III. LA DYNASTIE ABBASIDE (partie I - partie II - partie III - partie IV - partie V - partie VI)
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Après Moustarchid régna son fils Rachid billah Abou Djafar Mansour, fils de Moustarchid.
Il reçut le serment d'investiture du khalifat après l’arrivée de la nouvelle de l'assassinat de son père, en l'année 529 (1134).
Rachid équipa une très nombreuse armée et partit en guerre contre Massoud. Celui-ci, de son côté, se dirigea vers l'Iraq, cherchant à s'en emparer.[130] Il arriva à Bagdad à la tête de 5.000 cavaliers et y pénétra. Rachid s'abstint alors de le combattre, et sortit de Bagdad, se dirigeant vers Mossoul. Le sultan Massoud entra à Bagdad et s'empara de la direction des affaires. Il montra de l'équité et empêcha ses soldats de faire du mal. Il réunit les qadis et les notaires et prit leurs signatures attestant l'incapacité de Rachid. Il dressa un acte authentique signé par des témoins, prononçant la déposition de Rachid, et le fit approuver par les qâdîs. Ce fut le vizir Az-Zainabî qui s'en occupa pour lui. Massoud avait consulté Az-Zainabî sur la personne qu'il investirait du khalifat, et Az-Zainabî lui avait répondu : « Seigneur ! Il y a là-bas (à Bagdad) un homme qui convient au khalifat. Massoud lui ayant demandé le nom de cet homme, le vizir lui répondit: « Seigneur! si je le nommais, je craindrais qu'on ne le tue. Mais, quand nous entrerons à Bagdad, je te dirai son nom. »
Aussi, lorsqu'ils eurent besoin d'installer un khalife, Az-Zainabî lui nomma-t-il Abou Abd Allah Muhammad Mouqtafî, oncle de Rachid.[131] Massoud lui fit prêter le serment d'investiture et l'installa sur le trône du khalifat.[132] Quand à Rachid, n'ayant pas du tout réussi à Mossoul, il la quitta pour Ispahan. Alors quelques hérétiques l'assaillirent et le tuèrent auprès de la porte d'Ispahan ; et cela en l'année 532 (1137). Sa tombe est connue là-bas.
Lorsque le khalifat arriva aux mains de Rachid, il prit comme vizir Djalal al-Din Abou-r-Rida Muhammad, fils de Sadaqa, dont le vizirat ne fut pas long. Ce vizir, effrayé par les événements qui s'étaient produits, chercha un refuge auprès de Zangui fils d'Aqsounqour, prince de Mossoul, qui le prit sous sa protection et lui fit du bien. Puis, lorsque Rachid quitta Bagdad, cet Abou-r-Rida fut employé dans certaines fonctions autres que le vizirat. Il mourut en l’année 556 (1160) sans avoir eu une histoire méritant d'être relatée.
Fin du règne de Rachid et de l’administration de ses vizirs.
Après Rachid régna son oncle paternel, Mouqtafî liamr Allah Abou 'Abd Allah Muhammad, fils de Moustazhir billah. Il reçut le serment d'investiture du khalifat en l'année 530 (1135).
Mouqtafî fut un des meilleurs khalifes. Lorsque Massoud l’installa et lui lit prêter le serment d'investiture, il lui envoya dire par un messager : « Indique-[moi] tout ce dont tu auras besoin, toi et tous ceux qui sont à ta charge, afin que je te constitue des fiefs pour cette somme. » Massoud avait, en effet, pris tout ce qui se trouvait tians le palais du khalifat: or, meubles, ustensiles et autres objets. Alors Mouqtafî lui envoya dire : « Nous avons à la maison 80 mulets pour transporter du Tigre l’eau destinée à la boisson de ceux qui sont à notre charge. Juge toi-même ce qu'il faudra à un homme dont la maison consomme pour la boisson, chaque jour, une quantité d'eau que transportent 80 mulets. » — « Nous avons installé au khalifat, dit alors Massoud, un homme considérable. Puisse Allah le Très-Haut nous préserver de son mal ![133] »
Sous le règne de Mouqtafî eurent lieu des guerres civiles et des guerres politiques entre lui et les sultans de la Perse, dans lesquelles la victoire lui resta. Sous son règne aussi, les émeutiers et les fauteurs de troubles s'agitèrent; mais il s'occupa d'une manière parfaite de les réduire à l’impuissance.
Mouqtafî mourut en l'année 555 (1160).
Le premier de ses vizirs fut Az-Zainabî Abou-l-Qasim Ali, fils de Tirâd al-'Abbâsî, vizir de Moustarchid, frère de Mouqtafî. Il le prit comme vizir au moment où il reçut lui-même le serment d'investiture, car c'est Az-Zainabî qui s'occupa de son investiture et qui le désigna au choix de Massoud. Az-Zainabî demeura un certain temps comme vizir de Mouqtafî, puis ils eurent l'un à l'égard de l'autre une méfiance, à la suite de laquelle le vizir, craignant le khalife, chercha un asile au palais du Sultan Massoud et y demeura pendant un certain temps en sûreté contre Mouqtafî, jusqu'à ce que le khalife reçut à son sujet un message de la part du Sultan.[134] Il l'autorisa alors à revenir à sa maison, entouré de respect. Az-Zainabî revint à sa maison, et y demeura en disponibilité.[135] Sa puissance disparut, sa situation s'affaiblit, et il éprouva une grande misère et une gène bien dure, au point que, ayant désiré, pendant sa maladie, quelques fleurs odorantes, il ne put pas se les payer. Il avait dépensé la majeure partie de sa fortune, lorsqu'il était réfugié au palais du Sultan, pour ses parents par alliance, sa suite et ses partisans. Ses dons allaient faire profiter la plupart des grands de l'empire et d'autres qu'eux, parmi les savants, les visiteurs et les solliciteurs. Lorsqu'il fut atteint de la maladie dont il mourut, Mouqtafî lui écrivit un billet, dans lequel il chercha à se le concilier et lui promettant toute sorte de biens. Alors le vizir appliqua à la circonstance le vers suivant :
Elle[136] est venue, quand les fossés de la mort me séparent d'elle; et elle m'a accordé gracieusement ses faveurs, quand elles ne peuvent plus me profiter.
« Mon testament, dit-il, c'est qu'on prenne soin de mes femmes et de mes enfants. » Lorsqu'il mourut,[137] Mouqtafî se chargea de tout ce dont ses enfants, grands et petits, auraient besoin et leur servit de larges pensions.
Ce vizir[138] avait une certaine connaissance des sciences et une compétence en matière de hadith (traditions) du Prophète (sur lui soient les bénédictions d'Allah!).
Son vizirat ne fut pas long, et il n'eut pas d'histoire méritant d'être relatée.
Sa famille est une famille célèbre par les vizirs qu'elle a donnés, connue par les hauts fonctionnaires qu'elle a fournis. Mou'taman ad-Daula était agréable de physique et de caractère; mais il n'avait aucune connaissance des règles du vizirat. Il était fervent adorateur et très charitable. Mouqtafî liamr Allah l'investit du vizirat.
Moutaman ad-Daula, le vizir dont il est question, s'occupait peu de science, il était faible dans la lecture des livres. Il s'était constamment appliqué à la lecture d'une seule section du Coran et d'un seul livre de littérature. Cette section du Coran et ce livre étaient toujours devant lui et il y lisait très bien. De sorte que son ignorance passa inaperçue des gens, pendant la durée de son vizirat. Lorsqu'il mourut, cela se divulgua. Il n'eut pas d'histoire méritant d'être relatée.
Ce vizir grandit tout d'abord dans un village connu sous le nom de Doûr,[141] de la province du Petit-Tigre (Doudjail). Ce village est connu aujourd'hui sous le nom de « Doûr al-Wazîr » (les maisons du vizir), du nom d’Ibn Houbaira. Le père de celui-ci était laboureur au village susdit: il incitait son fils à acquérir la culture littéraire et à enrichir son esprit des connaissances utiles. Il l'emmenait fréquemment, quand il était jeune, à Bagdad et le présentait aux séances tenues par les grands savants, et aux savants qui tiennent le premier rang dans les séances. D'ailleurs, le fils lui-même avait des dispositions spéciales comme on l'a dit :
«... Elle possède par elle-même une gaîté[142]... »
Son père étant mort, tandis que lui était encore enfant, il s'occupa exclusivement[143] d’étude. Les vicissitudes du sort le ballottèrent, il éprouva des malheurs et endura les horreurs de la pauvreté. Il changea successivement de fonctions et il ne sortait d'un emploi que pour en occuper un plus important.[144] Il ne cessa pas de passer ainsi d'un emploi à un autre plus élevé, jusqu'à ce qu'il fût investi du vizirat, sous Mouqtafî. Il demeura dans cette fonction pendant un certain temps, avec un traitement[145] annuel de 100.000 dinars. Il était noble, généreux, bienveillant.
Il n'arrivait jamais au bout de l'année ayant encore dans son coffre un seul dirhem de son traitement. Mouqtafî et Moustandjid disaient : « Jamais les Abbâsides n'ont eu un vizir comme Yahya fils d'Houbaira, sous tous les rapports. » Il déploya dans la lutte contre les Seldjouqides une grande puissance et d'excellentes ruses. Il était digne, doux, modeste.
Lorsqu'il fut investi du vizirat, il entra au diwan, portant les insignes du vizirat et voyant un des jeunes serviteurs du diwan se tenant debout à l'écart, il le fit approcher, lui sourit et ordonna de lui donner une quantité d'or et un costume. Puis il dit : « Il n'y a aucun dieu en dehors d'Allah ! Je me souviens qu'en entrant une fois dans ce bureau, je m'étais assis sur un siège, lorsque ce jeune esclave vint me tirer par le bras, en me disant : « Lève-toi, ce n'est pas ici ta place. » Or, je viens de le voir debout et il était facile de lire la crainte sur son visage. J'ai voulu alors, en le traitant avec familiarité, dissiper la peur qui l'étreignait.
Un autre jour, le vizir voyant un soldat au ministère dit à son huissier : « Donne à ce soldat 20 dinars et six charges d'âne de froment, et dis-lui qu'il ne remette plus les pieds au diwan. Qu’on ne voit plus son visage. » Les assistants s'interrogèrent des yeux les uns et les autres, intrigués qu'ils étaient de savoir le motif de tout cela. Le vizir s'en étant aperçu, leur dit : « Ce soldat était commissaire de police dans notre village. Un des habitants du village avant été assassiné, ce commissaire vint arrêter quelques habitants du village et m'emmena avec eux, ligoté au milieu d'une bande de Persans. Il m’accabla d'outrages et de coups. Ensuite, s'étant fait remettre de l'argent par chacune des personnes arrêtées, il leur rendit leur liberté, et je restai seul avec lui. Alors, il me dit : « Donne-moi quelque chose et reprends ta liberté. « Je te jure par Allah, lui dis-je, que je ne possède absolument rien. « Il se mit alors à me frapper de nouveau et à m'accabler d'outrages, après quoi il me laissa partir, en me disant : « Va, qu'Allah te maudisse ! » C'est pourquoi je n'aime pas voir son visage. »
Parmi ses plus sages réflexions, on cite la suivante. On sait que les vizirs qui l'ont précédé se faisaient donner des surnoms honorifiques, entre autres celui de Sayyid al-Ouzârâ (le Seigneur des Vizirs). [Une fois vizir], Ibn Houbaira ordonna à ses secrétaires de ne plus écrire ce titre parmi les siens. Et il dit à ce sujet : « En réfléchissant à cette question, j'ai vu qu'Allah (qu'il soit exalté !) a donné à Aaron ce titre de vizir, puisqu'il a dit dans le Coran, mettant ce discours dans la bouche de Moïse[146] : « Donne-moi un vizir [choisi] dans ma famille. Que ce soit mon frère Aaron. Fortifie-moi par lui. » J'ai entendu aussi que le Prophète (sur lui soit le salut!) aurait dit : « J'ai deux vizirs parmi les habitants des cieux, [les archanges] Gabriel et Michel, et deux vizirs parmi les habitants de et de la terre, Abou Bakr et 'Omar. » Il a dit aussi (sur lui soit le salut!) : « Allah (qu'il soit exalté !) a choisi pour moi des compagnons, dont il a fait et mes vizirs et mes auxiliaires. »
Un des familiers d’Ibn Houbaira a raconté à son sujet l'anecdote suivante : « Nous étions, dit-il, chez lui, un jour, lorsque l'huissier entra et dit : « Seigneur, il y a à la porte un homme du Sawâd qui se dit être un tel, fils « d'un tel. Il porte avec lui un sac roulé en boule et demande à être introduit auprès de vous. » Le vizir ayant reconnu de qui il s'agissait, dit à l'huissier : « Fais-le entrer. » Nous vîmes alors entrer un grand vieillard de la population du Sawâd, portant un vêtement grossier en cotonnade, un turban de coton[147] bigarré et, aux pieds, des souliers d'étoffe dits djoumdjoum.[148] Il salua le vizir et ajouta : « Monseigneur, la mère des petites (il voulait dire ma femme) ayant su que je venais à Bagdad, m'a dit : « Salue de ma part le vieux Yahya, fils d'Houbaira et dis-lui combien nous regrettons de ne l'avoir pas vu depuis longtemps. » Elle a même préparé ces petits pains à ton intention. » Le vizir sourit et lui dit, avec beaucoup d'amabilité : « Que Dieu la récompense. » Puis il ouvrit le sac et y trouva des pains d'orge trempés dans une marmelade de mûre. Le vizir en prit deux, en disant : « Voilà ma part de ce présent. » Et il distribua le reste aux hauts fonctionnaires qui étaient là. Ensuite il demanda au paysan de quelles choses ils pouvaient avoir besoin, lui et sa femme, et les lui donna. Après quoi, s'adressant aux assistants, il leur dit : « Cet homme était mon voisin au village, et nous étions associés dans une petite culture. Je le connais pour être un brave homme. »
Parmi les circonstances où il employa la ruse, on cite le cas suivant. Il y avait dans une ville de la Perse un homme qui, chaque fois que l'on prononçait le prône[149] du vendredi à la mosquée-cathédrale, se levait, proférait des injures à l'adresse du khalife et formait des vœux pour le Sultan. Lorsque la chose parvint à Ibn Houbaira, il fit venir un Bagdadien et lui enjoignit de se rendre à la ville en question, en lui remettant 10 dinars en or et une bouteille contenant de la teinture d'indigo. « Lorsque, une fois entré dans la ville, — lui recommanda-t-il, — tu assisteras à l'office du vendredi à la mosquée-cathédrale, dès que tu verras l'homme qui injure le khalife, va à sa rencontre, déguisé en commerçant de passage, et réponds amen à tout ce qu'il dit. Fais semblant de pleurer quand tu l'entendras injurier le khalife, et ajoute : « Oh ! oui, que Dieu l'accable de malheurs ! Si j'ai quitté ma famille et ma patrie et si je suis tombé dans la misère, c'est bien par sa faute. » Tu agiras de la même façon le vendredi suivant et tu lui diras : « J'ai juré de te remplir la bouche de dinars d'or », et, en ce disant, bourre-lui la bouche de ces dinars et sors. Hâte-toi ensuite de te lotionner le visage et la barbe avec cette teinture, qui a la vertu de brunir le visage et de rendre noirs les poils de la barbe. Puis, déguise-toi, de façon à ne pas être reconnu, car, autrement, tu pourrais périr. » L'homme exécuta les ordres du vizir. Et comme les dinars étaient empoisonnés, dès que l'insulteur du khalife rentra chez lui, il ne cessa pas d'être en proie à d'horribles convulsions et mourut le jour même. Quant à l'envoyé du vizir, il fit usage de la teinture, et, étant devenu ainsi méconnaissable, il retourna à Bagdad.
Parmi les ruses de ce vizir, on cite aussi la suivante. Il avait l’habitude d'écrire aux rois des pays voisins de toutes petites dépêches sur du parchemin très fin. Il faisait ensuite dans l'épiderme du pied du courrier une incision suffisante pour y enfermer la dépêche, la laissait se cicatriser, puis envoyait le courrier à telle destination qu'il voulait. Sa fermeté d'âme et son sang-froid étaient tels qu'un jour, alors qu'il siégeait au diwan, ayant devant lui les émirs, les hauts fonctionnaires et les grands dignitaires, un énorme serpent tomba du plafond et vint s'abattre sur l'épaule du vizir, puis descendit jusque sur ses genoux. Tous les hauts fonctionnaires qui étaient là sautèrent de leurs places et quittèrent précipitamment leurs sièges. Quant au vizir, il continua à rester assis, sans bouger de sa place, ni quitter le coussin qui lui sert de siège, comme si rien n'était tombé sur lui. Ensuite, sur son ordre, les esclaves tuèrent le serpent devant lui.
Bref, Ibn Houbaira était du nombre des vizirs les plus distingués, les plus notables et les plus illustres. Il gouvernait l'empire et l'administrait avec beaucoup détalent. Il surpassait ses contemporains par ses connaissances et ses ouvrages, voici deux vers, pris parmi beaucoup d'autres, dont il est l'auteur.
La dignité de l’homme s'accommode mal avec son avidité [après la fortune]. L'une augmente quand l'autre diminue.
Cependant, quand la fortune d'un homme diminue, ses amis deviennent plus rares, et l'on trouve mauvais chez lui tout ce qu'on admirait autrefois.
Vers la fin de sa vie, Ibn Houbaira fut atteint d'un engorgement [des voies respiratoires] par la pituite.[150] Il mourut un jour qu'il était prosterné en faisant sa prière, en l’année 560 (1164).
Fin du règne de Mouqtafî liamr Allah et de l’histoire de ses vizirs.
Après Mouqlafi régna son fils Moustandjid billah Aboul-Mouzaffar Yousouf, qui reçut le serment de fidélité, après la mort de son père, en 555 (1160 de J.-C). C'était un prince énergique, parfaitement au courant du maniement des affaires publiques. Dès qu'il fut proclamé khalife, il abolit les péages et les taxes arbitraires. Toutefois, il commit une grande faute, en décrétant l'abolition des tenures, qu'il a réintégrées dans la catégorie des terres de kharâdj[151] ; cette mesure fut très onéreuse aux 'Alides qui habitaient Koûfa et les chapelles des imams 'alides. Ils attribuèrent l'initiative de cette mesure à Ibn Houbaira, qu'ils maudirent dans lesdites chapelles.
Sous le règne de Moustandjid, commença la conquête de l'Egypte et la décadence de la dynastie fatimide qui y régnait. Cette conquête fut achevée sous le règne de son fils Moustadi, par Salah ad-Din Yousouf, fils d'Ayyoub.
Moustandjid mourut étranglé au bain, au moment où il venait à peine de se relever d'une grave maladie dont il souffrait. Il fut étranglé par les grands dignitaires de sa cour, à qui il inspirait de vives alarmes.[152] Cet événement eut lieu en l'année 566 (1170 de J.-C).
En montant sur le trône du khalifat, il maintint dans sa charge Ibn Houbaira, le vizir de son père, et même il l’éleva encore dans les dignités. Nous avons suffisamment parlé ci-dessus de la biographie d’Ibn Houbaira, pour n'avoir plus à y revenir.
Le surnom honorifique de ce vizir était Izz ad-Din (majesté de la religion). Il fut chargé de l'intérim du vizirat après la mort de son père. C'était un homme supérieur, ayant toutes les qualités d'un bon chef et qui respirait la noblesse. Poète aux pensées élégantes, il était également versé dans la littérature et les traditions du Prophète. Il fut jeté en prison après la mort de son père, et depuis on ne sut plus ce qu'il advint de lui.
On cite les deux vers suivants comme étant de sa composition :
Que de fois j'ai fait preuve devant l'adversité d'une noble patience ! Que de fois je me suis plu à me figurer que son amertume[153] était un doux nectar !
Que de fois, enfin, j'ai dit à celui qui me reprochait mes tourments et mon désespoir : « Passe ton chemin[154] ».
Avant d'être vizir, Ibn al-Baladî était gouverneur de Wâsit. Il fit preuve, pendant son administration de cette ville, d'une grande capacité et d'une grande fermeté de caractère. Il versait constamment au trésor royal des sommes considérables[156] provenant des revenus de Wâsit. Moustandjid le prit en grande estime, et il lui fit écrire à Wâsit en des termes qui impliquaient, de la part du khalife, l'intention de le prendre pour vizir.[157] Les choses se précisèrent d'avantage, et Ibn al-Baladî exerçait toutes les prérogatives d'un vizir, tout en étant à Wâsit. Il répondait aux placets qu'on adresse habituellement aux vizirs, correspondait avec les princes des pays limitrophes, toujours sans quitter Wâsit.
Il se rendit ensuite à Bagdad, d’où le cortège officiel contenant tous les grands dignitaires sortit à sa rencontre. Or, l’ostodâr, 'Adoud ad-Din[158] Abou-l-Faradj Muhammad, fils de Raïs ar-Rou'asâ, était en mauvais termes avec Ibn al-Baladî. En conséquence, il lui répugna de sortir à la rencontre du vizir, et il offrit au khalife 5.000 dinars pour être dispensé de prendre part au cortège. Le khalife lui fit répondre que s'il payait cette somme comptant, il le dispenserait de sortir. La somme fut donc pesée et versée au trésor; mais, une fois qu'elle fut en caisse, le khalife ordonna à 'Adoud ad-Dîn de sortir à la rencontre du vizir, en lui faisant dire : « L'argent que tu as versé est une amende que tu as encourue pour avoir contrevenu à notre désir et cherché à nous faire revenir sur nos ordres royaux. » 'Adoud ad-Din perdit donc son argent et dut traverser le fleuve pour se rendre sur la rive occidentale avec tout le cortège. Tout le monde se rendit à Sarsar,[159] où eut lieu la rencontre avec le vizir. Dès que le regard d’'Adoud ad-Dîn tomba sur le vizir, il voulut mettre pied à terre, mais le vizir lui cria aussitôt : « Je jure par Allah que si tu mets pied à terre, je le ferai aussi. » Alors 'Adoud ad-Dîn vint lui présenter ses hommages, et tous deux se donnèrent l'accolade à cheval sur leurs montures. Ensuite 'Adoud ad-Dîn se mit en marche devant le vizir, qui arriva près du palais du Tadj. Il traversa le fleuve sur une embarcation et vint se présenter devant le khalife. Celui-ci lui donna de vive voix le titre de vizir, lui fit revêtir les pelisses d'honneur qui constituent les insignes du vizirat. Il lui recommanda de nouveau de s'occuper des intérêts du diwan. Ibn al-Baladî se chargea en conséquence du fardeau du vizirat. Il ne cessa pas de suivre une sage politique, jusqu'au jour où Moustandjid périt victime de la coalition d’'Adoud ad-Din et des grands émirs, qui le firent entrer malade au bain, où il mourut de l'excès de chaleur.[160] 'Adoud ad-Dîn fit paraître ensuite Moustadî, le fils du khalife défunt, et lui prêta le serment de fidélité. Il lui fit prendre des engagements corroborés par de graves serments, entre autres l'engagement de le prendre comme vizir, et son fils comme ostodâr. Il lui fit promettre également de nommer un tel chef de l'armée, un tel à telle fonction, etc. Moustadî prit tous ces engagements envers eux et s'y lia par de graves serments. Il reçut ensuite le serment de fidélité des membres de la cour, à l’intérieur même du palais royal. On y invita aussi le vizir, mais quand il fut au palais, on le conduisit dans un endroit retiré, où on lui trancha le cou. Son cadavre fut ensuite enlevé et jeté sur un tas de fumier à Bâb al-Marâtib[161] (Porte des degrés); de là il fut traîné par terre et jeté dans le Tigre. C'était un homme d'une conduite irréprochable et d'un caractère auquel on rendait hommage.[162]
Fin du règne de Moustandjid et de l'histoire de ses vizirs.
Après Moustandjid, régna son fils Moustadi Abou Muhammad Hasan. Il fut proclamé khalife en l’année 566 (1170 de J.-C). Sa conduite ne fut pas mauvaise. C'est sous son règne qu'arriva à Bagdad la bonne nouvelle de la conquête de l'Egypte et de la chute de la dynastie fatimide.[163]
En montant sur le trône du khalifat, il ordonna la mise à mort d’Ibn al-Baladi, le vizir de son père. Il mourut lui-même en l'année 575 (1179 de J.-C).
Le premier de ses vizirs fut 'Adoud ad-Din Abou-l-Faradj Muhammad, fils d'Abou-l-Foutouh 'Abd Allah, fils de Raïs ar-Rou'asâ, qui était auparavant ostodâr.
'Adoud ad-Dîn était du nombre des hommes les plus distingués et les plus notables. Il occupait les fonctions d'ostodâr, sous le règne de Moustandjid.
Lorsque celui-ci fut assassiné dans les conditions que l'on sait, Adoud ad-Dîn s'empara du pouvoir et s'appliqua à faire sortir Moustadi de sa prison et à le faire proclamer khalife. Il se chargea ensuite du fardeau du vizirat, dans des conditions satisfaisantes. Le jour où il s'assit sur le coussin du vizirat, il distribua beaucoup d’or et de froment à ceux qui habitaient les chapelles des imâms 'alides, les grandes mosquées, les universités et les casernes fortifiées des frontières. Il dirigea les affaires de l'empire avec une douceur qu'on n'attendait guère de sa part. Sa famille était d'ailleurs célèbre pour avoir fourni de nombreux hommes d'Etat. Ils étaient connus jadis sous le nom de famille de Roufail. Le poète Ibn at-Ta'âwidzî,[164] de Bagdad, était leur poète familial et leur était entièrement dévoué. Il passa la majeure partie de sa vie avec eux, et c'est précisément à eux qu'il s'adresse dans les vers suivants :
J'ai usé la moitié de ma vie à faire votre éloge, croyant que vous en étiez dignes.
Maintenant j'achève le reste de ma vie à vous accabler de satires, de sorte que j'ai perdu pour vous toute ma vie.
Ce poète est l'auteur de nombreuses pièces de vers, où fait il fait l'éloge de la famille de Roufail. En voici une entre autres :
Je ne cessais pas d'être sous l'égide de la famille de Roufail, à l'abri de l'injustice, et bénéficiant largement de la sécurité et de l'abondance.
Si parfois je commets le crime de louer d'autres qu'eux, les oiseaux aussi, quand ils n'ont rien dans l'estomac, se laissent attirer par le grain.
Si la bienveillance du vizir Muhammad[165] m'était rendue, mes rêves les plus éloignés seraient ainsi réalisés et les difficultés s'aplaniraient pour moi.
C'est un vizir dont les avis, quand le temps est malade, sont comme une poix dont on l'enduit pour le guérir de sa gale.[166]
Adoud ad-Dîn ne cessa pas de suivre une sage politique jusqu'au jour où il fut arrêté par ordre de Moustadi. Sa destitution eut lieu de la façon suivante. Un jour qu'il était assis dans le cabinet du vizirat, un des esclaves du khalife entra brusquement, et lui dit : « On n'a plus besoin de toi ! » En même temps il lui ferma son encrier. Pendant ce temps, les soldats de la milice turque et de l'armée régulière pénétrèrent dans les appartements du vizir, qu'ils saccagèrent. La populace y entra aussi et l’on réduisit en miettes, à coups de matraques, les coffrets d'ébènes et d'ivoires. On emporta tout ce qu'ils renfermaient. Alors 'Adoud ad-Dîn sortit en criant : « J'atteste qu’il n'y a pas de Dieu en dehors d'Allah et que Mahomet est son prophète.[167] » Il disait aux miliciens turcs : « Vous ne me respectez donc pas ? N'avez-vous pas été reçus par moi dans ma maison ? N'avez-vous pas mangé de ma nourriture[168] ? » Cela ne lui servit à rien, car il ne se passa pas plus d'une heure que sa maison était devenue un lieu désert. Il fut ensuite transporté lui-même au Harîm,[169] et mis en surveillance pendant un certain temps. Moustadî le rappela[170] ensuite au vizirat, lui donna toute latitude de faire ce qu'il lui plaisait, et dissipa son chagrin. Le bonheur lui revint et sa situation devint considérable. Il fit beaucoup de bien et de libéralités, et fut aimé de tous. C'était d'ailleurs un homme généreux, très libéral et doué d'une grande noblesse de caractère. Il n'acheta jamais, dit-on, pour l'usage de sa maison pour moins de 1.000 dinars de sucre.
Un de ses esclaves a raconté l'anecdote suivante : « Une fois, le vizir ayant eu besoin de 1.000 dinars, il lui répugna de les emprunter à ses enfants ou à d'autres personnes. Comme il avait l'habitude de me traiter avec familiarité, il me dit : « Mon enfant, j'ai besoin que tu me prêtes 1.000 dinars. Je te les rendrai dans quelques jours. — Volontiers, Monseigneur », répondis-je. Puis je partis et je lui rapportai 5.000 dinars, en lui disant : « Monseigneur, tout cet argent, j'en jure par Allah, je l'ai gagné à ton service; prends-en donc tout ce qu'il te plaira. » Il réfléchit un instant en baissant la tête, puis me dit: « Par Allah ! je n'en prendrai pas un liard; ramasse ton argent et va t'en ? »
Puis il débita ce vers :
C'est très laid de voir le maître qui a des suivants poursuivre ce qu'ils ont entre les mains.
Pendant son second vizirat, il ne cessa pas de suivre une sage politique, jusqu'au jour où il mourut. Ayant demandé au khalife l'autorisation d'aller en pèlerinage à La Mecque, il la lui accorda. Le vizir prit alors avec lui des bagages et des provisions tels qu'on n'en avait jamais vu de pareils. Il traversa ensuite le Tigre, se rendant à la partie occidentale de Madinat as-Salâm (Bagdad), pour aller ensuite à Hilla, puis à Koûfa et de là à La Mecque. Pendant que devant lui marchaient tous les grands de l'empire, un homme vint à sa rencontre à un endroit connu là-bas sous le nom de Qatouffâ[171] en criant : « Monseigneur, je suis victime d'une injustice, je suis victime d'une injustice ! » Et en même temps il lui tendit un placet. Le vizir le prenait de sa main, quand l'homme bondit furieusement sur lui et lui porta un coup de couteau à la clavicule. En même temps, un autre homme bondit sur lui de l'autre côté et lui porta un coup à la hanche. Enfin, un troisième assassin s'élançait sur lui, brandissant un couteau à la main, mais il ne put se faire jour jusqu'à lui. On se jeta alors de toutes parts sur les trois assassins, qui furent mis à mort. Bientôt après, le vizir mourait lui-même. On dit sur lui les prières funèbres, et il fut enterré dans le caveau de sa famille. Ses trois assassins étaient, dit-on, de la secte des Bathéniens, de la montagne de Soummâq. Voici ce qu'a raconté un homme de Qatouffâ. « J'étais entré, deux heures avant l'assassinat du vizir, dans une mosquée de Qatouffâ, et j'y vis alors trois hommes ; ayant placé l'un d'eux devant le mihrâb et l'ayant couché, les deux autres dirent sur lui la prière des morts. Puis cet homme se leva, et un autre s'étant couché, les deux restants dirent sur lui la prière des morts. Ils continuèrent ainsi jusqu'à ce que chacun d'eux eût prié sur les autres. Pendant ce temps-là, je les voyais sans être aperçu d'eux et je fus très étonné de cette scène. Quand le vizir fut tué et qu'on eut mis à mort les trois assassins, j'examinai attentivement le visage de ceux-ci, et je trouvai que c'étaient ceux-là même que j'avais vus clans la mosquée.[172] »
Ibn al-'Attar[173] était, au début, commerçant. Il fréquenta ensuite les percepteurs des finances et fut en grand honneur auprès de Moustadî, qui le prit pour vizir. Il était dur pour les sujets et le peuple le détestait. Il demeura au pouvoir jusqu'à la mort de Moustadî et à l'avènement de Nasir au trône du khalifat. C'est le dernier des vizirs de Moustadî.
Fin du règne de Moustadî et de l'histoire de ses vizirs.
Après Moustadi, régna son fils, l'imam Nasir lidîn Allah Abou-l-'Abbâs Ahmad, fils de Moustadî. Il fut proclamé khalife en l'année 575 (1179).
Ce prince était des plus grands et des plus distingués parmi les khalifes. Parfaitement au courant du maniement des affaires publiques, il avait de l'expérience et de la politique. Il était imposant, audacieux, bien informé et courageux. Il avait, en outre, le jugement droit, l'esprit pénétrant, la riposte vive, l’intelligence et la perspicacité toujours en éveil. Enfin il était éloquent, et on ne pouvait lui contester le mérite que donne la connaissance des sciences ou la vivacité remarquable de l'intelligence. Il discutait en connaisseur avec les savants, et maniait les affaires publiques en homme clairvoyant. Il partageait d'ailleurs les vues des imâmites.[175]
Il eut un règne long et heureux. Il aimait s'occuper en personne des affaires de ses sujets, au point qu'il avait l'habitude de se promener la nuit dans les rues de Bagdad, pour se mettre au courant des affaires du peuple et de ce qui se dit dans ce milieu. Fonctionnaires et sujets, tous le craignaient et se tenaient sur leurs gardes, comme si le khalife les observait tous dans leurs propres maisons. Ses 3iù espions et ses informateurs auprès des souverains et à l'étranger étaient en très grand nombre. Il existe, sur lui, à ce point de vue, d'extraordinaires anecdotes. Il composa des livres, entendit réciter les hadiths (traditions) du Prophète (sur lui soit le salut !) i et les récita lui-même à d'autres. Il revêtit les insignes de l'ordre de la Foutouwa[176] (virilité), et les conféra lui-même à d'autres. Un nombre considérable d’hommes, depuis l'orient jusqu'à l'occident de la terre reçurent de ses mains les insignes de cet ordre. Il tirait de l’arbalète, et apprit à beaucoup d'autres l'art de s'en servir.[177] En un mot, c'était l'homme le plus éminent de son temps, le héros de son siècle.[178] Sous son règne s'éteignit entièrement la dynastie des Seldjouqides. Ce prince fit des œuvres de bienfaisance et des fondations en nombre incalculable. Il bâtit des caravansérails pour héberger gratuitement les voyageurs de passage, des mosquées, des casernes-frontières, en quantité considérable. Avec cela, il faisait de ridicules économies. Il passait tout son temps à administrer les affaires de l'empire, à nommer et à destituer les fonctionnaires, à leur faire rendre gorge et à amasser des richesses.
On raconte qu'ayant rempli d'or un bassin, il continua à y mettre encore de l'or pour le remplir entièrement et même le faire déborder un peu. Un jour, en voyant ce bassin, il s'écria : « Ah! vivrai-je encore assez pour le remplir ! » Mais il mourut avant d'avoir réalisé son vœu. Et l'on raconte que son fils Moustansir, en voyant ce bassin, s'était écrié : « Vivrai-je encore assez pour l'épuiser? » Et il tint parole.
Nasir mourut en l'année 622 (1225).
En montant sur le trône, Nasir maintint Ibn al-Attar,[179] le vizir de son père, dans sa charge, pendant peu de temps. Ensuite, il le disgracia, le fit arrêter et emprisonner à l'intérieur même du palais du khalifat.[180] On le sortit mort quelques jours après et on le remit à sa sœur pour l'ensevelir et l'enterrer. Sa sœur l'ayant lavé, le fit ensuite porter dans un cercueil placé sur la tête d'un portefaix, pour aller l'enterrer. Mais celui-ci fit un signe d'intelligence à quelques personnes, qui lui lancèrent des pierres. Aussitôt le portefaix jeta par terre le cercueil et prit la fuite. Alors la populace s'empara du cercueil, sortit le cadavre de l'ex-vizir et le mutila. On lui attacha ensuite une corde au pied et au membre viril et on se mit à le traîner, après lui avoir mis dans la main un gros bâton[181] enduit d'excréments humains. Et la populace criait autour de lui : « Eh ! seigneur Zahîr ad-Dîn, appose ton sceau sur nos placets ! » Parmi les coïncidences curieuses qui se produisirent lors de cet événement, on rapporte l’anecdote suivante. Un Turc construisit un bain, et fit passer la rigole de décharge devant la maison d'un de ses voisins. Celui-ci, incommodé par la rigole, porta plainte devant le vizir, qui le renvoya sans aucun ménagement et sans lui prêter main-forte; même il lui dit : « Si tu ne gardes pas le silence, je te mettrai la tête dans cette rigole. » Or, on raconte que, lorsqu'Ibn al-'Attar fut mutilé et traîné par terre par la populace, on vint à passer devant la porte du bain en question et, par une curieuse coïncidence, le cadavre de l'ex-vizir tomba dans la rigole et y fut traîné quelques pas. Tous ceux qui étaient là en furent saisis.
Au début de sa carrière, 'Oubeïd Allah[182] était un des notaires assesseurs du qâdî.[183] Puis il monta de degré en degré jusqu'à ce qu'il parvînt au vizirat. Nasir l'envoya à la tête d'une nombreuse armée pour faire la guerre au sultan Toghroul,[184] fils d’Arslan, fils de Toghroul le Seldjouqide. Les deux partis en vinrent aux mains, et la victoire resta à l'armée du Sultan. Les troupes du khalife furent mises en déroute, mais le vizir demeura à son poste. On le fit prisonnier et il resta quelque temps en captivité. Ayant été ensuite relâché, il arriva à Bagdad incognito. Il ne survécut pas longtemps à cet événement.
C'était un homme distingué, honnête, aisé, même très riche.
On raconte que le syndic (naqîb) des 'Alides de Basra, le poète Abou Djafar Muhammad, fils d'Abou Thâlib, fit le voyage à Bagdad pour porter plainte devant ce vizir contre le gouverneur de Basra; il lui récita une pièce de vers (qasîda), dont voici un passage :
Les tribus des Ansârs, auxiliaires de Mahomet, sont nombreuses, mais les Benou Ghounm[186] sont les meilleurs.
C'est à eux qu'appartient Abou Ayyoub,[187] dont Mahomet habita la maison, et qui fut choisi 'd'entre tous par l'Élu.
Or je descends, par une filiation évidente, de Mahomet, et loi, tu es issu de cette tribu [les Benou Ghounni]; je suis donc par cela même ton voisin.
Je suis descendu chez toi comme Mahomet est descendu dans la maison de ton ancêtre. Or, l’hôte doit être protégé.
Pourquoi donc serais-je victime de l’injustice, alors que ma parenté me rattache à Mahomet, et que ta tribu ce sont les Ansârs.
Lorsque le vizir eut entendu cette poésie, il fut, dit-on, pris de compassion pour le poète Abou Djafar et versa des larmes. Il le revêtit ensuite d'une pelisse d'honneur, lui fit des cadeaux et lui donna satisfaction pour tout ce dont il avait besoin. Il lui rendit aussi justice contre le gouverneur de Basra, qu'il destitua. Ce vizir mourut lui-même destitué en 616 (1219 de J.-C.).[188]
Ce vizir était d'origine persane. Son père vendait de la viande en haut de la rue dite Darb al-Basriyyîn,[189] à Bagdad. Le fils, au contraire, passa sa jeunesse à étudier les sciences et les lettres. Il acquit une très grande habileté dans les sciences des fonctionnaires des finances, comme le calcul, les kouroûth[190] l'arpentage et les perceptions de l'impôt en nature. Il étudia ensuite les moyens d'arriver au vizirat.
C'était un homme d'une forte volonté et d'une grande ambition. Il dirigea des armées et fit des conquêtes. En un mot, il réunissait en lui les talents d'un homme d'épée et de plume. Il dirigea une expédition dans le pays du Khouzistan,[191] qu'il conquit et organisa. Il se rendit ensuite avec l’armée en Perse, dont il conquit la majeure partie. Mais sa dernière heure sonna, et il mourut dans ce pays.[192]
Originaire du Mazandéran, où il était né, ce vizir fut élevé à Rey et habita Bagdad, où il mourut.
Il était du nombre des hommes capables, distingués, notables et remarquables par leurs talents. Il étudia, dans sa jeunesse, les belles-lettres et en acquit une bonne connaissance. Il s'occupa ensuite des questions administratives, où il acquit une maîtrise toute particulière.
Il avait été, au début, suppléant du naqib 'Izz ad-Dîn Mourtadâ al-Qoummi, syndic des 'Alides de toute la Perse. C'est sous la direction de ce personnage qu'il apprit les principes qu'un chef doit connaître. Or le naqîb 'Izz Ad-Dîn était un des hommes les plus illustres de la terre et des plus considérables. 'Izz ad-Dîn ayant été mis à mort par l’ordre de 'Alâ ad-Din Kharezmchah,[193] son fils, le naqib Charaf ad-Dîn Muhammad prit la fuite et se dirigea vers Madinat as-Salâm Bagdad, pour se mettre sous la protection du khalife Nasir. Il était accompagné de son suppléant Nasir ad-Din, fils de Mahdî, qui était un homme d'une grande intelligence. Le khalife ayant examiné les capacités de Nasir ad-Din, s'aperçut qu'il était intelligent, judicieux, et qu'il avait le jugement droit. Il prit alors l'habitude de le consulter, en secret, dans les questions de politique extérieure.[194] Il le trouva parfaitement au courant de la politique des sultans de la Perse, connaissant leurs affaires, leurs institutions et le caractère de chacun d'eux. Et chaque fois qu'il le consultait sur une question de ce genre, il constatait qu'il trouvait la vraie solution. Alors, il se l'attacha, le nomma d'abord syndic des Thâlibites, puis lui confia la charge du vizirat.[195] Nasir ad-Din demeura dans ces fonctions pendant un certain temps, pratiquant une très sage politique. Il était généreux, libéral, et joignait une grande élévation de caractère à la noblesse de l'âme. On raconte à son sujet l'anecdote suivante. Un jour qu'il était assis dans le salon du vizirat, ayant à la main un gros morceau de bois odorant, il remarqua qu'un des grands dignitaires, qui étaient là présents, ne quittait pas des yeux le morceau de bois. Alors le vizir, s'adressant à cet homme, lui dit : « Ça te plaît? » L'autre répondit en adressant des vœux à Dieu pour le bonheur du vizir. Celui-ci lui ayant fait cadeau du bois odorant, l'homme se leva pour sortir ; mais, dès qu'il se fut éloigné de la salle d'audience, le vizir le fit rappeler rapidement et lui dit : « Tu veux donc nous couvrir de ridicule et rendre vrai à nos dépens ce proverbe : « Il l'a parfumé en le laissant tout nu ? » Puis il donna l’ordre de le revêtir d'une pelisse d'honneur, et lui fit remettre un ballot de vêtements, en lui disant : « Parfume-toi vêtu de ces habits. » Le poète persan Abharî[196] composa à la louange du vizir Nasir ad-Dîn un poème, très connu parmi les Persans et dans lequel il disait, au milieu d'autres vers élogieux :
C'est le vizir de l'Orient et de l’Occident, qui fait triompher la nation et la religion, qui par sa haute intelligence sera à jamais triomphant.
Le bruit de ta plume, qui, lorsque tu travailles à résoudre les difficultés des affaires publiques, est semblable à la mélodie de David récitant les psaumes[197]…………………………………
Al-Abharî envoya cette poésie avec un commerçant qui partait avec une caravane, en lui disant : « Fais parvenir cette poésie au vizir et, si tu peux, tu tâcheras de ne pas lui dire quel en est l'auteur. » La poésie ayant été présentée au vizir, il en fut satisfait. Il fit alors mander le commerçant et lui remit 1.000 dinars d'or, en lui disant : « Tu remettras ces 1.000 dinars à Al-Abharî et tu ne lui diras pas de qui ils proviennent. »
Nasir fit arrêter ce vizir, à la suite de certaines questions[198] qu'il désapprouvait, et qui exigeaient l'arrestation du vizir. Cet événement eut lieu en l'année 604 (1207 de J.-C). Le vizir fut ensuite transporté dans un appartement faisant partie de la maison du khalife, il y demeura surveillé[199] avec beaucoup d'égards et de ménagements, jusqu'à ce qu'il mourût, toujours surveillé, en l’année 617 (1220 de J.-C.).[200]
Ce vizir[202] était originaire et natif de Qoumm ; mais il fît son éducation et mourut à Bagdad. Sa généalogie remontait à Miqdâd, fils d'al-Aswad Al-Kindi.[203] Il était — qu'Allah lui fasse miséricorde ! — parfaitement au courant des affaires publiques, et, à la connaissance des principes du gouvernement, il joignait celle des règlements et de la pratique administrative des bureaux. Il était, en outre, versé dans le calcul, avait de profondes connaissances dans tous les genres littéraires, savait par cœur les plus belles poésies et pouvait raconter de jolies anecdotes. Il s'occupait avec une patience assidue des affaires du diwan, qu'il ne quittait pas depuis le matin jusqu'au soir.
Au début de sa carrière, il entra au service des sultans de la Perse. Pendant sa jeunesse, alors qu'il n'avait pas encore atteint vingt ans, il s'était attaché à Ispahan à un vizir persan, qui était lassé des secrétaires qu'il avait à son service, et auxquels il reprochait de contrevenir à ses ordres. En conséquence, il les renvoya et prit pour secrétaire le Qoummi, pensant que, ne fût-ce qu’en raison de son jeune âge, il n'oserait pas contrevenir à ses ordres. Le Qoummi lui servait de secrétaire depuis déjà quelque temps, lorsqu'un jour on apporta devant le vizir une quantité de pièces de brocart, les unes entières, les autres entamées. Alors le vizir fit venir le Qoummi auprès de lui pour vérifier le nombre des vêtements et les porter ensuite au magasin. Il lui annonçait : tant de pièces entières, mais le Qoummi écrivait : tant de pièces sans ajouter le mot : entières. « Pourquoi n° écris-tu pas comme je te le dis ? lui demanda le vizir. — Monseigneur, répondit le secrétaire, il n'est pas besoin de mentionner expressément les pièces qui sont entières, car lorsque j'arriverai à une pièce qui ne l'est pas, je mentionnerai au-dessous du chiffre que la pièce est entamée; ainsi, en mentionnant exclusivement les pièces entamées, cela indique que celles pour lesquelles cette mention manque sont entières. — Non, dit le vizir, écris exactement comme je te le dis. » Le Qoummî lui ayant de nouveau répliqué, le vizir se mit en colère, éleva la voix, puis, se tournant vers les assistants, il s'écria : « J'ai révoqué les vieux secrétaires que j'avais à mon service, précisément à cause de leur entêtement et de ce qu'ils ne font pas toujours ce que je dis. Et j'ai pris ce jeune homme comme secrétaire, pensant qu'à raison de son âge il n'aurait pas l'audace et l’esprit de contradiction qu'avaient les autres. Or, je trouve qu'il est encore plus entêté qu'eux. » Pendant ce temps, un des serviteurs du Sultan, qui était assis tout près de la salle où se tenait le vizir, sortit et demanda quelle était la cause de tant de cris et de la colère du vizir. On informa le serviteur de la scène qui venait de se passer entre le vizir et le Qoummî. Le serviteur revint raconter ce qui lui a été dit au Sultan, qui lui répondit : « Va dire au vizir : Ce qu'a fait le jeune secrétaire, c'est juste ce qu'il y avait à faire. » Le Qoummî prit alors de l'importance aux yeux des autres et sa situation en devint plus élevée. Il devint familier avec le serviteur, qui lui demandait souvent conseil, lui confiait ses secrets et recherchait son intimité. Or, il arriva que le Sultan chargea ce serviteur ainsi qu'un autre homme de porter un message à la cour du khalife. Le serviteur sollicita alors d'être accompagné du Qoummî ; ce qui lui fut accordé. Ils se rendirent à Bagdad et, le serviteur et son compagnon s'étant présentés chez le vizir Ibn al-Qassâb, lui dirent de vive voix l'objet du message et écoutèrent la réponse. Or, c'était une réponse qui n'avait aucun rapport avec le message; c'était plutôt une espèce de sophisme. Mais le serviteur et son compagnon s'en contentèrent, ne s'aperçurent guère qu'elle n'avait aucune valeur et quittèrent le vizir. Le Qoummî revint alors devant le vizir et l'entretint secrètement : « Monseigneur, lui dit-il, la réponse n'a aucun rapport avec le message transmis par les serviteurs. — Tu dis vrai, lui répondit le vizir, mais laisse-les dans leur bêtise, et n'éveille pas leur attention là-dessus. — Volontiers, dit le Qoummî. » Puis, le vizir Ibn al-Qassâb écrivit au khalife une lettre dans laquelle il lui disait : « Il est arrivé, en compagnie du serviteur du Sultan, un jeune homme de Qoumm, nommé Un tel, qui a fait preuve d'un esprit éveillé dans telle et telle circonstances. Un homme pareil mérite qu'on se l'attache par des libéralités et des bienfaits et qu'on s'assure ses services.» Le khalife écrivit au vizir, en lui ordonnant de ne pas laisser ce jeune homme partir avec les deux autres serviteurs. On lui trouva alors un prétexte, et il fut séparé de ses compagnons. Ceux-ci partirent, tandis que le Qoummî, resté à Bagdad, fut désigné comme rédacteur à la Chancellerie, où il exerça pendant quelque temps ces fonctions.
Ensuite, il fut nommé vizir et il acquit à la cour une influence que n'eut aucun de ses pareils. Il était l'homme unique de son temps en toute chose estimable ; il fit de nombreuses œuvres pies, beaucoup de bienfaisances et de larges aumônes.
Badr ad-Dîn Ayâz, l'esclave de ce vizir, a raconté à son sujet l'anecdote suivante : « Une nuit, le vizir demanda des sucreries préparées avec du sucre candi. On en prépara sur-le-champ de nombreux plats, qu'on lui présenta cette nuit même. Alors il me dit: « Ayâz, tu peux me garder ces sucreries, en les mettant de côté jusqu'au jour du Jugement dernier. — Seigneur, lui répondis-je, comment faire pour cela ? Est-ce possible ? — Parfaitement, me dit-il; tu iras tout de suite au mausolée de Moussa et d'Al-Djavâd (sur eux soit le salut !) et tu mettras ces plats devant les orphelins des 'Alides. De cette façon, ils seront réservés pour moi jusqu'au jour de la Résurrection. » Alors, reprit Ayâz, je répondis : « Vous serez obéi. » Et je me mis en route — il était minuit en ce moment-là, — vers le mausolée. [Une fois arrivé], j'ouvris les portes, et, réveillant les petits orphelins, je mis les plats devant eux, et m'en retournai. »
Le Qoummî ne cessa pas de pratiquer une sage politique, occupant le vizirat sous Nasir, Zâhir et Moustansir, jusqu'au jour où il fut arrêté par ce dernier khalife, qui l'emprisonna pendant un certain temps à l'intérieur du palais du Khalifat. Etant tombé malade, on le sortit de sa prison dans cet état, et il mourut (qu'Allah lui fasse miséricorde !) en l'année 629 (1231 de J.-C).
Fin du règne de Nasir lidin Allah et de l’histoire de ses vizirs.
Après Nasir, régna son fils Abou Nasr Muhammad Zahir biamr Allah, fils de Nasir lidin Allah. Il reçut le serment de fidélité en 622 (1225 de J.-C.). Son règne ne fut pas long, et il ne s'y produisit aucun événement qui mérite d'être relaté, si ce n'est l'incendie qui a détruit la sainte coupole (qoubba) du mausolée de Moussa et d'Al-Djavâd (sur eux soit le salut!). Zahir en fit commencer la reconstruction, mais il mourut avant qu'elle fut terminée. La reconstruction en fut achevée par Moustansir. De même, c'est Zahir qui a fait construire le nouveau pont, qui existe aujourd'hui à Bagdad. Quand il l'acheva, les poètes lui adressèrent des compliments en vers, dans lesquels ils faisaient la description du pont. Parmi ceux qui composèrent des poésies à cette occasion, il y avait Mouwaffaq ad-Dîn Abou-l-Qâsim, fils de Abou-l-Hadîd,[204] secrétaire-rédacteur de la chancellerie. En voici un fragment :
C'est un imam qui a proscrit l’humiliation de la mendicité et qui pratique la vraie générosité.
Il a établi une route sur le Tigre, pour ceux qui veulent y aller ou le quitter.
Il opposa à un pont, qui était déjà sur un point du Tigre, un nouveau pont sur un autre point,
Comme deux lignes d'écriture sur un papier blanc tracées avec art par la plume [qalam] du calligraphe,
Comme deux colliers d'ambre qui encadrent la blancheur de la poitrine d'une jeune fille aux seins arrondis,
Comme deux files parallèles de chameaux, debout sur une grande place.
Zahir mourut en l'année 623 (1226 de J.-C.).[205]
Ce prince maintint le Qoummî, le vizir de son père, dans ses fonctions, et ne prit pas d'autres vizirs.
Après Zahir, régna son fils Abou Djafar Mansour Moustansir billah, qui fut reconnu khalife en 623.
Moustansir était un prince énergique, généreux, qui rivalisait avec le vent en libéralité et en générosité. Ses actes de bienfaisance et ses dons furent trop célèbres pour être indiqués, et trop considérables pour être comptés. On peut dire, sans exagérer, qu'il n'eut pas de pareil parmi les khalifes de la famille 'abbâside. Il érigea de grands monuments, entre autres — et c'est le plus important — l'Université Moustansiriyya, dont la beauté dépasse toute description, et qui est trop célèbre pour qu'il soit besoin de la faire connaître; le caravansérail et le pont en pierre de Harbâ; le caravansérail de Nahr Sâbous,[206] dans le district de Wâsit; le caravansérail d'Al-Khirnini,[207] et une foule d'autres monuments : mosquées, casernes fortifiées, hôtelleries gratuites.[208]
Moustansir disait souvent : « Je crains qu'Allah ne me rétribue pas pour les libéralités et les dons que je fais, car il a dit dans le Coran[209] : Vous n'atteindrez à la [vraie] piété que lorsque vous aurez fait l'aumône de ce que vous chérissez le plus. » Or, moi, par Allah ! je ne fais pas de différence entre la poussière de la terre et l'or. »
Le règne de ce prince fut une période de bonheur. L'empire se développait dans la paix; les richesses affluaient et les provinces étaient prospères. Sous son règne eut lieu la prise d'Irbil. Il envoya contre cette ville Iqbal l'Echanson, accompagné de l'inspecteur général des troupes, aussitôt après la mort du possesseur d'Irbil, Mouzaffar[210] ad-Dîn, fils de Zain ad-Dîn 'Ali Koûdjouk.
Moustansir mourut en l’année 640 (1242).
En montant sur le trône du khalifat, Moustansir maintint pendant quelques années dans sa charge le Qoummî, le vizir de son père et de son grand-père. Il le fit ensuite arrêter, et ce vizir eut le sort que nous avons raconté précédemment.
Après le Qoummi, Moustansir prit pour vizir Abou-l-Azhar Ahmad, fils d'an-Nâqid, qui était, au début de sa carrière, administrateur du domaine privé du khalife. Il demeura quelque temps dans ces fonctions, puis les quitta pour devenir ostodâr et ensuite vizir. Il se chargea du fardeau du vizirat avec beaucoup de talent, et s'occupa de l'administration de l’empire dans des conditions satisfaisantes. C'était un homme d'une grande probité, d'une politique ferme et qui était très redouté des fonctionnaires des finances. Il a mis un terme à la maladie des concussions et des malversations. On lança, dit-on, contre lui une épigramme en deux vers; lorsque le vizir l'entendit [loin de se fâcher], il en fut satisfait. La voici.
Notre vizir est très abstinent; les gens aussi s'abstiennent de lui rien demander. Si bien que, des deux côtés, on est privé de toute jouissance.
Son époque ressemble au mois du jeûne[211] : elle est exempte de péchés, mais on y souffre de la faim et de la soif.
Sa fortune politique ne le quitta pas jusqu'à la fin de sa V|7 vie. A propos de sa chance incroyable, on raconte l'anecdote suivante, qui fut une coïncidence des plus extraordinaires. Avant son vizirat, il fit, dit-on, préparer, à l'occasion d'une fête religieuse, beaucoup de pâtisserie fourrée dite sanboûsadj. Voulant jouer une farce à un de ses amis, il donna ordre de fourrer soixante-dix pièces avec des graines de lin et du son et de les mettre à part. On prépara aussi beaucoup de ces pâtisseries selon la manière habituelle. Ensuite, s'étant rendu au palais du khalife, il fut requis de préparer une certaine quantité de ladite pâtisserie. Il répondit qu'il en avait déjà de toute prête et ordonna à un esclave d'aller chercher le sanboûsadj qu'il avait chez lui. L'esclave partit, et, ne sachant pas qu'il y en avait une partie fourrée avec de la graine de lin, il mêla le tout et le mit sur des plateaux pour le porter au palais du khalife. Mais les jeunes femmes de la maison et les esclaves survinrent et réclamèrent leur part de ces friandises. Ils en prirent une centaine. L'esclave porta ensuite les plateaux avec leur contenu au palais du khalife. Dès que les pâtisseries y furent apportées, Ibn an-Nâqid s'en retourna chez lui, et demanda aussitôt ce qu'on avait fait du sanboûsadj fourré avec de la graine de lin : « Nous n'en savions rien, lui répondit-on; l'esclave un tel est venu, il a tout mêlé ensemble, puis l'a emporté. » Le vizir n’eut plus aucun doute que sa dernière heure avait sonné, et il faillit tomber en défaillance, de peur et de honte. « Mais, n'en est-il donc rien resté ? demanda-t-il. — Si, répondit-on ; les jeunes femmes de la maison et les esclaves en ont pris environ une centaine. — Apportez-les », s'écria-t-il. Les sanboûsadjs ayant été apportés, on les ouvrit devant lui et on trouva que les soixante-dix sanboûsadjs remplis de graine de lin étaient restés entre les mains des jeunes femmes delà maison et des esclaves, dans l'ensemble de ce qu'ils avaient pris pour eux. Il n'en était pas parti un seul au palais du khalife.
Nasir ad-Dîn mourut en l'année 642 (1224 de J.-C.) sous le khalifat de Mousta'sim.
Fin du règne de Moustansir et de l'histoire de ses vizirs.
Mostasem, élevé au khalifat en l’année 640 (=1242) fut le dernier des khalifes. C'était un prince bon, pieux, d'un commerce facile, d'une humeur commode, retenu dans ses paroles et réglé dans sa conduite. II savait l'Alcoran par cœur, et avait une très belle écriture. Ses mœurs étaient douces, et il laissait à peine sentir son autorité ; mais il avait peu de jugement et manquait d'énergie : il ne connaissait point les affaires de l'empire, et se laissait facilement gouverner, n'imprimait aucun respect, et ne voyait point les choses sous leur vrai point de vue. Il passait la plus grande partie de son temps à entendre de la musique ou à regarder des joueurs de gobelets: quelquefois il s'occupait dans sa bibliothèque, mais d'une manière peu utile. Ses courtisans, qui étaient tous des gens sans aucun mérite et de la dernière classe du peuple, le dominaient entièrement : il n'en faut excepter que son vizir Mouayyad-eddin Mohammed fils d'Alkami,[213] homme de beaucoup de talents et du premier mérite ; mais il avait en quelque sorte les mains liées, et ses avis étaient mal reçus ; il s'attendait à chaque instant à perdre la liberté avec la place qu'il occupait.
Les khalifes avaient coutume de tenir leurs enfants et tous leurs proches dans une étroite réclusion ; et cet usage s'était constamment observé jusqu'à la fin du règne de Mostanser. Mostasem, monté sur le trône, ne renferma point ses enfants, et leur laissa toute liberté. Ils étaient au nombre de trois: l'aîné était l'émir Abou'labbas Ahmed, qu'on nommait communément Abou-becr, quoique ce ne fût pas vraiment son nom, mais parce qu'on prétendait que le pillage de Carkh avait été fait par son ordre et à son instigation : celui qui tenait le milieu entre les trois princes, était l'émir Abou'lfadhaïl Abd-al-Rahman, homme de beaucoup d'esprit ; ce fut lui qui alla se présenter au sultan Houlagou, et lui parla d'une manière qui plut infiniment au sultan : le plus jeune était l'émir Abou'lménakib.
Voici une aventure que j'ai ouï raconter à Safiyy-eddin Abd-almoumin Ormawi, fils de Fakhir. Abd-almoumin avait été admis à l'intimité de Mostasem sur la fin de son règne, et avait joui de sa faveur. Le khalife, vers ce même temps, avait formé une nouvelle bibliothèque ; il y avait fait transporter les livres les plus précieux, et en avait confié les clefs à Abd-almoumin. Abd-almoumin se tenait ordinairement près de la porte de la bibliothèque, et s'occupait à transcrire ce qui lui plaisait : quand il prenait envie au khalife de venir passer quelque temps dans la bibliothèque, il se rendait à celle-ci, ayant abandonné tout-à-fait l'ancienne bibliothèque, dont la garde était confiée au scheik Sadr-eddin Ali, fils de Nayyar. J'étais donc un jour, me disait Abd-almoumin, occupé à transcrire quelque chose dans une petite chambre dans laquelle il y avait un coussin destiné au khalife (c'était-là qu'il s'asseyait quand il venait en ce lieu); sur ce coussin était étendue une couverture, pour le garantir de la poussière. Un jeune eunuque y étant venu, s'assit près du coussin; et s'étant endormi d'un profond sommeil, il s'agita si bien, qu'à la fin il se trouva enveloppé dans la couverture qui était étendue sur le coussin : il n'en resta pas là, et, continuant à se remuer, ses deux pieds se trouvèrent placés sur le traversin. Tandis que j'étais occupé de mon travail, ayant entendu marcher dans le vestibule, je regardai : je vis que c'était le khalife, et qu'il me faisait signe de venir lui parler, et évitait de faire du bruit en marchant. Je me levai précipitamment, et je baisai la terre devant lui. Vois-tu, me dit-il, ce jeune eunuque qui s'est endormi! le voilà enveloppé dans cette couverture et ses deux pieds sont sur le traversin ; si je m'approche de lui sans qu'il s'y attende, quand il viendra à se réveiller et à s'apercevoir que je l'aurai vu dans cette situation, il sera glacé d'effroi ; réveille-le donc tout doucement; je vais, pendant ce temps, passer dans le jardin, et je reviendrai ensuite. En même temps il sortit: pour moi, j'entrai dans ta chambre, je réveillai l'eunuque, et nous raccommodâmes le coussin ; après quoi le khalife rentra.
Un habitant de Bagdad m'a raconté le trait suivant : celui duquel il l'avait appris, disait le tenir du scheik Sadr eddin Ali, fils de Nayyar, qui avait la confiance du khalife. J'entrai un jour, disait Sadr-eddin, suivant mon usage, dans la bibliothèque ; j'avais dans ma manche une serviette où étaient renfermées un grand nombre de requêtes qui m'avoient été remises par différents particuliers, pour les présenter au khalife ; je jetai la serviette avec les requêtes à ma place, et je sortis pour quelque affaire. Rentré dans la bibliothèque au bout d'un certain temps, je dénouai la serviette où étaient les requêtes,[214] pour les examiner et présenter d'abord de préférence celles qui me paraîtraient les plus importantes: je m'aperçus qu'elles étaient toutes répondues de la main du khalife, conformément aux désirs de ceux qui les avaient présentées. Je reconnus que le khalife était entré pendant mon absence dans la bibliothèque, et qu'ayant vu cette serviette où étaient les requêtes, il les avait toutes ouvertes et répondues.[215]
Mostasem fut le dernier des khalifes de la maison d'Abbas qui régnèrent à Bagdad. Il ne se passa sous son règne aucun événement digne de souvenir, si ce n'est le pillage de Carkh[216] ; et c'est une aventure qui lui fait peu d'honneur. Sur la fin de son règne, l'approche de l'armée des Mogols,[217] commandée par Houlagou, augmenta beaucoup les désordres qui troublaient l'empire ; mais tout cela ne put ni le tirer de son engourdissement, ni réveiller en lui la moindre étincelle de courage, et le déterminer à faire quelque effort. Plus on parlait des préparatifs et des sages dispositions du sultan, plus le khalife montrait d'insouciance et de négligence : il ne se représentait pas la position des affaires telle qu'elle était réellement, et il ne connaissait pas bien la puissance contre laquelle il avait à se défendre. (Que Dieu donne au gouvernement sous lequel nous vivons, la facilité de faire le bien, et qu'il l'élève au plus haut degré de gloire !) Son vizir Mouayyad eddin fils d'Alkami savait bien ce qui en était ; il lui écrivait sans cesse pour l'engager à se mettre en état de défense, et pour le tirer de son assoupissement ; il n'épargnait pas les avis, afin de le réveiller, et de le déterminer à faire des préparatifs : mais le khalife ne s'en abandonnait que plus complètement à l'apathie. Les confidents de ce prince lui persuadaient que le danger n'était pas si grand, et qu'il n'y avait pas de raison de s'alarmer ; que le vizir grossissait les sujets d'inquiétude afin de se faire valoir,[218] et de tirer de l'argent sous prétexte de mettre des troupes sur pied, et qu'il en détournait une partie à son profit. Ainsi le khalife s'endormant toujours d'un sommeil plus profond, tandis que l'activité allait constamment en augmentant du côté de l'ennemi, l'armée du sultan s'avança jusqu'à Hamadan, où elle demeura quelque temps. De là le sultan envoya députés sur députés au diwan de Mostasem. Le diwan fit enfin choix de Schéref-eddin Abd-Allah, fils de Djouzi,[219] et dont le père était grand-maître du palais impérial, pour l'envoyer en ambassade à Hamadan vers le sultan. Quand il y fut arrivé, et qu'on eut entendu les paroles dont il était porteur, on reconnut que le but de cette réponse n'était que de tromper l'ennemi et de gagner du temps. On commença donc tout de bon à marcher vers Bagdad et à y envoyer des détachements. Une armée nombreuse de Mogols, sous la conduite de Badjou, s'avança vers Técrit pour y traverser le fleuve, et se porter sur la rive occidentale. Ainsi ce corps marchait vers la capitale pour l'attaquer du côté du couchant, tandis que le corps d'armée commandé par le sultan, venait l'investir du côté du levant. Quand l'armée de Badjou eut passé le Tigre à Técrit et fut redescendue dans le territoire de Bagdad, une foule de gens accoururent du Dodjaïl ou petit Tigre, [220] et des cantons nommés Ishaki,[221] Nahralmélic[222] et Nahr-Isa,[223] et entrèrent dans la ville avec leurs femmes et leurs enfants. Les hommes et les femmes se précipitaient dans les eaux du Tigre : quand un batelier avait passé quelqu'un dans sa barque d'une rive à l'autre, il recevait pour salaire un bracelet d'or, une garniture d'habit en or trait, ou plusieurs pièces d'or. Enfin l'armée du Sultan, qui montait à plus de 30.000 cavaliers, étant arrivée au canton nommé Dodjaïl, les troupes du khalife sortirent à sa rencontre sous la conduite du général Moudjahid-eddin Ibek le Dévitdar.[224] Cette armée formait un très-petit corps de troupes. On en vint aux mains au couchant de Bagdad, près de la ville : les troupes du khalife eurent d'abord quelque avantage ; mais l'armée du sultan ayant repris le dessus, fit un grand carnage et beaucoup de prisonniers. Ce qui contribua surtout à augmenter la perte de l'armée du khalife, ce fut un canal que les assiégeants avoient ouvert durant la nuit ; le chemin par lequel les vaincus fuyaient étant rempli de boue, il ne se sauva que ceux qui prirent le parti de se jeter dans les eaux, ou qui gagnèrent le désert et se retirèrent droit en Syrie. Le Dévitdar, avec un petit nombre des siens, échappa au carnage et rentra dans Bagdad. Badjou, de son côté, continuant sa marche, entra dans la ville par la partie du couchant : il s'arrêta avec ses troupes vis-à-vis de Tadj, et ses soldats se répandirent dans les maisons pour piller.[225]
Badjou demeura plusieurs fours en face de Tadj. Le jeudi, 4 de moharram 656,[226] l'armée du sultan s'avançant vers Bagdad, une nuée de poussière parut à l'orient de cette ville, sur le chemin nommé Derb Yacoub,[227] et couvrit toute la ville. Aussitôt la rumeur fut grande dans Bagdad : on montait sur les toits et au haut des minarets, pourvoir ce qui produisait cette poussière. Enfin on découvrit l'armée du sultan, sa cavalerie, ses équipages, et tout le train qui sui voit l'armée: la face de la terre en était entièrement couverte. Il environna Bagdad de toutes parts, et commença à faire jouer toutes les machines employées pour les sièges. Les troupes du khalife se défendirent, et travaillèrent à repousser les assiégeants jusqu'au 29e jour de moharram; ce jour-là, à l'instant où l'on s'y attendait le moins, on vit les drapeaux du sultan des Mogols paraître sur les murs de Bagdad, du côté d'une tour nommée la tour d'Adjémi,[228] qui était près d'une des portes de la ville qu'on appelle la porte de Calwadha.[229] Cette tour était la plus basse de toutes celles dont le mur était flanqué. Les troupes du sultan se précipitèrent en foule dans la ville : le meurtre, le pillage, le viol, remplirent Bagdad. Les malheurs de cette ville, rapportés en gros, seraient longs à raconter; que serait-ce si on en faisait un récit détaillé î Je ne rapporterai pas les suites de ce tragique événement ; on peut s'en faire une idée, sans en exiger de moi le récit. Le sultan donna ordre que le khalife se rendît auprès de lui avec ses femmes et ses enfants, ce qui fut exécuté. Le khalife parut donc a l'audience du sultan : on lui fit, dit-on, des reproches et de vives réprimandes sur sa nonchalance, sa faiblesse et son insouciance ; après quoi on le livra lui et deux de ses fils, l'aîné et le second, a la rigueur des fois pénales du yasa.[230] Pour ses filles, elles demeurèrent captives. Mostasem mourut le 4 de safar 656.[231]
Fin de l'histoire du règne de Mostasem-billah.
Lorsque Mousta'sim reçut le serment d'investiture du khalifat, il maintint dans sa dignité le vizir de son père, qui était Nasir ad-Dîn Ahmad, fils d’An-Xàqid', jusqu'à sa mort. Puis, lorsque celui-ci mourut, il prit, comme vizir, Mouayyad ad-Dîn Muhammad, fils d'Al-'Alqami.
Ce vizir était asadite, sa famille originaire de Nail.[232] Son aïeul fut appelé Al-'Alqami, parce que c'est lui qui avait creusé le canal nommé Al-'Alqami. C'est le canal que l'ordre auguste du Sultan ordonna de creuser et qu'on appelle [aujourd'hui] Al-Qâzânî.[233]
Pendant sa jeunesse, ce vizir s'occupa de belles-lettres et y excella. Il avait une belle calligraphie, un style épistolaire éloquent, et écrivait selon la bonne orthographe. C'était un homme supérieur, parfait, plein de tact, noble, digne, aimant l'autorité, très courtois, apte au commandement, attaché aux règles du pouvoir, bien au courant des procédés de la politique, très habile dans les choses du vizirat. Il aimait les gens de lettres et honorait les savants. Il acquit des livres précieux en grande quantité.
Son fils, Charaf ad-Din Abou-l-Qasim 'Ali (Allah lui fasse miséricorde !) m'a raconté : « La bibliothèque de mon père, dit-il, renferma 10.000 livres reliés, parmi les livres précieux. » Des auteurs composèrent leurs livres en son honneur. Du nombre de ceux qui firent des ouvrages à son intention est le lexicographe As-Sâghânî,[234] qui composa pour lui al-'Oubâb (l'Océan) ; c'est un ouvrage important, considérable sur la langue des Arabes. De même, 'Izz ad-Dîn Abd al-Hamîd,[235] fils d'Abou-l-Hadîd, composa à son intention l’ouvrage intitulé Charh nahdj al-balâgha (Commentaire sur le Chemin de l'éloquence), comprenant 20 volumes. Le vizir récompensa ces deux auteurs, et leur donna une belle gratification. Il était comblé d'éloges. Les poètes firent son panégyrique et les hommes éminents accoururent auprès de lui [pour obtenir ses faveurs]. Parmi ceux qui chantèrent ses louanges est Kamal ad-Din, fils d'Al-Boûqî, qui le fit dans une qasîda, dont le vers suivant :
Mouayyad ad-Dîn Abou Thâlib Muhammad fils d'Al-'Alqamî, le vizir.
Et c'est un beau vers, dans lequel l'auteur a réuni le surnom honorifique (laqab) du vizir, son surnom patronymique (kounya), le nom[236] de son père et sa profession.
Le vizir Mouayyad ad-Din s'interdisait scrupuleusement les biens du trésor public et ceux des sujets ; il était exempt de toute action déshonorante, au-dessus de toute vilenie.
Badr ad-Dîn, le seigneur de Mossoul, lui envoya, dit-on, un cadeau, comprenant des livres, des vêtements et de jolis objets d'une valeur de 10.000 dinars. Lorsque ce cadeau arriva au vizir, celui-ci le fit porter en présence du khalife, et dit : « Le seigneur de Mossoul m'a envoyé cela en cadeau et je n'ai pas osé le lui retourner. Aussi l'ai-je fait porter [devant vous] en sollicitant son acceptation. » Le présent fut accepté. Puis, le vizir envoya à Badr ad-Dîn, en échange de son présent, une quantité de jolis objets de Bagdad d'une valeur de 12.000 dinars, en le priant de ne plus lui rien envoyer, à l'avenir, comme cadeau.
Tous les intimes du khalife détestaient le vizir et lui portaient envie, tandis que le khalife avait confiance en lui et l'aimait. Ils le desservirent tellement auprès du khalife, que celui-ci l'éloigna de la plupart des affaires.
On l'accusa d'avoir trahi, mais cela n'est pas vrai. Une des plus fortes preuves de sa non trahison, c'est la sécurité dont il a joui sous cette dynastie. En effet, le sultan Houlagou, lorsqu'il conquit Bagdad et tua le khalife, confia la ville au vizir, se montra bienveillant à son égard et fit de lui son fondé de pouvoirs. Or, s'il avait trahi le khalife, on n'aurait pas eu confiance en lui.
Kamal ad-Dîn Ahmad, fils d'Ad-Dahhâk,[237] qui était le neveu (fils de la sœur) du vizir Mouayyad ad-Dîn, fils d’Al-Alqamî,[238] m'a raconté : « Lorsque le sultan Houlagou campa devant Bagdad, il envoya un messager demander que le vizir sortît vers lui. Le khalife envoya alors chercher le vizir, qui se présenta chez lui avec moi. Le khalife lui dit : « Le Sultan a envoyé te demander, « et il convient que tu ailles le trouver. » Le vizir en fut ému et dit : « Seigneur^ lorsque je serai sorti, qui est-ce qui dirigera la ville et qui s'occupera des affaires « importantes ? — Il est indispensable que tu sortes, lui « dit alors le khalife. — Volontiers », dit le vizir. Puis il se rendit à sa maison, fit ses préparatifs et sortit. Lorsqu'il fut en présence du Sultan et que celui-ci entendit son discours, il eut le bonheur de lui plaire, étant donné que celui qui s'était occupé de soigner sa réputation auprès de Sa Majesté le Sultan, c'était le vizir bienheureux (al-wazir as-sa’îd). Nasir ad-Dîn Muhammad at-Toûsi[239] (qu'Allah sanctifie son âme !) Aussi, lorsque Bagdad fut conquise, fut-elle confiée à lui et Ali Behadour,[240] le préfet. Le vizir resta quelques mois, puis tomba malade et mourut (Allah l'ait en miséricorde !) en Djoumada première, de l'année 656 (5 juin-4 juillet 1258).
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Ici finit l'histoire de la dynastie des Abbâsides et celle de leurs vizirs, et c'est par là que finit le livre. Et louange à Allah seul! Que les bénédictions et le salut d'Allah soient sur notre seigneur Muhammad le Prophète, sur sa bonne et pure famille!
L'auteur de ce livre en a terminé la composition et la copie dans une période dont le commencement est le mois de Djoumada II de l'année 701 (1er février-2 mars 1301) et dont la fin est le 5 Chawwâl (3 juin) de l'année susdite, à Mossoul la Bossue. Ceci est l'écriture de sa main; qu'Allah lui pardonne !
[130] Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, XI, pp. 22 et 26.
[131] Voyez plus loin.
[132] Cf. le récit d'Ibn al-Athir, Chronicon. XI, pp. 26 et suiv.
[133] Tout ce passage semble emprunté textuellement à Ibn al-Athir, Chronicon, XI, p. 28.
[134] La brouille qui s'est produite entre le vizir et le khalife avait pour origine l'indépendance trop grande que le vizir avait prise vis-à-vis de son souverain; il contrecarrait, dit Ibn al-Athir, tous ses projets et n'obtempérait jamais à ses ordres. Pendant sa retraite dans la maison du sultan, l'intérim du vizir fut assuré d'abord par son cousin, le grand qâdî Az-Zainabi, ensuite par Sadid ad-Daula ibn al-Anbâri. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, XI, p. 50.
[135] Ibn al-Athir, op. cit., p. 59.
[136] La bien-aimée.
[137] Il mourut en l’année 538 (1143), au mois de Ramadan. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon. XI, 64.
[138] Il succéda à Sadid ad-Daula ibn al-Anbari, dont il a été question ci-dessus comme intérimaire au vizirat après Az-Zainabî. Il arriva au pouvoir après la mort de Sadid ad-Daula, en l’année 535 de l’Hégire (= 1140 de J.-C). Auparavant, il occupait les fonctions d'Ostodâr du khalife. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon. XI, p. 52.
[139] Le manuscrit arabe de Paris, n° 2133 (Supplément à l'histoire de Bagdad par Mouhibb ad-Dîn an-Nadjdjâr, f° 146 r°, donne une intéressante notice sur le père de ce vizir.
[140] La biographie de ce vizir est donnée avec beaucoup de détails par Ibn Khallikan, Wafayât al-a'yân, éd. Wüstenfeld, n° 817; le manuscrit arabe de Paris, n° 2133 (Ibn ad-Doubaitî al-Wâsitî, Tarikh Bagdad, f° 19 v°), donne une intéressante notice sur le petit-fils de ce vizir.
[141] Ce village était situé un peu en aval de Takrit, sur la rive gauche du Tigre. C'est là que prenait son point de départ un grand canal parallèle au neuve, qui aboutissait à Al-Moubârak, en amont de Fam-as-Silh. Cf. al-Khâtib Al-Bagdhadî, Introduction topographique à l'histoire de Bagdad, éd. et trad. G. Salmon. p. 36 ; Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 817, p. 72.
[142] Hémistiche d'un vers, dont le sens nous paraît certain. Peut-être s'agit-il d'une chanteuse, qui est naturellement gaie sans avoir besoin d'être mise en train par la musique, par exemple !
[143] Dans le manuscrit, la 2e lettre du mot n'a pas de points diacritiques.
[144] Il fut nommé d'abord Ministre des Finances (Diwan az-zimâm) en l'année 542 (= 1147) et quitta ces hautes fonctions pour le vizirat en l'année 544 (1149). Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, XI. 81, 96 ; Ibn Khallikan, loc. cit.
[145] Il est remarquable que l'auteur emploie le terme « mensualité » pour dire traitement annuel.
[146] Coran, XX, 30, 31, 32.
[147] Sur cette étoffe voy. l’article de Dozy, Suppl., II. 288.
[148] « Souliers des derviches, faits de coton et dont la semelle consiste en une vieille pièce d'étoffe. » Vullers, apud Dozy, Suppl., I. 211.
[149] C’est la khotba, où l’on mentionne le nom du khalife.
[150] D'après d'autres auteurs, il mourut empoisonné par ses ennemis politiques. Cf. Ibn Khallikan, Wafayât, notice citée, pp. 79-80: Ibn al-Athir, Chronicon. XI, 211.
[151] Voy. sur la question du kharadj le travail de M. Max van Berchem, La propriété territoriale et l'impôt foncier sous les premiers califes : étude sur l’impôt du Kharadj, in-8°, 1886, (75 pp.).
[152] Voy. sur les intrigues à la suite desquelles le khalife fut tué, Ibn al-Athir, Chronicon, VI, p. 236 et suiv.
[153] Littéralement : sa coloquinte.
[154] Il y a, en arabe, à la fin de ce vers, un joli jeu de mots, intraduisible en français.
[155] Une biographie spéciale de ce vizir est donnée par le manuscrit arabe n° 2133 de Paris, f° 49 v° (Supplément à l'histoire de Bagdad, par Mouhibb ad-Dîn ibn an-Nadjdjar). Toutefois, cet auteur, de même qu'Ibn Khallikan (Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 691, p. 117) et Ibn al-Athir (Chronicon, XI. p. 219 et passim) nomment le vizir en question Ahmad, fils de Sa’id. L'erreur paraît être du côté d’Ibn at-Tiqtaqâ.
[156] « Revenus fonciers abondants ». C'est ainsi du moins que je comprends ces mots. Dozy, qui a relevé ce passage du Fakhrî, le traduit par : « Des talents supérieurs ». Cf. Supplément aux diction. arabes, I, 542 b. Fleischer n'a pas relevé, dans ses Studien über Dozy's Supplément, cette acception évidemment erronée.... D'ailleurs, en citant ce passage, il y a donné un autre mot erroné.
[157] Cf. Ibn al-Athir. Chronicon. XI. p. 219.
[158] 'Adoud ad-Din appartenait à une grande famille de fonctionnaires. Son père. Abou-l-Foutoûh 'Abdallah, fils d’Hibat-Allah, fils d'Al-Mouzaffar, fils de Raïs ar-Rou'asâ, avait occupé les hautes fonctions d'ostodâr sous le khalife Mouqtafi. A sa mort, en 549 (= 1154), son fils aîné 'Adoud ad-Din lui succéda dans ces hautes fonctions. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, XI, p. 132.
[159] Il s'agit ici de Nahr Sarsar, canal qui relie l'Euphrate au Tigre, et qui est, situé entre le Nahr 'Isa et le Nahr al-Malik. G. G. Salmon, Introduction topographique à l'histoire de Bagdad, pp. 36-37.
[160] Ci-dessus, l'auteur avait dit que Moustandjid était mort étranglé. L'opinion rapportée ici est confirmée par Ibn al-Athir, Chronicon, XI, p. 236, qui dit tenir la chose de personnes bien renseignées.
[161] Cette porte était une des nombreuses portes qui donnaient accès au Harim, enceinte fortifiée qui occupait un tiers environ de la rive gauche de Bagdad, et où se trouvaient, en même temps que les palais du khalife, quelques demeures de particuliers, ainsi que des marchés destinés à pourvoir à la subsistance de ce quartier aristocratique. Le Bâh al-Marâtib était considéré comme une des principales portes d'honneur, et le chambellan qui y était préposé comptait parmi les plus hauts fonctionnaires. A l’époque de Yakout, cette porte ouvrait dans un quartier abandonné, où se dressaient encore de vieux hôtels particuliers ayant appartenu autrefois à l'aristocratie de Bagdad. Cf. Yakout, Mou’djam, I, p. 451; Aboulféda, Géographie (trad. Stanislas Guyard, II, 67-68 ; G. Salmon, Introd. topogr., p. 59.
[162] Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, XI, 237.
[163] Voy. sur ces importants événements : Ibn al-Athir, Chronicon. XI, p. 241 et suiv. ; Paul Casanova, Les Derniers Fatimides, dans les Mémoires publics par les membres de la mission archéologique française du Caire, t. XVI, pp. 415-445, et d'une façon générale les ouvrages qui traitent de la conquête de l'Egypte par Saladin.
[164] Abou-l-Fath Muhammad, fils d'Oubeïd Allah, dit Ibn at-Ta'âwidzî (le marchand d’amulette), né en 1125 à Bagdad, il devint plus tard aveugle (en 1183) et mourut en 1188. Le recueil de ses poésies qui ne manquent pas de grâce, a été édité par M. S. D. Margoliouth. Voy. sur ce poète Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., 248; Ibn Khallikan, Wafayât, notice 562 ; C. Huart, Hist. de la Litt. arabe, p. 101-102. Voy. une appréciation du diwan d’Ibn at-Ta'âwidzî par M. Hartwig Derenbourg, Journal des savants, 1905.
[165] C'est le nom du vizir 'Adoud ad-Dîn.
[166] Nous avons conservé, dans ce vers, l'image telle quelle, pour donner une idée des comparaisons que font les poètes arabes, et qui sont parfois absolument intraduisibles en français. Sur l'emploi de la poix, pour guérir les chameaux de la gale, voy. l’ouvrage du colonel Villot, Mœurs et coutumes des Arabes de l'Algérie, p. 128. Ce traitement est tellement répandu que, dans les formules d'actes de société, pour l'exploitation du transport à dos de chameaux, on prévoit toujours l'achat de la poix. Cf. Muhammad al-Bachir at-Touati, Kitab madjmou al-ifâda fî-ilm ach-chahâda, éd. Tunis, 1293, p. 86, l. 5 d'en bas.
[167] C'est le credo de la religion musulmane. On prononce souvent cette formule devant un événement inouï, une calamité, etc.
[168] On ne doit point trahir celui dont on a partagé la nourriture.
[169] Je pense qu'il s'agit du quartier Al-Harim al-Tahiri, sur lequel on peut consulter G. Salmon, Introduction topographique à l’histoire de Bagdad, pp. 114, 165 et passim, et voyez ci-dessus la note sur Bâb al-Marâtib, p. 545, note 1.
[170] Le khalife voulut le rappeler au vizirat dès l’année 566 mais il dut y renoncer devant l'opposition intransigeante du chef de la milice turque Qoutb ad-Din Qâ'imâz. Voy. les détails dans Ibn al-Athir, Chronicon, XI, 270 et 282.
[171] Ce village est situé tout près de Bagdad. Cf. Yakout, Mou’djam, s. v. ; Soyoûti (Loubb al-Loubâb, éd. Weijers. s. v., semble dire qu’on doit prononcer Qoutouffâ. C'est du moins ce que l'on peut déduire de l'ethnique dont il a précisé la vocalisation.
[172] L'assassinat du vizir 'Adoud ad-Din eut lieu en l'année 573 (1177) ainsi que le dit, dans deux passages différents, Ibn al-Athir, Chronicon, XI, pp. 296 et 303.
[173] Voy. plus loin, sous le règne suivant, une biographie plus complète de ce vizir.
[174] Voy. une notice spéciale sur ce prince dans le Supplément à l'Histoire de Bagdad (Dzail Tarikh Bagdad par Mounin ad-Dîn ibn An-Nadjdjâr, manuscrit de Paris n° 2133, f° 7 v°. Ce ms. a été attribué à tort au Prédicateur de Bagdad (al-Khâtib al-Baghdadi, voy. notre mémoire dans le Journal Asiatique de Paris, mars-avril 1908. pp. 237 à 242 (et tirage à part). — On peut voir encore sur ce khalife, dont le règne ne manque pas d'éclat, surtout quand on le compare au néant politique où vivaient ses prédécesseurs, G. Weil, Geschichte der Chalifen, III, 364-454 ; Noël Desvergers. l'Arabie, p. 465. Ibn Khaldoun, 'Ibar, III, p. 528; Ibn Taghri Bardî, An-Noudjoûm az-Zâhira (on peut consulter les mss. de Paris. n° 1779 à 1781, le continuateur de Juynboll pour l'édition d'An-Noudjoûm, M. W. Popper, n'étant pas encore arrivé à cette partie de l'ouvrage d'Abou-l-Mahâsin. On trouvera aussi de nombreux renseignements sur ce règne dans la Collection des Historiens orientaux des croisades, dans Abou Châma, Kitab ar raudatain, Ibn al-Athir, Chronicon, t. VI et XII, passim.
[175] C'est une raison suffisante pour que notre auteur fasse de ce khalife, d'ailleurs remarquable, un éloge pompeux.
[176] On sait que ce mot désigne, en arabe, l'ensemble des qualités qui caractérisent l'homme, dans la plus noble acception du mot, le vir des Latins. L'ordre de la foutouwa comprenait des descendants de la famille du Prophète, auxquels venaient s'affilier des amis ou des clients. Les insignes consistaient en un pantalon, une tunique, et d'autres vêtements que l'on se transmettait de père en fils. Le chevalier de cet ordre recevait ensuite une coupe, dont il ajoutait ordinairement la figure à ses armes, soit seule, soit en même temps que la figure représentant le pantalon. Pour plus de détails et pour les références, voy. l'art, de Dozy, dans le Suppl., II, 241.
[177] Cf. Dozy, Supp. aux diction. arabes, I, 5.59.
[178] Ibn al-Athir, qui n'avait pas les mêmes raisons que notre auteur pour porter aux nues le khalife « qui partageait l'opinion des imâmites », le juge, au contraire, très sévèrement. C'est pour lui le pire des khalifes. Sa foutouwa, ses fondations pieuses, ce n'était que de l'ostentation. D'ailleurs, il passait son temps à défaire ce qu'il venait à peine de faire. Sous son règne « les spoliations étaient incalculables et l'Iraq fut littéralement dévasté ». Tout ce passage (Chronicon, (XII, p. 286) est très intéressant.
[179] Ce vizir était fils d’un riche habitant de Bagdad, originaire de Harrân, où il naquit en 484 (= 1091). Son père se nommait Abou-l-Qasim Nasr, fils de Mansour, fils de Housain, fils d'al-'Attar, mort en 553 (= 1160) à Bagdad, où il se distingua par sa charité et son assiduité à lire le Coran. Quant au fils, il occupa d'abord les fonctions de sahib al-makhzin à Bagdad en l'année 566 (= 1170). Il y demeura jusqu'à l'année 570 (= 1174) époque à laquelle il fut maltraité par le Turc Qoutb ad-Din Qâ'imâz, qui fit brûler sa maison et l'obligea à fuir. D'ailleurs Qoutb ad-Dîn lui-même, par un juste retour des choses, eut bientôt à souffrir des mêmes procédés. Sur l'ordre du khalife, la populace envahit l'hôtel de Qoutb ad-Din, qui fut mis à sac. Lui-même dut prendre la fuite et mourut de soif et de privations, sur la route de Bagdad à Mossoul, dans cette même année 570 (= 1174). Trois ans après, Zahir ad-Din devint vizir de Moustadi en l'année 572 (= 1177). Il fut maintenu à son poste par le khalife suivant Nasir, qui le disgracia ensuite de la manière racontée au texte. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon. XI, 158, 241, 281, 303-304.
[180] Au palais du Tadj. Cf. Ibn al-Athir, op. cit., XI, 304.
[181] Une louche en bois, dit Ibn al-Athir, loc. cit.
[182] Il se nommait 'Oubeïd Allah, fils de Younous. Ibn al-Athir, Chronicon, XI, 372.
[183] Ce qâdî était beaucoup plus âgé que le vizir, et comme il était obligé de marcher à pied au milieu du cortège de dignitaires qui accompagnait le vizir, il ne cessait pas, dit-on, de maudire, tout le long du chemin, le sort qui l'avait fait vivre si vieux, pour l'obliger à une pareille humiliation. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, 372.
[184] Ce prince appartient à la branche des Seldjouqides qui domina en 'Iraq et dans le Kurdistan. Il est le neuvième et dernier prince de cette branche, qui, depuis, fut remplacée par les chahs du Khwarezm. Il régna de 573 (= 1177) à 590 (= 1194). Cf. Stanley Lane-Poole, The Mohammadan Dynasties, p. 154, et Ibn al-Athir, Chronicon, XII. 15.
[185] La biographie de ce vizir est donnée par Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2064, f° 126. Cet auteur le nomme Sa'd et lui donne comme laqab ou surnom honorifique « Mou 'in ad-Din ». Voy. aussi le folio 141 v° de ce même manuscrit. Voy. aussi Ibn al-Athir (Chronicon, XII, 198), qui le nomme Sa'd, mais en confirmant le laqab Mouizz ad-Din que lui donne Ibn at Tiqtaqâ.
[186] Les Benou Ghounm sont une tribu Bakrite, descendant de Chaibân. Cf. Caussin de Perceval, Essai, II, 449; Kitab al-aghâni. XVI, p. 131. l. 13; Ibn al-Athir, Chronicon, III, 196, l. 4 d'en bas.
[187] Abou Ayyoub al-Ansari était un habitant de Médine, un des premiers qui embrassèrent l’Islam. C'est dans sa maison que Mahomet, lors de son émigration à Médine, vint s'installer, ce qui devint pour lui et ses descendants un titre à la vénération des Musulmans. Cf. Caussin de Perceval, Essai sur l'hist. des Ar., III, 20; Prince de Teano, Annali del Islâm, I, introd. § 334 et année I, §35. Il mourut sous les murs de Constantinople, pendant le siège de cette ville par les armées de Mouâwiya. C'est là qu'est son mausolée, objet de la plus grande vénération; voy. notre traduction du Mi'yâr, tome XII des Archives marocaines, p. 232.
[188] D'après Ibn al-Athir, (Chronicon, XII, p. 198), ce vizir mourut au mois de Djoumada I de l'année 620 (= juin 1223). Il était déjà en ce moment dans la retraite. Peut-être pourrait-on concilier ces données contradictoires des deux historiens, en admettant que la date de 616, donnée par Ibn al-Tiqtaqâ, est celle de la destitution du vizir, tandis que la date de 620, donnée par Ibn al-Athir, est celle de sa mort. Ce dernier auteur ajoute que le cercueil du vizir fut transporté à Koûfa et enterré près du mausolée d’Ali. Cela laisserait à supposer que la sépulture d’Ali était encore connue à cette époque, mais l’on sait que les historiens arabes ne sont guère d'accord sur l’emplacement où fut enferré le khalife 'Ali.
[189] Dans sa Topographie de Bagdad, Al-Khatib al-Baghdadi (éd. et trad. Salmon, Paris, 1904) ne donne pas le nom de cette rue.
[190] Ce mot est ainsi écrit dans le manuscrit et les deux éditions. Il ne semble pas avoir de sens connu ; aucun dictionnaire ne le mentionne, sauf Dozy (Suppl., II, 453), qui ajoute d'ailleurs : « J'ignore ce que ce mot signifie dans Fakhrî. » Fleischer, dans ses Studien über Dozy's Supplément, ne l'a pas non plus expliqué. On pourrait peut-être hasarder la conjecture suivante : il signifie « se casser » en parlant d'une corde. Ce serait dans ce cas synonyme d'arpentage, mesurage des terrains, les Arabes ayant l'habitude de mesurer les terres avec des cordes. Ce n'est là naturellement qu'une conjecture que nous proposons sous toutes réserves.
[191] Sur cette importante expédition, que le vizir entreprit surtout dans l'intention secrète de se rendre plus tard indépendant, voy. Ibn al-Athir, Chronicon, XII, p. 71 et suivantes. Cette expédition eut lieu l'année même de l'arrivée d’Ibn al-Qassâb au vizirat, c'est-à-dire en 590 (= 1193), Ibidem.
[192] Hamadhan, en 592 (= 1195). Ibn al Athir, Chronicon. XII. p. 81.
[193] 'Alâ' ad-Din Muhammad Kharezmchah régna de 596 (= 1199) à 617 (=1220). Cf. Stanley Lane-Poole, The Mohammadan Dynasties, p. 177. Une intéressante biographie de ce prince est donnée par Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2064, f° 36 r° et n° 5860, f° 209 r° ; Ibn al-Athir, Chronicon, XII, 30 et sq.
[194] Littéralement : dans ce qui se rattache aux souverains des pays voisins.
[195] En l'année 592 (1195), c’est-à-dire l'année même où périt Ibn al-Qassâb à Hamadhan. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, XII, p. 81.
[196] Nous avons peu de renseignements sur ce poète. Originaire d'Abhar, en Perse, entre Qazvin et Zandjân, Rafi' ad-Din Abharî Qazwini est un poète qui a laissé un diwan de 3.000 vers. Il était l’ami d'Athir ad-Dîn Ammânî et de Kamal Ismâ’îl, le premier ayant été l'élève de l'astronome Nasir ad-Din Toûsî sur lequel voyez plus loin, et le second étant mort en 635 (= 1237 de J.-C). Ces synchronismes montrent que Rafi' ad-Dîn Abharî est bien le poète dont parle ici Ibn at-Tiqtaqâ. C.f. Riza-Qouly-Khan, Madjmâ' al-fusahâ, l. l, p. 234. Je dois les éléments de cette note à l'extrême obligeance de M. Clément Huart, professeur de langue persane à l'Ecole des Langues O. V., qui a bien voulu me signaler aussi que l'indication du mètre, telle qu'elle est donnée par l'édition du texte arabe, est inexacte. En effet, les deux vers d'Abharî sont, non pas du mètre basit, mais du moudjlathth, tel qu'il est usité en persan. — Cf. aussi Barbier de Meynard, Dictionnaire géogr. de la Perse, p. 12, note 1.
[197] Le sens ne s’arrête pas ici: il devait y avoir un troisième vers achevant le sens de la phrase (Observation de M. Cl. Huart).
[198] Ce vizir était très dur à l'égard des émirs turcs qui entouraient le khalife. Il se montra peu accommodant avec l'émir du pèlerinage (émir al-hâdjdj, Sounqour, dit Wadjh as-Sabou' (visage du lion), qui fut réduit à fuir vers la Syrie pour échapper aux persécutions dont il était l'objet de la part du vizir. On en arriva même à faire contre lui des poésies, où l'on exposait les doléances de ses victimes, et qu'on faisait parvenir au khalife. Voyez-en un spécimen dans Ibn al-Athir, Chronicon, XII, p. 183.
[199] Voy. Dozy, Suppl. II, 87 a. et Ibn al-Athir, Chronicon, XII, 183.
[200] D'après Ibn al-Athir (op. cit., VII, p. 261), l'ex-vizir mourut à Bagdad. La prière des morts fut dite dans la chapelle du Palais khalifien, en présence de tous les grands dignitaires de l'Empire.
[201] Une intéressante notice sur ce vizir est donnée par le manuscrit arabe de la Bibliothèque nationale, n° 5860, f° 48 r° et v° (Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât).
[202] Ce vizir ne succéda pas immédiatement au précédent : il y eut un intervalle d'un an et huit mois (depuis le 22 Djoumada II Gu4 jusqu'au mois de Rabi' I 606 (= 13 janvier 1208 à septembre 1209), pendant lequel l'intérim du vizirat fut assuré par Fakhr ad-Din Abou-l-Badr Muhammad, fils d'Ahmad, fils d'Amsainâ, de Wâsit. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon XII, 183 et 189.
[203] Sur ce compagnon du Prophète, voy. Kitab al-aghâni, XIV, 15, 16; Ibn Khallikan, Wafayât, éd., Wüstenfeld, notice 501. Ne pas le confondre avec Miqdâd fils d’Amr, autre compagnon du Prophète, sur lequel, voy. aussi le Kitab al-aghâni, IV, 20 ; Massoudi, Prairies d’or. IV, 255, 275-276; Caussin de Perceval, Essai, III, 29, 38, 45, 97, 155 ; Prince de Teano, Annali del Islam, index, 1383.
[204] Nous connaissons un Ibn Abi-l-Hadid, poète, qui vivait précisément à cette époque (né en 586 = 1190, mort en 655 = 1257), et sur lequel on peut voir, infra, la traduction correspondante à la page 456 du texte arabe. Serait-ce son fils?
[205] Voyez un éloge de ce khalife dans Ibn al-Athir, Chronicon, XII, 287 et 298.
[206] Cette localité, qui tire son nom d'un cours d’eau qui la traversait, était située à une journée de Wâsit et comprenait un certain nombre de petits villages. Cf. Yakout, Mou’djam, IV, 840.
[207] Je n'ai trouvé aucun renseignement sur ce nom propre.
[208] Il y en avait un certain nombre à Bagdad, presque dans tous les quartiers et sur les deux rives. Chaque hôtellerie avait à sa tête un homme de confiance chargé de distribuer aux pauvres, tous les jours du mois de Ramadan, un dîner copieux, composé de viande de mouton, de légumes et de deux livres de pain blanc. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, XII, p. 184.
[209] III, 86.
[210] Ce prince mourut en 630 (= 1232 de J.-C). Cf. Stanley Lane-Poole, The Mohammadan Dynasties, p. 165.
[211] Ramadan.
[212] La traduction de ce dernier khalifat (sans le vizirat) provient de S. de Sacy, Chrestomathie, I.
[213] Sur ce vizir, voyez plus loin.
[214] Sur la manière dont étaient rédigées ces requêtes, ou plutôt les réponses que l’on y faisait, voyez les extraits d'auteurs arabes donnés par Sacy, Chrestomathie arabe, I, pp. 71-72.
[215] Tout ce règne a été traduit par Sacy (Chrestomathie, I, p. tiit). Je ne crois pas pouvoir mieux faire que de conserver la traduction de cet orientaliste de génie. Je me suis permis toutefois de me séparer de lui sur quelques points, mais en rappelant dans une note la traduction que j'ai rejetée, pour que le lecteur soit à même de juger.
[216] Nous avons déjà donné des renseignements sur ce quartier de Bagdad, dont la majorité des habitants était chi'ite. A l'époque du géographe Yakout, il n'y avait pas un seul sunnite demeurant dans ce quartier. Cf. Mou’djam. IV, p. 255. Quant à la raison pour laquelle le fils aine du khalife fut nommé Abou Bakr, c'est par allusion au premier khalife, Abou Bakr, qui se montra si injuste envers 'Ali, pour le forcer à le reconnaître comme successeur légitime de Mahomet. Voyez aussi sur Karkh l'importante note de Sacy, Chrestomathie arabe, I, p. 66, note 7.
[217] Sacy (loc. cit., p. 60) traduit: « ... l'approche de l'armée des Mogols, commandée par Houlagou, augmenta beaucoup les désordres qui troublaient l'empire. » Mais je ne crois pas que le mot ait ici le sens que lui donne l'éminent orientaliste. Cf. Mouhit, I, p. 757 b, l. 6; Tadj al’arous, VI, p. 113, in fine.
[218] On l'avait même accusé d'avoir entretenir des intelligences avec l'ennemi. Cf. Sacy, Chrestomathie arabe, I, p. 66.
[219] Sur les circonstances dans lesquelles Ibn al-Djauzi fut envoyé en ambassade auprès d'Houlagou, voy. notamment Abou-l-Faradj, Tarikh, éd. et trad. Pocock, I. p. 516 et II, p. 337. Cet Ibn al-Djauzî était un des trois fils de Mouhyi-d-Din ibn al-Djauzi, qui remplit lui-même diverses ambassades auprès des petits princes qui étaient en relations avec le khalife de Bagadad. Voy. de nombreux détails dans le manuscrit arabe de Paris, n° 1703, f° 126 verso et 127 recto (Ibn Wasil).
[220] Sur le Petit-Tigre, voyez la note de Sacy, Chrestomathie arabe, I, pp. 70-71, note 12.
[221] « Ishâqi, dit Yakout (Mou’djam, IV, p. 844), est à l'est de Nahr al-Mardj, tout près de Takrît », sans autre renseignement. Je pense qu'il s'agit d'un de ces petits canaux qui sillonnaient toute la région.
[222] Le canal qui relie l'Euphrate au Tigre est situé entre le canal dit Nahr 'Isa et celui qui porte le nom de Nahr Qoûtâ. Le canton du même nom contenait, dit-on, trois cent soixante villages. La tradition arabe rapporte que c'est Alexandre qui fit creuser ce canal. (Voy. l'extrait du Marâsid al-ittila donné par Sacy, Chrestomathie arabe, I, p. 74, note 14. Mais une autre tradition, rapportée par le Prédicateur de Bagdad, attribue au dernier roi nabatéen, du nom d'Afqoûrchâh, le creusement de ce canal. Ce roi légendaire aurait régné 200 ans. Cf. G. Salmon, Introduction topographique à l'histoire de Bagdad, p. 23.
[223] Le canton de Nahr 'Isa, qui emprunte son nom au canal qui le traverse et qui relie l'Euphrate au Tigre, était situé à l'occident de Bagdad et contenait un grand nombre de villages. Le canal lui-même prenait sa source dans l'Euphrate, à Dimmâ, et se jetait dans le Tigre au-dessus de Bagdad. Ce canal portait autrefois le nom de Nahr ar-Roufail et se jetait dans le canal dit Sarûl. Il emprunta son nom à un cultivateur d'origine persane, appelé Roufail, qui fut converti à l'Islamisme par Sa'd, fils d'Abou Waqqâs. Plus tard un descendant de la famille de Hâchim, nommé 'Isa, fils d’Ali, fils d''Abd Allah, fils d’Abbâs, prolongea ce canal jusqu'au Tigre, en le faisant passer auprès du château qu'il habitait. Depuis, le canal porta le nom de Nahr 'Isa. De là l'origine des confusions entre ces deux noms. Cf. Sacy, Chrestom. ar., I, p. 74, note 15 ; G. Salmon, Introduction topographique à l'histoire de Bagdad, pp. 36 et 152. D'une façon générale, on peut consulter sur ce système de canaux, en dehors du chapitre ci-dessus indiqué de l'introd. topogr., l'ouvrage de M. Guy Le Strange, Description of Mesopotamia and Baghdâd, pp. 68 et 285; Yakout, Mou’djam, IV, 842.
[224] Le dawadâr ou dawidâr, dont le nom signifie le porte-écritoire, devint à la fin un des plus importants, sinon le plus important, personnages de la cour des khalifes, de même qu'il devint plus tard, en Egypte, sous les Mamlouks, un des plus grands officiers du sultan. Voyez Sacy, Chrestomathie arabe, I, p. 136 et sq. ; Quatremère, Mamlouks, I, i, p. 118; dans un autre passage de son livre (voyez ci-dessus, p. 130), Ibn at-Tiqtaqâ dit que Moudjahid ad-Din était le petit Dawadâr, autrement dit le Dawadâr adjoint, ou vice-chancelier. Plus tard, après le sac de Bagdad par les Mogols, le catholicos Makikha éleva une église sur l'emplacement même de l’hôtel du vice-chancelier Moudjahid ad-Din, et cela par ordre du sultan Houlagou et de la reine Dogouz-Khatoun. Cf. J.-B. Chabot, Vie de Mar Jabalaha, p. 117.
[225] Comme l'a déjà fait remarquer Sacy (op. cit., p. 75, note 18), ces mots sont une allusion au Coran (chapitre XVII, 5) : « Lorsque l'accomplissement de la première menace arriva, nous envoyâmes contre vous nos serviteurs, hommes d'une terrible violence, ils pénétrèrent jusque dans l intérieur de vos maisons, et la menace fut accomplie. »
[226] D'après les Vergleichungs Tabellen, de Wüstenfeld, le 4 Mouharram 656 tombe le vendredi 11 janvier 1238. De sorte que, si l'on veut conserver à tout prix le jeudi, il faudrait adopter la date du 3 Mouharram.
[227] Cette route n'est pas mentionnée par Yakout. Je pense que c’est la route qui menait à la ville de Ba'qoûbâ, située sur le canal de Diyâlâ, à 10 parasanges de Bagdad. Cf. Yakout, Mou’djam, I, s. v. ; Soyoûti, Loubb al-loubâb, p. 40, s. v.
[228] Ce fortin s'élevait au milieu de l'enceinte fortifiée de Bagdad, à l'endroit où se trouvait autrefois la porte dite Bâb al-khâssa, qui était vis-à-vis de la porte dite Bâb Kalwâdzâ, dont il sera question plus loin. Cette porte avait entièrement disparu au temps du géographe Yakout. Cf. Mou’djam, I, 444, et Quatremère, Histoire des Mongols, I, 283-284 ; G. Salmon, L'Introduction topographique à l'histoire de Bagdad, pp. 58 et 141.
[229] Comme nous l'avons dit ci-dessus, cette porte était vis-à-vis de Bâb al-lih(Usa, et par conséquent du fortin Bourdj al-'Adjami, qui l'a remplacée plus tard. Voyez les auteurs cités à la note précédente.
[230] Le Yâsâ est, comme on le sait, le nom du code pénal des Mongols, auquel Djenguiz-khân avait ajouté un grand nombre d'ordonnances. On sait aussi que beaucoup d'historiens arabes écrivent Yâsâq, et que Makrizi avait cherché dans ce mot l'origine du mot siyâsa, politique. Le passage en question a été donné, avec d'autres extraits, par Sacy dans sa Chrestomathie arabe, II, pp. 158 et suiv., et 180, 184. Voy. aussi les détails sur ce code et les extraits qui en ont été donnés par Langlès dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi, V, pp. 205 et suiv. ; 592 et suiv.; Muradgea d'Ohsson, Histoire des Mongols, I, p. 315.
[231] 3 février 1258.
[232] Ainsi dans le manuscrit ; mais il semble qu'on doive lire Nil. Cette localité était située sur le canal du même nom, dérivé de l'Euphrate et creusé par ordre du fameux général Hadjdjâdj ibn Yousouf, qui lui donna le même nom que le fleuve d'Egypte. Cf. Yakout, Mou’djam, IV, p. 861 : Baladzourî, Fotoûh al-bouldân, éd. de Goeje, p. 290 ; Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 191 in fine ; Soyoûti, Loubb al-loubâb, éd. Weijers, p. 270, s. v.
[233] Du nom du sultan Qâzân.
[234] Hasan, fils de Muhammad, fils de Hasan as-Saghâni, est un célèbre lexicographe, qui compléta les travaux de Djauhari, l'autour du Sahâh. Né en 577 à Lahore, il mourut à Bagdad en 650 (= 1252). On trouve sur lui une intéressante notice dans le manuscrit arabe de Paris, n° 2070, 27 r°-28 r° (Al-Manhal as-sâfi, par Abou-l-Mahâsin ibn Taghri Bardï). Cf. aussi Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 129 ; de Hammer-Purgstall, Litteraturgesch. der Araber, VII, 626.
[235] Poète et philologue chi’ite, né à Madâ'in (Ctésiphon) en 586 (= 1190), mort à Bagdad en 655 (1257). Nous n'avons pas son commentaire sur le Nahdj al-balâgha. Sa biographie est donnée par Ibn Châkir al-Koutouri, Fawâl, I, 248 ; Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n' 2066, 132 r° ; Aboul-Mahâsin ibn Taghrî Bardî, Al-Manhal as-safî, manuscrit arabe de Paris, n° 2071, f° 35 r°; voy. aussi Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 249 et 282 ; Cl. Huart, Hist. de la Litt. arabe, p. 105.
[236] Un lecteur anonyme a écrit en marge du manuscrit de Paris (folio 306 recto) « Ce que dit l'auteur au sujet du nom du père est sujet à examen. » Cette remarque est judicieuse, car le poète n'a pas mentionné le nom du père, mais seulement son ethnique (nisba), qui est aussi l’ethnique du fils : Al-Alqami.
[237] Je n’ai trouvé aucun renseignement sur ce personnage.
[238] Voy. Hartwig Derenbourg, Introd. à l'édition arabe, p. 10, n° 2.
[239] C'est le fameux astronome, pour lequel Houlagou fit élever à Marâgha un observatoire. C'est lui qui fit mettre de côté les livres provenant des bibliothèques de Bagdad, de la Syrie et de la Mésopotamie, à la suite du pillage de ces contrées. Né en 607 (= 1210) à Tous, il mourut en 672 (= 1273) à Bagdad. Cf. Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 508-512 ; Cl. Huart, Histoire de la Litt. arabe, pp. 318-319 ; de Hammer-Purgstall, Litteraturgeschichte der Araber, V, 211-261.
[240] Cet 'Ali Behadour était gouverneur de Malatia, au moment de l’arrivée des troupes mogoles commandées par Bàdjoù, en l'année 1568 de l'ère d'Alexandre = 1245 de J.-C. = 643 de l'Hégire). Il entra ensuite au service des Mogols. Cf. Grégoire Aboulfaradj, Tarikh, éd. Pococke, partie arabe, p. 510 ; trad. latine, p. 333.