Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE IV : DE L'ESPACE, DU VIDE ET DU TEMPS. CHAPITRE VII
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre VI - chapitre VIII

paraphrase du livre IV

 

 

 

LEÇONS DE PHYSIQUE


LIVRE IV.


DE L'ESPACE, DU VIDE ET DU TEMPS.

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE VII.

Suite de la théorie sur la nature de l'espace; le haut et le bas absolus; les corps légers et les corps graves; le mouvement circulaire; le ciel; les choses sont dans l'espace soit en puissance soit en acte, selon qu'elles sont considérées isolément ou dans les parties homogènes qui les composent. - Fin de la théorie de l'espace.
 

1 Καὶ διὰ τοῦτο τὸ μέσον τοῦ οὐρανοῦ καὶ τὸ ἔσχατον τὸ πρὸς ἡμᾶς τῆς κύκλῳ φορᾶς δοκεῖ εἶναι τὸ μὲν ἄνω τὸ δὲ κάτω μάλιστα πᾶσι κυρίως, ὅτι τὸ μὲν αἰεὶ μένει, τοῦ δὲ κύκλῳ τὸ ἔσχατον ὡσαύτως ἔχον μένει. Ὥστ' ἐπεὶ τὸ μὲν κοῦφον τὸ ἄνω φερόμενόν ἐστι φύσει, τὸ δὲ βαρὺ τὸ κάτω, τὸ μὲν πρὸς τὸ μέσον περιέχον πέρας κάτω ἐστίν, καὶ αὐτὸ τὸ μέσον, τὸ δὲ πρὸς τὸ ἔσχατον ἄνω, καὶ αὐτὸ τὸ ἔσχατον·

2 καὶ διὰ τοῦτο δοκεῖ ἐπίπεδόν τι εἶναι καὶ οἷον ἀγγεῖον ὁ τόπος καὶ περιέχον. 3 Ἔτι ἅμα τῷ πράγματι ὁ τόπος· ἅμα γὰρ τῷ πεπερασμένῳ τὰ πέρατα. 4 Ὧι μὲν οὖν σώματι ἔστι τι ἐκτὸς σῶμα περιέχον αὐτό, τοῦτο ἔστιν ἐν τόπῳ, ᾧ δὲ μή, οὔ.  5 Διὸ κἂν ὕδωρ γένηται τοιοῦτο, τὰ μὲν μόρια κινήσεται αὐτοῦ (περιέχεται γὰρ ὑπ' ἀλλήλων), τὸ δὲ πᾶν ἔστι μὲν ὡς κινήσεται ἔστι δ' ὡς οὔ. Ὡς μὲν γὰρ ὅλον, ἅμα τὸν τόπον οὐ μεταβάλλει, κύκλῳ δὲ κινεῖται – τῶν μορίων γὰρ οὗτος ὁ τόπος  6 – Καὶ ἄνω μὲν καὶ κάτω οὔ, κύκλῳ δ' ἔνια· τὰ δὲ καὶ ἄνω καὶ κάτω, ὅσα ἔχει πύκνωσιν καὶ μάνωσιν.

7 Ὥσπερ δ' ἐλέχθη, τὰ μέν ἐστιν ἐν τόπῳ κατὰ δύναμιν, τὰ δὲ κατ' ἐνέργειαν. Διὸ ὅταν μὲν συνεχὲς ᾖ τὸ ὁμοιομερές, κατὰ δύναμιν ἐν τόπῳ τὰ μέρη, ὅταν δὲ χωρισθῇ μὲν ἅπτηται δ' ὥσπερ σωρός, κατ' ἐνέργειαν.  8 Καὶ τὰ μὲν καθ' αὑτά (οἷον πᾶν σῶμα ἢ κατὰ φορὰν ἢ κατ' αὔξησιν κινητὸν καθ' αὑτό που, ὁ δ' οὐρανός, ὥσπερ εἴρηται, οὔ που ὅλος οὐδ' ἔν τινι τόπῳ ἐστίν, εἴ γε μηδὲν αὐτὸν περιέχει σῶμα· ἐφ' ᾧ δὲ κινεῖται, ταύτῃ καὶ τόπος ἔστι τοῖς μορίοις· ἕτερον γὰρ ἑτέρου ἐχόμενον τῶν μορίων ἐστίν)· τὰ δὲ κατὰ συμβεβηκός, οἷον ἡ ψυχὴ καὶ ὁ οὐρανός· τὰ γὰρ μόρια ἐν τόπῳ πως πάντα· ἐπὶ τῷ κύκλῳ γὰρ περιέχει ἄλλο ἄλλο. Διὸ κινεῖται μὲν κύκλῳ τὸ ἄνω, τὸ δὲ πᾶν οὔ που. Τὸ γάρ που αὐτό τέ ἐστί τι, καὶ ἔτι ἄλλο τι δεῖ εἶναι παρὰ τοῦτο ἐν ᾧ, ὃ περιέχει· παρὰ δὲ τὸ πᾶν καὶ ὅλον οὐδέν ἐστιν ἔξω τοῦ παντός,  9 καὶ διὰ τοῦτο ἐν τῷ οὐρανῷ πάντα· ὁ γὰρ οὐρανὸς τὸ πᾶν ἴσως. Ἔστι δ' ὁ τόπος οὐχ ὁ οὐρανός, ἀλλὰ τοῦ οὐρανοῦ τι τὸ ἔσχατον καὶ ἁπτόμενον τοῦ κινητοῦ σώματος [πέρας ἠρεμοῦν]. 10 Καὶ διὰ τοῦτο ἡ μὲν γῆ ἐν τῷ ὕδατι, τοῦτο δ' ἐν τῷ ἀέρι, οὗτος δ' ἐν τῷ αἰθέρι, ὁ δ' αἰθὴρ ἐν τῷ οὐρανῷ, ὁ δ' οὐρανὸς οὐκέτι ἐν ἄλλῳ.

11 Φανερὸν δ' ἐκ τούτων ὅτι καὶ αἱ ἀπορίαι πᾶσαι λύοιντ' ἂν οὕτω λεγομένου τοῦ τόπου. Οὔτε γὰρ συναύξεσθαι ἀνάγκη τὸν τόπον, οὔτε στιγμῆς εἶναι τόπον, οὔτε δύο σώματα ἐν τῷ αὐτῷ τόπῳ, οὔτε διάστημά τι εἶναι σωματικόν (σῶμα γὰρ τὸ μεταξὺ τοῦ τόπου τὸ τυχόν, ἀλλ' οὐ διάστημα σώματος). Καὶ ἔστιν ὁ τόπος καὶ πού, οὐχ ὡς ἐν τόπῳ δέ, ἀλλ' ὡς τὸ πέρας ἐν τῷ πεπερασμένῳ. Οὐ γὰρ πᾶν τὸ ὂν ἐν τόπῳ, ἀλλὰ τὸ κινητὸν σῶμα. 12 Καὶ φέρεται δὴ εἰς τὸν αὑτοῦ τόπον ἕκαστον εὐλόγως (ὃ γὰρ ἐφεξῆς καὶ ἁπτόμενον μὴ βίᾳ, συγγενές· καὶ συμπεφυκότα μὲν ἀπαθῆ, ἁπτόμενα δὲ παθητικὰ καὶ ποιητικὰ ἀλλήλων)· 13 καὶ μένει δὴ φύσει πᾶν ἐν τῷ οἰκείῳ τόπῳ οὐκ ἀλόγως· καὶ γὰρ τὸ μέρος, τὸ δὲ ἐν [τῷ] τόπῳ ὡς διαιρετὸν μέρος πρὸς ὅλον ἐστίν, οἷον ὅταν ὕδατος κινήσῃ τις [213a] μόριον ἢ ἀέρος. Οὕτω δὲ καὶ ἀὴρ ἔχει πρὸς ὕδωρ· οἷον ὕλη γάρ, τὸ δὲ εἶδος, τὸ μὲν ὕδωρ ὕλη ἀέρος, ὁ δ' ἀὴρ οἷον ἐνέργειά τις ἐκείνου· τὸ γὰρ ὕδωρ δυνάμει ἀήρ ἐστιν, ὁ δ' ἀὴρ δυνάμει ὕδωρ ἄλλον τρόπον. Διοριστέον δὲ περὶ τούτων ὕστερον· ἀλλὰ διὰ τὸν καιρὸν ἀνάγκη μὲν εἰπεῖν, ἀσαφῶς δὲ νῦν ῥηθὲν τότ' ἔσται σαφέστερον. Εἰ οὖν τὸ αὐτὸ [ἡ] ὕλη καὶ ἐντελέχεια (ὕδωρ γὰρ ἄμφω, ἀλλὰ τὸ μὲν δυνάμει τὸ δ' ἐντελεχείᾳ), ἔχοι ἂν ὡς μόριόν πως πρὸς ὅλον. Διὸ καὶ τούτοις ἁφὴ ἔστιν· σύμφυσις δέ, ὅταν ἄμφω ἐνεργείᾳ ἓν γένωνται.

14 Καὶ περὶ μὲν τόπου, καὶ ὅτι ἔστι καὶ τί ἐστιν, εἴρηται.

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§ 1. Le centre du ciel et l'extrémité de la révolution circulaire, autant que nous pouvons la voir, passent aux yeux de tout le monde pour être, à proprement parler, l'un le haut et l'autre le bas; et le motif de cette opinion c'est que le centre du ciel est éternellement en place, et que l'extrémité du cercle reste toujours telle qu'elle est. Par conséquent, comme le léger est ce qui est naturellement porté en haut, tandis que le lourd est ce qui est porté en bas, la limite qui enveloppe les corps vers le centre est le bas, et c'est le centre lui-même la limite qui est à l'extrémité est le haut, et c'est l'extrémité elle-même.

§ 2. Voilà comment l'espace, le lieu, semble être une sorte de surface et de vase, et comment il semble contenir et envelopper les choses. § 3. En outre, on peut dire en quelque façon que le lieu coexiste à la chose qu'il renferme ; car les limites coexistent au limité. § 4. Ainsi donc, le corps qui a extérieurement un autre corps qui l'enveloppe, ce corps-là est dans un lieu, dans l'espace ; et celui qui n'en a pas n'y est point. § 5. Aussi même en supposant que l'eau formât l'univers tout entier, ses parties seraient bien en mouvement; car elles s'envelopperaient les unes les autres. Mais quant à l'ensemble universel des choses, en un sens il se meut, et en un autre sens il ne se meut pas. En tant que totalité, il ne peut changer de lieu en masse; mais il peut avoir un mouvement circulaire, puisque c'est là aussi le lien de ses parties. § 6. Car il y a des parties du ciel qui sont mues, non pas en haut et en bas, mais circulairement; et il n'y a que celles qui peuvent devenir plus denses ou plus légères qui soient portées en bas ou en haut.

§ 7. Ainsi que je l'ai déjà dit, certaines choses ne sont dans un lieu, dans l'espace, qu'en puissance; d'autres, au contraire, y sont en acte. Ainsi, quand un corps formé de parties homogènes reste continu, les parties ne sont dans un lieu qu'en puissance; mais quand elles sont séparées et qu'elles se touchent chacune, comme les grains d'une masse de blé, alors elles y sont en acte. § 8. Parmi les choses, il y en a qui sont en soi dans l'espace, dans un lieu ; et, par exemple, tout corps qui se meut, soit par translation, soit par simple accroissement, est en soi dans un lieu, tandis que l'univers, comme je viens de le dire, n'est point tout entier quelque part. Il n'est pas dans un lieu précis, puisqu'aucun corps ne l'embrasse; mais c'est seulement en tant qu'il se meut, qu'on peut dire que ses parties ont un lien ; car chacune de ses parties sont à la suite l'une de l'autre. Au contraire, il est d'autres choses qui sont dans un lieu, non en soi, mais par accident : l'âme, par exemple, et le ciel. Ainsi, les parties si nombreuses du ciel ne sont dans un lieu qu'à certains égards. En effet, dans le cercle, une partie en enveloppe une autre ; et voilà pourquoi le haut du ciel n'a qu'un mouvement circulaire. Mais l'univers, le tout ne peut être en un certain lien ; car, pour qu'un objet soit dans un lieu, il faut d'abord que cet objet soit lui-même quelque chose, et il faut qu'il y ait en outre quelque chose dans quoi il est, quelque chose qui l'enveloppe. Mais en dehors du tout et de l'univers, il ne peut rien y avoir qui soit indépendant de ce tout et de cet ensemble universel. § 9. Aussi toutes les choses sont-elles dans le ciel sans la moindre exception ; car le ciel c'est l'univers, à ce qu'on peut supposer ; et le lieu n'est pas le ciel, mais une certaine extrémité du ciel, la limite immuable confinant et touchant au corps qui est en mouvement. § 10. Ainsi la terre est dans l'eau ; l'eau est dans l'air; l'air lui-même est dans l'éther ; et l'éther est dans le ciel. Mais le ciel, l'univers, n'est plus dans autre chose.

§ 11. On doit voir d'après tout ceci qu'en comprenant l'espace comme nous le faisons, on résout toutes les questions qui offraient tant de difficulté. Ainsi, il n'y a plus nécessité, ni que le lieu s'étende avec le corps qu'il contient; ni que le point ait un lieu; ni que deux corps soient dans un seul et même lieu; ni que l'espace soit un intervalle corporel ; car ce qui se trouve dans le lieu, dans l'espace est un corps, quel que soit ce corps; mais ce n'est pas l'intervalle d'un corps. Le lieu lui-même est bien quelque part; mais il n'y est pas comme dans un lieu; il y est uniquement comme la limite est dans le limité; car tout ce qui est n'est pas nécessairement dans un lieu, et il n'y a que le corps susceptible de mouvement qui y soit. § 12. Chaque élément se porte dans le lieu qui lui est propre; et cela se comprend bien ; car l'élément qui vient à sa suite et qui le touche, sans subir de violence, lui est homogène. Les choses qui ont une nature identique n'agissent pas l'une sur l'autre; mais c'est seulement quand elles se touchent, qu'elles agissent les unes sur les autres et se modifient mutuellement. § 13. C'est par des lois aussi naturelles et aussi sages que chaque élément en masse demeure dans le lieu qui lui est propre; et telle partie est dans l'espace total comme une partie séparable est au tout duquel elle est détachée ; et ainsi, par exemple, quand on met en mouvement et qu'on déplace [213a] une partie d'eau ou d'air. Or, c'est là précisément le rapport de l'air à l'eau; l'eau est, on peut dire, la matière, tandis que l'air est la forme; l'eau est la matière de l'air; et l'air est en quelque sorte l'acte de l'eau, puisqu'en puissance l'eau est de l'air, et que l'air lui-même à un autre point de vue est de l'eau en puissance. Mais nous reviendrons plus tard sur ces théories. Ici nous n'en disons absolument, par occasion, que ce qui est indispensable ; et nos explications qui maintenant restent peut-être obscures, deviendront plus claires dans la suite. Si donc la même chose est à la fois matière et acte, l'eau étant air et eau tout à la fois, mais l'un en puissance et l'autre en acte, le rapport serait alors en quelque sorte celui de la partie au tout. Aussi les deux éléments dans ce cas ne sont qu'en contact; mais leur nature se confond lorsqu'en acte les deux n'en font plus qu'un.

§ 14. Telle est notre théorie sur l'espace, sur son existence et sur sa nature.

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Ch. VII, § 1 Le centre du ciel, le texte dit précisément : « le milieu. » Par le centre ou le milieu, Aristote comprend la terre, sur laquelle se dirigent les graves; et qu'il regardait avec une partie de l'antiquité comme le centre immobile de l'univers.

- Autant que nous pouvons la voir, le texte dit simplement : « Relativement à nous. » L'extrémité de la dévolution circulaire ne pouvait être pour les anciens que la limite extrême de la révolution des corps célestes visibles à l'oeil nu; et c'est en ce sens qu'il faut entendre tout ce qui va suivre.

- Et c'est le centre lui-même, en d’autres termes la terre, où s'arrêtent les graves dans leur chute naturelle. Ainsi d'un côté la terre est la limite extrême de l'espace.

- La limite qui est à l'extrémité, de la révolution circulaire.

- Et c'est l'extrémité elle-même, cette extrémité n'est pas aussi sensible que la terre; et pour Aristote c'est celle où peut s'arrêter notre vue, quand elle regarde dans les cieux; mais il est remarquable qu'il limite l'espace dans les deux sens; et, par conséquent, il semble ne pas le concevoir comme infini.

§ 2. Une sorte de surface, concave, puisque dans cette théorie l'espace enveloppe les choses qu'il contient.

- Contenir et envelopper, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

§ 3. En quelque façon, la restriction est nécessaire; car il semble, au contraire, évident que l'espace peut exister indépendamment de tous les corps qu'il renferme, et Aristote l'a plusieurs fois reconnu lui-même dans le cours de toute celte discussion; seulement il confond souvent le lieu et l'espace; et il est vrai alors qu'en tant que lieu, l'espace coexiste à la chose dont il est le lieu.

 - Les limites coexistent au limité, c'est exact, en ce sens que les limites du corps disparaissent avec le corps lui-même; mais l'espace n'est pas la limite du corps, comme la surface ou la ligne qui le détermine et lui donne sa forme.

§ 4. Dans un lieu, dans l'espace, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- Qui n'en a pas, qui n'a pas extérieurement un autre corps dont il soit enveloppé. Aristote fait sans doute cette remarque pour répondre à l'objection de Zénon rapportée plus haut, ch. 5, § 10 ; l'espace n'est pas dans l'espace, puisqu'après l'espace il n'y a plus de corps qui puisse l'envelopper, comme lui-même enveloppe les corps qu'il renferme. Ces corps sont bien dans un lieu ; mais l'espace n'y est plus.

§ 5. Même en supposant que l'eau formait l'univers, c'est le sens dans lequel la plupart des commentateurs ont compris ce passage ; et le contexte semble prouver que ce sens est bien le véritable; mais d'autres commentateurs ont compris que ceci faisait allusion à l'observation citée plus haut, ch. 2, § 1, de l'eau prenant dans le vase la place de l'air auquel elle succède. Le texte d'ailleurs dit simplement : « Quand bien même l'eau deviendrait telle. » L'expression est certainement bien vague, et peut prêter à des interprétations diverses. - Ses parties, il faut entendre les parties de l'univers plutôt que celles de l'eau, quoiqu'ici la chose revienne à peu près au même, d'après l'hypothèse que l'on fait suivant le système de Thalès.

- L'ensemble universel des choses, mot à mot : « Le tout. »

- En un sens il se meut, en tant que les parties qui le composent peuvent se mouvoir.

- En un autre sens il ne se meut pas, pris dans sa totalité, puisque le mouvement ne peut avoir lieu que par un changement de place, et que l'univers ne peut aller ailleurs qu'où il est.

- Il peut avoir un mouvement circulaire, c'est qu'alors il ne s'agit encore que des parties du ciel, quelque grandes qu'elles soient; mais le ciel entier, l'univers ne peut qu'être immobile, par la raison même qui vient d'en être donnée.

§ 6. Il y a des parties du ciel, Aristote veut parler évidemment du mouvement des grands corps célestes, qui ont, en effet, un mouvement à peu près circulaire, ou du moins elliptique.

- Qui peuvent devenir plus denses ou plus légères, ou simplement : « Qui sont denses ou légères; » mais il y a dans l'expression grecque la nuance que j'ai essayé de rendre dans la traduction.

§ 7. Ainsi que je l’ai déjà dit, voir plus haut, ch. 5, § 3.

- Dans un lieu, dans  l'espace, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- Qu'en puissance, c'est-à-dire qu'elles pourraient être aussi dans un lieu; mais elles sont d'abord et primitivement dans le tout dont elles font partie; et comme ce tout est dans l'espace, elles y sont elles-mêmes médiatement.

- Y sont en acte, c'est-à-dire comme des corps distincts, et subsistant par eux-mêmes.

- De parties homogènes, ou plutôt de parties similaires. - Reste continu, et qu'il ne forme pas plusieurs touts séparés.

- Ne sont dans un lieu qu'en puissance, parce qu'elles sont directement dans le tout, qui lui-même est dans un lieu.

 - Comme les grains d'une masse de blé, le texte n'est pas aussi précis. Cet exemple, qui n'est peut-être qu'une glose, éclaircit d'ailleurs fort bien la pensée. Elles y sont en acte, et indépendamment de tout autre corps qui peut être dans l'espace ainsi qu'elles.

§ 8. Qui sont en soi, c'est-à-dire directement et par elles-mêmes, sans y être par l'intermédiaire d'un autre. - Dans l'espace, dans un lieu, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- Par translation, c'est-à-dire par un changement complet de lieu et par un déplacement.

- Par un simple accroissement, sans changer de lieu et sur place. - Comme je viens de le dire, plus haut, § 5.

- N'est point tout entier quelque part, l'univers est dans lui-même et ne peut pas être ailleurs.

 - Puisqu'aucun corps ne l'embrasse, voir plus haut § 4.

- En tant qu'il se meut, il vient d'être dit un peu plus haut, § 5, qu'en un certain sens le ciel se meut, puisqu'il y a en lui des parties qui se meuvent.

- Sont à la suite l'une de l'autre, et forment, par conséquent, un tout continu, où elles ne sont véritablement qu'à l'état de parties, bien qu'elles semblent avoir un mouvement indépendant, en tant qu'elles sont des corps.

- Non en soi mais, j'ai ajouté ces mots afin de mieux marquer la différence. Après avoir établi que certaines choses sont par elles-mêmes et directement en soi dans l'espace, Aristote ajoute que certaines choses ne sont dans l'espace que par accident, c'est-à-dire non plus par elles-mêmes et en soi, mais indirectement par l'intermédiaire de certaines autres choses. Ainsi, l'âme n'est dans l'espace qu'indirectement, parce qu'elle est dans le corps, lequel est lui-même dans l'espace ; et le ciel est dans l'espace aussi, parce que quelques-unes de ses parties y sont en tant qu'elles sont mobiles. Mais le ciel entier ne peut pas y être, puisque c'est lui qui fait en quelque sorte l'espace en le remplissant tout entier. Ainsi l'âme et le ciel ne sont pas en soi dans l'espace, dans le lieu ; ils n'y sont qu'indirectement et comme on vient de le dire.

- Les parties si nombreuses du ciel, le texte dit : « Toutes les parties du ciel, »

- Qu'a certains égards, voir plus haut, § 5.

 - Dans le cercle une partie en enveloppe une autre, il faut entendre ici par le cercle la sphère entière du monde, où la révolution d'un des corps célestes est enveloppée par la révolution plus grande d'un autre corps.

- Le haut du ciel, le texte dit simplement : « Le haut ». Il faut entendre par là la partie du ciel et de l'univers où se meuvent les corps célestes, ou plutôt les planètes an-dessus de la terre.

- N'a qu'un mouvement circulaire, plusieurs manuscrits disent seulement : « A un mouvement circulaire. »

- L'univers, le tout, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.- Car le lieu, ou t'espace.

- Pour qu'un objet soit dans un lieu, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

- Du tout, de l'univers, il n'y a qu'un seul mot dans le grec.

 - Il ne peut rien y avoir, ceci est rationnellement évident ; et l'univers ne serait plus le tout, l'univers, s'il y avait quelque chose en dehors de lui.

§ 9. Sont-elles dans le ciel, le ciel veut dire ici l'espace infini.

- Sans la moindre exception, j'ai ajouté ces mots pour rendre toute la force de l'expression grecque.

- Car le ciel c'est l'univers, ceci n'est peut-être pas exact, si, par le ciel, on entend toute cette partie du monde visible à nos yeux; il est clair qu'au-delà des bornes de notre vue, le monde continue et s'enfonce dans l'infini, dont notre faible intelligence ne peut terne supporter le pensée.

- A ce qu'on peut supposer, cette réserve et redoute font grand honneur à la sagacité du philosophe.

- Le lieu n'est pas le ciel, entendez : Tout le ciel, le lieu n'étant qu'une partie du ciel.

- La limite immuable, voir plus haut, ch. 6, § 28, la définition résumée de l'espace.

- Au corps qui est en mouvement, et qui par conséquent est seul vraiment dans le lieu.

§ 10. La terre est dans l'eau, ceci veut dire que la terre est entourée d'eau; et c'est là une notion qu'acceptent très bien la géographie et l'astronomie de nos jours; mais la terre n'est pas dans l'eau comme l'eau est dans l'air, puisque l'air enveloppe de toutes parts et circulairement cette masse de terre et d'eau qui forme notre globe.

- L'eau est dans l'air, en ce sens que notre globe formé en grande partie d'eau est dans l'air, où il se soutient et fait sa révolution ; mais Aristote, tout en plaçant la terre dans l'air, ne l'en croit pas moins immobile et la prend pour le centre du monde.

 - Dans l'éther, voir sur l'éther la Météorologie, Livre I, ch. 3, p. 329, b, 21, édit. de Berlin.

- Le ciel n'est plus dans autre chose, il est évident qu'il faut arriver définitivement à quelque chose qui est en soi-même, et qui n'est plus dans une autre chose qui le contienne et l'enveloppe.

§ 11. On résout routes les questions, ces questions ont été posées plus haut dans le ch. 3.

- Que le lieu s'étende avec le corps, voir plus haut ch. 3, § 7.

 - Que le point ait un lieu, voir plus haut, ch. 3, § 3

.- Ni que deux corps soient dans un seul et même lieu, voir plus haut, ch. 3, § 2

- Ni qu'il y ait un intervalle corporel, voir plus haut, ch. 3, § 4. « Un intervalle corporel, » veut dire à proprement parler : Un corps ayant les trois dimensions, longueur, largeur et épaisseur, et c'est peut-être ainsi que j'aurais dû traduire

.- Dans le lieu, dans l'espace, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- L'intervalle d'un corps, c'est-à-dire les simples limites du corps, sans la substance et la matière même de ce corps.

- Le lieu lui-même est bien quelque part, ceci répond à l'objection de Zénon rapportée plus haut, ch. 3, § 6, et aussi ch. 5, § 10.

 - Comme la limite est dans le limité, ceci n'est pas tout à fait exact; car la limite fait partie du limité, tandis que l'espace ne fait point partie des corps, qu'il limite en les enveloppant. La limite n'est à vrai dire que la forme, qui est continue au corps, tandis que l'espace ne lui est jamais que contigu.

- Nécessairement, j'ai ajouté ce mot.

- Susceptible de mouvement, soit que ce corps ait le mouvement par lui-même, soit qu'il te reçoive d'un autre être, ou d'une cause extérieure.

§ 12. Chaque élément, c'est-à-dire chacun des quatre éléments : la terre, l'eau, l'air, le feu. Les considérations qui vont suivre, et qu'on pourrait appeler cosmologiques, se rattachent au fond à celles qui précèdent; mais cependant il eût été bon de montrer plus clairement I'enchaînement des pensées.

- Qui vient à sa suite et qui le touche, ceci se rapporte aux idées que les anciens se faisaient de la disposition des éléments entr'eux. Ils supposaient que tu terre occupait la partie la plus basse et le centre ou milieu ; l'eau venait ensuite, ayant avec la terre une certaine affinité par sa pesanteur, et avec l'air par sa liquidité, et sa vaporisation; l'air à son tour avait une certaine affinité par son humidité avec l'eau, et avec le feu par sa légèreté. Ainsi, chaque élément se trouvait en contact avec un élément qui lui était homogène, ou à peu pris homogène.

- Sans subir de violence, c'est-à-dire en ne suivant que le cours naturel et ordinaire des choses.

- Qui ont une nature identique, le feu n'agit pas sur le feu, l'eau n'agit pas sur l'eau, etc.

- Elles se touchent seulement, dans le sens où l'on vient de dire que l'eau touche la terre, que l'air touche l'eau, etc.

§ 13. C'est par des lois aussi naturelles et aussi sages, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

 - Que chaque élément en masse demeure naturellement, dans le § précédent, il a été expliqué comment chaque élément se porte dans le lieu qui lui est propre ; on explique dans celui-ci comment chaque élément demeure aussi dans le lieu qui lui est propre, si une force étrangère ne vient le dévier de sa tendance naturelle.

- Et telle partie, il faut entendre par ceci les différents éléments dont la réunion forme la totalité de l'univers.

- D'un élément, j'ai ajouté ces mots.

- Duquel elle est détachée, même remarque. Ces additions, dont la pensée est implicitement dans le texte, m'ont semble indispensables pour éclaircir ce passage dont l'obscurité a donné beaucoup de peine aux commentateurs.

- Quand on met en mouvement et qu'on déplace, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

 - L'eau est la matière, parce qu'elle est enveloppée par l'air, comme la matière est enveloppée par la forme, qui la détermine.

 - L'air est la forme, parce qu'il enveloppe l'eau.

- L'eau est la matière de l'air, d'abord dans le sens où il est dit ici que l'air enveloppe l'eau, et aussi peut-être en ce sens plus éloigné où l'eau en se vaporisant peut devenir de l'air.

 - En quelque sorte, cette restriction parait en effet nécessaire.

 - Est l'acte de l'eau, comme la forme est l'acte de la matière.

- En puissance, puisque l'eau peut se changer en air, quand elle se vaporise.

- Un autre point de vue, c'est-à-dire que l'air en se condensant peut devenir de l'eau.

- Plus tard, ce n'est pas dans la Physique qu'Aristote revient sur ces matières; mais il les étudie, soit dans la Météorologie, soit dans le Traité de la production et de la destruction.

- Dans la suite, ceci semblerait se rapporter au reste de la Physique.

 - Ici, j'ai ajouté ce mot.

- Matière et acte, en d'autres termes la matière et la forme, la matière n'étant qu'en puissance, et la forme seule étant en acte.

- Le rapport, de l'eau à l'air.

- En quelque sorte, restriction indispensable.

- Les deux éléments, c'est-à-dire l'air et l'eau ; voir plus haut, § 12.

- En acte, les deux n’en font plus qu'un, quand l'eau s'est changée en air, ou réciproquement l'air en eau, et que leur nature est devenue identique.

§ 14. Telle est notre théorie, résumé de toute la discussion précédente commencée avec ce livre. Aristote va passer à la discussion du vide, qu'il a annoncée, comme celle de l'infini et de l'espace, plus haut, Livre III, ch. 1, § 1. L'infini, l'espace, le vide et le temps sont les quatre questions qu'il faut préalablement éclaircir, afin de bien comprendre celle du mouvement.

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