Anthologie grecque
NOTICES BIOGRAPHIQUES ET LITTÉRAIRES SUR LES POÈTES DE L'ANTHOLOGIE.
ÉMILIEN DE NICÉE - EMPÉDOCLE D'AGRIGENTE - ÉPIGONE DE THESSALONIQUE - ÉRATOSTHÈNE - ÉRATOSTHÈNE LE SCHOLASTIQUE - ÉRINNE - ÉRYCIUS - ESCHINE - ESCHYLE - ÉSOPE - ÉTRUSCUS - ÉTIENNE - EUCLIDE - EUGÈNE - EUNOMIANUS - EUPHORION - EUPITHIUS - EURIPIDE - EUTOLMIUS - ÉVÉNUS - ÉVHODE - FRONTON - GABRIEL - GALLUS - GAURADAS - GÉMINUS - GERMANICUS CÉSAR - GÉTULICUS - GLAUCUS - GLYCON - GRÉGOIRE LE THÉOLOGIEN - HADRIEN - HÉDYLUS - HÉGÉMON - HÉGÉSIPPE - HÉLIODORE - HELLADIUS - HERACLIDE DE SINOPE - HERMODORE - HÉRODE ATTICUS - HÉRODICUS DE BABYLONE - HIPPIAS D'ÉLIS - HIPPON - HOMÈRE
ÉMILIEN
DE NICÉE, Αἰμυλιανὸς
Νικαιεύς.
Émilien
de Nicée, Aemilianus Niacaenus, devait être un écrivain d'origine
latine. Nous n'avons de lui que trois épigrammes. Rien n'y révèle le siècle
où il vécut, cependant, comme il parle d'objets d'art que Pline l'Ancien
mentionne aussi, cela donne à penser qu'il ne devait pas être d'une époque très
éloignée de celle du savant naturaliste.
Une de ces épigrammes, ῎Αβαλε
χειμερίου, IX, 218, est sur
un navire qui avait perdu en mer son équipage par la peste ou par la faim, Κωκυτοῦ
σκάφος. Elle est fort belle.
EMPÉDOCLE
D'AGRIGENTE, ᾿Εμπεδοκλῆς
᾿Ακραγαντῖκος.
Empédocle naquit à Agrigente, en Sicile, cinq cents ans environ avant notre ère, d'une famille illustre et opulente. Au lieu de briguer comme son aïeul et son père des victoires équestres et curules dans les jeux publics de la Grèce, il rechercha et obtint une gloire plus utile et plus durable comme poète, comme législateur, comme médecin et comme philosophe. Disciple de Pythagore ou plutôt de Télauge, son fils, il adopta en partie la doctrine du maître et pratiqua ses vertus, mais avec un peu trop de faste. A l'exemple des devanciers de Socrate, il fit une étude spéciale de la nature et de ses phénomènes. Dans son système, le monde se compose de quatre éléments : la terre, l'eau, l'air et le feu, dont il n'est pas bien sûr qu'il ne fît pas autant de divinités (1). Le feu joue le principal rôle, comme agent de la production et principe de la vie. Deux forces entretiennent l'harmonie, l'attraction (φιλία) et la répulsion (νεῖκος). La terre est maintenue au centre du monde contre sa nature par la révolution du ciel, comme la poussière et les corps plus lourds que l'air sont généralement maintenus au centre d'un tourbillon de vent. Le soleil est une masse de feu, plus grand que la lune et trois fois plus éloigné de la terre que cet astre. Quant à l'âme, elle parcourt différents cercles de nécessité, et revêt toutes sortes de formes de plantes et d'animaux. La transmigration des âmes a été le sujet d'un de ses principaux poèmes. Il y faisait l'histoire des divers changements qui lui étaient arrivés, d'abord fille, ensuite garçon, puis arbrisseau, oiseau, poisson, enfin Empédocle. Ce poème et celui des Persiques, ou la descente de Xerxès en Grèce, ainsi qu'un hymne à Apollon, lui assignèrent un des premiers rangs parmi les poètes de la Grèce. Ses vers furent chantés aux jeux olympiques avec ceux d'Homère et d'Hésiode. Comme médecin, sa réputation, justifiée par des cures merveilleuses, était telle, qu'à son entrée dans les villes on lui décernait des honneurs presque divins. Le surnom de devin et de magicien qu'on lui donna ferait croire qu'il avait le secret de quelques remèdes héroïques. Ce qui est certain, c'est qu' il avait des connaissances fort avancées en hygiène, et qu'il fit faire à ses frais de grands travaux d'assainissement. Ayant remarqué que les eaux de la rivière qui arrose Selinonte exhalaient une odeur fétide, cause de fièvres pestilentielles qui décimaient annuellement cette cité, il y amena les eaux de deux autres rivières, et par ce mélange neutralisa ces émanations morbides. Après de tels actes, on conçoit sa popularité et son influence. Il l'accrut encore en donnant à sa patrie de sages lois et une bonne constitution. Aussi la royauté lui fut-elle offerte ; mais il la refusa. Il était en effet plus qu'un roi, et pour ainsi dire un dieu. Vêtu de pourpre, couronné d'or, il ne marchait qu'escorté d'une foule de peuple qui célébrait ses bienfaits. Empédocle mourut à soixante ans, suivant Aristote ; suivant d'autres, à soixante-dix-sept ans et même cent neuf ans. Après un sacrifice, il disparut tout à coup pour laisser croire, dit-on, qu'il avait été ravi au ciel. Mais l'Etna ayant rejeté une de ses sandales, on sut par là qu'il s'était jeté dans un des gouffres du volcan. D'autres ont dit qu'il était mort d'une fracture de la jambe, d'autres enfin qu'il s'était noyé dans la mer. De tous ses ouvrages, il ne reste que quelques fragments de poésies recueillis par MM. Sturz (2) et Peyron (3) et trois épigrammes conservées dans l'Anthologie : l'une, Παυσανίαν ἰατρὸν ῎Αρκωνα, VII, 508, sur le médecin Pausanias, fils d'Archytas, que revendique Simonide ; l'autre, ῎Ακρον ἰατρὸν ῎Ακρωνα, Appendice, 21, sur Acron, médecin d'Agrigente, son ennemi ; la troisième, ῎Ηδη γάρ ποτ' έγω, IX, 569, qui est moins une épigramme qu'un fragment de poème. Il est à remarquer que, dans les deux premières épigrammes, le poète joue sur les noms de Παυσανίας et de ῎Ακρων avec plus de facétie que de goût, et qu'en somme ces petits poèmes ne sont nullement en rapport avec l'idée qu'on se fait du génie d'Empédocle.
(1)
Cicéron, de Nat. deorum, I, 1.
(2) Empedocles, Carminum reliquiae,
Lipsiae, 4805.
(3) Empedoclis et Parmenidis fragmenta,
Lipsiae, 1810.
ÉPIGONE
DE THESSALONIQUE, ᾿Επίγονος
Θεσσαλονικεύς.
Épigone
de Thessalonique ne nous est connu que par l'épigramme,῎Η
πάρος
εὐπετάλοισιν,
IX, 261, sur une vieille vigne, qui porte son nom et n'a rien de remarquable,
sinon qu'elle est assez en harmonie avec une autre épigramme, sur Laïs
vieille, ῾Η
τὸ πάλαι Λαίς,
IX, 260, que lui attribue Planude ; mais dans le manuscrit palatin cette dernière
épigramme est du poète Secundus ; cette attribution est plus probable.
ÉRATOSTHÈNE,
᾿Ερατοσθένης.
Ératosthène,
né à Cyrène vers l'an 276 avant l'ère chrétienne, mourut à
quatre-vingt-deux ans. Géographe, mathématicien, philosophe, il fut une des
gloires de l'école d'Alexandrie et du règne des Ptolémées. Il se délassait
de ses spéculations philosophiques ou de ses calculs d'astronomie en faisant
des vers. C'est ainsi qu'il composa un poème érudit, intitulé Mercure, ᾿Ερμῆς,
dont il existe plusieurs fragments, et qu'a imité André Chénier, et un autre
sous le titre d'Erigone, dont le rhéteur Longin a pu dire δὶα
πάντων
ἀμώνητον (1).
Tous les fragments d'Ératosthène se trouvent réunis dans les Eratosthenica
de Bernhardy (2). Ses fragments poétiques ont aussi été placés dans les Analecta
de Brunck ainsi que l'épigramme sur la duplication du cube, Εἰ
κύβον ἐξ
ὀλίγου. Il est singulier que cette épigramme
ait été omise dans les Anthologies de Céphalas et de Planude, et qu'elle ne
figure que dans l'Appendix epigrammatum, 25.
Il existe une assez belle épigramme de Denys de Cyzique sur la mort d'Ératosthène,
Πρηύτερον
γῆρας, VII, 78.
(1)
Περὶ ῞Υψους, XXXIII, 5,
(2) Berolini, 1822.
ÉRATOSTHÈNE
LE SCHOLASTIQUE,
᾿Ερατοσθἐνης
σχολαστικὸς.
Ératosthène le scholastique ou l'avocat est un épigrammatiste du règne de Justinien, 527-567 de notre ère. A cette époque, au cinquième et au sixième siècle, σχολαστικὸς avait le sens de défenseur près les tribunaux, patronus causarum. Des quatre épigrammes de notre poète, il n'y en a pas qui rappellent sa grave profession, car elles figurent parmi les ᾿Ερωτικά.
ÉRINNE, ῎Ηριννα ou ᾿Ηρίννη.
Érinne, qui vivait près de six cents ans avant l'ère chrétienne, était estimée la première de toutes les femmes poètes de la Grèce, après Sappho. Quoique née à Téos, elle est communément regardée comme Lesbienne et de Mitylène, parce qu'elle a vécu auprès de Sappho, sa maîtresse et son amie. Elle mourut à l'âge de vingt ans (1). Si jeune elle parvint à une telle célébrité, surtout à cause de son poème ᾿Ηλακατη, la Quenouille, que les anciens la comparaient à Homère et l'égalaient à Sappho. Une autre épigramme, dont Léonidas est l'auteur, lui donne le surnom d'abeille μέλισσα. Il n'existe dans l'Anthologie que trois épigrammes d'Érinne, et encore hésite-t-on à les lui attribuer, toutes les trois, tant elles sont d'une facture inégale. La première, Δέξ' ἀταλᾶν χειρῶν, VI 352, sur le portrait d'Agatharchis, est bien de la jeune amie de Sappho ; mais on ne reconnaît plus celle qui était surnommée Παυροεπής (2), avare de paroles, dans les diffuses épigrammes Στᾶλαι καὶ σειρῆες ἐμαί, VII, 710, et Νύμφας Βαυκίδος ἐμμί, VII, 712, sur Baucis de Mitylène. Il convient de les restituer à une autre Érinne qui florissait sous le règne d'Alexandre le Grand, comme aussi il faut restituer à Mélinno l'ode magnifique, Είς τὴν ῾Ρώμην, à la Force, ou plutôt sur Rome (3), dont on a fait longtemps honneur à notre Érinne comme d'une oeuvre digne d'elle (4).
(1)
A dix-neuf ans, suivant Eustathe : Απῆλθε
δὲ
ἐννεακαιδεκαετής.
(2) Παυροεπὴς
῎Ηριννα, Antipater, VII, 718.
(3) Cette ode date de l''époque (195 ans av. J. C.) où les Romains,
vainqueurs de Philippe de Macédoine, annoncèrent aux Grecs une liberté qui
les remplit d'enthousiasme et de reconnaissance.
(4) Voy. Μουσῶν
ἄνθη ᾿ de Scneider, Giesae, 1802 p. 85 et Meletemata
Cruzeri, pars altera, p. 18.
ÉRYCIUS ou ÉRYCIAS, ᾿Ερύκιος ἤ ᾿Ερυκίας.
Érycius
ou Érycias est, suivant le manuscrit palatin, de Cyzique dans le lemme de l'épigramme
῾Ανίκ' ἀπὸ
πτολέμου, VII, 230, et de
Thessalie dans le lemme de l'épigramme Οὐχ
ὅδε δελαῖος, VII,
397. Il y a donc deus Érycias. Les treize autres épigrammes, n'indiquant pas
la patrie de leurs auteurs, ont des droits à peu près égaux au partage, sauf
l'épigramme Εἰ καὶ
ὑπὸ χθονί, VII, 377, contre
Parthénius le détracteur d'Homère, qu'il faut réserver à un Érycias moins
ancien, puisque le grammairien Parthénius vivait sous Trajan et Hadrien, au
commencement du second siècle de notre ère.
Nous mettrons dans la part du poète de Cyzique la touchante épigramme ᾿Ατθὶς
ἐγώ, VII, 368, sur l'Athénienne, prisonnière des
Romains, inhumée à Cyzique. Dans ce fait il y a une date, la prise d'Athènes
par Sylla, 94 ans avant J. C. Nous lui donnerons aussi l'épigramme Γάλλος
ὁ χαιτάεις, VI , 234,
l'introduction en Grèce du culte phrygien de la Mère des dieux n'étant guère
antérieure que d'un siècle à cette époque. Quant aux autres épigrammes
presque toutes du genre pastoral, elles indiquent un poète plus ancien, et l'Érycias
de Thessalie n'aurait pas la moins bonne part.
ESCHINE, Αἰσχίνης
Cet Eschine, Αἰσχίνης ῥήτωρ, ne peut être l'un des dix orateurs attiques, du bourg de Cothocides, le rival de Démosthène ; et cependant il nous apprend lui-même dans son discours contre Timarque (1), qu'il faisait des vers : "Τῶν δὲ ποιημάτων ὧν φασι οὗτοί με πεποιηκέναι, τὰ μὲν ὁμολογῶ, τὰ δὲ ἐξαρνοῦμαι, des poèsies qu'on m'attribue, je reconnais les unes, je renie les autres." il n'eût certainement pas avoué l'épigramme que lui attribue l'Anthologie, Θνητῶν μὲν τέχναις, VI, 330 ; elle ne peut être que d'un de ces nombreux rhéteurs du même nom que lui, dont Diogène Laërte, III, 64, nous donne la liste.
(1) Oratores graeci, t. IV, p. 46, édit. de Reiske ; Oratores attici, t, II , p. 53, édit. de Didot, p. 146.
ESCHYLE, Αἰσχύλος.
Eschyle
était fils d'Euphorion et Athénien du bourg d'Éleusis. C'est lui-même qui
nous l'apprend dans l'épitaphe qu'il avait composée pour sa tombe, Αἰσχύλον
Εὐφορίωνος
᾿Αθηναῖον, Appendice, 3.
Dans les épigrammes funéraires, il y en a une de lui qui est belle, sur les
Thessaliens morts au pied du mont Ossa en combattant contre les Perses, Κυανέη
καὶ τούσδε, VII, 255, une
autre aussi très remarquable dans les protreptiques, Οὐ
χρὴ λέοντος, X, 110. Mais ce
n'est pas comme épigrammatiste qu'il serait célèbre, s'il n'eût été le père
de la tragédie grecque ; si, poète de génie, il n'eût créé son art ; si,
guerrier intrépide, il ne se fût signalé, non moins que ses frères Ananias
et Cynégire, à Marathon, à Salamine, à Platée ; si de ses quatre-vingts
tragédies il ne nous restait Prométhée, les Sept chefs devant Thèbes,
l'Orestie, à savoir, Agamemnon, les Choéphores, les Euménides,
et les Suppliantes, fragment remarquable d'une autre trilogie. Eschyle
naquit en 525 avant notre ère, et mourut en 456.
Voir l'article ESCHYLE, par feu Artaud, dans l'Encyclopédie des gens du
monde, et le premier volume des Études sur les tragiques par M.
Patin, consacré tout entier à Eschyle.
ÉSOPE, Αἴσωπος.
On
a dit qu'Homère était une personnification de la Grèce, que c'était la Grèce
héroïque célébrant elle-même ses origines et ses exploits ; ne pourrait-on
pas dire également qu'Ésope est le le symbole de la Grèce morale et
philosophique, proclamant, sous le voile de l'allégorie, ses lois sociales et
les devoirs de l'humanité ? Les fables ésopiques, code excellent
d'enseignement privé et de morale publique, appartiennent, en effet, bien moins
à un seul et même Ésope, que l'Iliade et l'Odyssée n'appartiennent
à un seul et même Homère. Plusieurs villes aussi, Sardes, Mésembrie, Samos,
etc., se disputent l'honneur d'avoir donné naissance au fabuliste grec ; mais
d'après l'opinion la plus générale, qui admet l'individualité d'Ésope, il
était Phrygien et naquit esclave, environ 594 ans avant notre ère.
Pour connaître sa vie ou plutôt sa légende, voyez son biographe Maxime
Planude, et de préférence Bachet de Méziriac (1).
D'après une tradition qui mérite d'être rappelée, parce qu'elle prouve la
haute estime des Grecs qui le regardaient comme un de leurs génies tutélaires,
Ésope aurait, ainsi que Tyndare, Hercule, Glaucus, combattu du côté des
Grecs, contre les Perses, à la journée des Thermopyles. Partout sa mémoire
fut honorée comme celle d'un bienfaiteur des hommes. Dans les écoles, on
apprenait ses fables par cœur, et Platon semble le désigner comme le meilleur
instituteur de l'enfance, lui qui bannissait Homère de sa république. Athènes,
sous Alexandre, lui fit élever une statue. Socrate versifia quelques-unes de
ses fables ; et pour que rien ne manquât à sa gloire, il servit de modèle à
Phèdre, et la Fontaine l'imita d'une manière inimitable.
Très probable ment Ésope n'a jamais écrit ses fables. S'il les eût écrites,
c'est en vers qu'elles l'eussent été, vu l'époque ; et cette considération
donne quelque autorité au petit poème en six vers que l'Anthologie lui
attribue. Mais s'il n'est pas du fabuliste, et il est digne de lui, il
appartient à une haute antiquité, ressemblant assez aux sentences de Théognis
et de Solon.
Cette épigramme sentencieuse, Πῶς
τις ἄνευ
θανάτου, X , 123, que Schoefer (2)
qualifie de cultissimum, a été ainsi traduite par Grotius :
DE
VITAE MALIS.
Quae fuga, vita, tui, letho sine ? plurima tecum,
Vita, tui mala fers aspera, dura pati.
Dulcia, quae natura tibi dedit: aurea caeli
Signa, jubar Phaebi, Cynthia, terra, fretum.
Cetera sunt tantum metus et dolor ; et bona si qua
Contingent, tergum quae premat est Nemesis.
(1)
Commentaires sur les épîtres d'Ovide, tome 1, p, 67 (la Baie, 1716).
(2 ) Meletemata, p. 97, note 44.
ÉTRUSCUS, ᾿Ετροῦσκος.
Étruscus de Messénie a fourni à l'Anthologie une épigramme ῾Η μία καὶ βιότοιο VII, 381, sur un pêcheur à qui sa barque a servi de bûcher. Ce sujet traité par Addée, par Julien d'Égypte, par Antiphile, semble un thème d'école, ce qui porte à croire qu'Étruscus était grammairien, et n'a rien de commun avec l'Étruscus de Martial (1), banni de Rome avec son fils par Domitien.
(1) Voy, les épigrammes, VI, 83, et VII, 39.
ÉTIENNE, voy. STÉPHANE.
EUCLIDE, Εὐκλείδης.
Le problème d'arithmétique ῾Ημίονος καὶ ὄνος, Appendice, 26, est attribué à Euclide, au grand géomètre qui ouvrit une école de mathématique à Alexandrie, sous Ptolémée fils de Lagus, vers 320 avant notre ère, à l'auteur des Éléments qui servent encore de base à l'enseignement de la géométrie, etc. On ne sait rien de sa vie ; il n'est connu que par ses oeuvres, dont au reste le problème ici mentionné, s'il est d'Euclide, n'augmente en rien le mérite.
EUGÈNE, Εὐγένης.
Il n'y a d'Eugène qu'une épigramme, Τὸν τοῖς μελιχροῖς, Anth. plan., 308, et encore manque-t-elle d'originalité : c'est une imitation de l'épigramme de Léonidas de Tarente sur une image d'Anacréon,᾿Ιδ' ὡς ὁ πρεσβύς, Anth. plan., 307. Eugène. devait être un grammairien.
EUNOMIANUS, Εὐνομιανός.
Eunomianus ne figure que pour deux épigrammes dans l'Anthologie, ῾Ιστορίην ἐτέλεσσα et Γράμματα δώδεκ' ἔχει, IX, 193 et 194, l'une et l'autre en l'honneur de Philostorge et de son histoire. Cet historien ecclésiastique, qui avait adopté les erreurs d'Arius, est de la fin du quatrième siècle, et son panégyriste était son contemporain.
EUPHORION, Εὐφορίων.
Euphorion naquit à Chalcis en Eubée, 276 avant l'ère chrétienne, et fut le bibliothécaire d'Antiochus le Grand. Ses oeuvres, à savoir sa Mopsopie, poème sur les origines de l'Attique, ses Chiliades, recueil d'oracles rendus et accomplis, son Hésiode, composition épique, ses élégies amoureuses que Galles imita ou traduisit, d'autres écrits sur les jeux isthmiques, sur l'agriculture, sur les poètes lyriques, etc., lui firent une immense réputation. C'était un poète savant , affectant l'érudition et l'obscurité, recherchant, comme Callimaque et Lycophron, les mots rares et difficiles. Euphorion est trop obscur, a dit Cicéron (1), et cependant il était extrêmement goûté sous Auguste, surtout sous Tibère, à cause de ses poésies amoureuses ou pour mieux dire lascives. Tibère en faisait ses délices, au rapport de Suétone. Toutes ses oeuvres sont perdues; il n'en reste que des fragments et deux épigrammes, Πρώτας ὁππότε, V, 279, et Οὐχ ὁ τρηχύς, VII, 655, qui ne justifient pas le brillant emblème sous lequel il figure dans la Couronne de Méléagre, λυχνίδα τ' Εὐφορίωνος.
(1) De divinatione, II, 64 : Ille vero nimis etiam obscurus Euphorion.
EUPITHIUS,
Εύπίθιος.
Il
nous reste une seule épigramme d'Eupithius d'Athènes, grammairien postérieur
à Hérodien ; car, dans cette épigramme, il se représente suant sang et eau
à accentuer, à ponctuer la grammaire générale du maître, τὴν
καθόλου.
Or ce maître, ce grammairien célèbre, fils d'Apollonius Dyscole, naquit à
Alexandrie dans le second siècle de notre ère, et florissait sous les
Antonins.
L'excessive fatigue que lui occasionnait ce travail a été bien exprimée par
le grammairien et bien rendue par son traducteur. Lusum verborum facete, ut
solet , expressit Grotius, a dit Jacobs.
Ταυτολόγων
κανόνων,
IX, 206.
Multiplices normae ! quam vestri me piget, et tot
Quas levis obscuras finxit arundo notas !
Dorsum, oculos, humeros, nervos, cerebrumque fatisco ;
Ac tota totem corpus ab arte dolet.
EURIPIDE, Εύριπίδης.
L'épigramme
morale Θεοῦ
μὲν ἐκτός,
X, 117, attribuée par Céphalas à Euripide, est attribuée par Planude à
Lucien. Une autre épigramme, anecdotique, ὦ
τὸν ἀγήραντον,
Appendice, 27, dont l'attribution n'est pas contestée, nous a été conservée
par Athénée (1) qui en même temps nous en fait connaître l'occasion. "Éparchide
raconte qu'Euripide étant en voyage dans l'île d'Icare, fit cette épigramme
au sujet d'une mère qui mangeait à la campagne des champignons mortels, et fut
empoisonnée avec ses trois enfants, deux garçons et une jeune fille." De
pareilles épigrammes, bien qu'elles ne soient pas sans mérite, n'ajoutent rien
à la gloire d'Euripide.
Il naquit à Salamine, 480 ans avant notre ère, pendant la mémorable bataille
où la flotte athénienne et Thémistocle vainquirent les Perses et sauvèrent
la Grèce. Élève de Prodicus et d'Anaxagore, il devint un des trois grands
tragiques grecs, le philosophe du théâtre (2), et selon l'expression
d'Aristote, le plus tragique des tragiques (3). Malgré tant de mérites, et
pour cela même sans doute, en butte à l'envie, aux railleries des poëtes
comiques, presque traduit en justice pour cause d'impiété, il se retira auprès
d'Archélaüs roi de Macédoine, qui l'éleva aux plus hautes dignités. Il
mourut à l'âge de soixante-dix-huit ans, déchiré par des chevaux furieux,
ou, suivant une autre légende, par des femmes irritées qui auraient ainsi vengé
leur sexe des invectives du poète deux fois marié et deux fois malheureux.
Racine faisait d'Euripide son auteur de prédilection ; Schlegel l'a placé bien
au-dessous d'Eschyle et de Sophocle ; Socrate allait volontiers l'entendre et
l'applaudir (4).
(1) Deipnos., II, p. 65. - 3 - 4.. Voy. M. Patin,
Etudes sur les tragiques grecs, t. III.
(2) Vitruve, VIII, 4 : Euripides quem philosophum Athenienses scenicum
appellaverunt.
(3) Poétique, XIII : Καὶ ὁ
Εὐριπίδης
τραγικώτατός
γε τῶν ποιητῶν
φαίνεται.
(4) Voy. M. Patin, Etudes sur les tragiques grecs, t. III.
EUTOLMIUS, Εύτόλμιος.
Eutolmius, Εύτόλμιος σχολιαστικὸν ίλλούστριος, comme l'appelle le manuscrit palatin, était un savant ou mieux un avocat, scholasticus, qui devint un haut fonctionnaire et obtint le titre d'illustris. Nous avons de lui quatre épigrammes qui n'ont ni originalité ni grâce, et qui portent bien les signes de la fin du quatrième siècle. Cette date se trouve confirmée par l'épigramme contre Gellius, Κνηῖδας θώρηκα, VI, 86, qui répond à celles de Palladas Τὸν θῶ και τὰς κνῆ, VI, 85. On en peut conclure que les deux poètes, de mérite d'ailleurs très différent, étaient contemporains
ÉVÉNUS, Εὔηνος.
Quatorze
épigrammes portent le nom d'Événus, et cinq Événus peuvent se les partager.
On compte deus Événus de Paros, un d'Athènes qualifié aussi de grammairien,
un d'Ascalon, un de Sicile.
Dans le manuscrit palatin, l'épigramme, pleine d'esprit et de sens, et d'une
forme si précise,Κἤν
με φάγῃς,
IX, 75, est de l'Événus d'Ascalon. Elle a été parfaitement traduite par
Ovide, Fastes, I, 357 :
Rode,
caper, vitem ; tamen huic, quum stabis ad aram,
In tua quod spargi cornua possit, erit.
Les
épigrammes ῾Α
ποτε
παρθενικαῖσι,
IX, 602 , et᾿Εχθἰστη
Μούσαις,
IX, 251, sont de l'Événus d'Athènes ou le grammairien. L'épigramme Ξεῖνοι
τὴν περἰβωτον,
IX, 62, est de l'Événus de Sicile.
Des deux Événus de Paros, l'un, plus ancien, est celui dont Platon parle dans
l'Apologie et le Phédon, et qui enseigna la poésie à Socrate ; l'autre, plus
moderne, était assez rapproché de l'époque de Philippe de Thessalonique pour
que celui-ci l'admit dans sa Couronne où il l'assimile au laurier, Εύήνῳ
δάφνην
συνεπίπλεκε.
Enfin un de ces Événus aurait été presque contemporain d'Agathias. Ces poètes,
en effet, sont de mérite inégal et de dates très diverses.
ÉVHODE, Εύοδος.
Évhode ne figure que dans l'Anthologie de Planude ; encore n'y est-il représenté que par un distique sur un hippocentaure, Anth. plan., 116, et par un vers isolé sur l'écho, Anth. plan., 155. Ce vers, qui est assez joli, a été très littéralement traduit par Grotius :
Verba imitans Echo, faex vocis, cauda loquelae.
Pour si peu de chose, est-ce la peine de s'enquérir si notre poète est l'Évhode de Suidas (1), poète épique de Rhodes, né sous Néron, qui se distingua dans la poésie latine, ou s'il est le pédagogue de Caligula dont parle l'historien Josèphe (2), ou bien l'affranchi de Sévère qui fut, suivant Dion Cassius (3), le maître de Caracalla ?
(1) T. 1. p. 900.
(2) Antiq. jud. XVIII, 8.
(3) Hist. rom. p. 1273.
FRONTON,
Φρόντων.
Fronton a fourni à l'Anthologie deux épigrammes, Μέχρι τίνος, XII, 174, et Τὴν ἀκμήν, XII, 233, bien dignes de figurer dans la Muse de Straton, Μοῦσα παιδική. Par Suidas (1), nous savons que c'était un rhéteur d'Émisa en Phénicie, qu'il naquit sous le règne d'Alexandre Sévère, et qu'il mourut à Athènes âgé de soixante ans, laissant pour son héritier le critique Longin, fils de sa soeur Frontonis. Il était ainsi l'oncle de l'auteur du traité du Sublime, et cette parenté lui fait plus d'honneur que ses épigrammes. L'une est tellement obscène, qu'on ne conçoit pas qu'on ait pu un instant confondre l'épigrammatiste avec l'orateur romain M. Cornélius Fronton, consul en 161, le maître pour les lettres latines de l'empereur Marc-Aurèle.
(1) T. III, p. 634.
GABRIEL,
Γαβριήλιος.
De ce Gabriel, il n'existe qu'une épigramme, Ούδε κατακνώσσων, Anth. plan., 208, que Jacobs qualifie de ineptum distichum. Il n'est pas dès lors nécessaire d'en rechercher l'auteur, et encore moins faut-il la mettre à la charge du Gabriel, préfet de Constantinople, ἔπαρχος ἐν Βυζαντίῳ, auquel Jean Lydus dédia son livre sur les mois, Περὶ Μηνῶν, et sur l'image duquel fut faite l'épigramme de Léonce, Καὶ Φαέθων, Anthol. plan., 32.
GALLUS,
Γάλλος.
Il y a deux épigrammes de Gallus. L'une, ῾Η τρισὶ λειτουργοῦσα, V, 49, est une des plus licencieuses de l'Anthologie, à peine digne d'être imitée par Ausone (1). L'autre, Οὕτος ὁ πρίν, Anth. plan., 89, au sujet d'un Tantale gravé sur une coupe, est fort jolie et rappelle ces vers d'Ovide (2) :
Quaerit
aquas in aquis et poma fugacia captat
Tantalus : hoc illi garrula lingua dedit.
Mais quel est ce Gallus ? Est-ce Elius Gallus dont Strabon (3), son contemporain, raconte les exploits en Égypte et en Arabie ? C'était un homme de guerre, ce n'était pas un poète, et il faut se garder d'altérer sa gloire militaire en lui imputant des vers aussi licencieux. Est-ce plutôt Cornélius Gallus, l'ami de Virgile ? Celui-là du moins était poète, et la muse des poètes n'est pas toujours assez scrupuleuse. Toutefois il serait peut-être mieux de porter ses soupçons sur un autre Gallus, moins connu d'ailleurs, tel que le Didius Gallus que mentionne quelque part Quintilien (4).
(1) Epigram.
119 : Tres uno in lecto
(2) Amor., II, 43.
(3) Geograph. XVII, p. 1175..
(4) Instit. orat. V1, 3, 88.
GAURADAS,
Γαυράδας.
Gauradas
ne nous est connu que par une épigramme, ᾿Αχὼ
φίλα, Anth.. plan., 152,
où Pan interroge Écho, ou la nymphe lui répond en répétant le dernier mot
de chaque vers. A une telle ceuvre, on croit reconnaître un de ces grammairiens
sans talent qui, aux époques de la décadence, étaient à la recherche de
frivolités laborieuses et de bagatelles difficiles.
GÉMINUS,
Γέμινος.
Nous
avons neuf épigrammes, tantôt sous le nom de Géminus, tantôt sous celui de
Tullius Géminus. Le Tullius que Philippe a mêlé à sa Couronne, est-il notre
Tullius Géminus ou Tullius Lauréa, l'affranchi de Cicéron ? Question assez
difficile à résoudre, l'un et l'autre étant digne de l'emblème de cette
fleur qui a les parfums du miel et du lotus, Τύλλιος
ὡς μελίλωτος.
Les épigrammes de Géminus sont pour la plupart relatives à des oeuvres d'art
qu'elles décrivent d'un style pittoresque et élégant. Il y a plus que de l'élégance,
il y a de la grandeur dans l'épigramme᾿Αντὶ
τάφου, VI, 73, sur
Thémistocle.
GERMANICUS CÉSAR, Γερμανίκος Καῖσαρ
Germanicus
est le héros des annales de Tacite. Né à Rome seize ans avant l'ère chrétienne,
Tibérius Drusus Néron, fils de Drusus Néron et d'Antonia, fut adopté par son
oncle Tibère et épousa Agrippine, petite-fille d'Auguste. Ses victoires en
Germanie, où il vainquit Arminius, où il vengea Varus et ses légions, lui méritèrent
le surnom de Germanicus ; mais elles lui suscitèrent l'envie et la haine de Tibère.
A Rome, l'empereur lui décerna les honneurs du triomphe et le para comme une
victime dévouée au sacrifice. Il l'envoya en Orient où il fut empoisonné par
Pison, complice de l'empereur. Germanicus avait trente-quatre ans. Sa veuve
rapporta ses cendres à Rome avec une pompe dont l'histoire a conservé le
lamentable deuil. Tacite qui peint si admirablement les actions civiles et
guerrières du jeune César ne dit rien de son goût pour les lettres, de ses
talents poétiques. M. Villemain en a parlé dans des termes qu'on est heureux
d'avoir cette occasion de rappeler.
"L'antagoniste moral de Tibère, ce Germanicus qui réunissait en lui
toutes les vertus éclatantes et gracieuses, comme Tibère tous les vices,
Germanicus était poète. Nourri dans les traditions grecques de la maison
d'Auguste, il avait par nature cette imagination élevée, qui inspire les
grandes choses dans les arts. Toute sa destinée y répondait et avait dû
porter son âme à l'enthousiasme. Le premier des Romains, il s'était avancé
au loin sur l'Océan septentrional. Il avait visité l'Orient en vainqueur, et
remonté le Nil jusqu'à l'île d'Éléphantine ; il avait surpris, dans les forêts
du Nord, les secrets magiques des druides vaincus, et il s'était fait lire par
les prêtres de Thèbes les lettres mystérieuses inscrites sur leurs temples.
Il était l'idole des Romains, et il avait refusé l'empire. Il aimait avec
passion la gloire, et la vie simple de la famille et des lettres. Cet homme
avait certainement de hautes facultés poétiques dans l'âme, et l'on ne doit
pas s'étonner que, s'attachant à ces merveilles célestes qui inspiraient
Manilius, il ait traduit en beaux vers les Phénomènes d'Aratus (1)."
Outre cette traduction que nous avons encore en partie, Germanicus avait composé
des comédies grecques (2) et des épigrammes grecques et latines. Il en reste
trois, dont deux, Οὔρεος
ἐξ ὑπὰτοιο
et ᾿Εκ
κυνὸς εἷλε
IX, 17 et 18, sont des bluettes ; la troisième ῎Εκτορ
ἀρήιον αἷμα,
IX, 387, qui est assez belle, existe en grec et en latin. Germanicus a été son
propre traducteur soit en latin, soit en grec. Voici l'épigramme latine :
Martia
progenies, Hector (tellure sub ima
Fas audire tamen si mea verba tibi) ,
Respira, quoniam vindex tibi contigit heres.
Qui patriae famam proferat usque tuae.
Ilios exsurgit rursum inclita; gens colit illam
Te Marte inferior, Marlis amica tamen.
Myrmidonas periisse omnes dic, Hector, Achilli,
Thessaliam et magnis esse sub Aeneadis.
(1)
Revue de Paris du 11 mai 1834.
(2) C'est Suétone qui nous l'apprend, Caligula, 111.
GÉTULICUS, Γαιτούλικος.
Sur le nom même de Gétulicus il y a des doutes, et par conséquent sur la personne que ce nom représente. Celui que Céphalas appelle Gétulicus est appelé Gétullius dans Planude. C'est à Γαιτύλλιος, Gétullius, que Reiske consacre une notice qui, d'ailleurs, se résume en peu de mots : Quando vixerit certo non constat. Brunck a cru reconnaître le Cn. Lentulus Gétulicus qui fut mis à mort par Caligula, comme suspect de conspiration (1). C'était un poète latin dont les petits vers étaient fort prisés par Pline le Jeune et plus tard par Sidoine Apollinaire. "Je fais quelquefois des vers légers, dit Pline (2), versiculos parum severos ; mais dois-je rougir de faire ce qu'ont fait Messala, Hortensius, Varron, Memmius,Lentulus Gétulicus ?" - "Tu ne liras ici dit le scrupuleux Sidoine (3), Gétulicus, ni Marsus, ni Pédo Albinovanus, ni Tibulle." Mais d'aucun texte on ne saurait induire que ce poète latin ait fait aussi des vers grecs. De plus, ses poésies latines étaient plus que légères, non valde pudica, dit Jacobs, et les neuf épigrammes de notre Gétulicus sont très chastes. Ajoutons qu'elles traitent de sujets très divers, et qu'elles ne sont pas sans agrément.
(1) Suétone,
Caligula, VI.
(2) Epist. V, 3.
(3) Carm. IX, 256.
GLAUCUS,
Γλαῦκος.
GLYCON,
Γλύκων.
GRÉGOIRE
LE THÉOLOGIEN,
Γρηγόριος
ὁ Θεολόγος.
Saint Grégoire de. Saint Grégoire de Nazianze, surnommé le Théologien (1),
fut une des lumières de l'Église grecque, un de ses trois grands orateurs sacrés,
et le seul qui ait réuni le double mérite de l'éloquence et de la poésie. Il
naquit l'an 338 de Jésus-Christ, à Arianze près de Nazianze en Cappadoce, où
son père était évêque, et il y mourut en 389. Après avoir étudié
successivement à Césarée, à Alexandrie, puis à Athènes où il eut pour
condisciple et ami saint Basile, il devint évêque de la petite bourgade de
Sasima en Cappadoce ; mais s'y regardant comme en exil, il ne tarda pas à
quitter Sasima pour venir en aide à son père dans l'administration de l'Église
de Nazianze. Après la mort de son père, persécuté par les Ariens, il se
retira dans l'Isaurie, et de là il se rendit à Constantinople où l'appelaient
les catholiques et de saints évêques. C'est avec leur concours qu'il
construisit l'oratoire appelé du nom d'Anastasie pour exprimer la résurrection
de la foi de Nicée, et qui fut le théâtre de ses glorieux travaux et de ses
triomphes. Théodose, qui voulait terrasser l'arianisme, le fit nommer, par un
concile, archevêque de Constantinople; mais, en 381, attaqué par les Ariens
avec une nouvelle violence, et bientôt abandonné par l'empereur, il se démit
de ses fonctions, rentra dans la vie privée et retourna en Cappadoce, où il
acheva sa carrière dans la retraite, la prière et l'étude. C'est seulement à
cette époque de sa vie qu'il eut le loisir de revenir à la première passion
de sa jeunesse, à la poésie, et de composer peut-être ces trente mille vers
dont parlent saint Jérôme et Suidas. Il en reste encore un grand nombre sur
des sujets très variés, sans compter les deux cent cinquante-quatre épigrammes
qui forment à elles seules le huitième livre de l'Anthologie de Céphalas.
Planude, par des raisons dont il est difficile de se rendre compte, ne les a pas
admises dans son recueil, non plus que les épigrammes chrétiennes dont se
compose la première section de l'Anthologie palatine. Pour un moine cette
exclusion constate autant de courage que de goût. Brunck ne les a pas non plus
recueillies dans ses Analecta, mais on comprend que ce critique au goût
délicat et fier n'ait pas aimé le mélange du profane et du sacré, des graves
et pieuses pensées d'un saint et des obscénités de Straton, et se soit trouvé
humilié de voir des oeuvres chrétiennes si fort au-dessous des beautés de la
muse païenne. Or, il ne faut pas se le dissimuler, bien que le génie de saint
Grégoire soit d'une nature attique et orientale, que sa prose soit pathétique
et émouvante, que sa poésie ait du charme, de l'éclat, du sentiment, il n'en
est pas moins vrai que les épigrammes sont de toutes ses oeuvres les plus
faibles, les moins soignées ; il y a de l'élégance sans doute, mais aussi
beaucoup de monotonie: c'est à satiété que le poète revient sur la
sainte mort de Nonne sa mère, et qu'il lance ses imprécations contre les
violateurs de tombes (2).
Voir une bonne thèse de M. Grenier : La vie et les poésies de saint Grégoire
de Nazianze, Clermont, 1858 ; et l'excellente notice sur ce Père de l'Église
grecque, par M. Villemain, dans son Tableau de l'éloquence chrétienne au
quatrième siècle.
(1)
ὁ
Θεολόγος,
c'est le titre que porte saint Jean l'Évangéliste ; on l'a aussi décerné à
saint Grégoire pour honorer la science et le talent qu'il déploya contre les
Ariens dans la défense du dogme de la divinité de Jésus-Christ.
(2) Nous croyons devoir rappeler ici que la traduction de toute cette partie de
l'Anthologie qui contient les 254 épigrammes de saint Grégoire, ainsi que la
traduction des épigrammes chrétiennes, est due à M. Sommer, qui sait allier,
avec un rare bonheur, l'élégance et l'exactitude.
HADRIEN,῾Αδριανός.
Deux empereurs romains du commencement du second siècle se sont amusés à
faire des vers grecs, Trajan et Hadrien.
Celui-ci, Publius Aelius Hadrianus, quinzième empereur romain, cousin germain
de Trajan, qui fut son tuteur et l'adopta, fut son successeur à l'empire et régna
de l'an 117 à l'an 138.
Pour sa vie politique, on doit recourir à son historien Spartien dans l'Histoire
Auguste, et à Dion Cassius. Ce dernier nous apprend qu'Hadrien aimait les
lettres et qu'il s'exerçait en prose et en vers, cultivant les deus langues
grecque et latine : Φύσει
φιλολόγος ἦν
έν ἐκατέρᾳ τῇ
γλώσσῃ, καὶ
τινα πεζὰ καὶ
έν ἔπεσι
ποιήματα
κατέλιπεν
(1).
Jacobs qualifie ses épigrammes d'une épithète qui semble bien sévère: Extant
sex ejus epigrammata satis jejuna, car il y en a qui ont de la grandeur et
de l'originalité, notamment celle sur les trophées de Trajan et celle sur le
poète Archiloque.
L'empereur Trajan, allant faire la guerre aux Parthes, consacra à Jupiter
Casius, qui avait un temple à Séleucie, une partie du butin et des armes enlevés
aux Daces. Hadrien, qui l'accompagnait dans cette expédition, fit l'inscriptionΖηνὶ
τόδ' Αἰνεάδης
; VI, 332 , pour être gravée sur l'offrande et le trophée. C'est un beau
sujet, et l'épigramme en est digne. L'autre épigramme témoigne de
l'admiration qu'inspiraient à Hadrien les vieux poètes de la Grèce ; elle dit
que les Muses ont jeté Archiloque dans le genre ïambique pour ménager la
gloire d'Homère, ᾿Αρχιλόχου
τόδε σῆμα,
VII, 674.
Il faut convenir cependant que la petite pièce à un paralytique demandant
l'aumône est détestable, ῞Ημισύ
μου τέθηκε,
IX, 137; mais, par contre, ou trouve à citer un bien beau vers sur la mort de
Pompée, IX, 402. Grotius l'a traduit ainsi :
Vix is habet tumulum, qui plurima templa tenebat (2).
On
a aussi de cet empereur quelques vers latins, entre autres ceux qu'il fit à
Baia quelques jours avant de mourir. La situation où il les fit, plus que leur
mérite réel., les a rendus célèbres :
Animula
vagula, blandula,
Hospes comesque corporis,
Quae nunc abibis in loca
Pallidula, rigida, nudula,
Nec, ut soles, dabis jocos.
La
traduction de Fontenelle en est fort jolie :
Ma
petite âme, ma mignonne,
Tu t'en vas donc, ma fille et Dieu sache où tu vas !
Tu pars seulette et tremblotante. Hélas !
Que deviendra ton humeur folichonne ?
Que deviendront tant de jolis ébats ?
Les petits vers de cet empereur, ses épigrammes ont pu l'amuser et le distraire, mais ils n'ajoutent rien à sa gloire. La place qu'il occupe dans l'histoire, il la doit aux réformes qu'il introduisit dans l'administration de la justice, dans le gouvernement des provinces, à la protection qu'il accorda aux esclaves dont il fit fermer les ergastula, aux voyages incessants qu'il fit dans toutes les provinces de l'empire. "Un empereur, disait-il, doit imiter le soleil qui éclaire toutes les régions de la terre." Il consacra dix-sept ans de sa vie à ses courses officielles, à ses voyages administratifs, laissant partout des traces de son passage et des inscriptions qui sont les meilleures annales de son règne.
(1)
Hist. rom., LXIX, 3.
(2) Voy.
une belle paraphrase du vers grec dans les poésies latines de le Beau, Carmina,
p, 212,
HÉDYLUS
Hédylus était poète de naissance et à titre successif. Sa mère, Hédylé, Athénienne, est l'auteur du poème élégiaque de Scylla, dont Athénée cite quelques vers. Son aïeule, Moschina, Athénienne aussi, s'était distinguée dans la poésie ïambique. Hédylus, leur fils et petit-fils, devait être également Athénien; cependant Athénée (1) hésite sur sa nationalité ῞Ηδυλος ᾿Αθηναῖος ἢ Σαμιος. Il est probable qu'il vécut moins à Samos et à Athènes qu'à Alexandrie, attiré par les faveurs qu'obtenaient les poètes à la cour des Ptolémées. Émule et contemporain de Callimaque, à son exemple (2), il décrivit les offrandes déposées dans le temple d'Arsinoé, comme on le voit par l'épigramme Ζωροπόται, Appendice, 30, sur l'orgue hydraulique de Ctésibius (3) ; les autres épigrammes descriptives sont perdues. En tout, il reste de notre poète douze épigrammes de genres très divers : des invitations a boire, sur une courtisane aimant le vin et s'enivrant, sur une offrande à Vénus, etc. Mais aucune de celles que nous avons encore ne justifie l'emblème de l'anémone des champs, sous lequel Hédylus figure dans la Couronne de Méléagre.
(1) Banquet
des savants, VII, p. 297.
(2) Voy.
Callimaque, Epigr, Κόγχος
ἐγώ,
Appendice, 45.
(3) Clésibius, mécanicien célèbre, père de Héron l'Ancien,
florissait en Égypte sous Ptolémée Philadelpbe, 285-247 avant notre ère.
HÉGÉMON
῾Ηγήμων
On
connaît un Hégémon de Thasos, qui figure parmi les poètes de l'ancienne comédie,
et dont les parodies sont citées avec éloge dans Athénée (1).
Un autre Hégémon, qui était orateur, fut l'ami de Phocion, et Harpocration en
parle comme étant du parti macédonien (2). Lequel des deux fut
notre épigrammatiste ? ou bien encore y eut-il un troisième Hégémon ? C'est
ce qu'il n'est pas possible de décider en présence d'une seule épigramme, Εἴποι
τις,
VII, 456, sur les Spartiates de Léonidas aux Thermopyles.
(1) Banquet
des savants,
I, p. 5 : 922; αὶ
῾Ηγὴμων ὁ
Θάσιος, ὁ
ἐπικληθεὶς
Φακῆ, ὅν τῇ
ἀρχαίᾳ
κωμωδίᾳ τίνες
ἐντάττουσιν.
Παρῳδίαι ejus passim luuduntur, IX,
p. 406, 407 ; XV, p. 698, 699.
(2) Λέξικον p
81; Εἶς
δὲ ἦν τῶν
μακεδονιζόντων.
HÉGÉSIPPE ῾Ηγήσιππος
Hégésippe, le poète comique, et Hégésippe, l'orateur, sont deux personnages distincts (1). A celui-ci, les anciens critiques attribuent deux discours de Démosthène, l'un sur l'Halonèse, l'autre sur le traité avec Alexandre. Cet Hégésippe était frère d'Hégésandre, et c'est celui qu'Eschine appelle Κρωβύλος (2),toupet, sans doute à cause du trop grand soin qu'il prenait de sa chevelure. Si cet Hégésippe eût été le même que le poète comique, Plutarque, dans sa Vie de Démosthène et dans les Apophtbegmes (3) , en aurait averti ses lecteurs. Il y a de plus une diffërence de temps : Hégésippe, l'orateur, se trouvait contemporain de Démosthène (4) , qu'il soutint vivement dans sa politique contre Philippe, au point d'être qualifié dans l'histoire de Μισοφίλιππος, et le poète comique ne se fit connaître et applaudir que trente ans plus tard (5), alors qu'Épicure, en venant ouvrir une école à Athènes, servit de prétexte à ses plaisanteries dont Athénée (6) nous a conservé le souvenir. Mais lequel de ces deus Hégésippe est l'auteur de nos huit épigrammes ? Dans le doute, on doit incliner vers le poète comique et lui en faire honneur. Ces jolies petites pièces, élégantes et simples, ont le cachet des temps classiques, une saveur qui motive l'emblème d'une grappe enivrante, sous lequel elles ont été admises dans la Couronne de Méléagre, ῾Ηγὴσιππον μαινάδα βότρυν.
(1)
Meineke l'a parfaitement établi et démontré dans son
Historia critica comicorum gracorum, (Berolini, 1839), p. 475.
(2) Καθὰ
αύτὸς ἢλειρε
τὴν κεφαλὴν
καὶ
ἐφιλοκάλει
τὰς τρίχας. Scholiaste d'Eschine,
εἰς Τίμαρχον, 59.
(3) ῾Ηγήσιππος, p. 187, D.
(4)
De 385 à 328 avant l'ère chrétienne.
(5)
Vers l'an 300 avant notre ère.
(6)
Banquet des savants, VII, p, 279 : ᾿Επίκουρος
ὁ σοφός, κτλ.
HÉLIODORE ῾Ηλιόδωρος
Les deux épigrammes qui portent le nom d'Héliodore sont tirées de son roman des Éthiopiques ou Théagène et Chariclée. La première, Τὰν Θέτιν ἀείδω, IX, 485, est. moins une épigramme qu'une hymne à Thétis, l'épouse de Pélée et la mère d'Achille; la seconde, Παντάρβην φορέουσα, IX, 490, est une sorte d'oracle sans intérêt. Cet Héliodore, né à Émèse en Phénicie, évêque de Tricca en Thessalie, était contemporain de l'empereur Théodose et de ses fils (1). Son roman passe pour une ouvre de sa jeunesse et pour un des meilleurs de l'antiquité. Amyot l'a traduit admirablement, et Racine, qui le lisait dans le texte même, s'était épris pour Théagène et Chariclée d'un enthousiasme dont se souvient la postérité.
(1) De 379 à 408 avant l'ère chrétienne.
HELLADIUS ῾Ελλάδιος
Helladius d'Alexandrie était pontife d'une divinité païenne, lorsqu'en 389 le patriarche Théophile excita les chrétiens d'Alexandrie à détruire les temples des idolâtres. Il se sauva à Constantinople, où Socrate, l'auteur de l'Histoire ecclésiastique, fut son disciple. Il vivait encore, en 408, à l'avénement de Théodose le Jeune, et plus tard il prononça son éloge. Il est de plus l'auteur d'un lexique intitulé Λέξεως κατὰ στοιχεῖον, de l'Emploi de tous les mots par ordre alphabétique. Cet ouvrage est perdu , mais Photius en parle avec éloge (1) . Un autre Heliadius d'Antinoé en Égypte, compilateur et grammairien, est d'une époque antérieure, ayant vécu au commencement du quatrième siècle. Il est l'auteur d'une Chrestomathie en quatre livres. C'était un recueil de documents relatifs à la grammaire et à l'érudition. Photius nous en a conservé un fragment (2) , curieux par l'explication qu'il donne de divers mots, de plusieurs locutions et de quelques proverbes. Ces Helladius étant tous deux grammairiens, il est impossible de décider auquel il convient mieux d'attribuer le distique grammatical inscrit au nom d'Helladius, sur un teinturier enrichi, Βάπτων πάντα βαφεῦ, XII 423. C'est un très médiocre jeu de mots, Βάπτειν πενίαν, un pitoyable exercice d'école, qu'à bon droit Jacobs a qualifié de jejunum Carmen.
(1) Φωτίου
Βιβλιοθ., Codes, 144 ou p.
318.
(2)
Codex, 279, ou p. 1578
HERACLIDE DE SINOPE ῾Ηρακλείδης Σινωπεύς
A la fin de sa biographie d'Héraclide de Pont, disciple de Speusippe et d'Aristote, philosophe, poète et grammairien, Diogène Laërte (1) énumère treize autres Héraclide. L'un d'eux, qui est qualifié de έπιγραμμάτων ποιητὴς λιγυρός, gracieux poète d'épigrammes, doit être notre Héraclide de Sinope (2) . Les trois épigrammes qui portent son nom ne sont-elles pas, en effet, λιγυρά, charmantes ? L'une d'elles (3), ῾Α κόνις ἀρτίσκαπτος, VII, 465, sur la mort d'Arétémias, nous fait connaître l'époque où vivait notre poète, et en fait la contemporain d'Antipater de Sidon. Celui-ci, en effet a consacré une épigramme non moins touchante, ᾿Η ποῦ σὲ χθονίας, VII, 464, à cette même Arétémias. Or nous savons que cet Antipater avait été de la société de Crassus et de Cicéron (4). Les poésies d'Héraclide de Sinope ont donc pu entrer dans le recueil de Méléagre, ὁ Στεφανος, et assurément elles ne déparaient pas sa Couronne
(1)
Liv. V, § 94.
(2)
Sinope, sur le Pont Euxin, aujourd'hui Sinoub.
(3)
Dans le Codez Vaticanus, elle est sous le nom d'Héraclite , mais Brunek, dans ses
Analecta, et Jacobs, dans son Antkologia graeca de 1792, l'attribuent
à Héraclide de Sinope.
(4)
Cicéron, de Oratore, III , 50.
HERMODORE, ᾿Ερμὸδωρος.
Le
nom d'Hermodore, rebelle à la métrique des hexamètres, figure sous une périphrase
dans la Couronne de Méléagre, ᾿Ερμοῦ
δῶρον. Dès poésies
d'Hermodore que cet anthologiste y avait recueillies, nous n'avons plus qu'une
épigramme, sur la Vénus de Cnide, Τὰν
Κνιδίαν
Κυθέρειαν
ἰδών, Anth. plan., 170.
Elle est très jolie, et l'on regrette que son auteur n'ait pas laissé d'autres
souvenirs.
HÉRODE ATTICUS, ῾Ηρώδης ὁ ᾿Αττικός.
On
attribue communément à Hérode Atticus les deux épigrammes Πότνι'
᾿Αθηνάων
ἐπὴρανε ετ
Δεῦτ' ἴτε
Θυβριάδες,
plus connues sous le nom d'inscriptions triopiennes, qui se trouvent dans l'Appendix
epigrammatum, 50 et 51. Brunck, dans ses Analecta, n'attribue que la
première à Hérode, il attribue la seconde à Marcellus ; c'est à Marcellus
que Visconti (1) fait honneur de l'une et de l'autre.
Cet Hérode Atticus fut un des hommes les plus savants et les plus riches du
deuxième siècle de notre ère. Son opulence avait une étrange origine. Jules
Atticus son père, issu d'une ancienne et illustre famille de la Grèce, était
tombé dans la misère ; une seule maison lui restait à Athènes, et dans cette
maison il découvrit un trésor immense. Il lui fut dès lors facile de donner
à son fils les meilleurs maîtres, Scopélien, le rhéteur Polémon, Favorinus,
et celui-ci profita admirablement de leurs leçons. Bien que riche comme un roi
d'Asie, il se passionna pour les lettres à ce point d'ouvrir une école à
Marathon, bourg où il était né, et d'y professer l'éloquence. Il y eut
d'illustres disciples, Adrien de Tyr, dont il nous reste quelques fragments
recueillis par Allatius, Pausanias de Césarée à qui nous devons la
description de la Grèce, Aulu-Gelle l'auteur des Nuits attiques.
Hérode étant allé à Rome, l'empereur Tite-Antonin lui confia l'éducation de
Marc-Aurèle et de Vérus, ses fils par adoption, qui devinrent tous deux
empereurs. Il parvint par là à la plus haute fortune, car il fut consul l'an
143, ensuite préfet des villes libres de l'Asie, et président des fêtes
Panathénées, où il obtint nue couronne. C'est à cette occasion que, pour témoigner
sa reconnaissance aux athéniens, il leur fit construire un magnifique stade en
marbre blanc pour lequel on épuisa une carrière du Pentélique, un théâtre
qui fut nommé Régilla du nom de sa femme, plus vaste et plus beau que tous les
édifices da même genre. L'Odéon d'Athènes fut aussi réparé à ses frais,
et de nouveau il fit étudier le plan du percement de l'isthme de Corinthe,
auquel avaient rauoncé Démétrius, Jules César et Néron.
Les Grecs témoignèrent leur gratitude envers leur bienfaiteur par des
monuments et des inscriptions ; mais ces honneurs mêmes, surtout sa grande
fortune, lui suscitèrent des ennemis. Ils portèrent à Marc-Aurèle les prétendues
plaintes du peuple, et l'empereur, en les accueillant, semble avoir oublié que
l'accusé avait été son maître. Hérode se retira à Orique en Épire, où
l'on prétend qu'il fut exilé. On lui permit ensuite de revenir à Athènes, et
là, quoiqu'il fût déjà vieux, il se remit à donner des leçons que
suivaient avec ardeur les jeunes Athéniens et des étrangers. Voulant mourir où
il était né, il alla terminer ses jours à Marathon ; il y mourut à
soixante-seize ans. On lui fit à Athènes des obsèques magnifiques, et devant
le Panathénaïque un tombeau lui fut élevé avec cette inscription : "Ici
gît Hérode, fils d'Atticus, né à Marathon, dont la réputation s'étend
partout le monde (2)." Ce fut Adrien de Tyr, son élève, qui prononça son
éloge funèbre.
En 1607 et en 1617, près de la voie Appienne, à trois milles de Rome, furent
retrouvées les deux inscriptions qu'Hérode Atticus, plus de quatorze siècles
auparavant, avait fait graver sur le marbre. Dans la première, il consacre à
Minerve et à Némésis un enclos dans le bourg de Triopium ; dans la seconde,
il célèbre une espèce d'apothéose de Régilla son épouse. Ces épigrammes
ou inscriptions excitèrent l'attention et le zèle des savants à cause de l'élégance
de la versification, eu égard à l'époque où elles furent composées, et à
cause aussi des faits et des uranes dont elles contenaient la révélation.
Tout ce qui nous reste d'Hérode Atticus, de ses dissertations ou discours, les
deux inscriptions triopiennes, ont été recueillies, avec autant de zèle que
de critique, par Fioriilo : Herodis Attici quae supersunt, Lipsiae, 1801.
(1)
Iscrizioni greche Triopee con versioni ed osservazioni di Ennio Quirino,
Visconti, in Romam, 1791 , fol.
(2) Voy. l'épigramme ᾿Αττικοῦ
῾Ηρώδης, Appendice, 133.
HÉRODICUS DE BABYLONE,῾Ηρόδικος ὁ Βαβυλώνιος
Nous
n'avons d'Hérodicus de Babylone qu'une épigramme, Φεύγετ'
᾿Αριστάρχεοι,
Appendice, 35. C'est une invective contre les grammairiens de l'école
d'Alexandrie qui avaient pour chef Aristarque. Les grammairiens de l'école de
Pergame avaient pour chef Cratès de Malle, l'antagoniste d'Aristarque, et
ceux-ci s'appelaient Cratétéens. C'est justement ainsi qu'Athénée désigne
notre Hérodicus (1), et par là nous apprenons que le disciple, plus jeune que
le maître, devait vivre vers la fin du deuxième siècle avant l'ère chrétienne.
(1) Banquet des savants, V, p. 219 : ῾Ηρόδικος ὁ Κρατήτειος.
HIPPIAS
D'ÉLIS, ῾Ιππίας
ὁ ᾿Ηλεῖος.
Hippias,
sophiste d'Élis, était contemporain de Socrate et de Protagoras. Son mérite
n'égalait pas sa réputation. Par sa mémoire qui était excellente, par ses théories
en éloquence, en politique, en philosophie, par la manière dont il parlait de
toutes les sciences et des beaux-arts, il faisait illusion à tous ceux qui
l'entendaient ; aux jeux Olympiques même il se faisait applaudir. Protagoras,
Prodicus, Hippias, avec leurs adeptes, constituaient les états généraux de la
sophistique ; mais les Socrate, les Platon savaient à quoi s'en tenir sur leur
science, sur leurs vertus ; ils leur livraient de rudes combats, et quelques
dialogues de Platon sont comme les bulletins de leurs défaites.
Du sophiste d'Élis, envoyé souvent en mission à Lacédémone, à Athènes,
par sa ville natale, qui a tant parlé, tant discuté, dont les leçons étaient
suivies avec enthousiasme, qui a dû beaucoup écrire, il ne reste rien que l'épigramme
Σὺζυγος
ἦν μἰα πατρὶς.
Cette épigramme n'est pas dans l'Anthologie. Découverte au dix-septième siècle,
elle a été recueillie par Muratori dans son Thesaurus inscriptionum, p.
748 ; par d'Orville dans ses notes sur le roman de Chariton, p. 186 ; par
Brunck, dans ses Anatecta, II, 57. C'est à Olympie qu'elle existait,
d'après ce récit de Pausanias : " Les Messéniens du détroit qui sépare
l'Italie de la Sicile, envoient tous les ans un chœur de trente-cinq enfants,
un maître de chant et un joueur de flûte, à une certaine fête qu'on célèbre
à Rhégium. Le malheur voulut une fois qu'aucun de ceux qu'ils avaient envoyés
ne revînt, le vaisseau qui les portait s'étant abîmé avec eux dans les
flots. Les Messéniens montrèrent une grande affliction de la perte de leurs
enfants, et entre autres choses qu'ils imaginèrent pour honorer leur mémoire,
ils consacrèrent à Olympie leurs statues en bronze. Ces statues sont de Callon
d'Élis. Une inscription très ancienne nous apprend que c'est une offrande des
Messéniens du détroit. Dans la suite des temps Hippias, qui acquit chez les
Grecs la réputation de sage, fit sur eux une élégie (1)." Une copie de
cette épigramme élégiaque avait été conservée à Messine, et c'est là
qu'elle fut trouvée dans des fouilles. En voici la traduction : " Ils
avaient tous une même patrie ; la même destinée les a tous fait périr dans
la fleur du jeune âge. Une seule et même mer les possède dans ses abîmes ;
un seul et même artiste a reproduit les images des malheureuses victimes des
tempêtes du détroit. Le beau nom (2) de l'artiste orne leurs tombes, et nos
regrets, notre amour les suivent jusque chez les morts." La symétrie, les
antithèses, la recherche affectée du style, non moins que le témoignage de
Pausanias, signalent bien l'auteur, le sophiste d'Élis.
(1)
Pausanias, Description de la Grèce, V , 25,
(2) Allusion au nom du statuaire Κάλλων.
HIPPON, ῞Ιππων.
Hippon de Rhégium a fait lui-même son épitaphe, ῞Ιππωνος τόδε σῆμα, Appendice, 44, et ce distique est tout ce qui nous reste du philosophe Nippon. Il appartient aux premiers siècles de la philosophie grecque, et on le regarde comme disciple de Pythagore. D'après Sextus Empiricus (1), il aurait reconnu deux principes, l'eau et le feu, ou la chaleur et l'humidité. Alexandre d'Aphrodisias (2) en induit qu'il faut le compter parmi les matérialistes ; on peut ajouter, parmi les athées : car le sens de son épigramme est que la mort a fait de lui l'égal des dieux, c'est-à-dire l'a réduit au néant, les dieux n'existant pas. On conçoit que, d'après de pareilles doctrines, Aristote parlât d'Hippon avec un profond dédain et le rangeât au nombre des penseurs les plus grossiers, τῶν φορτικοτερων (3).
(1) Hypot.
pyrrh, III ; Adv. Mathem. IX.
(2)
In Metaph. Aristot., p. 12.
(3) De
Anima,
I, 2. Ailleurs, Metaph., I, 3, il signale le peu de valeur de son esprit,
Τὴν
εύτέλειαν τῆς
διανοίας.
HOMÈRE, ῞Ομηρος.
Homère
est le premier poète grec et le plus grand de tous les poètes. Sept villes de
la Grèce et de l'Ionie se disputaient l'honneur de lui avoir donné le jour.
D'après les marbres de Paros, il devait vivre vers l'an 900, trois siècles après
le siège de Troie ; mais on ne sait rien de certain ni sur sa naissance, ni sur
sa patrie, ni sur sa destinée. Seulement la tradition s'accorde à dire qu'il vécut
vieux, qu'il mourut pauvre et aveugle. Ce qui est moins douteux, c'est qu'il vit
encore, et qu'il vivra toujours dans ses oeuvres immortelles.
Parmi ces oeuvres-là on ne compte pas l'épigramme que l'Anthologie lui
attribue, Χαλκῆ
Παρθένος εἰμί,
VII, 153. Outre cette épigramme, il y en a plusieurs encore que nous a conservées
l'auteur de la Vie d'Homère qui porte le nom d'Hérodote. Toutes ces épigrammes
seraient sinon les meilleures du genre, du moins les plus anciennes, si elles étaient
authentiques. Une des plus remarquables était un petit poème satirique,
intitulé Margytès, qui, d'après Aristote, avait avec la comédie la même
analogie que l'Iliade et l'Odyssée avaient avec la tragédie. Malheureusement
il ne reste que quatre vers de ce poème. Ces petites pièces, sous le titre de ᾿Επιγράμματα,
se trouvent à la suite des éditions d'Homère de Barnès, 1711, de Clarke,
1729, d'Ernesti, 1759, de Boissonade, 1823, de Firmin Didot, 1837.
Que l'on conteste ces poésies à Homère, soit ; mais qu'on lui laisse ses véritables
titres de gloire, son Iliade et son Odyssée. "La philosophie
allemande, dit à ce sujet M. Franck (1), est essentiellement fataliste et démocratique.
Dans les lettres sacrées comme dans les lettres profanes, sa fantaisie a
toujours été de détrôner les grands noms pour mettre à leur place une foule
anonyme. Les oeuvres les plus glorieuses de l'esprit humain, elle n'a point de
repos qu'elle ne les ait mises en pièces pour en jeter les débris à une
multitude inconnue .... " Le bon sens et l'équité se refusent à faire
une telle part à la coopération collective du peuple grec et restituent au génie
personnel du grand poète tout l'honneur de ses oeuvres.
Voir sur cette question, et en général sur la vie et les écrits d'Homère,
les Mémoires de littérature ancienne, de M. Egger, p. 96, et
l'excellent article de M. Guigniaut, dans l'Encyclopédie des gens du monde.
(1) Journal des Débats du 12 février 1882.