Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE IV : DE L'ESPACE, DU VIDE ET DU TEMPS. CHAPITRE VIII
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre VII - chapitre IX

paraphrase du livre IV

 

 

 

LEÇONS DE PHYSIQUE


LIVRE IV.


DE L'ESPACE, DU VIDE ET DU TEMPS.

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE VIII.

Théorie du vide; il faut appliquer à cette étude lamine méthode qu'à l'étude de l'espace. - Examen sommaire des théories antérieures qui admettent ou qui repoussent l'existence du vide. Opinion d'Anaxagore; son expérience sur l'air pour démontrer le vide; Démocrite et Leucippe; Mélissus nie le vide et affirme l'immobilité de l'univers; les pythagoriciens admettaient le vide, qu'ils plaçaient primitivement dans les nombres.

 

1 Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον ὑποληπτέον εἶναι τοῦ φυσικοῦ θεωρῆσαι καὶ περὶ κενοῦ, εἰ ἔστιν ἢ μή, καὶ πῶς ἔστι, καὶ τί ἐστιν, ὥσπερ καὶ περὶ τόπου· καὶ γὰρ παραπλησίαν ἔχει τήν τε ἀπιστίαν καὶ τὴν πίστιν διὰ τῶν ὑπολαμβανομένων· οἷον γὰρ τόπον τινὰ καὶ ἀγγεῖον τὸ κενὸν τιθέασιν οἱ λέγοντες, δοκεῖ δὲ πλῆρες μὲν εἶναι, ὅταν ἔχῃ τὸν ὄγκον οὗ δεκτικόν ἐστιν, ὅταν δὲ στερηθῇ, κενόν, ὡς τὸ αὐτὸ μὲν ὂν κενὸν καὶ πλῆρες καὶ τόπον, τὸ δ' εἶναι αὐτοῖς οὐ ταὐτὸ ὄν.

2 Ἄξασθαι δὲ δεῖ τῆς σκέψεως λαβοῦσιν ἅ τε λέγουσιν οἱ φάσκοντες εἶναι καὶ πάλιν ἃ λέγουσιν οἱ μὴ φάσκοντες, καὶ τρίτον τὰς κοινὰς περὶ αὐτῶν δόξας.
§ 3. Οἱ μὲν οὖν δεικνύναι πειρώμενοι ὅτι οὐκ ἔστιν, οὐχ ὃ βούλονται λέγειν οἱ ἄνθρωποι κενόν, τοῦτ' ἐξελέγχουσιν, ἀλλ' <ὃ> ἁμαρτάνοντες λέγουσιν. Ὥσπερ Ἀναξαγόρας καὶ οἱ τοῦτον τὸν τρόπον ἐλέγχοντες. Ἐπιδεικνύουσι γὰρ ὅτι ἐστίν τι ὁ ἀήρ, στρεβλοῦντες τοὺς ἀσκοὺς καὶ δεικνύντες ὡς ἰσχυρὸς ὁ ἀήρ, καὶ ἐναπολαμβάνοντες ἐν ταῖς κλεψύδραις. Οἱ δὲ ἄνθρωποι βούλονται κενὸν εἶναι διάστημα ἐν ᾧ μηδέν ἐστι σῶμα αἰσθητόν· οἰόμενοι δὲ τὸ ὂν ἅπαν εἶναι σῶμα φασίν, ἐν ᾧ ὅλως μηδέν ἐστι, τοῦτ' εἶναι κενόν, διὸ τὸ πλῆρες ἀέρος κενὸν εἶναι. Οὔκουν τοῦτο δεῖ δεικνύναι, ὅτι ἐστί τι ὁ ἀήρ, ἀλλ' ὅτι οὐκ ἔστι διάστημα ἕτερον τῶν σωμάτων, οὔτε χωριστὸν οὔτε ἐνεργείᾳ ὄν, ὃ διαλαμβάνει τὸ πᾶν σῶμα ὥστε εἶναι μὴ συνεχές, καθάπερ λέγουσιν Δημόκριτος καὶ Λεύκιππος καὶ [213b] ἕτεροι πολλοὶ τῶν φυσιολόγων, ἢ καὶ εἴ τι ἔξω τοῦ παντὸς σώματός ἐστιν ὄντος συνεχοῦς. Οὗτοι μὲν οὖν οὐ κατὰ θύρας πρὸς τὸ πρόβλημα ἀπαντῶσιν,

4 ἀλλ' οἱ φάσκοντες εἶναι μᾶλλον. Λέγουσιν δ' ἓν μὲν ὅτι κίνησις ἡ κατὰ τόπον οὐκ ἂν εἴη (αὕτη δ' ἐστὶ φορὰ καὶ αὔξησις)· οὐ γὰρ ἂν δοκεῖν εἶναι κίνησιν, εἰ μὴ εἴη κενόν· τὸ γὰρ πλῆρες ἀδύνατον εἶναι δέξασθαί τι. Εἰ δὲ δέξεται καὶ ἔσται δύο ἐν ταὐτῷ, ἐνδέχοιτ' ἂν καὶ ὁποσαοῦν εἶναι ἅμα σώματα· τὴν γὰρ διαφοράν, δι' ἣν οὐκ ἂν εἴη τὸ λεχθέν, οὐκ ἔστιν εἰπεῖν. Εἰ δὲ τοῦτο ἐνδέχεται, καὶ τὸ μικρότατον δέξεται τὸ μέγιστον· πολλὰ γὰρ μικρὰ τὸ μέγα ἐστίν· ὥστε εἰ πολλὰ ἴσα ἐνδέχεται ἐν ταὐτῷ εἶναι, καὶ πολλὰ ἄνισα. 5 Μέλισσος μὲν οὖν καὶ δείκνυσιν ὅτι τὸ πᾶν ἀκίνητον ἐκ τούτων· εἰ γὰρ κινήσεται, ἀνάγκη εἶναι (φησί) κενόν, τὸ δὲ κενὸν οὐ τῶν ὄντων.

6 Ἕνα μὲν οὖν τρόπον ἐκ τούτων δεικνύουσιν ὅτι ἔστιν τι κενόν, ἄλλον δ' ὅτι φαίνεται ἔνια συνιόντα καὶ πιλούμενα, οἷον καὶ τὸν οἶνόν φασι δέχεσθαι μετὰ τῶν ἀσκῶν τοὺς πίθους, ὡς εἰς τὰ ἐνόντα κενὰ συνιόντος τοῦ πυκνουμένου σώματος.  7 Ἔτι δὲ καὶ ἡ αὔξησις δοκεῖ πᾶσι γίγνεσθαι διὰ κενοῦ· τὴν μὲν γὰρ τροφὴν σῶμα εἶναι, δύο δὲ σώματα ἀδύνατον ἅμα εἶναι.  8 Μαρτύριον δὲ καὶ τὸ περὶ τῆς τέφρας ποιοῦνται, ἣ δέχεται ἴσον ὕδωρ ὅσον τὸ ἀγγεῖον τὸ κενόν.

9 Εἶναι δ' ἔφασαν καὶ οἱ Πυθαγόρειοι κενόν, καὶ ἐπεισιέναι αὐτὸ τῷ οὐρανῷ ἐκ τοῦ ἀπείρου πνεύματος ὡς ἀναπνέοντι καὶ τὸ κενόν, ὃ διορίζει τὰς φύσεις, ὡς ὄντος τοῦ κενοῦ χωρισμοῦ τινὸς τῶν ἐφεξῆς καὶ [τῆς] διορίσεως· καὶ τοῦτ' εἶναι πρῶτον ἐν τοῖς ἀριθμοῖς· τὸ γὰρ κενὸν διορίζειν τὴν φύσιν αὐτῶν.

10 Ἐξ ὧν μὲν οὖν οἱ μέν φασιν εἶναι οἱ δ' οὔ φασι, σχεδὸν τοιαῦτα καὶ τοσαῦτά ἐστιν.

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 § 1. Il semble que c'est par la même méthode employée pour l'espace que le physicien doit étudier le vide, et savoir si le vide est ou n'est pas, comment il est et ce qu'il est; car on peut avoir sur le vide à peu près les mêmes doutes ou les mêmes convictions que sur l'espace, d'après les systèmes dont il a été l'objet. En effet, ceux qui croient au vide le représentent en général comme un certain espace et une sorte de vase et de récipient. On croit qu'il y a du plein quand ce récipient contient le corps qu'il est susceptible de recevoir ; et quand il en est privé, il semble qu'il y a du vide. Donc, on suppose que le vide, le plein et l'espace sont au fond la même chose, et qu'il n'y a entr'eux qu'une simple différence de manière d'être.

§ 2. Pour commencer cette recherche, il faut recueillir d'abord les arguments de ceux qui croient à l'existence du vide, puis ensuite les arguments de ceux qui nient l'existence du vide, et, en troisième lieu, les opinions communément répandues sur ce sujet.

§ 3. Ceux qui s'efforcent de prouver qu'il n'y a point de vide, ont le tort de ne point attaquer précisément l'idée que les hommes se font généralement de ce qu'ils appellent le vide, mais les définitions erronées qu'ils en donnent. C'est ce que fait Anaxagore et ceux qui l'imitent dans son procédé de réfutation. Ainsi, ils démontrent fort bien l'existence de l'air et toute la puissance de l'air, en pressant des outres d'où ils le font sortir, et en le recevant dans des clepsydres. Mais l'opinion vulgaire des hommes entend, en général, par le vide, un intervalle dans lequel il n'y a aucun corps perceptible aux sens; et comme on croit vulgairement aussi que tout ce qui existe a un corps, on dit que le vide est ce dans quoi il n'y a rien. Par suite, le vide n'est que ce qui est plein d'air. Mais ce dont il s'agit ce n'est pas de démontrer que l'air est quelque chose; c'est de prouver qu'il n'existe point d'étendue, d'intervalle différent des corps, ni séparable d'eux, ni en acte, qui pénètre tout corps quel qu'il soit, de telle sorte que le corps n'est plus continu, opinion que soutiennent Démocrite et Leucippe, et [213b] tant d'autres naturalistes; et enfin qu'il peut y avoir encore quelque chose comme le vide hors du corps entier qui reste continu, Ainsi, les philosophes dont je parle n'ont pas même posé le pied sur le seuil de la question.

§ 4. Ceux qui affirment l'existence du vide se sont rapprochés davantage de la vérité. Un premier point qu'ils soutiennent, « c'est que sans le vide il n'y a pas de mouvement possible dans l'espace; et, par le mouvement dans l'espace, on entend ou le déplacement ou l'accroissement sur place, puisque le mouvement, s'il n'y avait a point de vide, ne pourrait avoir lieu. Le plein évidemment ne peut rien admettre; et s'il admettait quelque chose et qu'il y eût alors deux corps dans un seul et même lieu, il n'y aurait pas de raison pour que tous les corps. quel qu'en fût le nombre, ne pussent s'y trouver en même temps; car on ne saurait indiquer ici une différence qui ferait que cette supposition cessât d'être admissible. Mais si cela est possible, le plus petit pourrait alors recevoir et contenir le plus grand, puisque la réunion de beaucoup de petites choses en forme une grande; et, par conséquent, si plusieurs choses égales peuvent être dans un seul et même lieu, plusieurs choses inégales pourront y être tout aussi bien. » § 5. C'est même en partant de ces principes que Mélissus prétend démontrer que l'univers est immobile. « Pour que l'univers se meuve, dit-il, il faut nécessairement du vide ; mais le vide ne compte pas parmi les êtres. »

§ 6. Ainsi, à l'aide de ces principes, ces philosophes démontrent d'une première façon l'existence du vide. Mais ils la démontrent encore d'une autre manière, en observant qu'il y a des choses qui semblent se rapprocher et se contracter. Par exemple, disent-ils, les tonneaux contiennent le vin avec les outres, comme si le corps se condensait dans les vides qui se trouvent à son intérieur. § 7. Dans un autre ordre de faits, il paraît bien que dans tous les êtres le développement ne peut se faire qu'à la condition du vide; car les aliments que les êtres absorbent sont un corps; et il est impossible que deux corps soient ensemble dans un seul et même lieu. § 8. Enfin, on donne encore pour preuve de l'existence du vide le phénomène de la cendre, qui reçoit autant d'eau que peut en contenir le vase où elle est quand il est vide.

§ 9. Les Pythagoriciens aussi soutenaient l'existence du vide; et selon eux, c'est par l'action du souffle infini, que le vide entre dans le ciel qui a une sorte de respiration; dans leurs théories, le vide est ce qui limite les natures, comme si le vide était une sorte de séparation des corps qui se suivent, et comme s'il était leur délimitation. À en croire les Pythagoriciens, le vide se trouve primitivement dans les nombres; car c'est le vide qui détermine leur nature propre et abstraite.

§ 10. Tel est à peu près l'ensemble de toutes les idées que l'on a émises, dans un sens ou dans l'autre, soit pour affirmer, soit pour nier l'existence du vide.

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Ch. VIII, § 1. Employée pour l'espace, on peut voir dans les chapitres précédents quelle est cette méthode.

- Doit étudier le vide, plus haut, Livre III, § 1, l'étude du vide a été annoncée avec celles de l'espace et du temps, comme devant précéder celle du mouvement.

- Si le vide est ou n'est pas, ce sont des questions semblables qu'Aristote s'est posées sur l'espace et sur l'infini. Voir plus haut, ch. 1, § 1, et Livre III, ch. 4, § 1.

- Les mêmes doutes ou les mêmes convictions, Aristote, en effet, a montré pour l'infini et pour l'espace les deux côtés de la question; et il a présenté les arguments en sens contraires, soit pour soutenir soit pour nier l'espace et l'infini.

- Les systèmes dont il a été l'objet, Aristote exposera en partie ces systèmes dans le présent chapitre.

- Ceux qui croient au vide, comme Démocrite, Leucippe et Mélissus, cités un peu plus bas, §§ 3 et 5. - De vase et de récipient, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

 - Contient le corps qu'il est susceptible de recevoir, comme le vase cité plus haut, ch. 2, § 1, peut recevoir tour à tour l'eau ou l'air qui le remplit.

- Une simple différence de manière d'être, selon qu'il y a dans cet espace un corps qui le remplit, ou qu'il n'y a pas de corps.

§ 2. Il faut recueillir d'abord, c'est la méthode constante d'Aristote, et on peut la retrouver dans la Politique, dans le Traité de l'âme, dans la Métaphysique, comme on la retrouve dans toute la Physique.

- De ceux qui croient à l'existence du vide, voir plus loin, § 4.

 - De ceux qui nient l'existence du vide, c'est par là qu'Aristote va commencer, au § suivant, l'examen des opinions ultérieures.

- Les opinions communément répandues, je crois que le contexte autorise ce sens; quelques commentateurs ont compris qu'il s'agissait des opinions qui sont communes tant à ceux qui admettent le vide qu'à ceux qui le nient.

§ 3. Ont le tort de ne point attaquer précisément, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

- L'idée que les hommes se font généralement, ce sont là les opinions communément répandues sur le vide.

- Les définitions erronées, dans les théories qu'ils soutiennent.

- Anaxagore, voir les opinions d'Anaxagore sur l'infini, plus haut, Livre III, ch. 7, § 23,

- Et ceux qui l'imitent, il est regrettable qu'Aristote n'ait pas nommé ces philosophes.

- L'existence de l'air et la puissance de l'air, cette expérience est assez remarquable quoique fort simple; et elle prouve que l'esprit grec était sur la véritable voie de l'observation dans les sciences.

 - En pressant des outres, c'est-à-dire ou des vessies, ou des ballons que l'on gonflait et qu'on dégonflait à volonté.

- Et en le recevant dans des clepsydres, les clepsydres dont il est parlé ici étaient des instruments d'arrosage; en en bouchant l'orifice, on empêchait qu'elles ne pussent s'emplir dans l'eau où on les plongeait; elles s'emplissaient, au contraire, dès qu'on laissait l'orifice ouvert pour que l'air intérieur pût s'échapper, et que l'eau le remplaçât, Ce phénomène est décrit tout au long dans des vers fort curieux d'Empédocle, qu'Aristote a cités dans le Traité de la Respiration, ch. 7, p. 368 de ma traduction. Empédocle peut sans doute être rangé parmi ceux qui pensaient sur le vide comme Anaxagore.

 - L'opinion vulgaire des hommes, voir plus haut, § 2. - Aucuni corps perceptible aux sens, cette définition pourrait être exacte, si l'on n'allait point jusqu'à dire que l'air n'est point un corps. De nos jours, ou fait le vide dans nos machines pneumatiques précisément en retirant l'air que le récipient peut contenir, et le vide se produit parce qu'il n'y a plus aucun corps dans l'espace.

- Tout ce qui existe a un corps, c'est une idée très vulgaire encore aujourd'hui, et qui n'est guère moins répandue que du temps d'Aristote, toute fausse qu'elle est. Seulement elle l'est peut-être un peu moins parmi les philosophes. - N'est pas de démontrer que l'air est quelque chose, c'est en cela que la réfutation d'Anaxagore ne porte pas sur le point précis de la discussion.

- D'étendue, d'intervalle, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

 - Qui pénètre tout corps, et qui y fasse des interstices, comme cela est visible dans les corps poreux.

- N'est pas contenu, et n'est qu'un composé de parties contiguës les unes aux autres.

 - Démocrite et Leucippe, presque toujours ces deux noms sont réunis, et le disciple ne parait point avoir en d'autres opinions que celles de son maître.

- Hors du corps entier qui reste continu, ce passage peut avoir un double sens ; ou il s'agit du corps dans l'acception vulgaire du mot, et alors on suppose qu'il y a du vide à l'intérieur des corps et entre leurs molécules; ou bien il s'agit du vide qui est en dehors du monde, tel qu'Aristote et les anciens le concevaient, et que remplit alors l'espace infini.

- Posé le pied sur le seuil de la question, il y u dans le texte une métaphore tout à fait analogue. Cette expression est d'autant plus remarquable qu'Aristote n'en a presque jamais de pareilles.

§ 4. Ceux qui affirment l'existence du vide, Démocrite et Leucippe qui viennent d'être cités, et sans doute aussi en général tous les philosophes de l'Ecole d'Ionie.

- De la vérité, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

- « C'est que sans le vide, » j'ai mis des guillemets à tout ce passage, parce qu'il résulte de la tournure de la phrase grecque qu'Aristote prête ces arguments aux philosophes qu'il cite, en analysant leur doctrine,

- Le déplacement ou l'accroissement sur place, l'opposition n'est pas aussi marquée dans le texte grec. Voir plus haut, ch. 6, § 5.

 - Le plein ne peut rien admettre, et de là l'impénétrabilité des corps.

- Quelqu'en fût le nombre, ou même: Quelle qu'en fût la dimension. - Cessât d'être admissible, et pourquoi, si deux corps peuvent être dans un seul et même lieu, il n'y en aurait pas trois, quatre, etc.

- Le plus petit pourrait alors, cette conséquence absurde n'est pas aussi évidente que la première, et la pensée ici aurait eu besoin de quelques développements.

 - De beaucoup de petites choses, qu'on accumulerait dans un seul et même lieu, puisqu'on suppose qu'un seul et même lieu peut recevoir plusieurs corps simultanément.

§ 5. Que l'univers est immobile, voir plus haut, Livre I, ch. 2, § 4 ; mais dans ce dernier passage, il est plutôt question de l'être individuel que de l'ensemble des êtres et de l'univers.

- Mais le vide ne compte pas, l'argumentation n'est pus complète, et il faudrait ajouter que le vide n'existant pas, le mouvement ne peut pus exister davantage.

§ 6. Ces philosophes, Démocrite, Leucippe, et en général les Ioniens.

 - Démontrent d'une première façon, c'est moins une démonstration qu'une affirmation.

- D'une autre manière, par l'observation des faits et non plus par la simple logique.

- Se rapprocher, ce serait peut-être plutôt : « Entrer lune dans l'autre. »

- Le vin avec les outres, l'expression est ici trop concise, et elle ne se comprend pas très bien. Il faut entendre qu'il s'agit d'abord d'un tonneau plein de vin; le vin ensuite est mis dans des outres, et les outres pleines de vin peuvent encore tenir dans le même tonneau. Ainsi le tonneau contient le vin augmenté de l'épaisseur des outres; le vin s'est donc contracté sur lui-même, et il a fait place au corps nouveau que le tonneau renferme sans avoir changé de dimensions.

- Dans les vides qui se trouvent à son intérieur, l'explication serait plausible, si elle était exacte; mais on sait que les liquides ne peuvent être comprimés; et l'observation qui est rapportée ici, ne peut pas être juste, si toutefois j'ai bien compris l'exemple que cite Aristote. Voir les Problèmes, section 25, 1, 2, 3, p. 937, b, 35, édit. de Berlin.

§ 7. Dans un autre ordre de faits, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. - Qu'a la condition du vide, cette observation paraît bien, comme la précédente, appartenir à Démocrite et à l'École d'Ionie.

- Du vide, il faut ajouter : Qui est « l'intérieur, » comme le prouve l'exemple qui suit.

- Sont un corps, c'est vrai; mais les transformations que les aliments subissent par l'absorption les font changer tout à fait de nature; car autrement le corps s'accroîtrait d'une manière démesurée, et la nutrition ne se ferait pas.

§ 8. - Enfin,... de l'existence du vide, le texte est moins formel.

- Le phénomène de la cendre, c'est encore là une expérience qui prouve que le génie des anciens était sur la véritable voie des sciences. Aristote en parle de nouveau dans les Problèmes, sec. 25, 8, p. 938, b, 27, Ed. de Berlin.

§ 9. Les Pythagoriciens, cette doctrine se rapproche en partie de celle des Ioniens.

- Par l'action du souffle infini, ceci aurait eu besoin de plus d'explication, et il est à regretter qu'Aristote ne soit pas entré ici dans plus de détails; mais il est probable que, de son temps, c'était inutile.

- Le ciel qui a une sorte de respiration, cette singulière théorie tient à ce que les Pythagoriciens regardaient le monde comme un grand animal, et la première fonction qu'il fallait lui attribuer, pour qu'il vécût, était cette de la respiration. Il reste quelque chose de cette physique dans le Timée de Platon; voir la traduction de M. V. Cousin, p. 423.

- Les natures, j'ai conservé le mot du texte ; mais ici Les natures signifient évidemment Les éléments. Selon les Pythagoriciens, le vide est destiné à séparer les éléments entr'eux, et sans le vide, ils seraient continus.

 - Qui se suivent, ceci veut dire que l'eau vient après la terre, l'air après l'eau, et le feu après l'air.

- Le vide se trouve primitivement dans les nombres, cette théorie doit paraître au moins aussi singulière que les précédentes; et il est difficile de voir quel rapport le vide peut avoir avec les nombres.

 - Et abstraite, j'ai ajouté ces mots.

§ 10. Tel est a peu près l'ensemble, après avoir exposé les théories des autres, Aristote va maintenant exposer la sienne, et nier l'existence du vide.

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