LEÇONS DE PHYSIQUE
LIVRE IV.
DE L'ESPACE, DU VIDE ET DU TEMPS.
CHAPITRE XII.
Suite; expérience du cube placé
successivement dans l'eau, qu'il déplace d'une quantité égale à la
sienne, et dans l'air, où le même phénomène se passe, quoique non
visible; dans le vide, en phénomène est impossible ; donc le vide
n'existe point séparément des corps. |
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1 Καὶ καθ' αὑτὸ δὲ σκοποῦσιν φανείη ἂν τὸ λεγόμενον κενὸν ὡς ἀληθῶς κενόν. 2 Ὥσπερ γὰρ ἐὰν ἐν ὕδατι τιθῇ τις κύβον, ἐκστήσεται τοσοῦτον ὕδωρ ὅσος ὁ κύβος, οὕτω καὶ ἐν ἀέρι· ἀλλὰ τῇ αἰσθήσει ἄδηλον. Καὶ αἰεὶ δὴ ἐν παντὶ σώματι ἔχοντι μετάστασιν, ἐφ' ὃ πέφυκε μεθίστασθαι, ἀνάγκη, ἂν μὴ συμπιλῆται, μεθίστασθαι ἢ κάτω αἰεί, εἰ κάτω ἡ φορὰ ὥσπερ γῆς, ἢ ἄνω, εἰ πῦρ, ἢ ἐπ' ἄμφω, [ἢ] ὁποῖον ἄν τι ᾖ τὸ ἐντιθέμενον· ἐν δὲ δὴ τῷ κενῷ τοῦτο μὲν ἀδύνατον (οὐδὲν γὰρ σῶμα), διὰ δὲ τοῦ κύβου τὸ ἴσον διάστημα διεληλυθέναι, ὅπερ ἦν καὶ [216b] πρότερον ἐν τῷ κενῷ, ὥσπερ ἂν εἰ τὸ ὕδωρ μὴ μεθίστατο τῷ ξυλίνῳ κύβῳ μηδ' ὁ ἀήρ, ἀλλὰ πάντῃ διῄεσαν δι' αὐτοῦ. 3 Ἀλλὰ μὴν καὶ ὁ κύβος γε ἔχει τοσοῦτον μέγεθος, ὅσον κατέχει κενόν· ὃ εἰ καὶ θερμὸν ἢ ψυχρόν ἐστιν ἢ βαρὺ ἢ κοῦφον, οὐδὲν ἧττον ἕτερον τῷ εἶναι πάντων τῶν παθημάτων ἐστί, καὶ εἰ μὴ χωριστόν· λέγω δὲ τὸν ὄγκον τοῦ ξυλίνου κύβου. Ὥστ' εἰ καὶ χωρισθείη τῶν ἄλλων πάντων καὶ μήτε βαρὺ μήτε κοῦφον εἴη, καθέξει τὸ ἴσον κενὸν καὶ ἐν τῷ αὐτῷ ἔσται τῷ τοῦ τόπου καὶ τῷ τοῦ κενοῦ μέρει ἴσῳ ἑαυτῷ. Τί οὖν διοίσει τὸ τοῦ κύβου σῶμα τοῦ ἴσου κενοῦ καὶ τόπου; καὶ εἰ δύο τοιαῦτα, διὰ τί οὐ καὶ ὁποσαοῦν ἐν τῷ αὐτῷ ἔσται; Ἓν μὲν δὴ τοῦτο ἄτοπον καὶ ἀδύνατον. 4 Ἔτι δὲ φανερὸν ὅτι τοῦτο ὁ κύβος ἕξει καὶ μεθιστάμενος, ὃ καὶ τὰ ἄλλα σώματα πάντ' ἔχει. Ὥστ' εἰ τοῦ τόπου μηδὲν διαφέρει, τί δεῖ ποιεῖν τόπον τοῖς σώμασιν παρὰ τὸν ἑκάστου ὄγκον, εἰ ἀπαθὲς ὁ ὄγκος; οὐδὲν γὰρ συμβάλλεται, εἰ ἕτερον περὶ αὐτὸν ἴσον διάστημα τοιοῦτον εἴη. [Ἔτι δεῖ δῆλον εἶναι οἷον κενὸν ἐν τοῖς κινουμένοις. Νῦν δ' οὐδαμοῦ ἐντὸς τοῦ κόσμου· ὁ γὰρ ἀὴρ ἔστιν τι, οὐ δοκεῖ δέ γε – οὐδὲ τὸ ὕδωρ, εἰ ἦσαν οἱ ἰχθύες σιδηροῖ· τῇ ἁφῇ γὰρ ἡ κρίσις τοῦ ἁπτοῦ.] 5 Ὅτι μὲν τοίνυν οὐκ ἔστι κεχωρισμένον κενόν, ἐκ τούτων ἐστὶ δῆλον. |
§ 1. A regarder la chose en elle-même, on pourrait trouver que ce qu'on nous donne pour le vide est bien parfaitement vide en effet. § 2. En voici une nouvelle preuve. Si l'on plonge un cube dans l'eau, il y aura autant d'eau déplacée que le cube est grand, et ce même déplacement a lieu dans l'air, bien qu'alors le phénomène échappe à nos sens. Ainsi, pour tout corps quelconque qui doit se déplacer de cette façon, il y a nécessité constante, à moins qu'il ne se concentre et ne se comprime, qu'il se déplace dans le sens qui lui est naturel, et qu'il se dirige toujours en bas, si sa tendance naturelle est en bas comme celle de la terre; ou en haut, comme le feu; ou dans les deux sens comme l'air ; et cela, quel que soit le corps qui se trouve dans le milieu traversé. Or, dans le vide, rien de tout cela n'est possible ; car le vide n'est pas un corps. Mais il semble que ce même intervalle, qui tout à l'heure était dans le vide ; [216b] oit pénétrer le cube dans cette même dimension, comme si l'eau et l'air, au lieu de céder la place à ce cube de bois, le pénétraient l'un et l'autre de part en part. § 3. Cependant le cube a tout autant d'étendue qu'en occupe le vide; et, ce corps a beau être chaud ou froid, pesant ou léger, il n'en est pas moins différent par essence de toutes les affections qu'il subit, bien que d'ailleurs il n'en soit pas séparable. J'entends la masse du cube que je suppose être de bois. Par conséquent, en admettant même qu'il soit séparé de toutes ses autres qualités, et qu'il ne soit ni lourd ni léger, il occupera une égale quantité de vide, et il sera dans la partie de l'espace, ou la partie du vide, qui lui est égale. Alors, en quoi donc le corps de ce cube différera-t-il d'un espace égal ou d'un vide égal à lui? Et, s'il en est ainsi pour deux corps, pourquoi des corps en un nombre quelconque ne seraient-ils pas aussi dans un seul et même lieu? Voilà une première absurdité et une première impossibilité. § 4. Mais, en outre, il est clair que ce cube, tout en se déplaçant, conservera les propriétés qu'ont tous les autres corps, [c'est-à-dire les trois dimensions]. Si donc il ne diffère point de l'espace qui le contient, à quoi sert alors d'imaginer pour les corps un espace séparé de l'étendue de chacun d'eux, si cette étendue reste immuable? Car il n'est que faire d'un autre intervalle qui entoure le corps, en étant égal à lui et tel que lui. § 5. On doit voir d'après ce qui précède que le vide n'est pas séparé des choses. |
Ch. XII, § 1. La chose en elle-même, ou peut-être : « Le vide en soi, » indépendamment de ses rapports avec le mouvement. - Est bien parfaitement vide en effet, cette tournure ironique parait bien peu d'accord avec la gravité habituelle d'Aristote; et l'espèce de jeu de mots que renferme le texte en grec comme en français est assez singulier. Mais il semble sûr que c'est ainsi que les commentateurs grecs, Thémistius et Simplicius entr'autres, ont compris ce passage. § 2. En voici une preuve nouvelle, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. - Un cube, c'est-à-dire un corps solide ayant les trois dimensions, bien que ce ne soit pas précisément un corps de forme cubique. - Il y aura autant d'eau déplacée, cette observation était neuve et curieuse au temps d'Aristote. - De cette façon, j'ai ajouté ces mots. - Qu'il ne se concentre et ne se comprime, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. - Comme celle de la terre, ou de tout corps qui, selon les doctrines de l'antiquité, a la terre pour élément prédominant. - Comme l'air, il y a des manuscrits qui n'ont pas ces mots; l'édit. de Berlin ne les adopte pus, et elle ne cite aucun manuscrit pour justifier cette omission. - Doit pénétrer le cube, cette conséquence n'est pas évidente, et il eût fallu en donner une démonstration. - Le pénétraient de part en part, et prenaient en quelque sorte sa place. Le vide ne cédant pas comme l'eau ou l'air qui se déplacent devant le corps qu'on y plonge. Aristote croit pouvoir eu conclure, en supposant l'existence du vide, que le vide entre dans le corps, qui serait alors pénétrable, contre les théories communément admises sur l'impénétrabilité des corps. On arriverait alors à cette absurdité que deux corps peuvent être simultanément dans un même lieu. § 3. Tout autant d'étendue, matérielle, indépendamment de ce que peuvent être les qualités qui affectent sa substance. - Par essence, comme la substance est différente de ses attributs, sous lesquels elle demeure toujours la même. - Des affections qu'il subit, à le suite de ces mots, quelques manuscrits ajoutent : Et il l'est même davantage. L'édition de Berlin n'a pas cette addition, qu'un peut supprimer sans inconvénient, et que peut-être Thémistius et Simplicius ne connaissaient pas. - Il occupera une égale quantité de vide, par cela seul que sa propre quantité ne changera pas, et que quels que soient son poids et la température, il n'en aura pas moins toujours les mêmes dimensions. - Différera-t-il d'un espace égal, et alors le corps, qui est dans l'espace on le vide, se confond avec eux, et si le vide est aussi un corps comme on le suppose, il y a deux corps dans un même lieu. Du moment qu'il y en a deux, pourquoi n'y en aurait-il pas un nombre infini - Une première absurdité, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Et une première impossibilité, même remarque. § 4. (C'est-à-dire, les trois dimensions), j'ai cru devoir ajouter cette explication qui ne se trouve pas dans le texte grec, mais que donnent tous les commentateurs grecs. - Un espace séparé, par l'espace, il faut entendre ici le vide, avec lequel on confond l'espace. - Si cette étendue reste immuable, dans ses dimensions quelles que soient d'ailleurs ses qualités. - D'un autre intervalle, ou bien : « D'une autre étendue.» - Après ce §, les éditions ordinaires, y compris celle de Berlin, ajoutent un autre ainsi conçu : « Il faut bien savoir aussi qu'il ne s'agit que du vide dans les corps qui se meuvent ; car nulle part le vide ne se montre dans l'intérieur du monde. L'air est un corps, bien qu'on ne le voie pas; l'eau ne se verrait pas plus que lui si les poissons y étaient de fer; et c'est le toucher qui est juge de l'existence des corps sensibles. » Tout ce passage, fort peu intelligible, a bien l'air d'une glose ajoutée à la marge de quelque manuscrit et passée de là dans le texte. Les commentateurs grecs ne connaissent point cette phrase; mais elle est connue et acceptée par ceux du moyen-âge, Albert-le-Grand et Saint Thomas. Les éditeurs qui l'ont donnée ont eu soin de la mettre entre crochets, pour indiquer qu'elle est suspecte. Pour moi, je ne crois pas qu'elle doive faire partie du texte; et il est évident qu'elle contient certains détails qui paraissent plutôt une note qu'une rédaction définitive. § 5. N'est pas séparé des choses, c'est la conclusion annoncée dès le début du chapitre 11.
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