anciens, buvants dans des cornes. Pindare, parlant des centaures, dit:
« Lorsque ces animaux eurent connu la force indomptable de ce vin délicieux, à l'instant ils jetèrent le lait de dessus les tables, et buvant sans discrétion dans des cornes d'argent ils perdirent la raison. »
Xénophon racontant, liv. 7 de son Anabase, le repas qui fut donné chez Seuthès, y parle ainsi de ces cornes :
[476c] « Lorsque Xénophon et ceux qui raccompagnaient furent entrés chez Seuthès on s'embrassa réciproquement, et l'on se présenta des cornes pleines de vin, selon l'usage des Thraces. »
Le même parlant des Paphlagoniens, liv. 6, dit :
« S'étant couchés sur des lits d'herbes, ils soupèrent, et burent dans des vases de cornes. »
Eschyle, dans ses Perrhœbes, nous les représente ainsi, se servant de cornes au lieu de vases.
« Des embouchures d'or ajoutées à des cornes d'argent faites au marteau. »
Sophocle dit aussi dans sa Pandore :
« Et quand il aura bu plein la corne d'or, [476d] elle serrera ce vieillard dans ses bras délicats. »
Ermippe écrit, dans ses Parques :
« Sais-tu ce que je voudrais que tu fisses? ne me donne pas à présent ce (calice); mais verse-moi à boire encore une seule fois dans cette corne. »
L'orateur Lycurgue dit, dans son discours contre Démade, que le roi Philippe portait la santé dans des cornes à ceux pour qui il avait de l'amitié.
Théopompe nous apprend, dans sa seconde Philippique, que les bœufs de Péonie, ayant de grandes cornes, capables de tenir trois et quatre conges, les rois de cette contrée en font faire des vases à boire, [476e] dont on recouvre les bords en or, ou en argent.
On lit dans le souper que décrit Philoxène de Cythère :
« Ils burent un vin tel que le nectar, dans des vases d'or, faits à l'imitation de la partie la plus large de grandes cornes. »
Les Athéniens faisaient aussi des cornes d'argent, avec lesquelles ils buvaient; c'est ce que l'on trouve écrit dans les Dénombrements des choses vendues publiquement par autorité de justice ; comme on le voit sur la colonne élevée dans la citadelle parmi les effets qu'elle indique :
« Une corne, vase à boire, d'argent et contournée. »
(52) KERNOS.
Il y a aussi le kernos, vase de terre qui contient plusieurs petits cotyles qui y sont agglutinés : [476f] il y a dans ces cotyles des pavots blancs, du froment, de l'orge, des pois, de la gesse, des cicerolles, des lentilles ; celui qui portait ce vase pouvait manger de tout cela, comme s'il eût porté le vœu, selon ce que dit Ammonius, liv. 3 des autels et des sacrifices.
(53) KISSYBION.
Le cissybion est un vase à boire qui n'a qu'une anse. Néoptolème de Parion dit, §. 3 de ses Gloses, que ce mot désigne un vase fait de lierre dans l'Andromède d'Euripide.
[477] « .... les bergers accoururent tous en foule, apportant, les uns un scyphus de lierre plein de lait, pour se refaire de la fatigue; les autres, de la liqueur charmante de la vigne. »
Or, ajoute-t-il, c'est du cissybion qu'il est parlé au sujet de cette assemblée rustique à laquelle un vase de bois convient particulièrement.
Selon Clitarque, les Éoliens donnent au scyphus le nom de cissybion. Marsyas dit que ce nom appartient au kypellon, qui est un vase de bois ; Eumolpe, que c'est une espèce de vase qu'on fit peut-être d'abord de bois de lierre ; [477b] mais Nicandre de Colophon écrit, §. i, de ses Etoliques :
« Lorsqu'on fait les sacrifices de Jupiter Didyméen, on offre les libations avec des feuilles de lierre (kissou), et c'est de là que les anciens vases à boire ont été nommés cissybion. »
Homère en parle aussi:
« Tenant aux mains un cissybion de vin rouge. »
Asclépiade de Myrlée remarque qu'aucune personne, même d'un état médiocre, ne se servait de scyphus, ni de cissybion dans les villes ; ces vases étaient ceux des porchers, des pâtres et des campagnards. [477c] Voilà pourquoi le poète en donne un à Polyphème et un à Eumée.
Il semble que Callimaque s'est trompé dans l'application qu'il fait des noms de vases, en disant d'un étranger qui logeait ordinairement chez lui, mais avec qui il se trouvait à manger chez Polis Athénien :
« En effet, il refusa de boire pure une amystis tout d'un trait ; il aima mieux un petit cissybion : mais moi,voici ce que je lui dis lorsque Valeison était présenté la troisième fois à la ronde. »
En disant que l'aleison est le même que le cissybion, il n'emploie plus les mots dans leur véritable sens.
[477d] On présumerait avec vraisemblance que le cissybion fut d'abord un vase de lierre fait par des bergers. D'autres en prennent l'étymologie de cheistai dans le sens de contenir ; comme Homère a dit :
« Ce seuil nous contiendra bien nous deux (cheisetai). »
La retraite du serpent, et qui contient cet animal se nomme aussi cheiee. On a même dit cheetion, pour désigner le cornet qui contient les dés à jouer, Denys de Samos écrit, dans son Cycle historique, [477e] que le cissybion d'Homère est le même que le cymbion. Voici ses termes :
« Et Ulysse, lui voyant faire ces choses, remplit de vin un cymbion qu'il lui donne à boire. »
(54) KIBOORION.
Hégésandre de Delphes rapporte ceci :
« Le poète Euphorion soupait un jour chez un des membres du Prytanée; celui-ci lui montrant quelques ciboires qui paraissaient faits avec beaucoup d'art, et d'un grand prix, comme on n'avait pas épargné le vin, Euphorion, qui se trouvait ivre, prit un de ces ciboires, et pissa dedans. »
Selon Didyme, le ciborion est une espèce de vase à boire, [477f] et peut-être même de ceux qu'on appelle scyphion, parce qu'ils sont rétrécis par le bas comme les ciboires de la fève d'Égypte. »
(55) KONDY.
C'est un vase à boire asiatique. Ménandre dit, dans son Flatteur, qu'il contient dix cotyles.
« Et dans la Cappadoce,ô Struthia! j'ai un condy d'or tout plein. »
Hipparque écrit, dans ses Anasoozomenes, ou Sauvés du danger:
« A. Tu fais attention à ce soldat! mais pourquoi? car de l'argent je suis sûr qu'il n'en a pas. B. Eh bien ! il a un petit tapis charmant, de diverses couleurs, où l'on voit des figures de Perses et des gryphons terribles, tels que ceux de la Perse. [478] A. Peste soit de toi ! coquin que tu es ! B. Mais il y a aussi un condy, un réfrigérant, une gondole (cymbion). »
Nicomaque écrit, §. 1, de son ouvrage sur les Fêtes de l'Égypte, que le condy est un vase de Perse.
« A son origine, il était formé comme le globe céleste d'où, dit Ermippe l'astrologue, les dieux manifestent leurs merveilles, et envoient sur terre les principes de sa fertilité, et voilà pourquoi on s'en sert dans les libations. »
Pancrate dit, §. i, de sa Conchoreeide:
« Mais lui ayant versé du nectar d'un condy d'argent, [478b] il tourna ses pas pour aller dans un pays étranger. »
KONOONIOS.
Istrus, disciple de Callimaque, §. i, de son ouvrage sur la Ville de Ptolémaïs d'Égypte, dit :
« Une couple de calices de Conon, et une couple de thériclées ayant un couvercle d'or. »
(56) KOTYLOS, le cotyle.
Les cotyles sont des vases à boire qui n'ont qu'une anse, et dont Alcée fait mention. Diodore, dans ses remarques sur Lycophron, dit que ce vase à boire (ekpooma est très commun à Sicyone, et semblable à un bassin profond dont on se sert pour se laver ; que d'ailleurs on en voit çà et là avec une anse. Ion de Chio rappelle ce vase en disant :
« Un cotyle plein de vin. »
Ermippe écrit, [478c] dans ses Dieux :
« Il apporta d'abord un cotyle, comme le gage des voisins. »
Platon dit, dans son Jupiter irrité :
« Il apporte un cotyle. »
Aristophane, dans ses Babyloniens, Eubule dans son Ulysse, ou les Panoptes, en font mention ; celui-ci dit:
« Mais le prêtre Euegore, debout au milieu d'eux, et magnifiquement vêtu, fit les libations en versant le vin avec un cotyle. »
Selon Pamphile, le cotyle est une espèce de vase, mais particulier à Bacchus. Polémon dit, en parlant de la toison de Jupiter :
[478d] « Après cela, il fait les cérémonies sacrées de l'initiation, tire le cotyle de son étui, et distribue une portion à chacun de ceux qui ont porté le kernos, vase de terre qui contient dans sa capacité plusieurs petits cotyles agglutinés, et dans lesquels il y a des jets de plantes, des pavots blancs, du froment, de l'orge, des pois, de la gesse, des ciceroles, des lentilles, des fèves, de l'épeautre, de l'avoine, un petit cabas de figues sèches, du miel, de l'huile, du vin, du lait, de la laine de brebis non lavée, et celui qui a porté cela, y a part comme s'il eût porté le van.»
(57) KOTYLEE, la kotyle.
Aristophane parle de la cotyle, dans son Cocale:
« D'autres vieilles femmes, cédant à la passion impérieuse qui les portait vers un bon vin rouge de Thase, s'en abreuvèrent largement le corps, en vidant à l'aise de grandes cotyles de terre. » .
[478e] Silène, Clitarque et Zénodote ont parlé de ce vase (Homère a dit) :
« Le sang coulait, à le ramasser par cotyle, tout autour du cadavre. »
On a dit aussi :
« Il se passe bien des choses entre la cotyle et le bout des lèvres. »
Selon Simariste, c'est un vase à boire blanc . Diodore dit que
« le poète (Homère) a dit la cotyle pour ce que d'autres appellent le cotyle.
« Un morceau de pain et une cotyle. »
Or, la cotyle n'est pas ce qu'on appelle ordinairement calice, parce qu'elle n'a pas deux anses, et c'est une espèce de vase à boire dont la forme est analogue à celle d'un vase profond destiné à se laver. En outre, ce peut être [478f] ce que quelques Étoliens et quelques Ioniens appellent un cotyle, vase semblable à ceux dont il a été parlé, et qui a une anse.»
Cratès, dans ses Jeux, et Ermippe dans ses Dieux, ont fait mention de la cotyle. Les Athéniens donnent ce nom à une sorte de mesure. Thucydide dit à ce sujet :
« On leur donna à chacun par jour une cotyle d'eau pendant huit mois, et deux cotyles de farine. »
Aristophane dit, dans son Proagon :
« Mais lui, ayant acheté trois chœnix de farine où il manquait une cotyle ; il déduisit vingt (oboles) du paiement. »
[479] Selon Apollodore, c'est une sorte de vase à boire élevé et évidé. Or, les anciens appelaient cotyle toute chose creuse; c'est ainsi que le creux de la main était pour eux une cotyle, et qu'ils disaient, d'un sang qui coulait abondamment, kotylerrhyton, c'est-à-dire qu'on peut ramasser de chaque cotyle, ou de chaque main. Il y a aussi un jeu qu'on appelle encotyle, ou dans la cotyle, et dans lequel les vaincus faisant un creux de leurs deux mains, reçoivent les genoux des vainqueurs, et les portent ainsi.
Diodore, dans ses Gloses Italiques, et Héraclite, comme le dit Pamphile, nous apprennent que la cotyle a aussi le nom d'hémine, et il cite ce passage d'Épicharme :
[479b] « Et boire le double d'eau tiède, savoir, deux hémines. »
Sophron dit :
« Mon fils, renverse l'hémine. »
Phérëcrate a employé le mot kotyliskee dans sa Corianne :
« Mais la cotyliskee, point du tout. »
Aristophane se sert de kotyliskion dans ses Acharnes:
« Un kotyliskion ébréché. »
On appelle aussi cotylee, la cavité de l'ischion, où s'insère l'os de la cuisse. On a en outre transporté le sens de ce mot aux epiphyses, ou décrétions qui se voient aux bras des polyps, et on les a nommés cotyledons. Eschyle a donné le nom de cotyles aux cymbales dans ses Hedons, en disant :
« Il fait retentir l'air de ses cotyles d'airain. »
[479c] Marsias dit que l'os qui est dans l'ischion se nomme aleison, et calice.
Le cratérisque, ou petit cratère de Bacchus, se nomme aussi cotyliscos, de même que les vases dont se servent les candidats, selon Nicandre de Thyatire, qui cite ce passage des Nuées d'Aristophane :
« Je ne couronnerai pas non plus le cotylisque, »
Mais Simmias interprète la cotyle par le mot aleison.
(58) KOTTABIS.
Harmodius de Léprée, parlant des usages des Phigaliens, s'exprime comme il suit, au sujet des soupers de leur contrée :
« Lorsqu'on a consacré ces choses dans une cottabis de terre, on en donne à boire un peu à chacun, et celui qui le présente dit : Soupez bien . »
[479d] Hégésandre de Delphes dit, dans ses Commentaires (dont le commencement est : « Dans le meilleur gouvernement, etc. » )
« Ce qu'on appelle cottabe a été introduit dans les festins à l'imitation de ce qui se pratiquait en Sicile, selon le rapport de Dicéarque. On conçut ensuite une si grande passion pour cet exercice, qu'on proposa aux festins des prix qui en portèrent le nom ; dès lors on fit des calices qu'on crut le mieux appropriés à la chose, et on les appela cottabides. Outre cela, on bâtit des salles rondes, [479e] afin que le cottabe, étant placé au centre, tous les joueurs pussent disputer le prix à une égale distance, et à de semblables places, car on s'appliquait non seulement à frapper au but, on voulait encore que tout fût fait avec grâces. En effet, il fallait d'abord s'appuyer sur le coude gauche, et faisant un mouvement circulaire de la droite lancer le latax avec souplesse. C'est ainsi qu'on appela la liqueur qui tombait du vase ; de sorte que nombre de personnes mettaient plus de gloire à bien jouer au cottabe, qu'à bien lancer un javelot. »
Les anciens n'auraient-ils pas nommé cratanion le vase à boire que nous appelons kranion. Polémon. ou l'auteur quelconque de l'ouvrage intitulé l'HeIladique, parlant du temple que les Métapontins avoient à Olympie, écrit ce qui suit :
« Il y a cent trente-deux phiales d'argent, deux pots d'argent à verser le vin, un apothysanion d'argent, trois phiales dorées. [480] Quant au temple des Byzantins, il y a un Triton de bois de cyprès, qui tient un cratanion d'argent, une chaîne d'argent, deux carcheses d'argent, un pot d'argent à verser le vin, et deux cornes; mais dans l'ancien temple de Junon, il y a trente phiales d'argent, deux cratanions d'argent, une bassine d'argent, un apothysanion d'or, un cratère d'or, offrande des Cyrénéens, et un plat d'argent. »
KROYNEIA.
Epigène en fait mention, dans son Petit Sépulcre :
« Des cratères, des cades, des holcées, des krouneia, mais ce sont des krouniai. »
[480b] KYATHIS.
La cyathis est un vase dont la cavité est arrondie. Sophron écrit dans le mime, intitulé les Femmes :
« Lesquelles, dit-on, se sont rendu favorable la déesse ; mais l'on a caché par dessous, dans une cyatide, un alexipharmaque broyé.»
(60) KYLIX.
Phérécrate dit, dans son Doulodidascale, ou Valet-Maître :
« Maintenant rince ce calice, pour donner à boire, en y ajoutant ce qui a coulé par la passoire. »
Or, les calices sont des vases de terre, et qui ont été appelés kylix en grec, du mot kylioo, je tourne, parce qu'on les forme sur la roue, et c'est de kylix qu'on a fait kylikeion, buffet à serrer les calices ou vases à boire ; même ceux d'argent. On en a encore formé le verbe kylikeegorein pour dire disserter sur les calices.
[480c] Mais les Athéniens ont donné le nom de kylikis à la boîte des médecins, parce qu'elle est faite au tour. Les calices Attiques et les Argiens ont été fort renommés. Pindare fait mention des Attiques dans ce passage :
« Ô Thrasibule! je t'envoie, pour dessert, cette provision de chansons aimables. Ce sera un surcroît de douceur, tant pour les convives que pour la liqueur de Bacchus, et un nouvel aiguillon en faveur des calices d'Athènes. »
Mais les calices Argiens semblent avoir été d'une forme différente de ceux de l'Attique; car ils se terminaient en pointe à leurs bords, [480d] comme le dit Simonide d'Amorgos :
« Mais ce calice est phoxicheilos, ou élevé en. pointe, tels que sont ceux qu'on appelle ambix. »
C'est pourquoi on leur a donné l'épithète de phoxos, pointu avec certain arrondissement, comme Homère le dit de Thersite.
« Il était pkoxos, pointu par la tête. »
Or, on a dit phoxos dans le sens de pros ta phaee oxys horoomenos, c'est-à-dire, qui paraît pointu à la lumière.
(61) On fait des calices de différentes formes, même à Naucrate, patrie d'Athénée, [480e] un de nos convives. Ils ont l'apparence des phiales, ne sont pas faits à la roue, mais comme modelés au doigt. Le fond en est large, et l'on y voit quatre anses. Il y a beaucoup de potiers de terre (kerameis) à Naucrate, et c'est d'eux que l'on a nommé céramique l'embouchure du Nil, voisine de cette ville. Du reste, leurs vases sont recouverts d'une couleur qui les ferait prendre pour de l'argent.
On vante aussi les calices de Chio, dont Ermippus fait mention dans ses Soldats :
« Mais un calice de Chio est suspendu en haut à des chevilles. »
[480f] Glaucon dit, dans ses Gloses, que les Cypriotes donnent le nom de calice à la cotyle. Hipponax nomme ces vases-ci dans ses Synonymes : L'aleison, le pooteerion, le kypellon, l'amphootis, le scyphus, le calice, le cothon, le carchèse, la phialée.
Achée d'Érétrie, dans son Alcmœon, a fait de kylix le mot kylichnis :
« Apporte ici, et bien vite, du vin rouge seulement, un cratère pour tout le monde, et à chacun sa kylichnis., ou son calice. »
Alcée dit:
[481] « Buvons; pourquoi attendons-nous les lumières? un jour est sitôt passé ! çà, qu'on serve dans de grands calices (kylichais) ensuite tu les varieras ; car le fils de Sémélée et de Jupiter a donné le vin aux hommes, pour faire oublier les chagrins; verse, mêle un et deux, mais tout plein. »
Le même dit, dans son dixième:
« Ses latages volent des kylichnes de Téos. »
Indiquant par-là que ces. vases de Téos étaient préférés.
(62) Phérécrate écrit, dans sa Corianne :
« A. Car je reviens du bain toute cuite, ayant en outre la gorge desséchée : donne donc à boire ; ma salive se colle à la bouche, par nos deux divinités ! [481b] B. Prenez, madame, cette kjlichne. A. Point du tout; elle est trop petite. Toute ma bile s'agite (en la voyant) depuis que j'y ai pris une médecine. Verse-moi donc dans ma plus grande. »
En effet, les femmes aimaient les grands vases, comme l'indique Phérécrate dans ce passage de sa Tyrannie :
« Ensuite on fit pour les hommes des vases de terre à fond large, n'ayant presque pas de bords sur ce fond seul, et qui ne contenaient [481c] pas même la quantité d'une conque ; enfin, ils étaient tels que ces tasses à goûter le vin ; mais les femmes disent qu'il leur faut des calices semblables aux barques qui amènent le vin, ronds, minces, ventrus par le milieu, et ce n'est pas sans dessein, car elles veulent toujours être prêtes d'avance ; [481d] de sorte qu'elles puissent boire beaucoup de vin sans qu'il paroisse entrer en compte. Mais leur reprochons-nous de boire beaucoup? aussitôt elles se répandent en injure, protestent avec serment qu'elles ne boivent qu'une mesure. J'en conviens ; mais cette seule mesure en vaut mille. »
(63) CYMBIA.
Selon Simariste, ce sont des vases à boire, petits et creux. Dorothée dit que c'est une sorte de vases à boire (poteerioon) profonds, n'ayant pas le fond plat, ni des anses. Ptolémée, fils d'Aristonius, leur donne une forme courbe. Selon Nicandre de Thyatire, Théopompe a ainsi nommé, dans son Mède, le vase à boire qui n'a pas d'anses.
On lit dans le Spectre de Philémon :
« Puisque Rhodée vous a versé sur la tête [481e] un cymbion de vin pur. »
Mais Denys de Samos liv. 6 de son Cycle, pense que le cymbion est le même vase que le cissybion, car il dit :
« Ulysse, ayant rempli de vin pur un cymbion, le donna au cyclope ; mais le vase (cissybion) qu'Homère lui fait donner n'est pas petit, car Polyphème, qui était d'une si haute stature, n'aurait pas été enivré si promptement pour avoir vidé trois fois ce vase. »
Démosthène rappelle le cymbion dans son Discours contre Midias, disant qu'il avait à sa suite des rhytes et des cymbions. Il en fait encore mention dans le discours contre Everges et Mnésibule.
[481f] Selon Didyme le grammairien, le cymbion était un vase à boire, de forme allongée, étroit, semblable à un navire. Anaxandride dit, dans ses Campagnards :
« A. Sans doute que ce sont ces grands vases que vous avez vidés, ces cymbia, dis-je, de vin pur qui vous ont causé cette stupeur. B. Au moins nous ont-ils fort ébranlé le cerveau. »
Alexis écrit, dans son Chevalier:
« A. Il y avait aussi de ces cymbions [482] où l'on voyait des figures de jeunes filles. B. Ah ! malheureuse ! juste ciel que de maux ! »
(64) Mais Ératosthène donne le cymbion pour un vase analogue au cyathe dans son Épître au Lacédémonien Agetor. Voici le passage :
« Eux-mêmes sont étonnés, et ne savent comment lui, qui n'avait même pas un cyathe en sa possession, mais seulement un cymbion, a pu acquérir une phialée. Pour moi, il me semble qu'il s'était fourni de l'un, afin de s'en servir comme les autres hommes, et de l'autre pour rendre ses hommages aux dieux. On ne se servait pas alors de cyathe, ni de cotyle. [482b] On présentait aux divinités un cratère, non d'argent, ni enrichi de pierreries, mais fait de la terre du promontoire Colias. Toutes les fois qu'ils l'avoient rempli en faisant des libations aux dieux avec la phiale, ils se versaient l'un après l'autre le vin qu'on venait de mêler, en puisant avec le cymbion, comme on le pratique encore chez nous dans les repas communs qu'on appelle phédities, mais s'ils voulaient boire davantage, on mettait auprès d'eux les vases appelés cotyles, qui sont de la plus belle forme, et très commodes pour boire. Or, ceux-ci étaient faits de la même terre. »
Mais lorsqu'Ephippe dit, dans ses Éphèbes:
« Chaerémon n'apporte pas de calice aux soupers ; [482c] Euripide ne s'est pas battu avec des cymbions. »
L'auteur n'entend pas parler du poète tragique, mais d'un homme de même nom, ou qui aimait le vin, ou qui était dans un mauvais cas, comme l'entend Antiochus d'Alexandrie dans l'ouvrage qu'il a écrit sur les Poètes qui ont été persiflés sur la scène de la moyenne comédie. En effet, apporter des cymbions aux repas, et paraître se battre avec, sont deux circonstances relatives à ce passage.
Anaxandride fait aussi mention de cet Euripide dans ses Néréides :
[482d] « Çà, compagnon de ma bouteille, donne-lui le conge et le cymbion ; il sera aujourd'hui un vrai Euripide. »
Ephippe dit aussi, dans ses Semblables, ou les Porteurs d'oublies :
« J'aurais à apprendre les drames de Denys, et ce que Démophon a écrit en vers sur Cotys. II faudrait que Théodore me dît les termes qui sont particuliers au souper; que j'allasse baiser la porte de Léto, qui est après celle-ci, et que je fournisse des cymbia en traitant Euripide. »
KYMBEE.
Sophocle montre, dans son Andromède, que l'on appelle certain vaisseau de mer, cymba, ou barque :
[482e] « Tu navigues sur terre, ou sur des chevaux, ou sur des cymba, barques. »
On entend aussi par ce mot certain vase à boire, chez les Paphiens, comme Apollodore le montre.
(65) KYPELLON.
Ce vase est-il le même que l'aleison, le depas ; ou n'en diffère-t-il que par le nom ? Homère en fait mention.
« Les fils des Achéens les reçurent avec des cupelles d'or, se tenant debout, les uns d'un côté, les autres de l'autre. »
Ou la forme en était-elle différente, de sorte que la cupelle fût un tout autre vase que le depas et l'aleison, c'est-à-dire, amphicupelle, et ne se présentât que comme un vase ayant certaine courbure; car le mot cupellon (pour kuphellon) vient de cuphotees, qui signifie courbure, ou bosse. Ou a-t-elle eu ce nom de ce que semblable aux pellai, elle avait une courbure plus resserrée que les vases appelés amphicupella, [482f] pris dans le sens d'amphicurta, ou amphoota, dénomination qui vient des deux anses, parce que ces dernières espèces sont ainsi formées? car Homère a dit:
« Une ampkoote., ou vase à deux anses, d'or.»
Antimachus dit, liv. 5, de sa Thébaïde :
« Les héraults, tenant a la main des cupelles d'or fort belles et ciselées, donnèrent à boire à tous les chefs. »
Selon Silène, les cupelles sont des vases à boire (ekpoomata ) semblables aux scyphes, ou gobelets. Nicandre de Colophon a dit :
[483] « Le porcher distribua les cupelles. »
Eumolpe dit que c'est un vase à boire (poteerion) ainsi nommé de sa courbure renflée. Selon Simariste, la cupelle est un vase à deux anses chez les Cypriotes, et un vase à quatre anses chez les Crétois ; mais Philétas écrit que les Syracusains donnent le nom de cupelles aux restes des mazes et du pain qu'on laisse sur sa table.
KYMBEE.
Philémon dit, dans ses Mois Attiques, que la cymbee est une espèce de vase à boire ; et selon le Traité des Étymologies d'Apollodore, les Paphiens donnent aussi ce nom à certain vase de même usage.
Le cothon est un vase à boire de Laconie, dont parle Xénophon, liv. i de sa Cyropédie. Voici ce qu'écrit Critias dans sa République de Lacédémone :
« Outre ces choses, ils ne veulent que ce qu'il y a de plus simple pour leur usage. Ils ont pour chaussure et pour habit ce qu'il y a de meilleur et de plus commode, de fabrique de Laconie. Leur vase à boire est le cothon, très commode pour faire campagne, et qu'on peut porter dans le havresac. Comme les soldats sont assez souvent obligés de boire de l'eau impure, ce vase est utile en ce que l'eau que l'on y boit ne se voit pas bien distinctement, et que d'ailleurs ayant des rebords au défaut du cou, qui (au lieu de saillir en dehors) reviennent en dedans, ce qu'il y a d'impureté dans l'eau y est arrêté lorsqu'on boit. »
[483c] Polémon dit aussi, dans l'ouvrage qu'il dédie à Adée et à Antigone, que les Lacédémoniens se servaient de vases de terre. Voici le passage ;
« Il était anciennement d'usage de boire dans des vases de terre; c'est ce qu'on voit encore aujourd'hui chez plusieurs peuples de la Grèce, savoir; chez les Argiens, lors de leurs repas publics ; à Lacédémone, les jours de fête, et lorsqu'ils célèbrent une victoire, ou aux mariages de leurs filles ; mais aux autres festins, ou aux phédities, on boit dans des pitaknes. »
[483d] Archiloque parle aussi du cothon comme d'un vase à boire, dans ses Élégies :
« Mais toi, parcours les bans du navire avec le cothon, et tire à boire aux cades creux ; et vite, clarifie ce vin rouge, car il n'est pas possible que nous demeurions sans boire en montant cette garde. »
Aristophane, dans ses Chevaliers, rappelle le cothon comme un vase à boire (calice).
« Ils sautèrent courageusement dans les vaisseaux qui portaient la cavalerie, pour acheter, les uns des cothons, les autres de l'ail et de l'oignon. »
[483e] Héniochus dit, dans ses Gorgones :
« Que quelqu'un verse à boire, prenant un cothon cuit au feu, rond, à courtes anses, et bord épais, enfant du gosier. »
On lit, dans les Stratiotides, ou Guerrières de Théopompe :
« Qui, moi ! je boirais avec un cothon à cou courbé, pour me tordre à moi-même le cou ? »
Alexis dit, dans ses Fileuses :
« Ensuite il me poussa un cothon plein de vin, tenant bien quatre cotyles. »
C'est du nom de ce vase à boire qu'on a appelé acratocothones, ceux qui boivent beaucoup de vin pur ; expression dont se sert Hypéride dans son discours contre Démosthène.
Callixène, décrivant, dans le liv. 4 de son [483f] Histoire d*Alexandrie, la pompe de Ptolémée Philadelphe, parle ainsi, en faisant le dénombrement dés vases à boire (ekpoomata) :
« Il y avait des cothons de deux métrètes. »
(67) Mais Mnésithée d'Athènes, médecin, parlant de la boisson et de l'utilité qu'il y a de boire de temps en temps un peu plus largement, s'exprime ainsi dans la lettre qu'il a écrite à ce sujet :
« Il arrive que ceux qui boivent beaucoup de vin pur dans les festins en ressentent du mal, tant à l'égard du corps que des facultés de l'âme; [484] néanmoins je pense qu'une débauche de vin ( koolhoonizesthai) de quelques jours purge le corps, et détende les ressorts de l'âme. Les repas que nous faisons tous les jours donnent lieu à des acrimonies redondantes; or, la voie la plus convenable pour les éconduire est celle des urines, et c'est à quoi peuvent le plus contribuer les purgations qui résultent de ces débauches passagères. En effet, le vin étant chaud et humectant, détrempe la fibre et les humeurs. Il faut encore remarquer que l'urine que nous rendons est acrimonieuse, et c'est pour cela que les foulons s'en servent à nétoyer les habits. »
[484b] « Mais il y a trois choses à observer lorsqu'on se livre à ces débauches ; 1 °. de ne pas boire de mauvais vin; 2°. de ne pas en boire de pur; 3°. de ne pas manger de friandises de dessert lorsqu'on boit ainsi plus qu'à l'ordinaire. Lorsque vous aurez passablement bu, ne dormez pas avant d'avoir vomi plus ou moins. Après avoir suffisamment vomi, allez reposer lorsque vous aurez pris un petit bain. Si vous ne pouvez pas vous faire assez évacuer, restez plus longtemps au bain, et prenez une position horizontale dans la baignoire, et que l'eau soit bien chaude. »
[484c] Polémon, liv. 5 de l'ouvrage cité ci-devant, dit que Bacchus était représenté d'un âge fait, assis sur un rocher, ayant à sa gauche un Satyre chauve, qui tenait de la main droite un cothon seul, orné de losanges.
(68) LABRONIA.
C'est une sorte de vase à boire (ekpoomatos] de Perse, ainsi nommé de ce qu'on y peut boire largement. Il est très évasé, et d'une grande continence. Les anses en sont aussi fort grandes. Ménandre parle du labronion dans ce passage de son Pêcheur :
« Lorsqu'un homme a une riche fortune, il peut aussi avoir un buffet garni en or, des robes pourpres [484d] de Perse, de petits vases ornés de reliefs, de figures en bosse, des tragelaphes, des labronions. »
Il dit encore dans ses Philaddehes, au masculin :
« Déjà l'on avait apporté le vase à verser le vin, des labronioi enrichis de pierreries, et l'on avait placé des Perses avec des chasse-mouches. »
Hipparque écrit dans sa Thaïs :
« A. Ce labronios est venu bien à propos. B. Ma foi, c'est un vase à boire [484e] qui pèse deux cents pièces d'or. O ! ma chère, le fameux labronios! »
Diphile, faisant le détail de quelques vases dans sa Pithrauste, rappelle aussi le labronios :
« A. Un tragelaphe, un pristis, une batiaque, un labronios. B. Mais ce sont là des noms d'esclave. A. Non certes; par Vesta ! ce sont des noms de vases à boire. Mais mes enfants, ce labronios vaut vingt pièces d'or. »
[484f] Didyme dit que le labronion est semblable au bombylion ( biberon ), et à la petite batiaque.
(69) LAKAINAI.
C'est une espèce de vases à boire, ou de calices ainsi appelés de la terre dont on les fait, comme les Attiques, ou de la forme particulière qu'ils ont dans le lieu, comme les thériclées ont eu leur nom. Aristophane en parle dans ses Dœtalées:
« Des festins de Sybaris, et du Chio pris avec plaisir et amitié dans des calices lakaines ou lacédémoniens. »
(70) LEPASTEE.
Les uns placent l'accent sur la dernière syllabe de lepastée, comme dans kalée, [485] belle; d'autres sur la pénultième, comme dans megàlee, grande. Ce vase à boire a pris son nom de ceux qui dissipent de grosses sommes à boire et en débauches, et que nous appelons laphyktes. Du reste, les lepastes étaient des calices d'une grande capacité. Aristophane en parle dans sa Paix :
« Mais que (diras-tu) donc lorsque tu auras avalé une lepaste de vin nouveau ? »
On a fait ce mot de ce qu'on pouvait boire largement avec ce vase, ce qui est le contraire de ce qu'on fait avec le bombylion, ou le biberon, car le même poète dit encore ailleurs avec le verbe laptoo :
« O roi ! mon maître, vous avez tapé (bu, épuisé) tout mon sang ; vous me l'avez avalé comme d'un seul trait. »
Le même dit, dans sa Gérytade :
[485b] « Mais il s'agissait d'une fête. Un valet, portant promptement une lepaste à la ronde, nous la présenta ; il y versa beaucoup de vin que la profondeur du vase faisait paraître bleu. »
Le poète comique indique par cette dernière expression que le vase était fort profond.
Antiphane écrit dans son Esculape :
« Or, cette vieille gourmande étant malade depuis quelque temps, il tritura certaine petite racine ; puis la trompant par quelque friandise, il lui fit avaler toute la potion dans une lepaste des plus larges et des plus profondes. »
Philyllius emploie aussi le mot lepaste dans son Augée :
« Elle était toujours avec de jeunes gens qui buvaient, et avec d'autres vieilles, vidant agréablement de grandes lepastes de vin. »
Théopompe dit, dans sa Pamphile :
[485c] « Il y avait une éponge, une jatte, une plume ; puis ayant bu la santé du bon démon, en avalant plusieurs Iepastes de vin pur, elle se mit à fredonner comme une cigale. »
Et dans son Mède :
« Comme jadis Callistrate sut persuader le fils des Achéens, leur donnant quelqu'argent, en leur proposant une confédération. Le mince Rhadamante fut le seul qu'il ne put gagner. Pour Lysandre,il se le rendit favorable moyennant un cothon ; il lui avait déjà donné une lepaste. »
[485d] Amérias dit que l'on donne
le nom de lepaste au vase avec lequel on verse le vin dans les vases à
boire. Selon Aristophane et Apollodore, la lepaste est une espèce
de calice. On lit dans les Crapatelles de Phérécrate :
« Tout spectateur qui eut soif avala une lepaste pleine, comme s'il l'eût jetée dans un gouffre. »
Nicandre de Colophon écrit aussi qu'on donnait le nom de lepaste au calice. Lycophron de Chalcis, liv. 9 de son Traité de la Comédie, assure la même chose, alléguant l'autorité [485e] de Phérécrate. Moschus, dans son Exposition des termes de Rhodes, écrit que c'est un vase de terre semblable aux ptomatides, mais plus large. Artémidore, disciple d'Aristophane, la donne pour certain vase à boire (poteerion).
Apollophane dit, dans ses Crétois:
« Et il flaire toute la journée une lepaste de vin quia un bouquet délicieux. »
Théopompe dit, dans sa Pamphile :
« Buvant la santé du bon démon, en avalant plusieurs lepastes de vin pur, [485f] et criant de manière à faire rassembler tout le village autour d'elle. »
Nicandre de Thyatire dit que la lepaste est un des plus grands calices, citant ce passage des Prytanées de Téléclide :
« Et il avala un vin délicieux d'une lepaste qui embaumait. »
[486 Ermippe écrit, dans ses Parques :
« Mais si j'éprouve quelque dérangement pour avoir vidé cette lepaste, je fais le sacrifice de tous mes biens à Bacchus. »
(71) LOIBASION.
Le loibasion est, selon Cléarque et Nicandre de Thyatire, un calice avec lequel on verse l'huile dans les cérémonies sacrées. Ils appellent spondeion le vase avec lequel on verse le vin des libations. Antimaque de Colophon donnait le nom de loibides aux spondeions, selon le même.
LESBION.
Le lesbion était une espèce de vase à boire, comme le montre Hédyle dans une de ses Épigrammes. Voici ce qu'il dit d'une femme nommée Callistion :
[486b] « Callistion, luttant contre les hommes le verre à la main, but à jeun trois conges : prodige étonnant ! mais le fait est vrai. A côté d'elle était assise Paphia sa servante, lui mesurant un vin délicieux, et ayant près d'elle un lesbion de verre pourpre. Bacchus, préserve-la de tout malheur, afin que par ses victoires les murs de ton temple soient ornés des dépouilles des buveurs. »
LOUTEERION.
Epigène nomme ce vase dans son Mneemation, ou petit sépulcre, en faisant le détail de quelques vases à boire.
« Des cratères, des cades, [486c] des holcées, des crounianes, des louterions ; mais qu'est-il besoin de dénombrer tout en particulier? vous verrez vous-même. »
(72) LYKIOURGEIS.
C'est le nom qu'on donne à certaines phiales. Il est pris de Lycon qui en fit le premier; comme on a nommé cononioi celles que Conon avait faites. Démosthène parle de Lycon dans son discours concernant la couronne, en disant :
« Deux phiales lykiourgues ; »
et dans celui qui concerne Timothée, il écrit :
[486d] « Il donne à serrer à Phornion, outre quelque argent, deux autres phiales lykiourgues. »
Hérodote dit, liv. 7,
« deux javelots lykiourgues soit parce que ces javelots sont propres à la chasse du loup, soit parce qu'ils se font en Lycie. »
Didyme, le grammairien, exposant ce passage, dit qu'ils sont ainsi nommés de Lycius leur inventeur, Béotien, natif d'Eleuthère, et fils de Myron le statuaire, comme l'écrit Polémon, liv. 1 de la Citadelle d'Athènes ; mais ce grammairien ignore qu'on ne trouve pas de mots ainsi formés des noms propres d'hommes, mais de ceux de villes, ou de nations. [486e] En effet, c'est ainsi qu'Aristophane a dit, dans sa Paix :
« Ce vaisseau sera un canthare fait à Naxos : Naxiourgue. »
Critias écrit, dans sa République de Lacédémone, un lit fait à Milet, milesiourgue; une table faite à Rhena, rheniourgue : mais puisque Hérodote écrit, liv. 7, lykiergues, ne faudrait-il pas aussi écrire dans Démosthène, lykiergues ;de sorte qu'il s'agisse de vases faits en Lycie ?
(73) MELEE.
C'est ainsi qu'on appelle certains vases à boire (poteeria) dont parle Anaxippe dans la pièce intitulée le Puits.
[486f] « Mais toi Syrisque, prends cette mêlée, apporte-là au monument de cette femme; entends-tu ? et fais-y des libations. »
METANIPTRON.
C'est le nom du calice qu'on présentait après souper aux convives, lorsqu'ils s'étaient lavé les mains. Antiphane dit, dans son Flambeau:
« Le métaniptre du bon démon »
[487] Diphile écrit, dans sa Sapho, en se servant du mot metaniptris :
« Archiloque salue, avec cette metaniptris pleine, Jupiter-Sauveur bon démon. »
D'autres entendent ce mot, non du vase, mais de ce qu'on buvait après s'être lavé; comme Seleucus dans ses Gloses, mais Callias dit, dans ses Cyclopes:
« Bois la metaniptris de l'Hygiée (de la santé). »
Philétère écrit, dans son Esculape:
« Il avala une grande metaniptris pleine, moitié eau, moitié vin, après avoir prononcé le nom de l'Hygiée. »
Philoxène, poète dithyrambique, dit, dans la Description de son souper, en portant la santé à quelqu'un, après qu'on se fût lavé les mains :
[487b] « Mais toi, reçois cette metaniptris pleine d'une charmante rosée bachique. Bacchus, qui nous accorde cette faveur, a déjà mis depuis longtemps tous les convives en joie. »
Antiphane écrit, dans son Flambeau:
« Nous avons une table et une misérable maze ; mais vous, vous avez la metaniptron du bon démon. »
Nicostrate dit, dans son Anteroose, ou l'Amante qui paie de retour :
« Verse-lui la metaniptris du bon démon. »
(74) MASTOS.
Apollodore de Cyrène, au rapport de Pamphile, dit que les Paphiens appelaient ainsi le vase à boire (poteerion).
[487c] MATHALLIDES.
Blaisus dit, dans son Saturne :
« Verse-nous sept mathallides du vin le plus doux. »
Pamphile demande si ce mot désigne une espèce de vase à boire (ekpooma), ou si c'est le nom d'une certaine mesure, comme le cyathe, mais Diodore le donne pour un calice.
(75) MANEES.
C'est une espèce de vase à boire; poteerion. Nicon dit, dans son Citharède :
« Quelqu'un me portant la santé fort à propos, me dit : Compatriote, prends ce manès de terre cuite, et bien rempli ; il tient cinq cotyles, ou peu s'en faut : je le reçus. »
Didyme et [487d] Pampile ont rapporté ces vers iambiques. On appelle aussi manes la pièce qu'on dressait pour le jeu du cottabe, au-dessus de laquelle on dirigeait les latages qu'on jetait en jouant. Sophocle l'appelle tête d'airain dans son Salmonée. Voici le passage :
« Or, c'est un prurit, un baiser qui retentisse que je promets, pour prix de la victoire, à celui qui sera vainqueur au cottabe, et aura frappé la tête d'airain. »
Antiphane dit, dans sa Naissance de Vénus :
« A. Eh ! bien je vais te montrer comment tu dois jeter le cottabe sur la plastinx. B. Mais qu'est-ce que cela? A. C'est ce qui est suspendu au-dessus, B. [487e] Quoi ! tu veux dire ce petit plateau ? A. Justement c'est la plastinx, et en la forçant de descendre on obtient la victoire. B. Mais comment savoir cela ? A. Si tu la touche seulement, elle tombera sur le manès, et elle fera un grand bruit. B. Par tous les dieux, il y a donc un manès comme au jeu du cottabe. »
Ermippe dit, dans ses Parques:
« Tu verras la verge (le support) du cottabe roulée négligemment dans la paille ; manes n'entend plus les latages, et tu verras la misérable plastlnx confondue [487f] dans les ordures, près du pivot de la porte du jardin. »
(76) NESTORIS.
Voici ce que le poète dit de la forme du vase de Nestor :
« Elle servit aussi un depas très beau que le vieillard avait apporté de chez lui : il était percé de têtes de clous, et avait quatre anses : deux péléiades étaient distribuées à côté de chacune, et le vase était à deux fonds. [488] Un autre que Nestor ne l'eût levé de table qu'avec peine lorsqu'il était plein ; mais lui, le levait sans gêne. »
Examinons d'abord dans ces détails qu'est-ce que le poète entend par percé de clous d'or, et ensuite ce que peuvent être ces quatre anses, car Asclépiade de Myrlée, qui a écrit sur le vase de Nestor, dit
« que les autres vases n'ont que deux anses. »
En outre, comment placer deux pigeons prenant leur nourriture autour de chaque anse, [488b] et dans quel sens le poète a-t-il dit qu'il y avait deux fonds à ce vase? Observons en outre cette particularité, savoir que d'autres ne levaient ce vase qu'avec peine, tandis que Nestor, très âgé, le levait sans peine ».
Après avoir proposé ces questions, Asclépiade examine comment il faut entendre ces clous qui étaient fichés :
« Quelques-uns disent qu'il faut supposer les clous réellement fichés par dehors dans la matière même du vase d'argent, selon l'art de ceux qui s'occupent de ces ouvrages, et qu'on appelle empaiste. C'est ainsi que le sceptre d'Achille était orné de têtes de clous.
« Il parla ainsi tout en colère, et jeta à terre son sceptre, où il y avait des clous fichés. »
Il paraît en effet que les clous y étaient fichés, comme il y en a aux massues, et comme en était ornée la poignée de l'épée [488c] d'Agamemnon.
« Il se passa le baudrier de son épée sur l'épaule : or, cette épée était ornée de clous d'or éclatants ; mais le fourreau n'était qu'en argent. »
Asclépiade ajoute :
« Appelles le ciseleur nous montra, sur quelques ouvrages de Corinthe, comment on posait ces clous. C'était une petite éminence qu'on faisait sortir en bosselant avec le ciseau, et qui semblait former, en demi-relief, de petites têtes de clous. Le poète dit que ces clous y étaient fichés, non qu'ils y eussent été véritablement ainsi posés par dehors en les fichant, [488d] mais parce qu'ils paraissaient seulement l'avoir été de cette manière, en s'élevant un peu au-dessus de la superficie du vase. »
(77) « Quant aux anses, voici comment on les explique : Il avait deux anses en haut comme les autres vases à boire (poteeria), mais ensuite deux autres des deux côtés, au milieu même de la courbure du ventre, et petites comme celles qu'on voit aux seaux Corinthiens; mais Appelles a ainsi démontré ingénieusement la position des quatre anses. Il part du fond, comme d'un tronc commun qui s'y trouve, deux branches qui s'élèvent en forme d'anse de chaque côté opposé, en se divisant cependant chacune, [488e] mais sans que les deux divisions de chaque côté s'éloignent beaucoup l'une de l'autre; c'est ainsi que ces branches s'élèvent jusqu'au niveau du bord au-dessus duquel elles montent un peu, conservant toujours leur division en s'éloignant du vase ; mais à leur extrémité, où elles viennent s'appuyer sur le bord, les divisions de chacune des deux branches se rapprochent pour se réunir; voilà comment de deux anses, savoir une de chaque côté, il en résulte quatre. Quoique l'on ne voie pas cette forme sur tous les vases, elle se rencontre cependant sur quelques-uns; surtout aux vases qui ont pris leur nom de Seleucus, ou les seleucides. »
[488f] « Voici comment quelques-uns résolvent la question qu'on fait sur les deux fonds. Il est des vases qui ont un fond formé avec tout le corps; tels sont les cymbions (gondoles}, les phiales et autres de l'espèce des phiales, ou coupes plates ; d'autres en ont deux, comme les Oooscyphes, les cantharions, les seleucides, les carchèses et semblables. Tous ceux-ci ont d'abord un fond fait avec le corps du vase ; ensuite il y en a un autre qu'on ajoute. Celui-ci commence par une circonférence étroite, et va se terminer par une plus large sur laquelle pose le vase à boire : [489] tel était, dit-on, le vase de Nestor. »
On peut encore supposer ainsi deux fonds l'un qui serve comme à porter tout le volume du vase. Il s'élève en prenant à mesure qu'il monte une circonférence plus grande; de sorte que l'autre partie de ce même vase entre, par une conférence un peu plus petite, dans l'intérieur du bord qui se trouve plus large, vu que cette seconde partie du vase a son fond terminé en se rétrécissant; ainsi le vase à boire sera soutenu sur deux fonds.
Denys de Thrace, dit-on, se fit à Rhodes une nestoride avec l'argent que ses disciples fournirent entre eux. [489b] Promathidas d'Héraclée, exposant la forme qu'y donna Denys, rapporte que c'était un scyphus ayant les anses appliquées comme ce que nous appelons anses dans un navire à deux proues, et que les pigeons étaient près de ces anses ; en outre, qu'il y avait sous ce vase comme deux rhopalia placés obliquement selon sa longueur. Tel est selon lui le sens de duo hypopythmenes. On voit encore actuellement à Capoue, ville de la Campanie, un semblable vase consacré à Diane, et que l'on dit avoir appartenu à Nestor. [489c] Il est d'argent, et l'on y a incrusté en lettres d'or les vers d'Homère dont il s'agit.
(78) Voilà, dit Asclépiade de Myrlée, ce que je voulais raconter sur ce vase.
Les anciens, qui, les premiers, ont appris aux hommes à quitter la vie sauvage pour prendre une nourriture plus douce, s'étant persuadés que le monde était rond,et prenant des idées claires d'une rotation continuelle, d'après la forme du soleil et de la lune, crurent aussi devoir donner à tout ce qui servait à la vie une forme analogue à celle de l'espace infini qui embrassait la terre. C'est pourquoi ils ont donné une forme ronde à la table, aux trépieds consacrés aux dieux, [489d] aux gâteaux qu'ils leur offraient, et qu'ils parsemaient d'étoiles, les appelant en même temps lunes. Ils ont appelé le pain artos, qui veut dire parfait, parce que de toutes les figures, le cercle est la seule parfaite dans toutes ses parties. Ils ont aussi fait le vase à contenir les aliments liquides, de forme ronde, à l'imitation du ciel. Celui de Nestor avait même quelque chose de plus particulier, car on y voyait des étoiles qu'Homère compare à des clous, parce que les astres ressemblent à des clous fichés dans le ciel, comme le dit Aratus dans ce vers :
[489e] « Car toutes ces figures sont toujours fixes au ciel, lorsque la nuit s'avance. »
L'attention du poète se fait encore plus remarquer en ce qu'il ajoute des clous d'or sur le corps du vase qui était d'argent, figurant ainsi les astres et le ciel parles différences mêmes de leur couleur particulière, car on voit qu'il représente le ciel par l'argent, et les astres par l'or qui en désigne la lumière ignée.
(79) En outre, après avoir figuré le vase de Nestor parsemé d'astres, il passe aux étoiles fixes les plus importantes pour les hommes, en ce qu'elles leur indiquent ce qui concerne essentiellement la vie; je veux dire les pléiades, [489f] car lorsqu'il dit :
« Deux peleiades étaient distribuées entre chaque anse. »
Il ne l'entend pas de peleiades, que quelques-uns prennent ici pour les oiseaux que l'on appelle pigeons ; ce qui est une erreur. En effet, Aristote dit que peleiade est autre chose que peristera. Or, le poète dit ici peleiades pour pléiades, selon l'apparition desquelles se font ou les semailles, ou la moisson, la germination et la récolte des fruits de la terre, comme le dit Hésiode;
« Lorsque les Pléiades, filles d'Atlas, se lèvent, commence la moisson, et mets-toi au labour lorsqu'elles se couchent. »
[490] Aratus dit aussi, v. 269 :
« Quoiqu'elles soient en petit nombre, et peu brillantes, elles ont cependant beaucoup de célébrité. Elles se lèvent pour faire leur révolution le matin et le soir : c'est ainsi que Jupiter l'a établi, en leur ordonnant d'indiquer l'été, l'hiver, et le temps du labourage. »
On voit donc que le poète a mis très à propos, sur le vase d'un homme aussi expérimenté que Nestor, les pléiades en demi-relief, comme indiquant la germination et la maturité des fruits de la terre. D'ailleurs, ce vase était propre à mettre l'une et l'autre nourriture. [490b] C'est pourquoi il dit ailleurs que les peleiades portent l'ambroisie à Jupiter.
« On ne voit approcher de là ni des volatiles, ni les peleiai trembtantes; qui portent l'ambroisie à Jupiter. (Odyss. 12, 62.) »
Or, il ne faut pas croire qu'il s'agit de pigeons (peleiades) qui portent l'ambroisie à Jupiter, comme plusieurs se le sont imaginé ; ce qui ne serait pas digne de sa majesté ; mais il faut l'entendre des pléiades. En effet, il convient particulièrement aux pléiades, qui indiquent les saisons aux hommes, de porter l'ambroisie à Jupiter. Aussi le poète les distingue-t-il des volatiles.
[490c] « On ne voit approcher de là ni des volatiles, ni les peleiai. »
D'ailleurs, ce qui prouve que le poète l'a entendu des pléiades comme les plus renommées des constellations, c'est qu'il les nomme les premières en comptant les autres (Iliad 18, 486).
« Il y mit aussi tous les signes célestes qui couronnent le ciel, savoir; les Pléiades, les Hyades, le terrible Orion, et l'Ourse qu'on appelle aussi le Chariot. »
[490d] Ainsi nombre d'écrivains se sont abusés en pensant qu'il s'agissait ici d'oiseaux ; d'abord parce que le poète ajoute la lettre e en employant le mot poétique peleiai ; ensuite parce qu'il leur donne l'épithète de treeroones, tremblantes, ou timides, qu'ils ont regardée comme particulière aux colombes, oiseau naturellement timide, à cause de sa faiblesse, car le mot trein et eulabesthai signifient craindre ; mais ce n'est pas sans raison que le poète a donné cette épithète aux Pléiades, car les fables nous apprennent qu'elles prirent la fuite devant Orion, lorsqu'il poursuivit leur mère Pleïone.
(80) [490e] Quant au changement par lequel les Pléiades sont appelées Peleiai et Peleiades, on le retrouve dans plusieurs autres poètes.
Mœro de Byzance est la première qui a bien saisi l'idée des vers d'Homère, lorsqu'elle écrivait, dans son ouvrage intitulé la Mémoire, ou Mneemosyne, que c'étaient les Pléiades qui portaient l'ambroisie à Jupiter. Cratès, le critique, s'étant approprié l'idée de cette femme, a publié, comme lui appartenant à lui-même, ce qu'elle avait dit. Simonide a aussi dit Peleiades pour Pléiades dans ce passage-ci :
[490f] « Puisse t'être aussi favorable, Mercure belliqueux, ce fils de Maïa aux beaux cheveux ; mais Atlas engendra la magnifique espèce de sept filles chéries, aux cheveux noirs lesquelles se nomment Peleiades. »
Le poète appelle donc ici distinctement Peleiades, les Pléiades, filles d'Atlas. Pindare en use de même :
« Il convient qu'Orion ne soit pas, dans sa marche, éloigné des Peleiades oriai. ( Nem. od. 2., str. 3. ) »
En effet, Orion est près de la constellation des Pléiades. C'est pourquoi la fable dit qu'elles fuient devant Orion avec leur mère Pleïone. Pindare les appelle oriai au lieu d'ourai, en négligeant u ; cette épithète leur est donnée par ce qu'elles sont sur la queue (ourâ) du taureau.
[491] Mais Eschyle parle encore plus clairement en faisant allusion à ce nom, en conséquence de l'identité des termes :
« Mais les sept filles renommées d'Atlas étaient affligées du fardeau énorme de leur père, fardeau qui était la voûte même du ciel, où les Peleiades sans ailes font voir pendant les nuits les formes de leurs apparitions. »
Or, le poète les dit ici sans ailes, pour les distinguer des pigeons qui ont avec elles de commun le mot peleiades ; mais voici comment Moero en parle dans ses vers ;
[491b] « Le grand Jupiter était nourri dans l'île de Crète, sans qu'aucun des dieux le sût, et il prenait de l'accroissement dans tous ses membres. Des Treeroones l'alimentaient dans un antre divin, lui apportant de l'ambroisie qu'elles allaient prendre dans les flots de l'Océan; mais un grand aigle, continuellement occupé de puiser du nectar à un rocher, apportait en volant ce breuvage, dans son bec crochu, au prudent Jupiter. Dès que ce dieu eut vaincu son père Saturne, il donna l'immortalité à cet aigle, et le fit habiter dans l'Olympe : il accorda aussi ce même bonheur aux treeroones Peleiades [491c] qui annoncent l'été et l'hiver. »
Simmias dit aussi dans sa Gorgone :
« Les Peleiai, rapides coursières de l'air, approchaient. »
Posidippe écrit, dans sa pièce intitulée la Débauche:
« Les Peleiai froides ne se couchent pas encore à l'approche de la nuit. »
Lamproclès, le poète dithyrambique, dit expressément, dans le passage suivant, que cette constellation a le même nom que les colombes privées.
« Et vous qui avez le même nom que les Peleiades (pigeons) volantes, arrêtez-vous sous le ciel. »
L'auteur du poème sur l'astronomie, attribué à Hésiode, les nomme toujours Peleiades.
[491d] « Mais les mortels les appellent Peleiades. »
Et le même dans un autre endroit :
« Les Peleiades d'hiver se couchent. »
Il dit encore :
« Pendant que les Peleiades sont cachées. »
On peut donc croire sans difficulté qu'Homère a donné poétiquement le nom de Peleiades aux Pléiades.
(81) Après avoir donc démontré que c'étaient les Pléiades qui étaient en relief sur le vase de Nestor et à chaque anse, on peut supposer deux choses, c'est-à-dire, ou considérer ces Pléiades sous la forme d'oiseaux, ou sous forme humaine ornée d'étoiles qui les accompagnaient; mais lorsque le poète dit : elles étaient distribuées en or autour de chaque anse, [491e] il ne faut pas entendre qu'il y en eût deux à côté de chaque division des anses, car il s'en serait trouvé huit ; mais l'une et l'autre des anses se partageant en deux pour se réunir ensuite à leurs extrémités, le poète a pu dire chacune en tant que toutes les divisions des anses formaient quatre branches. S'il n'avait considéré que le point où les divisions se réunissaient à l'extrémité de leur élévation ; il se serait servi du mot hekateron, qui signifie l'une et l'autre. Ainsi lorsqu'il dit deux (doiai) peleiades d'or étaient distribuées à chaque (hekaston), et deux étaient hypopythemenes,
[491f] il faut entendre qu'il y avait une peleiade seulement à l'une et l'autre division des deux anses, et il se sert du mot doiai en tant que ces peleiades étaient réunies et accolées deux de chaque côté opposé en regard, car le mot doioi, masculin, ou doiai, féminin, se dit en arithmétique, tantôt du nombre binaire seulement, comme dans cet exemple-ci :
« Deux trépieds et dix talons d'or,»
Ou dans cet autre :
« Deux serviteurs. »
Tantôt de deux choses qui sont jointes, ou réunies dans le sens de double, comme dans cet exemple-ci:
« Il se retira sous un petit arbre double, formé de deux qui s'étaient accrus ensemble, savoir; un lentisc et un olivier. »
[492] Ainsi les peleiades, qui étaient sur les anses, se trouvèrent avoir été au nombre de quatre.
(82) Après avoir parlé des deux peleiades qui étaient distribuées sur chaque anse, le poète ajoute :
« Dyo d'hypopythmenes eesan. »
« Il y avait deux hypopythmenes. »
Il ne faut pas entendre hypopythmenes de deux fonds, ni lire le mot grec en deux parties, hypopythmenes, comme Denys le Thrace ; mais on lira sans séparation, de sorte qu'on l'entende des peleiades. Ainsi l'idée du poète est qu'il y avait quatre peleiades aux anses et deux au-dessous du fond du vase, de manière qu'il fût appuyé sur deux, comme sur une base qui le soutenait. Si d'ailleurs elles n'y étaient en tout qu'au nombre de six, c'est parce qu'on n'en voit que six. Elles sont cependant sept, comme le dit Aratus dans ce passage :
« Elles marquent ou suivent sept chemins en avançant, très célèbres parmi les hommes ; on n'en aperçoit cependant que six : malgré cela, jamais un astre ne s'est anéanti au ciel de manière qu'on n'en ait plus eu connaissance, et nous, nous ne l'avons pas ouï dire depuis que nous sommes nés : c'est à tort qu'on l'a dit. On a toujours assuré qu'elles étaient précisément au nombre de sept, quoiqu'on n'en voie que six. »
[492c] Le poète a donc supposé convenablement dans la structure du vase un relief qui représentait ce qu'on voit aux astres, et l'on est persuadé qu'il avait cette constellation en vue lorsqu'il dit, en parlant de Jupiter :
« Aucun volatile n'approche de là, ni les Peleiai timides qui portent l'ambroisie à Jupiter; mais un rocher poli en enlève toujours une : d'un autre côté, Jupiter en supplée une autre pour compléter le nombre ; Odyss. 12, 62. »
[492d] Ainsi, lorsqu'il dit qu'une des pléiades était ôtée du nombre des six autres par la pointe, ou la rapidité de ces roches errantes, et que Jupiter en suppléait une autre pour compléter le nombre, il indique indirectement en style poétique qu'il n'en périt aucune de leur nombre, quoiqu'on n'en voie que six. En effet, on en compte et on en nomme expressément sept.
(83) Quant à ceux qui disent que le poète a pu convenablement supposer un relief de sept pléiades sur le vase, puisque leur fonction est d'indiquer seulement les aliments solides, il faut leur répondre que le vase qu'il appelle depas recevait également les aliments solides et fluides ; car le poète y prépare un cycéon, ou mélange. Or, le cycéon est un aliment [492e] fluide qui contient du fromage et de la farine dans son mélange, et le poète dit, dans le passage suivant, qu'on mêlait et buvait ainsi cela:
« Ecamède aux beaux cheveux leur prépara un cycéon ; mais auparavant elle leur dressa une table, à pieds bleus, bien polis ; ensuite elle posa dessus un vase d'airain, où elle mit de l'oignon propre à exciter à boire, du miel nouveau, et d'excellente fleur de farine : [492f] à côté, elle posa le magnifique depas (la coupe) que le vieillard avait apporté de chez lui. Cette femme qui avait un air de déesse, leur fit le mélange dans ce vase, en y versant du vin de Pramne, râpant du fromage avec une râpe d'airain, et saupoudrant le tout de farine qu'elle y agita : dès qu'elle eut préparé ce cycéon, elle le leur présenta à boire. »
(84) Le poète dit à cet endroit :
« Un autre n'aurait levé de place ce vase qu'avec peine lorsqu'il était plein ; [493] mais Nestor, quoique vieux, (ho geroon) le levait sans peine. »
Mais il ne faut pas entendre ici allos, autre, seulement de Machaon et de Nestor ; ce qu'ont cru plusieurs écrivains, qui, mettant ici hos, dans le sens de ho, écrivent ainsi le vers précédent qu'ils appliquent au seul Machaon :
« Mais lui (all' hos) ne pouvait le lever de table qu'avec peine,»
S'imaginant que le mot mogeoon avec peine ne désignait ici que Machaon, parce qu'il avait été blessé; mais il sera démontré ailleurs que Machaon, selon Homère même, n'a pas été blessé. D'ailleurs, ils ignorent qu'Homère, pour dire autre, ne se serait pas servi d'allos en parlant seulement de Machaon, de Nestor, car ce sont eux deux qui boivent ; il aurait employé le mot heteros, [493b] dont on se sert selon l'usage, en parlant de deux, comme dans ce passage :
« Apportez un agneau mâle blanc; un autre, femelle noire. »
En outre, Homère n'emploie même jamais le relatif hos, pour l'article ho le, et ce qui est bien opposé, il emploie l'article ho le, dans le sens du relatif hos, comme dans ce vers :
« Là était Sisyphe qui (ho) fut le plus rusé de tous les hommes. »
On peut donc supposer qu'il manque la particule tis, quelqu'un, dans le vers d'Homère. Le sens serait complet en écrivant allos men tis mogeoon.
« Un autre quelconque n'aurait levé ce vase, de table, qu'avec peine, lorsqu'il était plein ; [493c] mais Nestor le levait sans peine. »
Alors c'eût été dire :
« Tout autre homme ne levait ce vase de table qu'avec peine, tandis que Nestor le levait facilement, sans peine et sans souffrir de représenter Nestor dans son grand âge, plus vigoureux que Diomède, Ajax, et même qu'Achille, qui étaient présents. Ainsi, après avoir exposé ce qu'on lui reproche, nous allons justifier le poète en usant d'une transposition dans les mots. En effet, ôtons le mot geroon du milieu de ce vers hexamètre :
« Pleion eon, Nestor d', ho geroon, amogeeti aeiren, »
et plaçons-le au commencement du vers précédent, après allos men, de cette manière :
« Allos men geroon mogeoon apokincesaske trapezees .
[493d]
« Pleion eon ; ho de Nestoor aponeeti aeiren. »
On voit donc qu'en construisant ainsi,
« le vieux Nestor paraît être le seul, parmi les autres vieillards, en état de lever ce vase sans peine. »
Telles sont les réflexions que fait l'admirable lytique Sosibius pour justifier Homère.
[493f] C'est ce même Sosibius dont le roi Ptolémée Philadelphe se moqua fort ingénieusement à cause de ces solutions si vantées et autres semblables. Sosibius en recevait une pension ; mais Ptolémée fit venir un jour ses trésoriers, et leur ordonna de dire à Sosibius, lorsqu'il se présenterait pour recevoir cette pension, tu l'as reçue. Celui-ci ne tarda pas à la venir demander; aussitôt on lui dit: Mais on te l'a payée, et l'on s'en tint là. Sosibius va droit au roi, se plaint de ses trésoriers : [494] Ptolémée les fait venir en leur ordonnant d'apporter en même temps les registres sur lesquelles étaient écrites les pensions qu'il faisait. Le roi prend ces registres, y jette les yeux, et lui dit aussi : Mais tu as été payé. Or, voici comment : Il y avait plusieurs noms écrits sur ces registres, entre autres Soteere, Sosigène, Bion, Apollonos, Dion. Ptolémée, regardant ces noms, lui dit :
« Eh bien, admirable interprète, prends la première syllabe so de Sotère, la seconde si de Sosigène, la première bi de Bion, et la dernière os d'Apollonos, tu trouveras qu'en réunissant ces syllabes, selon ton ingénieuse critique, cela fait ton nom, et que tu as reçu ce que tu demandes ; car pour me servir des termes d'Eschyle, [494b] tu te trouves pris là par tes propres plumes, non par celles d'autrui, en ne t'occupant que de solutions futiles, et dont il ne résulte aucun avantage. »
(86) HOLMOS.
C'est le nom d'un vase à boire (poteerion) fait en forme de petite corne. Ménesthène le rappelle ainsi dans le liv. 4 de ses Politiques :
« Une albatane torse et un holmos d'or. Or, l'holmos est un vase à boire (poteerion) fait comme une petite corne à peu près de la hauteur d'une coudée. »
(87) OXYBAPHON.
On donne, dans l'usage ordinaire, ce nom à ce vase qui sert à mettre le vinaigre ; mais c'est aussi le nom d'un vase à boire (poteerion) dont Cratinus fait mention dans sa Pytine :
[494c] « Comment donc le faire cesser de boire ? oh ! je le sais ; je vais briser tous ses conges, je renverserai, foudroierai ses barillets, et tous les vases qui servent à la boisson; il ne lui restera même plus un oxybaphe à verser le vin. »
Antiphane montre clairement, dans sa Mystis, que l'oxybaphe est une espèce de petit calice, de terre cuite. Il s'agit d'une vieille qui aimait à boire, et qui, voulant un grand calice, parle avec dédain d'un oxybaphe, comme d'un trop petit calice. [494d] Or, un autre acteur lui dit:
« A. Oui, je gagnerai cela sur toi. En effet, que ce calice a une forme attrayante ! par les dieux, il est digne de l'appareil brillant de la fête que nous célébrons. N'avons-nous pas assez bu de garum, ces jours derniers, dans des oxybaphes de terre? B. Ah ! mon enfant, puissent les dieux combler de bien l'ouvrier qui t'a fait, tant à cause de ta belle symétrie, que de ta solidité! »
Nous devons aussi prendre l'oxybaphe pour un vase à boire (poteerion), dans les Babyloniens d'Aristophane, [494e] lorsqu'il dit que les démagogues ou orateurs d'Athènes demandèrent deux oxybaphes à Bacchus qui allait plaider sa cause. Assurément on ne peut entendre ici ce mot que d'un vase à boire (ekpooma). En outre, l'oxybaphe que l'on posait, et dans lequel on lançait les latages en jouant au cottabe, ne pouvait être qu'un vase à boire d'une ouverture fort large. Eubule fait aussi mention l'oxybaphe, comme d'un vase à boire, dans sa Meunière :
« ... et avoir bu sans mesure dans l'oxybaphe commun : ensuite le vin jura qu'il n'était que de vrai vinaigre ; et le vinaigre, de son côté, jurait [494f] qu'il était plutôt du vin que l'autre. »
(88) OINEESTEERIA.
Pamphile dit que ceux qui vont se tondre les cheveux de certaine partie de la tête, présentent à Hercule, dans un de ses temples, un grand vase à boire (poteerion) plein de vin, lequel vase se nomme oineesteeria, et après en avoir fait des libations ils en donnent à boire à ceux qui y sont venus en même temps.
ONYX.
Pamphile, dans ses Termes Attiques, donne le mot onyx pour le nom d'un vase à boire (poteerion) de bois.
(89) PANATHEENAIKON.
Posidonius le philosophe fait mention de certains vases à boire, ainsi nommés. [495] Voici ce qu'il dit, liv. 36 de ses Histoires :
« Il y avait des scyphes d'onyx et de grandeur à tenir deux cotyles, de très grands panathénaiques de deux conges, et même d'autres qui tenaient davantage.»
PROARON.
Selon Pamphile, au mot proarois, c'est le nom d'un crater de bois dans lequel les Athéniens mêlent le vin qu'ils boivent.
(90) PELIKAI.
Callistrate donne ce vase pour un calice, dans ses Commentaires sur les Femmes Thraces de Cratinus. Cratès dit, dans son second livre du Dialecte Attique:
« Les conges se nommaient pelikai, comme nous l'avons dit. Quant à la forme du vase, elle fut d'abord semblable [495b] à celle des panathénaïques, et alors on appelait ceux-ci pelikai. Ensuite la pelike eut la forme de l'œnochoée, ou vase à verser le vin, tels que sont ces vases qu'on présente à la fête, et qu'on appelait olpee, servant à verser le vin, à table, comme le dit Ion de Chio dans ses Eurytides :
« Vous élevez la voix bien fièrement en puisant le vin dans vos petits tonneaux avec des olpes. »
Mais à présent cette espèce de vase devenu d'un usage religieux à certain point, ne se présente plus que lors de la fête. Celui dont on a admis l'usage est fait de manière à ressembler surtout à une arytaine, et nous l'appelons congé. D'un autre côté, Clitarque dit qu'à Byzance, à Corinthe, en Chypre, on appelle olpe une fiole, et qu'en Thessalie c'est l'aiguière qui a ce nom.
PELICHNA.
Selon Seleucus, c'est le nom que les Béotiens donnent au calice ; mais selon les Commentaires d'Euphronius, c'est le nom du conge.
(91) PELLA. PELLIS. PELLEETEER.
C'est le nom d'un vase ayant le fond plus large, analogue au scyphus, et dans lequel on trait le lait. Homère en parle :
« Comme les mouches qui font entendre un murmure dans une étable autour des peliai bien pleines de lait. »
Mais Hipponax dit pellis.
« Buvants dans une pellis, n'ayant pas de calice, [495d] car le valet s'étant laissé tomber l'avait brisé. »
Il montre clairement, je pense, qu'il n'y avait pas là de vase à boire (poteerion), mais qu'on se servit de pellis faute de calice. Il dit encore ailleurs :
« Ils buvaient dans une pella, et l'un portait la santé avec elle ; l'autre la portait avec une arytaine, »
Phénix de Colophon se sert du mot pellis pour désigner la phiale, dans ses Iambes :
« Car Thalès qui était le plus utile des citoyens, et, selon la renommée, [495e] beaucoup meilleur que les autres hommes, reçut la pellide d'or. »
Il dit dans un autre passage :
« Il fait avec une pellis des libations de piquette à la terre, en tenant le vase des doigts mutilés de son autre main, et tremblant tel qu'un vieillard sans dents qu'il est, au centre d'une litière. »
Selon les Gloses de Clitarque, les Thessaliens et les Éoliens donnent le nom de pelletere au vaisseau qui sert à traire ; mais Philétas dit que les Béotiens appellent ainsi le calice.
(92) PENTAPLOA.
Philochore fait mention de ce vase, liv. 2. de son Attique. [495f] Aristodème rapporte, §. 3 de son ouvrage sur Pindare, qu'à Scirrhes, sur le chemin qui mène à Athènes, les jeunes gens de l'âge de puberté disputaient entre eux le prix de la course, ayant à la main, pendant qu'ils couraient, une branche de vigne garnie de son raisin, branche qu'on appelle oschos. Or, la longueur de la course est depuis le temple de Bacchus, jusqu'à celui de Minerve scirrhade, et celui qui remporte la victoire reçoit le calice qu'on appelle pentaploos ; alors il se livre à la joie avec le chœur auquel il donne un repas. [496] Ce calice a eu le nom de pentaploa, parce qu'on mélait ces cinq choses : du vin, du miel, du fromage, de la farine et un peu d'huile.
PETACHNON.
C'est le nom d'un vase à boire très large, dont Alexis parle dans sa Dropis. Son témoignage a été cité dans ce qui précède. Aristophane dit, dans les Drames qu'on lui attribue :
« Tous ceux qui sont là dedans vident les petachnes à l'envi. »
(93) PLEEMOCHOEE.
C'est le nom d'un vase de terre fait en toupie, et qui ne tient pas trop bien sur son pied. Quelques-uns le nomment cotylisque, selon Pamphile. On s'en sert à Éleusis le dernier jour de la célébration des mystères, jour qui en a pris le nom de plemochoes, selon Pamphile, [496b] parce qu'on emplit alors deux conges qu'on élève, l'un à l'orient, l'autre à l'occident; puis on les vide en les renversant avec quelques paroles mystiques qu'on y joint. L'auteur du Pirithoüs, soit Critias, l'un des trente tyrans d'Athènes, soit Euripide, en fait ainsi mention :
« Afin que nous versions en avant avec des paroles de bonne augure ces plemochoees dans cette ouverture de la terre. »
PRISTIS.
Il a été dit précédemment à l'article du batiaque, que pristis était le nom d'une espèce de vase à boire, poteerion.
(94) PROCHYTEES. PROCHOÏS.
C'est le nom d'une espèce de vase à boire (ekpoomatos), [496c] comme le dit Simariste, §. 4 de ses Synonymes. Ion de Chio en parle dans ses Élégies :
« Que les servantes, chargées de verser le vin, nous en mêlent un cratère dans des prochytes d'argent. »
Philétas, dans ses Atactes, dit que c'est un vase de bois dont les paysans se servent pour boire. Alexandre en fait mention dans sa pièce intitulée Tigoon.
Mais Xénophon, liv. 8 de sa Cyropédie, appelle prochoïdes certains calices. Voici le passage ; il s'agit des Perses :
« Il était défendu par leurs lois de porter des prochoïdes aux repas; [496d] sans doute afin qu'en ne buvant pas trop, le corps et l'esprit fussent moins exposés à être abattus. Or, c'est un usage qui subsiste encore chez eux. Néanmoins ils boivent tant qu'au lieu d'y porter de ces vases, ce sont eux-mêmes qu'on en rapporte, car ils ne peuvent se soutenir assez pour en sortir. »
PROUSIAS.
Il a déjà été dit précédemment que c'est un vase à boire droit sur sa base; mais [496e] Nicandre de Colophon, liv. 4 des Évènements arrivés à Prusias, raconte que ce vase eut son nom de ce roi de Bithynie, si fameux par sa vie voluptueuse et sa mollesse.
(95) RHEONTA.
C'est ainsi qu'on appelait certains vases à boire : poteeria. Astydamas en fait mention dans ce passage de son Hermès.
« D'abord deux cratères d'argent, mais cinquante phiales et dix cymbions; douze rhéontes, dont dix d'argent, mais les deux autres d'or, et l'un de ceux-ci était un griphon, l'autre un pégase. »
RHYSIS.
C'était le nom d'une phlale d'or, selon Théodore. Cratinus dit, dans ses Lois:
« Faisant des libations avec une rhysis . »
RHODIAS.
Diphile fait mention de ce vase dans son Preneur de Villes, corrigé ; [496f] mais Callimaque nomme cette pièce de Diphile l'Eunuque. Voici donc ce qu'il dit:
« Boire même un peu plus que ne contiennent les rhodiaques ou les rhytes. »
RHYTA.
Dioxippe, dans son Phiargyre, et Aristote, dans son Traité de l'Ivresse, font mention des rhytes. Lyncée de Samos écrit, dans ses Lettres,
(97) « rhyton a l'y bref, et on le marque d'un accent aigu. »
Démosthène nomme, dans son Discours contre Midias, des rhytes, des cymbions et des phiales. Diphile dit, dans son Eunuque, ou le Soldat, pièce retouchée après avoir été donnée sous le nom de Preneur de pailles :
[497] « Il y a lieu de répondre que plusieurs boiront assurément plus que ne contiennent les rhodiaques, ou les rhytes. »
Epinicus écrit, dans ses Supposées:
« A. Il faudra boire aujourd'hui, pendant un temps prescrit, trois rhytes des plus grands qu'il y ait. B. Mais il me semble qu'avec un peu de temps j'en viderais bien deux. A. Eh ! c'est un éléphant ! B. Quoi ! tu mènes avec toi un éléphant? [497b] B. Oh ! c'est un rhyte qui tient deux conges, et qu'un éléphant ne boirait pas. A. Mais je l'ai déjà bu. »
Voici ce qu'il dit encore ailleurs du rhyte :
« A. C'est Bellerophon qui, monté sur Pégase, perça de traits la chimère jetant le feu par les narines. B. Soit : prends maintenant ce (rhyte). »
Le rhyte se nommait d'abord keras. Il paraît que ce vase fut d'abord fait par ordre du roi Ptolémée Philadelphe, pour servir d'ornement aux statues qui représentoient Arsinoé. [497c] En effet, elle y porte de la main gauche ce rhyton plein de tous les fruits de la saison ; les artistes ayant voulu montrer que cette corne est encore mieux fournie que celle d'Amalthée. Théoclès en parle ainsi dans ses Ithyphalles :
« Nous tous, les ouvriers, nous avons offert aujourd'hui les sacrifices pour le salut de notre roi chéri, chez lequel je vais me rendre avec eux après avoir bu plein cette corne. »
Denys de Sinope, comme je l'ai dit ci-devant, a fait mention du rhyton, en donnant le détail de quelques vases dans sa Sozuse. [497d] Hédyle parle, dans ses Épigrammes, du rhyton qu'avoit fait le mécanicien Ctésibius :
« Vous qui aimez à boire le vin pur, venez au temple chéri de Zéphyre; voyez-y le rhyton de la belle Arsinoé : c'est le beeza même égyptien, qui appelle à la danse pendant que la liqueur passe comme un filet par la source rétrécie, et fait entendre un son aigu : le signal de la guerre se fait aussi entendre avec un cornet d'or, qui est le signe des plaisirs et de la table, comme l'a imaginé le roi du Nil, lui qui a su tirer des eaux divines de ce fleuve une mélodie particulière à sa patrie, et chérie de ceux qui sont initiés aux sacrés mystères. [497e] Mais rendez hommage à cette ingénieuse découverte de Ctésibius. Venez donc jeunes gens à ce temple d'Arsinoé. »
Théophraste écrit, dans son Traité de l'Ivresse, que le vase nommé rhyton ne se donne qu'aux héros ; et selon Dorothée le Sidonien, les rhytons sont semblables à des cornes, percées par l'extrémité, de sorte qu'on boit avec ces vases la liqueur qui en tombe comme un filet d'eau qui sort d'une source, et que c'est de cet écoulement (rhysis) qu'ils ont eu leur nom.
[98] SANNAKRA.
Cratès rapporte, liv. 5 de son Traité du Dialecte Attique, que sannakra est le nom d'un vase à boire (ekpooma), mais d'usage chez les Perses. [497f] Philémon, après avoir fait mention des batiaques dans sa Veuve, et plaisanté sur le ridicule de ce nom, ajoute :
« Des sannacras, des hippotragelaphes, de petits batiaques, des sannakies, ou petits sannacres. »
SELEUKIS.
Il a été dit précédemment que ce vase à boire (ekpooma) avait eu son nom du roi Séleucus, au rapport d'Apollodore d'Athènes. Polémon, liv. 1 de l'ouvrage qu'il adresse à Adée sur les vases, dit que la séleucis, le rhodias et l'antigonis sont assez semblables.
[498] SKALLION.
C'est chez les Éoliens le nom d'un très petit calice avec lequel ils offrent les libations, comme le dit Philétas dans ses Atactes.
SKYPHOS.
(99) Quelques-uns terminent le génitif de ce mot par s, disant skyphous, mais ils n'ont pas raison à tous égards; car lorsque ce mot est pris comme masculin, tel que lychnos, lumière, nous devons le prononcer sans s, au génitif, et dire scyphou, mais lorsqu'on le fait neutre, et décliné comme teichos, muraille, au génitif teichous, il prend s, et fait to scyphos, tou skyphous. Quant aux Attiques, ils font ce mot masculin, ou neutre; mais Hésiode écrit skyphos, liv. 2 de sa Mélampodie :
[498b] « Marès vint chez lui en messager diligent lui apporter la nouvelle; aussitôt il emplit de vin un skypphos d'argent, et le présente au roi. »
Il parle encore de même ailleurs:
« Et alors le prophète détacha le lien, aidé des mains de Bias; mais. Iphiclus fut aussitôt à sa poursuite, et le serra de près. Phylacus, qui d'une main tenait un skypphos, ayant pris son sceptre de l'autre, envoya aussi derrière lui ses serviteurs, en leur disant:.... »
Anaximandre dit pareillement skypphos, dans son Herooologie:
[498c] « Mais Amphitryon ayant partagé le butin à ses compagnons de guerre, et gardant le skypphos qu'il lui avoir pris ».
Et dans un autre endroit
« Mais Neptune donne ce skypphos à Teleboès, son fils ; Teleboès le donne à Ptérélas, à qui Amphitryon le prit, puis il s'en alla par mer. Anacréon emploie le même mot. »
« Mais moi, tenant le skypphos tout plein, j'en bus un peu en portant la santé à Erxion qui avait une aigrette blanche. »
Or, le poète dit ici : j'en bus, exepinon, dans le sens de proepinon, car le mot propinein signifie proprement présenter le vase à un autre, afin qu'il le vide le premier. On voit Ulysse dans Homère:
[498d] « Présenter à Arête un vase amphycupelle qu'il lui met en main ; Odyss. 13, vers 57. »
Et dans l'Iliade :
« Ayant empli la coupe de vin, il salua Achille en la lui présentant. »
Car on emplissait le vase tour-à-tour pour se porter la santé avec quelques expressions d'honnêteté.
Panyasis écrit aussi skypphos, liv. 3 de son Héradée :
« Après avoir mêlé plein un grand crater tout brillant d'or, il y puisa plusieurs scyphes (skypphous}, et but une liqueur très agréable. »
Euripide a fait skyphos masculin dans son Eurysthée :
« Et un long scyphe (skyphos te makros). »
Achée en use de même dans son Omphale :
[498e] « Mais le scyphe (ho skyphos) du dieu m'appelle.»
Simonide dit aussi au masculin :
« Un scyphe à anses (skyphon ouathenta). »
Mais Ion dit au neutre dans son Omphale:
« Il n'y a pas de vin dans le scyphe (skyphei):
formant ainsi cet ablatif du neutre nominatif skyphos.
Épicharme dit de même au neutre dans son Cyclope :
« Çà, verse dans les cyphe (skyphos) : »
Alexis écrit aussi au neutre dans sa Leucadie :
« A des lèvres de vieillards un grand scyphe (skyphos). »
Épigène dit, dans sa Bacchia, ou Fureur bachique :
« J'eus du plaisir à recevoir le scyphe (skyphos}. »
Phédime écrit, liv. i de son Héraclée:
« Un scyphe (scyphos) de bois, large, et plein d'un vin pur exquis. »
[498f] Aristophane de Byzance lit ce mot au neutre dans ce vers d'Homère :
« Ayant donc empli le scyphe, avec lequel il buvait, il le lui présenta; Odyss. 14, vers 112. »
Mais Aristarque le lit au masculin, skyphon.
Asclépiade de Myrîée le fait neutre dans son Commentaire sur la Nestoride :
« Aucun des citoyens, même d'une médiocre fortune, ne se servait, à la ville, de scyphe (skyphei), ni de cissybion; ce vase était réservé aux porchers, aux pâtres, et aux gens de la campagne, comme Eumée,
« Qui ayant empli de vin un scyphe (shyphos) avec lequel il buvait, le présente à ( Ulysse ). »
Alcman fait ce mot masculin dans le passage suivant:
[499] « Souvent sur les cimes des montagnes, lors de la fête bruyante des dieux, tu avais à la main un vase d'or, qui était un grand scyphe (skyphon megan), comme en ont les hommes qui gardent les troupeaux, et au milieu des divertissement léontiques tu errais, après avoir fait cailler un grand fromage, sans apprêt, et blanc. »
Eschyle écrit skyphooma dans ses Perrhèbes :
« Que sont devenus ces nombreux présent, et ces prémices des dépouilles des ennemis? où sont ces scyphômes faits en or et en argent? »
Stésichore appelle coupe scyphion le vase à boire qui était chez le centaure Pholus ; ce qui équivaut à en forme de scyphe ; mais en parlant d'Hercule, il dit :
[499b] « Prenant une coupe skyphion, qui tenait environ trois lagynes, il but tout d'un trait ce vin qu'il lui avait mêlé. »
Archippus a aussi employé ce mot au neutre dans son Amphytrion.
LAGYNON.
(100) On dit que ce mot désigne certaine mesure ancienne chez les Grecs, comme le conge et la cotyle, et contenant douze cotyles Attiques. C'est aussi, dit-on, la même mesure qu'on nomme le lagane à Fatras. Mais Nicostrate écrit le lagynos au masculin dans son Hécate :
[499c] « Combien grands sont ces lagynes qu'on nous a mesures ? »
Il dit encore ailleurs au masculin :
« Quelques-uns font le lagjne de trois conges. »
Et dans un autre passage :
« Apporte-nous ce lagyne qui est plein. »
Et dans sa pièce intitulée le Lit :
« Ce lagyne est bien mal placé près du vinaigre. »
Diphile écrit, dans ses Sauvés :
« Bonne vieille, j'ai te lagyne vide, mais le sac plein. »
Lyncée de Samos écrit, dans sa Lettre à Diagoras :
« Je sais, Diagoras, que pendant ton séjour à Samos, tu t'es trouvé plusieurs fois aux repas que je donnais, où chacun avait sur table son lagyne pour se verser à boire à son gré dans ce vase que je faisais servir à chaque convive ».
[499d] Mais Aristote dit, dans son Histoire du Gouvernement de Thessalie :
« LesThessaliens disent la Iagyne au féminin. »
Rhianus le poète épique en use de même dans ses Épigrammes.
« Archine, cette Iagyne contient réellement moitié poix à enduire les rames, et moitié vin. Quant au chevreau, je n'ai pas vu de viande plus délicate; ainsi, Hippocrate qui l'a envoyé mérite toute sorte d'éloges. »
Diphile a cependant fait ce mot neutre dans ses Adelphes :
[499e] « Oh ! le fripon, qui peut même, ayant un lagynion caché sous l'aisselle, aller où l'on goûte le vin, et le vendre jusqu'à ce qu'il rencontre enfin un tavernier qui soit trompé par le vendeur de vin, comme on l'est ordinairement dans un repas où chacun paie son écot. »
Quant au pluriel lagynois, que Stésichore présente dans sa Géryonide, et au vase qu'il a dit (précédemment) être de la mesure de trois lagynes, ces expressions laissent toujours les trois genres de ce mot indécis.
Ératosthène écrit que quelques-uns font les mots petasos et stamnos féminin ; mais le mot skyphos a été pris du mot suivant scaphis.
SKAPHIS.
(101) Celui-ci est pareillement un vase rond de bois, propre à mettre du lait, ou le lait-clair, [499f] comme il est dit dans Homère :
« Tous ces vases, tant les gaulos, que les scaphis, dans lesquels il trayait, étaient si pleins de lait clair qu'il coulait de ces vases faits pour cet usage. »
D'autres déduiront peut-être le mot skyphos de skythos, parce que les Scythes boivent toujours outre mesure. J'observe d'ailleurs que Hiéronyme de Rhodes dit, dans son Traité de l'Ivresse, skythisai pour methysai, [500] s'enivrer. Enfin, les lettres phi et theeta se mettent l'une pour l'autre comme identiques.
Mais par la suite on fit des scyphes de terre et d'argent, à l'imitation de ceux de bois. Ce fut en Béotie qu'on fit les premiers, et ceux qu'on nomma scyphes héracléotiques eurent particulièrement la vogue, en ce qu'Hercule, Béotien de naissance, s'en servit dans ses expéditions. Voilà pourquoi quelques-uns les ont appelés héracléotiques ; mais ils sont un peu diflférens des autres, car on voit sur leurs anses ce qu'on a appelé nœud d'Hercule. Bacchylide fait mention des scyphes béotiens dans ce passage, où il adresse la parole aux Dioscures, en les invitant à venir loger chez lui.
[500b] « Il n'y a chez moi, ni des boeufs, ni de l'or, ni des tapis de pourpre ; mais j'ai un cœur bienfaisant, une muse agréable, et de charmant vin dans des scyphes béotiens, »
Après les scyphes béotiens, les plus renommés furent ceux de Rhodes, faits de la main de Damocrate ; après les Rhodiens, ceux de Syracuse eurent quelque renommée.
Seleucus dit que les Épirotes appellent un scyphe kyrtos, mais les habitants de Méthymne disent skythos pour skyphos, selon ce que rapporte Parménon dans son Traité du Dialecte.
[500c] Dercyllidas, Lacédémonien, fut surnommé Skythos, comme le dit Éphore, liv. i 8 ; voici le passage :
« Les Lacédémoniens envoyèrent Dercyllidas en Asie, en place de Thimbron, ayant su que les Barbares de l'Asie ne font rien qu'avec tromperie et astuce ; c'est pourquoi ils l'envoyèrent, pensant qu'il ne serait nullement trompé, car il n'avait rien de cette franchise Spartiate; au contraire, c'était un homme rusé et féroce en même temps ; ce qui l'avait fait surnommer Skythos à Lacédémone. »
Voici ce que raconte Amyntas, liv. i de son ouvrage sur les Stations de l'Asie, en parlant de ce qu'on appelle miel aérien :
« Après avoir cueilli cela avec les feuillages, ils l'arrangent en masse comme des figues de Syrie ; d'autres en font des globules, et lorsqu'ils veulent s'en servir, ils font tomber ce miel des brins de bois dans des vases à boire de bois, qu'ils appellent tabaïtes, y versent de l'eau peu à peu, le passent et le boivent. Cela ressemble» à du miel qu'on boirait après l'avoir délayé; mais c'est en même temps beaucoup plus agréable que celui-ci ( que le miel ). »
TRAGELAPHOS.
C'est ainsi qu'on appelle certains vases à boire (poteeria), comme on le voit [500e] dans ce passage de la Coniate d'Alexis :
« Des cymbions, des phiales, des tragelaphes, des calices. »
Ménandre, dans son Pécheur, dit:
« Des tragelaphes, des labroonios. »
On lit dans le Mélakolloomène d'Eubule :
« Mais il y a cinq phiales, deux tragelaphes. »
Ménandre dit, dans son Pécheur :
« Des tragelaphes, des labroonios. »
Antiphane en parle dans ce passage de sa Chrysis, ou Coupe d'or :
« Quant au jeune marié saproploute, il avait, dit-on, nombre de talents, des esclaves, des intendants, différents attelages, des chameaux, des tapis, force argenterie, des phiales, des trières, des tragelaphes, des carchèses, des gaulos d'or massif, des vaisseaux sur mer : [500f] or, par gaulos il faut entendre des cades, selon le langage de tous les amateurs de franches-lipées. »
TRIEEREES, ou TRIRÈME.
Epinicus a montré, dans ses Supposées, que trière était le nom de certain vase à boire (ekpoomatos) ; mais nous en avons cité la preuve précédemment.
HYSTIAKON.
C'est le nom de certain vase à boire (poteerion) ; Rhinton le nomme dans son Hercule:
« Tu avalas dans un hystiaque un elatère fait de farine pure et de grain moulu. »
(103) PHIALEE.
Lorsqu'Homère dit :
« Il posa une phiale amphithète, apyroote ; »
et ailleurs :
« Une phiale d'or et une graisse double »
[501] Il n'entend pas parler d'un vase à boire (poteerion), mais d'un vase d'airain très large, analogue à un chaudron, ayant peut-être deux anses de chaque côté.
Parthénius, disciple du grammairien Denys, entend par amphithète que la phiale n'avait pas de fond. Apollodore, l'Athénien, dit, dans son Petit exposé du Cratère, que le mot amphithète indique que la phiale ne pouvait se poser, ni se tenir sur son fond, mais qu'il fallait la poser sur la bouche même du vase. D'autres pensent que, comme on dit amphiphooreus d'un vase qu'on peut porter par les anses, il faut prendre amphithète pour une phiale à deux anses. [501b] Selon Aristarque, c'est une phiale qu'on peut poser de chaque côté, tant sur le fond que sur la bouche ou le bord. Denys, surnommé le Thrace croit qu'amphithète désigne une phiale dont le contour s'étendait (amphitheousan) en forme circulaire.
Mais Asclépiade de Myrlée s'explique ainsi ;
« On a dit phiale en changeant d'élément littéraire pour pialee, mot qui répond à piein halls, boire suffisamment, vu que ce vase contient une dose suffisante de boisson; car elle est plus grande que le poteerion. La phiale amphithète et apyroote était celle qu'on avait battue et formée à froid, et qu'on ne mettait pas au feu. [501c] Comme le poète distingue ailleurs entre chaudron qui va au feu et celui qui n'y va pas; »
c'est ainsi qu'il dit :
« Et un chaudron brillant qui n'allait pas au feu, valant un bœuf. »
« Il entend peut-être ici un chaudron destiné à mettre l'eau froide, de sorte que la phiale fût semblable à un chaudron de cuivre très large, et faite pour recevoir aussi l'eau froide. Quant à l'épithèté amphithetos, signifierait-elle ici que le vaisseau avait deux bases, une de chaque bout? ou la préposition amphi a-t-elle le sens de peri, qui désigne l'excellence, la perfection d'une chose ? de sorte qu'en disant amphithète le poète aurait voulu indiquer que ce vase était travaillé avec beaucoup d'art, et en perfection : car les mots poieesai et theinai étaient synonymes chez les anciens dans le sens de faire. [501d] Le poète peut aussi avoir eu intention de dire que cette phiale se posait tant sur ses bords que sur son fond. Or, cette double position qu'on pouvait donner aux phiales était la conséquence de la forme qu'avaient ces anciens vases chez les Ioniens. C'est ainsi qu'à Marseille on pose même actuellement les phiales sur leur bord. »
(104) Cratès parle de phiales faites en forme du dôme des bains, dans ses Servantes Fugitives.
« Prenez ces phiales balaneiomphales. »
Ératosthène dit, liv. II de son Traité sur la Comédie, que ce mot n'a pas été inconnu de Lycophron. Il est vrai que la rondeur du ventre de ces phiales, et les dômes des bains sont semblables, et qu'on peut assez bien les comparer par allusion. Appion et Hérodore disent :
[510e] « Certaines phiales dont la convexité ressemble à une passoire. »
Mais selon ce que dit Asclépiade de Myrlée sur Cratinus, on donne l'épithète de balaneîomphale à ces phiales, parce que leur convexité et celle des dômes des bains sont semblables. Didyme, disant la même chose, cite le témoignage de Lycophron, selon lequel ces phiales ont eu cette épithète de leur ressemblance avec la convexité des baignoires des femmes, d'où l'on retire l'eau avec des vaisseaux nommés scaphies.
Timarque, §. 4 de son Commentaire sur la Mercure d'Eratosthène, dit que [501f] ce mot a été introduit par allusion aux bains d'Athènes, qui sont de forme ronde, et ont des égouts à leur milieu couvert d'une calotte de cuivre.
Ion dit, dans son Omphale :
« Ça, vierges, apportez des coupes et des mesomphales. »
C'est ainsi qu'il appelle les balaneiomphales, dont Cratinus fait mention.
« Prenez ces phiales balaneiomphates. »
Théopompe dit aussi dans son Althée (althaia ) :
[502] « Prenant une phiale mésomphale d'or, pleine de vin, et que Teleste a nommée akrate. »
Théopompe, supposant, ainsi, que Téleste a nommé akrate cette phiale, mais Phérécrate, ou l'auteur de la pièce des Perses qu'on lui attribue, a dit:
« ( Il donna ) à tous des couronnes et des phiales omphalootes d'or. »
CHRYSIS.
(105) Les Athéniens appellent argyrides les phiales. d'argent, et chrysides celles d'or.
[502b] Phérécrate parle ainsi de la phiale d'argent dans ses Perses:
« Mais toi, où portes-tu cette argyride ? »
Cratinus fait mention de la chryside dans sa pièce intitulée les Lois .
« Il écrivit en faisant des libations avec une chryside, et en donnant à boire aux serpents. »
Ermippe dit, dans ses Cercopes :
« Il but du vin plein une chryside ronde comme la pleine lune, et ensuite il déroba ce vase. »
Fragment que rendent les deux exemplaires de l'abréviateur, tel que Casaubon l'a copié sans le traduire.
« Il y avait aussi une phiale qui se nommait balanoote, sous le fond de laquelle étaient appliquées des astragales, ou osselets. »
« Seucus rapporte qu'il y avait à Délos un palmier fait en cuivre, dont les Naxiens avoient fait l'offrande, et des phiales d'or en forme de noix Anaxandride appelle phiales de mars ces espèces de vases à boire (poteeria ). Les Éoliens désignent les phiales par le nom arakis. »
(106) « PHTOIS. »
« C'est le nom de larges phiales ombiliquées à leurs anses. Eupolis en parle :
« Étant tombé avec des phtdides omphalootes. »
« Ce mot se trouve écrit ici avec le circonflexe sur la pénultième phthoisi ;il fallait un aigu sur la dernière phthoisi, comme dans karsi, les cariens (ablatif) ; paisi, les enfants; phtheirsi, les poux.»
« PHILOTEESIA. »
« C'était le nom d'un calice qu'on buvait en saluant quelqu'un particulièrement comme ami, selon ce que dit Pamphile. Démosthène dit aussi :
« Il porta la santé de l'amitié, ou la philoteesie. »
Alexis écrit :
« En particulier, je te porte la santé de l'amitié, la phitoteesie, mais en commun nous nous portons la santé les uns aux autres. »
« On appelait aussi philoteesion le repas que l'on faisait entre amis. Aristophane rappelle aussi le philoteesion. »
« L'ombre du cadran est déjà de sept pieds ; c'est à ce point qu'elle indique le souper, de sorte que le temps philoteesios ou de la phitoteesie m'appelle. »
« Mais c'est à cause de l'usage de boire en portant cette santé que le calice a été appelé philoteesia, comme dans la Lysistrate :
« Déesse Peitho, ou de la persuasion, et toi calice philoteesie!»
« CHONNOI. »
« C'était chez les Gortyniens le nom d'une espèce de vase à boire de cuivre, et semblable au thériclée ; il fallait que celui qui enlevait un jeune garçon fît présent d'un tel vase à ce mignon, selon le rapport d'Hermonax. »
« CHALKIDIKA. »
« Ces vases à boire (poteeria) étaient peut-être ceux qui se faisaient à Chalcis, ville de Thrace, et qui ont eu de la vogue. »
Fin du Fragment de l'Épitomé.
(107) CHYTRIDIA.
... et Alexis dans son Bâtard:
« Quant à moi, après avoir versé quatre chytrides de vin pur, pour boire la santé du roi Ptolémée et de sa soeur, je bus en reprenant haleine chacune des quatre chytrides, avec autant de plaisir qu'on puisse jamais boire du vin mêlé avec égale quantité d'eau; [502c] et pourquoi ne me livrerai-je pas à la joie, vu leur bonne intelligence, et même sans lumière dans un jour si brillant ? »
Hérodote rapporte, liv. 5 de ses Histoires, que les Argiens et les Éginètes avoient porté une loi en vertu de laquelle il était défendu de rien employer, aux sacrifices, qui fût de l'Attique, ni même aucun vase de terre ; elle défendait encore aux citoyens de boire chez euxà l'avenir dans d'autres vases que dans des chytrides de leur pays.
Méléagre le cynique parle aussi des chytrides dans son Banquet : voici le passage :
« Pendant ce temps-là, il lui donna une furieuse santé à porter, savoir douze chytrides profondes. »
(108) PSYGEUS, ou PSYKTEER.
Platon écrit, dans son Banquet :
[502d] « Çà! valet dit-il, donne ce psyktère. Or, il voyait bien qu'étant empli il tenait plus de huit cotyles. Dès qu'il l'eut donc empli, il le but le premier; ensuite il ordonna qu'on en versât autant à Socrate. Archébule tâchant de traîner la conversation, l'esclave qui versait le vin, renversa fort à propos le psyktère plein. »
Alexis dit, dans son Oikisomène :
« Un psygée de trois cotyles. »
Dioxippe écrit, dans son Philargyre :
« Il reçut d'Olympichus six thériclées, et ensuite deux psyktères.»
[502e] On lit dans la pièce de Ménandre, intitulée Chalkeia :
« Selon la coutume actuelle, ils demandaient à grands cris du vin pur ; quelqu'un leur porta la santé avec le grand psyktère, et on enterra ces malheureux. »
Epigène, qui fait le dénombrement de plusieurs vases à boire (poteeria) dans son Héroïne, parle ainsi du psygée.
« Prends des esclaves avec toi, et fais-leur apporter ici le thériclée et les rhodiaques; mais tu apporteras seul le psyktère, le cyathe et les cymbions. »
Strattis dit, dans ses Psykastes :
« L'un après avoir volé un psyktère, l'autre un cyathe de cuivre, restent-là fort inquiets, quoique dévorant ce qu'il y a dans la cotylis et le chenix en même temps. »
[502f] Alexis, dans son Hippisque, se sert du diminutif psykteridion, en ces termes:
« J'allai à l'auberge au-devant de cet étranger ; c'était un homme « d'une grande voracité. Je dis à mes valets (car j'en avais amené deux avec moi ) de tenir mes vases à boire bien propres, et de les mettre en parade. Il y avait un cyathe d'argent, des « vases à boire (ekpoomata) du poids de deux dragmes, et un cymbion qui en pesoit quatre ; [503] un psykteere du poids de deux oboles, et plus mince même que Philippide. »
(109) Héracléon d'Éphèse dit :
« Quelques-uns appellent psykteerias le vase que nous nommons psygée ; mais les Attiques plaisantent au théâtre sur le mot psygée, comme étant étranger. Voici à ce sujet un passage d'Euphorion pris de son Apodiduse:
« A. Mais lorsque tu appelleras psygée un psyktère, de la betterave, teullon, au lieu de seutlion ; de la lentille, phakos, au lieu de phakee. [503b] P. Eh ! que faudra-t-il faire? car je crois avoir bien dit. A. Il faudra Pyrgothèmis, payer le change de tes mots que nous ne recevons pas, comme on le paie pour l'or monnayé qui n'a pas de cours. »
Antiphane dit aussi dans ses Chevaliers :
« A. Comment donc allons-nous vivre désormais ! une selle à cheval, ephippion, est actuellement un stroome, une couverture,un élégant bonnet en cône, pilos, est un charmant psyktère. B. Que veux-tu ! la corne d'Amalthée est tout ce qu'on veut. »
Il montre clairement, dans sa Carnée, que ceux qui versaient le vin se servaient de psyktère pour cyathe, car après avoir dit :
« Le valet ayant servi un trépied, un cadde et un psyktère de vin, il s'enivre.»
Il faire dire à la suite au même personnage.
[503c] « On va bien mieux boire ! si donc quelqu'un vient nous dire il n'est plus permis de se servir de cyathe, puisque nous avons un cadde et un psyhlerion à notre disposition. Eh bien ! lui dirons-nous, prends tout le reste, et emporte-le. »
Mais Denys, fils de Tryphon, dit, dans son Traité des Noms, que les anciens appelaient le psygée, dinon. Selon Nicandre de Thiatire, on appelait aussi psyktères les bocages et les lieux ombragés consacrés aux dieux, et dans lesquels on pouvait prendre le frais. Eschyle dit, dans ses Jeunes gens :
« Les lézards dans les lieux ombragés et frais, psyktheriois. »
[503d] Euripide dans son Phaéton:
« Les frais branchages nous réuniront sous leurs bras aimables. »
Celui qui a écrit l'Aegimion, soit Hésiode, soit Cercope de Milet, dit :
« Chef des peuples, ce sera là que nous irons prendre le frais. »
(110) OoDOS.
C'est ainsi, dit Tryphon, dans son Traité des Noms, qu'on appelait le vase à boire qu'on donnait pour la récompense du scolie, comme Antiphane le fait voir dans ses Diplasies.
« A. Qu'y aura-t-il donc pour les dieux? B. Rien du tout; [503e] à moins que quelqu'un ne leur mêle à boire. A. Tiens, prends cet Oodos ; mais ne vas pas nous entonner quelqu'une de ces vieilles chansons, telles que le Télamon, le Pœoon, l'Harmodius. »
OoSKYPHIA.
Asclépiade de Myrlée parle de la forme de ces vases à boire, dans ce qu'il a écrit sur le vase de Nestor. Selon lui,
« l'Ooschyphion avait deux fonds, l'un formé avec le vase même ; l'autre inférieur, qui est ajouté, fait d'abord une base étroite, dont les côtés montent en s'élargissant, [503f] et se terminent par un bord plus large sur lequel est posé le premier fond du vase. »
OON, œuf.
Dinon écrit, liv. 3 de son Histoire de Perse (ou de ses Choses de Perse), le potibaze est un pain d'orge et de froment cuit au four, une couronne de Cyprès, et dû vin mêlé dans un œuf d'or avec lequel le roi boit.
(111) Plutarque, ayant donné tous ces détails sur les vases, ne cessa qu'avec les applaudissements de tous les convives. Alors il demanda une phiale, et faisant des libations aux Muses et à Mnémosyne leur mère, il porta la santé philoteesie, ou de l'amitié, ajoutant avec Pindare :
[504] « Qui prenant une phiole, dans laquelle pétille le jus de la vigne, la présentera d'une main libérale (non seulement) au jeune époux, en lui portant la santé, mais encore à tous ceux qu'on chérit le plus? »
A ces mots, il donna la coupe à l'esclave, lui ordonnant de la passer à la ronde, et disant que c'était-là ce qu'on appelait boire à la ronde; en même temps, il cita ce passage de la Perinthia de Ménandre.
« Cette vieille ne laisse pas passer un seul calice ; mais elle boit à la ronde (comme les autres . »
Il cita même ce passage de la Theophoroumène ; Enthousiaste :
« Et sans différer, il leur passe encore à la ronde un verre (poteerion) de vin pur. »
[504b] Euripide rappelle aussi cette expression dans ses Crétoises :
« Du reste, réjouis-toi, pendant que le calice court à ta ronde. »
Mais le grammairien Léonidas demanda un plus grand poteerion, en ajoutant :
« Çà, mes amis, cratérisons » pour buvons: c'est ainsi, selon Dysanias de Cyrène, qu'Hérodore désignait la boisson. Voici le passage :
« Après avoir offert le sacrifice, ils passèrent au souper, aux cratères, aux prières et aux pœons. »
L'auteur des Mimes, que Platon avait toujours dans les mains, selon Duris, écrit :
« Et nous avons cratérisé,
pour
« Et nous avons bu. »
Mais, par les dieux ! [504c] dit Pontien, vous avez tort de boire avec de grands verres (poteerion), ayant sous les yeux l'agréable et charmant Xénophon, qui parle ainsi dans son Banquet :
« Mais Socrate répartit : Messieurs, j'approuve sans doute qu'on boive; en effet, le vin qui nous arrose l'âme assoupit les chagrins, comme la mandragore fait le corps; mais d'un autre côté, il ranime la gaîté, comme l'huile la flamme. Cependant, il me semble qu'il en est du corps de l'homme comme des productions végétales ; [504d] lorsque l'atmosphère abreuve celles-ci d'une trop grande quantité d'eau, elles peuvent à peine s'élever, et être pénétrées de l'air suffisant à la raréfaction et à la coction de leurs principes. Si, au contraire, elles ne prennent d'humidité que ce qu'il leur en faut, elles s'élèvent avec force, et après les fleurs elles parviennent au terme de la fructification ; de même si nous introduisons trop de boisson dans notre corps, il s'abat promptement, et l'esprit tombe avec lui; de sorte que., loin de pouvoir rien dire, à peine avons-nous la faculté de respirer; mais si les valets ne nous arrosent qu'à petits. verres (kylix), quoique souvent, pour me servir des termes du Gorgias, [504e] loin d'être forcés de nous enivrer, nous ne tendrons que par une persuasion attrayante vers les charmes du plaisir.
(112) Que l'on considère donc ce que dit ici l'élégant Xénophon, et l'on reconnaîtra facilement quelle pouvait être la cause de la jalousie que l'illustre Platon avait contre lui. Peut-être aussi ces deux grands personnages n'ont-ils eu originairement d'autre motif de jalousie que le sentiment qu'ils avoient l'un et l'autre de leurs talents éminents; talents qui leur faisaient sans doute ambitionner à l'envi le premier rang. C'est ce que nous avons lieu de présumer non seulement de ce qu'ils ont chacun écrit sur Cyrus, mais encore de ce qu'ils se sont proposé de traiter un sujet qui était le même.»
En effet, l'un et l'autre ont écrit un Banquet : l'un en proscrit les joueuses de flûte, l'autre les y admet. [504f] En outre, comme on l'a vu précédemment, l'un dissuade de boire dans de grands vases, l'autre produit Socrate comme buvant jusqu'à l'aurore avec un grand psyktère. D'ailleurs, Platon dans son Traité de l'Âme, ceux qui se trouvaient auprès (de Socrate), ne parle pas de Xénophon. Quant à Cyrus, Xénophon dit qu'il avait été instruit, dès son enfance, de tous les usages et des lois de la patrie; mais Platon, comme pour le contredire, s'exprime ainsi dans son troisième livre des Lois :
[505] « Pour moi, je présume que Cyrus était du reste un brave général, et un bon citoyen; mais qui n'avait pas reçu ce qu'on appelle une heureuse éducation, et qui jamais ne s'étoit appliqué au gouvernement des affaires domestiques. Il paraît qu'il fit ses premières armes dès sa,tendre jeunesse, et qu'il laissa l'éducation de ses enfants aux femmes. »
De plus, Xénophon, qui était allé en Perse avec le jeune Cyrus à la tête de dix mille Grecs, et qui avait été bien instruit de la trahison du Thessalien Ménon, dit qu'il fut la cause de la mort [505b] de Cléarque que Thissapherne fit périr, et nous dépeint le caractère de ce Thessalien qu'il nous donne pour un homme dur et impudent. Platon, de son côté, ne dit pas expressément que ce rapport est faux; mais il fait de grands éloges de cet homme, lui qui a pour habitude de calomnier si ouvertement, qui proscrit Homère de sa république, et toute poésie imitative, tandis qu'il écrit des dialogues imitatifs, dont cependant la première idée ne lui appartient pas; car c'est Alexamène de Téos qui a imaginé cette espèce de discours, comme le rapportent Nicias de Nicée, et Sotérion. [505c] Aristote s'exprime ainsi à ce sujet, dans son ouvrage sur les Poètes :
« Ne pouvons-nous pas dire que les Mimes rythmiques de Sophron sont des discours familiers et des imitations de ce qui se passe dans le commerce ordinaire de la vie ? et ne penserons-nous pas de même des premiers dialogues socratiques, écrits par Alexamène de Téos ? »
Le docte Aristote dit très clairement : je pense qu'Alexamène avait écrit avant Platon des dialogues de ce genre.
Platon calomnie encore Thrasymachus de Calcédoine, disant que c'était un sophiste bien semblable au nom qu'il portait. Il n'épargne [505d] pas plus Hippias, Gorgias, Parménide, ni plusieurs autres qu'il nomme dans son seul dialogue intitulé Protagoras. (Il compare les magistrats à des échansons, en ces termes, liv. 8 de sa République )
« Lorqu'une ville démocratique a une grande soif de la liberté, si elle a en même temps de mauvais échansons, et qu'elle s'enivre de vin pur, je pense, etc. »
(113) On rapporte que Gorgias, ayant lu le dialogue qui porte son nom, dit à ses amis : Ma foi, convenons que Platon entend bien l'art de la satire.
Ermippe, qui a écrit sur ce Gorgias, rapporte que lorsqu'il fut de retour à Athènes, après avoir consacré sa statue d'or à Delphes, Platon l'ayant aperçu, dit :
[505e] Oh ! voilà le beau Gorgias tout d'or qui est arrivé ; sur quoi celui-ci lui répartit : Oh ! voilà un bel et jeune Archiloque que la ville d'Athènes a produit!
D'autres disent que Gorgias, ayant lu le dialogue de Platon, assura, à ceux qui étaient avec lui, que jamais il n'avait rien dit, ni entendu dire rien de semblable à Platon. C'est pourquoi Timon écrivit fort à propos à ce sujet :
« Comme l'a imaginé Platon, ce grand maître dans l'art d'inventer des choses étranges. »
[505f] Quant à Parménide, son âge permet à peine de supposer que le Socrate de Platon ait jamais pu entrer en conversation avec lui, bien loin d'avoir dit de pareilles choses, ou de les avoir entendu dire ; mais ce qu'il y a de plus blâmable, est que Platon, sans y être engagé par aucun motif d'utilité, ait pu dire que Zénon, concitoyen de Parménide, en ait été le catamite. Il est pareillement impossible que Phaedre ait été contemporain de Socrate, bien loin d'en avoir été aimé. Paralus, [506] Xanthippus, fils de Périclès, morts de la peste, ne peuvent non plus avoir parlé avec Protagoras, lorsqu'il vint la seconde fois à Athènes, puisqu'ils étaient morts auparavant.
Il y a encore bien d'autres choses à dire sur Platon, et par lesquelles on prouverait que ses dialogues ne sont que des fictions.
(114) Or, qu'il ait été mal intentionné envers nombre de personnes, c'est ce que l'on voit par son dialogue intitulé Ion. D'abord, il y parle mal de tous les poètes, et de ceux qui étaient considérés du peuple, tels que Phanosthène d'Andros, Apollodore de Cyzique, sans omettre Héraclide de Clazomènes. Dans son Menon, ce sont les plus illustres [506b] citoyens d'Athènes qu'il déchire; Aristide et Thémistocle : il y loue au contraire Ménon qui avait trahi les Grecs. Dans l'Eutydème, il persifle d'une manière fort offensante cet homme ? et Dionysiodore son fils. Il les traite d'esprits lourds, uniquement portés à disputer; leur reprochant en outre d'avoir quitté Chio, leur patrie, comme des fugitifs, pour aller ensuite se fixer à Thurie. Dans son (Lachès), discours où il parle du courage, il attaque la réputation de Mélésias, fils de Thucydide qui s'opposa aux vues politiques de Périclès; Lysimachus, fils d'Aristide, surnommé le Juste : et il dit qu'ils déshonoraient la vertu de leurs pères.
[506c] Je ne juge pas à propos de produire ici ce que Platon dit d'Alcibiade dans son Banquet, et dans le premier des dialogues qu'il a fait sous le nom d'Alcibiade ; car le second Alcibiade passe pour être de Xénophon, et l'Alcyon pour être de Léon, philosophe académique, selon le rapport de Nicias de Nicée. Ainsi, je me tais sur ce qui concerne Alcibiade. Il n'est pas moins évident que Platon a traité le peuple d'Athènes de juge léger, sous une belle apparence; louant d'un autre côté les Lacédémoniens et les Perses ennemis de tous les Grecs. [506d] Il donne le frère d'Alcibiade et Nicias pour un fou, et ses fils pour autant de sots. Il appelle Midias ortygokope, et le peuple d'Athènes, gens à belle figure ou à belle apparence, mais qu'il faut considérer après les avoir déshabillés; on verra, dit-il, alors qu'ils ne sont recouverts que de l'éclat d'une beauté empruntée.
(115) Dans son Cimon, il accuse sans égard Thémistocle, Alcibiade, Miltiade et Cimon même son Criton présente une censure de Sophocle. Il blâme non seulement Gorgias dans le dialogue qui porte ce nom; il n'épargne même pas Archelaüs, roi de Macédoine, [506e] lui reprochant d'être de race ignoble, et d'avoir tué son souverain. Voilà donc ce Platon, que Speusippe dit avoir été très aimé d'Archelaüs, et la cause qui fit parvenir Philippe au trône. Or, voici ce qu'écrit Carystius de Pergame dans ses Commentaires historiques.
« Speusippe, ayant appris que Philippe parlait mal de Platon, écrivit une lettre dans laquelle il disait à peu près ceci : Comme si l'on ignorait que ce fut par le moyen de Platon que Philippe obtint la royauté. En effet, Platon envoya à Perdiccas Euphrée d'Orée, [506f] qui lui persuada de détacher une province en faveur de Philippe ; celui-ci y entretint des troupes. A la mort de Perdiccas, ayant des troupes toutes prêtes, il s'empara du gouvernement; Dieu sait si cela est bien vrai.»
Mais son charmant Protagoras ne se contente pas de censurer nombre de bons poètes et de personnages recommandables par leur sagesse, il persifle même la vie de Callias d'un ton plus mordant que les flatteurs d'Eupolis. Dans son Ménexène, il badine Hippias d'Élée, Antiphon de Rhamnuse, le musicien Lamprus ; [507] enfin, je n'aurais pas assez de la journée si je voulais rappeler ici tous ceux dont ce philosophe a mal parlé.
Je n'approuve cependant pas Antisthène, qui, après avoir invectivé plusieurs personnages, n'a pas épargné Platon ; il l'appelle même assez grossièrement Sathon, et a publié contre lui un dialogue sous ce titre.
(116) Mais voici ce qu'Hégésandre de Delphes écrit sur la malignité que Platon montra envers tout le monde:
« Après la mort de Socrate, la plupart de ses disciples réunis en manifestaient leur extrême douleur. Platon, qui était présent, prit alors une coupe (poteerion), [507b] et les exhortant à bannir leur tristesse, puisqu'il était en état de tenir l'école de Socrate, il porta la santé à Apollodore. — Je trouverais plus de plaisir, lui dit celui-ci, à prendre le poison de la main de Socrate, que le vin que tu me présentes à boire.
Platon passait pour fort envieux, et d'une conduite très équivoque. Il se moqua d'Aristippe, parce que celui-ci avait fait un voyage chez Denys de Syracuse, tandis que lui-même il s'était embarqué trois fois pour la Sicile, savoir; la première pour aller voir les torrents de lave qui coulait des gouffres de l'Etna, époque à laquelle il courut le plus grand danger, [507c] se trouvant avec Denys l'ancien; les deux autres fois ce fut pour aller voir Denys le jeune.
Eschine, qui était pauvre, n'avait que le seul Xénocrate pour disciple; mais Platon le lui enleva. Il fut même convaincu d'avoir dénoncé Phédon comme non libre, dans l'intention de le faire retomber dans la servitude. En général, il se comporta envers les disciples de Socrate avec tout le caractère d'une marâtre. C'est pourquoi Socrate, voulant faire connaître en plaisantant ce qu'il pensait de Platon, dit un jour en présence de plusieurs personnes qu'il avait eu un songe :
« Il me semble que Platon, devenu corneille, était sauté sur ma tête pour déchiqueter mon crâne chauve à coup de bec, et s'en emparer entièrement, en regardant tout autour. [507d] C'est ainsi, Platon, que tu me feras retomber bien des mensonges sur la tête. »
Outre que Platon était méchant, il avait une extrême vanité; car il a dit quelque part, le dernier vêtement que nous quittons à la mort est celui de la gloire, et c'est ce qu'il montra par ses dispositions testamentaires, la pompe de ses funérailles, et par sa sépulture, comme l'observe Dioscoride dans ses Commentaires : mais vouloir fonder une ville, lui donner des lois, ne conviendra-t-on pas que c'est être obsédé de l'amour de la gloire? On le voit manifestement par ce qu'il dit dans son Timée :
[507e] « Je me sens, dit-il, affecté à l'égard de ma république, comme le peut être un peintre qui desirerait voir toutes les figures de ses tableaux animées et en action. Je voudrais la même chose à l'égard des citoyens dont j'ai tracé le gouvernement. »
(117) Mais que dira-t-on des réflexions qu'il produit dans ses Dialogues, particulièrement sur l'âme qu'il représente comme immortelle, après sa séparation du corps? D'abord il n'est pas le premier qui ait pensé ainsi. Homère n'a-t-il pas dit que l'âme de Patrocle
« Était descendue * dans Vidées, pleurant sa destinée, en ce qu'elle abandonnait la jeunesse de son corps, et sa vigueur. »
Quand d'ailleurs Platon aurait eu le premier cette idée, je ne vois pas quelle utilité il nous en résulterait. [507f] Ainsi, en accordant que les âmes des morts prennent alors une autre nature, et s'élèvent à des régions plus hautes et plus pures, vu l'extrême légèreté qu'elles peuvent avoir, qu'en avons-nous de plus? En effet, si nous n'avons aucun souvenir de ce que nous étions précédemment, et si nous ne sentons plus que nous ayons jamais existé, de quel avantage est pour nous cette immortalité ?
Quant aux lois qu'il a imaginées, [508] et à la république qu'il avait déjà composée auparavant, quel effet ont-elles produit? Il fallait donc qu'il persuadât à quelques peuples de la Grèce d'en faire usage, comme Lycurgue le persuada aux Lacédémoniens, Solon aux Athéniens, et Zaleucus aux Thuriens : car, dit très bien Aristote :
« La loi est un discours déterminé par le consentement unanime de la ville, indiquant comment il faut faire chaque chose. »
Comment donc n'y aurait-il pas d'absurdité dans le procédé de Platon, puisqu'Athènes ayant produit trois législateurs, Dracon, Solon et Platon, les citoyens ont adopté les lois des deux premiers, [508b] et ont fait un badinage du dernier? On peut en dire autant de sa république. Qu'elle soit si l'on veut la meilleure de toute ; si elle ne nous engage pas à en adopter le plan, de quoi nous sert-elle? Il semble donc que Platon n'ait pas écrit de lois pour les hommes qui existent, mais pour ceux qu'il imagine; de sorte qu'il lui reste à chercher ceux qui voudront faire usage de ses écrits. Il devait donc n'écrire que ce dont il pouvait persuader les autres par la parole même, et ne pas agir comme ceux qui font des vœux, mais comme ceux qui profitent du présent.
(118) Mais sans nous arrêter davantage à ces écrits, parcourons son Timée, son Gorgias, [508c] et les autres dialogues de ce genre, où il traite des questions relatives aux mathématiques, à la physique, et à nombre d'autres sujets, nous ne trouverons assurément rien de si merveilleux chez lui. On pourra voir chez d'autres les mêmes choses, ou mieux traitées, ou au moins aussi bien.
En effet, Théopompe de Chio dit, dans son ouvrage sur l'École de Platon, que la plupart des dialogues de ce philosophe sont inutiles, et de purs mensonges; il ajoute que plusieurs, loin de lui appartenir, sont pris [508d] des Diatribes d'Aristippe, quelques-uns des écrits d'Antisthène, et le plus grand nombre tirés des écrits de Bryson d'Héraclée; mais pour ce qui regarde particulièrement le cœur de l'homme, c'est en vain qu'on y cherche ce qu'il promet ; on ne l'y trouve pas. Nous y voyons au contraire des festins, des discours sur l'amour, et très déplacés, qu'il a composés en se moquant d'avance de ceux qui les liraient, comme ont agi la plupart de ses disciples, gens portés à dominer sans réserve, et calomniateurs.
(119) Euphrée, étant en Macédoine auprès du roi [508e] Perdiccas, n'y a pas moins régné que ce prince; or, c'était un méchant homme, et un calomniateur. Il avait si fort refroidi tous les amis du roi, qu'il ne lui laissait plus pour convives que des géomètres et des philosophes. Voilà aussi pourquoi Parménion le rencontrant à Orée, lorsque Philippe fut sur le trône, le tua sans pitié, comme le rapporte Carystius dans ses Commentaires Historiques. Callippus d'Athènes, disciple de Platon, ami de Dion, [508f] et même son condisciple, étant parti avec lui pour Syracuse, crut s'apercevoir que Dion cherchait à s'emparer de la monarchie ; aussitôt il le tua : mais il fut tué lui- même, comme il cherchait à s'emparer à son tour de la souveraine autorité.
Si l'on en croit Eurypyle, Dioclèsde Cnide, liv. 21 de ses Diatribes, et l'ouvrage que Démocharès le rhéteur adresse à Philon, concernant Sophocle, il est vrai qu'Evagon de Lampsaque, ayant prêté de l'argent à intérêt à sa patrie, et reçu pour gage la citadelle de cette ville, voulut s'emparer de l'autorité souveraine, pendant qu'on différait de lui remettre cet argent ; mais les habitants de Lampsaque, s'êtant réunis contre lui, firent la somme, le payèrent, et le chassèrent.
[509] Timée de Cyzique, selon le même Démocharès, ayant distribué de l'argent et du bled à ses concitoyens, passa dans leur esprit pour un homme digne de toute leur considération; mais, sollicité par Aridée, il ne tarda pas longtemps à porter ses vues vers la souveraine autorité. Cité en jugement, convaincu et noté d'infamie, il resta dans la ville, où il passa ses vieux jours dans le déshonneur et l'opprobre.
Tels sont encore quelques philosophes de l'académie, gens qui vivent sans probité et sans honneur; car après avoir amassé beaucoup d'argent par leur friponnerie, et dominant sur les autres, contre le but de leur profession, ils ne se font de réputation que par leurs prestiges. C'est ainsi que s'est comporté Chaeron de Pellène, auditeur de Platon, et même de Xénocrate. Après avoir exercé sur sa patrie une cruelle tyrannie, non seulement il proscrivit les meilleurs citoyens, il donna même aux esclaves l'argent de ces maîtres, et leurs femmes pour épouses, seul avantage qu'il tira du beau système politique et des lois extravagantes de Platon.
(120) Voilà pourquoi Ephippe le comique se moqua, dans son Naufrage, de [509c] Platon lui-même, et de quelques-uns de ses auditeurs, comme d'autant de gens capables d'être de faux délateurs pour de l'argent, affectant un luxe somptueux, et ayant plus soin de paraître recherchés dans leur parure, que les débauchés de nos jours ; voici donc ce qu'il en dit:
« Ensuite se présenta (ou se leva) un élégant jeune homme de ceux de l'académie, et auditeur de Platon, vrai Bryson, aussi ami des disputes et de l'argent que Thrasymachus. Pressé par le besoin, il était toujours prêt à prendre la moindre récompense; [509d] cependant ayant assez de jugement pour parler avec réflexion. Il avait les cheveux toujours bien rasés, et laissait pendre avec grâce les masses de sa barbe épaisse qu'il ne faisait pas couper. Il mettait son pied dans son soulier, comme dans un moule, et se rendait la jambe fine en bas par les circonvolutions des bandes placées à égales distances et avec art, faisant d'ailleurs bien bouffer la draperie de sa chlamyde sur sa poitrine. Il avait un port respectable qu'il appuyait sur son bâton, cependant avec certain air étranger qui, ce me semble, n'est pas naturel aux gens de ce pays-ci : [509e] voilà, messieurs, ce qu'il annonçait. »
Mais finissons ici cette assemblée, mon cher Timocrate. Nous parlerons dans les détails suivants, des personnages fameux par leur vie molle et voluptueuse.
FIN DU LIVRE ONZIÈME.