LIVRE III
DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI.
CHAPITRE VI.
Sens divers du mot Infini. -
Discussion des opinions diverses ; réfutation de la théorie
Pythagoricienne; l'infini ne peut être séparé des choses sensibles;
et s'il n'est qu'un accident, on ne peut plus en faire un principe;
contradiction des Pythagoriciens qui font de l'infini une substance
divisible. |
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1 Πρῶτον οὖν διοριστέον ποσαχῶς λέγεται τὸ ἄπειρον. 2 Ἕνα μὲν δὴ τρόπον τὸ ἀδύνατον διελθεῖν τῷ μὴ πεφυκέναι διιέναι, ὥσπερ ἡ φωνὴ ἀόρατος· ἄλλως δὲ τὸ διέξοδον ἔχον ἀτελεύτητον, ἢ ὃ μόγις, ἢ ὃ πεφυκὸς ἔχειν μὴ ἔχει διέξοδον ἢ πέρας. 3 Ἔτι ἄπειρον ἅπαν ἢ κατὰ πρόσθεσιν ἢ κατὰ διαίρεσιν ἢ ἀμφοτέρως. 4 Χωριστὸν μὲν οὖν εἶναι τὸ ἄπειρον τῶν αἰσθητῶν, αὐτό τι ὂν ἄπειρον, οὐχ οἷόν τε. Εἰ γὰρ μήτε μέγεθός ἐστιν μήτε πλῆθος, ἀλλ' οὐσία αὐτό ἐστι τὸ ἄπειρον καὶ μὴ συμβεβηκός, ἀδιαίρετον ἔσται (τὸ γὰρ διαιρετὸν ἢ μέγεθος ἔσται ἢ πλῆθος)· εἰ δὲ τοιοῦτον, οὐκ ἄπειρον, εἰ μὴ ὡς ἡ φωνὴ ἀόρατος. Ἀλλ' οὐχ οὕτως οὔτε φασὶν εἶναι οἱ φάσκοντες εἶναι τὸ ἄπειρον οὔτε ἡμεῖς ζητοῦμεν, ἀλλ' ὡς ἀδιεξίτητον. 5 Εἰ δὲ κατὰ συμβεβηκὸς ἔστιν τὸ ἄπειρον, οὐκ ἂν εἴη στοιχεῖον τῶν ὄντων, ᾗ ἄπειρον, ὥσπερ οὐδὲ τὸ ἀόρατον τῆς διαλέκτου, καίτοι ἡ φωνή ἐστιν ἀόρατος. 6 Ἔτι πῶς ἐνδέχεται εἶναί τι αὐτὸ ἄπειρον, εἴπερ μὴ καὶ ἀριθμὸν καὶ μέγεθος, ὧν ἐστι καθ' αὑτὸ πάθος τι τὸ ἄπειρον; Ἔτι γὰρ ἧττον ἀνάγκη ἢ τὸν ἀριθμὸν ἢ τὸ μέγεθος.
7
Φανερὸν δὲ καὶ ὅτι οὐκ ἐνδέχεται εἶναι τὸ ἄπειρον ὡς ἐνεργείᾳ ὂν καὶ
ὡς οὐσίαν καὶ ἀρχήν· ἔσται γὰρ ὁτιοῦν αὐτοῦ ἄπειρον τὸ λαμβανόμενον,
εἰ μεριστόν (τὸ γὰρ ἀπείρῳ εἶναι καὶ ἄπειρον τὸ αὐτό, εἴπερ οὐσία τὸ
ἄπειρον καὶ μὴ καθ' ὑποκειμένου), ὥστ' ἢ ἀδιαίρετον ἢ εἰς ἄπειρα
διαιρετόν· πολλὰ δ' ἄπειρα εἶναι τὸ αὐτὸ ἀδύνατον (ἀλλὰ μὴν ὥσπερ
ἀέρος ἀὴρ μέρος, οὕτω καὶ ἄπειρον ἀπείρου, εἴ γε οὐσία ἐστὶ καὶ
ἀρχή)· ἀμέριστον ἄρα καὶ ἀδιαίρετον. Ἀλλ' ἀδύνατον τὸ ἐντελεχείᾳ ὂν
ἄπειρον· ποσὸν γάρ τι εἶναι ἀναγκαῖον.
8 Κατὰ συμβεβηκὸς ἄρα
ὑπάρχει τὸ ἄπειρον. Ἀλλ' εἰ οὕτως, εἴρηται ὅτι οὐκ ἐνδέχεται αὐτὸ
λέγειν ἀρχήν, ἀλλ' ᾧ συμβέβηκε, τὸν ἀέρα ἢ τὸ ἄρτιον.
9 Ὥστε ἀτόπως ἂν
ἀποφαίνοιντο οἱ λέγοντες οὕτως ὥσπερ οἱ Πυθαγόρειοί φασιν· ἅμα γὰρ
οὐσίαν ποιοῦσι τὸ ἄπειρον καὶ μερίζουσιν. |
§ 1. Un premier soin qu'il faut prendre, c'est de définir les acceptions diverses du mot Infini. § 2. En un sens, on appelle infini ce qui ne petit être parcouru, attendu que par sa nature il ne peut être mesuré, de même que la voix par sa nature est invisible. En un autre sens, l'infini est ce dont le cours est sans terme ou à peu près sans terme ; ou bien ce qui par nature pouvant avoir un terme qui finisse son cours, n'en a pas cependant et n'a pas de limite. § 3. Enfin tout peut être considéré comme infini, soit sous le rapport de l'addition, soit sous le rapport de la division, soit sous ces deux rapports à la fois. § 4. Il est impossible que l'infini soit séparé des choses sensibles, et que ce quelque chose soit lui-même infini; car si l'infini n'est ni grandeur ni nombre, et qu'il soit essentiellement substance et non point accident, dès lors il est indivisible, puisque le divisible est toujours, ou une quantité, ou un nombre. Mais s'il est indivisible, il n'est plus infini, si ce n'est comme on dit que la voix est invisible. Or, ce n'est pas ainsi que le considèrent les philosophes qui affirment son existence, et ce n'est pas sous cet aspect que nous l'étudions nous-mêmes. C'est seulement comme ne pouvant être parcouru. § 5. D'autre part, si l'infini existe comme simple accident, il n'est plus dès lors un élément des êtres en tant qu'infini, pas plus que l'invisible n'est l'élément du langage, bien que la voix soit invisible. § 6. De plus, comment comprendrait-on que quelque chose puisse par soi-même être l'infini, quand le nombre et la grandeur dont l'infini est essentiellement une propriété, ne seraient point séparés eux-mêmes des choses? Car il y aura moins de nécessité pour cette chose d'être infinie que pour le nombre et la grandeur. § 7. Il est évident encore que l'infini ne peut pas plus être en acte, qu'il ne peut être substance et principe, car alors toute partie qu'on lui emprunterait serait infinie, puisqu'il est divisible ; et que l'infini et l'essence de l'infini se confondent, du moment que l'infini est une substance et qu'il n'est pas un attribut dans un sujet. Par conséquent, ou l'infini est indivisible, ou il est divisible en d'autres infinis. Mais il ne se peut pas que la même chose soit plusieurs infinis. Cependant il faudrait que de même que l'air est une partie de l'air, de même il pût y avoir un infini d'infini, si l'on admet l'infini comme substance et principe. Donc l'infini est sans parties, et il est indivisible. Mais il est impossible que l'être en acte soit infini, puisqu'il faut nécessairement qu'il soit une quantité déterminée. § 8. Par conséquent, l'infini n'existe que comme accident. Mais s'il en est ainsi, nous avons dit qu'on ne petit plus l'appeler un principe ; et alors le véritable principe, c'est ce dont l'infini est l'accident, soit l'air, soit le nombre pair, etc. § 9. C'est donc se tromper étrangement que de traiter l'infini comme le font les Pythagoriciens, qui tout à la fois en font une substance et le divisent en parties. |
Ch. VI, § 1, C'est de définir, c'est de la même manière qu'Aristote cru devoir définir plus haut les mots d'Être et d'Un, Livre 1, ch. 3, le mot de Nature, Livre II, ch. 4 ; le mot de Mouvement, Livre III, ch.4, etc., etc. Ce soin de définir les termes est très important, et Aristote n'y a jamais manqué. Dans la Métaphysique, il y a consacré tout un livre. § 2. Ce qui ne peut être parcouru, Simplicius croit qu'il s'agit ici des choses qui, comme le point, ne peuvent être parcourues, attendu qu'elles sont sans dimension d'aucune sorte. - Il ne peut être mesuré, le texte n'est peul-être pas aussi formel ; mais j'ai cru pouvoir rendre la traduction un peu plus précise, à cause de l'explication même de Simplicius. - Ce dont le cours est sans terme, ce sont alors des choses qui ont des: dimensions, et dont les dimension: sont sans fin, - Ou a peu près sans terme, c'est-à-dire, sans terme accessible aux forces humaines. C'est alors une chose immense à laquelle ou applique par exagération l'épithète d'infini. - N'en a pas cependant, il faudrait ajouter : « Pour nous, pour l'homme, » ou quelque chose d'analogue. § 3. Sous le rapport de l'addition, c'est-à-dire que toujours au-delà d'une quantité donnée, on est maître de supposer une quantité plus grande. - Sous le rapport de la division, un continu étant donné, on peut toujours le supposer divisible à l'infini. Ces différentes acceptions du mot d'Infini ne sont pas très nettement tranchées. Je n'ai pas pu éclaircir davantage le texte dans ma traduction; car autrement il aurait fallu y substituer une paraphrase. § 4. Soit séparé des choses sensibles, voir plus haut ch. 4, § 3, les opinions des Pythagoriciens et de Platon sur ce point. La discussion actuelle semble s'adresser plus particulièrement à Platon. - Et qu'il soit essentiellement substance, c'est la théorie de Platon et des Pythagoriciens, loc. cit. - Dès lors il est indivisible, ce qui contredit l'idée même de l'infini, qui est essentiellement divisible. Toute substance au contraire est indivisible par sa nature et n'est pas susceptible de plus et de moins. Voir les Catégories, ch, 5, § 20, p. 69 de ma traduction. - Ou une quantité ou un nombre, et la substance n'est ni l'un, ni l'autre. - Si ce n'est comme on dit, c'est-à-dire indirectement et dans un sens détourné. La voix n'est pas faite par nature pour être vue ; c'est donc accidentellement qu'on dit qu'elle n'est pas visible, De même pour l'infini; si on le fait indivisible et substance, ce n'est qu'indirectement qu'on peut l'appeler encore infini ; car alors par la nature qu'on lui prête, il est nécessairement indivisible. § 5. Il n'est plus dès lors un élément des êtres, comme le croyaient Platon et les Pythagoriciens; voir plus haut ch. 4, § 3. - En tant qu'infini, car c'est la substance qui est le principe des choses et non pas l'accident. - L'élément du langage, que forme la voix en tant que voix et non pas en tant qu'invisible. § 6. Par soi-même, c'est-à-dire, en tant que séparé des choses sensibles. - Ne seraient point séparés eux-mêmes des choses, le texte est moins formel, et j'ai dû compléter la pensée pour la rendre claire. - Que pour le nombre et la grandeur, que l'on ne peut pas concevoir autrement qu'infinis. § 7. L'infini ne peut pas plus être en acte, comme le supposaient les Pythagoriciens, qui en faisaient une chose accessible aux sens. Voir plus haut ch. 4, § 4 - En acte, c'est-à-dire réel, et perceptible comme le sont tous les êtres de la nature. -Toute partie qu'on lui emprunterait serait infinie, comme une partie de l'air est encore de l'air, ainsi qu'il est dit quelques lignes plus bas. - Puisqu'il est indivisible, l'idée de divisibilité étant nécessairement comprise dans celle d'infini. - Et que l'infini et l'essence de l'infini, ceci revient à dire que tout ce qui est infini se confond essentiellement avec l'infini lui-même. - Un attribut dans un sujet, c'est la théorie à laquelle inclinera personnellement Aristote, du moins à ce qu'il semble d'après le § suivant. - Cependant il faudrait, si l'on admet que l'infini est une substance, il faut conclure que chaque partie de l'infini est l'infini même, puisque la substance n'est pas susceptible de plus et de moins. - Une quantité déterminée, j'ai ajouté ce dernier mot. § 8. Par conséquent, ce raisonnement est peut-être personnel à Aristote, ou peut-être ne fait-il que le prêter aux Pythagoriciens qu'il continue de réfuter. - Mais s'il en est ainsi, ceci paraît une objection à l'opinion qui vient n'être émise, et qu'Aristote alors n'adopterait pas. - On ne peut plus l'appeler un principe, comme l'ont fait tous les philosophes; voir pl s haut ch. 4, § 2. § 9. C'est donc se tromper étrangement, ce chapitre tout entier n'est donc qu'une réfutation des Pythagoriciens. - Et le divisent en parties, quoique la substance soit indivisible, voir les Catégories, loc. cit.
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